B. LE « TWO-PACK » : L'ÉVALUATION DES PROJETS DE PLANS BUDGÉTAIRES

Les pays d'une même zone monétaire présentent une interdépendance accrue et leurs décisions en matière de finances publiques sont susceptibles de produire davantage d'effets d'entraînement. C'est pourquoi il a été décidé d' instituer un encadrement renforcé des politiques budgétaires au sein de la zone euro . Tel est l'objet du « two-pack », qui comprend deux règlements entrés en vigueur le 30 mai 2013 15 ( * ) .

1. Un calendrier budgétaire commun à la zone euro

Le « two-pack » institue tout d'abord un calendrier budgétaire commun à l'ensemble des Etats membres de la zone euro, qui s'inscrit pleinement dans « le contexte du semestre européen » 16 ( * ) de manière à mettre en place un « cycle annuel de surveillance » 17 ( * ) ; ainsi est-il prévu que :

- le 30 avril au plus tard, les Etats rendent public leur plan budgétaire national à moyen terme , en même temps que leur programme de stabilité - dont il reprend les éléments - et leur programme national de réforme ;

- le 15 octobre au plus tard, les Etats membres publient leur projet de budget pour l'année suivante et soumettent à la Commission européenne et à l'Eurogroupe un projet de plan budgétaire 18 ( * ) ;

- le 31 décembre au plus tard, les Etats membres adoptent le budget pour l'année à venir.

2. L'examen des projets de plans budgétaires par la Commission

La principale innovation introduite par le « two-pack » réside dans l'examen, par la Commission, de chaque projet de plan budgétaire ; aussi, sur cette base, cette dernière formule-t-elle un avis pour le 30 novembre au plus tard 19 ( * ) .

Si la Commission décèle un manquement particulièrement grave aux obligations découlant du pacte de stabilité et de croissance , elle adopte son avis dans les deux semaines suivant la transmission du projet de plan budgétaire et demande qu'un projet révisé lui soit soumis dès que possible .

Toutefois, il faut préciser qu'un projet de plan budgétaire révisé ne devrait être demandé par la Commission que dans les cas les plus extrêmes , soit lorsqu'il y a une violation manifeste des règles prévues par le pacte de stabilité et de croissance. En outre, cette procédure n'aurait pas pour conséquence, le cas échéant, de contraindre l'Etat concerné à revoir intégralement son projet , ce dernier n'étant tenu que de soumettre un projet « révisé ».

Cette étape a donc pour seule finalité d'alerter, si nécessaire, les Etats sur les conséquences possibles de l'adoption d'un projet de budget ne permettant pas de respecter les règles budgétaires européennes 20 ( * ) . Par ailleurs, le caractère public des avis permettra d'éclairer les travaux des parlements nationaux et sera de nature à renforcer leurs échanges avec les institutions européennes ; à cet égard, la commission des finances du Sénat avait entendu Olli Rehn, vice-président de la Commission chargé des affaires économiques et monétaires, en juin 2013 21 ( * ) .

L'Eurogroupe examine, ensuite, les avis sur les projets de plans budgétaires ainsi que la situation et les perspectives budgétaires pour la zone euro dans son ensemble, sur la base d'une évaluation réalisée par la Commission 22 ( * ) , afin de disposer d'une vision agrégée du contexte budgétaire de la zone euro .

3. L'articulation avec la procédure de déficit excessif
a) Les nouvelles étapes de la procédure de déficit excessif

Dans le cadre du volet « préventif » du pacte de stabilité et de croissance, l'avis de la Commission sur le projet de plan budgétaire permet d'évaluer si la trajectoire vers l'objectif de moyen terme (OMT) est en ligne avec les recommandations adressées par le Conseil de l'Union européenne au pays concerné, dans le cadre du semestre européen.

Pour ce qui est des Etats membres faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif (PDE), l'avis de la Commission évalue si la correction du déficit est conforme aux recommandations du Conseil . Cette évaluation se fait également sur base d'un rapport sur l'action engagée en réponse à la recommandation issue de la procédure de déficit excessif , transmis par le pays concerné 23 ( * ) .

Ainsi, les Etats concernés par la procédure de déficit excessif seront amenés à communiquer régulièrement à la Commission des informations sur les mesures prises afin de corriger leur déficit excessif . Ceci aura pour conséquence de renforcer l'effectivité de cette procédure : en cas de manquement à ses obligations, un Etat pourra être sanctionné à tout moment par le Conseil de l'Union européenne, à la majorité qualifiée inversée (MQI), sur recommandation de la Commission ; par suite, ces nouvelles étapes sont autant d'occasions pour « rappeler à l'ordre » des Etats qui ne se conformeraient pas aux obligations découlant de la procédure de déficit excessif (PDE) .

b) La présentation d'un programme de partenariat économique

Enfin, le « two-pack » prévoit la présentation, à la Commission européenne, par les Etats membres de l'Union européenne faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif (PDE), d'un programme de partenariat économique qui décrit les mesures et les réformes structurelles qui ont été ou seront engagées pour assurer une correction durable des déficits excessifs en matière de gouvernance budgétaire, de fiscalité, de systèmes de retraite et de santé, etc 24 ( * ) .

Il s'agit, en quelque sorte, d'une actualisation du programme de stabilité et du programme national de réforme au regard des recommandations formulées par le Conseil de l'Union européenne à la fin du semestre européen. Le programme de partenariat économique fait également l'objet d'un avis de la Commission.

4. La France dans le « two-pack »

La France a fait le choix de faire figurer dans un document unique tout à la fois le projet de plan budgétaire, le rapport sur l'action engagée en réponse à la recommandation issue de la procédure de déficit excessif et le programme de partenariat économique ; il s'agit du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances 25 ( * ) .

Pour la première fois cette année, la Commission examinera le projet de plan budgétaire de la France et rendra un avis avant le 30 novembre ; cette étape lui permettra également à d' évaluer le respect des recommandations formulées par le Conseil de l'Union européenne dans le cadre de la procédure de déficit excessif au semestre dernier .

En effet, depuis 2009, la France fait l'objet, sur décision du Conseil de l'Union européenne, d'une procédure de déficit excessif (PDE) . Au titre de cette dernière, il était prévu qu'elle ramène son déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2013. Toutefois, compte tenu de la « forte détérioration de la position budgétaire due à une position globale de l'économie moins favorable que celle sur laquelle se fonde la recommandation du Conseil de 2009 », la Commission a proposé le 29 mai dernier d'accorder à la France une prolongation jusqu'à 2015 du délai pour corriger son déficit excessif 26 ( * ) . Cette position a été validée par le Conseil de l'Union européenne le 21 juin 2013.

Ce report de deux années de la procédure de déficit excessif s'est accompagné de recommandations du Conseil portant sur la trajectoire de solde public de la France jusqu'à 2015 . Elles comprennent des cibles de déficit effectif ainsi que des objectifs d'ajustement du solde structurel.

Tableau n° 3 : Recommandations du Conseil concernant la trajectoire des finances publiques de la France dans le cadre de la procédure de déficit excessif

(en % du PIB)

2013

2014

2015

Cibles de déficit effectif

3,9

3,6

2,8

Objectifs d'ajustement structurel

1,3

0,8

0,8

Source : Conseil de l'Union européenne (2013)

Aussi, dans le cadre de son avis sur le projet de plan budgétaire de la France, la Commission examinera si les cibles de déficit effectif pour 2013 et 2014 reprises dans le tableau ci-avant sont respectées . Si tel est le cas, la procédure de déficit excessif sera mise en sommeil jusqu'à la prochaine évaluation.

Dans le cas contraire, la Commission évaluera le niveau des ajustements structurels opérés en 2013 et 2014. S'il est conforme aux objectifs fixés dans le cadre des recommandations du Conseil, la procédure sera également mise en sommeil 27 ( * ) . En effet, ce n'est que dans l'hypothèse où la France ne respecterait pas, cumulativement, les cibles de déficit effectif pour 2013 et 2014 et les objectifs d'ajustement structurel recommandés qu'elle ferait l'objet de sanctions .

Ceci se justifie par le fait que le non-respect d'une cible de déficit effectif ne saurait révéler, à lui seul, un « laxisme » en matière budgétaire ; en effet, la dégradation du solde effectif peut résulter d'une conjoncture défavorable et non de l'insuffisance de l'effort budgétaire consenti.

Dès lors, si le déficit effectif atteint bien 4,1 % du PIB en 2013 comme le prévoit le Gouvernement, la France ne saurait être sanctionnée au seul motif qu'elle ne respecte pas la cible de 3,9 % du PIB recommandée par le Conseil . La Commission s'attachera, en effet, à examiner si un ajustement structurel de 1,3 point de PIB a été réalisé et si l'ajustement prévu pour 2014 s'élève au moins à 0,8 point de PIB ; or le Gouvernement a effectué un ajustement structurel de 1,3 point de PIB en 2013, à l'aide d'un effort structurel de 1,7 point de PIB, et prévoit un ajustement structurel de 0,9 point de PIB en 2014 (cf. infra ).


* 15 Les deux règlements constituant le « two-pack » ont pour fondement juridique l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui permet aux Etats membres de la zone euro de renforcer la coordination et la surveillance des politiques budgétaires afin de garantir la discipline budgétaire dans l'Union économique et monétaire (UEM).

* 16 Cf. article 4 du règlement (UE) n° 473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les Etats membres de la zone euro.

* 17 Ibid.

* 18 Le projet de plan budgétaire constitue un document synthétique qui présente notamment l'objectif de solde budgétaire pour l'année suivante, les mesures envisagées pour parvenir à cet objectif ainsi que les hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent cette trajectoire.

* 19 Les avis de la Commission européenne sur les projets de plans budgétaires devraient être rendus publics le 15 novembre prochain.

* 20 En tout état de cause, la Commission européenne ne dispose pas de la base juridique pour imposer à un Etat membre la soumission d'un projet de budget révisé ni même pour les réviser elle-même.

* 21 Cf. réunion de travail avec Olli Rehn, vice-président de la Commission européenne, en charge des affaires économiques et monétaires, le 18 juin 2013 par la commission des finances du Sénat.

* 22 La réunion de l'Eurogroupe à cet effet devrait intervenir le 22 novembre 2013.

* 23 S'agissant de la France, ce document est inclus dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances (cf. infra ).

* 24 Pour la France, ce document est également inclus dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances (cf. infra ).

* 25 Le rapport économique, social et financier (RESF) correspond au rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation mentionné à l'article 50 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

* 26 Recommandation de la Commission du 29 mai 2013 de recommandation du Conseil pour qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, COM(2013) 384.

* 27 Toutefois, la Commission peut mettre en oeuvre une surveillance renforcée qui implique la remise de rapports sur les actions engagées pour corriger le déficit excessif trois mois après la recommandation, puis tous les six mois.

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