B. VOTRE COMMISSION SOUTIENT CETTE PROPOSITION DE LOI, MESURE D'URGENCE QUI PERMET DE DISPOSER D'UN DÉLAI SUPPLÉMENTAIRE POUR RÉFLÉCHIR À L'AVENIR DE LA GESTION DE LA ZONE DES CINQUANTE PAS GÉOMÉTRIQUES

? Votre commission considère que la présente proposition de loi , qui met en oeuvre un engagement du Gouvernement, est une initiative bienvenue qui permet d'éviter une rupture dans la gestion de la zone des cinquante pas géométriques . Les Agences des cinquante pas devant disparaître le 1 er janvier 2014 prochain, il s'agit d'une mesure d'urgence .

Cette proposition de loi se justifie par le fait que la création d'établissements publics fonciers d'État en Guadeloupe et en Martinique , qui devaient, conformément à l'article 32 de la loi portant engagement national pour l'environnement, reprendre les missions de régularisation foncière exercées par les agences n'est plus d'actualité .

Tant en Guadeloupe qu'en Martinique, les collectivités territoriales ont en effet décidé de la mise en place d'établissements publics fonciers locaux (EPFL) :

- en Guadeloupe, le projet d'EPFL est en cours d'élaboration. Un premier comité de pilotage s'est tenu le 11 juillet 2012. L'ambition est, d'après les informations transmises par le ministère des outre-mer 63 ( * ) , d'aboutir en 2013 à la mise en place de cet établissement ;

- en Martinique, un EPFL, réunissant la Communauté d'Agglomération du Centre de la Martinique (CACEM), la Communauté d'Agglomération de l'Espace Sud Martinique (CAESM) et le Conseil régional a été créé par arrêté préfectoral du 6 juin 2011.

Comme le souligne le ministère des outre-mer, « deux établissements publics fonciers ne pouvant cohabiter en Martinique et en Guadeloupe, le projet de créer des EPF d'État a été écarté » 64 ( * ) .

Votre rapporteur note d'ailleurs qu'une ordonnance de septembre 2011 65 ( * ) avait supprimé le I de l'article 32 de la « loi Grenelle II » - paragraphe qui prévoyait que les établissements publics fonciers d'État pouvaient exercer, en Guadeloupe et en Martinique, les missions de régularisation foncière exercées par les agences. Le précédent Gouvernement avait ainsi, semble-t-il, lui aussi renoncé à la création d'établissements publics fonciers d'État dans ces départements.

Dans ces conditions, la disparition programmée des Agences au 1 er janvier 2014 risquerait d'induire un vide puisque, comme l'indique le ministère des outre-mer, « au 31 décembre 2013, il est vraisemblable qu'aucun organisme ne sera susceptible de reprendre la mission de régularisation foncière et d'aménagement de la zone des cinquante pas géométriques » 66 ( * ) . La gestion de la zone connaîtrait alors une rupture préjudiciable à la normalisation de sa situation souhaitée par les pouvoirs publics.

Pour ces raisons, il est pertinent de permettre la prolongation de la durée de vie des agences jusqu'au 1 er janvier 2016 , comme le prévoit l'article 1 er de la présente proposition de loi.

Il est également utile de prévoir un report de deux ans de la date limite pour le dépôt des demandes de régularisation , comme le prévoit l'article 2 de la présente proposition de loi. Le ministère des outre-mer estime ainsi que près de 3 000 constructions sont encore régularisables dans chacun des deux départements 67 ( * ) .

? Si cette proposition de loi est bienvenue, votre commission estime pour autant indispensable que le Gouvernement entame une réflexion sur l'avenir des agences et, plus globalement, sur la gestion de la zone des cinquante pas géométriques .

Votre rapporteur relève qu'environ 15 % de la population de la Guadeloupe et de la Martinique vit dans cette zone. Il ne peut donc que partager le jugement exprimé par le directeur de l'Agence des cinquante pas de la Martinique : « il est permis de penser qu'une telle situation n'aurait pas perduré à une telle échelle si elle avait dû être constatée en métropole 68 ( * ) ».

Votre rapporteur est pleinement conscient, au terme de ses travaux , que la prolongation de deux ans de la durée des vie des Agences des cinquante pas géométriques et le report de deux ans de la date de forclusion pour le dépôt des dossiers de régularisation ne permettront pas d'achever la régularisation ni de conduire à terme l'aménagement des zones .

Pour autant, il estime que ce délai supplémentaire de deux ans doit être mis à profit par le Gouvernement pour entamer une réflexion globale et cohérente de la question foncière en Guadeloupe et en Martinique . L'avenir des agences ne peut en effet être déconnecté d'autres questions comme la création des EPFL, la recherche de mutualisation entre les différentes structures ou encore la mise en oeuvre de la procédure de reconstitution des titres de propriété. Comme l'indiquait ainsi le ministre des outre-mer à l'Assemblée nationale le 4 décembre 2012, « nous devons clarifier le paysage institutionnel ».

Votre rapporteur se réjouit du lancement d'une mission de l'Inspection générale de l'administration et du Conseil général de l'Environnement et du développement durable , le courrier de mission ayant été signé par la ministre de l'égalité des territoires et du logement et le ministre des outre-mer le 16 avril 2013. Cette mission devrait « fournir des préconisations sur les moyens de mettre en oeuvre une stratégie foncière dans les zones urbanisées qui tienne compte des besoins en logements, des projets des collectivités locales, de la pérennisation des missions de régularisation foncière et d'aménagement dans la zone littorale ainsi que des missions de reconstitution des titres de propriété » 69 ( * ) et faire « des propositions sur les différentes options possibles et notamment sur l'avenir des missions de régularisation et d'aménagement actuellement remplis par les agences » 70 ( * ) . Son rapport est attendu pour juin prochain.

D'après les informations transmises par le ministère des outre-mer, il est clairement envisagé que les missions des agences soient reprises par des établissements publics fonciers locaux :

- cette piste est d'ores et déjà en discussion en Guadeloupe : l'EPFL exercerait, outre ses missions classiques, la mission de régularisation des occupants sans titre de la zone des cinquante pas. Une société publique locale (SPL) serait quant à elle chargée de la mission d'aménagement sur le littoral. Le personnel de l'agence serait réparti entre les deux organismes. La région envisage de demander à l'État de déclasser la zone des cinquante pas géométriques et de la lui transférer. Aux yeux des services de la région Guadeloupe, il n'est « pas aujourd'hui nécessaire de disposer d'un outil dédié aux 50 pas géométriques étant entendu que la question de l'occupation du littoral doit être appréhendée sous un angle beaucoup plus global » 71 ( * ) .

- en Martinique, la reprise des missions de l'agence par l'EPFL est plus discutée , l'agence disposant d'une compétence plus importante en matière d'aménagement.

La mission lancée par le Gouvernement sera donc très utile pour analyser l'organisation des structures dans chacun des deux départements, le Gouvernement soulignant qu'il est « envisageable de traiter différemment les deux départements » 72 ( * ) .

Votre rapporteur souligne qu'il conviendra, si les EPFL reprennent les missions de régularisation des agences, que ces derniers couvrent l'ensemble du territoire de la collectivité . Il serait par ailleurs judicieux d' étudier la possibilité d'un transfert de la domanialité de cette zone aux conseils régionaux , en s'inspirant de ce qui a été entrepris à Saint-Martin 73 ( * ) .

Votre rapporteur souhaite également qu'une attention particulière soit accordée au sort du personnel des deux agences dont l'expertise et le savoir faire pourraient utilement être mis au service des structures qui leur succéderont - tant pour ce qui concerne leur mission de régularisation que pour celle d'aménagement.

Enfin, votre rapporteur estime opportun de mener une réflexion sur la forêt domaniale littorale (FDL) gérée par l'Office national des forêts (ONF), zone relevant du domaine privé de l'État et qui, dans les faits, est parfois urbanisée 74 ( * ) . Selon les données transmises à votre rapporteur par le directeur régional de l'ONF, on compte ainsi sur la FDL martiniquaise environ 550 occupations illicites. La gestion de cette problématique par l'ONF est parfois jugée brutale et est généralement incomprise par les personnes concernées.


* 63 Cf. réponse au questionnaire transmis par votre rapporteur.

* 64 Réponse au questionnaire transmis par votre rapporteur.

* 65 Article 5 de l'ordonnance n° 2011-1608 du 8 septembre 2011 relative aux établissements publics fonciers, aux établissements publics d'aménagement de l'État et à l'Agence foncière et technique de la région parisienne.

* 66 Réponse au questionnaire transmis par votre rapporteur.

* 67 Réponse au questionnaire transmis par votre rapporteur.

* 68 Contribution écrite transmise à votre rapporteur.

* 69 Lettre de mission du 16 avril 2013.

* 70 Réponse au questionnaire transmis par votre rapporteur.

* 71 Contribution écrite transmise à votre rapporteur.

* 72 Ibid.

* 73 Le statut de Saint-Martin issu de la loi organique n° 2007-223 du 2& février 2007 dispose que la zone des cinquante pas géométriques fait partie du domaine public maritime de la collectivité (article LO 6314-6 du code général des collectivités territoriales). Il revient donc à la collectivité de gérer la zone selon ses propres règles.

* 74 La mission IGA/CGPC estimait en 2004 que 2% de la forêt domaniale était en fait urbanisée (p. 34 de son rapport).

Page mise à jour le

Partager cette page