EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère, président, le présent rapport lors de sa réunion du mardi 18 décembre 2012. A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'engage.

M. Daniel Reiner. - Nous allons naturellement ratifier cette adhésion qui est dans l'ordre historique des choses et qui répond à un engagement moral de l'Union européenne vis-à-vis des pays de l'Est après la chute du Mur en 1989 et vis-à-vis des Balkans après l'éclatement de la Yougoslavie. Cet engagement doit être respecté. Des efforts ont été faits pour satisfaire aux conditions de l'adhésion, plus ou moins bien suivant les pays. J'étais en Roumanie et en Bulgarie juste avant l'adhésion et nous savions pertinemment que la situation n'était pas totalement satisfaisante, mais qu'il était politiquement important de les accueillir dans l'Union européenne. La situation n'est d'ailleurs pas idéale en Hongrie où les principes démocratiques les plus élémentaires ne sont pas toujours respectés. Dans un vote récent, le peuple croate a montré son adhésion au projet européen, mais son entrée dans l'Union risque de se faire dans l'indifférence générale, ce qui pose la question de la force propulsive de la construction européenne. Le projet européen n'est-il pas en train de perdre de sa puissance et de sa spécificité ? Du fait des circonstances historiques, nous avons raté le débat entre l'élargissement et l'approfondissement. Nous portons tous une idée de la construction européenne qui n'est pas compatible avec les conditions de l'élargissement actuel. Je prends l'exemple de la politique de sécurité et de défense communes : la Croatie sera, comme les autres candidats, que nous avons récemment rencontrés à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN à Prague, un élément de l'ensemble, mais ces pays ont-ils une autre ambition en matière de défense qu'une simple protection contre le retour des vieux démons de l'Europe balkanique et centrale ? C'est donc sans enthousiasme que nous voterons cette ratification.

M. Jacques Berthou. - On parle beaucoup des critères d'adhésion à l'Union européenne, que les candidats s'efforcent de respecter, mais qu'en est-il pour les membres actuels de l'Union européenne ? Dans le cas hongrois, l'Union européenne ne fait que constater, impuissante... La Croatie a une relation historique avec l'Allemagne et renforcera donc la position de cette dernière en Europe, ce qui va déstabiliser encore plus les rapports de force.

Mme Josette Durrieu. - Ayant suivi pendant de nombreuses années la mise en place des accords de Dayton au nom du Conseil de l'Europe, j'atteste de la solidité de la Croatie, peuple exceptionnel. L'allié français traditionnel dans la zone est la Serbie, mais les Croates ont su se reconstruire et c'est un pays des Balkans à qui l'on peut faire confiance.

J'ai voulu tout comme vous l'élargissement de l'Europe, sauf que la crise économique s'est installée concomitamment... La Méditerranée reste une zone instable et la perspective européenne y agit comme un élément de stabilisation. C'est d'ailleurs bien le rôle des fonds structurels et des instruments de sécurité collective. Or, plutôt qu'un grand dessein européen, ce sont plutôt les nationalismes en tous genres qui y ont prospéré, comme en Hongrie ou en République Tchèque. Il ne faut pas oublier non plus le rôle déstabilisateur de la Russie, qui se cache derrière tous les conflits « gelés ».

M. André Vallini. - La Croatie est armée pour entrer dans l'Union. Je pense tout comme vous que l'élargissement s'est fait trop rapidement, sans préparation suffisante parfois, pour des raisons politiques louables : il fallait réunifier une Europe divisée. Se pose aujourd'hui la question d'une Europe à plusieurs vitesses, y compris pour les politiques budgétaire et fiscale.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Je partage les analyses précédentes sur le dilemme entre l'élargissement et l'approfondissement. Je suis favorable à l'entrée de la Croatie, par raison, et non par enthousiasme. Nous devons réfléchir à la nouvelle architecture de l'Europe, une Europe à géométrie variable, ou plutôt à cercles concentriques, autour du noyau franco-allemand, moteur qui restera essentiel, avec un deuxième cercle réunissant les états qui souscrivent à une approche fédérale de l'Europe, qui recoupent plus ou moins la zone euro, et enfin, un troisième cercle, celui de « l'Europe espace », intergouvernemental et libre-échangiste, rassemblant à la fois les nouveaux entrants, en phase « d'acclimatation », et les États qui, par leur culture ou leur histoire, n'accepteront pas l'Europe fédérale. Mais l'Union européenne ne doit pas pour autant devenir un conglomérat de rythmes différenciés.

Après les élections européennes de 2014, les chefs d'État doivent retrouver la vision des pères fondateurs, avoir le courage de poser le problème et de faire des propositions pour avancer.

M. Jean Besson. - Je me retrouve totalement dans cette intervention.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Quelle est la différence entre l'Europe des cercles concentriques et la Tour de Babel ?

M. Pierre Bernard-Reymond. - C'est faute d'installer une nouvelle architecture qu'on en arriverait à la Tour de Babel. Il faut, pour commencer, renforcer l'entente franco-allemande, que je qualifierai de « quasi-nation ». Certains peuples veulent aller plus loin à l'heure de la mondialisation, d'autres n'ont pas cette conception. Nous devons articuler « l'Europe espace » et « l'Europe puissance », le tout dans une ambiance de morosité économique et politique.

M. Alain Néri. -Je partage vos analyses. Mais si on souhaite une harmonisation sociale, il faut aussi une harmonisation fiscale.

M. Jean-Louis Carrère. - ...et économique également. C'est une vaste question, qui dépasse notre débat d'aujourd'hui.

Puis la commission adopte, à l'unanimité, le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne.

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