D. L'ÉTIQUETAGE ET LA VOLONTÉ DE « SAVOIR CE QU'ON MANGE »

1. Une attente des consommateurs

Des sociologues comme M. Claude Fischler (CNRS) entendu au Sénat par l'Office parlementaire d'évaluation des choix technologiques et scientifiques indiquent que les citoyens, s'inquiètent -« le problème de l'alimentation moderne est qu'on ne sait plus ce que l'on mange »- et font observer que, sur un plan symbolique et culturel, « savoir ce que l'on mange est très important car c'est un peu savoir ce que l'on est » . Peu informés des techniques d'alimentation animale un certain nombre de consommateurs semblent penser que, pour minimiser les risques, la solution est de se tourner vers des produits de qualité plus coûteux, labellisés. Cependant, « seule une minorité peut se le permettre occasionnellement ; les autres se sentent enfermés dans une espèce de ghetto, d'où une véhémence qui est comme vous l'imaginez encore plus forte. ».

L'indication de l'origine n'est actuellement obligatoire que pour la viande bovine et les produits à base de viande bovine dans l'Union européenne et, comme le soulignent les considérants du règlement INCO, cela a créé une attente de la part des consommateurs. L'analyse d'impact effectuée par la Commission européenne a confirmé que l'origine de la viande semble être la préoccupation première des consommateurs.

D'autres viandes étant largement consommées dans l'Union, comme la viande porcine, ovine, caprine et la viande de volaille, il a donc semblé approprié à l'Union européenne d'imposer une obligation de déclaration d'origine pour ces produits, tout en prenant en considération que les exigences particulières relatives à l'origine pourraient différer d'un type de viande à un autre en fonction des caractéristiques de l'espèce animale.

Les associations de consommateurs entendues par la mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe ont présenté des exemples concrets d'étiquetage qui font apparaitre le contraste saisissant entre les multiples informations portées sur l'emballage d'un produit brut de viande bovine et, à l'inverse, le dénuement de l'étiquetage d'un produit composé de tranches de viande agrémenté de quelques olives.

Votre rapporteur estime nécessaire, pour ces produits transformés - souvent consommés par des personnes isolées ou contraintes par le manque de temps - d'apporter des indications relatives à l'ingrédient principal. Bien entendu, il semble, en pratique, impossible de consigner sur l'emballage toutes les informations relatives aux plats composés d'une vingtaine d'ingrédients.

2. L'application de la nouvelle réglementation devrait être accélérée par rapport au calendrier initial

La proposition de résolution, avant tout soucieuse de transparence, vise à accélérer la mise en oeuvre du règlement relatif à l'étiquetage des produits alimentaires.

Le règlement INCO n° 1169/2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires doit entrer progressivement en vigueur et l'essentiel de ses dispositions devrait être applicable à la fin de l'année 2014. Ce règlement prévoit qu'un certain nombre de rapports soient établis par la commission, en particulier pour préciser les modalités d'étiquetage de l'ingrédient « viande » dans les produits transformés. Un tel étiquetage peut, en effet, se révéler très complexe et très coûteux à mettre en oeuvre, notamment lorsque les ingrédients ont des origines différentes. Dans le contexte d'une exigence très forte de transparence de la part des consommateurs, les ministres se sont montrés très exigeants vis-à-vis de la commission et ont demandé que la publication de ce rapport, prévue pour décembre 2013, soit avancée au mois de septembre de manière à ce qu'un texte puisse ensuite être adopté et soit applicable rapidement.

3. Trouver un équilibre entre l'insuffisance et le trop plein d'informations sur les étiquetages

Votre rapporteur a recueilli le point de vue des praticiens de l'étiquetage qui attendent des réponses opérationnelles à leurs interrogations.

Coop de France a fait connaître, lors de son audition, ses hypothèses sur l'interprétation des dispositions essentielles du nouveau règlement européen INCO.

L'article 26.2. de ce texte prévoit que l'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance d'une denrée alimentaire est obligatoire :

- pour les viandes fraîches, réfrigérées ou congelées, non seulement des espèces bovines, comme l'exige le droit en vigueur, mais aussi porcines, ovines, caprines et de volailles.

- et dans les cas où son omission serait susceptible d'induire en erreur les consommateurs sur le pays d'origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l'étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d'origine ou un lieu de provenance différent.

En ce qui concerne les viandes fraîches, réfrigérées ou congelées , cette organisation professionnelle estime essentiel que la notion de pays d'origine ou de lieu de provenance intègre avant tout la notion de lieu de production agricole. Ainsi, pour toutes les espèces concernées par la mesure (bovines, porcines, ovines, caprines et de volailles), elle est d'avis que l'information doit être obligatoirement définie au niveau du pays, y compris pour les importations. Il serait possible de fournir également des informations concernant la région/province/zone, et ce, sur base volontaire, en tant qu'information complémentaire. Les trois étapes de vie de l'animal (naissance/élevage ou engraissement/abattage) devraient être étiquetées si elles sont différentes. Si au contraire il n'y a pas de différence, le pays d'origine devrait suffire.

En pratique, l'information devrait apparaître comme suit :

- en/au [nom de l'État membre/du pays tiers]

- élevé/engraissé en/au [nom de l'État membre/du pays tiers]

- abattu en/au [nom de l'État membre/du pays tiers]

ou

- origine : [nom de l'État membre/du pays tiers]

Par ailleurs, selon l'article 26.3 du règlement INCO, lorsque le pays d'origine ou le lieu de provenance de la denrée alimentaire est indiqué et qu'il n'est pas celui de son ingrédient primaire,

- le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire en question est également indiqué ou,

- le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire est indiqué comme étant autre que celui de la denrée alimentaire.

Interrogé sur son interprétation de la notion d'origine de l'ingrédient primaire, Coop de France a d'abord rappelé que l'ingrédient primaire d'une denrée alimentaire, tel que défini dans le règlement européen, est celui qui constitue plus de 50 % de la denrée alimentaire ou qui est habituellement associé à la dénomination de vente de cette denrée par les consommateurs.

L'organisation estime que le pays d'origine ou lieu de provenance de cet ingrédient doit correspondre, dans la mesure du possible, au lieu de production agricole. En effet, cette notion correspond à la représentation que se fait le consommateur de l'origine d'une denrée alimentaire : le lieu de transformation associé au lieu de production des matières premières agricoles.

Enfin, Coop de France fait observer que le règlement INCO ne tranche pas sur le niveau géographique à mentionner sur l'étiquetage et suggère de se baser en priorité sur le niveau national, tout en assurant une certaine cohérence avec l'information portée sur la denrée. Cette position conduirait, par exemple, à mentionner :

-  « Fromage fabriqué en France avec du lait de pays X (si le lait n'est pas français) ou lait d'origine UE (s'ils sont issus de différents pays de l'UE) » ;

- « Fromage fabriqué dans l'UE avec du lait de pays X (si le lait n'est pas originaire de l'UE) ».

Votre rapporteur observe cependant qu'il conviendra de concilier des points de vue et des exigences contradictoires.

Ainsi, par exemple, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FDC) a apporté, par voie de contribution écrite, trois séries d'indications.

Elle estime d'abord que l'application concrète de la nouvelle réglementation européenne sur l'étiquetage de l'origine de la viande est de nature à engendrer des coûts supplémentaires . Elle précise que des obligations trop strictes pourraient notamment avoir comme conséquence une refonte des méthodes de production et d'approvisionnement.

Elle signale que toute contrainte supplémentaire par rapport à celles qui sont déjà définies dans le règlement 1169/2011, serait de nature à réduire la lisibilité de l'étiquetage, dont la surface reste limitée et à entrainer une certaine confusion pour le consommateur.

La FDC fait également observer que la majorité des consommateurs ne lit qu'une infime partie de l'étiquetage. Ce dernier ainsi que le packaging ne représentent qu'une surface d'information physiquement limitée : y apposer de nombreuses informations complexes telles que l'indication des trois pays d'origine de la viande bovine (naissance/élevage/abattage) et les codes sanitaires, ne lui parait pas lisible pour le consommateur.

S'agissant des produits importés, la FDC précise que ses adhérents vendent en grande majorité de la viande brute française et presque exclusivement de la viande d'origine européenne pour lesquelles les protéines animales sont, pour l'instant, interdites.

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