EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 12 NOVEMBRE 2014

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - La proposition de loi sur le recrutement et la formation des sapeurs-pompiers volontaires, déposée par Roland Courteau et Marcel Rainaud, a été co-signée par un nombre important d'élus du groupe socialiste. Dans une société trop souvent marquée par l'individualisme, il est important de développer le volontariat. Or le nombre de sapeurs-pompiers volontaires diminue dans bon nombre de départements. Lors du 120 ème congrès national des sapeurs-pompiers qui s'est tenu à Chambéry, l'an dernier, Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, a signé un plan d'action de vingt-cinq mesures pour enrayer la chute du volontariat, en facilitant notamment les conditions d'accès à la formation. Il y a trente ou quarante ans, les conditions de recrutement et de formation étaient légères ; l'on en appelait surtout à l'esprit de solidarité dans les communes et dans les villages. Depuis, le recrutement est devenu plus sélectif et les obligations en termes de disponibilité se sont accrues. Le volontariat est devenu contraignant, moins compatible avec un emploi dans une entreprise. Cependant, qui peut considérer que la formation n'est pas nécessaire ? La loi du 20 juillet 2011 a simplifié un certain nombre d'obligations de formation et le décret du 17 mai 2013 a formalisé le dispositif. Notre collègue Yves Rome, qui préside le conseil général de l'Oise et la Conférence nationale des services d'incendie et de secours nous a parlé d'expérimentations intéressantes pour définir des logiques de formation contribuant à enrayer la diminution du nombre de sapeurs- pompiers volontaires.

S'inscrivant dans cet objectif de simplification, la proposition de loi prévoit que la formation initiale des sapeurs-pompiers volontaires qui dure un mois et demi...

M. Michel Mercier . - Trente-six jours.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - ... puisse être effectuée dans le cadre du service civique. La formation des sapeurs-pompiers est régie par la loi, de même que les orientations du service civique.

Il m'a paru nécessaire de préciser le texte présenté par Roland Courteau. En contrepartie des frais engagés par les collectivités territoriales, les jeunes volontaires doivent s'engager à servir comme sapeurs- pompiers volontaires, sans préjudice, cependant, en cas d'impossibilité. Même si cet engagement n'est que moral, il reste significatif.

Les responsables que nous avons auditionnés - Yves Rome, notamment - nous ont indiqué que la question du coût pour les collectivités locales ne se posait pas en l'espèce, puisqu'avec la baisse du nombre de volontaires, les conseils généraux ont de moins en moins de formations à assumer.

L'élaboration de stratégies efficaces sans déployer de moyens supplémentaires suffit à enrayer la diminution du nombre des sapeurs-pompiers volontaires. Dans un quartier sensible de mon département, la création d'une section de jeunes sapeurs-pompiers, solidement encadrés et formés, a produit des effets considérables, beaucoup de jeunes choisissant de poursuivre dans cette voie. L'intégration d'une formation au secourisme dans le cursus scolaire serait une autre piste pour favoriser le recrutement.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie pour ce rapport éclairant.

M. Michel Mercier . - Je ne doute pas de l'intérêt de cette proposition de loi ; je ne m'attends pas pour autant à ce qu'elle fasse des miracles.

M. Philippe Bas , président . - C'est la politique des petits pas. Elle servira à donner un signal.

M. Michel Mercier . - Ceux qui s'inscrivent au service civique ne sont pas nombreux. Nous ne relancerons pas le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires sans une action de longue haleine. Commençons par faire la promotion du métier. Dans le Rhône, dont je préside le SDIS depuis quinze ans, nous avons commencé par remettre des volontaires là où il n'y en avait plus, c'est-à-dire à Lyon. Nous sommes allés à l'université proposer des aides aux étudiants.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont de plus en plus souvent des professionnels. Le système fait qu'un professionnel a un service encore plus léger qu'un professeur d'université ! Il peut donc facilement s'engager comme sapeur-pompier volontaire pendant son temps libre. Dans mon département, nous avons mis en place un service d'hélicoptères pour qu'on ne soit jamais à plus de quinze minutes d'un centre hospitalier. Nos médecins exercent leur métier de médecin les jours pairs et comme volontaires les jours impairs, ajoutant ainsi à leur fixe, un salaire qui n'est pas soumis à l'impôt.

Nous avons mille jeunes sapeurs-pompiers volontaires dans mon département. Cependant ceux qui sont issus du service civique deviennent professionnels parce que depuis la dernière loi, ils sont intégrés sans concours : cette proposition ne fera pas de miracle.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie d'avoir circonscrit l'intérêt de cette proposition de loi et de nous avoir montré d'autres méthodes possibles pour remédier à l'essoufflement du recrutement des sapeurs- pompiers volontaires.

M. Jean-Jacques Hyest . - Le nombre des sapeurs-pompiers volontaires ne diminue pas partout. En Seine-et-Marne, nous en comptons 2 800. Un certain nombre de professionnels, recrutés sur concours, s'engagent comme volontaires - c'est le cas des anciens de la brigade de Paris. Si nous voulons relancer le recrutement de volontaires, il faut que les collectivités locales passent contrat avec les entreprises. En nous liant à la Snecma, par exemple, nous avons pu recruter des sapeurs-pompiers volontaires parmi les chefs de la sécurité. Développons cette forme de collaboration. Paradoxalement, seuls les services de l'État n'accomplissent aucun effort.

Notre corps de jeunes sapeurs-pompiers existe depuis longtemps. Il est bien structuré et fonctionne de manière satisfaisante. La plupart de ceux qui en sont issus passent professionnels, ou bien s'engagent comme volontaires. Actuellement, 90 % des professionnels sont recrutés parmi les volontaires. Cette proposition de loi n'aura pas d'effet miraculeux, sauf si le service civique devenait obligatoire...

M. Christophe Béchu . - Si ce texte va dans le bon sens, nous pouvons jouer sur d'autres leviers. Je ne suis pas très favorable à un volontariat exercé principalement par des professionnels grâce à des heures supplémentaires non fiscalisées. Le recul du nombre de sapeurs-pompiers volontaires se constate de manière objective. Nous pourrions y remédier sans passer par une loi, en sensibilisant les élus. Trop souvent, les maires hésitent à recruter des sapeurs-pompiers volontaires, car ils craignent des absences à répétition. Quant aux entreprises, il faudrait leur assurer un dédommagement à hauteur de leurs dépenses et non des vacations versées aux sapeurs-pompiers volontaires.

L'adaptation des disponibilités est un autre levier sur lequel nous pouvons agir. Il est très facile de trouver des volontaires, la nuit ; ce n'est pas la même chose en journée. La rationalisation des casernes - même si elle est parfois bienvenue - a contribué à faire chuter le nombre de sapeurs-pompiers volontaires. Avoir un corps de volontaires disponibles à tout moment, tel est le vrai enjeu. Cela implique d'assouplir les conditions d'engagement, et d'agir auprès des employeurs qui ne voient pas d'un même oeil leurs employés s'absenter quand il s'agit d'éteindre un incendie ou d'amener quelqu'un au CHU. Je voterai sans réserve en faveur de cette proposition de loi. Au-delà du quantitatif, nous devrons nous interroger sur le qualitatif.

M. Philippe Bas , président . - Nous sommes en train de mettre en place une mission d'information qui pourra faire l'inventaire des mesures facilitant l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

M. René Vandierendonck . - Les données de la question sont objectives. Il est important de lier formation et engagement. Il serait bon de ne pas parler de patriotisme social qu'aux commémorations du 11 novembre. Dans un passé récent, mes collègues Troendlé et Lecerf ont présenté une proposition de loi sur les cinq gestes qui sauvent. En incorporant un module de secourisme au collège, on contribuerait à promouvoir la mission des sapeurs- pompiers volontaires.

Mme Esther Benbassa . - Les professeurs d'université travaillent énormément en dehors de leurs heures d'enseignement - recherche, publications, direction de mémoires et de thèses... Notre travail mérite le respect ! Et cela vaut aussi pour les enseignants du secondaire.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - De 2010 à 2011, la baisse du nombre de sapeurs-pompiers volontaires a été de 2 000, de 2 300 de 2011 à 2012 et de 700 l'année suivante. L'inflexion de la tendance montre que la loi du 20 juillet 2011 a produit son effet et l'on a commencé à prendre des mesures dans certains départements pour remédier à la désaffection. Certes, monsieur Mercier, la proposition de loi ne règlera pas tout. Elle sera un signal, et d'autres dispositions viendront la compléter. Monsieur Hyest, vous avez pris d'excellentes mesures en Seine-et-Marne. M. Béchu a indiqué à juste titre la nécessité d'agir aussi sur d'autres leviers. Le cas des professionnels qui s'engagent comme volontaires mérite d'être discuté, notamment avec les organisations de sapeurs-pompiers. Aujourd'hui, les volontaires qui s'engagent au titre du service civique ne peuvent accomplir aucun acte opérationnel. Ils sont souvent employés pour encadrer les jeunes sapeurs-pompiers. Il y a dans toutes les catégories professionnelles des personnes qui manquent de zèle ; Mme Benbassa a eu raison de le dire, beaucoup d'universitaires se donnent du mal pour s'acquitter de leurs fonctions.

Monsieur Vandierendonck , la proposition de loi que vous avez mentionnée sur les cinq gestes qui sauvent est de celles que nous avons adoptées à l'unanimité. Évitons cette perte de temps législatif qui fait que des propositions de loi utiles sont votées sans être mises à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. C'est du gâchis.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - L'amendement n° 1 prévoit qu'un jeune qui aura bénéficié de la formation initiale de sapeur-pompier volontaire dans le cadre d'un contrat de service civique - cela représente un coût de 3 700 euros pour la collectivité locale -s'engagera à exercer la mission de sapeur-pompier volontaire.

M. Philippe Bas , président . - La durée de l'engagement relève-t-elle du niveau règlementaire ?

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - L'engagement peut être résilié. Il est sans préjudice si le jeune ne peut s'en acquitter pour cause de déménagement, par exemple.

M. Alain Richard . - Un système de remboursement est-il prévu si l'engagement n'est pas respecté ?

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Le volontaire est rémunéré au titre du service civique. La formation de sapeur- pompier volontaire ne représente que trente-six jours sur les six mois de service civique. Dans le droit commun, aucun remboursement n'est prévu.

M. Alain Richard . - Ils sont rémunérés, au moins partiellement ?

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Oui.

M. Philippe Bas , président . - Cela relève du niveau règlementaire.

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - L'engagement de sapeur-pompier volontaire est de cinq ans, pour l'instant. Il peut être résilié à tout moment. Nous ne sommes pas obligés de trancher immédiatement.

L'amendement n° 1 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page