LA MISE EN oeUVRE DE LA PROCÉDURE DE RÉSOLUTION : PRISE DE DÉCISION POLITIQUE ET PROCÉDURE EFFICACE

Selon le texte proposé par la Commission européenne, la procédure de résolution se déroulerait essentiellement en quatre étapes :

1. La BCE, en tant que superviseur, informe la Commission européenne et le conseil de résolution unique (CRU) qu'un établissement de crédit est « en situation de défaillance avérée ou prévisible » et qu'il « n'existe aucune perspective raisonnable qu'une autre mesure de nature privée ou prudentielle (...) empêche sa défaillance dans un délai raisonnable » (article 16).

2. Le comité de résolution unique (CRU) , agence de l'Union européenne composé de quatre membres propres (un directeur exécutif, un directeur exécutif adjoint, un membre nommé par la Commission et un membre nommé par la BCE) ainsi que d'un membre représentant l'autorité nationale de résolution de chaque Etat membre participant, évalue si les deux conditions précédemment mentionnées sont réunies et si une mesure de résolution est nécessaire « dans l'intérêt général ». Si oui, il recommande à la Commission européenne de soumettre l'établissement à une procédure de résolution , en précisant le cadre de l'utilisation des instruments de résolution et du recours au Fonds.

3. La Commission décide , sur la base de cette recommandation, s'il y a lieu de soumettre l'établissement à une procédure de résolution. Cette prise de décision par une institution de l'Union, en l'occurrence la Commission européenne, est indispensable en application de la jurisprudence Meroni de la Cour de justice des communautés européennes de 1958 10 ( * ) , selon laquelle certains pouvoirs ne peuvent être exercés que par des institutions de l'Union européennes et non par de simples agences instituées, comme le CRU, par le droit dérivé.

4. Si la Commission européenne décide de l'entrée en résolution, le conseil de résolution unique met en oeuvre cette procédure , avec l'appui de la ou des autorités nationales de résolution concernées. Il informe la Commission européenne tout au long de cette mise en oeuvre. Il peut également demander à la Commission européenne de modifier le cadre de l'utilisation des instruments de résolution et/ou du recours au Fonds de résolution.

Cette architecture, proposée initialement par la Commission européenne, présente deux principaux enjeux : le titulaire du pouvoir de décision de la résolution d'une part et les modalités de fonctionnement du conseil de résolution unique d'autre part.

LE TITULAIRE DU POUVOIR DE DÉCIDER DE LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉSOLUTION

La prise de décision de « mise en résolution » puis les différentes décisions de démantèlement ont des conséquences économiques, sociales et - potentiellement - budgétaires majeures : pertes imputées sur les actionnaires et les créanciers, cessions et restructurations d'entités entraînant une réduction de l'offre de crédit à l'économie, injection de capitaux en provenance du fonds de résolution et, si nécessaire, des pouvoirs publics.

Au regard de ces conséquences potentielles et compte tenu de la jurisprudence Meroni précitée, l'intervention d'une institution de l'Union européenne est indispensable pour décider de soumettre un établissement de crédit à la procédure de résolution . Trois institutions semblent être en mesure, théoriquement, de remplir ce rôle : la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne.

Confier ce rôle à la BCE n'est pas envisageable dès lors que celle-ci, déjà autorité de supervision, pourrait être suspectée de partialité et de conflit d'intérêt s'agissant du traitement de banques dont elle n'aurait pas su anticiper les difficultés.

Si la Commission a proposé d'être titulaire de ce pouvoir de décision, l'accord politique du Conseil du 18 décembre 2013 donne quant à lui une place centrale au Conseil . Cet accord prévoit en effet que le conseil de résolution unique (CRU) décide de l'entrée en procédure de résolution et des instruments utilisés mais que le Conseil peut, sur proposition de la Commission, dans un délai de vingt-quatre heures et à la majorité simple, s'opposer à cette décision. Le CRU pourrait alors, dans certaines conditions non précisées par le texte publié par le Conseil, former un recours contre cette opposition. En tout état de cause, l'autorité ultimement responsable serait donc bien le Conseil .

On peut certes regretter qu'en faisant intervenir le Conseil, la procédure permette aux Etats membres ne participant pas au mécanisme d'être présent dans le processus de décision et d'être ainsi tenus informés de la situation d'établissements qui ne relèvent pas de leur juridiction. En tout état de cause, ces Etats membres ne devraient pas avoir de droit de vote dans ce cas.

Cependant, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, le Conseil craint notamment que les décisions prises par la Commission en matière de mise en oeuvre de la procédure ne soient, dans une certaine mesure, orientées par son rôle en matière de contrôle des aides d'Etat - qu'elle continuera en effet, en tout état de cause, d'assumer dès lors qu'une garantie publique ou, a fortiori , une recapitalisation publique serait à l'ordre du jour.

De plus, il s'agit, pour le Conseil, de faire en sorte que les Etats membres conservent un droit de regard sur une décision aussi lourde de conséquences politiques et économiques .

En outre et surtout, la mise en place du MRU n'exclut pas totalement une intervention financière publique de niveau national , en particulier une garantie de l'Etat membre si un établissement présente des premières difficultés. De même, dans un premier temps, les fonds de résolution nationaux ne seront pas complètement intégrés dans le nouveau fonds unique ; ainsi, ce seront toujours, dans ce premier temps, les banques d'un Etat membre qui financeront, le cas échéant, le renflouement des banques en difficulté de ce même Etat membre. En conséquence, au regard des intérêts nationaux en jeu, votre rapporteur estime qu'il est légitime de conserver au Conseil, plutôt qu'à la Commission, la responsabilité ultime de la décision de résolution .

LE FONCTIONNEMENT DU CONSEIL DE RÉSOLUTION UNIQUE

En pratique, le principe de « responsabilité ultime » d'une institution de l'Union vis-à-vis des décisions de résolution ne devrait se manifester que dans des cas exceptionnels , lorsque les recommandations du conseil de résolution unique (CRU) ne feraient pas consensus. L'organe déterminant pour la gestion de la procédure de résolution reste donc le conseil de résolution unique, qui fait office d' autorité opérationnelle de résolution pour l'ensemble des pays participants.

L'accord du Conseil diffère sur deux points de la proposition de la Commission s'agissant du CRU.

Tout d'abord, le Conseil souhaite que le CRU comprenne quatre membres indépendants en lieu et place du directeur exécutif adjoint et des membres respectivement désignés par la Commission et par la BCE, tels que proposé par la Commission. Il s'agit essentiellement de bien distinguer entre les missions du CRU et les missions de la BCE (en amont, en matière de supervision) et de la Commission (en aval, en matière de contrôle des aides d'Etat et de contrôle de la procédure de résolution). Rappelons qu'à côté de ces membres et du directeur, le CRU comprend également un représentant de chaque autorité nationale de résolution par Etat membre participant.

Surtout, la principale différence réside dans les missions que Commission et Conseil souhaitent respectivement confier à la session plénière et à la session exécutive (restreinte) du CRU . En effet, il est prévu que le CRU puisse se réunir dans deux formations distinctes :

- une session plénière, comprenant l'ensemble des membres du CRU ;

- une session exécutive , comprenant le directeur, les membres à plein temps, ainsi que les représentants des seules autorités nationales de résolution où l'établissement bancaire examiné est établi.

La Commission a proposé de limiter le rôle de la session plénière aux décisions de nature générale et budgétaire, en confiant les décisions préparatoires et opérationnelles de résolution à la session exécutive.

Sans remettre en cause cette répartition générale des tâches, le Conseil souhaite que toutes les décisions de financement significatif par le fonds de résolution 11 ( * ) soient de la responsabilité de la session plénière . Dans ce cas, « les décisions seraient prises à une majorité des deux tiers des membres représentant au moins 50 % des contributions ».

Le Conseil cherche ainsi à permettre à l'ensemble des Etats participants et, notamment, à ceux dont le secteur bancaire sera fortement contributeur au fonds de résolution - au premier rang desquels l'Allemagne et la France -, d'avoir un droit de regard et une capacité de décision sur l'utilisation de ce fonds même lorsque l'établissement en difficulté n'est pas établi sur leur territoire .

*

Au total et tout en étant favorable au principe de l'implication du Conseil dans le processus de décision, votre rapporteur estime que la procédure telle que projetée par le Conseil dans son accord de décembre 2013 n'est pas pleinement satisfaisante, pour deux raisons .

La première est qu'elle est, a priori , trop complexe au sens où elle fait intervenir quatre instances (le CRU en session plénière, le CRU en session exécutive, la Commission et le Conseil) qui, de plus, sont toutes collégiales : les procédures de contestation et de médiation prévues par le Conseil, dont le détail n'est pas connu, sont autant de risques de blocage institutionnel dans un contexte de crise où la rapidité sera pourtant nécessaire pour éviter une contagion à d'autres acteurs bancaires.

Aussi, pour limiter le jeu des considérations politiques nationales et les possibilités de blocage, ainsi que donner sa pleine efficacité au fonds de résolution, votre rapporteur rejoint l'auteur de la proposition de résolution en souhaitant qu'un rôle plus important soit confié à la session exécutive du CRU , même lorsqu'il s'agit de faire usage du fonds de résolution unique . Cette utilisation doit en effet avant tout dépendre de l'enjeu en termes de stabilité financière pour la zone euro et ses Etats membres, et non d'une logique de « retour sur investissement » privilégiant les Etats-membres les plus fortement contributeurs.


* 10 Arrêt Meroni/Haute Autorité du 13 juin 1958 (aff. 9/56 et 10/56, Rec. 1958 p. 11).

* 11 Il s'agit de celles impliquant « un soutien en liquidité excédant 20 % du capital du fonds de résolution ou toute autre forme de soutien tel que des recapitalisations bancaires, excédant 10 % du capital du fonds, de même que les décisions nécessitant un accès au fonds dès lors qu'un total de 5 milliards d'euros a déjà été utilisé au cours de l'année calendaire ».

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