CHAPITRE III - SIMPLIFIER LA TRANSMISSION DES PROCÈS-VERBAUX EN MATIÈRE PÉNALE

Article 14 (art. 19 du code de procédure pénale) - Dématérialisation des actes de procédure pénale effectués par les officiers de police judiciaire

En vertu de l'article 19 du code de procédure pénale, les originaux des actes de procédure pénale établis par les officiers de police judiciaire sont transmis au procureur de la République dès la clôture des opérations. Ces mêmes officiers sont également tenus d'adresser une copie certifiée conforme des procès-verbaux qu'ils dressent.

Afin de réduire les délais de transmission de ces pièces et d'accélérer le déroulement des procédures pénales, la modification proposée par l'article 14 donne au procureur de la République la faculté d'autoriser que les procès-verbaux dématérialisés soient transmis, ainsi que leur copie, sous la forme d'un document numérique, le cas échéant par un moyen de télécommunication. La certification conforme des documents numérisés n'étant cependant pas envisageable à l'heure actuelle, l'article 14 supprime par ailleurs cette exigence.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a, par l' amendement COM-40 , remplacé le terme de « télécommunication » par celui de « communications électroniques », plus adapté au vocabulaire désormais utilisé dans les textes juridiques.

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS AMÉLIORANT LA RÉPRESSION DE CERTAINES INFRACTIONS ROUTIÈRES

Article 15 (art. L. 130-9, L. 221-2, L. 324-2 du code de la route, art. 45, 230-6, 523, 529-2, 529-7, 529-10 du code de procédure pénale et art. L. 211-27 du code des assurances) - Contraventionnalisation de certains délits routiers

Aux fins d'amélioration de la répression de certaines infractions routières et dans le but d'alléger les tâches des juridictions concernées, l'article 15 du projet de loi propose de transformer en contravention de la cinquième classe relevant du mécanisme de l'amende forfaitaire les délits de défaut de permis de conduire et de défaut d'assurance, lorsque ces faits seront constatés la première fois et sauf dans certaines circonstances.

L'infraction demeurerait délictuelle dans les cas suivants :

- la répétition de l'infraction dans un délai de cinq ans ;

- la conduite sans permis d'un véhicule de transport de personnes ou de marchandises ;

- la commission concomitante d'une contravention de la cinquième classe ou d'un délit prévu en matière de respect des vitesses maximales autorisées (excès de vitesse supérieur à 50 kilomètres/heure) ;

- le fait d'avoir déjà été condamné pour homicide ou blessures involontaires par conducteur.

En outre, le fait de conduire sans permis malgré son invalidation du fait de la perte de l'ensemble des points (L. 223-5 du code de la route) ou malgré une décision de suspension ou d'annulation émanant de l'autorité administrative ou judiciaire (L. 224-16 du code de la route) n'est pas concerné par la réforme proposée par l'article 15. Ces deux infractions demeureraient donc des délits.

• Les modes actuels de répression des faits de conduite sans permis ou sans assurance

En application de l'article L. 221-2 du code de la route, le fait de conduire un véhicule sans être titulaire du permis de conduire est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. La personne reconnue coupable d'un tel délit est au surplus passible de certaines peines complémentaires 88 ( * ) , au nombre desquelles la confiscation du véhicule, le paiement de jours-amende ou l'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière. L'infraction de défaut d'assurance, définie à l'article L. 324-2 du code de la route est pour sa part passible d'une amende de 3 750 euros, la personne condamnée s'exposant également à des peines complémentaires. De nature délictuelle, ces infractions relèvent actuellement de la compétence du tribunal correctionnel.

D'après les statistiques fournies pour l'année 2011 par la chancellerie dans l'étude d'impact du projet de loi, sur les 33 648 condamnations prononcées pour défaut de permis de conduire, entre 16 400 et 18 800 concernent une infraction unique qui pourrait faire l'objet d'une contraventionnalisation. Or, seul un quart de ces condamnations est prononcé par le tribunal dans le cadre d'une audience correctionnelle, la majorité de la répression s'effectuant sous la forme d'une ordonnance pénale 89 ( * ) (entre 50 et 60 %), environ 10 % d'une composition pénale 90 ( * ) et moins de 10 % en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) 91 ( * ) .

Le tableau ci-dessous, qui porte sur les statistiques de l'année 2013, montre que, pour ces délits, le montant moyen des amendes et la durée moyenne de traitement des procédures 92 ( * ) diffèrent assez substantiellement en fonction du mode de répression retenu.

Défaut de permis de conduire

Mode de répression

Montant moyen de l'amende

Délai moyen de traitement

Composition pénale

289 euros

4,1 mois

Ordonnance pénale

414 euros

6,3 mois

CRPC

368 euros

5,2 mois

Audience correctionnelle

469 euros

9,9 mois

Par ailleurs, les montants moyens des amendes prononcées se caractérisent par des écarts substantiels selon les juridictions, le montant minimal s'établissant à 150 euros et à 1 071 euros pour le plus fort.

S'agissant du défaut d'assurance, au regard des 30 224 condamnations prononcées en 2011, entre 20 000 et 23 000 infractions seraient susceptibles de faire l'objet de la contraventionnalisation. La répression de cette infraction, traitée dans plus de 70 % des cas par ordonnance pénale et dans seulement 15 % par audience correctionnelle 93 ( * ) , se caractérise également par une grande disparité.

Défaut d'assurance

Mode de répression

Montant moyen de l'amende

Délai moyen de traitement

Composition pénale

203 euros

4,9 mois

Ordonnance pénale

308 euros

7,9 mois

CRPC

295 euros

6,3 mois

Audience correctionnelle

358 euros

14,2 mois

L'amende minimale prononcée par les juridictions s'établit à 178 euros et l'amende maximale à 701 euros.

• Une répression peu satisfaisante de ces infractions

Ces éléments statistiques montrent que la répression de ces infractions présente certaines carences. Outre que les sanctions prononcées révèlent une certaine forme d'inégalité de traitement sur le territoire - pour une infraction qui devrait pourtant faire l'objet d'une réponse pénale uniforme -, la répression apparaît tardive par rapport à la date de commission des faits (10 ou 14 mois en cas de passage en audience correctionnelle).

Comme le soulignent les tableaux ci-dessus, seule une faible part de ces infractions fait l'objet d'une réponse pénale sous la forme d'une audience correctionnelle, lesquelles audiences correctionnelles aboutissent bien souvent à une peine d'amende, moins de 10 % aboutissant à une peine d'emprisonnement 94 ( * ) . En outre, selon les informations qui ont été fournies à votre rapporteur au cours de ses auditions, le taux effectif de recouvrement des amendes actuellement prononcées est très faible puisqu'il s'élève seulement à environ 30 %. De ce point de vue, la procédure de l'ordonnance pénale, qui concerne la majorité des sanctions prononcées, ne présente pas toutes les garanties d'efficacité puisque l'ordonnance du président du tribunal correctionnel doit être notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Or, si la lettre n'est pas retirée par son destinataire, la décision n'est pas définitive et reste susceptible d'opposition, obligeant ainsi à l'audiencement de l'affaire devant le tribunal correctionnel. Enfin, la longueur des procédures donne à la sanction un caractère peu lisible pour les auteurs de ces infractions.

• Simplifier les circuits de traitement et améliorer l'efficacité des sanctions

En proposant de supprimer le caractère délictuel de ces infractions, l'article 15 transforme le défaut de permis ou d'assurance en une contravention de la cinquième classe assujettie à la procédure de l'amende forfaitaire. Ces infractions seraient constatées par procès-verbal électronique, leurs auteurs étant tenus de s'acquitter, sauf en cas de contestation des faits, d'une amende forfaitaire de 500 euros, minorée à 400 euros en cas de paiement dans les quinze jours ou majorée, en cas de défaut de paiement dans les 45 jours, à 750 euros, faisant l'objet d'un titre exécutoire émis par l'officier du ministère public et pouvant être recouvré de force par le Trésor public. Comme en matière de contrôle des sanctions automatisées, la contestation de l'amende forfaitaire ne sera recevable que sous condition de consignation afin d'éviter les recours abusifs.

Le traitement de ces amendes relèverait ainsi désormais de la compétence de l'Agence nationale de traitement des infractions et du Centre national de traitement (CNT) de Rennes, actuellement compétents pour les contrôles radars automatiques. En cas de contestation, l'officier du ministère public du CNT transmettra le dossier à celui du tribunal de police territorialement compétent pour l'examiner et engager, le cas échéant, des poursuites s'il juge la contestation non fondée.

De telles modifications visent à accroître l'efficacité de la répression en portant les amendes à des montants égaux ou supérieurs à ceux actuellement constatés, en les uniformisant sur le territoire national et en portant le taux de recouvrement à 75-80 % 95 ( * ) . Les délais de traitement seraient, pour leur part, plus rapides. Par ailleurs, d'après les estimations du ministère de la justice, l'allégement de la charge de travail qui en résulterait pour les tribunaux correctionnels devrait permettre de redéployer entre 8 et 10 emplois de magistrats et entre 23 et 27 emplois de fonctionnaires 96 ( * ) .

• Un contexte peu propice à une telle réforme

Votre rapporteur relève cependant que l'annonce de cette réforme a fait l'objet de critiques dès sa présentation à l'issue de la délibération du projet de loi en conseil des ministres. Les associations de défense des intérêts des victimes d'infractions routières, la Ligue contre la violence routière, ainsi que les associations d'usagers ont ainsi dénoncé le caractère « laxiste », « incompréhensible », voire « irresponsable » de cette proposition, présentée au surplus dans le contexte des vacances estivales, alors même que les statistiques récentes faisaient apparaître un accroissement du nombre de personnes tuées dans des accidents de voitures.

La garde des sceaux, qui déclarait dès le 31 juillet dernier « si l'acceptabilité sociale n'est pas établie, nous en tirerons tous les enseignements », a ainsi organisé une réunion avec l'ensemble des associations de victimes de la route le 24 septembre dernier, au terme de laquelle elle a annoncé que le Gouvernement déposerait un amendement de suppression de l'article 15.

Tout en prenant acte de cette décision, votre rapporteur constate également que cette réforme ne fait pas l'objet d'une acceptabilité sociale pour des raisons essentiellement symboliques et psychologiques, au regard d'une conjoncture particulièrement défavorable en matière de mortalité routière. Il appartient en conséquence aux pouvoirs publics de poursuivre un travail de pédagogie sur ce sujet.

Au cours de l'examen du présent rapport, votre commission a eu un débat approfondi sur cette question, au cours duquel se sont exprimés des avis contrastés, certains de ses membres souhaitant la suppression de cet article, d'autres plaidant pour que ces dispositions demeurent dans le texte élaboré par la commission afin que le débat puisse avoir lieu en séance publique.

À l'issue de ce débat, votre commission, après avoir écarté deux amendements de suppression de l'article 15, a adopté, à ce stade de la procédure, l' amendement COM-41 de coordination présenté par son rapporteur. Elle a en effet estimé que l'importance de cette question justifiait que le débat ait lieu en séance publique et que la ministre de la justice puisse ainsi présenter un amendement de suppression, conformément à l'engagement pris devant les associations de victimes de la route.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .


* 88 Énumérées au II du même article.

* 89 Procédure définie aux articles 495 à 495-6 du code de procédure pénale.

* 90 Articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale.

* 91 Articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale.

* 92 Délai entre la commission des faits et la décision.

* 93 Les 15 % restants se répartissant entre composition pénale et CRPC.

* 94 La peine d'emprisonnement étant, dans la plupart des cas, vraisemblablement prononcée en cas d'infractions multiples.

* 95 Taux de recouvrement habituellement constaté pour les amendes forfaitaires faisant l'objet d'un traitement automatisé.

* 96 Emplois appréciés en équivalents temps plein.

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