II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : CRÉER UN RÉGIME COHÉRENT APPLICABLE AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET AUX AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES

Si votre rapporteur s'est appuyé sur les travaux de la commission d'enquête, qui a entendu l'ensemble des autorités administratives et juridiques indépendantes, il a souhaité recueillir leurs observations écrites sur ces deux textes. Il a également entendu les autorités ayant sollicité une rencontre.

Votre commission a reconnu l'intérêt de la démarche législative initiée par les auteurs de ces deux textes qui font suite non seulement aux travaux de la commission d'enquête mais également de plusieurs rapports parlementaires consacrés à ces autorités. Ils concrétisent ainsi l'idée, maintes fois avancée, d'une « remise en ordre » de la catégorie des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes qui n'a cessé de se diversifier au risque de l'incohérence.

A. DÉLIMITER LA CATÉGORIE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET DES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES

La situation actuelle n'est pas apparue satisfaisante à votre commission. En effet, les doutes qui existent sur les contours de la notion d'autorité administrative indépendante ou d'autorité publique indépendante nuisent à l'application de la loi, le périmètre de ces autorités évoluant au gré des dispositions en cause. En outre, la catégorie d'autorité administrative indépendante ou d'autorité publique indépendante, au sens large, regroupe des autorités extrêmement diverses en termes de moyens mais surtout en terme de pouvoirs. Ainsi, comme l'indiquait en 2014, notre ancien collègue Patrice Gélard, certaines de ces autorités ne sont pas indépendantes, quand elles ne sont tout simplement pas des autorités, faute de pouvoir décisionnel.

Le secrétaire général du Gouvernement et certaines autorités en prennent argument pour réfuter la nécessité d'un statut général, tant la spécificité de chaque autorité serait irréductible. À l'inverse, suivant votre rapporteur, votre commission s'est accordée sur la nécessité de rendre une homogénéité à la catégorie d'autorités administratives et publiques indépendantes en dressant une liste réunissant les autorités dont les caractéristiques, sans être identiques, sont suffisamment proches.

Les représentants des autorités administratives indépendantes, reçus par votre rapporteur ou par la voie de leurs contributions écrites, ont ainsi fait valoir le « désaveu » ou la « déchéance » que constituait la perte de la qualité d'autorité administrative indépendante. Votre rapporteur rappelle, tout d'abord, que cette qualification résultait, dans certains cas, de la seule doctrine, le législateur s'étant abstenu de la reconnaître expressément : il ne s'agit dès lors pas à proprement parler d'une « déqualification législative ». De surcroît, l'exclusion de la catégorie des autorités administratives indépendantes ne signifie pas, contrairement à ce qui a été maintes fois avancé à votre rapporteur, la disparition de l'indépendance de l'organisme.

En effet, le statut d'autorité administrative indépendante n'est pas, pour le législateur, le seul moyen de garantir l'indépendance d'un organe administratif. Cette indépendance peut s'exprimer par d'autres moyens : l'absence d'instructions données à une autorité administrative, l'autonomie dans l'organisation de ses travaux, le choix d'une composition pluraliste ouverte sur des personnalités dont le statut garantit l'indépendance, etc. Il suffit pour s'en convaincre d'observer les organes qui, sans être expressément qualifiés d'autorité administrative indépendante, dispose de garanties législatives, que ce soit par exemple :

- le Haut Conseil des finances publiques qualifié d'« organisme indépendant » ;

- la commission nationale consultative des droits de l'Homme qui exerce, en vertu de l'article 1 er de la loi du 5 mars 2007, « sa mission en toute indépendance » ;

- la Caisse des dépôts et consignations qui, selon l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, « est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative » ;

- la Banque de France disposant d'un statut de personne publique sui generis ;

- l'Agence France Presse, dont l'indépendance est reconnue à l'article 3 de la loi du 10 janvier 1957.

Votre commission est donc convenue de la nécessité de ne retenir que les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes qualifiées expressément par la loi et de réserver au législateur cette faculté.

Pour votre commission, la qualité d'autorité administrative indépendante suppose, comme l'expression le commande, d'être, d'une part, une autorité administrative et, d'autre part, de disposer d'une indépendance à l'égard du Gouvernement. La liste retenue par la commission d'enquête et figurant en annexe de la proposition de loi a ainsi pris soin d'écarter les organes qui ne disposaient pas de pouvoirs de décision ou de contrainte à l'égard de tiers. La simple fonction consultative ou de médiation ne justifie pas la qualité d'autorité, à moins de retenir une interprétation extensive intégrant les « autorités morales ». Loin de remettre en cause le bien-fondé de la mission confiée aux autorités en question, ce principe se borne à constater que le pouvoir de recommander, de proposer ou d'interpeller publiquement ne s'analyse pas en un pouvoir contraignant.

Dès lors qu'un organe est, au regard des critères précédemment évoqués, une autorité administrative, susceptible à ce titre de faire usage de pouvoirs de contrainte (sanctions, décisions, injonctions, contrôle, etc.), il appartient au législateur de décider s'il souhaite lui conférer, à travers la reconnaissance de la qualité d'autorité administrative ou publique indépendante, un statut particulier qui l'exclut de la hiérarchie traditionnelle de l'administration. Cette question est d'autant plus cruciale avec les textes proposés que le statut général aurait pour effet de conférer automatiquement à un organe qui recevrait cette qualification des garanties d'indépendance.

La décision de conférer ce statut à une autorité administrative relève d'un choix d'opportunité, le législateur pouvant revenir sur son choix à tout moment au motif que les raisons qui avaient présidé à sa décision ne sont plus réunies. Il s'agit pour le Parlement, au vu de l'analyse du domaine d'intervention de l'autorité, de considérer qu'une mission ne peut plus être exercée par le Gouvernement ou un organe répondant devant lui (commission administrative, établissement public, etc.), mais par une autorité répondant de son action directement devant le Parlement.

Les amendements présentés par notre collègue Philippe Bonnecarrère, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, ont permis d'ouvrir ce débat devant votre commission à propos de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvre et la protection des droits sur internet (HADOPI) et l'Autorité de régulation de distribution de la presse (ARDP). Compte tenu de l'importance de cette décision de déqualification, proposée par la commission d'enquête sénatoriale mais contestée par la commission permanente compétente au fond pour les missions confiées à ces autorités, il a paru préférable à votre commission que le débat soit porté en séance publique.

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