EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. TAXIS : UN SECTEUR DE CROISSANCE, UNE MOBILITÉ D'AVENIR

Le taxi est un métier d'avenir : c'est le fil directeur du rapport « Un taxi pour l'avenir, des emplois pour la France » du parlementaire en mission Thomas Thévenoud, remis en avril 2014, qui a servi de point de départ à l'élaboration de la présente proposition de loi. Le potentiel de création d'emplois de ce secteur est important. En outre, il s'inscrit pleinement dans la redéfinition plus globale d'une politique de la ville qui met au coeur de son projet la mobilité propre et le développement de nouvelles habitudes de transport . À ce titre, l'incitation à l'utilisation par les taxis de véhicules hybrides ou électriques fabriqués en France constitue une proposition ambitieuse. Cela s'inscrirait dans une dynamique vertueuse : les taxis seraient les premiers ambassadeurs de la mobilité durable et de la transition dans laquelle notre pays est engagé.

Car les taxis sont aussi une « vitrine » pour notre pays , et plus principalement pour sa capitale, Paris. Ils sont aussi un élément essentiel de l'attractivité du territoire et doivent faire partie intégrante d'une politique de tourisme intelligente.

Rapport « Un taxi pour l'avenir, des emplois pour la France »

(Extraits)

Le taxi doit être reconnu comme essentiel à la ville intelligente

Le taxi doit devenir une vitrine de la ville

Dans les principales villes de France, la tendance est à la réduction des déplacements en véhicules individuels, responsables d'une forte congestion et de pics de pollution récurrents. Les municipalités favorisent donc le développement des transports en commun et de nouvelles offres pour les citadins, comme les vélos, les automobiles en libre-service, le co-voiturage ou l'auto-partage. La circulation alternée couplée à la gratuité des transports en commun a été ponctuellement mise en oeuvre à Paris le 17 mars 2014 pour lutter contre une forte pollution atmosphérique.

L'observatoire des déplacements à Paris, qui publie ses observations de façon homologuée depuis 2001, met en évidence une diminution très sensible de la circulation automobile (près de 25%) sur le réseau instrumenté (c'est-à-dire sur les grands axes). Le nombre de véhicules immatriculés à Paris baisse régulièrement de 1 à 2 % par an, et le parc automobile parisien a diminué de 8 % entre 2001 et 2010. Par ailleurs, l'enquête globale transport menée en Île-de-France entre 2009 et 2011 par l'observatoire de la mobilité montre une diminution sensible du nombre de titulaire du permis de conduire dans la classe d'âge 18-24 ans tant à Paris qu'en Île-de-France. On voit donc apparaître de véritables changements de comportements qui se traduisent non seulement par une hausse sensible des déplacements en transport en commun, mais également par la croissance de nouvelles mobilités (Vélib', Autolib' notamment).

Si les habitants de la grande couronne disposent de 530 véhicules pour 1 000 habitants, ce chiffre n'est que de 275 à Paris. Surtout, il a diminué de 7 % dans cette ville entre 2001 et 2010. En outre, le Plan de déplacement urbain d'Île-de-France, établi par le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), arrêté par le Conseil régional, et soumis à enquête publique en 2013, se donne comme objectif, pour satisfaire la demande croissante de déplacements, d'augmenter de 20 % la part des transports collectifs, de 10 % celle de la marche et du vélo, et de diminuer de 2 % la part des voitures et deux-roues motorisés.

Le taxi doit s'inscrire dans ces évolutions, pour devenir une véritable alternative à la voiture individuelle. Avec une flotte récente et des offres « vertes », le taxi, surtout s'il est partagé, est un mode de déplacement moins polluant que la voiture individuelle. À titre informatif et selon une étude réalisée par un syndicat de taxi sur 10 258 artisans, l'âge moyen des véhicules serait de 1,84 ans à Paris et de 2,47 ans en province, soit très inférieur à l'âge moyen du parc de voitures individuelles9. Les véhicules propres se développent, la G7 comptant par exemple à Paris 1 200 « GreenCab ».

(...) Cependant, le taxi ne deviendra une véritable alternative à la voiture individuelle en ville que si les véhicules deviennent toujours plus écologiques, au-delà même des flottes « vertes » existantes. Par ailleurs, le recours à des véhicules fabriqués en France serait souhaitable. Actuellement, selon l'étude d'un syndicat de taxi précitée, 55 % des artisans roulent en voiture soit de la marque Mercedes (pour 28 %), soit de la marque Toyota (pour 14 %) ou soit de la marque Volkswagen (pour 14 %). Les marques française Peugeot et Renault ne représentent respectivement que 5,8 et 4,1 % du parc. En raison de sa visibilité, de la fréquence des renouvellements et de l'importance du parc, le taxi intéresse les constructeurs français, ce qui a été confirmé à la mission. Ils sont prêts à proposer des offres adaptées aux contraintes et besoins spécifiques des taxis. De telles offres pourraient les inciter à se tourner en priorité vers des véhicules hybrides, voire électriques fabriqués en France lors des prochains renouvellements.

Tourisme, transition énergétique, ville durable, promotion industrielle du « made in France », le taxi est au carrefour de toutes ces ambitions et peut devenir un outil intelligent au service de tous ces enjeux d'avenir.

La nécessaire modernisation d'un secteur longtemps considéré comme « irréformable » doit être vue comme une opportunité aujourd'hui pour le placer au coeur de toutes ces évolutions et en finir avec des rigidités qui desservent tant les professionnels que les clients.

A. AMÉLIORER LA RENCONTRE DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE : MODERNISER ET VALORISER LE MONOPOLE DE LA « MARAUDE »

Le métier de taxi s'est beaucoup transformé , tout particulièrement au cours des dernières années. Les usages ont évolué. Les besoins ont changé. Les grandes agglomérations ont vu leur population croître très rapidement. Les zones rurales ont développé des usages spécifiques des véhicules de transport privé. La révolution du numérique et des « smartphones » a modifié les pratiques. Le métier de chauffeur de taxi a donc tout naturellement changé lui aussi. Et il doit continuer de s'adapter.

1. La réglementation de l'activité des taxis est fondée sur des motifs économiques et d'ordre public

L'activité de taxi n'est pas une activité comme les autres, et la principale raison en est qu'elle s'exerce sur la voie publique . Cette spécificité a très tôt justifié un encadrement particulier et une réglementation adaptée. Dès le 17 ème siècle, des lettres patentes royales ont conféré un monopole aux ancêtres des taxis, les voitures dites « de place » et les préfets usaient de leur pouvoir de police pour soumettre l'exploitation de ces voitures à une autorisation préalable, dans un objectif de tranquillité et d'ordre publics.

À cet impératif de sécurité publique justifiant de contrôler le nombre de véhicules occupant le domaine public tout en répondant aux besoins de la population, s'ajoute une raison économique légitimant une réglementation des tarifs dans l'intérêt du consommateur : un taxi hélé par le client sur la voie publique ne peut être mis en concurrence avec un autre non soumis aux mêmes règles de manière instantanée.

Cette réglementation a fait l'objet de nombreuses remises en causes qui en pointent les effets pervers. En 1959 déjà, le rapport Rueff-Armand 4 ( * ) considérait que « la limitation réglementaire du nombre des taxis nuit à la satisfaction de la demande et entraîne la création de situations acquises, dont le transfert payant des autorisations de circulation est la manifestation la plus critiquable ».

En 2008, le rapport Chassigneux 5 ( * ) pointait que « la rareté de l'offre crée des rentes de situation sans rapport avec la valeur économique réelle de la licence » .

La même année, le rapport de la Commission Attali pour la libération de la croissance 6 ( * ) préconisait la fin de la restriction du nombre de taxis.

Était en cause une offre trop restreinte entraînant une demande insatisfaite, notamment dans les grandes villes : la comparaison entre le nombre de licences en 1937, qui était de 14 000, et en 2007, qui était de 15 800 est à cet égard très significative.

Plus récemment, le député Thomas Thévenoud estimait dans son rapport de mission que le principe de cette régulation était toujours justifié. « Au service du public depuis plusieurs siècles, ces professionnels ont marqué l'histoire de la France, comme lors de la bataille de la Marne, et participé à la modernisation des déplacements. Les taxis intervenaient d'abord sur le marché de la maraude, c'est-à-dire qu'ils circulaient sur la voie publique à la recherche de clients. À ce titre et dès l'origine, les taxis ont été régulés par les pouvoirs publics. Cette régulation se justifiait et se justifie toujours, à la fois pour des raisons d'ordre public et de concurrence. L'occupation de la voie publique, l'impossibilité de mettre en concurrence la voiture qu'on hèle dans la rue et la nécessité d'éviter la négociation des tarifs à la vitre du taxi ont rendu nécessaire le contrôle du nombre d'autorisations de stationnement et la réglementation tarifaire » .

Depuis 2007, la faiblesse de l'offre de taxis, notamment en région parisienne, n'est plus la principale difficulté. En effet, depuis cette date, de nouvelles licences ont été délivrées, mais surtout, des autorisations de doublage (une même licence peut être utilisée par deux chauffeurs) ont été créées dans la zone des taxis parisiens , ce qui permet aujourd'hui d'estimer l'offre réelle de taxis à 19 992 à Paris, c'est-à-dire un nombre supérieur à celui de licences.

2. Un monopole sur la maraude toujours justifié

La réglementation qui pèse sur les taxis est triple. Elle touche l'accès à la profession , l'exercice de l'activité de taxi et les prix pratiqués .

L'accès à la profession de chauffeur de taxi est conditionné au respect d'un certain nombre d'exigences, prévues par les dispositions du décret n° 95-935 du 17 août 1995, codifiées aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10 du code des transports :

- l'obtention du certificat de capacité professionnelle , matérialisée par la délivrance d'une carte professionnelle par le préfet après un examen en deux parties (nationale et départementale) ;

- une visite médicale périodique dans les conditions prévues par le code de la route ;

- le respect des incompatibilités prévues par l'article 6 du décret n° 95-935 du 17 août 1995.

Une fois titulaire de sa carte professionnelle, le chauffeur de taxi, pour pouvoir exercer son activité, doit être titulaire d'une autorisation de stationnement (ADS), appelée communément « licence » , symbolisant le contrôle de l'autorité publique sur le nombre de taxis en activité. Cette dernière est délivrée par l'autorité administrative, à savoir le maire ou le préfet de police à Paris, par ordre chronologique d'inscription sur une liste d'attente, inscription qui doit être renouvelée tous les ans.

Seuls les taxis sont ainsi autorisés à circuler et stationner sur la voie publique. Ils ont le monopole de la maraude.

Avec la loi du 24 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles 7 ( * ) , la compétence de délivrance des licences, aujourd'hui communale, sera bientôt intercommunale pour les 1 700 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) exerçant la compétence « voirie ».

Les présidents de ces EPCI auront ainsi la faculté de moduler le périmètre des ADS et de le limiter au territoire de certaines communes seulement du périmètre de l'établissement.

En juillet 2013, le nombre de licences délivrées sur le territoire national s'élevait à 57 371, contre 44 190 en 2001 , soit une augmentation de 30 % en douze ans (36 % en province mais 18 % seulement à Paris). On sait aussi que l'offre réelle, notamment en région parisienne, a augmenté grâce aux autorisations de doublage.

Selon les chiffres transmis par le secrétariat d'État chargé du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Économie sociale et solidaire, le nombre total de licences à Paris s'élevait à 17 636 en 2013 .

Pourtant, le prix des licences , qui peuvent être transmises à titre onéreux depuis 1995, s'est envolé au cours des dernières années et atteint aujourd'hui 230 000 euros en moyenne à Paris , voire davantage dans des villes comme Nice (400 000 euros) ou Cannes.

Mais c'est surtout la difficulté pour l'offre de taxis de rencontrer la demande qui fragilise aujourd'hui ce secteur d'activité. Les taxis se retrouvent aujourd'hui confrontés, d'une part, à la concurrence des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), qui depuis 2009, font l'objet d'un régime déclaratif sans autorisation administrative ni limitation de nombre, d'autre part, au développement du numérique et des nouvelles technologies qui orientent les clients vers de nouvelles pratiques.

En effet, la généralisation des « smartphones » a tendance à détourner les clients du marché de la maraude physique au profit, non seulement de la réservation préalable, mais de plus en plus, de la maraude électronique. Elle permet aussi d'avoir recours à des applications de géolocalisation, qui améliorent la mise en relation entre les clients et les chauffeurs.

Le dernier aspect de la réglementation s'appliquant aux taxis est l'encadrement des prix pratiqués. Ils sont définis par l'État, par l'intermédiaire des préfectures qui agréent un tarif départemental.

Tarifs des taxis

Les hausses de prix maximales sont fixées chaque année par le ministre de tutelle. Des arrêtés préfectoraux fixent dans chaque département les différentes composantes du prix de la course (prise en charge, tarif kilométrique, tarif marche lente) en tenant compte du taux de hausse retenu annuellement.

Le client paie le prix affiché au compteur , dont la prise en charge qui ne peut être supérieure à 3,56 euros, et les éventuels suppléments (supplément gare, bagage, 4 ème personne, animal, etc.). Les prix se calculent différemment à Paris et en province.

Ils se composent de différents éléments.

3 éléments principaux :

1- la prise en charge : montant de départ du compteur lors de sa mise en marche ;

2 - le tarif kilométrique ;

3 - le tarif horaire ou « course lente » : il se substitue au tarif kilométrique lorsque le taxi est à l'arrêt ou circule à faible allure (embouteillage, attente du client).

À cela peuvent s'ajouter :

- la course d'approche : trajet effectué jusqu'au point de rendez-vous lorsque le taxi est commandé par téléphone ou appelé d'une borne ;

- les suppléments : pour transport de bagages ou de colis, prise en charge en gare, transport d'animaux ou transport d'un 4ème passager.

La somme à payer ne peut être inférieure à 6,86 euros.

Les taxis doivent respecter l'ensemble de ces obligations et sont, en contrepartie, les seuls véhicules légalement autorisés à stationner sur la voie publique et à y être hélés par des clients. Ils peuvent aussi stationner dans des espaces réservés et utiliser les voies réservées aux bus. Ils bénéficient en outre d'un remboursement partiel de la TIPP payée sur leur consommation annuelle de carburant.

Ils sont aujourd'hui confrontés à la concurrence de véhicules qui, sans être enserrés dans les mêmes contraintes, bénéficient d'une avance considérable sur le développement des applications de géolocalisation.


* 4 Rapport sur les obstacles à l'expansion économique, présenté par le comité institué par le décret n°59-1284 du 13 novembre 1959.

* 5 Propositions de réforme de la profession de taxi et des autres transports particuliers de personnes par véhicules de moins de dix places (voitures de petite remise, voitures de grande remise, véhicules motorisés à deux ou trois roues), rapport de Pierre Chassigneux, Préfet, 20 mars 2008.

* 6 Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française (sous la présidence de Jacques Attali), 2008.

* 7 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

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