C. UNE BAISSE DES INVESTISSEMENTS LIÉE À L'ÉCHEC DE L'OPÉRATEUR NATIONALE DE PAYE

Bien que les économies prévues le programme 156 reposent avant tout sur les crédits de personnel et de fonctionnement, une part non négligeable est imputable à la baisse des crédits d'investissement, qui affichent un recul de 9,3 % en AE (3 millions d'euros) et surtout 30,1 % en CP (11 millions d'euros) . Vos rapporteurs spéciaux estiment toutefois qu'il n'y a pas lieu de se féliciter de cette forte baisse.

D'une part, les économies réalisées à court terme sur les crédits d'investissement sont source de surcoûts de fonctionnement à long terme , notamment en ce qui concerne les reports de travaux d'entretien immobilier, que l'on peut aussi lire dans le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » (cf. infra ).

D'autre part, et surtout, la forte baisse des crédits d'investissement du programme 156 est majoritairement imputable à l'arrêt - sans résultat - du projet de l'Opérateur national de paye (ONP, cf. infra ) : de fait, ce ne sont pas tant des économies qui sont prévues pour l'avenir, mais plutôt des pertes sèches qui sont constatées pour le passé ... Cet arrêt se retrouve d'ailleurs dans la diminution de 115 millions d'euros (- 5,4 %) des crédits demandés en AE sur l'action 9 « Soutien », qui supporte une partie des dépenses liées à l'ONP.

L'ONP avait vocation à être connecté au système d'information SIRHIUS , destiné à la gestion des ressources humaines des ministères financiers, dont le développement sera poursuivi en 2015. Pour mémoire, les autres chantiers informatiques rattachés au programme 156 sont notamment COPERNIC (système fiscal), HELIOS (secteur public local) et NEPTUNE (gestion des pensions).

D. L'IMPÉRATIF DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'OPTIMISATION FISCALES

Dans une lettre du 27 octobre 2014 envoyée à la Commission européenne en réponse à ses observations sur le projet de loi de finances pour 2015, le ministre des finances, Michel Sapin, a précisé que 900 millions d'euros d'économies supplémentaires seraient réalisés grâce à un renforcement de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale , sur un total de 3,6 milliards d'euros d'économies. Si vos rapporteurs spéciaux regrettent que cette annonce ne soit pas étayée par des éléments plus précis, ils ne peuvent qu'approuver la priorité qui est donnée à la lutte contre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale , dans un contexte particulièrement contraint pour les finances publiques.

À cet égard, de nombreuses mesures importantes ont été adoptées ces dernières années . On peut citer par exemple la création d'une obligation de transparence en matière de prix de transfert, applicable aux entreprises multinationales. La loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière 5 ( * ) a quant à elle durci les sanctions pénales applicables à la fraude fiscale, portées à sept ans et prison et 2 millions d'euros d'amende dans les cas les plus graves, et allongé le délai de prescription de trois à six ans.

Ces différentes évolutions, ainsi que la perspective la prochaine entrée en vigueur de l'échange automatique d'informations (cf. infra ), ont provoqué un retour massif des avoirs non-déclarés situés à l'étranger . Ces bons résultats sont principalement à mettre au crédit du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) mis en place en juin 2013. D'après le Gouvernement, l'objectif de 1,85 milliard d'euros de recettes sur l'année 2014 devrait être largement atteint.

Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR)

La circulaire du 21 juin 2013 signée par le ministre délégué chargé du budget, Bernard Cazeneuve, vise à inciter les contribuables français détenant des avoirs non-déclarés à régulariser leur situation, moyennant des pénalités allégées , avant le durcissement du dispositif de lutte contre l'évasion fiscale.

Ainsi, alors que le droit commun prévoit une majoration de 40 % et une amende annuelle de 5 %, la circulaire atténue ces montants en fonction de la catégorie à laquelle se rattache la fraude :

- l es fraudeurs « actifs » (comptes ouverts récemment et/ou régulièrement alimentés) se voient appliquer une majoration de 30 % et une amende de 3 % ;

- l es fraudeurs « passifs » (notamment les personnes ayant hérité d'un compte à l'étranger et n'en n'ayant pas fait usage) se voient appliquer une majoration de 15 % et une amende de 1,5 %.

Les dossiers sont pris en charge par le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), rattaché à la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF).

Au 19 septembre 2014, plus de 31 000 dossiers avaient été déposés , dont 2 400 avaient été traités. La « fraude passive » représente 74 % des cas. Près de 80 % des avoirs régularisés proviennent de Suisse , et 7 % du Luxembourg. Les avoirs médians sont de 400 000 euros.

Source : commission des finances du Sénat

La France a par ailleurs joué un rôle important dans les négociations qui ont permis, à l'échelle de l'Union européenne et à l'échelle internationale, d' avancer vers la mise en place de l'échange automatique d'informations fiscales , bien plus efficace que l'actuel échange à la demande prévu par les conventions. L'OCDE 6 ( * ) a ainsi élaboré un nouveau standard , qui a été présenté aux ministres des finances du G20 à Sydney les 22 et 23 février 2014. Le 29 octobre 2014, quarante-neuf pays, dont tous les membres de l'OCDE et du G20, ont signé à Berlin l'Accord multilatéral entre autorités compétentes élaboré par l'OCDE , concrétisant leur engagement à mettre en oeuvre l'échange automatique d'ici septembre 2017.

Dans l'attente de la généralisation effective du nouveau standard, la France travaille à l'amélioration de la coopération fiscale avec ses partenaires . Le 23 avril 2014, la DGFiP et l'administration fiscale belge ont ainsi signé un avenant à la convention fiscale liant les deux pays, qui permettra aux fonctionnaires de chaque État de participer à des enquêtes communes sur le territoire de l'autre État. Un accord est par ailleurs en négociation avec la Suisse afin de permettre à la France de procéder à des « demandes groupées » d'informations, ce qui était jusqu'alors impossible. Le 29 octobre 2014, votre commission des finances a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de la nouvelle convention fiscale entre la France et la Chine, signée le 26 novembre 2013, aux termes de laquelle l'État « requis » ne pourra plus refuser de transmettre les informations au seul motif que celles-ci sont détenues par un établissement financier 7 ( * ) .

En dépit de ces progrès, de nombreux problèmes persistent, à commencer par le considérable enjeu de la fraude à la TVA . Une étude publiée par la Commission européenne le 19 septembre 2014 fait état d'un manque à gagner de 193 milliards d'euros de TVA chaque pour 26 États-membres, soit 18 % du total des recettes attendues, et 1,5 % du PIB. Pour la France, le manque à gagner atteint 32 milliards d'euros, soit 19 % du total des recettes théoriques , la collecte n'étant que de 140 milliards d'euros au lieu de 173 milliards d'euros. Ce manque à gagner est bien sûr imputable à la fraude, mais aussi à l'évasion légale , aux faillites, insolvabilités et erreurs de calcul.

En tout état de cause, vos rapporteurs spéciaux estiment que la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales revêt aujourd'hui une très grande importance . Elle doit être renforcée, non seulement par l'adoption de nouvelles mesures législatives et internationales, mais aussi par la préservation, au sein du programme 156, des moyens humains et financiers dédiés à la mise en oeuvre de ces nouveaux outils .


* 5 Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Voir à ce sujet l'avis n° 730 (2012-2013) du 9 juillet 2013 de François Marc, fait au nom de la commission des finances.

* 6 Organisation de coopération et de développement économique.

* 7 Cf. rapport n° 57 (2014-2015) fait par Éric Doligé, au nom de la commission des finances, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, 29 octobre 2014.

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