D. LES MÉDICAMENTS ET LE CIRCUIT PHARMACEUTIQUE

1. Diffuser les innovations sans coût excessif

Les médicaments biologiques, substances produites à partir d'une cellule ou d'un organisme vivant ou dérivée de ceux-ci (par exemple, des vaccins, des facteurs de croissance ou des médicaments dérivés du sang), ont connu et vont connaître encore un développement très important, car ils apportent des solutions thérapeutiques nouvelles. Un médicament « biosimilaire », concept développé en Europe à partir des années 2000 et régi par une réglementation spécifique depuis 2004, est un médicament biologique qui est développé pour être similaire à un médicament biologique existant (le « médicament de référence ») lorsque son brevet est tombé dans le domaine public.

L' article 38 vise à mettre en place une procédure sécurisée permettant de diffuser plus largement qu'aujourd'hui les médicaments biosimilaires . Il permet notamment, dans un cadre défini par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), une substitution par le pharmacien d'un médicament biologique par l'un de ses biosimilaires. Cette substitution ne pourra avoir lieu qu'en initiation de traitement ou afin de permettre la continuité d'un traitement déjà initié avec le même biosimilaire. On peut relever que cette mesure reprend une mesure proposée par la commission des affaires sociales lors de l'examen du projet de loi de financement pour 2013.

L' article 39 pérennise une expérimentation lancée en 2012 qui permet d'assurer une continuité de prise en charge pour les patients traités avec un médicament ayant reçu une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) dans l'attente de l'inscription de ce médicament sur la liste des produits remboursables après qu'il a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM).

L' article 42 aménage la procédure d'inscription des actes innovants nécessaires à l'utilisation ou à la prise en charge des dispositifs médicaux en ouvrant à l'Uncam la possibilité de procéder elle-même à la hiérarchisation et à l'inscription de ces actes. Il s'agit ainsi de remédier à l'excessive longueur des délais constatés pour leur inscription, qui s'élèvent à trois ans en moyenne, afin d'améliorer l'accès des patients aux innovations diagnostiques et thérapeutiques. Cet article crée les conditions nécessaires pour que cette inscription puisse intervenir dans un délai maximal d'un an après l'engagement de la procédure d'inscription, soit six mois après la transmission à l'Uncam de l'avis rendu par la HAS. L'efficacité de ce dispositif dépendra cependant de sa mise en oeuvre par l'Uncam, qui se voit reconnaître une simple faculté et non une compétence liée.

L' article 41 simplifie les dispositifs de régulation des dépenses de médicaments facturés par les établissements de santé en sus des prestations d'hospitalisation. Ces dépenses d'un montant de 2,6 milliards d'euros en 2012 font l'objet d'un contrat de bon usage (CBU) conclu entre l'ARS, l'assurance maladie et les établissements ; un avenant pourra être conclu au CBU pour prévoir des mesures d'amélioration des pratiques de prescription.

2. Expérimenter la délivrance de médicaments à l'unité

L' article 37 met en place une expérimentation de la délivrance à l'unité de certains antibiotiques, avec un double objectif : lutter contre stocks inutiles de médicaments chez les particuliers et diminuer les risques de résistance aux antibiotiques. L'outil de l'expérimentation est particulièrement adapté à cette question qui revient régulièrement dans le débat public mais dont l'impact et l'intérêt sont aujourd'hui mal évalués.

Des procédures adaptées devront être mises en place pour assurer la traçabilité et la conservation des produits, ainsi que l'information des patients. De telles procédures existent dans les pays qui ont mis en oeuvre la délivrance à l'unité ; les difficultés ne sont donc pas insurmontables.

3. Rémunérer les acteurs de manière juste

Lorsqu'elles vendent des médicaments, les officines de pharmacies bénéficient d' une marge , dégressive selon le prix du produit, et de remises de la part du fournisseur. Ces remises, ristournes et avantages de toute nature sont plafonnés par la loi à 2,5 % pour les princeps et à 17 % pour les génériques . Or, de nombreuses études, ainsi que des contrôles diligentés par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ont montré que les fournisseurs de génériques et les officines négocient parfois des contrats de coopération commerciale portant officiellement sur des médicaments non remboursables mais constituent en pratique un détournement du plafond de 17 %.

L' article 40 prévoit en conséquence un mécanisme de déclaration au Comité économique des produits de santé (Ceps) de toutes ces remises, ristournes et avantages. En ayant connaissance des sommes en cause, le Ceps pourra négocier, sur la base de critères objectifs, une révision du prix des spécialités concernées.

L'Assemblée nationale a saisi cette occasion pour tenter d'intégrer dans les remises et ristournes autorisées les coopérations commerciales qui aujourd'hui, tendraient à dépasser le plafond de 17 %. Elle a donc prévu que ce plafond sera fixé par arrêté, dans la limite de 50 %. En l'absence d'étude d'impact de cette mesure, la commission a adopté un amendement proposé par votre rapporteur pour la supprimer et en rester, à ce stade, au texte initial du Gouvernement.

L' article 12 bis , inséré sur proposition du Gouvernement, adapte la fiscalité en matière de distribution en gros des médicaments avec deux objectifs : favoriser les pratiques les plus favorables au maintien des obligations de service public ; permettre à la concurrence de faire baisser le prix des médicaments pour le consommateur et pour l'assurance maladie.

Sans augmenter le montant total de la taxe sur la distribution en gros de médicaments, l'article prévoit d'en réformer l'assiette en créant une troisième part, assise sur les marges rétrocédées aux pharmacies d'officines par les entreprises du médicament qui leur vendent directement des médicaments en gros, sans passer par les grossistes-répartiteurs. La marge rétrocédée correspond à celle dont aurait bénéficié le grossiste. Cette pratique, conforme au droit, pose plusieurs problèmes.

D'une part, elle s'effectue au détriment des grossistes répartiteurs . Ceux-ci, qui doivent être pharmaciens, sont astreints par l'article R. 5924-59 à des obligations de service public sur le territoire qu'ils desservent :

- satisfaire à tout moment la consommation de sa clientèle habituelle durant au moins deux semaines ;

- livrer dans les vingt-quatre heures toute commande passée avant le samedi 14 heures, de toute présentation des spécialités effectivement commercialisées ;

- livrer tout médicament [...] à toute officine qui le lui demande.

Le samedi, à partir de 14 heures, ainsi que le dimanche et les jours fériés, ils sont tenus de participer à un système d'astreinte interentreprises, permettant la livraison de médicaments dans les délais et au maximum dans les huit heures afin de faire face aux situations de crise sanitaire.

Votre rapporteur considère qu'il y aurait quelque paradoxe à imposer à cette catégorie de professionnels de santé des obligations liées à l'intérêt général en matière d'approvisionnement des médicaments, sans contrôler le développement de la distribution directe aux officines. En effet, si les grossistes-répartiteurs ne parvenaient plus à assurer l'équilibre économique de leur activité par le simple jeu du marché, l'Etat serait contraint de financer leurs missions de service public.

D'autre part, le dispositif actuel favorise les pharmacies d'officine en capacité de négocier directement avec les entreprises du médicament au détriment des autres officines réparties sur le territoire.

Enfin, ainsi que l'a indiqué l'Autorité de la concurrence dans son enquête sectorielle dans le domaine de la distribution du médicament délivré en ville, publiée le 10 juillet 2013, les contacts directs entre les pharmacies d'officine et l'industrie et le fait d'écarter les grossistes répartiteurs vont à l'encontre de l'objectif de baisse des prix du médicament.

Dès lors, le choix d'opérer une régulation de ces contacts au travers de la fiscalité est un moyen proportionné de préserver les objectifs d'intérêt général.

De son côté, l' article 12 fusionne la taxe sur la première vente de médicaments, prévue par le code général des impôts, et la contribution sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques, qui figure dans le code de la sécurité sociale, en supprimant la première et en élargissant la seconde. Il s'agit ainsi, en rapprochant deux taxes pesant sur une assiette comparable - le chiffre d'affaires hors taxes lié à la vente de médicaments - mais au régime différent, de simplifier et de clarifier la fiscalité des médicaments . Cette fusion a été calibrée pour compenser la perte de revenu fiscal liée à la suppression de la taxe sur les premières ventes tout en garantissant la neutralité de la mesure pour les entreprises imposables.

Par ailleurs, l' article 40 bis fixe les modalités de transposition aux pharmacies mutualistes et minières des dispositions de la convention de l'assurance maladie avec les pharmacies d'officine.

A noter également que l' article 13 maintient le seuil de déclenchement du mécanisme de la clause de sauvegarde à la charge éventuelle des entreprises pharmaceutiques (dite « taux K ») à 0,4 % comme en 2013.

Enfin, l' article 42 bis demande au Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement sur le bilan de l'élargissement de la taxe sur les dépenses de promotion qui a été décidée par la loi de financement pour 2013.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page