II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

A. LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS SOULEVÉS PAR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La proposition de résolution européenne déposée par Michel Billout et ses collègues, membres du groupe interparlementaire France-Palestine, a pour ambition de s'inscrire dans une démarche européenne concernant l'étiquetage des produits issus des territoires européens. La question de la provenance apparaît à leurs yeux cruciale alors qu'un nombre croissant de citoyens accordent une importance grandissante à l'origine des produits qu'ils consomment.

L'exposé des motifs de la proposition de résolution européenne prévoit, dans ces conditions, la distinction entre « produits de Cisjordanie (produits palestiniens) », « produits de Cisjordanie (produits en colonie israélienne) » et « produits d'Israël ». Cette distinction n'est pas loin de s'apparenter à celle préconisée par la communication interprétative de la Commission européenne. L'exposé des motifs de la proposition l'éloigne pourtant puisqu'elle limite la couverture géographique des produits d'Israël aux limites de l'État hébreu en 1948. Or, la Commission européenne, s'appuyant sur le droit international et notamment la résolution 242 des Nations unies du 22 novembre 1967, reconnaît le tracé des frontières antérieur à 1967. Celui-ci résulte de l'armistice du 7 janvier 1949 aux termes duquel la Galice, une partie du nord du pays, de la Judée-Samarie (dont Jérusalem-Ouest) et du désert du Neguev sont intégrées à l'État d'Israël. La rédaction de l'exposé des motifs laisse donc entendre que les produits israéliens sont circonscrits aux territoires prévus par la résolution 181 des Nations unies du 29 novembre 1947 prévoyant un plan de partage de la Palestine entre un État arabe et un État hébreu (cf carte page 23).

Nonobstant cette différence, la proposition de résolution européenne invite le Gouvernement à agir pour que les États membres soutiennent la communication interprétative de la Commission européenne et qu'elle soit mise en oeuvre. Le texte souhaite en outre que soit mis en place, à l'échelon national, un étiquetage précis indiquant précisément la provenance, résumée finalement à une alternative État d'Israël/colonie israélienne en Cisjordanie.

B. LA POSITION DE VOS RAPPORTEURS SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE N° 374

La proposition de résolution européenne ne propose aucune nouveauté et revient à saluer la communication interprétative de la Commission européenne. Elle n'entre pas, cependant, dans le degré de détail de celle-ci en ce qui concerne les propositions d'appellation, se limitant à la seule mention des colonies.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur l'intérêt d'un tel texte. L'article 88-4 de la Constitution prévoit que des résolutions européennes puissent être adoptées sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne. Le texte proposé obéit à cette prescription mais n'invite pas pour autant le Gouvernement à amender ou proposer de nouvelles mesures européennes.

Soutenir la mise en oeuvre de la communication auprès des 27 autres États membres revient finalement à tenter de convaincre les 12 États qui n'ont pas signé la lettre d'avril 2015. La communication n'a, par ailleurs, pas valeur législative, comme l'a rappelé la Commission européenne lors de sa publication.

Il convient de rappeler que la mise en oeuvre de la législation douanière relève de la compétence des États membres. De son côté, la réglementation européenne tend, depuis 2013, à limiter l'importation en provenance des colonies en matière agro-alimentaire, faute de reconnaissance des certificats de conformité et des contrôles vétérinaires. La position européenne a d'ailleurs conduit le gouvernement israélien à faire cesser de lui-même l'exportation de produits volaillers et laitiers en provenance des colonies.

Une révision des annexes de l'accord d'association est par ailleurs en cours d'adoption afin de tenir compte de l'entrée en vigueur de la convention régionale sur les règles d'origine préférentielles paneuro-méditerranéennes 13 ( * ) . Aux termes de celle-ci, pour que les tarifs douaniers préférentiels s'appliquent, l'origine des marchandises doit être établie. Les marchandises sont considérées comme des produits originaires de la zone paneuro-méditerranéenne si elles sont :

- entièrement obtenues sur le territoire d'une partie contractante à la convention ;

- composées de matières originaires de pays non signataires de la convention (matières non originaires), mais qui ont été suffisamment oeuvrées ou transformées sur le territoire d'une partie contractante à la convention.

Quoi qu'il en soit, le protocole modifié restera soumis aux préconisations contenues dans l'avis d'août 2012, aux termes duquel les produits venant des colonies ne bénéficient pas du tarif préférentiel.

Reste la question de la traçabilité des produits. L'arrêt Brita insiste sur le fait que les autorités israéliennes sont tenues, sur la base de l'accord d'association, de fournir des renseignements suffisants pour déterminer l'origine réelle des produits. Faute de réponse précise, les autorités douanières des États membres de l'Union européenne ne sont pas liées à l'affirmation selon laquelle les produits en cause bénéficient du traitement préférentiel réservé aux marchandises israéliennes. Il semble difficile d'aller au-delà de cette solution et des instruments mis en place dans le cadre de l'arrangement technique de 2005 et de l'avis de 2012, sauf à imaginer des équipes de contrôle sur place...

L'action concrète que la proposition de résolution préconise se limite de fait à l'échelon national avec la demande de mise en place d'un étiquetage précis. Ce qui ne répond pas aux objectifs d'une proposition de résolution européenne mais relève plutôt du droit national.

Il y a lieu, par ailleurs, d'émettre de réelles objections sur l'exposé des motifs qui est à rebours du droit international en ce qui concerne les frontières de l'État d'Israël. La proposition est ainsi en contradiction avec la position constante et sans équivoque de l'Union européenne sur le sujet, rappelée à maintes occasions lors des réunions du Conseil et qui tend à s'incarner dans le droit dérivé, mais aussi la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

Dans ces conditions, il est recommandé de ne pas adopter la proposition de résolution européenne sur l'étiquetage des produits issus des colonies israéliennes.


* 13 Décision 2013/94/UE du 26 mars 2012 relative à la conclusion de la convention régionale sur les règles d'origine préférentielles paneuro-méditerranéennes.

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