CHAPITRE III BIS (NOUVEAU) - DISPOSITIONS TENDANT À TRANSPOSER LA DIRECTIVE 2011/99/UE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 13 DÉCEMBRE 2011 RELATIVE À LA DÉCISION DE PROTECTION EUROPÉENNE

Article 4 bis (nouveau) (chapitre VII [nouveau] du titre X du livre IV du code de procédure pénale : art. 696-90 à 696-106 [nouveaux] ; art. 227-34 [nouveau] du code pénal) - Reconnaissance mutuelle, au sein de l'Union européenne, des décisions de protection prises à l'encontre des victimes d'infraction

Cet article, qui résulte d'un amendement du Gouvernement , tend à transposer la directive 2011/99/UE relative à la décision de protection européenne.


Une directive qui s'inscrit dans la continuité des décisions-cadres précédentes

Il s'agit, comme aux articles 2 et 3, d'une nouvelle déclinaison du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice. Elle porte cette fois-ci sur les mesures de protection prises au profit de victimes d'infraction et à l'encontre de l'auteur des faits.

De telles mesures de protection correspondent à certaines obligations ou interdictions prononcées, en France, en matière pénale, dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve, notamment en cas de violences, de menaces ou de harcèlement. Il s'agit d'interdire à l'auteur des faits de s'approcher de sa victime, de la contacter ou de fréquenter les mêmes lieux qu'elle.

En revanche, l'ordonnance de protection 40 ( * ) , émise par le juge aux affaires familiales, pour protéger la victime de violences conjugales, n'entre pas dans le champ de la directive. Cette dernière est en effet exclusivement consacrée aux mesures de protection prononcées par un juge pénal. L'ordonnance de protection pourra toutefois faire l'objet, à partir du 11 janvier 2015, d'une reconnaissance au sein de l'Union européenne, sur la base d'un règlement communautaire spécifique, dédié à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile 41 ( * ) .

L'objectif de la directive est, à la demande de la victime, d'élever ces mesures au rang d'une « décision européenne de protection », afin d'en garantir l'exécution et le suivi dans l'État membre dans lequel l'intéressée entend séjourner : la protection dont elle bénéficie se déplacera donc avec elle.

La procédure proposée est un décalque des procédures précédemment présentées aux articles 2 et 3, qui distinguent trois phases : d'abord l'émission de la décision de protection européenne et sa transmission à l'autorité compétente de l'État membre où la victime entend séjourner (dit « État d'exécution ») ; ensuite la reconnaissance ou l'adaptation éventuelle de cette décision par l'État d'exécution ; et, enfin, sa mise en oeuvre et son suivi dans cet État.

Elle présente toutefois plusieurs caractéristiques.

La première tient aux mesures susceptibles de faire l'objet d'une décision européenne de protection : il s'agit uniquement des interdictions pénales (ou de la réglementation des façons) d'approcher la victime, de fréquenter les lieux qu'elle fréquente ou d'entrer en contact avec elle.

La deuxième est relative à la nécessité d'informer à la fois la victime et l'auteur des faits de l'adoption de la décision de protection européenne et de sa transmission.

La troisième caractéristique de cette procédure tient aux pouvoirs conférés à l'autorité compétente de l'État d'exécution : ceux-ci sont étendus, comme en matière de suivi des décisions probatoires prévu à l'article 3 du présent projet de loi. En cas de manquement de l'auteur des faits aux interdictions prévues par la mesure de protection, l'autorité compétente de l'État d'exécution peut le poursuivre si ce manquement est pénalement réprimé dans son droit interne, ou prendre toute mesure de nature à le faire cesser. La protection de la victime prime.

Enfin, dernière caractéristique de cette procédure, elle n'est mise en oeuvre que si la mesure de protection n'est pas déjà exécutée sur le fondement d'une des deux autres décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 du présent texte. En effet, comme on l'a vu, la décision européenne de protection porte sur des décisions pénales qui s'apparentent soit à des mesures de contrôle judiciaire, soit à des mesures probatoires, lesquelles peuvent être exécutées dans un autre État membre, en vertu des décisions-cadres précitées.


Une transposition conforme aux choix précédemment effectués

Le présent article prévoit au titre X du livre IV du code de procédure pénale un chapitre VII , consacré à la transposition et divisé en deux sections , l'une relative à l'émission par les autorités françaises d'une décision de protection européenne et l'autre à la reconnaissance et à l'exécution, par ces mêmes autorités, d'une telle décision émise à l'étranger.

Le nouvel article liminaire de ce chapitre ( article 696-90 du code de procédure pénale ) rappelle le champ exact de la décision de protection européenne.

La section I , qui regroupe les nouveaux articles 696-91 à 696-96 , traite de la situation dans laquelle un juge français a prononcé des interdictions à l'encontre d'une personne afin de protéger sa victime, dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'une condamnation.

L' article 696-91 donne alors compétence au procureur de la République 42 ( * ) pour émettre une décision de protection européenne à la demande de la victime et l'adresser à l'autorité compétente de l'État d'exécution ( article 696-95 ). La personne soumise à ces interdictions est informée de l'émission d'une telle décision de protection européenne, ainsi que, le cas échéant, de la décision d'origine ordonnant les mesures d'interdiction, si cette information n'a pas déjà eu lieu ( article 696-92 ).

Le procureur de la République n'émet la décision européenne de protection que s'il la juge nécessaire pour assurer la protection de la personne ( article 696-93 ). Le procureur de la République et le juge qui a prononcé la mesure d'origine s'informent mutuellement des décisions qu'ils rendent ( articles 696-95 et 696-96 ).

La décision européenne de protection porte sur des mesures de contrôle judiciaire ou des décisions probatoires qui peuvent faire l'objet, à l'initiative d'un juge français, d'une demande de reconnaissance et d'exécution dans un autre État membre, conformément aux deux décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 du présent projet de loi. L' article 696-94 prévoit ce cas de figure et donne la préférence à ces deux dernières procédures : le procureur devra refuser l'émission d'une décision européenne de protection si la mesure qui la fonde est déjà reconnue dans l'État membre auquel cette décision est destinée à être transmise.

La deuxième section est dévolue à la situation inverse à la première. Il s'agit de la reconnaissance et de l'exécution en France de décisions de protection européennes.

Le procureur de la République joue, là encore, un rôle clé : il reçoit la demande de reconnaissance ( article 696-97 ), fait procéder, si nécessaire, à tout complément d'enquête ( article 696-98 ), puis en saisit, dans les sept jours, le juge des libertés et de la détention, qui statue dans les dix jours ( article 696-99 ).

L'article 696-100 énumère les motifs de refus obligatoire, qui sont les même que ceux prévus aux articles 2 et 3 du présent texte : incomplétude de la demande, risque de conflit avec la règle non bis in idem , infraction à l'origine de la mesure qui ne pourrait être poursuivie en France, faute d'une incrimination, ou en raison d'une amnistie, d'une immunité pénale, d'une prescription, ou de la jeunesse (moins de treize ans) de l'auteur des faits.

L'article 696-101 y ajoute deux motifs de refus possible : l'infraction a été commise en majeure partie sur le territoire français ; il y a risque de conflit avec la règle non bis in idem en raison d'une condamnation déjà prononcée dans un pays non membre de l'Union européenne.

S'il reconnaît la décision, le juge des libertés et de la détention adopte par ordonnance les mesures susceptibles de la traduire dans notre ordre juridique ( article 696-102 ), puis en informe l'autorité compétente de l'État d'émission, ainsi que l'auteur de l'infraction, qui peut contester sa décision ( article 696-103 ). En cas de refus de reconnaissance, le juge des libertés et de la détention en informe la victime et l'autorité compétente de l'État d'émission ( article 696-104 ).

Le juge des libertés et de la détention demeure compétent pour modifier la mesure conformément aux modifications apportées par son homologue à la décision d'origine ou pour en ordonner la mainlevée si cette décision n'entre plus dans le champ de la décision européenne de protection ( articles 696-105 et 696-106 ). Il y met fin si la décision d'origine est révoquée ou si une procédure en reconnaissance de cette décision est engagée sur le fondement des décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 ( article 696-106 ).

Afin de permettre aux autorités françaises d'imposer au contrevenant le respect des interdictions prononcées à son encontre, le présent article crée une incrimination spécifique, au deuxième alinéa de l'article 227-4-2 du code pénal, qui sanctionne actuellement le fait de ne pas se conformer aux obligations ou interdictions imposées en vertu d'une ordonnance de protection. La peine encourue serait de deux ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amendes. Il reviendrait au procureur de la République, autorité de poursuite de cette infraction, de prévenir le juge étranger du non-respect par l'intéressé de la décision de protection européenne ( article 696-105 ).


La position de votre commission : une transposition qui s'impose, sous réserve de quelques corrections

Les mêmes raisons qui ont précédemment convaincu votre commission d'accepter les transpositions proposées, l'ont conduite à adopter l' amendement du Gouvernement. Le dispositif de la décision de protection européenne garantira aux victimes de certaines violences que la protection dont elles bénéficient les suivra dans leurs déplacements en Europe.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a toutefois adopté six sous-amendements à l'amendement du Gouvernement. Quatre sont rédactionnels, deux apportent une modification plus substantielle au dispositif.

Le premier crée un recours pour la victime contre le refus de reconnaissance de la décision de protection européenne opposé par le juge des libertés et de la détention.

Le second isole l'incrimination pénale sanctionnant le non-respect de la décision de protection européenne dans un nouvel article 227-34 du code pénal, intégré à un nouveau chapitre VIII du titre II du livre II du même code. En effet, placer cette incrimination dans l'article dédié à la violation de l'ordonnance de protection était source de confusion. Non seulement l'ordonnance de protection, mesure civile, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une décision de protection européenne, mais elle ne concerne que les violences familiales, contrairement à la seconde dont le champ est beaucoup plus vaste.

Votre commission a adopté l'article additionnel 4 bis ainsi rédigé .


* 40 Art. 515-9 à 515-13 du code civil.

* 41 Règlement (UE) n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile .

* 42 Le procureur de la République territorialement compétent est celui du TGI dans le ressort duquel se trouve le juge qui a prononcé les interdictions d'origine.

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