EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Moins de quatre mois après un premier vote acquis à l'unanimité, notre assemblée est invitée à examiner en seconde lecture la proposition de loi n°492 (2013-2014) de votre rapporteure tendant à modifier la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Alors que le nombre de personnes détenues a franchi au 1 er avril 2014 un nouveau seuil - 68 859 personnes écrouées détenues pour 57 680 places en établissements pénitentiaires (soit une augmentation de la population carcérale de 2 % sur un an) -, l'existence d'une autorité indépendante chargée de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et dotée des prérogatives nécessaires pour exercer pleinement sa mission est plus que jamais indispensable.

À cet égard, votre commission des lois se félicite que l'Assemblée nationale se soit rapidement saisie de cette proposition de loi et, grâce en particulier au travail approfondi de sa rapporteure, Mme Laurence Dumont, ait largement approuvé et conforté les dispositions votées par le Sénat.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a amélioré le texte voté par notre assemblée sur plusieurs points importants :

- elle a d'abord apporté plusieurs clarifications à l'article 1 er afin de garantir que le Contrôleur général ait les mêmes prérogatives dans le cadre des enquêtes réalisées sur le fondement de l'article 6 de la loi du 30 octobre 2007 que sur celui des visites de contrôle fondées sur l'article 8 de cette même loi. Le texte voté par le Sénat pouvait en effet laisser subsister une ambiguïté sur ce point. Désormais, un nouvel article 8-1 , inséré dans la loi du 30 octobre 2007, détaillera les conditions communes dans lesquelles s'exercent ces enquêtes et visites de contrôle ;

- alors que la proposition de loi votée par le Sénat ouvrait au Contrôleur général la possibilité de prendre connaissance des procès-verbaux de déroulement de garde à vue, la commission des lois de l'Assemblée nationale a élargi ces dispositions à l'ensemble des procès-verbaux relatifs au déroulement d'une mesure privative de liberté mise en oeuvre sous la responsabilité de la police, de la gendarmerie ou de la douane , ce qui permettra d'inclure, outre les procès-verbaux de déroulement de garde à vue, les procès-verbaux de retenue pour vérification du droit au séjour d'une personne de nationalité étrangère ou les procès-verbaux de retenue douanière, par exemple ;

- s'agissant de la délicate question de l'accès des collaborateurs du Contrôleur général à des informations couvertes par le secret médical, la commission des lois de l'Assemblée nationale a précisé la rédaction proposée par le Sénat, en prévoyant que seuls les collaborateurs du Contrôleur général « ayant la qualité de médecin » pourraient être autorisés à prendre connaissance de telles informations 1 ( * ) . Cette formulation permet de s'assurer que les intéressés sont non seulement titulaires d'un diplôme permettant l'exercice en France de la profession de médecin, comme l'avait prévu le Sénat, mais qu'ils sont également d'une nationalité permettant cet exercice et qu'ils sont inscrits à un tableau de l'ordre des médecins ;

- à l'initiative de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a également introduit dans la loi du 30 octobre 2007 un nouvel article 10-1 afin de permettre expressément au Contrôleur général des lieux de privation de liberté d'adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté . Les décisions prises, dans le passé, de construire, dans le cadre du programme « 13 200 », des établissements pénitentiaires surdimensionnés ou d'implanter des centres de semi-liberté dans des lieux peu faciles d'accès illustrent la pertinence de ces dispositions ( nouvel article 4 bis de la proposition de loi) ;

- à l'article 6 de la proposition de loi, la commission des lois de l'Assemblée nationale a modifié la rédaction du nouveau délit d'entrave, afin, d'une part, de supprimer la peine d'emprisonnement encourue , ne laissant subsister qu'une peine correctionnelle d'amende de 15 000 euros, et, d'autre part, d'inclure dans le champ de cette nouvelle infraction, outre les comportements manifestant une opposition aux opérations de contrôle ou de vérifications, le fait de sanctionner une personne pour les liens qu'elle aurait établis avec le Contrôleur général ou les pièces ou informations qu'elle lui aurait fournies .

La suppression de la peine d'emprisonnement, que la commission des lois de l'Assemblée nationale a jugée « disproportionnée » 2 ( * ) et qui, en pratique, interdira le placement en garde à vue de l'intéressé mais n'empêchera pas les poursuites devant le tribunal correctionnel, ne paraît pas soulever de difficulté particulière. Elle s'inscrit du reste dans la démarche, initiée par la garde des sceaux, tendant à cesser de considérer la peine d'emprisonnement comme la peine de référence pour toute infraction pénale. Par cohérence, votre rapporteure estime qu'il serait souhaitable, dans un avenir proche, d'aligner ainsi l'ensemble des peines encourues pour les différents délits d'entrave 3 ( * ) .

Par ailleurs, l'élargissement du champ de l'infraction aux « représailles » engagées contre les interlocuteurs du Contrôleur général permettra de renforcer l'efficacité des dispositions de l'article 2 de la proposition de loi , qui pose le principe de nullité de toute sanction prononcée à l'encontre d'une personne qui aurait établi des liens avec le Contrôleur général ou qui lui aurait fourni des informations ;

- elle a enfin adopté plusieurs amendements de sa rapporteure procédant à des améliorations formelles du dispositif voté par le Sénat.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a par ailleurs, à l'initiative de M. Sergio Coronado, introduit dans la proposition de loi un nouvel article 1 er B afin de permettre expressément aux députés européens élus en France de saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

En séance publique, les députés ont largement approuvé ces orientations, n'adoptant qu'un amendement rédactionnel proposé par leur rapporteure, Mme Laurence Dumont.

Votre commission approuve l'ensemble de ces modifications qui, loin de contredire les dispositions votées par le Sénat, les complètent et les renforcent de façon utile.

Elles permettront de conforter et de renforcer l'institution du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui, en six ans d'exercice, a apporté la preuve de son utilité et de sa légitimité en tant qu'autorité indépendante.

À ce stade de l'examen parlementaire, votre commission des lois estime que la proposition de loi comporte désormais l'ensemble des mesures nécessaires pour répondre aux difficultés ou lacunes identifiées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le texte paraît parvenu à un équilibre satisfaisant et permettra de renforcer le dispositif de protection des droits des personnes privées de liberté tout comme celui des conditions de travail des personnels qui en ont la charge.

Compte tenu, en outre, de l'intérêt attaché à une entrée en vigueur rapide de la présente proposition de loi, permettant au successeur de M. Jean-Marie Delarue, dont le mandat arrive à expiration le 13 juin 2014, de s'en saisir pleinement, votre commission a adopté la présente proposition de loi dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

* *

*

Votre commission a adopté la proposition de loi sans modification.


* 1 Sous réserve de l'accord de la personne concernée, sauf si ces informations concernent des privations, sévices ou violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou sur une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

* 2 Rapport n°1832 de Mme Laurence Dumont, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, mars 2014, page 80.

* 3 Prévues à l'article 51 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 pour la CNIL, à l'article L. 642-2 du code monétaire et financier pour l'Autorité des marchés financiers, à l'article L. 217-10 du code de la consommation pour la DGCCRF, par exemple. Il n'existe pas à l'heure actuelle de quantum de peines harmonisé pour ces différents délits d'entrave.

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