EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 septembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. François Marc, rapporteur, et élaboration du texte de la commission sur le projet de loi n° 552 (2014-2015) autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union européenne.

M. François Marc , rapporteur . - Le projet de loi qui nous est soumis autorise l'approbation de la décision du Conseil de l'Union européenne du 26 mai 2014, relative au système des ressources propres de l'Union. Conformément à la procédure prévue par l'article 53 de la Constitution, une autorisation législative est requise avant la ratification ou la conclusion de la plupart des traités et accords internationaux, notamment ceux comportant des dispositions qui engagent les finances de l'État, comme cette décision sur les ressources propres (DRP).

Bien qu'ayant vocation à se substituer à la décision du Conseil du 7 juin 2007 actuellement en vigueur, cette nouvelle DRP est applicable depuis le 1 er janvier 2014, quelle que soit la date effective de son entrée en vigueur. Ses effets seront donc rétroactifs. Septième décision de ce type depuis 1970, elle fait suite à l'accord sur les perspectives financières 2014-2020 lors du Conseil européen des 7 et 8 février 2013. Le volet relatif aux recettes du cadre financier pluriannuel est donc régi par la DRP dont ce projet de loi autorise l'approbation. Un autre volet relatif, lui, aux dépenses, a été fixé par un règlement du Conseil du 2 décembre 2013. Celui-ci a par exemple arrêté, pour la période 2014-2020, les plafonds annuels de dépenses et leur composition par catégorie de dépenses, ce qu'on appelle rubrique dans l'Union européenne.

Reposant sur un principe d'équilibre entre recettes et dépenses, le budget de l'Union européenne est encadré par les règles fixées par ces deux types de textes. La DRP organise le système de financement de l'Union européenne sans préjuger du niveau des dépenses ou de leur répartition. Il s'agit en somme d'une tuyauterie et non d'une autorisation de dépenses.

Cependant, pour chacune des années couvertes par le cadre financier pluriannuel, le total des crédits ouverts en dépense ne peut conduire à un taux d'appel des ressources propres supérieur à un plafond donné. Il est de 1,23 % du revenu national brut (RNB) des États membres en crédits de paiement (CP). Dans la limite de ces plafonds annuels globaux, le financement de l'Union européenne par ses ressources propres s'ajuste au niveau des dépenses votées chaque année. Pour mémoire, les perspectives financières 2014-2020 représentent 1 082,55 milliards d'euros en crédits d'engagement (CE) et 1 023,95 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 11 % par rapport à la programmation 2007-2013. Il s'agit en définitive d'un budget annuel moyen de l'Union d'environ 150 milliards d'euros sur la période 2014-2020.

Le système des ressources propres actuellement en vigueur se compose des ressources propres traditionnelles (RPT) telles que les droits de douanes, les prélèvements agricoles et les cotisations sucre, représentant 12 % du budget de l'Union européenne ; de la ressource TVA, perçue par application d'un taux d'appel de 0,3 % sur une assiette nationale écrêtée, représentant 13 % du budget total ; de la ressource RNB, calculée annuellement pour équilibrer le budget, par application d'un taux d'environ 0,75 % du RNB de chaque État, qui constitue 74 % du total du budget.

Le calcul des contributions nationales se fait en appliquant une correction à la contribution britannique. Ce « chèque » ou « rabais » consiste à rembourser au Royaume-Uni les deux tiers de la différence entre leur participation au budget communautaire et les retours qu'ils perçoivent. D'autres États fortement contributeurs, tels que l'Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et l'Autriche, jouissent d'un rabais sur le rabais : leur participation au financement du chèque britannique est écrêtée de 75 %. Ils ne payent donc que 25 % du montant qu'ils devraient théoriquement acquitter. D'autres corrections sont appliquées. Ces quatre États bénéficient aussi de taux d'appel de TVA allégés : l'Autriche de 0,225 %, l'Allemagne de 0,15 %, les Pays-Bas et la Suède de 0,10 %. En outre, une réduction forfaitaire des contributions RNB profite aux Pays-Bas à hauteur de 605 millions d'euros par an et à la Suède, pour 150 millions d'euros.

Toutes ces corrections, qui sont autant de manques à gagner pour le budget européen, sont financées par la ressource RNB, ressource d'équilibre et, par conséquent, par l'ensemble des autres États membres, au prorata de leur part relative dans le RNB de l'Union européenne. La France est le deuxième pays contributeur au budget communautaire avec environ 17 % du total, soit 20,74 milliards d'euros prévus par la loi de finances initiale pour 2015, derrière l'Allemagne. Elle est également contributeur net, au sens où notre contribution au budget communautaire est supérieure aux dépenses du budget européen sur notre sol. Ce solde net négatif s'élevait à 9,4 milliards d'euros en 2013. Il n'a cessé de se détériorer et a été multiplié par près de vingt-quatre depuis 1999.

Alors que change la nouvelle DRP dans ce contexte ? J'indique tout d'abord que le cadre financier pluriannuel 2014-2020 constitue une occasion de réforme ratée : nous aurions pu, ou dû, supprimer les rabais comme le demandait la France, et comme l'avait proposé la Commission européenne dans son premier projet de DRP du 29 juin 2011. Ensuite, la nouvelle DRP maintient l'essentiel du système en vigueur, voire aggrave ses défauts. En effet, le Danemark bénéficiera d'un nouveau rabais forfaitaire sur sa contribution RNB à hauteur de 130 millions d'euros par an ; les rabais forfaitaires sur la contribution RNB accordés à la Suède et aux Pays-Bas sont augmentés - ils s'élèveront à 695 millions d'euros et 185 millions d'euros par an ; l'Autriche a obtenu un nouveau rabais temporaire dégressif pour sa ressource RNB ; les taux d'appel réduits de TVA des Pays-Bas et de la Suède sont alignés sur celui de l'Allemagne, soit une augmentation de 0,10 % à 0,15 %, les rapprochant du taux d'appel normal, fixé à 0,30 % - c'est pourquoi ils ont obtenu en échange une hausse de leurs rabais forfaitaires sur la ressource RNB. Enfin, le chèque déguisé en faveur des gros importateurs et en particulier des Pays-Bas, qui concerne les frais de perception au titre RPT et, notamment, des droits de douane, est maintenu, bien que réduit. Ils vont en effet passer de 25 % à 20 %, alors que ces frais réels sont de l'ordre de 2 % seulement du produit fiscal.

La France devra donc contribuer davantage au financement des différents rabais suite à ce compromis qui résulte d'un processus de négociations entamé en 2011 et qui a abouti au Conseil européen des 7 et 8 février 2013 puis à la décision du Conseil du 26 mai 2014. Sur la période 2014-2020, la contribution de la France au budget de l'Union européenne devrait s'élever à environ 153,3 milliards d'euros, soit 21,9 milliards d'euros en moyenne par an. L'évolution des contributions des États membres au budget de l'Union Européenne entre 2014 et 2020 résulte surtout de la croissance du budget communautaire, la nouvelle DRP affectant surtout les modalités de calcul des contributions. Il n'en reste pas moins que notre statut de contributeur net s'accentuera probablement encore, au-delà de 9,4 milliards d'euros.

La nouvelle DRP devant entrer en vigueur le 1 er janvier 2016, cette même année, notre contribution augmentera de manière plus marquée en raison d'une application rétroactive des corrections et rabais sur les années 2014 et 2015. Selon la loi de programmation des finances publiques, notre contribution devrait être de 22,8 milliards d'euros l'année prochaine. Mais selon les informations transmises par la direction du budget, il devrait plutôt s'agir de 21,7 milliards d'euros, suite à la révision récente par la Commission européenne des hypothèses macroéconomiques fondant le calcul des contributions nationales.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter ce projet de loi, en dépit des défauts de la nouvelle DRP. La construction européenne passe par des compromis toujours imparfaits.

Je déplore bien évidemment que nous nous soyons éloignés des traités fondateurs qui prévoyaient d'abonder le budget européen par le biais de ressources propres et non par des contributions prélevées sur les budgets nationaux des États membres. Le système actuel de financement de l'Union européenne restera, de plus, dénaturé par la multiplicité des rabais et corrections. La France et l'Italie seront d'ici 2020 les seuls contributeurs nets à ne pas bénéficier d'un rabais spécifique. Il faut maintenant poursuivre la réflexion sur la réforme du système des ressources propres à l'horizon 2020. C'est tout l'enjeu du groupe à haut niveau, constitué l'année dernière et présidé par Mario Monti, qui a pour objectif de procéder à un réexamen du système des ressources propres en vue de le rendre plus simple, plus transparent et plus responsable. Le rapport que rendra ce groupe en 2016 fera l'objet d'une grande attention.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le point essentiel est l'absence de ressources propres de l'Union européenne. Le Conseil européen a évoqué comme ressource propre la taxe sur les transactions financières, que le président de la République a récemment indiqué souhaiter attribuer à la lutte contre le changement climatique. Qu'en est-il ?

Par ailleurs, nous présenterons demain les conclusions du groupe de travail sur la fiscalité du e-commerce. En matière de recouvrement de TVA, les douanes ne sont compétentes qu'à l'importation, ce qui exclut les produits importés de l'Union européenne. Cette quote-part de 0,3 % ne donne-elle pas, ipso facto , la compétence aux douanes ? Un meilleur recouvrement sur le commerce électronique n'assurerait-il pas une ressource supplémentaire ?

M. François Marc , rapporteur . - Le Conseil européen de février 2013 avait déclaré que la taxe sur les transactions financières pouvait représenter une ressource propre pour l'Union européenne. Depuis, le président de la République a souhaité en dédier tout ou partie à la lutte contre le changement climatique. Pour l'instant, le groupe Monti, qui travaille sur ce sujet, n'a pas rendu d'arbitrage. La France a envoyé un mémorandum à la Commission européenne l'été dernier : elle y a sans doute émis cette suggestion. La question devrait être arbitrée en 2016 par ce groupe à haut niveau composé de trois membres du Parlement européen, trois de la Commission européenne et trois du Conseil.

Le rôle accentué des douanes sur la TVA n'est, à ma connaissance, pas un thème de réflexion du groupe Monti, mais cela représenterait indéniablement des ressources significatives puisque la fraude à la TVA, ou son contournement dans l'Union européenne, représente 150 milliards d'euros, soit le budget annuel de l'Union. Nous pouvons inciter le groupe Monti à examiner ce sujet.

M. Richard Yung . - La procédure est curieuse. Vous nous demandez d'approuver une méthodologie applicable depuis le 1 er janvier 2014. Que se passe-t-il si nous votons non ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ce serait un moyen de savoir si nous servons à quelque chose...

M. Richard Yung . - Vous nous dites, de plus, que le résultat n'est pas extraordinaire pour la France. Notre contribution augmente quand beaucoup d'autres pays négocient rabais et ristournes. Pas la France, ce grand pays généreux. Cela laisse un sentiment d'inachevé, d'autant qu'il est rare que les groupes de haut niveau aboutissent.

L'Union européenne manque de ressources propres. La taxe sur les transactions financières est évoquée depuis plusieurs années, mais son assiette se réduit progressivement. Les Anglais y sont tout à fait opposés. Les banquiers expliquent déjà que tout le monde partira à Londres si elle est appliquée, ce sera problématique. Les discussions aboutiront sans doute à une contribution peu significative au budget. La vraie source de revenus est la lutte contre la fraude à la TVA, qui représente 150 milliards d'euros dont 15 milliards pour la France. Cette fraude est souvent intracommunautaire, en raison des mécanismes de carrousel. La TVA doit être payée par le consommateur final, mais on ne sait pas toujours de qui il s'agit. Voilà le vrai gisement.

M. Maurice Vincent . - Je m'associe aux interrogations de mes collègues sur la taxe sur les transactions financières. Sa mise en place rapide devient un problème de crédibilité. L'évolution de la contribution nette de la France me semble importante. Elle a fortement augmenté. Pourquoi ? S'agit-il de la baisse de notre part dans les fonds structurels ?

M. François Patriat . - Quelle est la part des frais de fonctionnement de l'Union européenne dans le budget ? Sur quels critères l'absence de ristourne pour la France, contrairement à d'autres pays, est-elle fondée ? Pouvez-vous me confirmer le montant de la contribution française ? Les Anglais s'interrogent sur leur participation à l'Union européenne. S'ils refusent la taxe sur les transactions financières et veulent leur chèque, a-t-on intérêt à les retenir ?

M. Marc Laménie . - Les dépenses de l'administration progressent significativement. Quel est leur poids ? Que signifie une croissance « intelligente et inclusive » ?

M. Éric Bocquet . - La contribution de la France est de 20,74 milliards d'euros pour 2015 et sera de 22,8 milliards pour 2016, soit une hausse de 10 %. En va-t-il de même pour les autres États membres ? Quels critères prend-elle en compte ? Je suis convaincu que la taxe sur les transactions financières est un vivier important de ressources, mais il faudrait savoir où nous en sommes et avancer. Quelles dispositions Monsieur Hill, le commissaire britannique aux marchés financiers, a-t-il prises ? Quelles sont les initiatives du Gouvernement français pour en finir avec ce serpent de mer ?

M. Jean-Claude Requier . - Vous avez parlé d'un prélèvement de TVA de 0,3 %. Or j'étais persuadé que c'était 3 %, comme la fraction que l'on garde sur le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour l'Union européenne. Faut-il supprimer les rabais ? On pourrait nous rétorquer que nous devons supprimer les niches fiscales. La France et l'Italie n'ont pas de rabais spécifique. On considère souvent que la vertu est dans le nord de l'Europe. En l'espèce, la France et l'Italie sont vertueuses.

M. François Marc , rapporteur . - Je précise que la nouvelle DRP n'est pas en vigueur à ce jour. Elle le sera le 1 er janvier 2016, mais applicable rétroactivement depuis le 1 er janvier 2014, ce qui nécessitera des ajustements. Sa mise en place et sa rétroactivité gonflent en 2016 les contributions au rabais, ce qui explique ce renchérissement de 10 % de notre contribution. Le niveau de cette dernière se stabilisera ensuite.

D'autres États membres sont-ils plus intelligents que nous pour obtenir des rabais ? En échange des rabais, les négociateurs français s'efforcent depuis des années de préserver les programmes dont nous tirons parti, comme la politique agricole commune (PAC). Il faut mesurer les ajustements successifs à cette aune. Il est vrai que les dernières négociations ont laissé un goût amer. La Commission européenne avait annoncé en 2011 sa volonté de supprimer les rabais, qui ont finalement été accrus. Je suis plus optimiste que Richard Yung sur le groupe à haut niveau. Mario Monti peut rendre une copie ambitieuse.

M. Richard Yung . - S'il est tout seul...

M. François Marc , rapporteur . - Je ne sais ce qui sortira du chapeau pour la taxe sur les transactions financières. Les volontés exprimées, ambitieuses, se réduisent comme peau de chagrin au fil des discussions. Selon moi, la TVA, chantier important, constitue la meilleure piste.

En 1999, la contribution nette de la France était de 400 millions d'euros ; elle est aujourd'hui de près de 10 milliards d'euros. L'augmentation du budget européen et l'entrée de pays faiblement contributeurs et bénéficiaires nets ont conduit à solliciter davantage les pays à fort RNB. Cet écart n'est pas tant dû à une baisse des retombées du budget communautaire sur notre sol qu'à un accroissement de la galette européenne.

Les frais de fonctionnement sont de l'ordre de 10 milliards d'euros, sur un budget annuel de 150 milliards d'euros. 40 % vont à la Commission et 25 % au Parlement européen.

Jean-Claude Requier a raison d'évoquer le FCTVA : en effet, pour tenir compte de la baisse de la part de la contribution française au budget communautaire, assise sur la ressource TVA, l'article 24 de loi de finances pour 2015 a diminué le taux de réfaction du FCTVA de 0,905 à 0,262 point.

Marc Laménie m'a interrogé sur le concept défendu par la Commission européenne de croissance « intelligente et inclusive ». Intelligente car elle vise à intégrer les nouvelles technologies. Et inclusive car elle cherche à renforcer la solidarité au sein de l'Union européenne et faire en sorte que les 500 millions d'Européens profitent de la croissance.

Mme Michèle André , présidente . - Ces deux projets de loi seront examinés en séance publique lundi 28 septembre à partir de 14 h 30.

À l'issue de ce débat, la commission a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union européenne.

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