II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

La proposition de résolution européenne a le mérite de mettre l'accent sur la nécessité d'enrichir le contenu des nouvelles lignes directrices, en accordant davantage d'attention à la situation des petits aéroports régionaux.

Le projet présenté par la Commission européenne recherche un équilibre entre la lutte contre les distorsions de concurrence et l'accessibilité de certaines régions . Cet équilibre subtil est d'autant plus délicat que la France est, avec l'Allemagne, le pays qui comporte le plus d'infrastructures aéroportuaires . Elle hérite en effet d'un maillage aéroportuaire historique particulièrement dense, avec de nombreuses petites plateformes peu rentables. Il s'agit par conséquent de concilier la nécessaire rationalisation économique de ce tissu d'aéroports, avec une légitime préoccupation d'aménagement du territoire. Ces petits aéroports régionaux sont en effet source de développement économique, touristique et d'emplois.

Or le projet de lignes directrices ne prévoit aucune disposition spécifique pour les aéroports de moins d'un million de passagers annuels qui sont alors soumis aux mêmes règles de concurrence que d'autres aéroports plus gros, dont les paramètres d'exploitation ne sont pas comparables. Il s'agit certes d'une compétence exclusive de la Commission européenne . Néanmoins, de nombreuses voix se sont élevées à Bruxelles en faveur d'un assouplissement du cadre pour les petits aéroports régionaux. La Commission s'est alors déclarée ouverte à des propositions d'aménagements techniques et a lancé une consultation publique qui s'est achevée le 26 septembre, tout en permettant aux Gouvernements de répondre jusqu'au 3 octobre.

Des négociations sont désormais engagées avec les États membres, la Commission européenne espérant adopter le nouveau texte en début d'année 2014. Dans ce contexte, il est important que le Sénat se prononce sur cette question car elle revêt une importance particulière pour certaines collectivités locales .

A. UN ACCORD AVEC LES GRANDES LIGNES DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

La PPRE vient appuyer la position déjà transmise par le Gouvernement à la Commission. Elle est globalement en phase avec ses principales propositions. Votre rapporteur soutient l'idée que le Sénat et le Gouvernement doivent s'exprimer de façon cohérente pour défendre ce dossier à Bruxelles.

1. La commission des affaires européennes ne plaide pas pour un relèvement irréaliste du seuil d'exemption de notification

Les petits aéroports régionaux paraissent d'autant plus laissés pour compte, qu'ils subissent l'effet cumulé des nouvelles lignes directrices et de la décision du 20 décembre 2011 relative aux SIEG . Dans ce contexte, il aurait pu paraître judicieux de demander aux autorités françaises de plaider pour un relèvement du seuil d'exemption de notification à un million de passagers.

L'abaissement de ce seuil peut être formellement dénoncé comme entraînant une lourdeur administrative disproportionnée pour les collectivités . En effet, la notification d'une aide à la Commission européenne implique un travail de préparation conséquent afin de respecter des règles en matière de procédure ou de calcul de la compensation. Cette préparation doit être assurée par le personnel des collectivités territoriales à l'origine des aides publiques. De plus, la procédure implique que les collectivités doivent attendre le feu vert de la Commission pour le versement de l'aide. Or l'abaissement du seuil de notification à moyens administratifs constants pour la Commission risque fort d'allonger les délais d'instruction . Une telle attente pourrait s'avérer difficilement compatible avec le besoin urgent de soutien de certains aéroports régionaux.

Au final, ce changement apparaît comme contraire à la volonté nationale et européenne de simplification des procédures administratives , volonté qui avait justement présidé à la mise en place initiale du régime d'exemption. À l'extrême, il est même possible d'affirmer qu'un tel alourdissement de procédure est de nature à faire « échec à l'accomplissement en droit et en fait de la mission particulière qui leur était impartie » pour les aéroports régionaux exerçant des activités de SIEG. Une contradiction apparaît alors entre l'effet négatif de l'abaissement du seuil et la notion-même de SIEG, préalable à la mise en oeuvre du régime d'exemption de notification. La diminution du seuil vide alors de sens la reconnaissance d'un SIEG.

Concrètement, cette décision pourrait entraîner la disparition d'un certain nombre d'aéroports régionaux , contraints de réduire ou cesser leurs activités en l'absence d'un soutien public effectif. En outre, il apparaît difficilement compréhensible que les financements aux aéroports régionaux de moins d'un million de passagers soient soudainement susceptibles d'affecter les échanges intracommunautaires alors qu'ils ne l'étaient pas en 2005.

Pour autant, la proposition de résolution de la commission des affaires européennes ne plaide pas explicitement pour un relèvement du seuil d'exemption. Elle regrette simplement cette décision et estime qu'elle est de nature à affaiblir la notion de SIEG. Il est en effet peu réaliste d'imaginer que la Commission acceptera de relever le seuil à un million de passagers , d'autant plus que ce choix s'inscrit dans le cadre d'ensemble du « paquet Almunia », qui a fait l'objet de nombreuses tractations. Surtout, la portée réelle de la décision du 20 décembre 2011 est dans les faits relativement limitée, comme l'a déjà souligné votre rapporteur.

Néanmoins, le cadre des nouvelles lignes directrices laisse clairement entendre que les seuls aéroports susceptibles d'être qualifiés dans leur ensemble de SIEG sont les aéroports des régions ultrapériphériques visées à l'article 349 du TFUE 6 ( * ) , c'est-à-dire des départements d'outre-mer. Il y a donc lieu de proposer une solution de compromis afin que les aéroports régionaux métropolitains ne soient pas tous soumis au droit commun de la concurrence dans le cadre de lignes directrices qui traitent sans distinction des aéroports enregistrant 100 000 passagers annuels comme des aéroports comptabilisant 800 000 passagers.

2. En revanche, la commission des affaires européennes s'est déclarée favorable à la création d'une nouvelle catégorie d'aéroports

La commission des affaires européennes propose de soutenir, dans son principe, la solution retenue par le Gouvernement . Celle-ci vise à mieux prendre en compte la situation des petits aéroports régionaux, en introduisant un degré de granularité supplémentaire dans les lignes directrices.

La catégorie des aéroports régionaux, dont le trafic annuel est inférieur à un million de passagers, est en effet loin d'être homogène. Le tableau suivant, inspiré de la présentation effectuée par la commission des affaires européennes, permet de mieux saisir l'éventail des disparités 7 ( * ) .

Trafic en 2012

Nombre d'aéroports concernés

> 1 000 000

20

500 000 - 1 000 000

2

200 000 - 500 000

16

1 000 - 200 000

50

Source : Direction générale de l'aviation civile

Ainsi, dans la catégorie des aéroports régionaux, on trouve deux aéroports entre 500 000 et 1 million de passagers annuels (Pau-Pyrénées et Toulon-Hyères), 16 aéroports entre 200 000 et 500 000 passagers et 50 aéroports entre 1 000 et 200 000 passagers, sans compter les 71 aérodromes métropolitains de moins de 1 000 passagers.

Pour mieux prendre en compte ces réalités, il s'agirait de créer une nouvelle catégorie d'aéroports avec un trafic inférieur à 500 000 passagers annuels . Les possibilités d'aides à l'investissement leur seraient étendues à hauteur de 90% des coûts éligibles, tandis que les aides au fonctionnement ne seraient pas limitées dans le temps. Ces dernières s'inscriraient dans le cadre d'un régime défini et contrôlé par les États membres, afin d'éviter un lourd processus de notification auprès de la Commission européenne.

Les deux aéroports de Pau-Pyrénées et Toulon-Hyères seraient a priori exclus de cette nouvelle catégorie, et resteraient dans le cadre actuel des lignes directrices pour les aéroports de moins d'un million de passagers annuels. La DGAC estime néanmoins que ces aéroports pourront parvenir à un compte d'exploitation équilibré à l'issue de la période transitoire de dix ans, au cours de laquelle les aides publiques leur seront versées de façon dégressive.

La PPRE demande également que les coûts éligibles aux aides au démarrage des nouvelles lignes soient précisés . À l'heure actuelle, les lignes directrices font état d'une définition quelque peu tautologique (« Les coûts éligibles aux aides au démarrage sont les coûts de démarrage »). La PPRE insiste pour que les contrats de marketing et de publicité soient inclus dans la définition de ces coûts lorsqu'ils sont liés à l'arrivée d'une compagnie aérienne. En effet, depuis que le tribunal administratif a jugé illégale l'aide financière versée par la CCI de Pau à Ryanair en 2004, la compagnie irlandaise a mis en place un dispositif de contournement. Une partie du financement transite désormais par sa filiale AMS (Air Marketing Service), les collectivités devant alors financer des pages de publicité, ce qui constitue une aide cachée qu'il convient de comptabiliser dans le montant global des aides.


* 6 Voir point 65 du projet de révision des lignes directrices présenté par la Commission européenne le 3 juillet 2013.

* 7 La liste détaillée de l'ensemble de ces aéroports figure dans le tableau joint en annexe.

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