B. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DU STATUT POUR CLARIFIER LES RÈGLES DÉONTOLOGIQUES ET APPLIQUER LES ACCORDS SOCIAUX

1. Des règles déontologiques anciennes mais éparses

Être fonctionnaire implique de respecter des règles déontologiques . Ces dernières s'entendent comme « des devoirs et obligations qui s'imposent à l'administration dans l'accomplissement de ses missions » 8 ( * ) . Elles ont vocation à guider les comportements des agents publics lors de l'exercice quotidien de leurs fonctions. Elles représentent à la fois « l'art de se poser les questions avant qu'il ne soit trop tard (et) l'art de créer de la confiance chez les citoyens usagers » 9 ( * ) .

La jurisprudence considère ainsi que le fonctionnaire en service doit être probe et intègre, impartial et neutre 10 ( * ) . Dans le cas contraire, il est passible de sanctions disciplinaires voire pénales. Un agent qui ne respecte pas le principe de probité en exigeant une somme qu'il sait ne pas être due est par exemple puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 euros (article 432-10 du code pénal).

Ces principes déontologiques ont toutefois été développés de manière prétorienne et ne figurent pas explicitement dans le statut général . Les textes en cette matière restent épars et ne couvrent pas l'ensemble de la fonction publique même si les codes de déontologie se sont multipliés (code de déontologie de la police nationale en 1986 - désormais commun avec la gendarmerie nationale -, charte de déontologie des membres de la juridiction administrative en 2011, etc .).

Code de déontologie de la police et de la gendarmerie nationales

Applicable depuis le 1 er janvier 2014, ce code commun reprend les principes du code de déontologie de la police (1986) et de celui de la gendarmerie (2010). Ses trente-trois articles sont aujourd'hui codifiés dans la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure (CSI).

Ce code de déontologie fixe tout d'abord les principes applicables aux policiers et aux gendarmes : loyauté, dévouement, probité, etc .

Il décrit également le comportement à adopter lors de situations concrètes, à l'image des contrôles d'identité lors desquels les agents ne doivent se fonder « sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler, sauf (...) signalement précis motivant le contrôle » (article R. 434-16). Le fonctionnaire qui ne suit pas ces règles déontologiques s'expose à des sanctions disciplinaires (article R. 434-27).

Si l'objet principal de ce code est de fixer des obligations déontologiques, il comporte également certains droits comme :

- la possibilité d'obtenir une formation aux règles déontologiques pour « exercer (ses) fonctions de manière irréprochable » (article R. 434-3) ;

- le droit à être défendu par l'État (protection fonctionnelle) lorsque l'agent ou ses proches sont victimes d'attaques, de menaces, d'outrages, etc . (article R. 434-7).

En outre, si la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose que les personnes chargées d'une mission de service public (dont les fonctionnaires) exercent leurs fonctions avec « dignité, probité et intégrité », ses dispositifs préventifs (déclarations d'intérêts, déclarations de situation patrimoniale, etc .) concernent principalement les élus , les ministres et certains emplois à la discrétion du Gouvernement (préfets, directeurs d'administrations centrales, etc .).

Enfin, une évolution de la culture déontologique semblerait opportune. La commission présidée par M. Jean-Marc Sauvé a par exemple souligné que les fonctionnaires « ne disposent guère de référentiels précis susceptibles de les aider à éviter ou à faire face aux conflits d'intérêts » 11 ( * ) .

Actuellement, l'effet dissuasif des sanctions disciplinaires ou pénales semble prévaloir sur une approche préventive dans laquelle les fonctionnaires évitent ou font cesser d'eux-mêmes une situation de conflits d'intérêts. Or, comme le souligne M. Christian Vigouroux, « la sanction est un échec » - car elle vise à constater qu'un principe déontologique n'a pas été respecté - alors que « la déontologie est une ambition » 12 ( * ) .

2. La mise en oeuvre des accords sociaux et la poursuite de réformes déjà engagées

Le présent projet de loi vise également à appliquer les accords sociaux conclus entre l'État et les partenaires syndicaux. Il s'agit, en l'occurrence, de traduire sur le plan législatif l'accord relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations des fonctionnaires (PPCR) qui a été négocié entre octobre 2014 et septembre 2015.

Ce document n'a pas fait l'objet d'un accord syndical au sens strict, trois syndicats 13 ( * ) représentant au total 50,2 % des personnels de la fonction publique ayant refusé de le signer. Le Gouvernement s'est toutefois engagé à mettre en oeuvre ses deux axes de travail qui concernent, pour mémoire :

- le renforcement de l'unité de la fonction publique (poursuite de la rénovation des épreuves des concours administratifs, harmonisation des conditions d'appréciation de la valeur professionnelle des agents, etc .) ;

- l'amélioration de la politique de rémunération de la fonction publique (refonte complète des grilles indiciaires, conversion des primes indemnitaires en points d'indice, etc .).

Si certaines de ces mesures relèvent du domaine réglementaire ou d'une loi de finances 14 ( * ) , d'autres entrent dans le champ du présent projet de loi comme le renforcement de la transparence des recrutements sans concours (article 28 B) ou encore l'harmonisation du droit applicable entre les trois versants de la fonction publique ( Cf., par exemple, l'article 13 harmonisant les sanctions disciplinaires).

En outre, il apparaît nécessaire de poursuivre certaines réformes du droit de la fonction publique et notamment la loi précitée du 12 mars 2012 (dite « loi Sauvadet ») dont l'ambition était de résorber la précarité dans la fonction publique. Il s'agissait, en réalité, du quinzième plan de titularisation de contractuels mais force est de constater que ses objectifs ne sont pas encore atteints, la fonction publique comptant 17,2 % de contractuels contre 14,3 % en 2011.


* 8 Jean-Pierre Didier, « La déontologie de l'administration » , 1999, p. 6.

* 9 Christian Vigouroux, « Déontologie des fonctions publiques » , 2012, p. 13.

* 10 Cf. le commentaire de l'article 1 er pour une définition de ces notions et pour des exemples jurisprudentiels.

* 11 Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, « Pour une nouvelle déontologie de la vie publique » , 26 janvier 2011, p. 43-44. Cf. infra pour une définition des conflits d'intérêts.

* 12 Christian Vigouroux, op.cit. , p. 21.

* 13 Confédération générale du travail (CGT), Force ouvrière (FO) et Solidaires.

* 14 Cf. en particulier l'article 57 ter du projet de loi de finances pour 2016 voté par l'Assemblée nationale en première lecture et concernant la conversion de primes indemnitaires en points d'indice.

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