TITRE III - SOLIDARITÉ ET ÉGALITÉ DES TERRITOIRES
CHAPITRE IER - SUPPRESSION DE LA CLAUSE DE COMPÉTENCE GÉNÉRALE DES DÉPARTEMENTS ET DÉFINITION DE LEURS CAPACITÉS D'INTERVENTION POUR LES SOLIDARITÉS TERRITORIALES ET HUMAINES

Article 24 (art. L. 1111-10 et L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales) - Suppression de la clause de compétence générale des départements et compétences en matière de solidarités territoriales

Le présent article tend à supprimer la clause de compétence générale des départements et à préciser leurs compétences en matière de solidarités territoriales.

Sur la question de la clause de compétence générale, votre rapporteur renvoie à son commentaire à l'article 1 er .

L'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales prévoit aujourd'hui la clause de compétence générale des départements en disposant que « le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département » ce qui autorise un département à intervenir dans tout domaine dès lors qu'il existe un intérêt public départemental et que la compétence n'a pas été expressément attribuée à un autre échelon local 95 ( * ) .

• Le présent article complète l'article L. 3211-1 précisant que le département ne peut exercer que les seules compétences que la loi lui attribue . L'objectif du Gouvernement est de clarifier l'exercice des compétences et de répartir plus efficacement les interventions publiques, « dans un contexte marqué par l'effort nécessaire et inédit de redressement des comptes publics ».

• L'article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, a fixé les compétences pour lesquelles chaque échelon territorial est désigné chef de file. Les départements sont désormais chefs de file en matière de solidarités territoriales. Cette compétence leur est reconnue à l'article L. 3233-1 du code général des collectivités territoriales qui dispose que « le département apporte aux communes qui le demandent son soutien à l'exercice de leurs compétences . » Afin de permettre aux départements de continuer à assumer leurs missions de solidarités territoriales envers les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les communes, le présent article tend à définir cette compétence en complétant le premier alinéa de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales par deux nouveaux alinéas, qui prévoient :

- d'une part, la faculté, pour les départements, d'apporter une ingénierie aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour l'exercice de leurs compétences ;

- d'autre part, de contribuer au financement de toutes opérations destinées à aider les entreprises de services marchands au service de la population en milieu rural .

Si, aujourd'hui, le conseil général assume ces missions au titre de sa clause de compétence générale, il pourra, à l'avenir, continuer à les exercer en tant que chef de file en matière de solidarités territoriales. En d'autres termes, le présent article confirme la possibilité, pour les départements, de venir en appui financier aux communes ou à leurs groupements pour la réalisation de leurs projets.

Par coordination, l'article L. 3233-1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.


• La position de la commission

Votre commission partage la philosophie du présent article visant à réaffirmer la vocation des départements en matière de solidarité territoriale. Elle estime que les conseils généraux ont démontré une réelle utilité dans les territoires - aussi bien ruraux qu'urbains - pour apporter aux collectivités du bloc communal une ingénierie et une expertise essentielle, dans un contexte de retrait de l'État en matière d'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) et d'application du droit des sols (ADS). C'est pourquoi il apparaît essentiel de préserver cette vocation des départements, indispensable aux territoires en difficulté.

Elle estime toutefois que cette assistance doit relever du volontariat des communes et de leurs groupements qui peuvent recourir s'ils le souhaitent à une organisation qui leur soit propre.

Votre commission a adopté, outre un amendement rédactionnel de ses rapporteurs clarifiant la faculté des départements de participer au financement des projets relevant des communes et des intercommunalités, à leur demande, ainsi qu'à ceux prévus à l'article L. 2251-3 du code général des collectivités territoriales sur les projets destinés à maintenir un service non marchand, deux amendements identiques de ses rapporteurs et de M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, afin de rappeler la vocation des départements en matière de solidarités territoriales.

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié .

Article 24 bis (nouveau) - Financement de la prise en charge des mineurs isolés étrangers

Introduit par un amendement de notre collègue René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, cet article crée un prélèvement sur les recettes de l'État destiné à contribuer au financement de la prise en charge des mineurs isolés étrangers par les départements.

Apparu sur le territoire français dans les années 1990, le phénomène des mineurs isolés étrangers se caractérise au premier chef par sa très forte concentration géographique dans une douzaine de départements métropolitains. Or, la prise en charge de ces mineurs isolés, qui relèvent des services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et, à ce titre, des départements, représenterait un coût de 250 millions d'euros par an selon l'Assemblée des départements de France (ADF). Pour remédier aux difficultés des départements les plus exposés, un dispositif de répartition des mineurs isolés étrangers a été mis en place d'abord, en 2011, dans les vingt et un départements du bassin parisien pour éviter une concentration excessive en Seine-Saint-Denis, puis, depuis le mois de juin 2013, sur l'ensemble du territoire, en vertu d'un protocole d'accord conclu entre l'État et l'ADF le 31 mai 2013.

Ce protocole prévoit également la prise en charge par l'État de la période de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des jeunes gens se présentant comme mineurs isolés étrangers , dans la limite de cinq jours et sur la base d'un remboursement forfaitaire de 250 euros par jeune et par jour. Le prélèvement sur recettes institué par le présent article vise à pérenniser, en lui conférant une base légale, cette prise en charge .

La question du financement de la prise en charge des mineurs isolés étrangers recueillis au sein des services de l'ASE s'étend toutefois au-delà de cette première période de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation. Dans le rapport qu'elle avait remis en sa qualité de parlementaire en mission auprès du garde des sceaux, notre collègue Isabelle Debré avait préconisé la création, au sein du fonds national de financement de la protection de l'enfance institué par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, d'« un fonds d'intervention destiné aux départements particulièrement confrontés à l'accueil des mineurs isolés étrangers » 96 ( * ) . Cette proposition a depuis lors été reprise par le Défenseur des droits dans sa recommandation n° MDE / 2012-179 du 21 décembre 2012.

Si l'un de vos rapporteurs avait lui-même repris à son compte cette recommandation il y a quelques mois 97 ( * ) , il apparaît toutefois que la réserve de financement de ce fonds serait insuffisante en l'état pour que puisse être institué un droit de tirage pour les départements les plus exposés au phénomène des mineurs isolés étrangers. C'est pourquoi le présent article a privilégié la création d'un prélèvement sur recettes couvrant la prise en charge des mineurs isolés étrangers accueillis au sein des services de l'ASE lorsque le coût de cette prise en charge excède un seuil fixé par arrêté interministériel . Ainsi, la compétence départementale n'est pas remise en cause par un transfert du financement de cette prise en charge, mais dès lors qu'un département sera exposé à un surcoût, il pourra solliciter une assistance financière.

Votre commission a adopté l'article 24 bis (nouveau) ainsi rédigé .


* 95 CE, 29 juin 2001, Commune de Mons-en-Baroeul.

* 96 Rapport de Mme Isabelle Debré, parlementaire en mission auprès du Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les mineurs isolés étrangers en France, mai 2010, p. 88.

* 97 Rapport (n° 340, 2013-2014) de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers, p. 22, disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l13-340/l13-340.html.

Page mise à jour le

Partager cette page