TITRE IV - TRANSPARENCE ET RESPONSABILITÉ FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
CHAPITRE IER - TRANSPARENCE FINANCIÈRE

Article 30 (art. L. 243-7 [nouveau] du code des juridictions financières, art. L. 1611-9 [nouveau], L. 1612-9, L. 1871-1, L. 2312-1, L. 2313-1, L. 3312-1, L. 3313-1, L. 4312-1, L. 4313-1 et L. 5211-36 du code général des collectivités territoriales, art. 108 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012) - Obligation de présentation des actions correctrices prises suite à un rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes et diverses dispositions visant à renforcer l'information financière des élus et du citoyen

Le présent article propose plusieurs dispositions visant à accroître le rôle et l'information des assemblées délibérantes mais aussi des citoyens, en matière financière.


L'obligation de présenter les actions correctrices entreprises à la suite d'un rapport d'une chambre régionale des comptes

Le I du présent article insère dans le code des juridictions financières un nouvel article L. 243-7 qui prévoit plusieurs obligations pour le suivi de l'application des observations définitives d'une chambre régionale des comptes.

En premier lieu, ce nouvel article instaure l'obligation de présenter à l'assemblée délibérante d'une collectivité les actions correctrices entreprises à la suite du rapport d'observations définitives arrêté par une chambre régionale des comptes. Ce rapport présentant les suites données aux observations définitives devrait être présenté dans un délai d'un an après la présentation du rapport d'observations définitives par l'exécutif à son assemblée délibérante.

Il s'agit ainsi de décliner sur le plan local une disposition prévue au plan national. Ainsi, l'actuel article L. 143-10-1 du code des juridictions financières mentionne des « comptes rendus » des « suites données aux observations définitives » obligatoirement fournis à la Cour des comptes par les destinataires des observations définitives. Néanmoins, cette obligation imprécise de « comptes rendus » ne s'applique pas à l'ensemble des juridictions financières. Par ailleurs, le suivi des observations des chambres régionales des comptes ne fait l'objet d'aucune publication distincte.

En conséquence, le présent article prévoit que les chambres régionales des comptes seraient également destinataires de ces rapports de suivi et réaliseraient une synthèse annuelle. Cette synthèse serait présentée par le président de la chambre régionale des comptes devant la conférence territoriale de l'action publique 115 ( * ) .

Actuellement, le rapport public annuel de la Cour des comptes, prévu à l'article L. 136-1 du code des juridictions financières, comporte une « présentation des suites données aux observations définitives des juridictions financières ». Les synthèses réalisées par les chambres régionales des comptes des rapports de suivi permettraient d'enrichir la partie du rapport public annuel consacrée aux suites données aux observations définitives des juridictions financières, au titre de l'article L. 143-10-1 du code des juridictions financières.

L'association des présidents de chambres régionales des comptes, ainsi que le premier président de la Cour des comptes, entendus par vos rapporteurs, ont salué ce dispositif qui impose « un droit de suite » mais qui reste « dans la main des ordonnateurs ».


La transmission des rapports de la chambre des comptes à l'ensemble des communes membres d'un EPCI

En second lieu, le nouvel article L. 243-7 du même code prévoit la transmission immédiate d'un rapport d'observations définitives d'une chambre régionale des comptes portant sur un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre aux maires des communes membres de l'établissement.

Actuellement, selon les dispositions de l'article L. 243-5 du code des juridictions financières, à l'issue d'un examen de gestion d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public, le rapport d'observations définitives est inscrit à l'ordre du jour et communiqué à la seule assemblée délibérante, « dès sa plus proche réunion » .

Désormais, immédiatement après la présentation du rapport d'observations définitives lors d'une réunion de l'assemblée délibérante, ledit rapport serait transmis et présenté au plus proche conseil municipal de chaque commune membre de l'EPCI.

Ce dispositif permet de renforcer l'information des élus locaux, dans une logique de renforcement de la démocratie locale interne aux EPCI. Dans son rapport de juillet 2011 sur la gestion de la dette publique locale, la Cour des comptes relevait en effet des « carences » dans l'information des assemblées délibérantes.

Votre commission, à l'initiative de ses rapporteurs, a adopté un amendement visant à permettre l'organisation d'un débat lors de cette présentation pour une plus large appropriation de ces rapports par les élus.


Un renforcement des exigences d'informations financières à destination des assemblées délibérantes et des citoyens

Le II du présent article modifie plusieurs dispositions du code général des collectivités territoriales afin d'améliorer la présentation des orientations budgétaires des collectivités territoriales. Il s'agit d'accroître le rôle des assemblées délibérantes en leur fournissant des informations plus nombreuses, visibles et accessibles.

En premier lieu, un nouvel article L. 1611-9 du code général des collectivités territoriales imposerait obligatoirement la présentation d'une « étude relative à l'impact pluriannuel » de toute opération d'investissement envisagée par un EPCI ou une collectivité territoriale. Cette étude d'impact, qui renforce l'information des élus sur leurs perspectives financières , ne serait néanmoins exigée que pour les opérations dépassant un montant fixé par décret.

En deuxième lieu, un nouvel alinéa compléterait l'article L. 1611-19 pour permettre la publicité immédiate des avis formulés par les chambres régionales des comptes et des arrêtés pris par le représentant de l'État, sans qu'il soit nécessaire d'attendre la plus proche réunion des assemblées délibérantes.

En troisième lieu, il est prévu de formaliser le contenu du débat d'orientation budgétaire et de rendre ainsi obligatoire la présentation de certains documents préparatoires à l'adoption du budget, pour certaines communes, EPCI, les départements et les régions.

Cette structuration des débats d'orientation budgétaire, qui entend accroître l'information des élus mais aussi des citoyens par la publication de synthèses en ligne, entraine la fourniture d'informations supplémentaires, proportionnées selon les strates des collectivités territoriales, et prévoit désormais une délibération spécifique prenant acte de la tenue du débat sur les orientations budgétaires.

Ainsi, les communes de plus de 3 500 habitants et les EPCI comprenant une commune de plus de 3 500 habitants devraient présenter deux mois avant le débat sur les orientations budgétaires, un rapport comportant des éléments sur les orientations budgétaires , les engagements pluriannuels envisagés et la gestion de la dette . Cette présentation pourrait donner lieu à un débat et le rapport serait transmis à l'EPCI dont la commune est membre.

Les communes et les EPCI de plus de 10 000 habitants, les départements et les régions seraient assujettis aux mêmes obligations mais aussi à une présentation de la structure et de l'évolution des dépenses et des effectifs . Le rapport sur les orientations budgétaires devrait également comporter l'évolution prévisionnelle et l'exécution des dépenses de personnel, des rémunérations, des avantages en nature et du temps de travail. Après la tenue du débat, il serait transmis au préfet et publié.

Ces informations se doivent d'être accessibles pour une meilleure appropriation par les élus et les citoyens. Aussi, le présent article prévoit une présentation synthétique des informations essentielles, jointe au budget primitif et au compte administratif. Cette présentation, les notes explicatives de synthèse 116 ( * ) annexées et le rapport sur les orientations budgétaires seraient également publiés sur le site internet de la collectivité territoriale ou de l'EPCI.

Le contenu de ce nouveau rapport sur les orientations budgétaires s'inspire des recommandations de la Cour des comptes mais aussi plus particulièrement de la mission IGF-IGA sur la transparence financière des collectivités territoriales de décembre 2012 117 ( * ) .

L'élaboration d'une programmation pluriannuelle des investissements (PPI) permettra une évaluation des investissements en cours ou futurs et leur impact sur les dépenses de fonctionnement à venir. Une disposition similaire est déjà prévue pour le conseil régional et les investissements relatifs aux lycées notamment, à l'article L. 214-5 du code de l'éducation.

Il semble tout aussi nécessaire d'améliorer la transparence financière sur les engagements des collectivités territoriales , notamment sur les emprunts. Une circulaire du 25 juin 2010 considérait comme « fortement souhaitable » un rapport annuel sur les opérations de gestion de la dette effectuées. Dans un avis du 8 juillet 2011, le Conseil de normalisation des comptes publics recommandait également la publication d'informations comptables relatives à la dette.

Le premier président de la Cour des comptes, entendu par vos rapporteurs, estime lui aussi indispensable la publication d'un tel rapport annuel. Dans le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de la dette publique locale du 13 juillet 2011, elle considérait ce rapport « indispensable pour inciter à la définition d'une stratégie de la dette et assurer une diffusion de l'information à l'assemblée délibérante avant et après les prises de décisions ».

Enfin, le document de synthèse élaboré par l'exécutif permettrait d'encourager les citoyens à s'intéresser aux débats budgétaires de leurs collectivités territoriales. Le rapport « Solidarité et performance : les enjeux de la maîtrise des dépenses publics locales » de Pierre Richard 118 ( * ) de décembre 2006 proposait déjà de renforcer l'accessibilité des données et de les « rendre plus compréhensibles pour les citoyens » par une mise en ligne sur le site internet de chaque collectivité de données budgétaires.


• L'obligation à terme de transmission numérique des documents budgétaires

Ainsi, les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants devraient, dans les cinq ans qui suivent la publication de la présente loi, transmettre l'ensemble des documents budgétaires au préfet par la voie numérique. Cette mesure concernerait environ 500 collectivités et groupements.

Cette mesure reprend la proposition n° 2 du rapport précité IGF-IGA et partiellement l'article 9 de la proposition de loi de notre collègue M. Eric Doligé, de simplification des normes applicables aux collectivités locales, transmis en seconde lecture à l'Assemblée nationale en juin 2013.

Actuellement, l'obligation de transmission des actes budgétaires peut être mise en oeuvre sous format papier ou numérique. Afin d'accélérer les phases de constitution d'une base de données et de retraitement, il apparait nécessaire de normaliser une obligation de télétransmission. L'application unique informatique de gestion « Hélios » est ainsi utilisée par l'ensemble des comptables publics du secteur public local. Néanmoins, une seconde application « Actes budgétaires » qui permet une télétransmission sécurisé des documents budgétaires, tout en automatisant le calcul de ratios d'analyse, demeure sous-utilisée principalement en raison de la nécessité de recourir aux prestations payantes d'un tiers de télétransmission.

Inscrite dans un contexte de modernisation et de dématérialisation des actes des collectivités territoriales, la présente disposition permettrait une simplification et une accélération de la centralisation des données.


L'abrogation de l'article 108 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012

Cette disposition du présent projet de loi s'inspire directement de la conclusion du rapport IGF-IGA, appelant à l'abrogation de cette disposition devenue inutile.

L'article 108, issu d'un amendement du Gouvernement, prévoit la présentation d'un nouveau rapport par celui-ci en annexe au projet de loi de finances, comportant une présentation de la structure et de l'évolution de la dette des collectivités territoriales. À cette fin, ces dernières et leurs groupements de plus de 50 000 habitants devaient transmettre un rapport concernant leurs « orientations budgétaires, les engagements pluriannuels envisagés, la composition et l'évolution de la dette ainsi que des dépenses de personnel, de subvention, de communication et d'immobilier ».

Néanmoins, la loi n° 2012-1171 du 22 octobre 2012 autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne, puis la loi organique n° 2012-1403 du 22 novembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ont renforcé l'information du Gouvernement et du Parlement sur ces questions. Désormais, le rapport économique social et financier, annexé au projet de loi de finances initiale, défini à l'article 50 de la LOLF, présente « les dépenses, les recettes, les soldes et l'endettement des collectivités territoriales et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques locales ».

Enfin, les autres dispositions de l'article 30 du présent projet de loi viennent compléter l'information financière disponible tant pour l'État que pour les assemblées délibérantes et les citoyens. Dès lors, tant sur le plan national que local, l'objectif qui sous-tendait l'article 108 de la loi de finances pour 2012 apparaît satisfait par d'autres dispositifs, ce qui en justifie l'abrogation .

Votre commission a adopté l'article 30 ainsi modifié .

Article 30 bis (art. L. 1617-6 [nouveau] du code des collectivités territoriales) - Transmission par voie dématérialisée des documents budgétaires

Le présent article, inséré par votre commission à la suite d'un amendement de vos rapporteurs, a pour objet de prévoir la transmission numérique des pièces nécessaires à l'exécution des dépenses et des recettes par les comptables publics.

Ainsi, selon la rédaction proposée de l'article L. 1617-6 du code général des collectivités territoriales, les régions, les départements, les communes et les EPCI à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants devront, dans un délai de trois ans suivant la publication de la présente loi, transmettre l'ensemble de ces pièces au comptable public par la voie numérique .

Seront également concernés :

- les offices publics de l'habitat dont le total des recettes courantes figurant à leurs comptes de l'exercice 2014 est supérieur à 20 millions d'euros ;

- les autres établissements publics locaux dont le total des recettes de la section de fonctionnement figurant à leur compte administratif de l'exercice 2014 est supérieur à 20 millions d'euros ;

- et les centres hospitaliers dont le total des recettes de la section de fonctionnement figurant à leur compte administratif de l'exercice 2014 est supérieur à 20 millions d'euros.

Actuellement, l'obligation de transmission des pièces nécessaires à l'exécution de leurs dépenses et de leurs recettes peut être mise en oeuvre sous format papier ou numérique. Ainsi, 600 millions de feuilles de papier A4 sont envoyées annuellement aux comptables publics par les collectivités territoriales, les hôpitaux et les offices publics de l'habitat.

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a entériné le principe de la dématérialisation globale progressive des échanges budgétaires, comptables et financiers entre les organismes publics locaux, leur comptable et les services de l'État, afin de leur donner les moyens d'optimiser leur gestion financière.

Cette mesure permettrait d'accélérer la dématérialisation des échanges entre les ordonnateurs publics locaux et les comptables publics et serait source d'économies de gestion mais aussi d'externalités positives pour l'ensemble des acteurs en raison de à la réduction des délais de paiement aux entreprises et de la fiabilisation du recouvrement.

Votre commission a adopté l'article 30 bis ainsi rédigé .

Article 31 (art. L. 132-7 [nouveau] du code des juridictions financières) - Présentation de rapports de la Cour des comptes devant le comité des finances locales

Cet article propose que la Cour des comptes publie annuellement un rapport portant sur la situation financière et sur la gestion des collectivités territoriales. Ce rapport, après transmission au Gouvernement et au Parlement, serait présenté devant le comité des finances locales.

En outre, le présent article prévoit que le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, établi annuellement par la Cour des comptes en application de l'article 58-3° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), soit présenté par le premier président de la Cour des comptes devant le comité des finances locales.

• Établissement d'un rapport sur la situation financière et sur la gestion des collectivités territoriales

Le présent article vise à insérer au premier alinéa d'un nouvel article L. 132-7 du code des juridictions financières le principe de l'établissement par la Cour des comptes d'un nouveau rapport annuel portant sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Actuellement, dans le cadre de la mission constitutionnelle d'assistance de la Cour des comptes au Parlement (article 47-2 de la Constitution), la loi prévoit deux rapports annuels de la Cour des comptes portant sur les finances de l'État et de la sécurité sociale . Ainsi, en application des articles L.O. 132-3 du code des juridictions financières et L.O. 111-3 alinéa VIII du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes publie en septembre de chaque année depuis 1996, un rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale qui accompagne le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Aussi, en application du 4° de l'article 58 de la LOLF, la Cour des comptes publie en mai de chaque année un rapport sur les résultats et la gestion du budget de l'année précédente.

En conséquence, il semble pertinent afin d'améliorer l'information du Parlement et des citoyens d'instaurer un rapport annuel portant sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales.

Néanmoins, cette inscription dans la loi ne viendrait que consacrer une publication d'ores et déjà réalisée par la Cour des comptes . À ce jour, celle-ci a publié deux rapports thématiques, intitulés « Les finances publiques locales » en octobre 2013 et en octobre 2014, qui analysent la situation financière des collectivités territoriales et de leurs groupements. Ces publications résultent des travaux des chambres régionales des comptes dans le cadre de leur programmation annuelle mais aussi de l'exploitation de la base de données sur les comptes de gestion des collectivités et établissements publics locaux. Lors de son audition par votre commission, le premier président de la Cour des comptes saluait cette inscription dans la loi « qui va dans le bon sens. Les juridictions financières y trouveront un réel intérêt, et la Cour et les chambres régionales pourront travailler en complémentarité 119 ( * ) . »

• Présentation du rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques devant le comité des finances locales

Le présent article prévoit la présentation de deux rapports de la Cour des comptes devant le comité des finances locales . A la dernière phrase du premier alinéa du nouvel article L. 132-7 du code des juridictions financières, il prévoit la présentation de ce nouveau rapport sur les finances locales par le premier président de la Cour des comptes. Aussi, insère-t-il au deuxième alinéa du nouvel article L. 132-7 du code des juridictions financières le principe de la présentation par le premier président de la Cour des comptes du rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques .

Vos rapporteurs s'étonnent de l'inscription dans la loi de ce qui relève du dialogue institutionnel. En effet, le comité des finances locales a pour mission, à l'instar de la Cour des comptes, d'assister le Gouvernement et le Parlement et de leur fournir les analyses nécessaires à l'élaboration des dispositions concernant les finances locales. Dès lors, il serait peu pertinent d'inscrire dans la loi la remise d'un rapport à ce comité, en particulier si ce dernier a été invité à formuler des réponses audit rapport. Il convient de souligner qu'il n'y a point besoin d'une disposition législative pour cette action qui relève avant tout de bonnes pratiques. Enfin, cette mention a peu sa place dans un chapitre consacré aux relations de la Cour des comptes avec le Parlement et le Gouvernement. Un décret en Conseil d'État, comme prévu par l'étude d'impact du présent projet de loi, permettra de fixer éventuellement les modalités de présentation desdits rapports devant le comité des finances locales.

Sur proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement de suppression de ces éléments qui relèvent du domaine réglementaire.

Votre commission a adopté l'article 31 ainsi modifié .

Article 32 - Expérimentation de dispositifs de certification des comptes des collectivités territoriales

Le présent article prévoit un dispositif expérimental, conformément à l'article 37-1 de la Constitution, de certification des comptes des grandes collectivités territoriales, pour une durée de cinq ans, sur la base du volontariat.

• La situation actuelle

Actuellement, les comptes de plusieurs administrations publiques font l'objet d'une certification par un auditeur indépendant, soit par la Cour des comptes, soit par des commissaires aux comptes.

En effet, l'article 47-2 de la Constitution, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, précise que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Aussi, depuis le 1 er janvier 2006, la Cour des comptes certifie les comptes de l'État ainsi que les comptes du régime général de la sécurité sociale.

De même, en application de l'article 17 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, certains établissements publics de santé soumettent leurs comptes à la certification aux commissaires aux comptes, ou à la Cour des comptes pour les établissements les plus importants. Enfin, depuis la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, ces dernières ont l'obligation de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes.

Néanmoins, alors que la directive du 8 novembre 2011 120 ( * ) exige un audit indépendant de « tous les secteurs des administrations publiques » , y compris des collectivités territoriales et de leurs groupements, les comptes de ces derniers ne sont pas certifiés.

• Le dispositif proposé : une expérimentation de dispositifs de certification

Le présent article vise à permettre à la Cour des comptes de coordonner une expérimentation de dispositifs vérifiant la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de grandes collectivités territoriales. Cette expérimentation serait limitée aux seules collectivités volontaires sélectionnées et dont les produits de fonctionnement excèderaient 200 millions d'euros. Cela concernerait approximativement plus de 200 collectivités.

Cette expérimentation, d'une durée de cinq ans, serait précédée d'une importante phase préalable pour déterminer en premier lieu les collectivités territoriales participantes, sur la base du volontariat . Une convention serait conclue entre chaque exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales participant et le premier président de la Cour des comptes, après avoir reçu les avis des ministres en charge des collectivités territoriales et des comptes publics. Ce contrat déterminerait les normes comptables applicables, les modalités de mise en oeuvre ainsi que les moyens en crédits ou en personnels accompagnant le projet. Ainsi, la signature de ces différentes conclusions permettrait une plus large liberté pour expérimenter plusieurs dispositifs de certification , et pour les adapter.

La certification des comptes des collectivités territoriales présente plusieurs avantages . En premier lieu, parce qu'elle contribue à améliorer l'information financière, à renforcer sa fiabilité et sa crédibilité, elle permet de rassurer l'environnement des collectivités territoriales , à savoir les citoyens, mais également les prestataires et organismes prêteurs. Ainsi, on peut considérer que les enjeux de fiabilisation des comptes sont fortement liés aux enjeux de financements des collectivités territoriales.

En second lieu, la certification des comptes permet de maitriser au mieux les risques comptables, financiers et fiscaux , d'autant plus que les collectivités sont de plus en plus présentes au capital de sociétés commerciales à l'instar des sociétés d'économie mixte locale ou des sociétés publiques locales. Enfin, la certification des comptes peut être le vecteur d'une simplification des états financiers des collectivités de par l'adoption d'un nouveau standard comptable, comme l'a avancé le premier président de la Cour des comptes lors de son audition par votre commission 121 ( * ) .

Par ailleurs, cette expérimentation s'insère dans un contexte d'évolution de la comptabilité publique locale. Ainsi, a été signée le 21 mars 2014 par les ministres chargés des finances, du budget et des collectivités territoriales, les présidents des grandes associations nationales d'élus locaux et le Premier président de la Cour des comptes, une « charte nationale relative à la fiabilité des comptes locaux », s'engageant à renforcer la qualité des comptes. En conformité avec les travaux du Conseil de normalisation des comptes publics 122 ( * ) , le comité national relatif à la fiabilité des comptes publics locaux, instance partenariale, suivra régulièrement la mise en oeuvre des orientations générales de la charte et pourra piloter l'établissement de « conventions cadres nationales de fiabilisation ».

À l'instar de la certification des comptes hospitaliers, il convient de procéder par étapes avant une éventuelle généralisation de la certification des comptes des collectivités territoriales. Ainsi, depuis 2009, la direction générale de l'offre de soins (DGOS), la direction générale des finances publiques (DGFIP) et la Cour des comptes co-pilotent, en association avec la compagnie nationale des commissaires aux comptes, un projet de préparation des établissements publics à la fiabilisation puis à la certification de leurs comptes. Dès 2014, les comptes de 31 hôpitaux listés par arrêté seront examinés par des commissaires aux comptes ou la Cour des comptes si le seuil de leurs produits sur les trois dernières années excède 1,2 milliard d'euros. En 2015 et 2016, l'ensemble des établissements publics dont les produits dépassent 100 millions d'euros devraient voir leurs comptes examiner soit par les commissaires aux comptes soit par la Cour des comptes.

Par ailleurs, l'étude du droit comparé en Europe révèle que pour les collectivités territoriales dotées d'une compétence législative, les contrôles sont « essentiellement exercés par des entités indépendantes non étatiques 123 ( * ) » .

Synthèse comparée des dispositifs obligatoires de contrôle légal
et de vérification des comptes des collectivités territoriales

La conduite de cette expérimentation par la Cour des comptes semble justifiée. En effet, l'article 62 de la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 a d'ores et déjà confié, par l'introduction d'un article L. 111-3-1 A du code des juridictions financières, à la Cour des comptes la mission de s'assurer « que les comptes des administrations publiques sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière soit en certifiant elle-même les comptes, soit en rendant compte au Parlement de la qualité des comptes des administrations publiques dont elle n'assure pas la certification ». Par ailleurs, lors de son audition par la mission commune d'information sénatoriale « Agences de notation », M. Didier Migaud avait estimé que « dans ce processus [d'expérimentation] , la Cour des comptes aura à jouer tout son rôle, sans préjudice de la forme et des acteurs d'une telle expérimentation, préalable - si le législateur le souhaite - à une mission légale de certification » 124 ( * ) . Lors de son audition par votre commission des lois, le premier président de la Cour des comptes a rappelé que « la Cour est prête à apporter son concours à une telle expérimentation ». Néanmoins, il a souhaité relativisé le rôle de coordination qui serait éventuellement joué par la Cour 125 ( * ) .

Actuellement, les chambres régionales des comptes vérifient périodiquement la fiabilité des comptes des collectivités territoriales dont elles examinent la gestion et bénéficient à ce titre de retours d'expérience. La formation mixte Cour des comptes/chambres régionales des comptes dite « Finances publiques locales » travaille particulièrement sur le thème de la qualité de l'information financière et comptable, en application de l'article 132-6 du code des juridictions financières 126 ( * ) , mais également dans la perspective du rapport public thématique sur les finances publiques locales publié annuellement depuis octobre 2013. Dans ce contexte, la Cour pourrait prendre appui sur cette formation pour « conduire » l'expérimentation.

• Les difficultés posées par le présent dispositif

Le dispositif, tel que proposé par le projet de loi, présente néanmoins plusieurs difficultés.

En premier lieu, il convient de s'interroger sur les « moyens en crédits, ou en personnels » mis à disposition pour cette expérimentation, notamment sur l'acteur en supportant les coûts. Il convient de clarifier si, dans le cas d'une certification uniquement réalisée par la Cour des comptes - à laquelle le premier président ne semble pas favorable 127 ( * ) - ou par les chambres régionales des comptes, il est demandé aux collectivités territoriales de financer la certification de leurs comptes. Il s'agit aussi d'être vigilant sur les « dispositifs » de certification, notamment s'il est choisi de faire appel à un prestataire privé. En effet, pour certaines universités et certains établissements de santé, l'obligation de certification de leurs comptes leur impose en effet de faire appel à un prestataire privé. Certains centres hospitaliers estiment ainsi le coût de la certification proche de 100 000 euros.

En second lieu, il s'agit d'être attentif aux coûts induits par la certification, notamment vis-à-vis des corrections identifiées par l'auditeur, privé ou public. Si le projet peut être source de gains, notamment en termes de transparence financière sur le marché obligataire, il convient de s'assurer que les coûts restent à un niveau moindre dans un contexte où les dotations aux collectivités territoriales diminuent.

Sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a adopté l'article 32 ainsi modifié .


* 115 À noter que la carte des CRC n'est pas identique à la carte régionale (et donc des CTAP), a fortiori avec la nouvelle carte territoriale issue du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

* 116 L'arrêt du Conseil d'État du 12 juillet 1995, dit « commune de Fontenay-le-Fleury », requête n°157092, prévoit que l'absence de note explicative de synthèse justifie l'annulation de la délibération approuvant le budget primitif.

* 117 Inspection générale des finances et inspection générale de l'administration, rapport « La transparence financière des collectivités territoriales », décembre 2012.

* 118 Proposition n°44 du rapport « Solidarité et performance : les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales », décembre 2006.

* 119 Le compte-rendu de l'audition est disponible à cette adresse :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20141124/lois.html#toc19

* 120 Directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

* 121 Le compte-rendu de l'audition est disponible à cette adresse :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20141124/lois.html#toc19

* 122 Cette instance a été créée par l'article 136 de la loi n°2001-1275 de finances pour 2002.

* 123 Étude de législation comparée n°222 - janvier 2012 - Les contrôles sur les finances des collectivités territoriales.

* 124 Audition du 22 mai 2012, MCI Agences de notation.

Le compte-rendu est disponible à cette adresse :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20120521/mci_agences.html

* 125 Le compte-rendu de l'audition est disponible à cette adresse :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20141124/lois.html#toc19

* 126 Article L132-6 du code des juridictions financières : « Les rapports de certification des comptes des administrations publiques soumises par la loi à l'obligation de certification de leurs comptes sont obligatoirement transmis sans délai à la Cour des comptes qui en établit une synthèse et, sur cette base, émet un avis sur la qualité des comptes de ces administrations publiques . Cet avis est transmis au Premier ministre, au ministre chargé du budget et aux présidents des assemblées parlementaires. »

* 127 Le compte-rendu de l'audition est disponible à cette adresse :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20141124/lois.html#toc19

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