N° 386

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , d' avenir pour l 'agriculture , l' alimentation et la forêt ,

Par MM. Didier GUILLAUME et Philippe LEROY,

Sénateurs

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1548 , 1604 , 1614 , 1639 et T.A. 273

Sénat :

279 , 344 , 373 et 387 (2013-2014)

INTRODUCTION

Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible

Antoine de Saint-Exupéry

Mesdames, Messieurs,

L'agriculture évoque la solidité des traditions, l'immuabilité des saisons, la force des territoires. La France, depuis longtemps grenier et cellier de l'Europe, a su prendre le virage de la révolution agricole des années 1950-1960, pour faire progresser sa production et ses performances de manière spectaculaire. Mais aujourd'hui, pour penser l'avenir de l'agriculture, il faut changer de modèle . Il en va de même concernant la forêt, éternelle oubliée des politiques publiques, qui couvre presque un tiers du territoire hexagonal, emploie près d'un demi-million de personnes, ce qui n'empêche pas notre pays d'enregistrer un déficit commercial de près de 6 milliards d'euros par an.

Le modèle proposé par le projet de loi pour l'avenir de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt est celui de l'agro-écologie et repose sur un pari nourri par des observations de terrain : alors que l'environnement a longtemps été opposé à l'économie, il est possible d'atteindre à la fois la performance économique et l'excellence environnementale, en tirant parti des lois de la nature elle-même.

Le succès de cette approche n'est pas garanti par des méthodes uniformes et simples . Il dépend de l'appropriation par les acteurs du monde agricole, et en premier lieu les agriculteurs, de l'ensemble des outils de connaissance et d'intervention. Il requiert une véritable révolution culturelle dans les campagnes , tournant le dos à l'agriculture hyper-standardisée, redonnant toute sa place à l'innovation.

Une loi peut-elle ordonner le changement ? A l'évidence, elle n'y suffira pas. Mais au-delà du signal politique qu'elle donne, elle met en place des outils concrets pour permettre aux agriculteurs de progresser dans la voie de l'agro-écologie , notamment à travers les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE).

Déclinant la priorité à la jeunesse exprimée constamment par le Président de la République, le projet de loi vise à encourager le renouvellement des générations en agriculture. Le renforcement de la formation, la facilitation de l'installation à travers les parcours progressifs, l'assouplissement des conditions d'affiliation au régime social agricole ou encore la priorité à la reprise d'exploitations affichée dans un contrôle des structures rénové en sont les instruments. Il ne s'agit pas seulement d'assurer une relève quantitative, mais de s'appuyer sur les nouvelles générations pour diffuser de nouvelles pratiques, produire une nouvelle révolution agricole.

Le défi de la compétitivité reste essentiel pour l'agriculture française, qui s'inscrit dans le cadre défini par la politique agricole commune (PAC), dont l'orientation vers les marchés ne s'est pas démentie depuis le début des années 1990. Ce défi est le premier rappelé par l'exposé des motifs du projet de loi. Il doit être relevé dans un contexte de volatilité accrue des prix des matières premières, et tenant compte de l'existence de nouvelles menaces sanitaires. Il doit aussi être relevé dans un contexte d'attentes sociales de plus en plus fortes s'agissant de préservation de la biodiversité, lutte contre le réchauffement climatique, réduction de l'utilisation de pesticides ou fertilisants chimiques.

Or, la compétitivité ne peut pas être appréhendée dans une approche étroite fondée sur le seul coût de production . La performance économique résulte d'une démarche globale : moins d'intrants ne menace pas toujours les rendements à long terme. Des stratégies nouvelles d'assolement, de cultures intercalaires, des échanges de fertilisants organiques entre agriculteurs peuvent permettre des rendements élevés et de créer davantage de valeur ajoutée dans les filières agricoles et alimentaires.

Le projet de loi d'avenir entend encourager ces nouvelles pratiques , par une palette de mesures qui doivent donner un nouvel élan de modernisation à nos agricultures .

Car celles-ci restent d'une extraordinaire diversité, répondant à la diversité des territoires et des terroirs. À l'exception des cultures exotiques, la France hexagonale pratique la quasi-totalité des productions animales et végétales connues . Cette situation oblige à laisser une large part à l'imagination et à la nouveauté dans les pratiques.

Le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt intervient près de quatre ans après le vote de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) 1 ( * ) , et après l'adoption de la réforme de la PAC pour la période 2014-2020. Cette réforme, qui préserve globalement les enveloppes budgétaires disponibles pour la France, se traduit par des exigences nouvelles sur le plan environnemental avec le verdissement des aides directes, et vise à lutter contre les inégalités dans la distribution des aides directes aux agriculteurs. Elle laisse aux États membres de l'Union européenne des marges de manoeuvres plus importantes que par le passé, en particulier en matière d'aides couplées, encourage l'installation des jeunes agriculteurs, mais reste frileuse sur l'ambition régulatrice de l'Europe vis-à-vis de marchés souvent erratiques.

Annoncé dès le 3 juillet 2012 par le Premier ministre, dans son discours de politique générale, le projet de loi d'avenir a été préparé pour répondre aux objectifs d'une agriculture « diversifiée, durable et performante ». Dès septembre 2012, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, a confié à M. Bertrand Hervieu, vice-président du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), et à Mme Marion Guillou, ancienne Présidente directrice générale de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), une mission visant à identifier les vecteurs propices au changement de pratiques en termes législatifs ou réglementaires. À côté de ce rapport, de nombreux travaux ont été menés pour alimenter la préparation du projet de loi : notamment le rapport confié à M. Jean-Yves Caullet, député, sur la forêt et la filière bois. Parallèlement, le ministre avait engagé une concertation avec les professionnels, à travers les assises de l'installation lancées fin 2012 ou encore les assises régionales de l'agroalimentaire. Deux phases de concertation une fois le projet de texte écrit ont eu lieu en avril et mai 2013.

Soumis au conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO) en septembre 2013 et examiné par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) début novembre, le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 13 novembre 2013.

Contrairement à la LMAP, le texte a été d'abord déposé à l'Assemblée nationale et examiné entre décembre 2013 et janvier 2014. Les députés ont apporté des corrections au texte initial et ont procédé à quelques adjonctions mais ont conservé intacte son ossature et sa philosophie.

Votre commission des affaires économiques a nommé deux rapporteurs sur ce texte 2 ( * ) , qui ont dû travailler dans des délais courts. Réalisant plus d'une centaine d'auditions à eux deux, ils ont cherché à poursuivre le dialogue entamé avec les parties prenantes dans la phase de préparation de la loi, pour en améliorer le dispositif sans en bouleverser l'esprit.

Leurs réflexions ont été enrichies par les avis de la commission de la Culture, de l'éducation et de la communication, adopté sur proposition de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur et de la commission du Développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire adopté sur proposition de M. Pierre Camani, rapporteur.


* 1 Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010.

* 2 M. Didier Guillaume (Soc, Drôle), et M. Philippe Leroy (UMP, Moselle), rapporteur sur le titre V consacré à la forêt.

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