N° 156

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. François MARC,

Sénateur,

Rapporteur général .

TOME I

LE BUDGET DE 2014

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395, 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 157 à 162 (2013-2014)

PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2014 DANS LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

I. 2014, ANNÉE DE PARACHÈVEMENT DU NOUVEAU CADRE DES FINANCES PUBLIQUES

L'année 2014 marque le parachèvement du nouveau cadre des finances publiques mis en place à compter de 2010. La gouvernance économique et budgétaire européenne a été profondément transformée par l'institution du semestre européen, ainsi que par l'entrée en vigueur du « six-pack » et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

Cependant, dans la mesure où les décisions en matière de finances publiques des États sont susceptibles de produire davantage d'effets d'entraînement dans une zone monétaire commune, il a été décidé d' instituer un encadrement plus solide des politiques budgétaires au sein de la zone euro . Aussi le « two-pack » - qui constitue un ensemble de deux règlements du Parlement européen et du Conseil 1 ( * ) - est-il entré en vigueur le 30 mai 2013 trouvera à s'appliquer, pour la première fois, au titre de l'exercice 2014.

C'est dans ce cadre renouvelé que la France sera amenée à poursuivre la trajectoire qu'elle a définie pour ses finances publiques , tournée vers un retour à l'équilibre budgétaire.

Par ailleurs, pour la première fois également, les prévisions économiques retenues par le Gouvernement lors de l'élaboration des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2014 ont été soumises à l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Cette novation majeure, introduite par la loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques 2 ( * ) - et qui répond dorénavant à une exigence du « two-pack » - apparaît incontestablement comme un progrès en faveur de la transparence et du réalisme des hypothèses économiques qui sous-tendent la conception des textes financiers. Dans ces conditions, la crédibilité de la trajectoire des finances publiques s'en trouve renforcée .

A. LE NOUVEAU CADRE BUDGÉTAIRE EUROPÉEN

La crise économique et financière et la crise de la dette souveraine qui l'a accompagnée ont révélé les insuffisances de la gouvernance économique et budgétaire au sein de l'Union européenne . Aussi, à compter de 2010, a été engagé un renforcement sans précédent des mécanismes européens de surveillance budgétaire et macroéconomique.

1. Le semestre européen, un calendrier commun

Ce mouvement a débuté avec la mise en place du semestre européen , dont la première édition s'est déroulée au printemps 2011, qui vise à établir un cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l'Union européenne. A cette fin, l'un des principaux apports du semestre européen consiste à faire coïncider la remise par les Etats membres des programmes de stabilité ou de convergence et des programmes nationaux de réforme, ainsi que leur examen par les instances européennes compétentes . Cette synchronisation de l'évaluation des politiques budgétaires et économiques a pour finalité de renforcer la coordination des pays européens, notamment dans la perspective de l' élaboration des budgets pour l'année suivante .

Le semestre européen débute avec la publication, par la Commission, de l' examen annuel de croissance (EAC) qui expose les actions prioritaires que devront mener les Etats membres en matière de politique économique. Il comporte ensuite les étapes suivantes :

- en janvier-février , le Conseil de l'Union européenne débat de l'examen annuel de croissance, formule des recommandations et adopte des conclusions ;

- en mars , sur la base de l'examen annuel de croissance, de l'analyse et des conclusions du Conseil de l'Union européenne, le Conseil européen formule les lignes directrices de l'Union européenne concernant les politiques nationales ;

- en avril , les États membres présentent leurs programmes de stabilité ou de convergence et leurs programmes nationaux de réforme ;

- en mai-juin , la Commission évalue ces programmes et élabore un projet de recommandations pour chaque pays ;

- en juin , le Conseil de l'Union européenne examine ce projet et arrête des recommandations par pays définitives, qui sont ensuite présentées au Conseil européen pour approbation ;

- en juillet , le Conseil de l'Union européenne adopte les recommandations par pays et les Etats membres sont invités à les mettre en oeuvre.

Graphique n° 1 : Le semestre européen

Source : Conseil de l'Union européenne (2013)

2. Le « six-pack » : une surveillance accrue des déséquilibres économiques et budgétaires

Sur la base de ce calendrier commun à l'ensemble des États membres que constitue le semestre européen, le « six-pack » a substantiellement renforcé la gouvernance économique et budgétaire de l'Union européenne .

a) La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques

Tout d'abord, ce « paquet législatif », entré en vigueur en décembre 2011, a institué un mécanisme de prévention et de correction des déséquilibres économiques, appelé procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) 3 ( * ) . Elle permet à la Commission et au Conseil de l'Union européenne d'adopter à titre préventif, soit avant que les déséquilibres ne s'aggravent, des recommandations. Dans les cas les plus graves, le volet correctif permet l'ouverture d'une procédure de déséquilibre excessif à l'encontre de l'Etat concerné, qui doit alors soumettre un plan d'action corrective comportant une feuille de route précise et les délais de mise en oeuvre des mesures prévues.

S'agissant des Etats membres de la zone euro, l'application du volet correctif est particulièrement rigoureuse dans la mesure où un État qui ne met pas en oeuvre les mesures recommandées peut se voir imposer un dépôt portant intérêt. En outre, si celui-ci persiste à ne pas se conformer à ces recommandations, le dépôt portant intérêt peut être converti en amende 4 ( * ) . Des sanctions peuvent également être appliquées à un Etat qui, après deux rappels, n'a pas remis un plan d'action corrective satisfaisant. Les sanctions sont adoptées par le Conseil de l'Union européenne à la majorité qualifiée inversée (MQI) 5 ( * ) , ce qui leur confère un caractère quasi automatique.

Afin de pleinement s'inscrire dans le cadre du semestre européen, la mise en oeuvre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) suit le calendrier suivant :

- en novembre-décembre , la Commission publie le rapport sur le mécanisme d'alerte , qui fait le point sur l'évolution de la situation macroéconomique dans les différents pays de l'Union européenne. Sur la base de ce rapport, elle peut décider de réaliser un bilan approfondi de la situation dans les pays où le risque de déséquilibres macroéconomiques est considéré comme élevé 6 ( * ) ;

- en mars-avril , la Commission publie les bilans approfondis relatifs aux déséquilibres macroéconomiques.

Les préconisations figurant dans les bilans approfondis inspirent, généralement, les recommandations par pays que la Commission transmet ensuite au Conseil de l'Union européenne (cf. graphique ci-avant).

b) Un pacte de stabilité et de croissance « renforcé »

Le « six-pack » a, par ailleurs, réformé les règles européennes applicables en matière de surveillance budgétaire et institué un pacte de stabilité et de croissance « renforcé » 7 ( * ) .

Dans le cadre de la procédure de déficit excessif (PDE) - qui concerne les Etats dont le déficit effectif excède 3 % du PIB -, le pacte de stabilité et de croissance prévoit que des sanctions financières peuvent être appliquées aux Etats membres de la zone euro qui ne se conformeraient pas aux recommandations spécifiques que le Conseil de l'Union européenne leur a adressées afin qu'ils corrigent leur déficit excessif. Aussi, dans le cas où un Etat manque à ses obligations, le Conseil peut lui imposer une sanction financière 8 ( * ) à la majorité qualifiée inversée (MQI) 9 ( * ) sur recommandation de la Commission. Cette sanction peut être imposée à tout moment , dès lors que les conditions sont réunies.

En outre, le pacte de stabilité et de croissance « renforcé » rend le critère de dette publique prévu par le traité de Maastricht pleinement opérationnel ; en effet, auparavant, le dépassement du seuil de 60 % du PIB par la dette publique d'un Etat ne pouvait pas être sanctionné. Aussi est-il désormais prévu que tout Etat membre dont le taux d'endettement dépasse 60 % du PIB peut faire l'objet d'une procédure de déficit excessif - et ce même si son déficit public est inférieur à 3 % du PIB - dès lors que cet Etat ne réduit pas d'un vingtième par an, sur une moyenne de trois ans, l'écart entre son taux d'endettement et la valeur de référence de 60 %.

Le volet « préventif » du pacte de stabilité et de croissance impose aux Etats membres de poursuivre un objectif de moyen terme (OMT) défini en termes de solde structurel . La référence au solde structurel est partagée avec le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ; cette notion est donc définie plus avant infra . L'OMT doit être compris entre - 1 point de PIB et l'excédent 10 ( * ) . Les objectifs de moyen terme sont fixés par les Etats dans leur programme de stabilité ou de convergence.

Enfin, il est prévu que les Etats fassent converger leur solde structurel vers l'OMT d'au moins 0,5 point de PIB par an . Dès lors, le volet « préventif » du pacte de stabilité et de croissance fournit aux Etats membres qui ne font pas l'objet d'une procédure de déficit excessif (PDE) un cap en matière de programmation des finances publiques .

3. Le TSCG : le solde structurel comme nouvelle « norme » des politiques budgétaires

En dépit du maintien de la « règle des 3 % » concernant le déficit public effectif, les évolutions récentes du cadre budgétaire européen ont fait du solde structurel la norme principale des politiques budgétaires . Ainsi, même dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance « renforcé », un Etat faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif (PDE) ne saurait être sanctionné dès lors qu'il a réalisé les ajustements du solde structurel recommandés par le Conseil de l'Union européenne. De même, le volet « préventif » s'appuie sur une trajectoire de solde structurel.

Il s'agit de mieux concilier consolidation budgétaire et croissance économique . En effet, la poursuite d'une trajectoire fondée sur le seul déficit public effectif peut contraindre les Etats à procéder à des ajustements massifs de leurs finances publiques afin, notamment, de corriger la dégradation du solde imputable à la conjoncture, ce qui a un effet pro-cyclique et peut réduire plus encore la croissance économique.

C'est pourquoi il a été jugé préférable d'instituer une règle d'équilibre définie en termes de solde structurel . Cette évolution a été consacrée avec l'adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire européenne, entré en vigueur le 1 er janvier 2013 11 ( * ) .

Le solde structurel correspond au solde public effectif corrigé des effets du cycle économique , soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires 12 ( * ) . En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le PIB était égal à son potentiel 13 ( * ) .

En application de ce traité, les Etats doivent se doter d'un objectif de moyen terme (OMT) de déficit structurel et, à cette fin, s' engager à suivre une trajectoire de solde structurel .

La trajectoire de solde structurel retenue par la France a été précisée par la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 14 ( * ) .

L'objectif de moyen terme (OMT) retenu par la France est l'équilibre structurel (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 2 : Evolution du solde effectif et du solde structurel prévue par la LPFP 2012-2017

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde effectif

-4,5

-3,0

-2,2

-1,3

-0,6

-0,3

Solde structurel

-3,6

-1,6

-1,1

-0,5

0,0

0,0

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Toutefois, la forte dégradation de la conjoncture au cours de l'année 2012 a rendu nécessaire une révision des hypothèses macroéconomiques pour les années 2013 à 2015 . En conséquence, les prévisions d'évolution du solde effectif et du solde structurel pour la période de programmation ont été revues à plusieurs reprises, y compris dans le cadre du présent projet de loi de finances ( cf . infra ).


* 1 Règlements (UE) du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 n° 472/2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des Etats membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière et n° 473/2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les Etats membres de la zone euro.

* 2 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques.

* 3 La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) a été instituée par deux règlements du « six-pack », les règlements (UE) du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 n° 1174/2011 établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro et n° 1176/2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques .

* 4 Le montant de cette amendement peut représenter jusqu'à 0,1 % du PIB de l'Etat membre.

* 5 En application de la procédure de la majorité qualifiée inversée (MQI), une recommandation de la Commission européenne est réputée adoptée sauf si le Conseil de l'Union européenne, statuant à la majorité qualifiée, décide de la rejeter dans un délai donné. Cette procédure de décision vise à rendre plus difficile la constitution d'une majorité de blocage au sein du Conseil de l'Union européenne.

* 6 En 2013, les bilans approfondis réalisés par la Commission européenne ont concerné treize Etats membres qui, selon les conclusions du rapport sur le mécanisme d'alerte publié en novembre 2012, présentaient des signes de déséquilibres macroéconomiques. Dans le cadre des bilans approfondis publiés en avril dernier, la Commission a considéré que onze de ces Etats connaissaient des déséquilibres non excessifs ; il s'agissait de la Belgique, de la Bulgarie, du Danemark, de la France, de l'Italie, de la Hongrie, de Malte, des Pays-Bas, de la Finlande, de la Suède et du Royaume-Uni. Toutefois, s'agissant de l'Espagne et de la Slovénie, des déséquilibres excessifs ont été identifiés. Pour Chypre, qui avait également été retenu pour un bilan approfondi dans le rapport sur le mécanisme d'alerte, aucun bilan approfondi n'a été publié dans la mesure où le pays fait l'objet d'un programme d'assistance financière - qui s'accompagne nécessairement d'une surveillance économique renforcée.

* 7 La réforme du pacte de stabilité et de croissance a été réalisée, dans le cadre du « six-pack », par trois règlements (UE) du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 n° 1173/2011 sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro, n° 1175/2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques et n° 1177/2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs ainsi que par la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres.

* 8 Cette sanction financière peut représenter jusqu'à 0,2 % du PIB de l'Etat membre.

* 9 Cf. supra , la définition de la majorité qualifiée inversée (MQI).

* 10 Dans les faits, cette règle ne s'applique pas aux Etats parties au TSCG dans la mesure où celui-ci prévoit une règle plus contraignante, selon laquelle l'objectif de moyen terme (OMT) ne peut être inférieur à - 0,5 point de PIB.

* 11 Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a été signé par l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, à l'exception du Royaume-Uni, de la République tchèque et de la Croatie.

* 12 La méthode de calcul du solde structurel est précisée infra , dans le cadre de l'analyse du solde structurel pour l'année 2014.

* 13 Le PIB potentiel correspond au niveau de production qui résulterait du plein emploi des ressources productives, soit le capital et le travail, compatible avec la stabilité des prix à long terme.

* 14 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

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