B. UN STATUT DÉROGATOIRE AU DROIT COMMUN

La spécificité du régime parisien s'inscrit à la fois dans les pouvoirs du maire, plus réduits que ceux de ses homologues, et dans l'organisation administrative de la capitale.

1. L'institution du préfet de police

Le statut dérogatoire de Paris est particulièrement accentué en matière de pouvoir de police. Le maire de Paris n'exerce pas la plénitude des pouvoirs de police que l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales attribue aux autres maires de France.

Comme indiqué précédemment, cette particularité puise ses racines dans l'histoire. En effet, en vertu de la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) et de l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII (1 er juillet 1800), c'est le préfet de police qui exerce, à Paris, une grande partie des compétences de police traditionnellement exercées par un maire.

Cette spécificité se justifie par la position spécifique de Paris, comme capitale économique et politique de la France - qui nécessite d'assurer la protection des institutions de la capitale -, de sa démographie et de son étendue géographique : ces facteurs participent de l'idée que la sécurité à Paris ne peut relever du régime de droit commun.

Les évolutions législatives qu'a connues Paris en 1975 et 1982 n'ont modifié qu'à la marge cette répartition des pouvoirs de police au profit du préfet de police : ce dernier détient toujours la compétence de principe.

Néanmoins, le maire de Paris s'est progressivement vu reconnaître certaines compétences comme les pouvoirs de police en matière de salubrité sur la voie publique et de maintien du bon ordre dans les foires et les marchés qu'il exerce depuis 1986 1 ( * ) . En 2002 2 ( * ) , le législateur lui a en outre confié une compétence générale pour tout ce qui relève de la circulation et du stationnement dans la capitale. Toutefois, ses prérogatives s'exercent sans préjudice de celles du préfet de police qui demeure compétent pour :

- réglementer les conditions de circulation et de stationnement sur des portions de voies ou dans des périmètres situés dans des lieux sensibles (ambassades, ministères, etc .) 3 ( * ) ;

- définir la police de la circulation et du stationnement en cas de manifestation de voie publique : les arrêtés adoptés à cet effet n'ont cependant qu'un caractère temporaire et sont pris après avis du maire de Paris ;

- délivrer un avis conforme sur les axes définis par le décret n° 2014-1541 du 18 décembre 2014 (boulevard périphérique, voies sur berge... ).

En outre, afin d'assurer l'exécution et le respect des règles de circulation et de stationnement, des agents de la Ville de Paris - les agents de surveillance de Paris (ASP) - sont placés sous l'autorité du préfet de police. Ils sont chargés de dresser des contraventions pour toutes les infractions aux règles de la circulation et de verbaliser dans le domaine de la propreté ou des nuisances sonores.

Le statut particulier de Paris permet au maire de Paris de disposer d'un pouvoir en matière de prévention de la délinquance : en effet, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a confirmé le département comme chef de file en la matière.

En dépit de ces évolutions successives, le maire bénéficie de pouvoirs de sécurité limités en comparaison de ceux des autres maires de France, le préfet de police conservant l'essentiel des attributions en la matière.

2. Une organisation « déconcentrée »

L'administration de Paris s'organise dans le cadre d'un découpage de son territoire en arrondissements, gérés par des conseils dotés de compétences d'attribution.

a) Une division en vingt arrondissements

La première division de Paris en douze arrondissements date de la loi du 19 vendémiaire an IV (11 octobre 1795). En 1800, au moment où est institué le préfet de police, sont maintenus les douze « arrondissements municipaux » avec, à leur tête, un maire et deux adjoints choisis par le Premier consul. Ils assument alors des fonctions administratives et d'état civil.

La loi du 16 juin 1859 sur l'extension des limites de Paris redéfinit le périmètre de la capitale, en repoussant les limites de l'enceinte des Fermiers généraux à celles de Thiers, faisant ainsi disparaître le mur de l'octroi, ce qui entraîne un nouveau découpage de la capitale en vingt arrondissements, toujours en vigueur aujourd'hui. Cette loi place à la tête de chacun d'eux un maire et deux adjoints.

En 1975, les arrondissements de Paris sont utilisés pour la définition des secteurs électoraux pour l'organisation des élections municipales : Paris est alors formé de 18 secteurs électoraux, les 1 er et 2 ème , d'une part, et les 3 ème et 4 ème , d'autre part, formant deux secteurs.

La loi du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale - dite « loi PLM » - prévoit une organisation spécifique pour les trois plus grandes villes de France. En premier lieu, elle institue des conseils et des maires d'arrondissement élus au suffrage universel. En second lieu, elle redécoupe les secteurs électoraux, chaque arrondissement devenant un secteur électoral. Cette loi fixe l'effectif des conseillers de Paris à 163 et celui des conseillers d'arrondissement à 354. Ils sont élus dans le cadre d'un scrutin commun dans le ressort de l'arrondissement. Le nombre de conseillers de Paris et de conseillers d'arrondissement de chaque arrondissement est lié à sa démographie.

Un tiers des membres du conseil d'arrondissement siège au conseil municipal de la Ville de Paris tandis que les deux autres tiers ne siègent qu'au conseil d'arrondissement. En d'autres termes, les conseillers de Paris siègent à la fois au conseil de Paris et au conseil de l'arrondissement dans lequel ils sont élus. Chaque conseil d'arrondissement élit en son sein un maire d'arrondissement 4 ( * ) .

b) Des compétences limitées

L'arrondissement ne dispose pas de la personnalité morale - seule en bénéficie la Ville de Paris qui est une collectivité territoriale au sens de l'article 72 de la Constitution : il est une structure déconcentrée de la commune exerçant des compétences d'attribution de la mairie centrale. Les maires d'arrondissement ne sont donc pas des maires de plein exercice.

Toutefois, afin de répondre à un souci d'efficacité de l'action publique et de démocratie de proximité, les conseils d'arrondissement et leurs maires se sont vu reconnaître, à compter de 1982, un certain nombre de pouvoirs et de compétences. Ainsi, les conseils d'arrondissement peuvent adresser au maire de Paris des questions écrites sur toute affaire intéressant l'arrondissement et demander au conseil municipal de débattre de ces affaires 5 ( * ) .

Le conseil d'arrondissement est également consulté par le conseil municipal de la Ville de Paris sur tout projet dont l'exécution est prévue, en tout ou partie, sur le territoire de l'arrondissement 6 ( * ) ainsi que lors de l'établissement, la révision ou la modification du plan local d'urbanisme lorsqu'est concerné le ressort territorial de l'arrondissement 7 ( * ) . Il donne son avis sur le montant des subventions attribuées par le conseil municipal aux associations locales dont l'activité s'exerce sur le périmètre de l'arrondissement 8 ( * ) .

Le conseil d'arrondissement est chargé de la gestion des équipements de proximité - leur implantation, les programmes d'aménagement. Concrètement, il fixe les horaires d'ouverture, la répartition des plages horaires, les règles d'admission individuelle, la location ou le prêt de ces équipements. On dénombre aujourd'hui environ 1 500 équipements de proximité. Sont ainsi qualifiés tous les équipements « à vocation éducative, sociale, culturelle, sportive et d'information de la vie locale » 9 ( * ) . En revanche, le conseil d'arrondissement doit obtenir l'accord du conseil municipal de la Ville de Paris pour le lancement de nouveaux programmes d'implantation.

Par ailleurs, les logements dont l'attribution relève de Paris et qui sont situés dans l'arrondissement sont attribués, pour une moitié, par le maire d'arrondissement et, pour l'autre moitié, par le maire de Paris 10 ( * ) .

Plus globalement, le conseil municipal de Paris peut déléguer, dans les cas et les conditions qu'il détermine, au conseil d'arrondissement compétence en matière de préparation, de passation, d'exécution et de règlement des marchés de travaux, de fournitures et de services passés sans formalités préalables 11 ( * ) .

Enfin, le conseil d'arrondissement peut créer des conseils de quartier permettant aux habitants de se réunir pour élaborer des propositions relatives à la vie de leur quartier.

Le maire d'arrondissement, quant à lui, est officier de l'état civil dans l'arrondissement et il est également chargé des affaires scolaires. Il peut se voir déléguer certaines des attributions du maire de Paris en matière électorale, à l'exception de la révision annuelle des listes électorales 12 ( * ) . Il préside par ailleurs la caisse des écoles de son arrondissement 13 ( * ) , émet un avis sur toute autorisation d'utilisation du sol dans l'arrondissement délivrée par le maire de la commune et au nom de celle-ci ainsi que sur toute permission de voirie sur le domaine public de l'arrondissement et sur tout projet d'acquisition et d'aliénation d'immeubles ou de droits immobiliers réalisées par la commune dans l'arrondissement 14 ( * ) .


* 1 Loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 portant adaptation du régime administratif et financier de la ville de Paris.

* 2 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

* 3 Arrêté n° 2002-1076 du préfet de police, en date du 6 mai 2002.

* 4 Article L. 2511-25 du code général des collectivités territoriales.

* 5 Article L. 2511-12 du code général des collectivités territoriales.

* 6 Article L. 2511-13 du code général des collectivités territoriales.

* 7 Article L. 5211-15 du code général des collectivités territoriales.

* 8 Article L. 2511-14 du code général des collectivités territoriales.

* 9 Article L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales.

* 10 Article L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales.

* 11 Article L. 2511-22 du code général des collectivités territoriales.

* 12 Article L. 2511-26 du code général des collectivités territoriales.

* 13 Article L. 2511-29 du code général des collectivités territoriales.

* 14 Article L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales.

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