EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 5 juin 2013

La commission procède à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de résolution européenne portant sur un partenariat transatlantique, puis examine le rapport et le texte de la commission.

M. Daniel Raoul , président et rapporteur . - Lors de leur réunion du 28 novembre 2011, les présidents Obama, Barroso et Van Rompuy ont lancé le projet d'un accord commercial bilatéral entre l'Union européenne et les États-Unis.

Le groupe de travail de haut niveau mis en place pour réfléchir à la faisabilité de ce projet a rendu son rapport en février 2013. Il envisage un accord commercial global, comportant une réduction des barrières tarifaires mais aussi la suppression d'un certain nombre de barrières non tarifaires. Pour l'Europe, j'y reviendrai, c'est là que se situe aujourd'hui l'essentiel des enjeux dans le commerce transatlantique. L'accord pourrait aussi viser une convergence plus générale de certaines règles qui ont un impact indirect sur la compétitivité, telles que les règles environnementales ou sociales. Enfin, l'accord serait global parce qu'il concernerait un très grand nombre de secteurs d'activités stratégiques pour l'Europe et la France, aussi bien dans les secteurs agricoles et industriels que dans les services. Un des enjeux des négociations européennes est d'ailleurs, à ce stade - j'y reviendrai plus loin - de déterminer les secteurs qui doivent être a priori exclu du champ de la négociation. Au total, le rapport du groupe de travail de haut niveau met en exergue les retombées économiques positives que pourrait avoir, pour les deux parties, la signature d'un tel accord.

Au mois de février 2013, le Conseil européen s'est déclaré favorable à la conclusion d'un accord commercial de ce type et la Commission européenne a décidé, dès le mois de mars, de passer immédiatement à l'étape suivante, à savoir la définition du mandat de négociation qui sera confié au commissaire européen, Karel de Gucht, pour mener les discussions au nom de l'Union européenne toute entière. Les États membres travaillent donc actuellement sur la définition de ce mandat, qui doit être formellement adopté lors du Conseil de l'Union européenne du 14 juin prochain.

Il est évident que la définition de ce mandat constitue une étape à la fois cruciale et complexe vers le futur accord. C'est une étape complexe en raison de la grande hétérogénéité des points de vue et des intérêts des États européens. Par exemple, sur des questions aussi importantes pour la France que la défense de l'exception culturelle ou l'ouverture des marchés publics, notre pays n'est pas certain d'être soutenu. Du côté américain, il existe également sans doute une grande hétérogénéité d'intérêts parmi les États fédérés. Cependant, la différence, de taille entre l'Union européenne et les États-Unis, c'est que, la définition de la politique commerciale commune étant une compétence de l'Union européenne, l'accord négocié par la commission européenne, après ratification par le Conseil de l'Union et le Parlement européen, s'appliquera obligatoirement aux États membres, alors que, dans le cas américain, l'Union européenne devra négocier directement avec les États fédérés pour ce qui relève de leur compétence propre.

L'étape de la définition du mandat de négociation est également cruciale, car les États européens, une fois le mandat donné, n'auront plus de prise directe sur les négociations - ils seront seulement consultés et tenus informés régulièrement via le comité de politique commerciale. Les États membres qui n'auront pas obtenu la prise en compte de leur point de vue dès le départ dans la définition des termes du mandat de négociation auront donc le plus grand mal à le faire prévaloir par la suite.

Bref, la partie qui va se jouer le 14 juin prochain sera déterminante et c'est pourquoi le Gouvernement français doit pouvoir compter sur l'appui du Parlement. C'est tout l'enjeu de la proposition de résolution relative à l'ouverture de négociation en vue d'un partenariat transatlantique que nous examinons aujourd'hui. Il s'agit pour le Sénat, à travers ce texte, de s'exprimer sur l'ensemble du mandat de négociation, de dire quelles doivent être les priorités poursuivies par le futur accord et de tracer les lignes jaunes à ne pas franchir de notre point de vue.

Ce faisant, il s'agit de renforcer le poids du Gouvernement français lors du prochain Conseil de l'Union européenne, la Commission européenne et nos partenaires devant être convaincus que, sur ces questions, la France parle d'une seule voix qui exprime un véritable consensus national.

Dès le 15 mai dernier, sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, la commission des affaires européennes du Sénat a adopté la proposition de résolution européenne dont je vous présenterai le contenu dans un instant. Conformément à la procédure prévue par le Règlement du Sénat, ce texte a été renvoyé à la commission des affaires économiques du Sénat compétente au fond.

Afin de respecter le calendrier communautaire, et donc le Conseil européen du 14 juin, il était donc nécessaire d'accélérer le calendrier d'adoption de cette résolution. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que notre commission en discute le texte dès aujourd'hui : de la sorte, le texte pourrait devenir une résolution du Sénat dans trois jours, à compter de la publication de notre rapport, à temps pour le Conseil.

M. Simon Sutour , président de la commission des affaires européennes . - L'enjeu d'un tel partenariat transatlantique est considérable puisque l'Union européenne (UE) et les États-Unis d'Amérique représentent ensemble près de la moitié du PIB mondial et un tiers des échanges mondiaux : en 2011, l'UE était le premier partenaire commercial des États-Unis, et les États-Unis le deuxième partenaire commercial de l'UE.

Le Gouvernement a transmis au Parlement, en application de l'article 88-4 de la Constitution, le projet de mandat de négociation confié à la Commission européenne.

Parallèlement, deux propositions de résolution européenne ont été déposées en avril, par Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs collègues (n° 522) et par M. Pierre Laurent et plusieurs collègues (n° 526), relatives à la dimension culturelle de la négociation. La commission des affaires européennes a été très sensible aux initiatives de nos collègues et à l'enjeu qu'ils ont soulevé. Mais elle a souhaité les intégrer dans un texte concernant l'ensemble des aspects de la négociation.

Le texte que la commission des affaires européennes a adopté à l'unanimité, le groupe écologiste s'abstenant, a été transmis à votre commission.

Nous avons estimé que ce partenariat transatlantique représentait une opportunité importante pour l'Union européenne. Un accord pourrait contribuer à la croissance et à l'emploi : selon l'étude d'impact de la Commission, les gains économiques globaux seraient de 119,2 milliards de dollars pour l'Union européenne et 94,2 milliards de dollars pour les États-Unis, même si ces chiffres doivent être pris avec beaucoup de prudence. De plus, un accord transatlantique, du fait du poids additionné des deux partenaires, aurait un effet d'entraînement et contribuerait à introduire plus de régulation dans le commerce mondial.

Nous devons donc défendre une vision ambitieuse de cet accord : il ne doit pas se réduire à un accord de libre-échange mais constituer un réel partenariat d'égal à égal qui respecte les valeurs fondamentales, l'identité culturelle et les préférences collectives de chacun des deux partenaires.

Quelles doivent être les priorités européennes dans cette négociation ?

Un premier impératif pour l'Union européenne est de convenir avec les États-Unis d'une protection effective des droits de propriété intellectuelle, et tout particulièrement des indications géographiques : c'est pour nous un enjeu fondamental, sur les vins comme sur les autres produits agricoles et agroalimentaires. Il nous faudra aussi rester vigilant sur le traitement des produits sensibles, notamment agricoles, tout au long de la négociation : je pense à la filière élevage ou au maïs... Sur ces produits, l'Union européenne est moins compétitive que les États-Unis, du fait d'importantes différences de normes sociales, environnementales et de bien-être animal.

Il faut aussi souligner l'importance des règles d'origine, qui doivent avoir le même niveau d'exigence pour les deux parties à l'accord, sinon les producteurs européens seraient désavantagés.

Le texte suggère aussi de mandater clairement la Commission pour obtenir des progrès parallèles en matière d'accès au marché et de réduction des barrières non tarifaires, comme on l'a fait pour la négociation qui vient de s'ouvrir avec le Japon. Pour nos PME, le prix de la mise aux normes américaines constitue souvent une barrière à l'entrée.

Le partenariat transatlantique représente aussi une occasion unique pour réduire les discriminations que subissent nos entreprises dans l'accès aux marchés publics américains, y compris subfédéraux ; ces discriminations sont d'autant plus insupportables que l'Union européenne ouvre la quasi-totalité de ses marchés publics aux pays tiers.

Il est aussi important de ne pas négliger d'inclure dans le champ de la négociation les subventions publiques : en effet, ces subventions sont susceptibles de fausser les conditions de concurrence et d'entraver l'accès au marché. Une telle clause figure d'ailleurs dans l'accord que l'Union européenne a déjà conclu avec la Corée du Sud.

L'accord devrait aussi prévoir un chapitre ambitieux sur les normes sociales et environnementales. Il faut rappeler que les États-Unis n'ont pas ratifié certaines conventions internationales majeures en matière sociale et environnementale : conventions de l'OIT, protocole de Kyoto, convention sur la biodiversité... La négociation de l'accord ne doit pas conduire à l'abaissement de l'acquis communautaire dans ces domaines ; elle doit au contraire permettre d'influer sur l'ensemble du système commercial mondial dans une perspective de développement durable.

L'Union européenne a des intérêts offensifs importants en matière de services, et notamment, de services financiers. Dans ce dernier domaine, ce sont surtout les règles prudentielles, décidées suite à la crise, et leur interprétation différente de part et d'autre de l'Atlantique, qui menacent aujourd'hui l'activité des entreprises financières européennes aux États-Unis. C'est pourquoi l'accord doit permettre de rapprocher les réglementations prudentielles.

Plus généralement, il convient de prévoir que l'accord soit contraignant pour tous les niveaux d'administration, sans exception, ainsi que pour toutes les autorités de régulation et autres autorités compétentes des deux parties. En effet, si la plupart des règles sont fixées au niveau européen par voie législative, le pouvoir réglementaire repose largement aux États-Unis sur les régulateurs, agences ou administrations.

Enfin, le texte souligne l'importance qui s'attache à la protection des données personnelles, d'autant que les données sont devenues un enjeu concurrentiel à l'ère numérique. Un nouveau règlement européen est en cours d'élaboration en cette matière, et la pression des lobbies américains est très forte au Parlement européen. L'Union européenne doit pouvoir protéger les données personnelles des Européens qui seraient transférées aux États-Unis, à la requête des autorités américaines.

Voilà pour nos priorités « offensives » de négociation. Le Sénat doit aussi se positionner au sujet du périmètre de la négociation qui va s'ouvrir.

Comme le souligne la proposition de résolution européenne de Mme Marie-Christine Blandin et ses collègues, c'est la première fois en vingt ans que la Commission néglige d'exclure expressément le secteur audiovisuel d'un accord de commerce international.

À l'inverse, les États-Unis font partie des rares États membres de l'OMC qui ont contracté des engagements de libéralisation de leurs services audiovisuels, ce qui s'explique car ils en sont le premier exportateur mondial. Ils ont par ailleurs refusé d'être partie à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005. Cette convention, à laquelle l'Union européenne comme la France sont parties, reconnaît aux parties le « droit souverain de formuler et mettre en oeuvre leurs politiques culturelles et d'adopter des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles ».

D'ailleurs, l'article 207-4 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne requiert l'unanimité au Conseil pour la négociation et la conclusion d'accords « dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union ».

En son état actuel, le mandat de négociation proposé par la Commission européenne ne prévoit pas explicitement d'exclure du champ de la négociation ce type de services. Il est seulement indiqué, dans le paragraphe consacré aux objectifs de l'accord, qu'il « ne devra contenir aucune disposition risquant de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union, notamment dans le secteur audiovisuel ». Cela ne suffit pas : notre objectif doit être de pouvoir déterminer librement les voies et moyens d'une politique de soutien à l'industrie culturelle à l'heure numérique. Il nous faut donc demander au Gouvernement de requérir l'exclusion explicite des services audiovisuels du mandat de négociation.

C'est pourquoi le texte qui vous est soumis reprend très largement les termes des propositions de résolution qu'avaient déjà déposées nos collègues du groupe communiste et ceux de la commission de la culture. Bien que l'unanimité soit requise de toute manière pour la conclusion d'un accord qui menacerait la diversité culturelle de l'Union, il est dans l'intérêt de l'Union européenne que l'ouverture des négociations soit elle-même décidée par consensus, et qu'elle écarte d'emblée les services audiovisuels. De cette manière, l'Union évitera de s'exposer, au moment de l'accord final, au veto d'un État membre ou du Parlement européen.

En outre, il me paraît tout aussi indispensable d'exclure du périmètre de l'accord les marchés publics de défense et de sécurité, comme cela se fait habituellement dans les autres négociations bilatérales ou multilatérales.

Enfin, il est souhaitable que le mandat de négociation reconnaisse clairement la possibilité, pour chaque partie, d'apprécier différemment le risque alimentaire, sanitaire ou environnemental. Il s'agit d'admettre la légitimité du niveau de protection requis par les préférences collectives de ses citoyens : chaque société doit pouvoir choisir ses valeurs et son degré de protection à l'égard du risque, dans un contexte d'incertitudes scientifiques, qu'il s'agisse d'OGM, d'hormones de croissance, de décontamination chimique des viandes, de clonage animal... La relation particulière du consommateur européen aux aliments a conduit l'Union européenne à adopter une attitude prudente en ces domaines, qui ne doit pas être considérée comme une barrière au commerce.

Pour terminer, nous avons souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur les modalités de suivi de la négociation quand elle sera engagée. La Commission devra faciliter le suivi régulier et transparent du déroulement des négociations par les autorités nationales; à charge pour le Gouvernement de consulter les acteurs et de tenir informé le Parlement.

À ce titre, nous invitons le Gouvernement à fournir au Parlement français une étude d'impact permettant d'apprécier, par secteur d'activité et par filière, les effets pour la France de différents scénarios de négociation.

M. Gérard Le Cam . - Mon groupe est a priori plutôt opposé à ce projet de partenariat transatlantique. C'est la négociation de tous les dangers pour l'économie française, l'emploi et les exigences sociales et environnementales. Un débat démocratique avec la société civile et une véritable étude d'impact sont un préalable indispensable avant de s'engager dans ces négociations. Nous craignons que cet accord aboutisse à renforcer le pouvoir des multinationales en leur permettant de régler directement leurs différends avec les États. Nous sommes satisfaits que l'audiovisuel, la défense et la sécurité soient exclus des négociations, mais nous pensons que cette exclusion devrait aussi concerner l'agriculture, le droit de la propriété intellectuelle et les services publics. Nous sommes inquiets aussi de voir que la fin des barrières tarifaires va entraîner une perte de recettes alors même que le budget européen est déjà fortement contraint. Je rappelle les propos de M. Battistelli, directeur de l'Office européen des brevets : il est opposé à un système de reconnaissance mutuelle des brevets, car elle reviendrait à reconnaître sans discussion les brevets sur le vivant. Enfin, je tiens à faire part de nos craintes sur les OGM et sur le droit du travail, car les États-Unis n'ont pas ratifié certaines conventions importantes de l'Organisation internationale du travail (OIT).

M. Joël Labbé . - Au nom de mon groupe, je tiens à exprimer des réserves sur ce projet de négociations commerciales. L'Europe est beaucoup plus avancée que les États-Unis dans le domaine des normes environnementales, sociales et sanitaires. Cet accord ne doit pas remettre en cause cette avance. Mon groupe déterminera sa position en fonction du sort réservé aux amendements qu'il a déposé.

La commission examine l'amendement n°3.

M. Daniel Raoul , président . - cet amendement est satisfait tant par le droit existant que par le texte de la proposition de résolution. En ce qui concerne l'évaluation de l'impact, la Commission européenne a déjà rendu publique une étude d'impact. Chacun pourra s'y référer. Il est vrai qu'à ce stade, les négociations n'ayant même pas commencé, une évaluation de l'impact est forcément assez sommaire. De plus, cette étude d'impact est bâtie à l'échelle européenne. C'est pourquoi le texte de la résolution invite le Gouvernement à fournir au Parlement français une étude d'impact permettant d'apprécier, par secteur d'activité, les effets pour la France de différents scénarios de négociation. Donc le souci d'une meilleure évaluation de l'impact figure déjà bien dans le texte (alinéa 39). En ce qui concerne le suivi des négociations, le traité de l'Union européenne prévoit que les États membres sont tenus informés au travers du comité de suivi des négociations prévu à l'article 207. Il appartient ensuite aux gouvernements d'informer les parlements. Ces derniers, dans le cadre de leur mission constitutionnelle, peuvent d'ailleurs exiger d'être informés si les gouvernements ne se montrent pas assez diligents.

L'amendement n° 3 est rejeté.

Les amendements n° s 5 et 11 sont ensuite examinés en discussion commune.

M. Joël Labbé . - L'amendement n° 5 est inspiré de l'exemple québécois en matière de fracturation hydraulique. Le gouvernement québécois a prononcé un moratoire sur la fracturation hydraulique et est de ce fait traîné devant la justice par l'entreprise Lone Pine qui lui réclame 250 millions de dollars. Notre amendement vise à empêcher le développement de ce type de pratiques.

M. Daniel Raoul , président . - L'amendement n° 11 que je propose répond au même objectif que le vôtre, mais sa rédaction me paraît préférable.

M. Martial Bourquin . - Cet accord commercial va-t-il s'imposer à notre droit interne ? Nous parlons de culture, d'OGM... Ce sont des questions de fond qui ne doivent pas être résolues dans le cadre d'un accord international et se substituer au droit national ou européen.

M. Daniel Raoul , président . - Traitons d'abord de la question de l'arbitrage. Nous aborderons celles de la culture et des OGM plus loin.

Mme Renée Nicoux . - Je propose de rectifier la rédaction de l'amendement n° 11 en indiquant que la Commission européenne « exclue » au lieu de « ne recommande pas ». Il convient d'être plus explicite.

L'amendement n° 3 est retiré.

L'amendement n °11 rectifié est adopté.

La commission examine ensuite l'amendement n° 6.

M. Joël Labbé . - Cet amendement vise à préserver les acquis de la législation européenne concernant l'évaluation et la commercialisation des produits phytosanitaires et des organismes issus des biotechnologies tels les OGM.

M. Daniel Raoul , président . - Cet amendement est satisfait par le texte et le droit existant. L'Europe possède ses propres règles en matière d'autorisation de mise sur le marché des OGM et des produits phytosanitaires et il est important qu'elle reste souveraine dans ce domaine. Il faut éviter qu'à travers l'accord commercial on s'achemine vers un système de reconnaissance mutuelle automatique qui ferait qu'un produit autorisé aux États-Unis le serait automatiquement en Europe. Mais le texte de la résolution a été rédigé pour prendre en compte cette question. Reportez vous à l'alinéa 36 qui « insiste pour que le mandat de négociation vise explicitement à obtenir dans l'accord final la reconnaissance de la possibilité, pour chaque partie, d'apprécier différemment le risque alimentaire, sanitaire ou environnemental lié à l'émergence de nouvelles technologies en fonction du niveau de protection requis par les préférences collectives de ses citoyens ».

M. Gérard César . - Je souhaite insister sur le fait que le texte de la résolution souligne la nécessité pour l'Union européenne de convenir avec les États-Unis d'une protection effective des droits de propriété intellectuelle, et particulièrement des indications géographiques, sur les vins comme sur les autres produits agricoles et agroalimentaires.

L'amendement n° 6 est retiré.

La commission examine l'amendement n° 9.

M. Joël Labbé . - Cet amendement vise à affirmer que l'accord qui résultera des négociations constitue un socle commun et qu'en conséquence chacune des parties à l'accord peut se doter de règles plus régulatrices sur les institutions financières que ce que les termes de l'accord prévoient.

M. Daniel Raoul . - Je ne comprends pas l'objectif de cet amendement. Il n'y a en effet aucun risque que les États-Unis, au travers d'un partenariat transatlantique, exigent de l'Europe un assouplissement de sa régulation en matière financière car le fait que l'Europe soit plus exigeante en matière de contrôle prudentiel offre un avantage compétitif aux sociétés financières américaines ! L'enjeu n'est pas que l'Europe soit contrainte à être plus laxiste en matière de régulation de la finance, il est d'obliger les États-Unis à se montrer plus rigoureux. Cet amendement ne sert pas les intérêts européens.

M. Gérard César . - Absolument !

M. Simon Sutour . - Je voudrais rappeler le cadre de notre exercice. Nous ne sommes pas en train d'écrire la convention de mandat du négociateur européen ! Nous sommes en train d'indiquer au Gouvernement les grands objectifs que nous souhaiterions qu'il soutienne lors de la négociation du mandat de négociation. Entrer dans les détails, à ce stade, n'a pas grand sens selon moi. Nous devons au contraire nous attacher à cibler les principaux enjeux, comme l'exception culturelle ou les indications géographiques protégées.

L'amendement n° 9 est retiré.

La commission examine l'amendement n °1.

M. Daniel Raoul , président . - L'Europe et la France sont des grands exportateurs de produits agricoles et ces produits doivent donc être inclus absolument dans la négociation ! L'accord commercial transatlantique constitue en particulier une chance de faire progresser la reconnaissance des indications géographiques protégées européennes et donc de stimuler l'exportation de nos productions à forte valeur ajoutée vers les États-Unis. Or, un tel amendement exclut cette possibilité. Dans le même temps, c'est vrai, il faut veiller à ce que le mandat de négociation prenne en compte la spécificité de certaines filières agricoles qui pourraient être déstabilisées par une libéralisation des échanges entre l'Europe et les États-Unis. Mais le texte de la résolution prend en compte cet impératif, puisqu'il appelle le Gouvernement, je cite, à rester vigilant sur le traitement des produits sensibles, notamment agricoles, tout au long de la négociation, et à obtenir que l'accord final préserve la possibilité d'accorder un traitement spécifique aux lignes tarifaires les plus sensibles, y compris l'inclusion d'une clause de sauvegarde. Avis très défavorable.

M. Martial Bourquin . - Je tiens quand même à dire que nous examinons dans l'urgence une question d'une importance capitale. Cet accord commercial pourrait avoir un impact énorme. Nous devons pouvoir conserver une agriculture sans OGM ! Notre agriculture est de qualité et nous devons conserver cette qualité.

M. Gérard Bailly . - Alors pourquoi le ministre de l'agriculture demande-t-il aux agriculteurs de produire autrement ? J'entends ici qu'on loue la qualité de notre agriculture et ailleurs on exhorte les agriculteurs à promouvoir un modèle agricole plus respectueux de l'environnement, plus en phase avec les attentes de la société. Il faut être cohérent ! Si nos produis sont de qualité, pourquoi demander de produire autrement ?

Mme Bernadette Bourzai . - L'enjeu de l'agro-écologie, c'est de promouvoir d'autres méthodes de production...

M. Gérard César . - Mais combien cela coûte-t-il aux paysans ? Vous allez les faire crever, les paysans, à force d'imposer des mesures coercitives !

Mme Bernadette Bourzai . - Mais ne dîtes pas n'importe quoi, voyons ! Nous avons un modèle agricole intensif qui commence à produire quelques problèmes...

M. Gérard Bailly . - Est-ce que l'agriculture en France pose plus de problèmes de santé publique qu'ailleurs ? Non ! Il y en a assez de stigmatiser les agriculteurs.

M. Martial Bourquin . - Il y a trop d'intrants. Le Grenelle, que vous avez voté, promettait une baisse des intrants et ils continuent à augmenter. C'est une réalité.

M. Daniel Raoul , président . - Revenons au texte, s'il vous plaît.

M. Joël Labbé . - Mais nous y sommes ! Cet accord commercial pose un problème : notre agriculture doit évoluer pour être encore plus qualitative tout en restant productive et il ne faudrait pas qu'une libéralisation des échanges avec les États-Unis nous ramène en arrière alors même que nous sommes au défi de franchir un nouveau pallier vers plus de qualité !

L'amendement n°1 est rejeté.

La commission examine en discussion commune les amendements n° 2 et 10.

M. Gérard Le Cam . - J'ai cité monsieur Battistelli tout à l'heure. Il y a de réels dangers à s'orienter vers une reconnaissance mutuelle des brevets sur le vivant.

M. Daniel Raoul , président . - Mon amendement n° 10 répond à ce souci légitime. Je propose que la résolution indique que le Sénat est attaché au principe de la non brevetabilité du vivant et à la préservation de la règlementation existant dans ce domaine dans l'Union européenne.

L'amendement 2 est retiré, l'amendement n° 10 est adopté. La commission examine ensuite l'amendement n° 4.

M. Daniel Raoul , président . - La réalisation de certaines missions de service public est couramment confiée à des entreprises du domaine marchand concurrentiel. C'est déjà la règle en Europe et en France. J'ajoute que, compte tenu de la grande tolérance de l'Europe en matière d'accès à ses marchés publics, les entreprises des pays tiers, notamment les entreprises américaines, peuvent d'ores-et-déjà se porter candidates sur ces marchés publics. Il faut donc absolument que l'accord commercial transatlantique soit l'occasion d'établir une vraie réciprocité dans ce domaine en permettant aux sociétés européennes de vendre aussi leurs prestations de services aux administrations américaines. Quant aux services publics qui aujourd'hui sont considérés comme non marchands, ils ne constituent pas des marchés économiques ouverts à la concurrence et n'entrent pas dans le champ de la négociation. Je suis défavorable à cet amendement.

M. Joël Labbé . - Je le soutiendrai avec force ! Il est nécessaire que l'Europe évolue vers une meilleure reconnaissance des services publics et un accord avec les États-Unis ne va pas faciliter cette reconnaissance.

M. Daniel Raoul , président . - Attention ! Je comprends qu'on veuille défendre la notion de service public, mais cet amendement n'a concrètement qu'un effet : celui de faire obstacle à ce que nos entreprises puissent accéder aux marchés publics américains.

M. Martial Bourquin . - La résolution doit pouvoir indiquer que l'accord respecte les services publics.

M. Simon Sutour . - Nous sommes en train de nous exprimer sur un mandat de négociation pas de définir notre conception du service public ! Il faut revenir à l'objet du texte !

L'amendement n° 4 est rejeté.

La commission examine l'amendement n° 7.

M. Joël Labbé . - Cet amendement vise à rappeler la nécessité de transparence à toutes les étapes de la négociation.

M. Simon Sutour . - Cela figure dans le texte. Le comité de politique commerciale doit être consulté par la Commission européenne à toutes les étapes de la procédure de négociation. Celle-ci doit faciliter le suivi régulier et transparent du déroulement des négociations par les autorités nationales.

M. Daniel Raoul , président . - Je rappelle en outre que l'article 207 du traité de l'Union européenne prévoit la consultation du comité de suivi.

L'amendement 7 est retiré, de même que l'amendement n° 8.

M. Yannick Vaugrenard . - Je ressens une frustration devant les conditions d'examen de ce texte important. Je sais que les délais étaient serrés, mais je n'aime pas voter quand je ne sais pas exactement sur quoi je vote. Les pays européens se verront-ils imposer l'accord alors que les États fédérés seront libres de l'accepter ou pas ? Je voudrais savoir aussi ce qu'il en sera du respect des normes de l'Organisation internationale du travail ? Le non respect de ces normes par l'un des partenaires à l'échange crée une distorsion de concurrence. Enfin, dans le domaine alimentaire, accepter des produits qui répondent à des exigences moindres en matière de pratiques de culture cela crée un désavantage compétitif pour l'agriculture européenne. Plus de temps aurait été nécessaire pour réfléchir.

M. Daniel Raoul , président . - Je rappelle tout de même que le texte de la proposition de résolution adopté par la commission des affaires européennes a été publié le 15 mai.

M. Simon Sutour . - Je plaide régulièrement pour une meilleure coordination entre la commission des affaires européennes et les commissions permanentes, mais je rappelle tout de même que la commission que je préside comprend des membres de toutes les commissions permanentes - ce qui doit faciliter la circulation de l'information.

M. Daniel Raoul , président . - Je rappelle également que notre commission auditionne la semaine prochaine Madame Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur et que toutes les questions que vous avez soulevées pourront lui être posées.

M. Joël Labbé . - J'indique que je m'abstiendrai sur ce vote.

M. Gérard Le Cam . - Je m'abstiendrai également.

L e texte de la proposition de résolution est adopté ainsi amendé.

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