TROISIÈME PARTIE : LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » (PITE) (RAPPORTEUR SPÉCIAL : BERNARD DELCROS)

1. Un programme comportant d'importantes spécificités

Le programme 162, « Interventions territoriales de l'État », ou PITE, se singularise par les politiques publiques qu'il supporte. En effet, il rassemble des actions de portée régionale correspondant à des plans interministériels . Ces actions sont indépendantes les unes à l'égard des autres, bien qu'elles puissent avoir en partage des problématiques similaires.

Par rapport au « droit commun » des programmes du budget général de l'État notamment l'article 7 de la LOLF, qui définit un programme comme regroupant « les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère » , le PITE se singularise sur quatre points :

- l'élaboration du programme est déconcentrée et interministérielle, à l' initiative des préfets de région ;

- la responsabilité du programme relève du Premier ministre au plan politique, mais sa gestion a été confiée au ministère chargé de l'intérieur , au titre de « tête » du réseau préfectoral, la responsabilité administrative de cette gestion étant confiée au secrétaire général de ce ministère. En outre, la supervision de chaque action inscrite dans le programme relève d'un ministre dit « référent » , responsable de la politique publique à laquelle se rapportent les objectifs de cette action ;

- les ressources du programme proviennent d'autres programmes du budget général. Les crédits affectés à chaque action retracée par le PITE sont en effet retranchés de programmes où, en l'absence d'inscription de l'action au PITE, ils auraient eu vocation à figurer. Ces contributions sont fongibles au sein de chaque action (à chaque action correspond un BOP). En outre, les crédits du PITE, depuis 2007, ont été rendus fongibles entre les actions du programme . Toutefois, les ministères contributeurs ont droit à un suivi précis de leur contribution ; si un ministère est associé à la fongibilité, il peut prétendre à un certain « retour ». La fongibilité se traduit donc par un mécanisme générateur de nouveaux engagements réciproques futurs ;

- enfin, les dépenses de personnel ne sont pas retracées par le programme, à la différence du PICPAT.

Les actions composant initialement le PITE y avaient été inscrites pour une période limitée à trois années (2006 à 2008), mais cette inscription était reconductible. De fait, la loi de finances pour 2009 a maintenu l'existence du PITE, en reconduisant trois des sept actions qu'il comptait en 2008 20 ( * ) et en y introduisant une nouvelle . De sorte que le programme se compose aujourd'hui des quatre actions suivantes, dont la numérotation constitue un « héritage » de l'organisation initiale :

- l'action 2, « Eau Agriculture en Bretagne », rend compte du financement de la reconquête de la qualité des eaux de cette région, consistant notamment à inciter les agriculteurs à adapter leurs exploitations et leurs modes de production pour limiter les atteintes à l'environnement et à mesurer l'évolution de la situation environnementale. Depuis 2011, le plan de lutte contre les algues vertes fait également partie de cette action ;

- l'action 4, « Programme exceptionnel d'investissements ( PEI ) en faveur de la Corse », retrace le financement du développement économique de l'île par une remise à niveau des équipements publics structurants, infrastructures de base et services collectifs, et par la mise en valeur de l'espace régional. Après une première et une deuxième convention d'application visant les périodes 2003-2006 et 2007-2013, le PEI, prévu pour une durée totale de quinze ans, est actuellement régi par une troisième convention, signée le 4 juin 2013, visant la période 2014-2016 ;

- l'action 6, « Plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes », rassemble les crédits de mise en oeuvre du plan pour le marais poitevin adopté en juin 2002. Ce plan vise notamment à restaurer le caractère de zone humide du territoire concerné, conformément à la directive « Natura 2000 », à y accueillir les touristes dans le respect de l'environnement et à reconquérir, pour cette région, le label de « parc naturel régional » ;

- l'action 8, « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe », introduite dans le PITE par la loi de finances pour 2009, retrace les crédits du « plan d'action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe » mis en place en 2008. Le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé, en Martinique et en Guadeloupe, pour lutter contre le charançon du bananier ; substance très stable, il persiste dans les sols et peut contaminer certaines denrées végétales ou animales, ainsi que les eaux de certains captages. Le plan vise à renforcer la surveillance de la santé de la population et la connaissance des problèmes cliniques et environnementaux, réduire l'exposition de la population, proposer des mesures d'accompagnement en agriculture et améliorer la surveillance des sols et des produits des jardins « familiaux ».

Bien que le pilotage du PITE soit assuré par le ministère chargé de l'intérieur, il convient de préciser que les actions reposent sur différents ministres « référents » , qui sont :

- le ministre chargé de l'agriculture pour l'action 2 « Eau Agriculture en Bretagne » et l'action 6 « Plan gouvernemental sur le marais poitevin Poitou-Charentes » ;

- le ministre chargé de l'intérieur pour l'action 4 « PEI en faveur de la Corse » ;

- la ministre chargée de la santé pour l'action 8 « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ».

2. Un dispositif de suivi de la performance instable mais légèrement amélioré en 2016

Depuis sa création en 2006, le PITE repose sur un dispositif de mesure de ses performances instable et insuffisant . D'une part, une telle situation ne favorise pas la comparaison des résultats d'un exercice à l'autre, d'autre part, le suivi de la performance n'est pas satisfaisant dans la mesure où aucune des actions du programme ne se réduisant à une dimension unique, chacune, logiquement, devrait se trouver encadrée par plusieurs objectifs et, a fortiori , par plusieurs indicateurs.

Or, d'une manière générale et malgré les améliorations apportées en 2013 21 ( * ) , les objectifs définis sont incomplets et les indicateurs restent lacunaires par rapport au champ couvert par les actions du programme. Votre rapporteur spécial regrette que de tels défauts aient été accentués en 2015 puisqu'un des deux indicateurs relatifs à l'action 2 « Eau et agriculture en Bretagne » a été supprimé 22 ( * ) , en raison de la politique globale de réduction du nombre d'indicateurs de performance. En 2016, une seule modification des indicateurs de performance aura lieu. Elle concerne l'action 4 « PEI en faveur de la Corse ». Ainsi, l'indicateur 2.1 « Pourcentage de stations d'épuration aux normes en équivalent habitant » sera remplacé par l'indicateur « Qualité des équipements structurants de la Corse » 23 ( * ) .

À l'aune de ces évolutions, il reste pertinent de stabiliser le dispositif de suivi de la performance du PITE .

3. Des crédits en baisse ( 22 millions d'euros en AE et 26 millions d'euros en CP)

Pour 2016, les crédits demandés au titre du PITE s'élèvent à 22 millions d'euros en AE et à 26 millions d'euros en CP , soit une contraction de 25,4 % en AE et de 21,7 % en CP par rapport à 2015 24 ( * ) . Cependant, les quatre actions du programme sont reconduites.

De même, la répartition des crédits entre actions est stable : l'action 4 « PEI en faveur de la Corse » continue de représenter la part la plus importante du PITE, correspondant à plus de la moitié des moyens du programme, elle sera abondée, de plus, par des fonds de concours en provenance de l'AFITF, à hauteur de 25 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP ; l'action 2 « Eau Agriculture en Bretagne » concentre près du quart des crédits du programme (24 %), tandis que l' action 6 « Plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes » en rassemble 13 % et l' action 8 « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe » 9 %. Les plus fortes variations par rapport aux montants inscrits en loi de finances pour 2015 concernent les actions 2 et, surtout, 6 , comme le retrace le tableau ci-après.

Les crédits du PITE pour 2016

(en millions d'euros)

AE

LFI 2015

PLF 2016

Variation

Action 2 Eau en Bretagne

7 038 004

5 146 979

-26,9%

Action 4 Corse

16 039 563

13 416 050

-16,4%

Action 6 Marais poitevin

3 935 174

1 441 551

-63,4%

Action 8 Chlordécone

2 577 549

2 076 244

-19,4%

Total

29 590 290

22 080 824

-25,4%

CP

LFI 2015

PLF 2016

Variation

Action 2 Eau en Bretagne

8 103 416

4 960 792

-38,8%

Action 4 Corse

18 785 666

17 045 968

-9,3%

Action 6 Marais poitevin

3 622 133

1 823 939

-49,6%

Action 8 Chlordécone

2 582 651

2 075 989

-19,6%

Total

33 093 866

25 906 688

-21,7%

Source : projet de loi de finances pour 2016, avant son examen par l'Assemblée nationale

4. L'analyse par action confirme la reconduite du programme en 2016

En dépit de la baisse des crédits, le PITE maintient en 2016 les actions conduites précédemment.

L'action 2 « Eau Agriculture en Bretagne » a ainsi pour priorité le « plan de lutte contre les algues vertes » permettant de réduire les quantités d'azote et de phosphore apportées par l'activité agricole. Conçue pour être mise en oeuvre sur plusieurs années et grâce à plusieurs sources de financement 25 ( * ) , cette mesure concerne huit baies impactées par la prolifération des algues vertes (Concarneau, Douarnenez, Guisseny, Horn Guillec, Locquirec, Saint-Michel, Saint-Brieuc et la Fresnaye). Le plan a été rééchelonné ce qui expliquerait , selon le Gouvernement, la réduction de ses moyens en 2016.

Le même argument est utilisé s'agissant de l'action 4 « PEI en faveur de la Corse ». Comme l'indique le ministère de l'intérieur dans ses réponses au questionnaire budgétaire, « la baisse des crédits sur l'action est le résultat d'un nouvel étalement des dépenses qui ne remet cependant pas en question l'équilibre général du PEI et les objectifs fixés par l'État et la collectivité territoriale de Corse ».

Pour l'action 6 « Plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes », qui connaît la réduction la plus importante des dotations en AE comme en CP, respectivement de 63,4 % et 49,6 %, la justification est différente : depuis son démarrage en 2003, ce plan a atteint une part importante de ses objectifs et il requiert donc moins de moyens.

Enfin, pour l'action 8 « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe », votre rapporteur spécial relève que les opérations prévues dans le cadre du troisième plan 2014-2020 s'inscrivent dans la continuité des axes d'intervention retenus auparavant, suite à la mise en place du premier « plan chlordécone » sur la période 2008-2010. Ce troisième plan mis en oeuvre pleinement depuis cette année vise non seulement à « poursuivre les actions engagées pour protéger la population (recherche et surveillance des denrées) et à accompagner les professionnels fortement concernés », mais également à « créer les conditions d'un développement durable de la qualité de vie sur le plan économique, sanitaire, social et culturel ».


* 20 Suite à la réunion interministérielle du 5 août 2008, quatre actions ont été retirées du PITE à partir de 2009 : l'action 1 « Le Rhin et la bande rhénane », l'action 3 « Plan Loire grandeur nature », l'action 5 « Filière bois en Auvergne et Limousin » et l'action 7 « Plan Durance multi-usages ».

* 21 Ainsi, avant 2013, il était inadéquat de mesurer la performance de l'action « PEI en faveur de la Corse » qui mobilise la majorité des crédits du programme à la seule aune des délais de réalisation des projets. L'indicateur, en effet, n'apportait aucune information sur les résultats concrets issus de cette mise en oeuvre, aussi rapide serait-elle. La mise en place depuis 2013 d'un indicateur consacré au pourcentage de stations d'épuration aux normes en Corse allait donc dans le bon sens, mais le dispositif de suivi de la performance de cette action pouvait encore être amélioré.

* 22 La suppression concerne l'indicateur 1.1 « Pourcentage de stations de mesures dépassant la limite de 50 mg/l en nitrates ». Outre la politique de réduction des indicateurs de performance, le Gouvernement justifiait un tel abandon par l'atteinte d'un niveau satisfaisant qui n'évolue plus qu'à la marge. Il indiquait pourtant que la surveillance des taux de nitrates se poursuit au niveau local.

* 23 Deux sous-indicateurs complèteront cet indicateur. D'une part, le pourcentage de stations d'épuration aux normes en équivalent habitants ; cet ancien indicateur reste pertinent au regard de l'enjeu de la mise aux normes des stations d'épurations en Corse. D'autre part, les gains en temps de parcours sur les grands axes routiers de Corse. Au regard de l'importance du volet transport du PEI, il est important de disposer d'un indicateur retraçant les efforts réalisés dans ce domaine.

* 24 En 2015, les crédits demandés étaient déjà en baisse de 18 % en AE et de 11,5 % en CP par rapport à 2014.

* 25 Sur un total de plus de 134 millions d'euros sur cinq ans, le PITE représente 42 millions d'euros, les autres financeurs étant l'agence de l'eau pour 40 millions d'euros, l'ADEME pour 12,8 millions d'euros et les collectivités territoriales pour 40 millions d'euros.

Page mise à jour le

Partager cette page