II. UNE INTERDÉPENDANCE TECHNOLOGIQUE VOULUE ET AMÉNAGÉE

La mise en oeuvre des centres d'excellence au sein de MBDA accroît la dépendance mutuelle de la France et du Royaume-Uni, à laquelle appelait le Traité de Lancaster House, dans le secteur stratégique des missiles, pour la fourniture de certaines technologies déterminées, tout en permettant à chacune des Parties de préserver son autonomie stratégique, la sécurité de ses approvisionnements et l'indépendance de sa politique extérieure, notamment en matière d'exportations.

L'article 11 du présent accord pose ainsi le principe d'un engagement de non-rétablissement : les Parties, qui reconnaissent cette dépendance entre elles, « s'abstiennent de financer des projets ou de prendre de décisions qui contribuent à la reconstitution ou au rétablissement sur leur territoire de capacités transférées sur le territoire de l'autre Partie dans le cadre des centres d'excellence ».

D'autres engagements des Parties ont été prévus :

1. L'échange d'informations, même classifiées, et de technologies provenant des centres d'excellence

L'article 6 de l'accord, relatif à la sécurité d'approvisionnement, garantit la fourniture réciproque d'informations et de technologies développées et fabriquées par les centres d'excellence . Cette fourniture ne doit jamais être entravée en temps de paix comme en cas de crise ou de conflit armé. Des mesures doivent être prises par les Parties pour assurer cette sécurité d'approvisionnement ainsi qu'un soutien efficace des ressources, activités et compétences associées aux centres d'excellence. Les Parties s'accordent mutuellement un accès sans obstacle aux centres d'excellence .

L'article 7 traite des niveaux de protection ou de classification des informations et technologies créées par les centres d'excellence, qu'il s'agisse de données futures ou déjà existantes, afin que les échanges de données ne soient pas inutilement entravés par des restrictions de sécurité nationale . En vue de faciliter la circulation des documents entre les deux pays, les informations dont la diffusion est réservée aux seuls ressortissants français ou britanniques doivent être estampillées « Spécial France/Royaume-Uni » (traduction anglaise : « For UK/ French Eyes only »), sauf si l'une des Parties estime que des restrictions nationales doivent être maintenues. Le travail des centres d'excellence devrait s'en trouver facilité.

D'une manière générale, les Parties doivent faciliter l'échange d'informations, y compris d'informations classifiées, conformément à l'article 11 du Traité de Lancaster House, et protéger ces informations conformément aux dispositions de l'accord bilatéral de sécurité, conclu en 2008 et modifié en 2014, qui prévoit l'équivalence des classifications de sécurité des deux pays, aux fins de partage de certaines informations sensibles.

2. L'octroi réciproque de licences globales pour le transfert des produits liés à la défense

L'article 8 de l'accord vise à faciliter le transfert, entre les Parties, de produits liés à la défense , notamment par le biais de licences globales réciproques et de même portée, couvrant l'ensemble du domaine d'activité du centre d'excellence . Ses stipulations s'inscrivent dans le champ d'application de la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans l'Union européenne.

Ces licences globales, qui ne seront attribuées qu'après l'entrée en vigueur de l'accord, vont permettre aux personnels français et britannique de MBDA d'échanger sur l'ensemble des activités du centre d'excellence : données, matériels, technologies, logiciel, procédés ou expériences sauf s'il existe des restrictions nationales.

À l'occasion des auditions organisées par votre rapporteur, MBDA a fait valoir que la licence globale est « un facilitateur essentiel et indispensable au succès des centres d'excellence », car chaque échange entre les filiales française et britannique nécessite actuellement la délivrance d'une licence individuelle de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG), après un temps d'instruction plus ou moins long.

Les Parties sont aussi incitées, par l'accord, à examiner rapidement les demandes déposées par MBDA-France et MBDA-UK pour leurs centres d'excellence, ainsi que, le cas échéant, pour les programmes de système de missiles en coopération ou nationaux, en vue d'accorder des licences globales adéquates nécessaires aux transferts efficaces et sans contrainte, sur une base réciproque et équivalente.

Elles doivent en outre s'informer mutuellement si elles envisagent de retirer une licence globale portant sur un centre d'excellence visé par l'accord.

3. Un principe d'autorisation des transferts et des exportations à des tiers des productions issues des centres d'excellence

L'article 9 de l'accord précise les modalités de transfert et d'exportation à des tiers de systèmes de missiles incluant des produits liés à la défense créés par des centres d'excellence visés par l'accord. Il pose le principe qu'une Partie ne peut pas opposer un refus à la demande de vente à un tiers, émanant de l'autre Partie, sauf pour des motifs de politique étrangère et de sécurité nationale.

Les Parties conviennent des principes régissant le transfert et l'exportation à des tiers des programmes de systèmes de missiles actuels et futurs de MBDA-France et MBDA-UK et développent les procédures qui seront appliquées à ces décisions de transfert.

Elles doivent ainsi s'entendre sur des listes de destinataires finaux autorisés pour les systèmes de missiles, sur la base des listes de destinataires finaux potentiels soumises par MBDA. Une fois approuvées, ces listes de valeur purement indicative, et révisables si nécessaire, sont transmises à MBDA.

Dans tous les cas où des sous-systèmes développés dans les centres d'excellence sont concernés, les Parties s'informent mutuellement , dès la confirmation d'une vente à un destinataire final potentiel figurant sur une de ces listes et avant la signature du contrat de vente .

La responsabilité de la délivrance de la licence de transfert ou d'exportation de système de missiles relève de la Partie sur le territoire de laquelle est situé le système de missiles au moment de son transfert. En France, cette responsabilité incombe à la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG).

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les organismes de contrôle sont actuellement en cours de discussion en vue d'un accord sur un processus de gestion de listes de destinataires finaux potentiels pour lesquels l'exportation, par un pays, d'un missile comportant des sous-ensembles provenant des centres d'excellence situés dans l'autre pays, ne semble pas poser de problème d'acceptabilité et peut permettre une procédure allégée.

4. La cession ou le transfert mutuels des droits de propriété intellectuelle résultant de l'activité des centres d'excellence et l'octroi de licence d'utilisation équivalente

L'article 10 de l'accord définit les règles de divulgation et d'utilisation des informations entre les États signataires. Ce sont deux de ces dispositions relevant du domaine de la loi, qui rendent nécessaire le recours à une autorisation parlementaire pour la ratification de l'accord, en application de l'article 53 de la Constitution.

La première énonce une stipulation pour autrui : les Parties s'engagent à n'empêcher ni l'échange d'informations, ni les cessions ou transferts des droits de propriété intellectuelle générés par les centres d'excellence, ni l'octroi de licences d'exploitation entre MBDA - France et MBDA-UK, tous deux tiers à l'accord, sauf s'il existe de « sérieuses restrictions de sécurité nationale ».

La seconde introduit une promesse de porte-fort : lorsque MBDA - France et MBDA-UK sont titulaires des droits sur une invention faisant l'objet d'un brevet ou d'une demande de brevet, les Parties s'assurent que MBDA octroie à chaque Partie, sur la même base, une licence d'utilisation irrévocable et exempte de redevance.

Cet article prévoit en outre que les Parties s'accordent mutuellement des droits d'utilisation et de réutilisation équivalents , sans redevance, des informations préexistantes et générées par la mise en oeuvre de cet accord, lorsque ces informations sont la propriété de MBDA et sont fournies par un centre d'excellence. Leur réutilisation pour des futurs programmes communs est soumise à l'autorisation de MBDA.

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