Rapport n° 533 (2015-2016) de M. Jean-François RAPIN , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 6 avril 2016

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N° 533

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 avril 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de résolution européenne, présentée par M. René DANESI au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, concernant l' exemption du cristal de la directive « limitation de l' utilisation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques » (directive 2011/65/UE du 8 juin 2011),

Par M. Jean-François RAPIN,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-François Rapin, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès .

Voir le numéro :

Sénat :

486 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de résolution européenne, déposée par René Danesi, porte sur le projet de révision de la directive européenne 2011/65/UE relative à la limitation de l'utilisation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques. Elle vise à soutenir l'obtention d'une nouvelle exemption pour les luminaires en cristal.

Ces luminaires se trouvent dans le champ d'application de la directive, alors même que les éléments en cristal constituant les lustres ne sont que le support de l'équipement électrique.

La directive de 2011 vise à traiter le problème des rejets de plomb dans la nature par le biais des déchets d'équipements électriques et électroniques qui en contiennent, notamment dans les soudures, et peuvent provoquer des pollutions dans les nappes phréatiques. Si le cristal des lustres a été intégré dans le champ de la directive, c'est parce qu'il comporte une masse non négligeable de plomb, le cristal étant une association de sable, de potasse et de plomb. Le plomb est l'élément chimique qui permet la cristallisation.

Votre commission a toutefois constaté que le plomb présent dans le cristal non seulement ne constitue pas de risque pour l'environnement, les lustres étant rarement mis en décharge et le plomb étant en tout état de cause emprisonné dans la matrice en verre, mais présente en outre un risque parfaitement maîtrisé pour la santé publique.

Votre commission soutient donc unanimement cette proposition de résolution européenne et forme le souhait que l'exemption dont bénéficie à ce jour l'industrie cristalline soit reconduite pour cinq ans.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

LA QUESTION DE L'EXEMPTION DU CRISTAL DE LA DIRECTIVE DE 2011 UNE NOUVELLE FOIS POSÉE

LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE DE 2011 SUR LA LIMITATION DE L'UTILISATION DE CERTAINES SUBSTANCES DANGEREUSES DANS LES ÉQUIPEMENTS ÉLECTRIQUES ET ÉLECTRONIQUES

La directive 2011/65/UE du 8 juin 2011 a limité l'utilisation de certaines substances dans les équipements électriques ou électroniques. L'objectif était ainsi de réduire le relargage de ces substances chimiques dans le sol à partir des déchets mis en décharge.

L'annexe II de la directive dresse la liste des substances soumises à limitation en application de l'article 4. Il s'agit du plomb, du mercure, du cadmium, du chrome hexavalent, des polybromobiphényles et des polybromodiphényléthers.

À ce titre, les luminaires en cristal sont dans le champ d'application de la directive, le cristal dit supérieur étant par exemple constitué de verre contenant au moins 30 % de plomb.

Une disposition dite de « progrès technique », prévue à l'article 5 de la directive, autorise la Commission européenne à renforcer une restriction, ou à y substituer une interdiction totale si un nouveau processus industriel permet d'obtenir un résultat comparable avec une menace réduite pour la santé.

L'annexe III de la directive liste les applications exemptées de la limitation d'utilisation de ces substances. L'exemption n° 29 vise « le plomb contenu dans le verre cristal conformément à l'annexe I de la directive 69/493/CEE du Conseil ».

Tous les cinq ans cependant, la directive est révisée. La question se pose donc aujourd'hui du maintien ou non de l'exemption dont bénéficiaient jusqu'alors les luminaires en cristal. L'industrie européenne du cristal sollicite un nouveau délai d'exemption de cinq ans, soit le maximum autorisé par la directive 2011/65/UE.

LE SECTEUR DU CRISTAL : UN SECTEUR BIEN ENCADRÉ PAR LA RÉGLEMENTATION

La production de cristal est d'ores et déjà bien encadrée par la réglementation européenne. L'application de la directive de 2011 sur la limitation de l'utilisation de certaines substances dangereuses s'ajoute ainsi à l'application de :

- la directive 69/493/CEE du Conseil, du 15 décembre 1969, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au verre cristal ;

- la directive 2008/98/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets ;

- ou encore le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH).

UNE EXEMPTION NÉCESSAIRE ET JUSTIFIÉE

UN ENJEU ENVIRONNEMENTAL FAIBLE

L'inclusion des luminaires en cristal dans le champ d'application de la directive est paradoxale pour plusieurs raisons. Il ne s'agit pas à proprement parler d'appareils électriques, mais bien uniquement de supports pour équipements électriques d'éclairage. Au-delà de cette interrogation sur la pertinence de l'inclusion des luminaires en cristal dans le champ de la directive, il est à noter que ces équipements ne présentent pas de réel enjeu environnemental.

La mise en décharge des lustres en cristal est extrêmement rare, en raison de leur prix mais également parce que les pièces brisées sont facilement remplaçables.

Quand bien même ces lustres seraient jetés en décharge, le plomb utilisé pour la fabrication du cristal est chimiquement intégré dans le verre et ne présente pas de risque de relargage dans le sol. La Fédération des cristalleries et verreries à la main et mixtes a fait réaliser par des laboratoires indépendants italiens des tests de lixiviation qui ont mis en évidence l'innocuité du cristal mis en décharge.

Les chiffres cités par René Danesi, auteur de la proposition de résolution européenne, sont à ce titre instructifs. Il indique en effet qu'une tonne de cristal de lustres déposée dans une déchetterie laisserait s'échapper 2,5 à 3,5 grammes de plomb. Le risque environnemental est donc extrêmement faible.

UN ENJEU SANITAIRE MAÎTRISÉ

De même que le risque environnemental est très faible, le risque sanitaire que représente le plomb utilisé en cristallerie semble aujourd'hui maîtrisé.

Concernant l'exposition de la population générale, le risque est quasiment inexistant dans la mesure où le plomb utilisé au moment de la conception du produit est emprisonné dans le verre. Par ailleurs, contrairement à d'autres objets en cristal, comme des verres ou des carafes, le contact avec les luminaires est en tout état de cause limité. Les valeurs limites d'exposition sont en outre de plus en plus strictes : elles ont ainsi été divisées par quatre depuis les années 1970.

Concernant l'exposition professionnelle dans les cristalleries, et plus largement la santé au travail, la réglementation impose des plombémies régulières pour les travailleurs exposés au plomb. Le suivi de ces personnes est régulier.

Selon les données fournies par l'INRS à votre rapporteur, aucune déclaration de maladie professionnelle liée au saturnisme n'a été constatée dans les cristalleries au cours des cinq dernières années. Il est important de noter que le plomb utilisé dans les cristalleries est peu biodisponible : il est certes présent en quantités significatives dans l'atmosphère mais pénètre mal dans l'organisme.

Là encore, le risque minime semble donc justifier une exemption.

LA RECHERCHE D'ALTERNATIVES AU PLOMB

Depuis 2011, la filière cristallière n'est pas restée inactive et s'est engagée dans la recherche de produits de substitution pour le plomb.

À ce stade, les alternatives envisagées posent plusieurs problèmes :

- la réfraction à la lumière n'est pas la même ;

- la température de fusion est plus élevée pour le verre que pour le cristal, les alternatives consomment donc plus d'énergie et sont plus coûteuses ;

- le verre refroidit plus vite et doit constamment être réchauffé pour être travaillé, contrairement au cristal ;

- le cristal est bien plus souple que le verre et donc plus facile à graver et décorer.

Selon la Fédération des cristalleries, il faudrait encore au moins dix ans de recherche pour aboutir à une solution satisfaisante, le résultat n'étant pas garanti.

Il est à noter que dans l'hypothèse, optimiste à ce jour, où un nouveau procédé ou une nouvelle substance permettraient d'éviter l'emploi du plomb, la Commission européenne pourrait appliquer la procédure « progrès technique » pour restreindre ou interdire l'usage du plomb dans la filière.

LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

LA NÉCESSITÉ DE PROTÉGER UN SECTEUR ÉCONOMIQUE AU CoeUR DU SAVOIR-FAIRE ET DU PATRIMOINE CULTUREL FRANÇAIS

Votre commission souscrit pleinement à l'objectif de la proposition de résolution de la commission des affaires européennes.

Le cristal représente pour la France un enjeu économique. D'après les chiffres cités par René Danesi, la production cristalline dans l'Union européenne représente 197 entreprises, 3 000 emplois directs et 9 000 emplois indirects. L'essentiel de cette activité est réalisé en France, devant la République tchèque et l'Irlande.

Par ailleurs, votre commission souligne que les cristalleries comme Saint-Louis, Baccarat, Lalique et d'autres, sont de grandes marques qui représentent certes des emplois mais aussi un savoir-faire et un patrimoine historiques à préserver.

Ces éléments justifient le maintien de l'exemption dont disposent à ce jour les luminaires en cristal au titre de la directive de 2011.

UNE PROCÉDURE DE RÉVISION EN COURS AU NIVEAU EUROPÉEN

En vue de la révision de la directive de 2011, la Commission européenne a lancé un processus préparatoire en deux étapes :

- la réalisation d'une consultation publique, achevée le 16 octobre 2015 et à laquelle ont participé les cristalleries françaises ;

- la réalisation d'une étude par un cabinet indépendant, le cabinet OEKO, afin de faire le point sur les aspects scientifiques et techniques et notamment examiner la pertinence des demandes d'exemption.

Ce cabinet doit remettre son rapport très prochainement. Par la suite, un comité d'experts représentant les États membres formulera un avis sur lequel s'appuiera la Commission européenne pour prendre une décision au début du second semestre 2016.

La présente proposition de résolution européenne s'inscrit donc au bon moment pour réaffirmer la position de la France sur la nécessité de prolonger l'exemption dont bénéficie à ce jour le cristal dans le cadre de la directive de 2011.

L'ADOPTION DE DEUX AMENDEMENTS DE PRÉCISION

Votre commission a souhaité renforcer et préciser le dispositif proposé par la commission des affaires européennes en adoptant deux amendements à l'initiative de votre rapporteur.

L'amendement COM-1 apporte une précision sur la prise en compte du plomb dans les cristalleries en matière de santé au travail . Le cadre réglementaire est aujourd'hui complet et exigeant. Les salariés exposés au plomb font l'objet de mesures régulières de plombémie. Par ailleurs, aucune déclaration de maladie professionnelle liée au saturnisme n'a été répertoriée en cristallerie dans les cinq dernières années, selon les chiffres de l'INRS.

Au-delà des enjeux en termes de santé publique, votre commission a donc jugé important de préciser que le plomb constitue actuellement un risque bien connu et maîtrisé en matière de santé au travail.

L'amendement COM-2 vise à rappeler que s'il n'existe pas d'alternative au plomb à ce stade, la recherche de matériaux de substitution a été engagée par les cristalleries depuis cinq ans. La demande d'exemption de la filière dans le cadre de la mise à jour de la directive 2011/65/UE ne traduit pas une inertie des professionnels face à cet enjeu environnemental et sanitaire, mais bien le fait qu'aucune solution valable n'a pour l'heure été mise à jour par la recherche.

Au cours de sa réunion du mercredi 6 avril 2016, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté la proposition de résolution concernant l'exemption du cristal de la directive « limitation de l'utilisation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques » dans la rédaction issue de ses travaux.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE CONCERNANT L'EXEMPTION DU CRISTAL DE LA DIRECTIVE « LIMITATION DE L'UTILISATION DE SUBSTANCES DANGEREUSES DANS LES ÉQUIPEMENTS ÉLECTRIQUES ET ÉLECTRONIQUES » (DIRECTIVE 2011/65/UE DU 8 JUIN 2011)

TEXTE DE LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la directive 69/493/CEE du 15 décembre 1969 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au verre cristal, notamment son annexe I,

Vu la directive 2011/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 relative à la limitation de l'utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques, notamment son article 5, point 2, alinéa 2, son article 19 et son annexe III,

Approuve la volonté de protéger la santé publique face à des pollutions imputables à des substances dont la présence dans le sol représenterait un risque avéré ;

Constate qu'en matière de santé au travail, le risque présenté par le plomb dans les cristalleries est aujourd'hui mesuré, encadré et sans conséquences déclarées ;

Estime que l'assimilation des luminaires en cristal à des équipements électriques est contestable, ces luminaires ne jouant aucun rôle dans la circulation du courant ;

Comprend toutefois que les lustres en cristal ne soient pas exclus du champ d'application de la directive 2011/65/UE, afin d'inciter les professionnels du secteur à rechercher activement un substitut au plomb ;

Constate l'absence à ce stade de solution alternative à l'utilisation du plomb dans l'élaboration des articles en cristal malgré une recherche engagée depuis cinq ans par la filière et une expérimentation qui n'a pas encore fait ses preuves ;

Souhaite en conséquence que la Commission européenne proroge pour cinq ans l'exemption inscrite à l'annexe III de la directive 2011/65/UE qui vise « Le plomb contenu dans le verre cristal conformément à l'annexe I (catégories 1, 2, 3 et 4) de la directive 69/493/CEE du Conseil » ;

Invite le Gouvernement à soutenir cette orientation et à la faire valoir dans les négociations en cours.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 avril 2016, la commission a examiné la proposition de résolution européenne.

M. Hervé Maurey, président . - Nous avons à examiner la proposition de résolution européenne n° 486 (2015-2016), présentée par René Danesi au nom de la commission des affaires européennes, concernant l'exemption du cristal de la directive sur la limitation de l'utilisation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques. Le sujet porte essentiellement sur la question des luminaires en cristal. Je vous rappelle que cette proposition de résolution a été adoptée à l'unanimité le 18 mars par la commission des affaires européennes.

M. Jean-François Rapin, rapporteur . - Je vous remercie de m'avoir confié ce premier rapport au sein de la commission. On aurait pu penser qu'il s'agissait d'un piège de cristal... Bien que le sujet soit très ponctuel, j'ai trouvé beaucoup d'intérêt à analyser ce dossier.

Cette proposition de résolution porte sur le projet de révision de la directive européenne 2011/65/UE relative à la limitation de l'utilisation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques et vise à obtenir une nouvelle exemption pour les luminaires en cristal.

Premier point, et qui est selon moi un paradoxe : la directive porte sur les équipements électriques et électroniques. Les éléments en cristal constituant les lustres sont pourtant intégrés dans le champ du dispositif. Cette directive vise à traiter le problème des rejets de plomb dans la nature par le biais des déchets d'équipements électriques et électroniques, notamment dans les soudures, qui provoquent des pollutions dans les nappes phréatiques. Si le cristal des lustres a été intégré au champ de la directive, c'est qu'il comporte une masse non négligeable de plomb ; le cristal est en effet une association de sable, de potasse et de plomb. Le plomb permet la cristallisation et donne sa beauté à ce produit.

J'ai procédé à deux auditions, une audition des professionnels du cristal et une audition des services de la santé au travail. Ils m'ont assuré qu'au moment de la fusion, la quasi-totalité du plomb disparaît. Si le cristal est rejeté dans la nature, le plomb restant dans le cristal est enfermé dans la structure en verre et ne provoque quasiment aucune pollution. Le risque environnemental présenté par le cristal est donc nul, d'autant qu'il est rare de trouver des lustres dans les décharges publiques...

La directive est révisée tous les cinq ans. Les cristalliers doivent donc à nouveau s'expliquer cette année sur leur activité, bien que le secteur soit déjà bien encadré par la réglementation.

En termes économiques, ainsi que le relève le sénateur Danesi dans sa proposition de résolution européenne, le cristal représente 197 entreprises dans l'Union européenne, 3 000 emplois directs et 9 000 emplois indirects, essentiellement en France, en République tchèque et en Irlande. Ces entreprises, de manière générale, ne gagnent pas beaucoup d'argent. Elles sont souvent adossées à de grands groupes. Saint-Louis fait partie du groupe Hermès par exemple. Les habitudes de consommation ont fortement évolué depuis cinquante ans. On achète de moins en moins de cristal.

Un mot sur la recherche. Il y a cinq ans, l'Union européenne a failli rendre un avis défavorable à l'exemption du cristal. Un cabinet d'études ayant entendu les cristalliers avait rendu un avis défavorable. Le reproche qui leur était fait était de ne pas faire suffisamment de recherche pour tenter de trouver des produits de substitution au plomb. Depuis cinq ans, la filière a donc investi dans la recherche. Il existe des pistes alternatives qui ne sont pas probantes à ce stade : on n'arrive jamais à la qualité du cristal, que ce soit pour la souplesse du verre ou encore sa clarté. Les industriels ne sont pas restés inactifs.

Je vous ai expliqué précédemment qu'il n'y avait pas de risque en matière de santé publique, pour la simple raison qu'il n'y avait pas de relargage du plomb présent dans le cristal dans la nappe phréatique. Je me suis interrogé sur le problème de la santé au travail. Le plomb est utilisé à hauteur de 24 % dans la masse globale du cristal : on pourrait donc imaginer une exposition forte des salariés du cristal, d'autant que le travail est encore très largement manuel et artisanal. J'ai entendu des représentants de l'INRS. Ils m'ont indiqué qu'aucun cas de maladie professionnelle liée au saturnisme n'avait été déclaré en cristallerie ces cinq dernières années. Des protections sont en place. Par ailleurs, le plomb utilisé est peu biodisponible, il ne pénètre donc pas facilement dans l'organisme.

Je vous présenterai tout à l'heure deux amendements afin de renforcer la position adoptée par la commission des affaires européennes, qui propose de soutenir la demande d'exemption du cristal de la directive de 2011.

M. Gérard Cornu . - Vous nous avez indiqué que les cristalleries étaient souvent adossées à de grands groupes. Que représente le secteur du cristal en France par rapport aux autres pays européens ? Sommes-nous leaders ?

Le plomb est intégré dans le verre au moment de la fusion. Disposons-nous de mesures précises sur les rejets de plomb après cette étape ? Y a-t-il des normes européennes ou mondiales ?

M. Louis Nègre . - Je remercie le rapporteur pour la clarté de cet exposé, c'est du cristal... Nous sommes ici pris entre deux feux : d'un côté, le risque de saturnisme que présente le plomb, d'un autre côté, une industrie française du luxe, leader dans le monde. La question est donc de savoir s'il y a un véritable danger. Où y a-t-il danger dans le cycle de création du cristal ? Le rapporteur nous indique qu'il n'y a pas de cas de saturnisme, ce qui veut dire que les précautions nécessaires sont prises dans les usines. Il n'y quasiment pas de relargage de plomb dans la nature. Où est donc le problème ?

M. Benoît Huré . - Sait-on comment les autres pays de l'Union européenne ont transposé ces dispositions ?

Mme Odette Herviaux . - Vous évoquiez le fait que le cristal se retrouve rarement dans les déchetteries : le problème n'est effectivement pas là. Le risque est probablement plutôt du côté des salariés. Vous indiquez qu'il n'y a actuellement pas de cas de saturnisme déclarés. Connaissant un peu la région, je sais qu'il n'y en avait pas plus autrefois. On touche là un problème récurrent : lorsque l'Europe commande des études à des cabinets spécialisés, ces derniers appliquent une méthode formatée à tous les sujets, sans connaître la situation initiale. On pourrait reprocher un manque de recherche d'alternatives, mais nous savons tous que s'il n'y a plus de plomb, il n'y a plus de cristal.

Mme Évelyne Didier . - Je suis d'une région où nous avons la chance d'avoir Baccarat. J'ai eu l'occasion de visiter les ateliers, avec à la tête des équipes des meilleurs ouvriers de France. L'exemption demandée est de bon sens, il faut voter ce texte.

Certains collègues se demandent où est le danger : lorsque des multinationales rachètent nos cristalleries, ce n'est pas pour faire vivre le cristal, mais bien pour récupérer une marque qu'on applique ensuite à des secteurs plus rentables comme l'hôtellerie. Notre crainte, c'est la fermeture des ateliers Baccarat. Voilà le véritable danger.

Le plomb est nécessaire pour fabriquer du cristal, pour des raisons de transparence, de souplesse et de température de fusion.

M. Charles Revet . - Je partage ce qu'a dit Evelyne Didier. Il faut avoir à l'esprit que la France a de vraies spécificités dans beaucoup de domaines. Le verre en est un bon exemple. La France, et en particulier la Seine-Maritime, fournit environ 80 % des flaconnages de luxe au niveau mondial. Dans l'application des normes européennes, il nous faut donc être vigilants de ne pas aller trop loin dans l'uniformisation. Je prendrai deux exemples. Quand l'Europe a voulu mettre un terme aux fromages au lait cru, heureusement que le prince Charles a défendu notre production. La même difficulté s'est posée quand l'Union européenne a voulu définir le vin rosé comme un mélange de blanc et de rouge. Tout en protégeant la santé et l'environnement, il faut défendre nos spécificités.

M. Alain Fouché . - J'invite les collègues qui n'ont pas eu l'occasion de le faire à visiter la boutique Baccarat place des États-Unis, dans laquelle se trouvent une collection remarquable et un ascenseur entièrement en cristal.

M. Jean-François Rapin, rapporteur . - Pour répondre à Gérard Cornu, la France est effectivement leader en matière de cristal. Nos marques sont adossées à des grands groupes du luxe, à des savoir-faire artisanaux. Le cristal fait partie de notre patrimoine. Dans ma région, à Arques, la cristallerie a été reprise par un groupe américain et l'évolution se fait dans le sens d'une déclassification du produit.

Comme Louis Nègre, je me suis interrogé sur la pertinence de l'inclusion du cristal dans la directive. Nous avons aujourd'hui la certitude qu'il n'y a pas de relargage de plomb à cause du cristal dans la nature. Dans les usines, les salariés font régulièrement des plombémies, pour mesurer la quantité de plomb dans le sang. Pour la population générale, la valeur limite maximale d'exposition a par ailleurs été divisée par quatre en quarante ans.

Concernant l'application de la directive dans l'Union européenne, tous les États membres bénéficieront de l'exemption pour les luminaires en cristal si elle est prolongée de cinq ans.

Le verre est bien une spécificité française. Un élément à retenir sur la technique : certaines marques, comme Swarovski, indiquent faire du cristal alors qu'il ne s'agit en fait que d'un verre très luisant et très blanc. Ces marques exercent une pression au niveau européen pour obtenir un label cristal pour leur verre de substitution.

Concernant la recherche d'alternatives au plomb, son aboutissement prendra du temps. J'ajoute que le cristal présente un avantage en termes de consommation énergétique par rapport aux alternatives testées à l'heure actuelle car la température de fusion est plus basse.

M. Hervé Maurey, président . - Nous en arrivons aux deux amendements déposés par le rapporteur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Jean-François Rapin, rapporteur . - L'amendement COM-1 apporte une précision sur la prise en compte du risque présenté par le plomb dans les cristalleries en matière de santé au travail.

L'amendement COM-1 est adopté.

M. Jean-François Rapin, rapporteur . - L'amendement COM-2 apporte une réponse aux critiques soulevées à l'encontre des cristalliers il y a cinq ans, à savoir de ne pas mener de recherche d'alternatives. Il y a véritablement une recherche engagée, même s'il semble difficile de la voir aboutir.

L'amendement COM-2 est adopté.

La commission adopte la proposition de résolution ainsi modifiée.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 5 avril 2016 :

- Fédération des Cristalleries et des verreries à la main et mixtes (FCVMM) : M. Jérôme de Lavergnolle , président ;

- Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) : Mme Florence Pillière , conseiller médical en santé au travail, et M. Bruno Courtois , Expert en conseils et techniques.

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