III. UN EFFORT CONCENTRÉ SUR LA DÉPENSE À PARTIR DE 2014

Pour la première fois de la période de programmation, l'effort de consolidation des finances publiques porterait, en 2014, principalement sur les dépenses . Sur un effort structurel total de 0,9 point de PIB, 0,75 point de PIB résulterait d'économies en dépenses - soit plus de 80 % de l'effort. L'effort en recettes ne s'élèverait donc qu'à 0,15 point de PIB, ce qui permettrait une quasi stabilisation du taux de prélèvements obligatoires 57 ( * ) .

A. UN AJUSTEMENT STRUCTUREL DE 0,9 POINT DE PIB, COMPATIBLE AVEC LA REPRISE DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

L'effort structurel prévu permettrait un ajustement du solde structurel de 0,9 point de PIB en 2014 58 ( * ) ; s'il ne suffirait pas à faire revenir, dès l'année prochaine, le solde structurel dans la trajectoire arrêtée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) - celui-ci ayant été fortement dégradé par la faiblesse de la conjoncture en 2012 et 2013 -, son niveau a toutefois été déterminé afin d'être compatible avec une pérennisation de la reprise de l'activité économique et l'atteinte de l'objectif de moyen terme (OMT) .

1. La cohérence de l'ajustement prévu en 2014 avec la LPFP

Comme cela a déjà été indiqué, en application de la loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques 59 ( * ) , le Haut Conseil des finance publiques (HCFP) est chargé d'« apprécier la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances de l'année au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques ». Il s'agit, par ce biais, de s'assurer que les mesures prévues dans le cadre des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale permettent au solde structurel de suivre la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 13 : La trajectoire de solde structurel prévue par la LPFP 2012-2017

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde structurel

- 3,6

- 1,6

- 1,1

- 0,5

0,0

0,0

Variation du solde structurel

1,2

2,0

0,6

0,6

0,5

0,1

Effort structurel

1,4

1,9

0,5

0,5

0,4

0,1

dont effort en recettes

1,1

1,6

- 0,1

- 0,2

0,0

- 0,3

dont effort en dépenses

0,3

0,3

0,6

0,7

0,4

0,4

Source : LPFP 2012-2017

L'article liminaire du projet de loi de finances pour 2014 fait apparaître que le solde structurel devrait s'élever à - 2,6 points de PIB en 2013 et à - 1,7 point de PIB en 2014 (cf. tableau ci-après). Aussi, lors de l'audition du 9 octobre 2013 précitée, le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a-t-il constaté que « le déficit structurel prévu tant pour 2013 que pour 2014 est significativement supérieur à celui de la loi de programmation des finances publiques » 60 ( * ) ; en effet, l'écart s'élèverait à 1 point de PIB en 2013 et à 0,6 point de PIB en 2014.

Par ailleurs, le HCFP a d'ores et déjà indiqué que, lors de son avis relatif au projet de loi de règlement pour 2013, la « réalisation des prévisions du Gouvernement pour 2013 (1 point d'écart au solde structurel de la loi de programmation) conduira[it] le Haut Conseil à constater au printemps 2014 un «écart important» par rapport aux orientations pluriannuelles, déclenchant ainsi le mécanisme de correction » 61 ( * ) .

Tableau n° 14 : Tableau de synthèse de l'article liminaire

(en % du PIB)

Exécution 2012

Prévision d'exécution 2013

Prévision 2014

Solde structurel (1)

- 3,9

- 2,6

- 1,7

Solde conjoncturel (2)

- 0,8

- 1,4

- 1,8

Mesures exceptionnelles (3)

- 0,1

-

- 0,1

Solde effectif (1+2+3)

- 4,8

- 4,1

- 3,6

Source : article liminaire du projet de loi de finances pour 2014

Si l'écart de la course du solde structurel par rapport à la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) est désormais indéniable, celui-ci doit impérativement être examiné à l'aune de la dégradation de la conjoncture économique survenue au cours de la période récente .

2. Une trajectoire « ajustée » en raison de la dégradation de la conjoncture

A titre de rappel, l'écart de 0,3 point de PIB constaté lors de lors de l'exercice 2012 entre le solde structurel et l'objectif de la LPFP a principalement résulté (pour 0,2 point de PIB environ), d' une révision du déficit structurel pour 2011 . En effet, l'ajustement structurel réalisé avait atteint 1,1 point de PIB, soit un niveau très proche de la prévision de la loi de programmation (1,2 point de PIB) 62 ( * ) .

L'écart a continué à se creuser en 2013, mais principalement en raison du fort ralentissement de l'activité économique . Un examen attentif de l'exercice permet de mettre en évidence le fait que le Gouvernement a, pour l'essentiel, respecté les objectifs d'efforts sur lesquels il s'était engagé .

a) Ajustement structurel et effort structurel

Avant tout, il est nécessaire de préciser la notion d'ajustement structurel afin d'appréhender ses déterminants. L'ajustement structurel correspond à la variation du solde structurel et se décompose en une composante discrétionnaire , également appelée effort structurel , et une composante non discrétionnaire (cf. graphique ci-après).

Graphique n° 15 : L'ajustement structurel

Source : commission des finances du Sénat

L'effort structurel est défini comme la somme d'un effort en dépenses et d'un effort en recettes . Il y a effort en dépenses si les dépenses structurelles 63 ( * ) en volume - c'est-à-dire déflatées par le prix du PIB - augmentent moins vite que la croissance potentielle.

L'effort en recettes - ou mesures nouvelles en prélèvements obligatoires -, quant à lui, est égal à l'impact estimé des mesures fiscales et sociales décidées et mises en oeuvre par les pouvoirs publics. Ainsi, l'effort structurel correspond, en quelque sorte, à la part de la variation structurelle sur laquelle le Gouvernement exerce la plus grande maîtrise .

S'agissant de la composante non discrétionnaire de la variation du solde structurel, elle recouvre tout à la fois la contribution des recettes hors prélèvements obligatoires et les effets d'élasticités fiscales qui mesurent l'impact de l'écart entre les élasticités effectives et les élasticités conventionnelles des prélèvements obligatoires au taux de croissance 64 ( * ) .

b) Un ajustement structurel inférieur à l'effort consenti en 2013

L'effort structurel consenti en 2013 s'élèverait à 1,7 point de PIB
- soit un niveau très proche de la cible retenue en LPFP (1,9 point de PIB) ; pour autant, le solde structurel ne devrait être amélioré que de 1,3 point de PIB 65 ( * ) . Cet écart résulte principalement d'élasticités des prélèvements obligatoires plus faibles que prévus.

(1) Un effort en recettes diminué par la faiblesse des élasticités fiscales

L'effort structurel en recettes atteindrait 1,5 point de PIB en 2013 , contre un objectif de 1,6 point de PIB retenu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 66 ( * ) .

Toutefois, l'accroissement des recettes serait limité par une évolution spontanée des prélèvements obligatoires sensiblement plus faible que celle du PIB en valeur : l'élasticité des prélèvements obligatoire serait seulement de 0,5, contre une moyenne de long terme proche de l'unité (cf. infra ). Ce phénomène résulterait principalement du faible rendement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de l'impôt sur les sociétés, ainsi qu'au moindre dynamisme de la masse salariale, sur laquelle est assise la majeure partie des prélèvements sociaux. Comme cela avait déjà été indiqué dans le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2014, le concept d'élasticité perd une grande partie de son intérêt lorsque les croissances sont négatives ou proches de zéro 67 ( * ) .

Dès lors, la faiblesse des élasticités fiscales aurait contribué négativement à l'évolution des recettes, à hauteur de 0,4 point de PIB .

Dans ces conditions, le taux de prélèvements obligatoires n'a progressé que d'un point de PIB en 2013 , en dépit d'un effort structurel en recettes de 1,5 point de PIB, passant de 45 % du PIB en 2012 à 46 % du PIB en 2013.

Par conséquent, l'effet de l'effort en recettes sur l'ajustement structurel a été diminué par une élasticité des prélèvements obligatoires plus faible que prévu, en raison d'une conjoncture économique dégradée.

(2) Un dépassement de la cible d'évolution des dépenses en volume principalement lié à des dépenses non maîtrisables

L'effort structurel projeté au titre de l'année 2013 repose également sur un effort en dépenses de 0,2 point de PIB - contre une cible de 0,3 point de PIB retenue dans le cadre de la loi de finances pour 2013.

L'effort initialement programmé était fondé sur un objectif de croissance de la dépense publique en volume de 0,9 % ; toutefois, cette dernière devrait atteindre 1,7 % .

La progression plus rapide qu'anticipé de la dépense publique en volume serait, néanmoins, essentiellement liée à des facteurs non maîtrisables .

Tout d'abord, les données les plus récentes ont fait apparaître que l'inflation ne devrait progresser que de 0,8 % en 2013 , alors que les dépenses indexées - à l'instar d'un certain nombre de prestations sociales - ont été revalorisées sur la base d'un taux de 1,3 % 68 ( * ) en avril dernier. Cela a conduit, mécaniquement, à accroître l'augmentation des dépenses concernées en volume . Ce surcroît de dépenses sera compensé en 2014 par un « rattrapage » qui consistera à corriger l'écart entre l'inflation constatée et la prévision d'inflation retenue en avril 2013 lors de la revalorisation des dépenses indexées.

Par ailleurs, plusieurs dépenses non prévues devraient survenir au cours de l'exercice, et notamment le vote du deuxième budget rectificatif de l'Union européenne , qui entraînerait une hausse des dépenses de 1,8 milliard d'euros (cf. encadré ci-après) 69 ( * ) .

Les dépenses des collectivités territoriales seraient, enfin, relativement soutenues en raison du cycle électoral même si, selon le Gouvernement, l'investissement aurait été moins dynamique sur ce cycle que sur les précédents.

Le deuxième budget rectificatif de l'Union européenne

La Commission européenne a déposé, le 27 mars 2013, un projet de budget rectificatif n° 2 70 ( * ) prévoyant une « augmentation des crédits de paiement de 11,2 milliards d'euros » ; celui-ci vise à « combler des besoins non encore ouverts d'ici à la fin de l'exercice, de manière à honorer les obligations découlant d'engagements passés et présents, à éviter des pénalités financières et à permettre aux bénéficiaires de recevoir les fonds prévus par les politiques de l'UE pour lesquelles le Parlement et le Conseil avaient autorisé les crédits d'engagement correspondants lors de budgets annuels antérieurs. Les crédits de paiement supplémentaires demandés permettront de réduire les engagements restant à liquider (RAL) ainsi que le risque de reporter sur l'exercice 2014 des niveaux anormalement élevés de factures impayées ».

L'augmentation du budget communautaire de 11,2 milliards d'euros au titre de l'exercice 2013 implique, pour la France, un relèvement du montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne de 1,8 milliard d'euros .

En tout état de cause, il apparaît que les dépenses maîtrisables seraient bien tenues , limitant par conséquent la croissance des dépenses publiques en volume. Ainsi, la norme « zéro valeur » qui s'applique aux dépenses de l'Etat hors dette et pensions serait respectée , le surgel supplémentaire de 2 milliards d'euros décidé en janvier 2013 devant permettre de faire face aux tensions sur certains postes de dépense ainsi que de financer les mesures décidées en cours d'année.

En outre, un effet de base favorable résultant de dépenses de soins de ville inférieures de 0,5 milliard d'euros à l'estimation retenue lors de la construction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2013 a permis de revoir ce dernier à la baisse d'un même montant.

La charge de la dette serait, quant à elle, inférieure à la prévision de la loi de finances initiale pour 2013 d'un montant de 1,9 milliard d'euros en raison de conditions de financement particulièrement favorables.

c) Un « creusement » de l'écart à la trajectoire de solde public

Dans ces conditions, le déficit structurel s'établirait à 2,6 % du PIB en 2013 , soit un niveau supérieur d'un point de PIB à l'objectif retenu par la loi de programmation des finances publiques. Aussi l'écart à la trajectoire pluriannuelle de solde structurel se creuserait-il substantiellement en 2013 - sachant que celui-ci était déjà de 0,3 point de PIB en 2012 (cf. supra ).

Il apparaît donc clairement le décalage entre le solde structurel et la programmation résulte, en majeure partie, d'une dégradation de la situation économique en 2013 .

Il en va de même du solde effectif, qui atteindrait 4,1% du PIB (contre une prévision de 3 % dans la loi de programmation). Ce dernier se réduirait de 0,7 point de PIB par rapport à 2012 (4,8 % du PIB), malgré une dégradation plus forte qu'anticipé du déficit conjoncturel - de 0,6 point par rapport à 2012. Pour mémoire, la loi de programmation des finances publiques retenait une hypothèse de croissance du PIB de 2 % pour 2013, alors que celle-ci ne devrait s'élever qu'à 0,1 %.

3. Un effort structurel en 2014 supérieur à la programmation, mais compatible avec la reprise de l'activité économique

L'effort structurel prévu pour 2014 par le présent projet de loi de finances s'élève à 0,9 point de PIB , supérieur de 0,4 point de PIB à la prévision de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. Cela permettrait de réduire en partie l'écart du solde structurel par rapport à la programmation : il serait de 0,6 point de PIB, contre 1 point de PIB en 2013 (le solde structurel devant s'élever à - 1,7 % du PIB, contre une cible de - 1,1 % du PIB).

Par conséquent, l'écart avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel ne serait pas intégralement comblé en 2014 , afin de ne pas hypothéquer les conditions d'une reprise durable de l'activité économique . En effet, rattraper dès 2014 le retard pris par le solde structurel par rapport à la programmation impliquerait un effort structurel supplémentaire de 0,6 point de PIB ; à supposer que le multiplicateur budgétaire 71 ( * ) soit égal à l'unité - sachant que dans la situation actuelle, il pourrait être supérieur 72 ( * ) - conduirait à amputer la croissance du PIB en 2014 de 0,6 point.

C'est pourquoi le Gouvernement a, à raison, fait le choix de lisser l'effort structurel sur la fin de la période de programmation , d'autant que l'atteinte de l'objectif de moyen terme (OMT), soit l'équilibre structurel, n'est pas remise en question (cf. infra ).

Dans ces conditions, le solde structurel s'élèverait à - 1,7 % du PIB en 2014 (contre un objectif de - 1,1 % du PIB) ; le déficit effectif se réduirait de 0,5 point par rapport à 2013 pour atteindre 3,6 % du PIB .


* 57 Comme cela est indiqué infra , sur un effort en recettes de 2,7 milliards d'euros, 1,8 milliards d'euros proviendraient de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales.

* 58 Les notions d'effort structurel et d'ajustement structurel sont précisées infra .

* 59 Cf. loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 précitée.

* 60 Cf. audition de Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, le 9 octobre 2013 par la commission des finances du Sénat.

* 61 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2013-03, op. cit.

* 62 Cf. rapport n° 711 (2012-2013) sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2012 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

* 63 Seules les dépenses de chômage sont supposées cycliques. Les autres dépenses sont supposées structurelles.

* 64 L'élasticité des prélèvements obligatoires correspond au rapport entre la croissance des prélèvements à législation de l'année n-1 et la croissance du PIB de l'année n. Par conséquent, une élasticité égale à l'unité signifie qu'une hausse de 2,5 % du PIB en valeur s'accompagnera d'une augmentation spontanée - soit hors mesures nouvelles - des recettes fiscales de 2,5 %. Aussi, si l'élasticité est inférieure à l'unité, les recettes progressent spontanément moins vite que le PIB en valeur.

* 65 En comparaison avec un objectif de diminution du solde structurel de 2 points de PIB arrêté dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 66 Cf. le tome I du rapport n° 148 (2012-2013) sur le projet de loi de finances pour 2013 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

* 67 Cf. rapport d'information n° 712 (2012-2013) préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2014 fait par François Marc au nom de la commission des finances.

* 68 Ce taux de 1,3 % correspond à la prévision d'inflation en avril 2013, soit 1,2 %, plus 0,1 point du fait du rattrapage au titre de l'année passée de l'écart entre l'inflation constatée et la prévision d'inflation pour 2012.

* 69 Par conséquent, le montant prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est revu de 20,4 milliards d'euros en loi de finances initiale à 22,2 milliards d'euros.

* 70 Projet de budget rectificatif n° 2 de la Commission européenne, enregistré le 27 mars 2013, COM(2013) 183.

* 71 Les multiplicateurs budgétaires correspondent à l'impact sur le PIB d'une variation des dépenses ou des recettes publiques d'un point de PIB.

* 72 Le Fonds monétaire international (FMI) a estimé, en octobre 2012, que les multiplicateurs budgétaires avaient atteint, au cours de la crise économique, un niveau compris entre 0,9 et 1,7.

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