EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 19 novembre 2013, sous la présidence de Mme Michèle André, vice-présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Georges Patient et Eric Doligé, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer » (et article 70), et a entendu une communication sur leur contrôle budgétaire relatif à l'aide au fret .

Mme Michèle André , vice-présidente . - Je souhaite la bienvenue à Karine Claireaux , rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur ces crédits.

M. Georges Patient , rapporteur spécial . - Avec des crédits de paiement en augmentation de 1 %, la mission « Outre-mer » est préservée. Nous nous réjouissons que son caractère prioritaire ait été reconnu.

Les dépenses fiscales représentent le principal outil de l'État pour soutenir les territoires ultramarins. Leur montant devrait être en légère hausse, de 1,9 %, en 2014. Nous regrettons que, pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement n'ait pu chiffrer le montant prévisionnel de la dépense fiscale sur le logement social, particulièrement dynamique.

Les dispositifs de défiscalisation outre-mer font l'objet d'une réforme importante dans le présent projet de loi de finances. Deux crédits d'impôts sont mis en place, l'un pour les investissements productifs, l'autre pour le logement social, dont la finalité est de capter une partie des investissements aujourd'hui défiscalisés et de faire baisser la dépense fiscale. Nous nous étonnons cependant que l'étude d'impact n'ait prévu aucune conséquence financière.

Après cette réforme importante, la défiscalisation devra être stabilisée, dans ses montants - l'aide à l'outre-mer ne doit pas diminuer - et dans ses dispositions juridiques - les investisseurs ont besoin de visibilité.

Le programme 138 « Emploi outre-mer » connaît une stabilisation. C'est là que l'on trouve les crédits correspondant aux exonérations de charges à destination des entreprises ultramarines. La réforme inscrite à l'article 70 devrait permettre une économie de 90 millions d'euros par rapport à l'évolution naturelle de la dépense. Nous regrettons, comme chaque année, que ces crédits soient sous-budgétisés. La dette nette de l'État envers les organismes de sécurité sociale s'élevait, fin 2011, à 22 millions d'euros et fin 2012, à 77 millions d'euros. Nous n'avons pas encore les chiffres de l'exécution 2013, mais il est probable qu'elle sera encore en augmentation. La légère baisse des crédits de paiement en 2014 rendra encore plus difficile la couverture des dépenses et la diminution de la dette de l'État envers les caisses.

S'agissant du service militaire adapté (SMA), l'objectif de 6 000 places de volontaires avait dû, l'an dernier, être décalé à 2016 du fait des évolutions budgétaires des dernières années. La programmation des crédits sur 2013-2015 devrait permettre enfin de tenir l'engagement.

Les autorisations d'engagement du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont en baisse mais les crédits de paiement en hausse.

Je n'ai pas besoin de rappeler l'importance de la « ligne budgétaire unique » (LBU) pour le financement du logement outre-mer, ni l'ampleur des besoins. La construction de plus de 20 000 logements sociaux par an serait nécessaire, d'ici à 2030. Or on construit environ 8 000 logements par an.

Le montant de la LBU est stable en autorisations d'engagement mais connaît une hausse de 8 % en crédits de paiement, après une augmentation de 6 % l'an dernier. Cela n'a cependant pas évité le retour à un niveau important des impayés de l'État vis-à-vis des bailleurs sociaux : la dette de l'État, de 115 millions d'euros en 2006, avait été ramenée à 7 millions d'euros fin 2011. Or elle est remontée à 40 millions d'euros en 2012 et pourrait atteindre 80 millions fin 2013.

Nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Éric Doligé , rapporteur spécial . - Venons-en à l'article rattaché. Les entreprises des départements d'outre-mer bénéficient d'exonérations spécifiques de charges sociales, afin de réduire le coût du travail dans le secteur marchand et de favoriser la création d'emplois. Cette exonération est totale jusqu'à 1,4 Smic, puis progressivement décroissante, selon le type d'entreprises, jusqu'à 4,5 Smic au maximum.

L'article 70 prévoit une diminution des exonérations de charges sur les salaires supérieurs à 1,4 Smic. Selon l'étude d'impact, cette diminution devrait conduire, à partir de 2015, à une économie pour l'État de 108 millions d'euros par an. En 2014, l'économie attendue est estimée à 90 millions d'euros, du fait des exonérations afférentes à l'exercice 2013.

Les économies ultramarines bénéficieront également de la mise en place du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Au total, 320 millions d'euros devraient bénéficier à l'outre-mer. L'effet combiné de la suppression des charges et de la mise en place du CICE réduira le coût du travail pour 80 % des salariés ultramarins ; pour 7 % d'entre eux, la mesure sera neutre. C'est au-dessus de 3 500 euros bruts mensuels que la réduction des exonérations a un impact. Or, à ce niveau, les exonérations de charges sociales jouent un rôle marginal dans la décision d'embauche. Le recentrage des exonérations sur les bas salaires permet donc d'augmenter l'efficience de ce dispositif. C'est pourquoi nous vous proposons de préconiser au Sénat d'adopter cet article sans modification.

J'en viens à notre mission de contrôle relative à l'aide au fret, mise en place en 2009, qui touche à un aspect essentiel des économies ultramarines : les surcoûts de production qu'elles supportent, du fait de leur éloignement géographique et des normes qui s'imposent à elles.

Les contraintes économiques et juridiques limitent l'intégration de ces territoires à leur propre zone régionale. Ainsi, la métropole représente, pour la plupart d'entre eux, une part prépondérante de leurs échanges commerciaux, souvent plus de la moitié. À l'inverse, l'intégration commerciale avec la zone géographique locale est souvent faible, pour des raisons de concurrence et de différence de coût : il est plus difficile de commercer avec des voisins au niveau de vie plus faible. Les trajets entre ces territoires et la métropole sont une source importante de surcoût, évalué à 76 millions d'euros par an. Il peut faire l'objet d'une compensation financière, à travers une aide européenne jusqu'à 50 %, puis à travers l'aide au fret, jusqu'à 75 %.

Or le recours à cette aide a été beaucoup moins important que prévu, sans doute en raison de la complexité administrative des démarches. La Réunion, elle, a mis en place un guichet unique : la demande de subvention est déposée auprès de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, qui l'instruit avant de l'adresser au préfet de région pour engagement juridique de paiement. Nous appelons les autorités compétentes à s'inspirer de cet exemple.

Nous nous inquiétons enfin que les crédits inscrits, après avoir été divisés par 4,5 entre 2009 et 2013, puissent se révéler désormais insuffisants : 12 millions d'euros consommés en 2012, mais seulement 6 millions d'euros inscrits en 2013, comme en 2014.

Mme Karine Claireaux , rapporteure pour avis . - La commission des Affaires sociales est en phase avec ce rapport. Il est difficile d'apprécier la politique de l'État envers l'outre-mer à travers cette seule mission, du fait de la dispersion des crédits entre plusieurs ministères. Difficile de s'assurer que les crédits ne diminuent pas trop... Même si l'outre-mer participe à l'effort national de réduction des dépenses publiques, il est préservé et c'est une grande satisfaction.

M. Éric Doligé , rapporteur spécial . - Je vais soutenir ce budget. Avec Marie-Noëlle Lienemann, présidente du groupe de travail commun à la commission des affaires économiques et à la délégation à l'outre-mer, et Serge Larcher, co-rapporteur, nous avions beaucoup de craintes sur les modifications qui allaient être proposées sur la défiscalisation, car la situation outre-mer n'est guère brillante. Le crédit d'impôt prévu à l'article 13 risquait de s'appliquer à la totalité de l'activité outre-mer, où la plupart des entreprises sont toutes petites, au risque de poser des problèmes de financement et de trésorerie. Je rappelle que la BPI n'est pas encore implantée outre-mer. Mais l'essentiel a été sauvé et le Gouvernement nous a écoutés. C'est pourquoi je voterai les crédits.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer ».

Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 70.

Elle a donné acte aux rapporteurs spéciaux de leur communication et en a autorisé la publication.

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et de l'article 70.

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