B. LA NÉCESSAIRE CONCILIATION ENTRE APPROCHE JURIDIQUE ET APPROCHE ÉCONOMIQUE DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Compte tenu de la matière, le droit des entreprises en difficulté se doit de concilier approche juridique et approche économique. Votre rapporteur estime, néanmoins, que les exigences juridiques ne doivent pas être sacrifiées au profit des impératifs économiques.

Ainsi, les exigences sont parfois contradictoires entre la poursuite de l'entreprise, le maintien de l'emploi, les contraintes procédurales et les droits des créanciers, et la continuité de l'activité, parfois dictée par des enjeux en termes d'emploi, n'est pas toujours la meilleure solution. La procédure doit permettre au tribunal d'appréhender correctement les situations concrètes et d'y apporter la solution la plus pertinente, économiquement et juridiquement.

Le droit des entreprises en difficulté doit mieux prendre en compte les nécessités liées à la rapidité, à l'efficacité et à la réactivité de la justice, car la vie des affaires comme la situation des salariés et des fournisseurs l'imposent, sans pour autant abandonner l'exigence de sécurité juridique et, en particulier, la protection des droits des créanciers, auxquels le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle 17 ( * ) .

Pour autant, même s'il juge nécessaire de faire évoluer le droit des entreprises en difficulté en fonction de l'évolution des réalités économiques, votre rapporteur considère que ses modifications récentes sont trop souvent dictées par des considérations de nature uniquement économique, c'est-à-dire des cas particuliers, sans prise en compte des équilibres procéduraux, ainsi que l'illustrent certaines dispositions figurant dans la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Ainsi, la nécessaire conciliation entre ceux deux approches se traduit aussi dans le partage de responsabilité sur le droit des entreprises en difficulté entre le ministère de la justice et le ministère de l'économie.

Entendus en audition, les représentants du ministère de l'économie, qui assure en outre le secrétariat du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) 18 ( * ) , ont évoqué l'adaptation du droit français des entreprises en difficulté pour tenir compte, d'une part, des législations étrangères, lesquelles accordent souvent plus de pouvoir aux créanciers dans les procédures, et, d'autre part, de la présence croissante de créanciers étrangers dans les gros dossiers française. La réforme est perçue comme l'occasion de compléter la « boîte à outils » du livre VI du code de commerce, en fonction des besoins concrets apparus lors du suivi de certains dossiers par le CIRI, et de donner confiance aux investisseurs étrangers dans les sociétés françaises, en cas de survenance de difficultés. Face aux actionnaires parfois réticents à un plan de redressement, pouvant comporter l'entrée au capital de nouveaux actionnaires, alors que la société n'a plus de valeur lors de l'entrée dans la procédure, les créanciers sont présentés comme représentant le pouvoir économique dans la procédure, capables de redonner de la valeur à la société en contribuant au plan de redressement.


* 17 Voir notamment la décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010 sur la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

* 18 La mission du CIRI est d'aider les entreprises en difficultés à élaborer et mettre en oeuvre des solutions pour surmonter leurs difficultés et assurer leur continuité. Il est compétent pour les entreprises de plus de 400 salariés. Les autres entreprises relèvent des comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), placés sous l'autorité du préfet.

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