DES ÉVOLUTIONS DU CADRE JURIDIQUE JUSTIFIÉES PAR L'ÉVOLUTION DES MENACES

LA DÉFINITION NÉCESSAIRE DES NOUVELLES FORMES DE TERRORISME

L'Union européenne soutient les États membres dans la lutte contre le terrorisme, en veillant notamment à l'élaboration d'une définition uniforme et exhaustive du terrorisme par les États 14 ( * ) . La décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, qui donne une définition particulièrement précise du terrorisme, empruntée aux traditions des États membres, a été transposée par les États qui ne disposaient pas déjà de dispositions incriminant les comportements cités 15 ( * ) . Cette directive a été révisée et complétée par la décision cadre 2008/919 JAI du 28 novembre 2008 afin d'ajouter aux infractions terroristes de nouveaux comportements, essentiellement l' apologie d'actes terroristes et le prosélytisme en faveur de tels actes 16 ( * ) .

Toutefois, le phénomène nouveau de nationaux ou de résidents européens s'enrôlant dans des groupes terroristes, identifié comme une menace particulière par l'Organisation des Nations unies (ONU) dans la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité, justifie des évolutions du cadre juridique.

Ainsi, un Comité sur les combattants terroristes étrangers et les questions connexes a été constitué le 11 février 2015 par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, afin de rédiger un protocole additionnel à la Convention du conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme 17 ( * ) , pour prendre en compte la résolution n° 2178 précitée. Dans son allocution du 23 février 2015 18 ( * ) , Philippe Boillat, directeur général de la Direction générale droits de l'homme et État de droit du Conseil de l'Europe a ainsi précisé qu'il s'agit de pénaliser de nouveaux comportements terroristes, notamment le fait de chercher à se faire recruter ou de recevoir un entraînement à des fins terroristes 19 ( * ) .

De la même manière que la directive du 28 novembre 2008 intégrait en droit communautaire les évolutions précédemment intervenues dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme, il conviendra que l'Union européenne introduise dans son droit le contenu de ce protocole additionnel : le droit de l'Union européenne est d'application directe , contrairement au droit de la Convention européenne des droits de l'homme.

LA RÉFORME À LA MARGE DU CODE FRONTIÈRES SCHENGEN

Il apparaît en tout état de cause difficile de procéder à une réforme rapide du code frontières Schengen. Aussi, la résolution propose-t-elle de soutenir d'abord des évolutions à droit constant 20 ( * ) .

Cependant, comme le proposent les auteurs de la résolution, il serait plus efficace pour les États de pouvoir mener des contrôles permanents sur les personnes définies par les critères objectifs évoqués ci-dessus : il est donc effectivement nécessaire de réformer le code frontières Schengen pour le permettre.

Votre rapporteur estime cependant que cette réforme sera nécessairement longue , en raison de la procédure applicable, et qu'il ne faut pas qu'à cette occasion l'équilibre général du code soit lui-même modifié. L'espace Schengen a suscité, il convient de le rappeler, le développement d'un système d'information commun, plus efficace qu'une juxtaposition de systèmes indépendants.

L'INDISPENSABLE APPROBATION DE LA DIRECTIVE RELATIVE AU « PNR EUROPÉEN », AU REGARD DES GARANTIES DU TEXTE

La résolution appelle en outre à l'adoption rapide de la directive relative à la mise en oeuvre d'un « PNR européen », en la présentant comme une mesure indispensable pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Le PNR « Passenger Name Record » est un système d'exploitation de dossiers passagers, c'est-à-dire des données recueillis par les transporteurs au stade de la réservation commerciale . Les États-Unis exigent depuis les attentats du 11 septembre 2001 les dossiers des passagers transitant sur leur sol.

Votre rapporteur rappelle que le « PNR européen », désigne en réalité un mécanisme de coopération entre des PNR nationaux et non la création d'un instrument européen unique.

Un premier projet de directive de la Commission européenne en date du 6 novembre 2007 (directive E 3697) a été finalement abandonné 21 ( * ) .

Actuellement, une nouvelle proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière a été présentée 22 ( * ) au Parlement européen. Le 2 février 2011, la commission des libertés civiles du Parlement européen a rejeté ce texte. Le 24 février 2015, Timothy Kirkhope, rapporteur du texte pour la commission des libertés civiles a présenté un nouveau rapport, proposant notamment de réduire le champ d'application du mécanisme et de mieux contrôler les personnes habilitées à effectuer les contrôles, à accéder aux données et à les analyser, ce qui est conforme à la position de votre commission, exprimée lors de l'examen de la proposition de résolution relative à la directive initiale du 6 novembre 2007 23 ( * ) .

Dans sa résolution du 15 mars 2015 24 ( * ) , le Sénat a appelé à l'adoption rapide de cette directive en constatant que le système proposé respectait les droits des personnes concernées.

L'ATTRIBUTION À FRONTEX D'UN RÔLE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET LA CRÉATION D'UN CORPS DE GARDES-FRONTIÈRES EUROPÉENS

Le texte propose de modifier le rôle de l'agence européenne pour la gestion des frontières extérieures (FRONTEX) en lui donnant un rôle particulier dans la lutte contre le terrorisme.

Actuellement, FRONTEX assume une fonction d'appui des États membres, dans leur mission de contrôle des frontières extérieures. Si elle intervient d'abord dans la lutte contre l'immigration illégale , elle pourrait aussi jouer un rôle, comme le précisent les auteurs de la résolution, en matière de prévention du terrorisme.

Votre rapporteur observe que cette recommandation rejoint les conclusions du Conseil sur le terrorisme et la sécurité des frontières des 5 et 6 juin 2014 invitant à développer le rôle de FRONTEX en ce sens. Elle répond aux préoccupations suscitées par le retour dans l'espace Schengen de nationaux ou de résidents qui ont rejoint des zones où opèrent des groupes terroristes.

La création d'un corps de gardes-frontières européens serait quant à elle une évolution majeure.

Ces évolutions impliqueraient cependant un renforcement très substantiel des moyens de FRONTEX.

Enfin, la résolution invite les États membres à réfléchir « plus activement » à une politique européenne des visas .

L'Union européenne dispose de la compétence pour déterminer les règles relatives à la politique des visas et des autres titres de séjour de courte durée 25 ( * ) .

La politique européenne des visas répond à une préoccupation de sécurité mais aussi à une volonté de développer l'attractivité de la zone Schengen puisqu'il s'agit de définir de manière concertée la liste des pays tiers pour les ressortissants desquels un visa ne sera pas exigé, à charge de réciprocité.

L'extension de la compétence de l'Union européenne à tous les visas aurait aussi pour effet d'étendre le périmètre du système d'information sur les visas (VIS), qui est un système d'échange de données sur les visas entre les États de l'espace Schengen, consultable par tous les États membres et par Europol, actuellement en cours de déploiement.

LE DÉVELOPPEMENT DES MISSIONS DU PARQUET EUROPÉEN

Le texte appelle enfin à mettre en place un Parquet européen en application de l'article 86 paragraphe 4 du TFUE et estime nécessaire d'étendre « sans délai » les compétences de ce parquet européen à la criminalité grave transfrontière .

Votre rapporteur observe que la forme collégiale et décentralisée préconisée par le texte est conforme à la position précédemment exprimée de votre commission sur ce sujet 26 ( * ) .

Votre rapporteur estime cependant que la criminalité transfrontière ne recouvre aujourd'hui que marginalement les actes terroristes, même si les ramifications de certaines affaires intervenues dans un pays donné peuvent être observées dans plusieurs pays membres. À cet égard, l'activité d'Eurojust témoigne aujourd'hui de la faible place des affaires à caractère terroriste traitées de manière conjointe par les États-membres.


* 14 Voir article 83 du TFUE.

* 15 Dans deux rapports, COM(2004) 409 du 8 juin 2004 et COM (2007) 681 du 6 novembre 2007, la Commission européenne relève que la transposition est parfois incomplète.

* 16 Dans son rapport COM 2014 (554), du 5 septembre 2014, la Commission européenne relève que la transposition est également variable selon les États, même si la majeure partie des États membres « respecte largement la décision cadre de 2008 ».

* 17 Le comité sur les combattants étrangers s'est réuni pour la première fois du 23 au 26 février 2015.

* 18 Allocution consultable à l'adresse suivante : http://www.coe.int/fr/web/human-rights-rule-of-law/speeches-pb-2015-02-23

* 19 « Le Protocole additionnel à la Convention sur la prévention du terrorisme que vous allez préparer vise à combler une lacune importante dans l'arsenal législatif existant en introduisant l'aspect « demandeur » du recrutement et de l'entraînement : le fait de chercher à joindre une association ou un groupe terroriste ou de chercher à être entraîné pour commettre des actes de terrorisme. »

* 20 Voir supra.

* 21 Votre commission avait souhaité dans une résolution n° 401 (2008-2009) rapportée par notre collègue Yves Détraigne, que plusieurs précisions soient apportées à ce texte. La résolution est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l08-401/l08-4010.html.

* 22 Directive « E6014 ». Référence communautaire : COM(2011) 0032 final du 2 février 2011.

* 23 Cf. rapport précité n° 401 (2008-2009), p. 24-25.

* 24 Résolution n° 78 (2014-2015), devenue résolution du Sénat le 15 mars 2015. Cette résolution consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr14-281.html

* 25 Article 77 § 2 TFUE, reprenant les dispositions de l'article 62 du TCE.

* 26 Rapport n° 32 (2013-2014) de notre collègue Sophie Joissains sur la proposition de résolution européenne sur la création d'un Parquet européen : http://www.senat.fr/leg/ppr13-032.pdf

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