CHAPITRE V - AUTRES DISPOSITIONS

ARTICLE 29 A - Création d'un mécanisme de « frein à la dette »

Commentaire : le présent article prévoit la création d'un mécanisme de « frein à la dette » se déclenchant lorsque la part de la dette publique dans le produit intérieur brut dépasse 100 %.

La dette publique atteint désormais un niveau inquiétant . Elle excède 2 000 milliards d'euros depuis le deuxième trimestre de cette année et son poids dans le produit intérieur brut (PIB) approche 100 %.

Ce constat est d'autant plus préoccupant que le Gouvernement n'a cessé, depuis 2012, de reporter la date à laquelle la part de la dette dans le PIB devait engager son déclin et de réviser à la hausse le « point culminant » de celle-ci - qui est estimé à 98 % du PIB en 2016 dans le présent projet de loi.

Ceci tend à démontrer que le Gouvernement a une maîtrise limitée sur l'évolution de la dette publique . Or, un niveau élevé d'endettement public expose à un accroissement rapide de la charge de la dette dans l'éventualité d'une remontée des taux d'intérêt, en particulier dans un contexte de resserrement de la politique monétaire américaine et d'atonie de la conjoncture économique, qui encourage généralement une hausse de la prime de risque sur les titres souverains.

Dans ces conditions, le présent article, adopté à l'initiative de votre rapporteur, crée un mécanisme contraignant le Gouvernement, si la dette publique venait à dépasser 100 % du PIB, à présenter des mesures, présentées préalablement au débat d'orientation des finances publiques (DOFP), permettant de ramener le déficit public à un niveau inférieur au déficit permettant de stabiliser le ratio d'endettement des administrations publiques au cours des années ultérieures. Aussi un tel mécanisme vient-il utilement compléter les actuels instruments de pilotage des finances publiques portant sur le solde public.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 29 - Bilan annuel de la mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques

Commentaire : le présent article prévoit que le Gouvernement transmet chaque année un bilan de la mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques en vue du débat d'orientation des finances publiques (DOFP).

Sur le modèle des précédentes lois de programmation des finances publiques, le présent article prévoit que le « Gouvernement transmet chaque année au Parlement un bilan de la mise en oeuvre de la présente loi et des articles en vigueur des précédentes lois de programmation des finances publiques » ( alinéa 1 ). Il précise également que doit être présenté « une justification des éventuels écarts constatés entre les engagements pris dans le dernier programme de stabilité transmis à la Commission européenne » et les prévisions de la loi de programmation, disposition qui figurait aussi à l'article 19 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Conformément aux pratiques antérieures, l'article proposé dispose que ce bilan doit être rendu public en même temps que le rapport prévu à l'article 48 de la loi du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 300 ( * ) , soit le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, présenté au Parlement préalablement au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) ( alinéa 2 ).

Votre rapporteur estime que la reconduction de ce dispositif est tout à fait souhaitable dès lors qu'il participe pleinement à l'information du Parlement s'agissant de l'application des différentes dispositions de la loi de programmation des finances publiques.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 29 bis (Art. L. 1414-2-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Encadrement des partenariats public-privé conclus par des organismes autres que l'Etat

Commentaire : le présent article prévoit, d'une part, que seul l'État est habilité à conclure des partenariats public-privé pour le compte d'organismes d'administration centrale, d'hôpitaux et de structures médico-sociales publiques, d'autre part, qu'une collectivité territoriale souhaitant conclure un contrat de partenariat doit transmettre son projet aux services de l'État pour qu'ils rendent un avis technique, juridique et sur ses conséquences financières.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ, UNE NOTION QUI RECOUVRE DIFFÉRENTS TYPES DE CONTRATS

L'expression « partenariat public-privé » ou PPP recouvre en réalité différentes formes de contrats par lesquels une personne publique confie, sur une longue période, à une personne privée la mission de réaliser, voire d'exploiter, un ouvrage ou un équipement qui a vocation, à l'issue du contrat, à devenir la propriété de la personne publique .

Les instruments juridiques suivants sont habituellement considérés comme des PPP :

- le contrat de partenariat , régi par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et les articles L. 1414-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ;

- l' autorisation d'occupation temporaire (AOT) 301 ( * ) , régie par les articles L. 2122-6 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques ;

- le bail emphytéotique administratif (BEA), régi par les articles L. 2341-1 et suivants du même code ;

- le bail emphytéotique hospitalier (BEH), régi par les articles L. 6148-2 et suivants du code de la santé publique ;

- le crédit-bail , régi par les articles L. 313-7 et suivants du code monétaire et financier 302 ( * ) .

B. DES CONTRATS RISQUÉS EN TERMES FINANCIERS

Le récent rapport de nos collègues Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur sur les contrats de partenariat rappelle que « 156 contrats de partenariat ont été attribués entre 2004 et mi-2012, pour un montant de 34 milliards d'euros hors taxes . [...] Sur ces 156 contrats, 124 d'entre eux ont été conclus par les collectivités territoriales » 303 ( * ) .

Le même rapport, s'appuyant notamment sur les constats dressés par la Cour des comptes et l'Inspection générale des finances, souligne que les contrats de partenariat peuvent se révéler des « bombes à retardement budgétaires ». Les auteurs notent ainsi que les PPP créent un risque de rigidification de la dépense et, partant, d'éviction d'autres dépenses. De fait, un contrat sous forme de PPP constitue une forme d'endettement que l'entité publique se doit de rembourser .

Il peut également être difficile d'évaluer le prix réel du contrat , compte tenu de sa complexité, s'agissant en particulier des plans de financement retenus. En outre, un projet mal monté peut également se révéler très onéreux si l'entité publique décide la résiliation avant le terme du contrat .

Au total, la complexité des PPP et les risques qu'ils comportent doivent amener la personne publique contractante à la plus grande vigilance.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative de nos collègues députés Dominique Lefebvre, Alain Fauré et Jean-Louis Dumont, l'Assemblée nationale a adopté le présent article, avec un avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement.

A. POUR LES ORGANISMES D'ADMINISTRATION CENTRALE : UN PRINCIPE D'INTERDICTION DE SOUSCRIRE DES PPP

Pour les organismes d'administration centrale 304 ( * ) , les hôpitaux et les structures médico-sociale, le I du présent article pose le principe d'une interdiction de conclure :

- des contrats de partenariat ;

- des autorisations d'occupation temporaire (AOT) ;

- des baux emphytéotiques administratifs (BEA) ;

- des baux emphytéotiques hospitaliers (BEH) ;

- des crédits-bails.

Cette interdiction ne vaut que si le contrat en question a « pour objet la réalisation, la modification ou la rénovation d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels répondant à un besoin précisé par la collectivité publique et destinés à être mis à sa disposition ou à devenir sa propriété ».

La disposition s'applique pour les projets dont les avis d'appel public à la concurrence seront publiés à compter du 1 er janvier 2015.

Par dérogation au principe d'interdiction, le II du présent article prévoit que l'Etat peut se substituer aux entités visées par le I pour conclure en leur nom un de ces contrats . Il faut alors que le ministère de tutelle ait procédé à l'examen du projet et que l'opération « s'avère soutenable » pour les finances publiques et pour les finances de l'entité concernée.

Les conditions de cette substitution, notamment le circuit financier entre l'entité et l'Etat, sont renvoyées à un décret.

B. POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN AVIS OBLIGATOIRE

Le III du présent article ajoute un nouvel article L. 1414-2-1 au sein du code général des collectivités territoriales, c'est-à-dire au sein du chapitre du code traitant spécifiquement des contrats de partenariat conclus par les collectivités territoriales.

Ce nouvel article L. 1414-2-1 prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements transmettent obligatoirement aux services de l'Etat les évaluations préalables qu'elles doivent produire lorsqu'elles envisagent de conclure un contrat de partenariat .

Les services de l'État « produisent un avis sur l'évaluation préalable du projet et une analyse de l'ensemble des conséquences de l'opération sur les finances de la collectivité concernée » . En pratique, l'exposé des motifs de l'amendement explique que cette procédure permettra aux collectivités territoriales d'obtenir un avis technique et juridique de la part de la Mission d'appui aux PPP (MaPPP) 305 ( * ) et un avis financier de la part des directions départementales des finances publiques.

Cette nouvelle obligation s'applique pour les projets dont l'appel public à la concurrence sera publié à partir du 1 er janvier 2016.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Un PPP reste un contrat complexe d'un point de vue technique et juridique. Au surplus, il engage les finances de l'entité publique qui l'a souscrit sur une longue période . S'agissant plus spécifiquement des contrats de partenariat, il présente l'avantage certain de permettre la rémunération du prestataire privé qu'à compter de la mise à disposition de l'équipement. Cette incitation à la performance conduit à des délais de livraison généralement inférieurs à ceux habituellement observés pour les autres marchés publics ; elle a aussi un coût, correspondant, notamment, aux frais financiers supportés par la personne privée.

Il ne s'agit pas ici de dresser les avantages et inconvénients des PPP. En revanche, il est possible de constater que, pour un acheteur public non averti, cette forme de contractualisation peut vite se révéler plus dommageable que profitable . À cet égard, les petites collectivités territoriales ou bien divers organismes de l'État ne semblent pas disposer de l'expertise suffisante pour négocier et suivre l'exécution de ce type de contrat.

Le présent article offre donc un cadre protecteur .

Il permet à l'État de s'assurer, suffisamment en amont, que les organismes qui dépendent de lui - et dont il pourrait se porter ultérieurement garant - engagent des projets qui ne remettent pas en cause leur viabilité financière .

Les collectivités territoriales, pour leur part, disposeront , avant de s'engager contractuellement , d'avis non-liants donnant un éclairage objectif sur le projet qu'elles entendent conduire .

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 30 - Abrogation de dispositions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur

Commentaire : le présent article tend à abroger la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le dispositif proposé prévoit l'abrogation de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 . Toutefois, il est proposé de maintenir son article 17, qui a établi une procédure d'évaluation et de contre-expertise de certains investissements publics 306 ( * ) . Par ailleurs, l'abrogation ne concernerait pas non plus son article 20 qui prévoit que le Gouvernement présente chaque année au Parlement :

- « Avant le 1 er juin, le montant de dépenses fiscales constaté pour le dernier exercice clos » ;

- « Avant le premier mardi d'octobre, la prévision annuelle de coût retenue pour les dépenses fiscales de l'exercice à venir et de l'exercice en cours » ;

- « Avant le 15 octobre, la prévision annuelle de coût retenue pour l'exercice à venir et l'exercice en cours des réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement ainsi que le montant du coût constaté, pour le dernier exercice clos, de ces réductions, exonérations ou abattements ».

De même, cet article dispose que le Gouvernement transmet un bilan des créations, modifications et suppressions de dispositifs précités , soit qui ont été adoptées dans les douze mois qui précèdent, soit qui sont prévues par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale afférents à l'année suivante.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue députée Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement « de coordination ». Celui-ci modifie l'article 16 de la loi de finances pour 2013 307 ( * ) , qui a mis en place un prélèvement sur les recettes de l'État (PSR) destiné à compenser la réforme de la taxe sur les logements vacants. Aux termes du même article 16, ce PSR est compris dans le « périmètre des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales stabilisés en valeur en application de l'article 7 » de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

L'amendement modifie cette disposition pour qu'elle fasse référence à l'article 14 du présent projet de loi, relatif aux concours financiers de l'État, ledit article 7 ayant été abrogé lors de l'adoption de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Eu égard à l'avancée qu'a constitué la mise en place d'une procédure d'évaluation de certains investissements publics et à l'importance de renforcer le pilotage des dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires, le maintien des articles 17 et 20 de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 paraît opportun .

En outre, il convient de rappeler que demeurent également en vigueur, à ce jour, différentes dispositions figurant dans les lois de programmation des finances publiques antérieures , et notamment celles portées par les articles 12 et 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 qui prévoient, respectivement, une interdiction du recours à l'emprunt pour les opérateurs de l'État et le vote du Parlement sur les projets de programme de stabilité.

S'agissant du II du présent article, votre rapporteur considère que cet ajout de l'Assemblée nationale n'est pas utile .

En effet, l'article 14 du présent projet de loi prévoit que l'ensemble des prélèvements sur recettes (PSR) bénéficiant aux collectivités territoriales sont soumis à la norme d'évolution des concours de l'État, ce qui englobe donc celui relatif à la compensation de la réforme de la taxe sur les logements vacants. Par ailleurs, la formulation retenue par nos collègues députés n'est pas correcte, puisque ce périmètre n'est pas stabilisé en valeur - comme l'indique l'article 16 de la loi de finances pour 2013 précitée - mais diminue.

C'est pour ces raisons, et par cohérence avec la suppression de l'article 14 , que votre commission des finances a adopté un amendement supprimant ce paragraphe.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 300 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 301 Il s'agit plus précisément des AOT comprenant une location avec option d'achat dites AOT-LOA.

* 302 Le crédit-bail, qui n'est pas un contrat administratif, n'est pas la forme la plus usitée de PPP.

* 303 Rapport d'information n° 733 (2013-2014) de MM. Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 juillet 2014.

* 304 La liste est fixée par un arrêté prévu par l'article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 305 La MaPPP est un service du ministère des finances qui a pour mission d'apporter un appui aux personnes publiques qui sont engagées de contractualisation sous forme de PPP. Elle intervient durant les phases de définition du projet (évaluation préalable), d'attribution mais aussi de négociation du contrat. Elle est obligatoirement consultée quand le contrat est lancé par l'État ou un de ses établissements publics. Elle peut être saisie par les collectivités territoriales.

* 306 Les conditions d'application de ce dispositif sont précisées dans le décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d'évaluation des investissements publics en application de l'article 17 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 307 Loi n° 2012?1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

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