EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE DES ÉTUDIANTS : UNE EXCEPTION FRANÇAISE

A. LES FONDEMENTS DU RÉGIME : ACCOMPAGNER LES ÉTUDIANTS VERS L'AUTONOMIE ET PRENDRE EN COMPTE LEURS BESOINS PROPRES

1. Une revendication historique des organisations étudiantes

La création du régime de sécurité sociale étudiant répond à la fois à une volonté de renforcer le degré d'autonomie de cette catégorie de la population en même temps que de lui apporter une protection adaptée à ses besoins.

Durant l'entre-deux-guerres, période où le nombre d'étudiants connaît une hausse significative, les organisations étudiantes font monter leurs revendications en faveur d'une amélioration de la situation matérielle et sanitaire des étudiants. Le congrès de Grenoble, organisé par l'Union nationale des étudiants de France (Unef) en avril 1946, donne lieu à la rédaction d'une charte dont l'article 1 er indique que « l'étudiant est un jeune travailleur intellectuel » . Son article 2 lui reconnaît par ailleurs le droit à « une prévoyance sociale particulière, dans les domaines physique, intellectuel et moral » .

Les principes fixés par la charte de Grenoble trouvent une traduction deux ans plus tard lorsque, sur le modèle de la loi Morice relative à la fonction publique 3 ( * ) , la gestion de la couverture maladie des étudiants est confiée à des mutuelles spécifiques dans le cadre d'une délégation de service public 4 ( * ) . Si les étudiants sont rattachés au régime général, le service des prestations est assuré par les mutuelles étudiantes . Est donc mis en place un système géré par les étudiants, pour les étudiants, fondé sur le principe que cette proximité permettra d'assurer leur accès à l'autonomie ainsi que la prise en compte des besoins qui leur sont propres. Ce faisant, est établie une différence de traitement entre les étudiants et les autres jeunes qui ne sont pas dans l'enseignement supérieur .

2. Un régime unique en Europe

Les grands principes régissant la couverture maladie et maternité des étudiants ont peu évolué depuis 1948. Ils sont aujourd'hui codifiés aux articles L. 381-3 à L. 381-11 du code de la sécurité sociale.

L'affiliation est obligatoire pour les élèves et les étudiants des établissements d'enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles lorsqu'ils ne dépassent pas un âge limite. Celui-ci est actuellement de 28 ans .

Le régime est subsidiaire , c'est-à-dire qu'il ne couvre que les personnes qui ne bénéficient pas déjà d'une protection sociale, par exemple en tant que salariés, ou qui ne sont pas les ayants droit d'assurés sociaux non-étudiants.

L'affiliation s'effectue à la demande des établissements d'enseignement supérieur qui recouvrent et versent aux Urssaf une cotisation forfaitaire représentant la participation des étudiants au fonctionnement du régime. Pour l'année 2014-2015, le montant de cette cotisation s'élève à 213 euros . Les étudiants boursiers sont exonérés de droit du paiement de la cotisation .

Le service des prestations d'assurance maladie et maternité est assuré par des sections ou correspondants locaux dont le rôle est assuré par des mutuelles ou sections de mutuelles d'étudiants , qui peuvent se regrouper en unions ou fédérations. Pour l'exercice de cette mission, les mutuelles étudiantes perçoivent de la part du régime général des remises de gestion dont le niveau s'élevait en 2014 à 50 euros par étudiant.

Ce système est inédit en Europe . Lorsqu'ont été lancés les travaux du groupe de travail sur la sécurité sociale et la santé des étudiants, une étude de législation comparée a été réalisée par les services du Sénat 5 ( * ) . Le régime juridique applicable à la couverture maladie des étudiants a été analysé pour huit pays européens : l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, le Danemark, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni (Angleterre) et la Suède.

Sur les huit pays étudiés, seul un, la Belgique, pratique la gestion déléguée du service des prestations maladie. Cette règle s'applique cependant à l'ensemble des assurés sociaux et non aux seuls étudiants. Les étudiants sont donc soumis, dans ces huit pays, au régime de droit commun applicable à l'ensemble de la population pour la couverture du risque maladie.

3. D'un opérateur unique à la mise en place d'un duopole pour la gestion du régime obligatoire d'assurance maladie

En 1948 , l'Unef fonde la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef), qui assure dès lors la gestion du régime étudiant sur l'ensemble territoire français, à l'exception de la Lorraine, où existait déjà un régime délégué géré par la mutuelle générale des étudiants de l'est.

Peu à peu remis en cause, ce statut d'opérateur unique prend fin en 1972 , lorsque le ministère des affaires sociales approuve la création de sept mutuelles régionales , regroupées au sein de l'Union nationale des sociétés étudiantes mutualistes régionales (Usem). Contesté par la Mnef, le principe du pluralisme de la gestion du régime étudiant est cependant confirmé par le Conseil d'Etat en 1975. En 2012, le réseau des mutuelles régionales change de nom pour devenir EmeVia . Il regroupe désormais dix mutuelles régionales ainsi qu'une mutuelle dédiée aux étudiants étrangers.

En 2000, le scandale financier auquel est confronté la Mnef entraîne la disparition de celle-ci et la création d'une nouvelle structure, la Mutuelle des étudiants (LMDE) 6 ( * ) . Cette dernière a été constituée sans fonds propres mais grâce à l'émission de 17 millions d'euros de titres participatifs souscrits par plusieurs de ses partenaires dont la Matmut et la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN), dont elle continue aujourd'hui d'effectuer le remboursement.

Au 30 juin 2013, la LMDE indique couvrir plus de 920 000 étudiants au titre du régime obligatoire 7 ( * ) . Le réseau EmeVia en déclare quant à lui près de 850 000 8 ( * ) .


* 3 Loi n° 47-649 du 9 avril 1947 portant ratification du décret 462971 du 31 décembre 1946 relatif à l'institution du régime de sécurité sociale des fonctionnaires sous réserve de l'article 2 dudit décret qui se trouve modifié.

* 4 Loi n° 48-1473 du 23 septembre 1948 portant extension aux étudiants de certaines dispositions de l'ordonnance n° 452454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicables aux assurés des professions non agricoles.

* 5 Les résultats de cette étude sont disponibles en annexe du rapport du groupe de travail.

* 6 Les difficultés rencontrées par la Mnef ont notamment été retracées dans le rapport n° 1778 de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le régime étudiant de sécurité sociale publié le 6 juillet 1999 : http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/ress.asp.

* 7 Information disponible sur le site de la LMDE : http://www.lmde.com/choisir-la-lmde.html.

* 8 Information disponible sur le site d'EmeVia : http://www.emevia.com/pourquoi-choisir-le-reseau-emevia.

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