II. UNE ADHÉSION À LA CONVENTION TELLE QU'AMENDÉE PAR LE PROTOCOLE DE 2002

A. DES CONDITIONS DE RATIFICATION NON RÉUNIES AVANT L'ÉLABORATION DU PROTOCOLE

Le régime de responsabilité pour faute établi par la Convention d'Athènes prévoyait la possibilité pour le transporteur de limiter sa responsabilité, sauf s'il avait agi avec l'intention de provoquer les dommages ou en sachant que ceux-ci surviendraient probablement.

Cette limite de responsabilité était fixée à « 46 666 unités de compte » 17 ( * ) par passager en cas de décès ou de blessure. Pour les bagages, cette limite variait en fonction de leur nature et de leur emplacement à bord du navire.

Seuls six Etats membres de l'Union européenne 18 ( * ) ont ratifié la convention sur un total de vingt-six Etats. Ces pays européens représentent un tiers du trafic maritime en tonnage. En effet, nombre d'Etats ont considéré le niveau de limite 19 ( * ) de responsabilité, fixé par la Convention, comme étant trop bas.

Des efforts visant à relever ces seuils ont été menés à la fin des années 1980 et ont conduit à l'adoption du protocole de 1990. Cette tentative a été infructueuse car il n'est jamais entré en vigueur.

Un nouveau réexamen de la Convention s'est imposé compte tenu du niveau généralement insuffisant des compensations pour les passagers . Le comité juridique de l'OMI a donc décidé de réviser la Convention. Le résultat de ses travaux a conduit à l'adoption du Protocole de 2002.

Son objectif premier est de garantir un niveau de protection pour les passagers au moins équivalent à celui assuré par le régime de responsabilité du transport aérien, tout en prenant en compte les spécificités de l'industrie maritime.

B. UNE DOUBLE RATIFICATION POSSIBLE GRÂCE À LA MODERNISATION DE LA CONVENTION PAR LE PROTOCOLE

Votre rapporteur souhaite attirer l'attention de la Haute assemblée sur le fait que la présente ratification conduit non seulement à l'approbation du Protocole de 2002, mais également à l'adhésion à la Convention d'Athènes .

En effet, l'article 15 20 ( * ) du Protocole stipule que « les articles 1 à 22 de la Convention, telle que révisée par le présent Protocole, conjointement avec les articles 17 à 25 du présent Protocole ainsi que son annexe, constituent et sont appelés la convention d'Athènes de 2002 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages ».

Il convient de rappeler que si la France avait ratifié la convention de Bruxelles de 1961, elle l'a dénoncé en 1975 . Cependant, elle n'a pas approuvé la nouvelle convention, signée à Athènes en 1974.

En réponse à votre rapporteur sur les raisons de ce choix, il lui a été précisé que « il n'a pas été jugé opportun de ratifier la convention de 1974, car elle n'apportait pas de plus-value par rapport au droit français de la responsabilité.

La convention de 1974 était en effet profondément différente de la version de 2002 : elle ne comportait pas de responsabilité sans faute ni de présomption de faute du transporteur, seulement une responsabilité pour faute prouvée ; elle ne prévoyait pas d'obligation d'assurance ni de droit de recours direct contre l'assureur ; ses limites de responsabilité étaient identiques à celle de la LLMC de 1976, à laquelle la France était Partie (simplement calculées par passager et non plus en terme de limite globale). Cette convention n'offrait donc pas d'avancée en termes de régime d'indemnisation des passagers . »

En effet, la France a, dès 1976, approuvé la Convention sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes (dite « Convention LLMC »).

Cet accord 21 ( * ) , à vocation générale, a servi de fondement à la législation française en matière de créances maritimes, jusqu'à l'adoption d'un règlement européen 22 ( * ) qui fait application dans le droit des Etats membres de la Convention d'Athènes, telle que modifiée par le Protocole.

En effet, les stipulations de la Convention sont reprises par le règlement européen 23 ( * ) du 23 avril 2009, appliqué depuis le 31 décembre 2012. Celui-ci a été transposé en droit interne par une l'ordonnance 24 ( * ) de 2011 qui a complété le code des transports en anticipation de l'entrée en vigueur de ce règlement.

En conséquence, la présente ratification permet de mettre en cohérence la politique conventionnelle française .

Par ailleurs, nonobstant l'existence de ce règlement, il convient de relever que la ratification est justifiée par le fait que la Convention d'Athènes ainsi amendée offre désormais une meilleure protection des passagers de mer que celle prévue dans sa version d'origine ou dans le dispositif de la Convention LLMC 25 ( * ) .

En effet, le Protocole de 2002 met en place un régime de responsabilité objective du transporteur. Il fixe des plafonds de responsabilité plus élevés et corrélativement institue l'obligation pour le transporteur de souscrire une assurance . Enfin, il ouvre la possibilité pour une victime de demander réparation directement auprès de l'assureur .

S'agissant du coût économique de la mise en oeuvre des stipulations de la Convention ainsi amendée sur les armateurs et les transporteurs , il est difficile de les évaluer. L'étude d'impact du projet de loi rappelle, toutefois, que « Le marché de l'assurance offre déjà des couvertures de responsabilité permettant de satisfaire aux conditions fixées par la Convention d'Athènes dans le cadre des polices d'assurance « risques standards » ou de responsabilité civile qui sont proposés par les assureurs maritimes [...] En ce qui concerne le risque de guerre ou de terrorisme, les transporteurs devront se procurer des garanties spécifiques [...] Ces garanties sont susceptibles de se traduire par un coût financier nouveau pour les transporteurs. Toutefois, l'évaluation reste très approximative, le produit « risque de guerre » n'étant pas disponible actuellement.

En tout état de cause, il est peu probable que l'entrée en vigueur de la Convention aura des répercussions sur le coût des billets de passage ou des titres de croisière, le coût de l'assurance étant une composante résiduelle dans le coût global du transport et étant surtout sensible à la sinistralité. »

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur vous propose d'adopter le projet de loi visant non seulement à ratifier le Protocole , mais également à permettre l'adhésion à la Convention , les stipulations du Protocole et de la Convention, qui constituent ensemble un seul instrument, étant mise en oeuvre en France depuis 31 décembre 2012, par la voie d'un règlement communautaire.


* 17 Les unités de compte renvoient au calcul de l'indemnisation défini par le protocole de 1976.

* 18 Belgique, Grèce, Irlande, Luxembourg, Espagne, Royaume-Uni.

* 19 Rappelons que la limitation de la responsabilité des transporteurs est un principe ancien du droit maritime, qui trouve son origine dans les risques de la mer, ainsi que dans la conception selon laquelle les activités maritimes sont des activités d'intérêt général. En outre, aucun assureur dans le domaine maritime ne se déclare en mesure de couvrir de manière illimitée la responsabilité des transporteurs, y compris dans le domaine du transport de passager. Cette spécificité du droit maritime tend toutefois progressivement à diminuer. Les plafonds adoptés sont de plus en plus élevés.

* 20 Cf. paragraphe 3 de l'article 15.

* 21 Il est entré en vigueur en 1986 (modifiée par un Protocole de 1996 entré en vigueur en 2004, relevant les plafonds de limitation).

* 22 Règlement n° 392/2001.

* 23 Règlement (CE) n° 392/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident.

* 24 Ordonnance n° 2011-635 du 9 juin 2011 portant diverses dispositions d'adaptation du code des transports au droit de l'Union européenne et aux conventions internationales dans les domaines du transport et de la sécurité maritimes.

* 25 La Convention LLMC prévoit une limite globale de responsabilité par navire et par événement, calculée sur la base du nombre maximal de passagers pouvant être transporté par le navire sinistré. L'approche de la Convention d'Athènes amendée par le Protocole est différente. Elle prévoit une limite de responsabilité par passager pour un même événement

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