EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 7 mai 2014, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission examine le rapport de M. Georges Labazée sur la proposition de loi n° 299 (2013-2014), visant à mettre en place un dispositif de réduction d'activité des moniteurs de ski ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l'activité des nouveaux moniteurs.

M. Georges Labazée, rapporteur . - Initiée en partie dans le Massif Central, puisque Laurent Wauquiez avait déposé un texte identique à celui des députés socialistes, cette proposition de loi est passée entre les mains de la rapporteure alpine Marie-Noëlle Battistel au Palais-Bourbon ; le texte devait, pour respecter l'équilibre entre nos massifs, aboutir entre celles d'un rapporteur pyrénéen au Sénat... Il faut dire qu'il est soutenu par l'Association nationale des élus de la montagne (Anem).

M. Gérard Dériot . - Les montagnards...

M. Claude Jeannerot . - ... sont là !

M. Georges Labazée, rapporteur . - La proposition de loi établit un dispositif de réduction d'activité des moniteurs de ski ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l'activité des nouveaux moniteurs ; elle a été adoptée le 21 janvier dernier par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

Avec plus de 57,9 millions de journées skiées en 2013 et 7 millions de skieurs, dont 2 millions d'étrangers, la France est redevenue ces dernières années la première destination mondiale du ski devant les Etats-Unis et l'Autriche. Ce formidable succès s'explique à la fois par la diversité et l'étendue des massifs français, par la qualité de l'équipement des stations, mais aussi et surtout par la passion des femmes et des hommes de la montagne.

Avec leur excellence technique, la qualité de leur enseignement et leur souci rigoureux de la sécurité de tous, nos 19 000 moniteurs de ski diplômés, formés par l'Ecole nationale des sports de montagne de Chamonix, y sont pour beaucoup. Près de 90 % de ces travailleurs indépendants, les célèbres pulls rouges, exercent leur activité au sein des Ecoles du ski français (ESF), que fédère le Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF). Les autres sont membres des écoles de ski internationales, que regroupe le Syndicat international des moniteurs de ski (SIMS).

Depuis 1963, le SNMSF a mis en place un système de réduction progressive de l'activité des moniteurs seniors afin de garantir aux 350 diplômés annuels de l'ENSM qui entrent sur le marché du travail qu'ils ne seront pas au chômage. L'âge de réduction d'activité a été repoussé quatre fois, de 55 ans à 58 ans en 1996, à 61 ans en 2007 et 62 ans en 2012. Ce système de solidarité intergénérationnelle a pleinement fait ses preuves au cours du temps, en insérant dans la vie active, génération après génération, des jeunes originaires des territoires de montagne. Il n'a nullement empêché les moniteurs seniors de travailler (73 % d'entre eux sont encore en activité à 65 ans et 56 % à 70 ans) et a assuré une situation remarquable de plein emploi à l'ensemble de la profession.

Depuis 2009, toutefois, suite à l'entrée en vigueur de la loi du 27 mai 2008 transposant la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, ce dispositif bien rodé a été considérablement fragilisé par une bataille judiciaire opposant le SNMSF et un petit groupe de moniteurs seniors s'estimant victimes de discrimination. En 2010, le système de réduction d'activité adopté en 2007 par le syndicat a été jugé discriminatoire en raison de l'âge par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) et invalidé sur ce même fondement par le tribunal de grande instance (TGI) d'Albertville.

En 2012, le SNMSF, après consultation du Défenseur des droits, a adopté à 94,86 % des suffrages exprimés un Pacte intergénérationnel offrant davantage de garanties aux moniteurs seniors. Le Pacte prévoyait qu'entre 62 et 65 ans, les moniteurs étaient considérés comme renforts durant la saison ; qu'entre 65 et 67 ans, ils devenaient des renforts uniquement durant les vacances scolaires ; et qu'au-delà de 67 ans, ils étaient appelés uniquement en tant que de besoin. Il prévoyait en outre que de 62 à 67 ans, les moniteurs devaient bénéficier d'une activité suffisante pour valider deux trimestres d'assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base. En 2013, ce Pacte a été déclaré illicite par le tribunal de grande instance de Grenoble, dont le jugement a lui-même été invalidé par la Cour d'appel de Grenoble. Le pourvoi en cassation déposé par des moniteurs seniors, n'aboutira pas avant plusieurs saisons, d'où une insécurité juridique préjudiciable au bon fonctionnement des écoles de ski.

Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 21 janvier dernier, vise à mettre fin à ce conflit en définissant un cadre juridique plus clair que les versions successives du texte adopté par le SNMSF, satisfaisant à la fois pour les écoles de ski, pour les jeunes moniteurs de ski diplômés et pour les moniteurs de ski seniors, qui ne doivent pas être confrontés à des situations de précarité.

Elle vise aussi à garantir que nul ne puisse être l'objet d'une discrimination en raison de l'âge.

Pour ce faire, elle tient pleinement compte des décisions de justice qui ont été rendues dans ce dossier ces dernières années.

Dans le même temps, elle veille à respecter scrupuleusement les critères fixés par la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail que j'ai déjà mentionnée et dont l'article 6§1 dispose :

« Les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. »

L'article 1 er offre aux écoles de ski réunissant des moniteurs exerçant à titre indépendant la possibilité d'instituer un dispositif de réduction d'activité des moniteurs ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés.

Ce dispositif restera donc facultatif pour les écoles de ski et son application sera décidée au cas par cas par chacune d'entre elles au niveau local. Les écoles de ski de petites stations, au volume d'activité réduit et qui n'ont aucune difficulté à insérer des jeunes tout en laissant les seniors poursuivre leur activité, n'auront en aucun cas l'obligation de le mettre en oeuvre.

Selon le Défenseur des droits, mais aussi selon les TGI d'Albertville et de Grenoble et la Cour d'appel de Grenoble, l'insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés constitue bien un « un objectif légitime de politique de l'emploi et de marché du travail ». Pour autant, la Halde, tout comme les TGI d'Albertville et de Grenoble, avaient estimé que la réduction d'activité imposée aux moniteurs seniors par les versions successives du Pacte intergénérationnel du SNMSF n'apparaissait ni « appropriée » ni « nécessaire » car le volume d'activité libéré par les moniteurs seniors en débrayage ne profitait pas exclusivement aux jeunes moniteurs, mais à tous les moniteurs en exercice, d'où un effet marginal sur l'accès à l'emploi des jeunes moniteurs. C'est pourquoi l'article 1 er prévoit, afin que ce système de solidarité intergénérationnelle exemplaire ne puisse être détourné de sa vocation, que la redistribution d'activité résultant de la mise en oeuvre du dispositif mis en place par la proposition de loi bénéficiera exclusivement aux moniteurs âgés de moins de trente ans exerçant en continuité sur la saison.

L'article 2 fixe précisément les règles du dispositif afin de prévenir tout risque d'abus et d'apporter de solides garanties aux moniteurs seniors. Reprenant la démarche de réduction d'activité des moniteurs de ski seniors en trois temps prévue par le Pacte intergénérationnel de 2012 du SNMSF, l'article 2 plafonne - dans un souci de proportionnalité - cette réduction d'activité pour les deux premières périodes en prévoyant que :

- pour les moniteurs ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite souhaitant poursuivre leur activité, la réduction ne peut excéder, pendant une période initiale de trois années, 30 % de l'activité à laquelle ils pouvaient normalement prétendre en fonction des règles de répartition établies par l'école de ski ;

- pour les moniteurs ayant exercé leur activité durant trois années au-delà de l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite souhaitant poursuivre leur activité, la réduction ne peut excéder, pendant les deux années suivantes, 50 % de l'activité à laquelle ils pouvaient normalement prétendre en fonction des règles de répartition établies par l'école de ski.

Pour la troisième période, la proposition de loi prévoit qu'il pourra être fait appel aux moniteurs ayant exercé leur activité durant cinq années au-delà de l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite souhaitant poursuivre leur activité « en tant que de besoin ». A l'instar du Pacte intergénérationnel de 2012, l'article 2 de la proposition de loi prévoit expressément que les moniteurs ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite souhaitant poursuivre leur activité bénéficieront d'un nombre d'heures de cours suffisant pour valider au moins deux trimestres d'assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base, ce qui leur garantit un bénéfice minimum de 3 600 euros par saison, soit un chiffre d'affaires de 7 200 euros environ.

Dans le souci de conforter le caractère solidaire du dispositif, l'article 2 dispose parallèlement que la redistribution d'activité garantit aux moniteurs de moins de trente ans un nombre d'heures d'activité qui leur permette également de valider au moins deux trimestres d'assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base.

L'article 2 réaffirme solennellement que le dispositif ne concernera en aucun cas l'activité des moniteurs sollicités directement ou par l'intermédiaire de leur école de ski à titre personnel par la clientèle, ce qui arrive souvent pour les moniteurs seniors.

L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à 62 ans à partir du 1 er janvier 2017 par l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. Pour ne pas être moins favorable aux moniteurs seniors que le Pacte intergénérationnel, l'article 3 prévoit par des dispositions transitoires que le dispositif ne concernera les moniteurs seniors qu'à partir de cet âge et non avant 62 ans pour les générations nées avant 1955.

Le Défenseur des droits, dont j'ai sollicité l'avis, a, par courrier en date du 2 mai 2014, relevé que cette initiative parlementaire sécurisera le dispositif en lui conférant une base légale, dans la mesure où l'Etat est seul compétent pour instituer une différence de traitement fondée sur l'âge, sous réserve que celle-ci soit justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser celui-ci soient appropriés et nécessaires. Il observe que l'intégration des jeunes moniteurs est en soi un objectif légitime et que l'encadrement de la réduction d'activité évite une disproportion excessive aux dépens des moniteurs les plus âgés : « le cadre général ainsi défini n'apparaît pas comme caractérisant une discrimination prohibée au regard du droit communautaire et des dispositions nationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations ».

Le Défenseur des droits attire toutefois notre attention sur un problème connexe qui a sans doute pesé dans le conflit entre le SNMSF et certains de ses moniteurs seniors.

Le régime de retraite des moniteurs de ski a connu un parcours quelque peu mouvementé au cours des 50 dernières années. En 1963, le SNMSF a mis en place un fonds de prévoyance par répartition. S'il était plutôt en avance pour l'époque, il ne s'est pas conformé en 1978 à l'obligation légale d'affiliation au régime de base et au régime complémentaire d'assurance vieillesse des professions libérales ; ses dirigeants, confrontés à une situation financière délicate, ont négocié leur affiliation à la CNAVPL et à la Cipav ; en la validant, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a également disposé que les moniteurs de ski adhérant au SNMSF étaient réputés avoir satisfait au 31 décembre 2006 aux obligations résultant de leur affiliation à titre obligatoire à l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales au titre des périodes d'exercice comprises entre le 1 er janvier 1978 et le 31 décembre 2006. Ce faisant, elle a implicitement considéré que les cotisations versées par des moniteurs de ski entre 1963, date de mise en place du fonds de prévoyance du SNMSF, et 1978, date de l'obligation légale d'adhésion au régime de base et au régime complémentaire d'assurance vieillesse des professions libérales, ne donnaient droit à aucun trimestre d'assurance vieillesse.

Du fait de cette décision, certains moniteurs de ski ayant déjà atteint ou qui vont atteindre l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite, n'ont pas tous les trimestres nécessaires pour disposer d'une pension à taux plein et sont fortement incités à poursuivre leur activité jusqu'à un âge avancé pour éviter de subir une décote. Les services du Défenseur des droits ont été saisis à plusieurs reprises par des moniteurs confrontés à ce type de situation. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement étudie, à l'occasion de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, les conditions dans lesquelles les moniteurs de ski qui n'ont pas encore liquidé leur pension de retraite pourraient faire valider des trimestres supplémentaires en rapport avec l'activité qui a été la leur entre 1963 et 1978.

Cette proposition de loi, issue d'un large accord, mettra fin à l'insécurité juridique qui fragilise depuis maintenant plusieurs années le dispositif de solidarité intergénérationnelle dont ont bénéficié tant de générations de moniteurs de ski - le Pyrénéen que je suis peut en témoigner, les massifs montagneux sont des territoires difficiles et c'est l'ancestrale solidarité de leurs habitants qui a permis d'y assurer la pérennité d'activités économiques. Répondant à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, comme les données économiques et démographiques du secteur en attestent, cette proposition de loi confortera un modèle de régulation de l'activité indispensable à une profession saisonnière, soumise aux aléas de l'enneigement et de la fréquentation touristique, et dont il faut veiller au bon renouvellement. Les jeunes montagnards doivent pouvoir rester au pays, y trouver un avenir et du travail.

Cette proposition de loi, qui met en place un dispositif facultatif, est équilibrée et obéit à une exigence de proportionnalité. Elle offre beaucoup plus de garanties aux moniteurs ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite que les versions successives du Pacte intergénérationnel du SNMSF, en organisant leur réduction d'activité de manière progressive et en la plafonnant. Elle précise que seuls les jeunes moniteurs de moins de 30 ans bénéficieront de la redistribution d'activité ainsi provoquée, afin que l'effort de leurs aînés en leur faveur ne puisse être dilué. Enfin, elle sanctuarise la clientèle personnelle des moniteurs seniors. Pour toutes ces raisons, je vous invite à l'adopter conforme.

Mme Annie David, présidente . - Je souhaiterais préciser que si les députés présents en séance plénière ont tous voté pour ce texte, le groupe communiste avait indiqué vouloir voter contre et le groupe écologiste s'abstenir.

Mme Patricia Bordas . - Pour quelle raison ?

Mme Annie David, présidente . - Notre formation politique souhaite la retraite à 60 ans pour tous et ce dispositif se situe dans une autre logique.

M. Gérard Roche . - Je comprends les problèmes des moniteurs de ski. Cependant, d'autres titulaires d'un diplôme d'Etat d'accompagnateur en montagne en ont de semblables, et il faudrait aussi s'en préoccuper.

Mme Isabelle Pasquet . - Cette proposition de loi aborde deux sujets : l'âge de la retraite - vous savez combien nous sommes attachés à l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite à 60 ans - et l'insertion des jeunes, au nom de laquelle il faudrait consentir à des dérogations. A force d'aller dans cette direction, nous effilochons notre droit. La solution de cette proposition de loi n'est pas forcément la meilleure. J'ai également des interrogations sur l'activité des moniteurs en dehors des périodes d'enneigement : sont-ils salariés, indépendants ? Combien bénéficient d'une retraite à taux plein, et à quel âge ? Sont-ils polypensionnés ? Ne peut-on pas envisager une surcotisation pour valider des trimestres supplémentaires ?

Mme Muguette Dini . - Sans être spécialiste du sujet, je sais que l'ensemble des personnes qui travaillent en montagne ont deux métiers - leurs écoles professionnelles permettent d'ailleurs le plus souvent d'acquérir deux diplômes, l'un en rapport avec la montagne et un CAP par exemple. Si la plupart des moniteurs et des élus de montagne sont d'accord avec cette proposition de loi, je ne vois pas de raison de ne pas la voter.

M. Jean Desessard . - Je vois bien quelle est l'idéologie qui a présidé au pacte intergénérationnel parmi les montagnards : tout pour les jeunes, même si c'est au détriment des seniors. Cette intention louable a dû obliger ceux qui n'avaient pas assez de trimestres d'activité à mener une bataille juridique difficile. Vous nous dites qu'il faudra tenir compte de la situation de ces personnes dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : pouvez-vous nous garantir que ce sera bien le cas ? Quelle est la position de l'Assemblée nationale sur ce point ? Il y a trop d'inconnues. Je m'abstiendrai aujourd'hui et prendrai le temps de la réflexion pour la séance plénière.

Mme Annie David, présidente . - Il s'agit d'une suggestion du rapporteur.

M. Jean Desessard . - Le rapporteur, socialiste, sera-t-il favorable à l'inclusion dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale d'un dispositif spécifique pour les personnes dont il a exposé les difficultés ?

M. Georges Labazée, rapporteur . - J'y suis naturellement favorable, puisque j'en fais la proposition.

Mme Annie David, présidente . - Pour autant, comment savoir si le Gouvernement le sera ?

M. Jean Desessard . - Malgré le grand pouvoir de Bercy, nous vivons dans un système parlementaire ! Je souhaiterais que l'ensemble de la commission des affaires sociales prenne position sur cette question.

Mme Catherine Procaccia . - Je connais ce sujet pour des raisons familiales : les anciens qui ne laissent pas leur place aux jeunes, la double activité avec parfois un travail frontalier en Suisse, les problèmes de retraite qui en découlent... La proposition de loi est équilibrée. Du reste, son application n'étant pas obligatoire pour les écoles de ski, elle n'empêchera nullement que dans les petites stations, anciens et jeunes soient mobilisés pour les périodes surchargées, qui ne sont pas nécessairement les vacances scolaires, mais aussi les semaines où sont présentes des classes de neige. La proposition du rapporteur d'adopter conforme le texte de l'Assemblée nationale réglerait un problème qui traîne depuis longtemps.

M. Jacky Le Menn . - Ce texte concerne, dans une partie de la montagne, pour une partie de l'année, une partie des moniteurs, pour une partie de leur retraite... C'est du sur-mesure, et non du prêt-à-porter. En créant du droit pour les uns, on laisse certes intacts les problèmes des autres, ce qui, je crois, explique la position de nos collègues communistes. Mais la volonté d'aider les jeunes qui arrivent sur le marché du travail est légitime, même si cet objectif partagé par tous n'amène pas toujours aux mêmes positions en pratique. Cette proposition de loi, sous réserve des explications de notre rapporteur et des dimensions financières qui devront être traitées en leur temps, est raisonnable dans sa philosophie. Nous voterons pour, ici et en séance.

Mme Annie David, présidente . - C'est un dossier que je connais bien : élue montagnarde et membre du comité directeur de l'Anem, mon expérience se heurte aux convictions que je défends, ce qui me place dans une situation délicate. Je suivrai la position de mon groupe.

M. Gérard Roche . - Il ne faut pas sous-estimer l'importance de ce secteur au moment où nous nous efforçons de fixer les nouveaux actifs dans nos montagnes. Faute de pouvoir exercer à temps partiel, les jeunes quittent les vallées...

M. Jean-Pierre Godefroy . - Des procédures sont en cours devant la Cour de cassation. Qu'en adviendra-t-il après l'adoption de cette proposition de loi ?

M. Georges Labazée, rapporteur . - La Cour est saisie sur le fondement des dispositifs existants.

M. Jean-Noël Cardoux . - Elle prendra acte du texte.

M. Georges Labazée, rapporteur . - La durée d'activité annuelle des moniteurs de ski est liée à celle de l'enneigement : quatre à cinq mois par an. La garantie pour les moniteurs seniors comme pour les moniteurs de moins de 30 ans de valider deux trimestres d'assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base constitue une avancée sociale importante. Cette proposition de loi marque un progrès très net par rapport au pacte intergénérationnel. La Halde, puis le Défenseur des droits, ont soutenu l'appel des moniteurs à un traitement plus équitable. L'avis rendu par ce dernier sur la proposition de loi le 2 mai 2014 permet de mesurer le chemin parcouru. La proposition de loi apporte des réponses aux représentants des moniteurs qui nous ont sollicités.

M. Jean Desessard . - Certains sont-ils opposés à cette proposition de loi ?

M. Georges Labazée, rapporteur . - Les « verts », du SIMS, qui représentent 8 % à 10 % de la profession, n'y sont guère favorables...

M. Jean Desessard . - Ah !

M. Georges Labazée, rapporteur . - Ils m'ont demandé en substance : pourquoi légiférer ? Ils m'ont en outre déclaré devoir faire oeuvre de pédagogie, car le texte avait été présenté comme imposant une obligation, alors qu'il ne fait qu'ouvrir une possibilité...

M. Jean Desessard . - C'est mieux !

M. Georges Labazée, rapporteur . - Une reconstitution des carrières des moniteurs membres du SNMSF a été opérée en 2007 pour la période allant du 1 er janvier 1978 au 31 décembres 2006. J'ai dit au Défenseur des droits que je saisirai l'occasion de la discussion de ce texte pour interpeller le Gouvernement sur le problème de la reconstitution des carrières des moniteurs de ski entre 1963 et 1978. Je ne peux traiter ce problème dans cette proposition de loi. Je suggèrerai au Gouvernement de s'en saisir dans le cadre de la préparation du PLFSS pour 2015.

Cette proposition de loi ne prévoit pas du tout de dérogation à l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Actuellement, l'âge moyen de départ à la retraite des moniteurs de ski s'établit à 62 ans et 9 mois. Certains moniteurs nous ont dit cumuler leur retraite avec un emploi...

Mme Isabelle Debré . - Il n'y a donc pas de limite d'âge pour exercer la profession de moniteur de ski ?

M. Georges Labazée, rapporteur . - Au-delà de 62 ans, les écoles de ski pourront mettre en place un dispositif en sifflet de réduction d'activité des moniteurs...

Mme Annie David, présidente . - ... mais il n'y a pas d'âge limite d'exercice...

M. Georges Labazée, rapporteu r. - ... car les moniteurs de ski sont des travailleurs indépendants.

Mme Isabelle Debré . - Voilà qui est intéressant... Je suis favorable au cumul emploi-retraites et je voterai certainement ce texte avec le groupe UMP, mais je me souviens du débat sur le cumul entre ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées) et des revenus d'activité : certains groupes s'étaient émus. A l'Assemblée nationale, des déclarations ahurissantes dénonçaient l'obligation qui serait faite à des septuagénaires de pousser des caddies, alors que personne ne s'offusque qu'ils apprennent à skier aux enfants : deux poids, deux mesures...

Mme Annie David, présidente . - Je rappelle qu'aucun amendement n'a été déposé.

La proposition de loi est adoptée conforme.

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