N° 362

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 février 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité ,

Par M. Jean-Marie BOCKEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir les numéros :

Sénat :

803 (2013-2014), 74 (2014-2015), 363 et 364 (2015-2016)

INTRODUCTION

Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est saisi de deux projets de loi autorisant l'approbation d'accord intergouvernemental entre la France et respectivement la Croatie et la Lituanie dans le domaine de la défense, deux États désormais membres de l'Union européenne et membres de l'OTAN. Votre commission a donc décidé d'un examen conjoint de ces deux textes. Ces deux textes sont la conséquence de la logique d'actualisation de notre coopération de défense avec la Croatie et la Lituanie à la suite de leur intégration dans l'espace « euro-atlantique ».

Sont examinés le projet de loi n° 803 autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et le projet de loi n° 74 autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense de la sécurité.

La coopération militaire entre la France et la Croatie, d'une part, et entre la France et la Lituanie, d'autre part, repose sur des arrangements de coopération dans le domaine de la défense, signés le 11 mai 1994 avec la Lituanie et le 7 octobre 1997 avec la Croatie. Ces arrangements techniques ont été rendus obsolètes par l'entrée de chacun de ses pays dans l'Union européenne et leur adhésion à l'OTAN.

Les accords de coopération dans le domaine de la défense ici examinés ne contiennent pas de clauses d'assistance en cas d'agression car tel n'est pas leur objet. Ces partenaires étant membres de l'OTAN et de l'UE, ils bénéficient des stipulations de l'article 5 du traité de Washington et de l'article 42.7 du Traité sur l'Union européenne relatifs à l'assistance en cas d'agression extérieure.

La coopération militaire entre les armées se traduit surtout par des exercices d'entraînement commun, par de nombreux échanges, visites, stages et séjours de courte ou de longue durée dans les écoles militaires et les centres d'instruction des armées et les unités ainsi que par des échanges et retour d'expérience dans les domaines de l'armement, de l'organisation des forces, de leurs soutiens, etc.

Les accords de coopération sont de nature technique et organisent ce type de coopération.

La Croatie et la Lituanie appartenant toutes deux à la fois à l'OTAN et à l'Union européenne, les deux accords de coopération bilatérale s'appuient sur les mêmes mécanismes d'extension de la convention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, sous réserve de la transcription de dispositions supplémentaires prévues par les arrangements techniques de coopération devenus caducs ou de l'application de convention spécifique, notamment dans le domaine de la coopération fiscale, dans le cas de la Lituanie.

Les projets d'accord qui sont soumis au Sénat sont très proches des accords de coopération dans le domaine de la défense signés avec les voisins géographiques de la Croatie et de la Lituanie. Sur le plan financier, ils représentent un effort budgétaire modeste, inférieur à 10 000 euros par an pour la Croatie comme pour la Lituanie.

Pour ces raisons, il ne paraît pas nécessaire à votre commission de déroger à la procédure simplifiée envisagée pour l'examen de ces textes au Sénat. Les projets de loi devraient être examinés en séance publique le jeudi 11 février.

I. LA NÉCESSAIRE ACTUALISATION DU CADRE DE LA COOPÉRATION FRANÇAISE AVEC DEUX PAYS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE ET DE L'OTAN : LA CROATIE D'UNE PART ET LA LITUANIE D'AUTRE PART

A. L'ACTUALISATION DES MODALITÉS DE COOPÉRATION AVEC LA CROATIE, MEMBRE DE L'OTAN (2009) ET DE L'UNION EUROPÉENNE (2013)

1. La Croatie se veut un élément stabilisateur de sa région
a) Un pays tourné vers l'Union européenne

Le système constitutionnel mis en place après l'indépendance de la Croatie était à l'origine de forme présidentielle. En 2000 le pouvoir en place a pris un tournant européen, et le régime constitutionnel a été modifié. Désormais la Croatie dispose d'un régime parlementaire où le Premier ministre (cf. « fiche pays » en annexe) conduit la politique nationale.

L'adhésion de la Croatie à l'Union européenne a constitué dès lors une priorité nationale pour les gouvernements successifs de ce pays. Les négociations ouvertes en octobre 2005 ont abouti le 30 juin 2011. Le traité d'adhésion a été signé le 9 décembre 2011 à Bruxelles et un référendum sur l'adhésion a remporté 66 % des suffrages exprimés en faveur de l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne le 22 janvier 2012. Le gouvernement croate a accéléré le rythme des réformes, notamment dans le domaine de la justice et de l'État de droit (administration publique, justice, lutte contre la corruption et le plus et le crime organisé). Selon les informations communiquées par le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), le respect des critères du chapitre 23 « pouvoir judiciaire et droits fondamentaux » n'est pas encore tout à fait effectif et devra être apprécié dans sa durée. Le rapport d'information de votre commission (n° 610, 2010-2011, de MM. Jacques Blanc et Didier Boulaud), avait relevé, au moment de l'adhésion, des lacunes.

Le 1 er juillet 2013, la Croatie est devenue le 28 e Etat membre de l'Union européenne.

Alors que les dernières élections législatives du 8 novembre 2015 n'avaient pas permis de départager la coalition de centre gauche (SDP) menée par le premier ministre sortant et celle de l'opposition conservatrice (HDZ), un accord a pu être trouvé le 23 décembre 2015, sous l'impulsion de la Présidente de la République, Kolinda Grabar-Kitarovic. Le HDZ et la formation « Most », rassemblement hétérogène de listes indépendantes d'inspiration réformiste, ont formé une coalition et ont désigné un Premier ministre, Tihomir Oreskovic, confirmant ainsi la capacité de la démocratie croate à fonctionner.

Le gouvernement croate a fait de l'adhésion à l'espace Schengen une priorité et envisage également une adhésion à la zone euro à moyen terme, sous réserve d'une amélioration de sa situation économique.

La Croatie soutient également les efforts de tous les pays de la région pour rejoindre l'Union européenne. Elle a ainsi fait partager son expérience des négociations d'adhésion à l'Union en favorisant les échanges d'experts, en traduisant l'acquis communautaire, etc. Elle a également démontré son intérêt pour les opérations de politique de sécurité et de défense commune (PSDC). L'année 2015 a ainsi vu, selon les informations communiquées à votre rapporteur, les deux premiers mandats croates sous bannière européenne :

- une équipe de protection embarquée (EPE) a participé à l'opération ATALANTE 1 ( * ) de lutte contre la piraterie de décembre 2014 à avril 2015,

- et un navire a été engagé dans l'opération TRITON 2 ( * ) en Méditerranée au second semestre 2015.

b) Une politique extérieure caractérisée par la volonté de participer à la stabilisation régionale

La Croatie a placé sa politique extérieure sous le signe du développement de la coopération régionale qu'elle présente comme un élément stabilisateur de la région de la zone (cf. carte en annexe).

La Croatie participe aux initiatives de coopération régionale suivantes :

- South-East European Cooperation Process, SEECP, processus de coopération du sud-est européen dont la Croatie a exercé la présidence jusqu'en 2007 avec un dynamisme non démenti,

- l'Accord de libre-échange centre européen (ALECE), en anglais Central European Free Trade Agreement. Créé en 1992, il s'agit d'un accord de libre-échange entre les pays du Sud-Est européen. Complément économique du Groupe de Visegrád (V4), l'ALECE a pour objectif de faciliter l'intégration de ses membres à l'Union européenne et à l'OTAN.

- Conseil de la coopération régionale, nouvelle organisation issue de la disparition du pacte de stabilité qui repose sur le principe d'une forte appropriation régionale,

- participation en cogestion avec la Slovénie au processus de Brdo-Brijuni, initié à Brdo le 25 juillet 2013 3 ( * ) . Il s'agit d'un sommet de chefs d'État visant à faire le point sur la situation politique et sécuritaire dans les Balkans occidentaux, à intensifier la coopération régionale et à échanger sur les réformes indispensables dans la perspective du renforcement des relations avec l'Union européenne. À cet égard il convient de souligner que les relations entre la Croatie et la Slovénie sont marquées par des différends territoriaux et ont connu un refroidissement durant le courant de l'année 2015. La Croatie s'est retirée unilatéralement en juillet 2015 d'une procédure d'arbitrage, initiée en 2009 devant un tribunal dépendant de la cour permanente d'arbitrage de La Haye, et destinée à trancher un différend territorial opposant les deux pays sur la baie de Piran 4 ( * ) . La difficile coordination régionale de la crise des réfugiés a également suscité des tensions entre Zagreb et Ljubljana. Les autorités croates ont exprimé à plusieurs reprises leur préoccupation à la suite de l'édification d'obstacles techniques, et notamment de barbelés, aux frontières slovènes.

L'adhésion de la Croatie à l'Alliance Atlantique Nord est devenue effective depuis le sommet de l'Alliance en avril 2009. La Croatie a toujours aidé les pays de la zone dans leurs démarches pour rejoindre l'OTAN. Elle a ainsi soutenu le processus d'entrée du Monténégro à l'OTAN, qui vient d'être invité, à la fin de l'année 2015, à entamer les procédures d'adhésion.

La participation de la Croatie aux opérations de l'OTAN s'est traduite par l'engagement de 91 personnels en Afghanistan, dans des missions de protection de la force et de police militaire, en collaboration avec des contingents américains et allemands.

La Croatie participe également à la KFOR au Kosovo et a renforcé sa contribution aux opérations de maintien de la paix de l'ONU en participant aux missions suivantes : UNMOGIP en Inde et au Pakistan, UNICYP à Chypre, MINUL au Libéria et FINUL au Liban.

c) Un fragile équilibre économique

Les finances publiques croates sont caractérisées par un fort déficit dépassant 5 % du PIB depuis 2009. La dette publique, quant à elle, s'établirait à plus de 93 % du PIB à la fin de l'année 2015. Une procédure de déficit excessif a été mise en oeuvre par la Commission européenne.

Entre 2009 et 2013, la Croatie a perdu près de 13 % de son PIB. Elle a cependant renoué avec la croissance en 2015 avec un taux de progression de l'économie de 1,1 % selon les estimations de la Commission européenne. Ses prévisions sont optimistes pour les années suivantes, avec un taux de progression du PIB qui devrait atteindre 1,4 % en 2016 et 1,7 % en 2017. Cette évolution favorable devrait reposer notamment sur bonnes performances attendues de l'exportation qui pourrait progresser de 5 et 6 % respectivement en 2016 et 2017, sur le dynamisme du secteur touristique et enfin sur la consommation intérieure.

Sur la période 2014 2020, l'économie croate recevra 11 milliards d'euros de fonds structurels européens pour le financement de projets dans les secteurs de l'énergie, des infrastructures portuaires et ferroviaires, du renforcement du tissu des PME-PMI et de l'eau. Cette bouffée d'oxygène sera d'autant plus nécessaire que la lutte contre le chômage constitue l'un des principaux défis économiques auxquels sont confrontées les autorités croates puisqu'il atteint 15,8 % de la population active en mai 2015 et affecte un jeune sur deux.

La France est le 10 e partenaire commercial de la Croatie. Le montant des échanges commerciaux entre les deux pays s'élève à 455 millions d'euros en 2014. Le solde commercial français est excédentaire de 159 millions d'euros en 2014 ce qui représente une dégradation par rapport à 2013 ou il atteignait 213 millions d'euros. La Croatie reste le pays dans lequel la France enregistre l'excédent commercial le plus important bien qu'il soit en réduction depuis 2013. Les exportations françaises en Croatie ont diminué de 8,3 % en 2014 et s'élèvent à 307 millions d'euros. La France est le 11 e fournisseur de la Croatie en 2014 avec 2,3 % des importations du pays, soit 148 millions d'euros en 2014.

Comme le soulignait notre commission dans son rapport sur l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne 5 ( * ) , l'investissement français n'a pas encore atteint la « masse critique » en Croatie, mais il s'en rapproche. Quatre opérations significatives ont ainsi placé les entreprises françaises dans une situation honorable. Elles ont été menées par la Société Générale, Bouygues, Alstom et Lactalis. Le fait que la concession de l'aéroport de Zagreb ait été accordée à Bouygues-Société Aéroport de Paris en 2012 pour près de 300 millions d'euros d'investissement a modifié favorablement la perception de la France par les décideurs croates. Les investissements d'autres entreprises ont nourri cette dynamique positive, renforcée par la création en mai 2012 un club d'affaires franco-croate rassemblant plus de 60 entreprises et par l'organisation d'une mission du Medef international en Croatie en février 2013.

La coopération avec la Croatie représente un enjeu réel compte tenu notamment de l'enveloppe des fonds structurels disponible pour la période s'étendant jusqu'à 2020. Les opportunités existent pour les entreprises françaises dans les secteurs des infrastructures de transport 6 ( * ) , de l'assainissement et du traitement des déchets.

2. La nécessité de moderniser le cadre de notre coopération bilatérale
a) L'approfondissement progressif de la relation entre la France et la Croatie

La France a reconnu la Croatie dès le 15 janvier 1992 et a établi des relations diplomatiques avec Zagreb en avril 1992. Le 7 octobre 1997, un arrangement de coopération dans le domaine de la défense a été signé entre la France et la Croatie. Les relations bilatérales entre nos deux pays, renforcées à partir de la transition démocratique qui a suivi la mort du Président Tudjman en décembre 1999, sont présentées comme excellentes par le ministère des affaires étrangères et du développement international. Le Parlement français a ainsi ratifié à l'unanimité des deux chambres le traité d'adhésion croate à l'Union européenne le 17 janvier 2013. Tout au long du processus d'adhésion, la France a apporté un soutien constant tant politique que technique aux autorités croates.

Si les relations bilatérales qu'entretiennent la France et la Croatie sont aujourd'hui de qualité, la proximité réelle ou supposée entre la France et la Serbie leur a longtemps porté ombrage. La normalisation des relations entre la Croatie et la Serbie est l'une des clés de la stabilisation de la région. Les deux pays ont signé un accord de coopération en matière de défense. La Croatie a reconnu l'indépendance du Kosovo le 19 mars 2008, en même temps que la Hongrie et la Bulgarie. La Serbie et la Croatie ont multiplié les gestes de réconciliation et de normalisation de leurs relations suite à l'élection du Président croate Josipovic au début de l'année 2010 7 ( * ) . Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les autorités croates se sont engagées à ne pas bloquer les négociations d'adhésion de la Serbie à l'Union européenne même en cas d'éventuels différends bilatéraux. Considérant l'effet positif du processus d'élargissement sur la Serbie, la Croatie a ainsi soutenu l'ouverture de nouveaux chapitres de négociations.

b) Les principaux domaines de coopération bilatérale

En 2015 la relation bilatérale entre la France et la Croatie a été marquée par plusieurs temps forts :

- signature, le 2 mars 2015, du plan d'action du partenariat stratégique franco-croate pour la période 2014-2017, par le secrétaire d'État aux affaires européennes et son homologue M. Klisovic,

- non-reconduction par la France, décidée le 1 er juillet 2015, des mesures transitoires qui limitaient l'accès au marché du travail français des salariés croates.

Par ailleurs, le festival français « Rendez-vous », organisé de mai à octobre 2015, autour de 200 événements dans 38 localités en Croatie a rencontré un fort succès et imprimé une nouvelle dynamique aux différents volets de la coopération française.

À titre d'exemple, cinq domaines de coopération peuvent ainsi être cités :

- la coopération administrative visant à faire de l'adhésion un succès. Dans ce cadre citons notamment la participation accrue de la Croatie au cycle de formation proposée par l'ENA et l'appui de la France à la société civile croate qui a permis de contribuer au renforcement des droits des femmes notamment ;

- la coopération universitaire et scientifique caractérisée par des partenariats en plein essor. La Croatie participe ainsi très activement au programme cadre de recherche et développement et prépare les projets qui pourront être financés dans le cadre des fonds structurels et du programme Horizon 2020. Le principal instrument de coopération scientifique entre la France et la Croatie est le partenariat Hubert Curien « Cogito » qui soutient des projets conjoints sélectionnés sur appel d'offres ;

- la promotion de la langue française en Croatie s'appuie sur un réseau dense et structuré. On dénombre ainsi 100 000 francophones en Croatie, et on estime que 6,2 % de la population est capable de faire face à des situations de communication courante. On compte enfin une école française Eurocampus à Zagreb, cinq alliances françaises 8 ( * ) et trois cercles français 9 ( * ) ainsi que sept lecteurs de français affectés dans les écoles et universités des régions de Zagreb, Split et Zadar ;

- l'offre culturelle contemporaine française de qualité est appuyée par l'action de l'Institut français de Croatie. La coopération audiovisuelle se développe, par exemple, grâce à la présence accrue de programmes français sur les écrans de cinéma et de télévision croates, en coopération étroite avec TV France internationale. En 2013 un accord de coproduction cinématographique a été signé entre la France et la Croatie afin de favoriser l'augmentation du nombre des coproductions binationales ;

- enfin la coopération décentralisée s'est développée sur des thèmes adaptés au contexte européen tels que la gestion des services publics et les financements européens, avec des partenariats importants en cours de finalisation entre les villes de Marseille et Split, Bourges et Sibenik, Le Havre et Rijeka, Auxerre et Varazdin, Villefranche-de-Rouergue et Pula.

c) La définition d'un nouveau cadre de coopération dans le domaine de la défense

La relation de défense bilatérale franco-croate a accompagné l'évolution politique de la Croatie. Les négociations relatives à la conclusion d'un accord de coopération ont débuté au lendemain de l'entrée de la Croatie dans l'OTAN et se sont achevées au moment de son entrée dans l'Union européenne. Cette réévaluation de la relation bilatérale avec la République croate s'inscrit dans un processus général d'actualisation de la coopération de la France avec les États d'Europe centrale et orientale suite de la concrétisation de leurs perspectives euro-atlantiques. L'objectif sous-jacent est d'établir avec ces États un véritable partenariat, en lieu et place des accords techniques préexistants.

La coopération bilatérale franco-croate s'est toutefois réduite à compter de 2009 en raison de l'accès de la Croatie aux programmes de formation et d'entraînement de l'Alliance atlantique, après son adhésion. L'entrée de la Croatie dans l'UE s'est traduite par sa participation à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), pour laquelle la France apparaît comme un partenaire privilégié.

Les budgets « Défense » consacrés à la coopération française avec les forces croates ont suivi ces évolutions ainsi que celle, baissière, comme votre commission le déplore, des crédits de coopération de défense : stables entre 2005 et 2010 autour de 100 000 euros, ils ont commencé à diminuer à partir de 2011 pour s'établir à 34 000 euros cette année-là puis 24 000 en 2012 et 6 000 euros en 2015.

Le dispositif de coopération en matière de défense repose aujourd'hui essentiellement sur un plan de coopération annuel, préparé par l'attaché de défense à Zagreb avec les autorités croates et en liaison avec les états-majors et administrations français.

La taille réduite des armées croates 10 ( * ) et l'effort fait jusqu'à ces dernières années sur l'engagement croate au sein de l'OTAN réduisent les opportunités de coopération. Ceci pourrait cependant évoluer au vue de la volonté croate de s'engager davantage dans les opérations de l'UE précitées.

Le plan de coopération annuel entre le France et la Croatie recense les actions de coopération planifiées, soit en 2015 :

- une escale de bâtiment français,

- un embarquement d'officier croate sur un bâtiment français pendant une semaine,

- la mise en place pendant 3 mois d'un lecteur de français au centre de langues de l'académie de défense de Zagreb sous financement de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD),

- l'organisation d'un comité d'armement, l'accueil d'une personnalité d'avenir de la défense.

Hors du plan, des visites d'opportunité ont eu lieu en 2015. Il s'agit d'une visite du Service de Protection Radiologique des Armées à Percy par une délégation médicale croate et d'une visite de l'inspecteur général de la défense croate pour des entretiens avec le chef du contrôle général des armées, l'adjoint de l'inspection des armées et l'inspecteur général des armées - Terre.

Ce plan privilégie également l'enseignement du français, qui rencontre un succès croissant.

L'axe d'effort défini plus récemment porte sur la coopération maritime avec le prolongement de la coopération dans le domaine de la guerre des mines, en profitant des escales de bâtiments français, et l'appropriation par les Croates du concept français de l'action de l'État en mer.

Enfin, en marge du plan de coopération, les forces françaises à Djibouti (FFDj) ont fourni un soutien logistique à l'équipe de protection embarquée (EPE) croate engagée de décembre 2014 à avril 2015 au sein de l'opération ATALANTE puis ont stocké son matériel sur place depuis avril 2015.

L'approbation du projet d'accord de coopération dans le domaine de la défense pourrait renforcer le cadre des relations franco-croates en 2016.

d) Perspectives de coopération en matière de défense et de sécurité en 2016

L'arrangement de coopération dans le domaine de la défense, signé le 11 mai 1994, a été rendu obsolète par l'entrée de la Lituanie dans l'OTAN et dans l'Union européenne. Des discussions ont été engagées en mai 2009 afin de définir le nouveau cadre juridique de la coopération dans le domaine de la défense avec cet État et se sont conclues avec la signature le 14 juillet 2013 de l'accord. Le Parlement croate en a voté l'approbation le 28 octobre 2013. Ceci conduit à ce que le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord dans le domaine de la défense soit soumis à notre assemblée.

La négociation d'un accord de coopération dans le domaine de la défense avec la Croatie a d'ores et déjà contribué à modifier la perception de la France dans ce pays. Même si le volume des activités est encore limité, on l'a vu, la France apparaît désormais clairement comme un partenaire dont il convient de tenir compte dans le cadre européen, mais aussi sur certains sujets d'intérêts commun tel que le domaine maritime en particulier.

L'enjeu de l'accord avec la Croatie pour la France est donc de parfaire la normalisation de ses relations avec un État à la fois membre de l'UE et de l'OTAN. Qui plus est, en établissant une relation équivalente à celle existant déjà avec le voisin de la Croatie, la Serbie, la France manifeste une impartialité qui devrait lui permettre d'être davantage entendue dans le sud-est européen.

Pour la Croatie, la conclusion de cet accord avec le dernier grand État « manquant à l'appel », la France, balaie la crainte éventuelle d'être perçue comme un partenaire marginal.

La Croatie est confrontée aux enjeux que sont la sécurisation de l'espace adriatique, la volonté d'intégrer l'espace Schengen, la gestion des flux migratoires et la prise de conscience des défis en Méditerranée orientale et en Afrique subsaharienne. Ceci la conduite à reconsidérer la place de la France sur l'échiquier international et à manifester son fort intérêt pour le concept d'action de l'État en mer et l'appui en OPEX dans le cadre de l'opération ATALANTE.

La Croatie soutient également certaines des positions de la France dans la PSDC notamment celles relatives aux mesures devant faciliter l'emploi des groupements tactiques. La Croatie est également l'un des États signataires de la Stratégie de sûreté maritime. Elle est également favorable à la lutte contre le radicalisme et le terrorisme (engagement contre Daech en Irak).

La République croate a également manifesté un fort intérêt pour certains matériels de défense, notamment le système de surveillance maritime Polaris et les missiles sol-air Mistral.

Le plan de coopération prévu pour 2016 s'appuie sur la poursuite les actions menées en 2015. Une réunion d'état-major se tiendra de plus à Paris le 31 mars 2016, faisant suite à celle qui s'était tenue à Zagreb le 3 juin 2014. De plus, le Commandant en chef pour la Méditerranée profitera de l'escale du patrouilleur hauturier L'Adroit à Split du 2 au 6 mai pour tenir un séminaire sur l'Action de l'État en mer. Les FFDj devraient à nouveau fournir un appui logistique à la Croatie pour le déploiement d'une nouvelle EPE au sein d'ATALANTE à compter d'avril 2016.

Les actions de coopération structurelles bilatérales qui seront menées par la PSDC en 2016 avec la Croatie dans le domaine de la défense sont modestes et axées sur l'enseignement du français en milieu militaire. En 2016, une place de stage de perfectionnement pour un enseignant croate au cours international de français de Rochefort (CFIR) et le financement à hauteur de 2 142 € d'un intervenant pendant un mois en Croatie sont prévus.

Dans le domaine de la sécurité intérieure, l'effort sera porté sur des missions d'experts afin d'apporter des formations à la lutte contre l'immigration irrégulière en particulier. Dans ce cadre, un appui important est réalisé par la DCSD pour la tenue de deux séminaires régionaux permettant d'améliorer la coopération entre tous les États de la zone et la France.


* 1 Il s'agit d'une mission militaire et diplomatique mise en oeuvre par l'Union européenne afin de lutter contre l'insécurité dans le golfe d'Aden et l'océan Indien, zone maritime menacée par des pirates partant des côtes somaliennes. La mission s'est déployée à partir du 8 décembre 2008 et a été prolongé pour deux ans encore lors du conseil affaires étrangères du 21 novembre 2014.

* 2 Samedi 1 er novembre 2014, à l'issue de l'opération Mare Nostrum, une autre opération navale aux frontières de l'Europe a été lancée, baptisée « Triton ». Elle a été confiée à Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières et rassemble huit pays : la France, l'Espagne, la Finlande, le Portugal, l'Islande, les Pays-Bas, la Lituanie et Malte. Cette aide consiste à mettre à disposition, à tour de rôle, du matériel technique et des gardes-frontières pour permettre des patrouilles près des côtes, sur une zone comprenant le sud de la Sicile, les îles Pélages et la région de la Calabre, dans le sud de l'Italie.

* 3 La France est étroitement associée à ce processus depuis le premier sommet des chefs d'État.

* 4 La Croatie reproche à la Slovénie des interférences dans la procédure d'arbitrage.

* 5 Rapport sur l'adhésion de la Croatie à l'UE, n° 236 (2012-2013) de M. Jean-Louis CARRÈRE, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 18 décembre 2012.

* 6 Citons notamment l'extension du réseau autoroutier d'Istrie exploité par Bouygues, projet de voies ferrées nécessaires au désenclavement du port de Rijeka et projet de rénovation de l'aéroport de Dubrovnik.

* 7 Son mandat a pris fin en 2015, date à laquelle il a été remplacé par Kolinda Grabar-Kitarovic.

* 8 À Zagreb, Split, Osijek, Rijeka et Dubrovnik.

* 9 À Varazdin, Koprivnica et Zadar.

* 10 Voir annexe.

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