G. AUDITION DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL (10 JUIN 2014)

Réunie le mardi 10 juin 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'audition préparatoire à l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013 de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Philippe Marini , président . - Nous sommes heureux d'accueillir Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement, sur les deux missions dont il a la charge : « Action extérieure de l'État » et « Aide publique au développement ». Pour donner « chair à cette loi sèche », nous procèderons par questions. J'en ai deux pour ma part. Les contributions financières de la France aux organisations internationales ont représenté environ 30 % des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » ; y a-t-il une marge de manoeuvre en ce domaine, ou s'agit-il d'un abonnement fixe ? Quelle évolution prévoir ?

Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » porte les crédits des contributions volontaires de la France à divers organes spécialisés des Nations-Unies pour 50 millions d'euros par an ; suivant quelle doctrine les sélectionnons-nous ? Ces crédits seront-ils constants, en hausse ou en baisse ?

M. Richard Yung , rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État » . - La mission « Action extérieure de l'État » comportait trois programmes en 2013 : le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », le plus important ; le programme 185 au nom évocateur de « Diplomatie culturelle et d'influence », qui souffre le plus en 2013 et qui finance en grande partie des opérateurs, en particulier l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) à hauteur de 420 millions d'euros ; le programme 151 « Français à l'étranger et action consulaire », qui regroupe l'ensemble de l'action consulaire ainsi que les crédits d'aide à la scolarité des élèves français établis hors de France.

D'après les documents budgétaires, l'effort de rationalisation des effectifs de votre ministère s'est poursuivi en 2013. Entre la mission « Action extérieure de l'État » et le programme 209, on atteint 14 000 équivalents temps plein travaillé environ, contre un peu plus de 16 000 en 2008. Malgré les différents rapports sur la question, nous avons peine à voir où se situent les priorités : qui visite les consulats voit qu'ils sont bien à la peine et se demande quand les missions seront réduites.

La prise en charge des frais de scolarité des lycéens français à l'étranger a été supprimée en 2013 ; quel en est le bilan et quelles seront les évolutions ?

Il y a deux ans, j'avais préconisé une forte diminution du nombre d'ambassadeurs thématiques, moins en raison de leur coût que de la faible utilité de certains postes et de leur mode de nomination parfois douteux - une simple note de service et non une nomination en conseil des ministres ; or, leur nombre n'a pas baissé ; ne voulez-vous pas tenir compte des observations judicieuses du Sénat ?

M. Philippe Marini , président . - Je vous remercie d'avoir rappelé la continuité de nos positions.

M. Roland du Luart , rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État » . - Les acquisitions immobilières à l'étranger ainsi que les opérations de rénovation lourde sont financées par des cessions immobilières. L'intégralité de ces sommes a-t-elle été versée sur le compte d'affectation spéciale ou bien la règle générale qui en affecte 30 % au désendettement a-t-elle été respectée en 2013 ? Quel a été le bilan des cessions et les besoins du ministère ont-ils pu être satisfaits ?

Le flux d'affaires de 2014 suffira-t-il, malgré les contributions exceptionnelles de votre ministère à la sécurisation de nos postes à l'étranger (10 millions d'euros) et au désendettement (22 millions d'euros) ? Ces besoins ne risquent-ils pas de nous conduire à vendre à tout prix certains biens qui pourraient être utiles ou mieux valorisés ? Je reviens de Vienne, où la cession prochaine du palais Clam-Gallas suscite un fort émoi non seulement dans la communauté française toute entière, mais aussi chez nos amis autrichiens. Je vous le dis tout de go : je crains que nous ne le vendions mal et qu'une opération immobilière se fasse sur notre dos ; pourquoi ne pas la réaliser nous-mêmes et conserver ainsi le bâtiment ?

J'avais préconisé, l'année dernière, de mettre en place au plus vite des schémas pluriannuels de stratégie immobilière, en particulier dans des pays comme l'Italie où nous disposons d'un parc immobilier très important et qui pourrait certainement être optimisé : 40 % du Palais Farnèse est ainsi affecté à l'École française de Rome. Les services diplomatiques gagneraient à y être regroupés. Avez-vous engagé cette démarche ?

Nos représentations à Vienne accomplissent un travail remarquable ; allant aussi loin qu'on peut aller dans l'optimisation, ils pourraient servir d'exemple aux autres pays où nous avons plusieurs ambassadeurs.

L'évolution de votre périmètre ministériel, notamment en matière de commerce extérieur, va-t-elle se traduire par une évolution du périmètre de la mission « Action extérieure de l'État » ?

Je conclurai par une remarque : votre ministère travaille bien, mais on ne peut pas le dégraisser indéfiniment sans toucher l'os.

M. Louis Duvernois , rapporteur pour avis de la commission de la culture sur la mission « Action extérieure de l'État » . - Dès votre nomination, vous avez souligné voter intérêt pour la francophonie. J'ai lu dans la presse que le président Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) pourrait être remplacé par une personnalité française, ce qui serait une grande première. Confirmez-vous cette rumeur, et de qui s'agirait-il ? La France est le premier bailleur de fonds de cette organisation ; nommer une personnalité française pourrait être l'occasion de reprendre en main ce secteur d'activité.

À l'issue d'une expérimentation menée dans douze pays, vous avez finalement décidé de ne pas rattacher les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) à l'Institut français mais de les conserver au sein de votre ministère. Or celui-ci n'est pas le mieux pourvu en termes budgétaires... Pourtant, il est nécessaire que le réseau des SCAC soit alimenté convenablement ; mais il ne l'est plus. Dès lors, votre décision n'est-elle que temporaire ? Est-il permis de penser que nous reviendrons à l'esprit de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, ce qui permettrait d'envisager plus facilement l'obtention d'autres types de ressources, notamment au travers de partenariats avec le secteur privé ?

Une réflexion sur l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger est engagée. Les parents d'élèves représentent désormais 65 % de l'investissement financier, contre 35 % pour la puissance publique. De grands établissements demandent à ne plus être homologués : cela pourrait faire tâche d'huile et détricoter un maillage élaboré avec beaucoup de soin et de talent. Le temps ne serait-il pas venu, sinon de réunir des « états généraux », du moins de lancer une concertation interministérielle sur le financement de ce réseau, censé être sanctuarisé, mais qui accueille 5 000 élèves supplémentaires chaque année à budget constant ?

M, Philippe Marini , président . - Je crains qu'il n'y ait plus guère de sanctuaires budgétaires...

Mme Leila Aïchi , rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères sur la mission « Action extérieure de l'État » . - Quel est le coût de la participation de la France à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à la commission préparatoire au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) ou d'une éventuelle ambassade auprès de l'Union africaine ? Quelle a été l'économie réalisée grâce à la fusion des services de votre ministère dans le cadre de la RGPP ?

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale de la mission « Aide publique au développement » . - Selon le Comité d'aide au développement de l'OCDE, l'aide au développement a augmenté de plus de 6 % dans le monde, pour atteindre en 2013 son plus haut niveau historique. Celle de la France, à contre-courant, baisse de 10 % - l'une des plus fortes réductions parmi les pays contributeurs - et ne représente plus que 0,41 % de notre revenu national brut (RNB), contre 0,50 % en 2010. Nous avons été dépassés par le Japon. Qu'en est-il du respect de l'objectif de 0,7 % du RNB, que le Royaume-Uni respecte, malgré le contexte économique difficile.

Notre aide repose pour une part très importante sur l'Agence française de développement (AFD), limitée dans son action dans plusieurs pays amis de la France - je pense en particulier au Maroc et à la Tunisie - par le niveau de ses fonds propres. J'aimerais donc connaître votre position quant à l'augmentation de ses fonds propres et à la répartition de son bénéfice entre les dotations en fonds propres et le versement de dividendes à l'État.

Par ailleurs, pouvez-vous expliquer le taux d'exécution particulièrement faible des crédits de ces principaux outils de notre aide liée que sont le fonds d'aide au secteur privé (FASEP) et la réserve pays émergents (RPE). Enfin, le président de la République s'était engagé à doubler la part de l'aide française transitant par les ONG : cet engagement sera-t-il tenu ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international . - Me souvenant des temps anciens où je m'occupais des finances publiques, je me réjouis de vous retrouver... d'autant que vous n'avez pas tous changé... Ce que vous avez dit est parfaitement juste. Me voici pourtant dans une situation un peu difficile : s'il est vrai qu'on ne peut « racler l'os deux fois », en tant que membre du Gouvernement, je comprends qu'on demande au ministère des affaires étrangères de réduire ses dépenses, sous peine de tomber dans le paradoxe des trains à grande vitesse, qui ne doivent passer nulle part, mais s'arrêter partout. Le principe de non-contradiction doit s'appliquer au Gouvernement : je ne pourrai pas faire de réponses aussi enthousiasmantes que nous le souhaiterions.

Notre contribution aux organisations internationales représente des sommes colossales qui reviennent chaque année : nos efforts tendent à ce qu'elles n'augmentent pas, malgré des marges faibles. En premier lieu, lorsque nous en discutons le budget, nous nous opposons au sein des organisations à ce que les dépenses augmentent de manière inconsidérée. D'autre part, en 2013, notre quote-part à l'ONU - obéissant à des calculs très complexes - a pu être réduite de 9 %, ce qui dégage des économies en 2014. Pour 2016-2018, nous plaidons avec nos partenaires européens pour une révision des barèmes, afin de corriger la distorsion entre le poids réel des économies dans le monde et leur contribution. Soyons honnêtes : cela se fera au détriment d'autres pays. Les opérations de maintien de la paix, en nombre constant, devront coûter moins cher ; à cet égard nous devrons porter notre attention sur la demande américaine de plafonner leur propre contribution.

Cependant ces réductions ne sont pas infinies : si elle veut conserver sa place dans le monde, la France doit contribuer à sa juste part. Une étude conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires étrangères nous donnera une image complète des contributions, au-delà de celles versées à l'ONU, afin de savoir si l'investissement consenti correspond bien à nos priorités.

Quant à l'évolution du réseau, les représentants du personnel avec qui nous en parlons savent que les temps sont difficiles. Le principe de l'universalité du réseau reste intangible. Ce n'est pas jouer les casuistes que de ne pas le confondre avec l'exhaustivité et l'uniformité : nous devons être présents dans toutes les zones du monde, mais pas forcément dans toutes les capitales ni partout de la même façon. Autant nous pouvons dans certains cas « battre arrière », comme disent les marins, autant notre réseau, encore largement façonné durant les années 1960 à 1970, nous incite à faire mieux dans certaines zones appelées à se développer énormément. Les prévisions donnent au Nigeria 950 millions d'habitants à la fin du siècle. En outre, contre la représentation habituelle, la francophonie est aussi vivante dans des États non francophones : comme me le disait le président du Gabon, son pays compte numériquement moins de locuteurs du français que le Nigeria.

Il conviendra par conséquent d'être sélectif. Nous en parlons avec les ambassadeurs, les organisations syndicales, le Conseil des affaires étrangères, les commissions compétentes. Pour certains postes, nous avons décidé d'évoluer vers un format extrêmement allégé ; c'est le cas au Cap-Vert, en Guinée-Bissau, au Honduras, en Papouasie-Nouvelle Guinée ou au Tadjikistan... D'autres, parmi ceux qu'on appelle les « grands postes », en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni ou aux États-Unis sont soumis à une certaine rationalisation ; j'ai demandé aux ambassadeurs eux-mêmes de réfléchir, ouvrant la voie à un exercice d'itération. Nous revoyons la carte des implantations, sur le plan culturel, notamment. Nous continuerons cette démarche de rationalisation dans le domaine de l'expertise technique, trop fragmentée en France dans les différents ministères si on la compare au cas allemand, conformément aux dispositions d'un amendement voté à l'initiative de votre collègue Jacques Berthou lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

La réforme des bourses a donné ses premiers résultats, malgré quelques erreurs...

M. Philippe Marini , président . - Personne ne se plaint !

M. Laurent Fabius, ministre . - Ils correspondent aux objectifs fixés ; les bourses sont en ligne avec les revenus des familles et nous rendent une certaine maîtrise budgétaire. L'enveloppe inscrite en loi de finances initiale pour 2013 a été respectée. En 2014, grâce à l'évolution des taux de change, nous pourrons restituer quatre des 118 millions d'euros de crédits ouverts. À quelques ajustements près, les choses sont assez bien menées.

Il y a du travail à faire sur les missions consulaires. Elles sont indispensables à certains endroits ; certaines de leurs tâches devront être modifiées. Nous devrons réfléchir sur le rôle des consuls honoraires, parfois si utiles ; j'ai ainsi assoupli les règles liées à l'âge pour ne pas en voir partir certains, qui sont excellents.

En novembre 2012, il y avait 27 ambassadeurs thématiques ; il n'y en a plus que 19, dont 11 agents du ministère. Comme vous l'avez dit, ce n'est pas une affaire de coût. J'ai diminué leur nombre en préservant les plus utiles et en utilisant les compétences internes. J'ai supprimé les ambassadeurs chargés de l'audiovisuel extérieur, de la préfiguration de l'Office méditerranéen de la jeunesse, du partenariat oriental de l'Union européenne, des relations avec la société civile... En revanche, le coprésident du Groupe de Minsk a été remplacé. L'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) ayant fusionné avec Ubifrance, sa présidente, Muriel Pénicaud, a été nommée ambassadrice déléguée aux investissements internationaux. J'ai modifié le dispositif relatif au changement climatique et chargé Laurence Tubiana de ces négociations. J'ai créé des postes sans charge financière, importants malgré les sourires qu'ils peuvent susciter : celui d'ambassadeur pour le sport, qui, on le voit au Brésil ou au Qatar comme pour les Jeux, est un des véhicules principaux du rayonnement - si le Président de la République va au Japon accompagné de Teddy Riner, cela a un impact plus fort qu'avec une autre personnalité. Ici aussi, la cartographie obéit à l'évolution de nos intérêts.

Nous devons nous saisir du vaste sujet de la politique immobilière, non seulement à cause des contraintes financières mais aussi pour des exigences de sécurité et d'efficacité : le rayonnement de la France est mieux assuré par des services situés dans le même bâtiment, qui travaillent ensemble. L'idée d'une seule implantation de la France est justifiée, lorsque c'est possible. Comme le dit Roland du Luart, il ne faut pas être forcé à vendre, sous peine de vendre mal. Le ministère n'est souvent pas le mieux qualifié : dans le passé, des transactions auraient pu être plus profitables. Nous savons désormais réaliser de bonnes opérations. Il faut intéresser le ministère à ces cessions ; une bonne partie de leur produit est ainsi réinvesti dans la sécurité. Les ambassadeurs en Libye, en Irak, au Yémen sont très courageux, mais il faut les protéger.

La vente du palais Clam-Gallas ne signifie pas la fermeture de l'Institut français, auquel cette ancienne résidence n'est pas adaptée. Son nouveau projet culturel déterminera la nature de l'investissement. Une densification a été étudiée. J'ai demandé que tout cela soit revu, mais cela paraît difficile.

Le palais Farnèse, qui n'est d'ailleurs pas à nous, pourrait être optimisé selon deux scénarios, si l'École française de Rome libérait des surfaces : soit la majeure partie des services de l'État pourraient s'y regrouper, soit, parce qu'il est difficile de transformer les couloirs de la bibliothèque en bureaux, sa vocation de lieu d'exposition se développerait grâce à un partenariat avec une fondation culturelle.

Je ne sais pas qui succèdera au président Diouf, tâche qui ne sera pas facile. Il y a des candidatures du nord et du sud, de l'est et de l'ouest. J'ai lu comme vous des lignes sur une possible candidature française. Si c'était le cas, sans doute serais-je au courant. Restons prudents ; le sommet a lieu en novembre : cela nous laisse du temps. Bien sûr, nous contribuons beaucoup et la France doit affirmer sa présence ; mais il serait délicat de présenter les choses ainsi.

L'Institut français conservera un rôle de coordination. La généralisation de l'expérimentation coûterait trop cher. Ne privons pas les ambassadeurs de leur bras armé. La diplomatie de la France est globale ; nous ne pouvons pas séparer les diplomaties politique, culturelle, économie et scientifique. Le problème est l'allocation des moyens. Dans certains pays, il faudra faire appel aux partenaires privés. Auteur d'une bande dessinée célèbre, notre conseiller culturel nous a ainsi proposé devant la disparition de la dernière librairie française à New York, d'en ouvrir une dans les locaux du consulat ; il a trouvé des mécènes pour plusieurs millions de dollars. Bien sûr, vous ne pouvez pas faire cela dans tous les pays. Comme me l'a dit le président Xavier Darcos, il faut accepter une part plus grande de financements privés.

L'AEFE rencontre un succès considérable. Faut-il réserver nos écoles à l'étranger aux élèves français ? Je ne le crois pas. Il faut un brassage, car les élèves étrangers deviennent nos meilleurs ambassadeurs. L'État contribue au financement, les familles sont aussi sollicitées. Toutefois notre système reste moins cher que d'autres. Des députés comme Philip Cordery travaillent sur ce sujet. Je suis ouvert.

J'ai demandé à Bercy que la maquette budgétaire corresponde au nouvel organigramme du Gouvernement. Je n'ai pas encore de réponse.

Selon nos estimations, l'aide publique au développement s'est élevée en 2013 à 8,5 milliards d'euros, soit 0,41 % du revenu national brut, contre 0,45 % en 2012. Cette baisse est conjoncturelle, madame Keller : elle est due à la baisse des flux nets de prêts déclarables au titre de l'aide publique au développement et à la baisse des annulations de dette. Anne Paugam, qui s'est engagée à venir deux fois par an devant la commission des affaires étrangères du Sénat, avait réclamé une hausse des fonds propres. Après une discussion interministérielle, une solution satisfaisante a été trouvée, même si elle n'est pas exactement celle qu'elle souhaitait. La diminution du nombre de projets tient à l'instabilité politique qui prévaut dans certaines régions, comme le Proche-Orient, et à un renforcement des exigences de qualité des projets, notamment en matière de responsabilité environnementale et de développement durable. Je souhaite que notre présence soit la plus large possible et que les engagements soient respectés.

Leila Aïchi m'a posé une colle, mais j'avais révisé : notre contribution à l'AIEA s'élève à 16,5 millions d'euros, et à 2,5 millions d'euros pour le Fonds de contribution technique. La création d'un poste d'ambassadeur auprès de l'Union africaine coûterait 500 000 euros. Notre ambassadrice à Addis-Abeba, Brigitte Collet, accomplit un travail excellent et assume une double mission. Un de ses collaborateurs est spécialement dédié à l'Union africaine. Il est peu probable que nous nommions à courte échéance un ambassadeur auprès de l'Union africaine. Enfin, notre contribution au TICEN est de 1,8 million de dollars et 3,8 millions d'euros.

M. André Ferrand . - Vous avez défendu l'idée d'une diplomatie globale, réunissant diplomatie classique, économique et culturelle. Je souscris à votre vision. Plusieurs rapports parlementaires ont dénoncé le manque de lisibilité et de clarté du dispositif du dispositif d'appui au commerce extérieur. Les entreprises ne savent à qui s'adresser : à l'État, aux régions ? Avec mes collègues Yannick Botrel, Joël Bourdin et Christian Bourquin nous avons publié l'an passé un rapport intitulé L'agroalimentaire français face au défi de l'export : pour une réforme ambitieuse du dispositif public de soutien . J'espère qu'il vous est parvenu. S'il concerne l'agroalimentaire, ses conclusions valent pour tout le dispositif. Les rôles entre Ubifrance et la Sopexa doivent être clarifiés. Des choix ont été faits avec l'AFII et Ubifrance. Où en est-on sur la « marque France », ou sur la création de maisons de la France, destinées à regrouper les opérateurs pour créer des synergies, à l'image d'Atout France ?

Vous avez souhaité la création de conseils économiques dans les ambassades ainsi que des conseils d'influence, outils d'une diplomatie globale. Avec quels résultats concrets ?

M. Laurent Fabius, ministre . - Vos questions sont fondamentales. D'autres que moi pourraient aussi bien y répondre - je pense en particulier à Nicole Bricq qui a suivi tout cela dans un passé récent. En ce qui concerne le commerce, il est trop tôt pour juger les résultats de la redistribution gouvernementale intervenue il y a deux mois. L'idée est simple : les différents ministères doivent travailler à la même tâche, aussi bien à Paris qu'à l'étranger. Le décret de 1979 est clair : les ambassadeurs, qui ne proviennent pas nécessairement du Quai d'Orsay, sont les patrons de tous les services dans le pays où ils sont en poste. Ce principe a été réaffirmé, c'est un gage d'efficacité. À Paris, les administrations centrales du ministère de l'économie et du ministère des finances, d'une part, et du ministère des affaires étrangères, d'autre part, doivent se coordonner. Pour des raisons sociologiques évidentes, des réticences se sont manifestées au début, mais nous avons élaboré des protocoles afin que les entreprises sachent à qui s'adresser. Les choses se mettent donc en place. Nous avons déjà opéré le regroupement de l'AFII et d'Ubifrance. Avec mon collègue Stéphane Le Foll, nous avons décidé de renforcer la convergence de notre action à propos de la Sopexa en matière agricole, même si les modalités restent à définir. Il en va de même pour Atout France en matière de tourisme. En tout cas, nous avons intérêt à nous présenter sous la bannière France. J'ai demandé aux ambassadeurs de me soumettre un plan d'action. Ne sont-ils pas les mieux placés pour inciter la venue de touristes en France ? Sans brusquer les choses, l'idée est de favoriser la convergence.

L'objectif des maisons de la France n'est pas d'augmenter notre présence immobilière, mais de renforcer notre présence réelle. Nous n'avons pas les moyens de construire partout de nouveaux complexes immobiliers. En revanche nous devons afficher partout le « panneau France ». Dans les domaines commerciaux, la marque France est perçue positivement. Donnons-lui les moyens d'être plus efficace. Favoriser la convergence et la coordination, réunir diplomatie classique et diplomatie économique, tourisme ou à agriculture compris, allait dans le sens de l'histoire. Nous dresserons un bilan dans six mois ou un an.

M. Philippe Marini , président . - Je vous remercie.

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