N° 485

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 mars 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, relative au maintien de la réglementation viticole ,

Par MM. Gérard CÉSAR et Claude HAUT,

Sénateurs

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle

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Sénat :

421 (2015-2016)


EXPOSÉ GÉNÉRAL

Conformément à l'article 73 quinquies du règlement du Sénat, votre commission des affaires européennes est chargée d'examiner la proposition de résolution européenne n° 421 (2015-2016) sur le maintien de la réglementation viticole, déposée par MM. Roland Courteau, François Patriat, Claude Bérit-Débat, Henri Cabanel, Bernard Lalande, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Delphine Bataille, MM. Franck Montaugé, Marc Daunis, Jean-Jacques Filleul, Mme Annie Guillemot, M. Alain Duran, Mme Frédérique Espagnac, M. Yannick Vaugrenard, Mmes Patricia Schillinger, Gisèle Jourda, M. Bernard Cazeau, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Madrelle et Pierre Camani, le 24 février 2016.

Cette initiative de nos collègues est particulièrement intéressante tant sur le fond que sur le plan institutionnel. En effet, elle active une disposition prévue par l'article 88-4 de la Constitution, assez peu utilisée et pourtant fondamentale. Cet article permet au Sénat de formaliser une proposition de résolution européenne sur « tout document émanant d'une institution européenne ». Notre compétence ne dépend donc pas de la transmission formelle d'un texte par les institutions européennes et le Gouvernement. Il suffit que ce texte existe, sous une forme ou sous une autre, en l'espèce un simple document de travail, un « non paper » , et qu'il suscite un débat pour qu'un sénateur puisse déposer une proposition de résolution.

Les projets d'actes soumis aux assemblées ne sont plus les seules bases possibles pour des résolutions européennes : celles-ci peuvent également se fonder sur « tout document émanant d'une institution de l'Union européenne » . Le champ des résolutions européennes devient ainsi extrêmement large, puisque l'Union compte aujourd'hui cinq « institutions ».

Ainsi, un simple appel à candidatures, publié par la Commission européenne en vue de mettre en place un groupe d'experts chargé de réfléchir sur le cadre juridique de la protection des données dans l'Union européenne, a servi de base à une proposition de résolution.

De même, le Sénat a adopté des résolutions fondées : sur un document de travail concernant les profils nutritionnels (résolution du 26 mai 2009) ; sur un projet de règlement tendant à permettre l'élaboration de vin rosé par coupage de vin rouge et de vin blanc (résolution du 25 mai 2009) ; sur plusieurs « rapports de progrès » concernant des pays candidats ou potentiellement candidats à l'adhésion, afin de protester contre le fait que de tels documents soient disponibles uniquement en langue anglaise (résolution du 25 mars 2009).

Le présent texte concerne la réglementation viticole. C'est un secteur cher aux sénateurs comme l'a montré leur mobilisation lors de la réforme des droits de plantation. Cette fois encore, la mobilisation des professionnels et des élus devra conduire la Commission à reprendre ses travaux et à proposer une autre réglementation, plus respectueuse des professionnels du secteur et des traditions viticoles.

LE CONTEXTE

Cette réflexion sur la révision de la réglementation viticole prend place dans un contexte de réforme générale marquée par une libéralisation encadrée du secteur. 2016 est la première année de mise en place du nouveau régime des autorisations de plantation. Cette réforme, qui visait alors les seules plantations et dont le contour a été arraché de haute lutte pour éviter l'effondrement du secteur, sera suivie par d'autres. Le texte sur la réglementation viticole est le deuxième « gros » texte visant le secteur. Il suscite les mêmes appréhensions. La profession et les élus des régions viticoles devront rester mobilisés.

MISE EN oeUVRE DU NOUVEAU RÉGIME DES AUTORISATIONS DE PLANTATION DE VIGNE

RAPPEL HISTORIQUE

L'architecture du secteur viticole a été fixée en 2008 dans une organisation commune du marché du vin (« OCM vins »). Une OCM très complète qui réglementait l'organisation du secteur depuis les plantations de vigne jusqu'aux règles d'étiquetage, en passant par les pratiques oenologiques, les labels de qualité etc... En 2009, l'OCM vins est intégrée dans l'« OCM unique » adoptée par le Conseil. En pratique, l'OCM unique ne fait que transposer dans un nouveau texte les dispositions anciennes de 2008. C'est pourquoi la profession continue d'évoquer l'OCM vins qui, en réalité, n'existe plus. Ce dispositif n'est pas figé puisque la première grande réforme du secteur concerne le régime des droits de plantation, un régime très restrictif qui interdit pratiquement toute plantation nouvelle. L'idée est de libéraliser le marché, compte tenu de la forte progression de la demande mondiale. La fin du régime des droits de plantation est expressément prévue pour le 31 décembre 2015, ou, au choix des États, au 31 décembre 2018.

En avril 2010, la Chancelière allemande prend position en faveur du maintien d'un régime d'encadrement des plantations. La France « embraye » et devient le leader de la contestation. La profession se mobilise et le Sénat français prend une part active à ce mouvement qui repose sur l'idée que cette libéralisation va ruiner les efforts des professionnels pour la qualité. 16 pays - 15 pays producteurs et la Finlande - demandent à la Commission de rétablir un encadrement des plantations. Il s'agit seulement d'une position politique puisque la réforme a été adoptée, régulièrement, en 2009.

En 2012, devant ce tiraillement inextricable, qui suppose de renoncer à une réforme votée, la Commission réunit un groupe de haut niveau chargé de présenter des recommandations qui serviront de base à la réforme finale, finalisée dans la nouvelle OCM unique. Le règlement 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 fixe le nouveau régime des autorisations de plantation de vigne (art. 62 et suivants). En 2015, la nouvelle réglementation est complétée :

- au niveau européen, par deux règlements de la Commission : un règlement délégué n° 2015/560 du 7 avril 2015 complétant les dispositions du règlement OCM unique sur les superficies et les conditions d'octroi des autorisations, ainsi qu'un règlement d'exécution n° 2015/561 du 7 avril 2015 précisant les procédures à suivre.

- au niveau national, par deux décrets n° 2015/480 et 481 du 28 avril 2015 relatifs à la gestion du potentiel de production viticole, ainsi que deux arrêtés, du même jour, relatifs aux critères d'attribution des autorisations selon les catégories de vin : appellations d'origine protégée (AOP), indications géographiques (IG), vins sans indication géographique (VSIG).

LE NOUVEAU RÉGIME D'AUTORISATION DE PLANTATION DES VIGNES

Le système des autorisations de plantation est le nouvel outil de gestion du potentiel de production viticole à compter du 1 er janvier 2016 Cette réglementation s'applique aux pays producteurs. Les 10 pays ayant de très faibles productions (- 25 000 hectolitres) ne sont pas concernés par ce nouveau régime (pas plus qu'ils ne l'étaient par l'ancien) : Belgique, Pologne, Lituanie, Lettonie, Estonie, Finlande, Suède, Pays-Bas, Irlande, Royaume-Uni.

Le régime des autorisations de plantation est un succédané du régime antérieur des droits de plantation. Cette modification est néanmoins capitale : il s'agit d'un cas rarissime où l'Union européenne a fait « marche arrière » et a renoncé à mettre en oeuvre une réforme régulièrement adoptée par le législateur européen. Il est caractérisé par des procédures allégées et une augmentation des plantations nouvelles correspondant au maximum à 1 % de la surface nationale déjà plantée en vigne.

Procédures

Le nouveau régime permet la délivrance d'autorisations pour l'ensemble des segments du vin (AOP, IG et VSIG) et sur tout le territoire. Contrairement aux droits, cessibles à titre onéreux, les autorisations préalables aux plantations sont incessibles et octroyées à titre gratuit. Les procédures sont informatisées, les demandes sont traitées en ligne. Les viticulteurs disposant de droits en portefeuille (mais non plantées) peuvent les convertir en autorisations. Toutes les plantations sont soumises à autorisation préalable : plantations nouvelles, replantations, droits convertis. Seules les plantations destinées à l'expérimentation et à la consommation familiale sont exemptes d'autorisation préalable. Une fois l'autorisation accordée, le demandeur a trois ans pour planter sur la surface prévue. Des pénalités sont prévues si le demandeur n'a pas planté comme il avait prévu.

L'augmentation de 1 %

Le nombre d'autorisations délivrées ne pourra pas dépasser 1 % du vignoble, par an, toutes catégories confondues (vins AOP, IG et VSIG), soit environ 7 600 hectares en France.

Chaque région détermine son pourcentage de croissance pour chacun des segments (AOP, IG, VSIG). Les procédures impliquent les organisations professionnelles régionales (les organismes de défense et de gestion - ODG) et nationales (INAOQ - Institut national de l'origine et de la qualité) pour les vins sous appellation (détails des procédures sur le site du ministère : mesdemarches.agriculture.gouv.fr ).

Une demande régionale peut être inférieure à 1 % après justification d'un risque de déséquilibre économique. Elle peut être aussi supérieure, et ne sera alors satisfaite que dans la mesure où l'augmentation nationale est inférieure à 1 %.

Cette progression de 1 % concerne les plantations nouvelles et non les surfaces plantées car, dans le même temps, certains viticulteurs peuvent arrêter leur activité. C'est, en pratique, le cas de figure le plus probable. La surface totale plantée est alors majorée des autorisations nouvelles (1 %) mais minorée par les fins d'activité. C'est le solde qui détermine la progression totale finale (1 % de plantations nouvelles - 0,4 % de retours = 0,6 % d'augmentation, par exemple). Ainsi, une augmentation des productions nouvelles n'implique pas nécessairement une augmentation des surfaces plantées.

L'application de cette nouvelle réglementation donnera lieu, très certainement, à des déconvenues. Certains pays - Allemagne, Autriche, Espagne - ont choisi une très faible progression des droits de plantation (inférieure à 0,5 % par an). Ce qui signifie, en fait, une diminution des surfaces plantées compte tenu des départs et des fins d'activité. De même, les taux de progression varient selon les régions. Certaines régions viticoles ont choisi un taux de progression à zéro (Sancerre, Bordelais). Les autorisations de plantation demandées par des régions aujourd'hui non ou très faiblement viticoles (Île-de-France, Bretagne...) resteront marginales. Ainsi, le potentiel de progression sera entièrement libéré au profit de certaines régions viticoles.

Cette réforme des droits/autorisations de plantation n'est que la première étape d'une révision plus complète qui concerne l'ensemble du secteur. Cette révision est d'ailleurs souhaitée par les professionnels eux-mêmes qui estiment que certaines règles sont obsolètes (comme, par exemple, les règles sur les cépages et l'enrichissement du vin). Mais pour mener à bien cette réforme, la Commission avait le choix entre une révision d'ensemble, sans doute à l'occasion de la révision générale de la PAC ou une révision sujet par sujet, petit bout par petit bout. Curieusement, c'est cette deuxième voie qui a été privilégiée.

Ainsi, les auteurs de la proposition de résolution ont eu connaissance de différents textes préparés par la Commission européenne qui concernent l'étiquetage et le régime applicable aux appellations et aux mentions traditionnelles. Cette révision est présentée comme un travail d'actualisation en cohérence avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

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