TITRE V - MODERNISATION DU DROIT LOCAL DU REPOS DOMINICAL ET PENDANT LES JOURS FERIES

Article 8 - (art. L. 3134-4, L. 3134-7, L. 3134-13, L. 3134-14 et L. 3134-15
du code du travail) - Modernisation du droit local relatif au repos dominical et pendant les jours fériés

I. le droit local relatif au repos dominical et pendant les jours fériés : un droit complexe et essentiellement déterminé par les statuts locaux

La loi précitée du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle a maintenu en vigueur les dispositions locales sur le repos dominical et les jours fériés, contenues dans le code local des professions 57 ( * ) . Ces dispositions ont été codifiées par l'ordonnance du 12 mars 2007 58 ( * ) , suivant le principe de la codification à droit constant, et figurent désormais dans un chapitre du code du travail spécifiquement applicable aux trois départements de l'Est 59 ( * ) . La codification a néanmoins introduit le principe du repos hebdomadaire dans le droit local, même s'il était appliqué dans les faits par les employeurs et l'administration du travail.

Synthèse des dispositions du chapitre IV du Titre III du Livre I er
de la Troisième partie du Code du travail, relatif aux dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
concernant le repos dominical et pendant les jours fériés

Art. L. 3134-1 : détermination du champ d'application territorial et des exceptions aux dispositions du chapitre.

Art. L. 3134-2 : énoncé du principe d'interdiction de l'emploi de salariés dans les entreprises industrielles, commerciales ou artisanales les dimanches et jours fériés .

Art. L. 3134-3 : détermination des conditions dans lesquelles est donné le repos dans les exploitations industrielles .

Art. L. 3134-4 : pour les exploitations commerciales :

- interdiction d'emploi de salariés le premier jour des fêtes de Noël, de Pâques et de Pentecôte ;

- détermination d'une limite maximale de cinq heures pour les heures travaillées les autres dimanches et jours fériés ;

- possibilité pour les départements et communes de réduire ou d'augmenter le temps de travail ou de l'interdire , pour toutes les exploitations commerciales ou certaines branches d'activité.

Art. L. 3134-5 : détermination de la liste des activités auxquelles les articles L. 3134-3 et L. 3134-4 ne sont pas applicables.

Art. L. 3134-6 : faculté d'accorder des dérogations par voie règlementaire aux dispositions de l'article L. 3134-3 pour des catégories d'activité « concernées par des travaux ne pouvant être interrompus ou ajournés », « limitées à certaines période de l'année », ou « soumises à une intensité inhabituelle à certaines périodes de l'année ».

Art. L. 3134-7 : faculté pour l'autorité administrative d'accorder des dérogations aux dispositions des articles L. 3134-3 et L. 3134-4, pour les catégories d'activités « dont l'exercice complet ou partiel est nécessaire les dimanches et jours fériés pour la satisfaction de besoins de la population présentant un caractère journalier ou se manifestant particulièrement ces jours-là » .

Art. L. 3134-8 : faculté pour l'autorité administrative d'accorder des dérogations temporaires afin d'éviter un dommage disproportionné.

Art. L. 3134-9 : possibilité d'étendre, par voie règlementaire, à d'autres catégories d'activité l'interdiction d'employer des salariés les dimanches et jours fériés.

Art. L. 3134-10 : non applicabilité des articles L. 3134-2 à L. 3134-9 aux activités de restauration, d'hôtellerie et de débits de boissons, aux activités de spectacles et expositions et aux entreprises de transport .

Art. L. 3134-11 : interdiction de procéder à une exploitation industrielle, commerciale ou artisanale des exploitations commerciales pour lesquelles il est interdit d'employer des salariés en application des articles L. 3134-2 à L. 3134-9 .

Art. L. 3134-12 : à la demande d'au moins deux tiers des entrepreneurs, faculté pour l'autorité administrative de prescrire l'exploitation les dimanches et jours fériés, des activités dont l'exercice est nécessaire pour la satisfaction des besoins de la population présentant un caractère journalier ou se manifestant particulièrement les dimanches et jours fériés.

Art. L. 3134-13 : détermination de la liste des jours fériés qui sont chômés.

Art. L. 3134-14 : faculté pour l'autorité administrative d'autoriser ou d'interdire, de manière uniforme dans le département de la Moselle, l'ouverture des établissements commerciaux.

Art. L. 3134-15 : faculté pour l'inspecteur du code du travail de saisir en référé le juge judiciaire afin que ce dernier ordonne toutes mesures propres à faire cesser l'emploi illicite, dans les établissements de vente au détail et de prestations de services, de salariés en infraction aux articles L. 3134-10 à L. 3134-12.

Le droit local en matière de repos dominical et de jours fériés est cependant essentiellement déterminé par les statuts locaux , dont diverses dispositions du code du travail énoncent qu'ils peuvent déroger aux principes qu'elles établissent. Dans la pratique, ces statuts ont dégagé un principe d'interdiction de l'emploi de salariés, qu'ils ont assorti de dérogations.

Statut du Haut-Rhin

Un arrêté du 29 juin 1928, modifié par un arrêté du 8 août 1938, a énoncé l'interdiction d'emploi des salariés dans tous les établissements commerciaux du Haut-Rhin, assortie d'une liste de dérogations, autorisant l'ouverture pendant deux ou trois heures le matin. Sont concernés par ces dérogations les boulangers, les marchands de lait, de poissons, volailles, gibier, primeurs et fruits exotiques, les marchands de glaces, de fleurs, les débitants de tabac et les marchands de journaux. Par ailleurs, l'ouverture des commerces est autorisée les deux dimanches avant Pâques, les deux dimanches précédant Noël et les dimanches de fête locale.

Statuts du Bas-Rhin

L'arrêté préfectoral du 25 juin 1938, excluant expressément la ville de Strasbourg, interdit l'emploi de salariés dans une série d'activités et, de manière générale, dans les exploitations commerciales du département. Peuvent cependant ouvrir deux heures le matin et deux heures le soir les bouchers, charcutiers, boulangers, marchands de lait, épiciers et marchands de glace.

Pour la ville de Strasbourg, l'arrêté municipal du 6 février 1917 interdit l'emploi de salariés dans les banques, les agences, les entreprises de transport, les maisons de commerce. Le statut prévoit quelques dérogations, des horaires d'ouverture étant fixées pour chaque secteur d'activités.

Statut de la Moselle

Deux arrêtés préfectoraux du 17 juillet 1956 (l'un concernant la ville de Metz, l'autre le reste du département), au contenu identique, ont interdit l'emploi de salariés les dimanches et jours fériés. Cette interdiction ne s'applique pas aux pharmacies, débits de tabac, marchands de journaux, hôtels, restaurants, cafés, spectacles, transports, pâtisseries et marchands de fleurs naturelles.

II. La clarification du régime applicable au repos dominical et des jours fériés

L' article 8 de la proposition de loi vise à faire évoluer les règles du repos dominical et pendant les jours fériés en Alsace-Moselle dans le sens d'une simplification et d'une modernisation.

A. La modification des conditions de dérogations au régime du travail dominical et pendant les jours fériés pour les exploitations commerciales

Le deuxième alinéa de l'article L. 3134-4 du code du travail, applicable aux exploitations commerciales, énonce le principe selon lequel la durée du travail des salariés dans ces exploitations ne peut excéder cinq heures les dimanches et jours fériés. Des statuts locaux peuvent réduire la durée du travail pendant ces jours ou interdire le travail pour toutes les exploitations commerciales ou pour certaines branches d'activités.

Le 1° de l'article 8 tend :

- à préciser la consultation des organisations représentatives des salariés avant l'édiction de ces statuts locaux . Or, l'actuelle rédaction de l'article L. 3134-4 est déjà interprétée comme requérant la consultation des représentants des salariés 60 ( * ) ;

- à simplifier le régime des dimanches précédant Noël , en autorisant l'emploi des salariés les trois dimanches précédant les fêtes de fin d'année. L'actuelle rédaction de l'article L. 3134-4 ne prévoit que la possibilité, pour l'autorité administrative, de déroger à la règle de la durée de travail de cinq heures pour la porter jusqu'à dix heures pendant les quatre dernières semaines précédant Noël ou pour certains dimanches et jours fériés « pour lesquels les circonstances rendent nécessaire une activité accrue ». Il est donc proposé que ce soit la loi, et non plus l'autorité administrative, qui autorise désormais l'ouverture des exploitations commerciales les dimanches précédant Noël. Pour ces dimanches, le nombre d'heures travaillées serait réduit de dix à six heures ;

- à réduire de dix à huit le nombre d'heures pouvant être travaillées les dimanches 61 ( * ) et jours fériés pour lesquels une activité importante est induite par des circonstances locales. Cette autorisation de dérogation à la durée de travail, en principe appliquée aux dimanches et jours fériés, serait donnée par le maire, et non plus par l'autorité administrative ;

- à garantir au salarié travaillant un dimanche ou un jour férié une période de travail continu minimale , en prescrivant que, lorsque le nombre d'heures travaillées est inférieur à cinq, une coupure dans son temps de travail ne pourrait lui être imposée.

B. L'obligation de fermeture un autre jour que le dimanche pour un établissement usant des dérogations prévues à l'article L. 3134-7

L'article L. 3134-7 du code du travail prévoit la possibilité de déroger au principe d'interdiction du travail le dimanche et les jours fériés applicable aux exploitations industrielles 62 ( * ) et à la limitation à cinq heures du travail dominical et pendant les jours fériés pour les exploitations commerciales 63 ( * ) . Ces dérogations peuvent être prises par l'autorité administrative « pour les catégories d'activité dont l'exercice complet ou partiel est nécessaire les dimanches et les jours fériés pour la satisfaction de besoins de la population présentant un caractère journalier ou se manifestant particulièrement ces jours-là ».

Le 2° de l'article 8 vise à permettre à l'autorité administrative d' imposer aux exploitations usant de ces dérogations une fermeture un autre jour de la semaine , librement choisi par les exploitants. L'objectif est de limiter la distorsion de concurrence créée par cette dérogation au profit des grandes entreprises. Ces dernières peuvent en effet, parce qu'elles disposent du personnel suffisant, ouvrir leurs établissements sept jours sur sept, alors que les petites entreprises n'ont pas les moyens d'assumer cette ouverture permanente.

C. La clarification du statut du Vendredi saint

Le 3° de l'article 8 vise à généraliser la fermeture du Vendredi saint en harmonisant les règles applicables dans les trois départements de l'Est. Il est aujourd'hui prévu que le Vendredi saint est férié et chômé « dans les communes ayant un temple protestant ou une église mixte » 64 ( * ) . Il est proposé de supprimer cette disposition, afin de prendre en compte l'usage existant en Alsace, tendant à la fermeture généralisée le Vendredi saint, et les dispositions particulières permettant déjà une fermeture généralisée dans le département de la Moselle pour ce jour 65 ( * ) .

Le 4° de l'article 8 tend à abroger la disposition permettant à l'autorité administrative, dans le département de la Moselle 66 ( * ) , d'autoriser ou d'interdire l'ouverture des établissements commerciaux de manière uniforme dans le département. La fermeture généralisée des commerces en Moselle le Vendredi saint est déjà prévue par les arrêtés préfectoraux du 17 juillet 1956.

D. L'extension du champ d'application de l'article L. 3134-15 du code du travail

Le 5° de l'article 8 vise à étendre le champ d'application des dispositions permettant à l'inspecteur du travail de saisir en référé le juge judiciaire pour ordonner toutes mesures propres à faire cesser l'emploi illicite de salariés dans les établissements de vente au détail et de prestation de services au consommateur 67 ( * ) .

Cependant, cette extension du pouvoir de contrôle de l'inspecteur du travail, qui concernerait les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur, n'a pas de sens pour les « exploitations de mines, salines et carrières, établissements industriels, chantiers du bâtiment et du génie civil, chantiers navals » 68 ( * ) .

III. Des interrogations sur le respect de la liberté d'entreprendre

Le 2° de l'article 8 de la proposition de loi prévoit la faculté pour l'autorité administrative d'obliger les exploitations lorsqu'elles celle-ci bénéficie d'une dérogation à l'interdiction d'ouverture le dimanche, à fermer un autre jour de la semaine. Cette obligation de fermeture des exploitations pourrait poser une difficulté au regard de la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Ces dispositions s'inscrivent toutefois dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui vérifie que la conciliation opérée entre cette liberté et d'autres exigences constitutionnelles ou des motifs d'intérêt général n'est pas excessivement ou inutilement déséquilibrée 69 ( * ) .

En effet, dans le cadre de sa décision précitée du 5 août 2014 à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'interdiction du travail dominical en Alsace-Moselle, le Conseil constitutionnel a déjà été saisi d'une question relativement proche. La question prioritaire de constitutionnalité portait sur l'interdiction de l'exploitation industrielle, commerciale ou artisanale des exploitations commerciales 70 ( * ) pour lesquelles il est interdit d'employer des salariés 71 ( * ) . La société requérante considérait que cette interdiction portait atteinte à la liberté d'entreprendre. Le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions répondaient à un motif d'intérêt général, car elles avaient pour objet « d'encadrer les conditions de la concurrence entre les établissements quels que soient leur taille ou le statut juridique des personnes qui y travaillent ». Le Conseil a par ailleurs considéré que le maintien du régime local particulier relatif au repos dominical constituait une conciliation non disproportionnée entre la liberté d'entreprendre et les exigences du dixième alinéa du Préambule de 1946 selon lequel « La Nation assure à l'individu et à la famille les condition nécessaire à leur développement » 72 ( * ) .

Cette jurisprudence, certes, considère qu'une obligation de fermeture ne constitue pas une restriction excessive à la liberté d'entreprendre, au regard du motif d'intérêt général que constitue le respect de l'égalité entre les exploitations concernées.

Néanmoins, il n'est pas certain que le Conseil constitutionnel adopte la même approche concernant le 2° de l'article 8, notamment dans la mesure où l'obligation de fermeture des exploitations relèverait non pas de la loi, mais d'une faculté de l'autorité administrative. Selon que cette faculté sera utilisée ou non, une inégalité pourrait naître entre les exploitations auxquelles l'obligation de fermeture s'appliquerait et celles auxquelles elle ne s'appliquerait pas. Il serait difficile, dans ce contexte, d'invoquer le motif d'intérêt général que constitue le respect de l'égalité entre les établissements concernés .

IV. Une adoption des dispositions sur le travail dominical et pendant les jours féries

L'objet de la proposition de loi est de donner au droit local du repos dominical et pendant les jours fériés un cadre clarifié et adapté aux réalités économiques actuelles. Ces dernières sont notamment caractérisées par une fréquentation élevée des commerces les dimanches et jours fériés. Le constat est ainsi aujourd'hui celui de l'ouverture de nombreux commerces ces jours-là, en infraction avec la loi ou les statuts locaux. Comme cela a déjà été évoqué, l'essentiel du droit local en la matière est déterminé dans le cadre des statuts locaux, dont le plus récent date de 1956. La conscience de l'attente grandissante des clients et la nécessité de dépoussiérer le droit local en la matière est bien présente à l'esprit des acteurs de la vie économique. Une évolution des dispositions applicables en la matière semble donc souhaitable, mais elle doit se faire dans le cadre d'une réflexion approfondie.

Selon l'auteur de la proposition de loi, notre collègue M. André Reichardt, les dispositions de cette dernière concernant le repos le dimanche et les jours fériés sont des propositions « a minima et consensuelles ». Les auditions que votre rapporteur a menées ont cependant montré à la fois un fort attachement au régime local du repos dominical et des jours fériés, et une volonté de prendre le temps pour le faire évoluer. En particulier, les différents représentants des artisans alsaciens 73 ( * ) ont indiqué préféré attendre la mise en oeuvre de l'accord signé le 6 janvier 2014, entre les organisations patronales et syndicales d'Alsace, sur les contreparties accordées aux salariés dans le cadre des dérogations au repos dominical dans le secteur du commerce. Cet accord devrait être prochainement étendu.

C'est pourquoi votre rapporteur estime, à titre personnel, que la modernisation du repos dominical et des jours fériés, si elle est nécessaire, doit néanmoins être appréhendée avec plus de recul. Votre commission n'a toutefois pas partagé les réserves de son rapporteur.

En conséquence, elle a adopté l'article 8 sans modification .

Article 9 (nouveau) - (art. 225 et 226 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle) - Clarification de la procédure de partage judiciaire de droit local

Cet article additionnel a été inséré par l'adoption d'un amendement proposé par notre collègue, M. André Reichardt. Il tend à clarifier la procédure de partage judiciaire de droit local.

D'après l'article 815 du code civil, « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué ». Le partage d'un bien qui met fin à une indivision peut être amiable et nécessite alors l'accord de l'ensemble des parties concernées. En cas de désaccord, l'article 840 du même code prévoit que « le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ».

Le partage peut également être bloqué lorsque l'un des indivisaires refuse le dialogue, en se taisant ou en restant inactif. Pour faire face à ce type de situations, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a introduit un mécanisme de représentation forcée. L'article 841-1 du code civil dispose en effet que « si le notaire commis pour établir l'état liquidatif se heurte à l'inertie d'un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter. Faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations ». Une fois le représentant nommé par le juge, le représenté ne pourrait plus s'opposer au partage amiable, quels que soient les biens qui lui seraient attribués et il serait alors définitivement privé de tout pouvoir de décision.

Toutefois, la doctrine estime que les dispositions de l'article 841-1 du code civil et ses dispositions d'application contenues dans le code de procédure civile ne sont pas applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. En effet, dans ces trois départements, la procédure de partage judiciaire est régie par les dispositions du titre IV de la loi précitée du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Or, le mécanisme de représentation forcée de l'article 841-1 du code civil n'a pas été intégré dans cette loi.

La doctrine estime que cette intégration n'est pas nécessaire dans la mesure où la procédure de partage judiciaire de droit local, dirigée par un notaire, connaît un dispositif spécifique de nature à passer outre l'inertie de l'un des copartageants. En effet, le premier alinéa de l'article 225 de la loi précitée fait obligation au notaire, lorsqu'il convoque les copartageants, de les avertir « qu'au cas de non-comparution, les absents sont présumés consentir à ce que l'on procède au partage et que le partage sera obligatoire pour eux malgré leur non-comparution ». Ainsi, les non-comparants se trouvent liés par les décisions prises par les parties présentes lors des débats. Cette règle vise à sanctionner le désintérêt du non-comparant pour la procédure en présumant son accord.

En d'autres termes, toujours selon la doctrine classique, les décisions des comparants sont pleinement opposables aux non-comparants. Il en va ainsi pour toutes les décisions et notamment l'attribution directe de biens sans formation de lots et sans tirage au sort. Les non-comparants sont donc présumés consentir au mode de partage proposé qui devient alors obligatoire pour eux.

Toutefois, cette position doctrinale n'a pas été suivie dans certaines décisions jurisprudentielles. Ainsi, la Cour d'appel de Metz, dans un arrêt du 17 octobre 1984, a jugé que, pour que le partage puisse être réalisé par voie d'attribution, qui serait un mode dérogatoire par rapport au tirage au sort de lots, le consentement de tous les copartageants est nécessaire, donc également celui des non comparants.

Cette interprétation des dispositions de la loi précitée du 1 er juin 1924 réduit l'efficacité et l'intérêt de la règle prévue à l'article 225 de ladite loi. Grâce à elle, les comparants aboutiront certes au partage, mais il s'agira d'un partage empreint d'aléa, car dépendant d'un tirage au sort. Cette interprétation place ainsi la procédure de partage judiciaire de droit local en état d'infériorité par rapport à celle de droit général et pénalise dès lors les copartageants en relevant.

Ainsi, en droit général, la personne qualifiée, désignée par le juge sur le fondement de l'article 841-1 du code civil pour représenter la personne défaillante, pourra convenir d'un partage sans tirage au sort susceptible de satisfaire les parties comparantes sans pour autant porter préjudice à la partie défaillante. En droit local, le partage, procédant nécessairement au tirage au sort, risquera fort de ne satisfaire aucune partie.

Pour répondre à ces difficultés, le présent article poursuit trois objectifs .

Le premier est la nécessité de revenir à l'interprétation de l'article 225 de la loi du 1 er juin 1924 telle qu'elle était proposée par la doctrine classique, d'autant plus que la solution énoncée de la Cour d'appel de Metz semble procéder d'une analyse des textes juridiquement contestable.

Le deuxième objectif est de ne pas laisser les non-comparants sans un minimum de protection, via notamment une information suffisante. Cette exigence d'information des non-comparants a déjà été posée par la Cour d'appel de Colmar, dans un arrêt du 27 avril 1976, énonçant que les non-comparants ne pouvaient être liés par un partage décidé par les seuls comparants que dans la mesure où ils avaient été avertis des conséquences de leur non-comparution et où les conditions du partage avaient été portées à leur connaissance préalablement. Dès lors que le copartageant, régulièrement convoqué, suffisamment informé à la fois des conséquences de sa non-comparution et des propositions de ses cohéritiers, décide de n'être ni présent ni représenté, l'opposabilité aux non-comparants des décisions prises lors des débats ne doit pas dépendre de la nature de la décision, mais du niveau suffisant d'information des non-comparants. Il appartiendrait alors au juge chargé d'homologuer le partage de contrôler la régularité de la convocation aux débats et la suffisance de l'information.

Enfin, le troisième et dernier objectif est la nécessité de fixer une limite à l'opposabilité aux non-comparants des décisions prises par les parties présentes lors des débats. Les décisions relatives à l'orientation de la procédure et celles relatives aux modalités de partage doivent pouvoir lier les non-comparants. Il doit en aller de même des décisions de vente d'un bien indivis aux enchères publiques, hypothèse dans laquelle les non-comparants auront toujours la possibilité de participer aux enchères pour se voir, s'ils le souhaitent, attribuer le bien en question. Les comparants ne doivent cependant pas pouvoir imposer aux non-comparants une vente de gré à gré qu'ils auraient conclue seuls. Une telle possibilité serait incompatible avec la protection constitutionnelle du droit de propriété. Elle serait par ailleurs difficilement praticable.

Ainsi, le présent article a pour objet de clarifier l'un des outils de la procédure de partage judiciaire de droit local afin de permettre et d'atteindre pleinement les objectifs de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Cet article résulte par ailleurs d'un voeu adopté par le XI ème Congrès interrégional des notaires des Cours d'appel de Colmar et de Metz du 19 octobre 2012, et de l'approbation unanime de la commission d'harmonisation du droit privé lors de sa séance du 21 décembre 2012.

Votre commission a adopté l'article 9 ( nouveau ) ainsi rédigé .

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .


* 57 Articles 105 et suivants.

* 58 Ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).

* 59 Articles L. 3134-1 à L. 3134-15 du code du travail.

* 60 Instruction du 27 décembre 1888, Zentral und Bezirks Amtsblatt für Elsass-Lothringen n° 56, p. 25 et Instruction du 23 mars 1892, Zentral und Bezirks Amtsblatt für Elsass-Lothringen, p. 171.

* 61 En dehors de la période de l'Avent.

* 62 Article L. 3134-3 du code du travail.

* 63 Article L. 3434-4 du code du travail.

* 64 Article L. 3134-13 du code du travail.

* 65 Arrêtés préfectoraux du 17 juillet 1956.

* 66 Article L. 3134-14 du code du travail.

* 67 Article L. 3134-15 du code du travail.

* 68 Articles L. 3134-3, L. 3134-6 et L. 3134-8 du code du travail.

* 69 Cf. notamment DC n° 2000-436 du 7 décembre 2002, Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, considérant n° 20.

* 70 Article L. 3134-11 du code du travail.

* 71 Articles L. 3134-4 à L. 3134-9 du code du travail.

* 72 Cons. const., déc. n o 2011-157 QPC du 5 août 2011 (société Somodia).

* 73 Chambre de métiers d'Alsace, Confédération de l'artisanat d'Alsace, Union des corporations artisanales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

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