EXAMEN DES ARTICLES

Article unique - Habilitation à prendre par ordonnance les mesures pour assurer l'application des principes du code mondial antidopage

Le I. de l'article unique prévoit que, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer, en conformité avec les principes constitutionnels et conventionnels, le respect dans le droit interne des principes du code mondial antidopage applicable à compter du 1 er janvier 2015.

La mention - assez inhabituelle dans un projet de loi d'habilitation - de la nécessité de respecter les principes constitutionnels et conventionnels a été introduite par le Conseil d'État lors de son examen du projet de loi. Elle s'explique par le fait que des interrogations se sont faites jour quant à la constitutionnalité de plusieurs dispositions qui figurent dans la nouvelle version du code mondial antidopage, concernant notamment la compétence de principe du Tribunal arbitral du sport (TAS), le caractère automatique de certaines sanctions et les conditions d'exercice des contrôles antidopage à tout moment et en tout lieu.

Or, comme le souligne le Conseil d'État dans sa note du 26 juin 2014, « en l'absence de ratification d'un avenant à la convention internationale de lutte contre le dopage dans le sport, les modifications apportées au code mondial antidopage en 2013 et figurant dans la version applicable au 1 er janvier 2015 ne créent pas d'obligations juridiques à l'égard de la France. S'il est loisible au Gouvernement d'assurer la mise en oeuvre des dispositions nouvelles ainsi introduites dans le code mondial antidopage, il doit le faire dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels. »

Afin de respecter la Constitution, les dispositions du code mondial antidopage relatives aux compétences du TAS ne devraient donc pas faire l'objet d'une transcription dans le cadre de cette ordonnance car elles ont déjà fait l'objet, dans le passé, de dispositions de portée équivalentes 11 ( * ) tandis que celles relatives aux contrôles à tout moment et en tout lieu devront être transcrites avec précautions (voir infra). Quant au régime des sanctions automatiques, le Conseil d'État a indiqué qu'il devait être considéré comme un régime de sanction maximale.

Pour l'essentiel, il convient néanmoins d'observer que les modifications apportées en 2013 au code mondial antidopage (CMA) ne modifient pas l'économie générale de la lutte contre le dopage mais visent à renforcer l'efficacité du contrôle et à élargir la gamme des sanctions, tout en veillant à leur proportionnalité.

I - Les dispositions législatives du code du sport que devrait modifier l'ordonnance

Les évolutions intervenues dans le cadre du CMA 2015, par rapport à la version issue du précédent code mondial de 2009, ne requièrent pas toutes une réponse de nature législative. Cependant, pas moins de huit d'entre elles devront être adaptées en conséquence. Elles concernent :

- l'aide substantielle à la découverte d'infractions ;

- l'extension du champ des institutions susceptibles d'accorder des autorisations d'usage à des fins thérapeutiques (AUT) ;

- la modification du délai de prescription des actions disciplinaires, actuellement de 8 ans, à 10 ans ;

- l'interdiction faite aux sportifs de faire appel aux personnes ayant fait l'objet de sanctions ;

- la création d'une nouvelle infraction relative à la complicité en matière de trafics de substances ou de méthodes dopantes ;

- l'implication des fédérations sportives nationales et du personnel encadrant dans les enquêtes menées par les ONAD ;

- les contrôles antidopage à tout moment et en tout lieu ;

- l'ouverture de la possibilité aux organisations nationales antidopage (ONAD), telle que l'Agence française de lutte contre le dopage, d'effectuer des contrôles en dehors des sites où se déroulent les manifestations sportives internationales.


• L'aide substantielle à la découverte d'infractions

Le droit applicable en vertu du code mondial antidopage en vigueur

En vertu du CMA actuel, une ONAD peut prononcer un sursis sur une partie de la période de suspension d'un sportif ou d'une autre personne quand celui-ci a fourni une aide substantielle à une ONAD, un tribunal pénal ou à un organe disciplinaire permettant de découvrir un délit, une violation des règles antidopage par une autre personne ou permettant de découvrir ou prouver une infraction pénale.

Ce sursis peut être prévu avant le prononcé de la sanction ou avant l'expiration du délai d'appel. Toutefois, il peut être retenu après que la décision finale a été prononcée ou après l'expiration du délai d'appel, à la condition d'avoir l'accord de l'AMA ainsi que de la fédération internationale compétente.

Le sursis dépend de la gravité de l'infraction et de l'importance de l'aide substantielle apportée. Il ne peut être supérieur aux trois-quarts de la suspension. Pour une suspension à vie, le sportif ou la personne doit purger une suspension qui doit être d'au moins huit ans.

À noter que le code du sport ne prévoit pas de dispositions mettant en oeuvre ces stipulations du CMA.

Les modifications apportées par le nouveau code mondial antidopage

Le nouveau CMA (articles 10.6.1.1 à 10.6.1.3) modifie à la marge le dispositif présenté ci-dessus. Il ajoute une nouvelle disposition visant à encourager les sportifs et les autres personnes à fournir une aide substantielle .

Ainsi, une ONAD pourra accorder un sursis, même quand la décision sera devenue définitive, pour une période qu'elle « jugera appropriée ». Cette période pourra également être supérieure aux trois-quarts de la suspension dans des circonstances exceptionnelles.

L'ordonnance devrait modifier le code du sport pour intégrer ces dispositions relatives aux sursis.


• Délivrance des autorisations à usage thérapeutique

Le droit applicable en vertu du code mondial antidopage en vigueur

Le CMA prévoit que des procédures d'autorisation d'usage à des fins thérapeutiques (AUT) doivent être définies par :

- les fédérations internationales pour les sportifs de niveau international ou les sportifs inscrits à une manifestation internationale ;

- les ONAD pour les sportifs relevant de leur champ d'action.

La partie législative du code du sport développe uniquement les procédures d'obtention des AUT pour les sportifs adhérents d'une fédération nationale ou participant à une manifestation ou compétition nationale.

Ainsi, le sportif se préparant ou participant à une compétition nationale peut adresser une demande d'AUT à l'AFLD. L'AUT est délivrée après avis conforme d'un comité d'experts.

S'agissant des sportifs de niveau international ou participant à une manifestation internationale, il appartient aux fédérations internationales concernées de délivrer l'AUT selon les modalités fixées par le Standard international sur les autorisations thérapeutiques.

L'article L. 232-2 du code du sport dispose ainsi que le sportif qui participe ou se prépare aux manifestations nationales et dont l'état de santé requiert l'utilisation d'une substance ou méthode interdite peut solliciter l'AFLD pour obtenir une autorisation d'usage à des fins thérapeutiques.

L'utilisation ou la détention, dans le cadre d'un traitement prescrit à un sportif par un professionnel de santé, d'une ou des substances ou méthodes inscrites sur la liste des substances ou méthodes interdites n'entraîne à l'égard de celui-ci ni sanction disciplinaire, ni sanction pénale.

Les modifications apportées par le nouveau code mondial antidopage

Le nouveau CMA 2015 apporte des évolutions qui ne nécessitent pas toutes des transpositions dans le droit national (exemple de la reconnaissance automatique, par les fédérations internationales des AUT délivrées par une ONAD).

Il prévoit cependant une mesure qui devra être intégrée au niveau législatif dans le droit national : la possibilité donnée aux organisations responsables de grandes manifestations de délivrer des AUT .

L'ordonnance devrait modifier le code du sport pour intégrer cette disposition.


• L'allongement du délai de prescription

Le droit applicable en vertu du code mondial antidopage en vigueur

Le CMA fixe un délai de prescription des actions disciplinaires de huit ans (article 17).

Le code du sport prévoit, conformément au CMA, un délai identique de huit ans (article L. 232-24-1 du code du sport).

Les modifications apportées par le nouveau code mondial antidopage

Le nouveau CMA 2015 durcit ce délai en le fixant à dix ans .

L'ordonnance devrait modifier l'article L. 232-24-1 du code du sport en conséquence.


• L'interdiction faite aux sportifs de faire appel aux personnes ayant fait l'objet de sanctions

Le droit applicable en vertu du code mondial antidopage en vigueur

Le CMA actuel identifie les infractions commises par les sportifs.

Le code du sport détermine, à l'article L. 232-9, les infractions suivantes en conformité avec le CMA :

- détenir ou tenter de détenir, sans raison médicale dûment justifiée, une ou des substances ou méthodes interdites ;

- utiliser ou tenter d'utiliser une ou des substances ou méthodes interdites.

Les modifications apportées par le nouveau code mondial antidopage

Le nouveau CMA prévoit une nouvelle interdiction pour le sportif, celle de ne pas s'associer à une personne (personnel d'encadrement) qui a fait l'objet d'une sanction prononcée par une fédération ou une ONAD, ou encore d'une sanction pénale .

L'ordonnance devrait modifier le code du sport pour intégrer, à l'article L. 232-9, cette évolution.


• La création d'une nouvelle infraction : la complicité en matière de trafics de substances ou méthodes dopantes

Le nouveau code mondial antidopage crée une nouvelle infraction qui concernera les personnes qui se seront rendues complices :

- d'un sportif qui a détenu ou tenté de détenir, a fait usage ou tenté de le faire, d'une méthode ou substance interdite, s'est soustrait ou a tenté de se soustraire à un contrôle ;

- d'une personne qui a participé ou tenté de participer à un trafic.

La complicité est entendue dans le CMA 2015 comme étant l'assistance, l'incitation, la contribution, la conspiration, la dissimulation ou toute autre forme de complicité qui revêt un caractère intentionnel conduisant à une violation ou une tentative de violation des règles anti-dopage.

La sanction possible est comprise entre deux ans et quatre ans de suspension en fonction de la gravité de l'infraction.

L'ordonnance devrait modifier le code du sport, dans sa partie législative, pour intégrer cette nouvelle infraction.


Impliquer les fédérations sportives nationales et le personnel d'encadrement du sportif dans les enquêtes menées par l'AFLD

Le droit applicable en vertu du code mondial antidopage en vigueur

Le CMA actuel fixe une série d'engagements à respecter par le mouvement sportif (CIO, CNO, fédérations internationales), ainsi que par les sportifs et personnels d'encadrements.

Les fédérations internationales s'engagent ainsi à exiger des fédérations nationales adhérentes qu'elles se conforment au CMA.

Les modifications apportées par le nouveau code mondial antidopage

Le nouveau CMA fixe une nouvelle exigence pour les fédérations internationales, à savoir qu'elles exigent des fédérations nationales qu'elles communiquent à leur ONAD et à la fédération internationale toute information sur une violation d'une règle antidopage et qu'elles coopèrent aux enquêtes menées par l'ONAD.

L'ordonnance devrait modifier le code du sport pour intégrer une nouvelle disposition législative imposant aux fédérations sportives de signaler à l'AFLD tout manquement aux dispositions relatives à la lutte contre le dopage.


• Contrôles antidopage effectués au domicile du sportif entre 21 heures et 6 heures

Le droit applicable en vertu du code mondial antidopage en vigueur

Le CMA actuel prévoit (article 5.1) que chaque ONAD planifie et réalise des contrôles en compétition et hors compétions sur des sportifs relevant de son champ de compétence, y compris sur des sportifs appartenant au groupe cible (assujettis à des exigences en matière de localisation fixées dans le standard international de contrôle).

Le Standard international stipule (article 11.1.4) qu'un sportif appartenant au groupe cible est « tenu de préciser les informations concernant sa localisation » .

L'article L. 232-13-1 du code du sport dispose que les contrôles peuvent être réalisés dans tout lieu choisi avec l'accord du sportif, permettant de réaliser le contrôle, dans le respect de sa vie privée et de son intimité, y compris, à sa demande, à son domicile

L'article L. 232-14 du même code dispose que les personnes habilitées à diligenter un contrôle antidopage ne peuvent accéder, notamment, au domicile du sportif qu'entre 6 heures et 21 heures.

Les modifications apportées par le nouveau code mondial antidopage

Le CMA 2015 prévoit, au nouvel article 5.2, que « tout sportif peut être tenu de fournir un échantillon à tout moment et en tout lieu » . Cette disposition implique la possibilité pour les personnes habilitées à procéder aux contrôles, d'accéder au domicile du sportif, notamment, de 21 heures à 6 heures du matin , ce qui pose la question de la constitutionnalité au regard du droit public français 12 ( * ) .

L'Assemblée Générale du Conseil d'État a débattu sur la question de l'article 5.2 du nouveau CMA au regard du principe constitutionnel de l'inviolabilité du domicile.

Selon les indications fournies à votre commission par le Gouvernement, l'Assemblée générale du Conseil d'État a conclu ses débats en considérant que cette nouvelle mesure, pour qu'elle puisse être transposée dans le droit interne dans le respect de la Constitution, devait répondre aux trois exigences suivantes :

- le contrôle après 21 heures ne pourra avoir lieu qu'avec le consentement du sportif ;

- le contrôle devra se limiter au prélèvement d'échantillons ;

- le contrôle devra garantir une proportionnalité entre les atteintes portées aux droits des sportifs (droit à l'intimité par exemple) et les enjeux liés à la lutte contre le dopage.

Le Gouvernement s'étant engagé auprès de votre commission à transposer l'article 5.2 du nouveau CMA conformément aux recommandations du Conseil d'État, a levé les interrogations qui existaient quant à la constitutionnalité des dispositions que comprendrait l'ordonnance concernant la modification de l'article L. 232-14 du code du sport.


• Possibilité donnée à l'ONAD de procéder à des contrôles antidopage, lors d'une manifestation sportive internationale, en dehors du site où se déroule cette manifestation

Le droit applicable en vertu du code mondial antidopage en vigueur

Conformément au CMA actuel, l'AFLD est compétente pour diligenter des contrôles (art. L. 232-5) :

- pendant les manifestations sportives organisées par les fédérations nationales ;

- pendant les manifestations sportives internationales avec l'accord de l'organisme international compétent ;

- pendant les périodes d'entraînement préparant aux manifestations sportives.

L'AFLD dispose (art. L. 232-5 du code du sport) d'un pouvoir de contrôle antidopage pendant les manifestations sportives organisées par une fédération nationale. Elle peut, en outre, mettre en place des contrôles lors d'une manifestation sportive organisée par une fédération internationale, à la condition qu'elle ait l'accord de cette dernière ou, à défaut, celui de l'Agence mondiale antidopage.

Les contrôles effectués au cours d'une manifestation internationale sont effectués sur le site de la manifestation.

Les modifications apportées par le nouveau code mondial antidopage

Le nouveau CMA ouvre la faculté pour l'ONAD de réaliser des contrôles antidopage en dehors du site d'une manifestation internationale (hôtel par exemple) sur un sportif participant à cette manifestation .

L'ordonnance devrait modifier le code du sport pour prendre en compte cette modification.

II - L'entrée en vigueur et la ratification de l'ordonnance

Le II. du présent article dispose que l'ordonnance prévue au I devra être prise dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi .

Par ailleurs, il prévoit qu'un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Dans les faits , la France n'est pas liée juridiquement par le délai du 1er janvier 2015 pour la transcription du nouveau CMA . On peut ainsi rappeler que le précédent code était entré en vigueur le 1 er janvier 2009 et que sa mise en oeuvre avait nécessité plusieurs textes parmi lesquels une disposition législative habilitant le Gouvernement à prendre des mesures relevant du domaine de la loi (l'article 85 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009), une ordonnance prise sur ce fondement (l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010) et un décret d'application (le décret n° 2011-58 du 13 janvier 2011).

L'absence d'impératif juridique ne dispense pas de faire preuve de diligence éthique. C'est pourquoi M. Thierry Braillard, Secrétaire d'État aux sports a indiqué devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 4 juin dernier qu'il était nécessaire que l'examen du projet de loi d'habilitation ait commencé à l'automne avant que la France n'accueille en novembre le comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage.

Votre commission a adopté cet article unique sans modification .

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté sans modification le texte du projet de loi n° 677 (2013-2014) habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage.


* 11 Voir à ce sujet le II.B.2.c) du présent rapport.

* 12 Voir à ce sujet le II. B. 2) a. du présent rapport

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