PREMIÈRE PARTIE : LA MOLDAVIE, ENTRE EST ET OUEST

I. UNE HISTOIRE MARQUÉE PAR L'INFLUENCE DE PUISSANTS VOISINS

La situation actuelle de la Moldavie ne peut être comprise sans un bref retour sur son histoire contemporaine, qui explique la coexistence de plusieurs cultures dans ce pays, dont l'indépendance est récente et dont l'histoire a fait une interface entre de puissants voisins.

A. UN « JEUNE » ÉTAT, MARQUÉ DÈS SA NAISSANCE PAR UN CONFLIT TERRITORIAL

Ancienne république socialiste soviétique , la Moldavie est un État indépendant depuis le 27 août 1991, marqué dès sa création par un conflit, aujourd'hui gelé, concernant le territoire de Transnistrie .

1. Une indépendance récente

Résumée à grands traits dans le tableau ci-dessous, l'histoire de la Moldavie est marquée par l'influence, à l'ouest, de la Roumanie , et, à l'est, de la Russie puis de l'Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS).

Cette histoire n'est pas identique pour la partie du territoire située entre la rivière Prut et le fleuve Dniestr, dite Bessarabie , et sa partie située sur la rive gauche du Dniestr, dite aujourd'hui Transnistrie d'après la dénomination roumaine (« au-delà du Dniestr »,) ou Pridniestrie d'après la dénomination russe (« près du Dniestr »).

Après avoir été une principauté tributaire de l'Empire ottoman, la Moldavie est intégrée à la Russie par le traité de Bucarest (1812). Elle demeurera russe après le Congrès de Berlin (1878), malgré la création de la Roumanie, dont l'indépendance est reconnue, à la suite du conflit russo-ottoman.

Après la première guerre mondiale, toutefois, la Bessarabie est intégrée à la « grande Roumanie » , agrandie à la suite de l'effondrement des empires russe et austro-hongrois.

En 1924, l'URSS crée, au sein de la République socialiste soviétique d'Ukraine, une république autonome socialiste soviétique moldave, qui regroupe des territoires situés sur la rive gauche du Dniestr, correspondant approximativement à l'actuelle Transnistrie. Après avoir occupé la Bessarabie en 1940, en vertu des clauses secrètes du pacte germano-soviétique, l'URSS intègre officiellement en son sein ce territoire à l'issue de la seconde guerre mondiale (1947). La Bessarabie et la Transnistrie forment alors la république socialiste soviétique moldave (RSSM), l'une des quinze républiques de l'URSS.

Les principales étapes de l'histoire récente de la République de Moldavie

1750

La Moldavie est une principauté autonome, tributaire de l'Empire ottoman

1812

Traité de Bucarest. La Bessarabie est transférée à l'Empire russe.

1920

À la suite de la première guerre mondiale, la Bessarabie est intégrée à la « Grande Roumanie ».

1924

L'URSS crée, au sein de la République socialiste soviétique d'Ukraine, la République autonome socialiste soviétique moldave (RASSM), dont le territoire correspond approximativement à celui de l'actuelle Transnistrie.

1940

L'URSS occupe la Bessarabie, en vertu des clauses secrètes du « pacte germano-soviétique ».

1941

La Bessarabie est reprise par la Roumanie, qui est engagée dans la guerre aux côtés de l'Allemagne. La Roumanie occupe également la Transnistrie.

1944

L'URSS reprend ces territoires.

1947

Traité de Paris. La Bessarabie et la Transnistrie forment la République socialiste soviétique moldave (RSSM), l'une des quinze républiques de l'URSS.

27 août 1991

À la suite de l'effondrement de l'URSS, proclamation de l'indépendance de la République de Moldavie.

La Moldavie a proclamé son indépendance le 27 août 1991.

Elle est membre, depuis 1991, de la Communauté des États indépendants (CEI), qui regroupe aujourd'hui dix États 4 ( * ) issus de l'ex-URSS (hors pays baltes et hors Géorgie et Ukraine qui ont quitté cette organisation respectivement en 2009 et 2014).

2. Le conflit gelé de Transnistrie

Territoire situé à l'est du Dniestr et à l'ouest de la frontière ukrainienne, les « unités administratives territoriales de la rive gauche du Dniestr » sont administrées par des autorités de fait , qui ne sont reconnues par aucun État de la communauté internationale.

La situation de la Transnistrie trouve ses origines à la fin des années 1980 dans un mouvement séparatiste né de l'opposition à la dislocation de l'URSS.

Ce mouvement a conduit au refus de l'indépendance moldave, aggravé par la crainte d'une réunion de la Moldavie à la Roumanie. L'auto-proclamation, en 1990, d'une république socialiste soviétique du Dniestr, qui n'a jamais été reconnue ni par l'URSS, ni ensuite par la Russie, a entraîné un conflit bref mais violent. Un cessez-le-feu a été signé le 21 juillet 1992, qui comporte notamment la création d'une zone de sécurité démilitarisée et la constitution d'une force tripartite (Russes, Moldaves, Transnistriens) de maintien de la paix de 1200 hommes, placée sous la supervision politique d'une Commission conjointe de contrôle.

Alors que l'Union européenne a déployé depuis décembre 2005 une mission d'observation de la frontière avec l'Ukraine (EUBAM), l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s'efforce de faciliter les négociations conduites dans le cadre du format « 5+2 » (les deux parties : Moldavie et Transnistrie ; trois médiateurs : Ukraine, Russie et OSCE, ainsi que, depuis octobre 2005, deux observateurs : Union européenne et États-Unis). L'OSCE est aussi chargée de suivre le processus de retrait et de destruction des munitions du dépôt de Colbasna, interrompu depuis 2004.

Les négociations officielles, qui avaient été suspendues en 2006, ont repris en décembre 2011 à la faveur d'une attitude plus ouverte de la Russie et de la présence de nouvelles autorités de fait, désignées en Transnistrie. Le dialogue a porté sur des questions concrètes telles que la liberté de circulation des personnes et des véhicules, les transports ferroviaires, l'éducation, l'environnement, le respect des droits de l'homme, la prévention de la criminalité, le fonctionnement des écoles où l'enseignement est dispensé en alphabet latin etc. La question linguistique se pose de façon particulièrement aiguë puisque, le 19 octobre 2012, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Russie pour violation du droit à l'instruction dans les écoles de la région de Transnistrie où les cours sont dispensés en moldave/roumain 5 ( * ) .

Ce processus a peu progressé depuis 2013. La séance de négociations « 5+2 » qui devait avoir lieu en juillet 2014 a été reportée et les négociations sont aujourd'hui au point mort , en raison des événements survenus, en 2014, en Ukraine.

En mars 2014, le Parlement de facto de Transnistrie a officiellement demandé au gouvernement russe de l'intégrer dans la Fédération de Russie 6 ( * ) .


* 4 La Communauté des États indépendants (CEI) a été créée en décembre 1991 par onze pays de l'ex-URSS : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine (qui l'a quittée en 2014). Elle a été rejointe de 1993 à 2009 par la Géorgie. Les États baltes (aujourd'hui membres de l'Union européenne) n'ont jamais été membres de la CEI.

* 5 « Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova », rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe de Mme Lise Christoffersen et M. Piotr Wach (16 septembre 2013).

* 6 Note d'information des co-rapporteurs précités de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, en date de novembre 2014.

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