C. LA FILIÈRE LAITIÈRE ET SES INTÉRÊTS « OFFENSIFS »

Tandis que pour le secteur bovin les intérêts européens et français en particulier sont clairement défensifs, dans le secteur laitier les intérêts européens sont plutôt offensifs. Le marché américain présente des opportunités de développement. Les professionnels français du secteur font valoir que dans un marché européen saturé le développement de la production laitière passe par celui de l'exportation, notamment vers les Etats-Unis, et en particulier des fromages. Pour la partie américaine, le secteur peut être également très porteur.

La France est encore un pays laitier. Deux des trois plus grands groupes laitiers mondiaux sont français (Danone et Lactalis) et la France est présente sur tous les segments : l'ultra frais, le frais, le beurre, la poudre de lait, les fromages, le lactosérum. La France a des entreprises prêtes à exporter des produits d'excellence.

Cependant un premier obstacle est tarifaire. Les droits américains sur les produits laitiers dépassent le niveau des droits moyens. Les tarifs sur les fromages sont souvent supérieurs à 80 % (90 % sur le Roquefort par exemple). La poudre de lactosérum est taxée à 112 % à son entrée aux États-Unis.

Le second obstacle est non tarifaire et concerne les règles sanitaires. Les États Unis ont des exigences extrêmement strictes qui imposent des contrôles plus rigoureux encore que l'Union européenne. Aucune entreprise française n'est agréée pour exporter aux États Unis les produits de l'ultra frais (entremets, crèmes, yaourts..). La réglementation est en partie subfédérale et les rares producteurs de lait cru sont très strictement contrôlés. Les importations de fromages au lait cru pâtissent évidemment de cette situation.

D. LES RÈGLEMENTS SANITAIRES ET PHYTOSANITAIRES

Les autorités de régulation de l'Union européenne, comme celles des États-Unis, ont bien sûr en commun le souci de protéger leurs consommateurs, mais les démarches respectives pour y aboutir sont très différentes. Il en résulte souvent une disparité des normes qui freine le flux des échanges. Le système américain de sécurité sanitaire des aliments repose sur un maquis de 30 lois et mobilise pas moins de 15 agences fédérales relevant de plusieurs ministères différents.

On présente souvent comme cause de cette différence d'approche les deux conceptions du risque sanitaire lui-même. D'un côté une approche « basée sur la science » et sur des standards internationaux s'ils existent, de l'autre un principe de précaution lié aussi à un ensemble de choix sociétaux : les préférences collectives.

Des règles générales sanitaires et phytosanitaires (SPS) figurent déjà dans un cadre multilatéral défini à l'OMC. Leur philosophie est reprise dans le mandat de négociation d'octobre 2014 donné à la Commission par le Conseil pour le PTCI. Il y est fait droit aux deux approches (science et précaution) pour inciter à une convergence, à une harmonisation règlementaire ou à une reconnaissance d'équivalence ; le mandat précise, (§ 25) « les normes SPS de chaque partie doivent reposer sur une base scientifique (...) ou sur des évaluations des risques de nature scientifique, tout en reconnaissant le droit des parties à (...) gérer les risques conformément au niveau de protection que chaque partie juge approprié, en particulier lorsque les preuves scientifiques pertinentes sont insuffisantes (...) ».

Les négociations sur ce point doivent donc veiller à obtenir une reconnaissance réciproque des principes et des outils de facilitation des échanges, en particulier une reconnaissance mutuelle des systèmes de contrôle européens. Mais une telle démarche devra exclure les inspections individuelles d'entreprise réalisée sans les autorités concernées, ou encore les certifications par des tierces parties, de même que les inspections préalables à l'exportation, réalisées dans le pays exportateur par des équipes du pays d'importation aux frais de l'exportateur .

En ce qui concerne les produits laitiers, les États-Unis par exemple ne reconnaissent pas les normes européennes de pasteurisation. Une reconnaissance de l'équivalence des réglementations de ce type de produits « grade A » faciliterait les exportations, alors même que le marché américain est aujourd'hui fermé à la plupart des fromages au lait cru.

La France et la Commission tiennent aussi à aboutir sur le principe de « régionalisation » en matière de santé animale. En effet, lorsqu'un ou deux États membres sont confrontés à une maladie animale, les États-Unis se refusent à reconnaître tout zonage que l'Union européenne définirait en faveur de pays producteurs qui en seraient épargnés et leurs contre-mesures s'appliquent à la totalité du territoire européen. La régionalisation n'est appliquée actuellement à l'Union européenne que pour des maladies concernant les volailles - influenza aviaire, ainsi que la peste porcine.

L'Union européenne devra obtenir des ouvertures sur ce point : son mandat de négociation précise au demeurant que, conformément d'ailleurs aux règles de l'OMC, l'accord reconnaîtra « (...) le statut sanitaire indemne des parties vis-à-vis des maladies (...) et concernant le principe de la régionalisation des maladies animales (...) ».

S'agissant des « préférences collectives » européennes, les promoteurs de croissance, les OGM, la décontamination chimique des viandes et le clonage animal constituent un enjeu majeur. La gestion du risque fondé sur le principe de précaution en situation d'incertitude scientifique, tel que défini dans le volet SPS de l'OMC, s'applique ici pleinement.

Les négociateurs doivent prendre en compte, en complément de l'évaluation scientifique, ces intérêts et choix exprimés par les consommateurs et citoyens européens en tant que « préférences collectives ». Sont concernées non seulement les caractéristiques du produit lui-même mais aussi les méthodes de production (le bien-être animal par exemple).

L'accord ne pourra donc pas remettre en cause la capacité de l'Union et de ses États membres à faire respecter ces choix collectifs. Il importe d'ailleurs de rappeler que ces préférences collectives ne sont pas un concept culturel flou : elles sont inscrites dans des textes normatifs européens et transcrites dans les législations nationales. Là encore, et afin de tenter de dissiper certaines craintes, il est utile de rappeler que le mandat de négociation confié à la Commission indique explicitement que dans l'accord, les États-Unis et l'Union européenne devront respecter « (...) de hauts niveaux de protection de l'environnement (...) et des consommateurs, conformément à l'acquis de l'UE et à la législation des États-membres » (§ 8) .

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