III. EXAMEN DU RAPPORT (9 NOVEMBRE 2016)

Réunie le mercredi 9 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2017 et a entendu sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

Mme Michèle André , présidente . - Nous ouvrons cette séance de la commission des finances dans un climat bien particulier.

Le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, nous présentera les principaux éléments d'équilibre du projet de loi de finances pour 2017, figurant dans le tome I du rapport général, avant sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - J'essaierai d'être aussi complet que possible, mais, pour l'être tout à fait, je vous invite à vous référer au tome I du rapport général.

Nous nous trouvons à un moment clef de l'examen du projet de loi de finances, consacré à l'analyse des principaux équilibres du budget de l'année à venir.

Le projet de loi de finances pour 2017 se présente sous les traits d'un budget de campagne. À moins d'un an des élections, le Gouvernement cherche non seulement à donner des gages de son sérieux budgétaire, en particulier en affichant un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017, mais aussi à trouver des marges de manoeuvre en vue de relâcher les efforts en matière de dépenses.

M. Didier Guillaume . - C'est que ce vous annoncez aussi !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je m'exprime en tant que rapporteur général de la commission des finances, non en tant que candidat à la primaire !

Si le Gouvernement parvient à respecter, sur le papier, l'objectif d'un retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, ce n'est qu'au prix d'un nouveau renoncement à la parole donnée pour ce qui est des baisses de la fiscalité des entreprises devant intervenir en 2017. Hier, certains d'entre nous ont rencontré la Fédération bancaire française (FBF), qui a rappelé les difficultés engendrées par les renoncements en matière de fiscalité - en particulier concernant la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

En outre, le retour du déficit public en dessous de 3 % du PIB n'est aucunement assuré : les hypothèses d'évolution de l'activité économique et des dépenses publiques retenues par le Gouvernement sont particulièrement optimistes. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur le réalisme du projet de loi de finances.

Au cours de l'année 2016, les facteurs exogènes favorables observés en 2015 continuent à porter la croissance du PIB. En effet, le prix du pétrole reste faible et la Banque centrale européenne (BCE) a amplifié sa politique monétaire « accommodante » Ainsi, en mars dernier, le montant des rachats mensuels d'actifs a été porté de 60 à 80 milliards d'euros et étendu à certains titres émis par des entreprises privées ; en outre, la banque centrale a réduit ses principaux taux directeurs et engagé une nouvelle série d'opérations de refinancement à plus long terme. Ces facteurs exogènes devraient contribuer à ce que la croissance du PIB atteigne 1,6 % dans la zone euro en 2016.

Malgré cela, comme en 2014 et en 2015, la France connaîtrait une progression de son activité moindre que ses partenaires de la zone euro. L'hypothèse de croissance du Gouvernement de 1,5 % en 2016 impliquerait, selon le Haut Conseil des finances publiques, « une forte augmentation du PIB aux 3 e et 4 e trimestres ». C'est pourquoi le Haut Conseil estime que la prévision gouvernementale est « un peu élevée ». Cela tend à être confirmé par la croissance constatée au troisième trimestre, de + 0,2 % seulement, après un recul de 0,1 % au deuxième trimestre. D'ailleurs, le ministre chargé de l'économie, Michel Sapin, a reconnu lui-même, il y a quelques jours, que la croissance serait probablement comprise entre 1,3 et 1,5 % en 2016.

Pour 2017, le Gouvernement conserve néanmoins la prévision de croissance avancée dans le programme de stabilité d'avril 2016. À l'inverse des organisations internationales et du Consensus Forecasts , il ne tient pas compte de la dégradation du contexte économique depuis le printemps dernier.

Les facteurs favorables à la croissance commencent à se dissiper. Les prix du pétrole se stabilisent ; ils pourraient même croître de nouveau en cas de succès de l'accord conclu entre les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) en septembre dernier ; de même, l'évolution du taux de change aurait une incidence moindre sur la compétitivité des entreprises européennes. Dans un contexte de montée des risques de nature politique, en lien avec le « Brexit », le référendum italien ou encore le résultat des élections américaines, la croissance des pays de la zone euro pourrait ralentir. Par ailleurs, alors que le scénario gouvernemental repose, notamment, sur un rebond des exportations, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a, récemment, revu à la baisse ses prévisions de progression des échanges internationaux de manière significative.

L'hypothèse de croissance du Gouvernement en 2017, de 1,5 %, est supérieure à l'ensemble des anticipations des organisations internationales, qu'il s'agisse du Fonds monétaire international (FMI), de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou du Consensus Forecasts .

Les prévisions de la Commission européenne doivent être publiées aujourd'hui, à 10 heures. Celles-ci figureront dans mon rapport.

Après deux reports du délai de correction du déficit effectif - en 2013 et en 2015 -, le Gouvernement fait du retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB le principal objectif du projet de loi de finances pour 2017.

Rappelons que la France fait l'objet d'une procédure pour déficit excessif et que, en cas de non-respect de sa cible, la France serait fortement exposée à un risque de sanction dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Alors que la France comptait, en 2015, parmi les quatre derniers États de la zone euro à afficher un déficit supérieur à 3 % du PIB, aux côtés de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal, une certaine lassitude de nos partenaires européens commence à apparaître face à l'incapacité de notre pays à respecter ses engagements budgétaires.

Surtout, le risque de sanction par les institutions européennes se trouve accru par le fait que le Gouvernement n'est pas parvenu à atteindre les objectifs d'ajustement structurel définis par le Conseil de l'Union européenne à l'occasion du dernier report du délai de correction du déficit excessif, en mars 2015, soit 0,5 point de PIB en 2015, 0,8 point en 2016 et 0,9 point en 2017. La trajectoire du Gouvernement prévoit une réduction du solde structurel de 0,4 point de PIB en 2015, de 0,3 point en 2016 et de 0,5 point en 2017.

Si la trajectoire gouvernementale respecte les objectifs de la dernière loi de programmation des finances publiques, il n'en va pas de même pour ceux du programme de stabilité d'avril 2016, qui constitue une référence plus pertinente et plus récente et tient compte des exigences européennes.

Le Gouvernement ne parvient pas à respecter les cibles d'ajustement structurel définies dans ce programme. L'ajustement structurel en 2016 s'élèverait à 0,3 point de PIB contre une cible de 0,4 point de PIB définie en avril dernier. En outre, le Gouvernement en a modifié, de manière significative, la composition. L'objectif d'effort en dépenses pour l'année 2016 a été réduit de 0,2 point de PIB entre le programme de stabilité et le projet de loi de finances. Cela semble préfigurer le relâchement de l'effort en dépenses prévu au titre du prochain exercice. En effet, concernant 2017, l'effort en dépenses prévu est également diminué de 0,2 point de PIB ; toutefois, pour maintenir inchangé le niveau de l'ajustement structurel affiché, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires sont révisées, pour passer de - 0,3 point de PIB à 0.

Concrètement, cela signifie que les baisses d'impôt annoncées pour 2017 sont en réalité annulées. Elles pèseront sur les exercices suivants.

En effet, le Gouvernement ne parvient à atteindre, sur le papier, l'objectif d'un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017 qu'au prix d'un renoncement aux engagements pris en matière fiscale au cours des dernières années. En particulier, les baisses de charges prévues au titre de l'exercice 2017 au titre du Pacte de responsabilité et de solidarité sont réduites de 5 milliards d'euros. La suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) est abandonnée et la première réduction du taux légal de l'impôt sur les sociétés est reportée.

On ne peut que regretter une telle inconstance fiscale, qui nuit à l'attractivité de notre territoire. Surtout, le coût des mesures de substitution - soit la baisse de l'impôt sur les sociétés et les nouveaux allégements de cotisations des travailleurs indépendants - ne devrait représenter que 450 millions d'euros en 2017. La compensation n'est pas à la hauteur !

On mesure tout l'intérêt pour le Gouvernement, en vue d'un retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, de transformer une baisse de 5 milliards d'euros d'impôts en une réduction limitée à 450 millions d'euros.

Au total, alors que le programme de stabilité d'avril 2016 prévoyait des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires d'un montant de - 5,7 milliards d'euros en 2017, celles-ci sont estimées à + 0,5 milliard d'euros dans le cadre du projet de loi de finances. Le taux de prélèvements obligatoires resterait donc inchangé en 2017, à 44,5 % du PIB.

Pourquoi ce coup d'arrêt dans la baisse des prélèvements obligatoires ? Pour que le Gouvernement puisse relâcher ses efforts sur les dépenses. Quelle que soit la nature de l'évolution examinée, en valeur ou en volume, avec ou sans crédits d'impôt, il apparaît que les prévisions de progression de la dépense publique en 2016 et 2017 ont été considérablement révisées à la hausse. À titre d'exemple, alors que le programme de stabilité prévoyait une hausse de la dépense en valeur, hors crédits d'impôt, de 1,1 % en 2017, celle-ci est estimée à 1,6 % dans le projet de loi de finances.

D'ailleurs, le quantum d'économies prévu en 2017 dans le cadre du programme d'économies de 50 milliards d'euros, il est vrai désormais abandonné, est revu de 19 à 12 milliards d'euros.

L'ensemble des administrations publiques s'inscrivent dans cette dynamique. En particulier, les dépenses de l'État sont revues à la hausse de 5,7 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité d'avril 2016. De même, le taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est relevé de 1,75 % à 2,1 %, ce qui correspond à une augmentation de son montant de 0,7 milliard d'euros.

Ce relâchement des efforts en dépenses intervient dans un contexte où la France affiche un des ratios entre ses dépenses publiques et son PIB parmi les plus élevés de la zone euro, supérieur de 8,2 points à la moyenne.

En outre, il apparaît que la progression des dépenses a été, en France, bien plus dynamique que chez ses partenaires européens. Celles-ci ont progressé, en moyenne et en valeur, de près de 2 % par an entre 2011 et 2015, contre une moyenne de 1 % dans la zone euro, soit le double ! Cela relativise le discours sur les économies...

Le Gouvernement prévoit un recul du poids de la dette publique dans la richesse nationale de 0,1 point de PIB en 2017. Ainsi, la dette représenterait 96 % du PIB. Pour autant, dans le scénario gouvernemental, ce n'est qu'à compter de 2018 que la dette publique engagerait une réelle décrue.

La baisse de la dette en 2017 serait portée non par l'État mais par les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. En effet, celle de l'État et de ses opérateurs continuerait de progresser, pour atteindre 1 790 milliards d'euros.

Ce projet de loi de finances pour 2017 présente toutes les caractéristiques d'un budget de campagne : le Gouvernement procède à des réorientations opportunistes de sa politique budgétaire et fiscale. Plus grave, sa sincérité est contestable. En effet, le projet du Gouvernement repose sur des hypothèses optimistes d'évolution, d'une part, de la croissance de l'activité et, d'autre part, des dépenses publiques. Je rappelle la présentation par Didier Migaud il y a quelques semaines devant notre commission, de l'avis du Haut Conseil des finances publiques.

Il apparaît donc nécessaire de rétablir la vérité budgétaire et d'estimer le niveau réel du déficit public et de la dette qui serait légué à la prochaine majorité gouvernementale, quelle qu'elle soit.

Dans cette perspective, j'ai tout d'abord examiné les incidences de la surestimation des hypothèses de croissance au titre des années 2016 et 2017, qui conduit à surévaluer l'évolution naturelle des recettes publiques.

J'ai donc envisagé deux scénarios. Dans le premier, que l'on peut qualifier de favorable, la croissance de l'activité serait de 1,5 % en 2016, comme le prévoit le Gouvernement et de 1,2 % en 2017 conformément aux anticipations du Consensus Forecasts ; dans le second, défavorable, la croissance s'élèverait à 1,3 % en 2016 et à 1,2 % en 2017, comme le prévoit le consensus des économistes.

Le déficit public serait plus dégradé, de 0,1 à 0,2 point de PIB par rapport à la trajectoire du Gouvernement, ce qui correspond à de moindres recettes, comprises entre 3,5 et 6 milliards d'euros.

Toutefois, une estimation fine de l'évolution possible du déficit public en 2017 implique de considérer également les dépenses publiques.

En effet, comme le met en évidence le tome I du rapport général, nombre de dépenses publiques sont sous-évaluées, et ce pour les différentes catégories d'administrations publiques.

En premier lieu - nous le dénonçons souvent ici, quelles que soient nos appartenances politiques -, les sous-budgétisations récurrentes observées au cours des années passées au sein du budget de l'État devraient se reproduire, pour un montant entre 1,1 et 2,1 milliards d'euros.

À cela s'ajoute la non-prise en compte des effets sur le déficit public de la recapitalisation d'Areva par l'État à hauteur de 2 milliards d'euros.

En outre, la révision à la hausse du taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ne couvre pas l'intégralité des dépenses supplémentaires de santé, qui intègrent les effets de la nouvelle convention médiale, de la hausse du point d'indice dans les établissements hospitaliers et du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ». Au total, des dépenses seraient sous-estimées de 0,5 milliard d'euros.

Enfin, le Gouvernement anticipe un recul des dépenses de l'Unédic en 2017 du fait d'une baisse du chômage et des effets de la prochaine convention de l'assurance chômage. De son côté, l'Unédic prévoit une hausse du chômage indemnisé et la nouvelle convention ne serait négociée qu'au cours de l'année prochaine. Les dépenses de l'Unédic pourraient ainsi être supérieures de 1,2 milliard d'euros à l'estimation gouvernementale.

Au total, les dépenses publiques seraient possiblement supérieures de 4,8 à 5,8 milliards d'euros en 2017 à ce que prévoit le projet de loi de finances.

En tenant compte à la fois des incidences de la surestimation de la croissance du PIB sur les recettes et de la sous-évaluation des dépenses publiques, le déficit public serait plus dégradé, en 2017, de 8,3 à 11,8 milliards d'euros. Aussi, le déficit public ne s'élèverait pas à 2,7 % du PIB en 2017, comme le prévoit le Gouvernement, mais serait compris entre 3 % et 3,2 % du PIB.

En cas de réalisation du scénario le moins favorable, qui n'est pas irréaliste, la dette publique croîtrait de nouveau en 2017, pour atteindre 97,1 % du PIB, contre une prévision gouvernementale de 96 %. L'ajustement structurel réalisé en 2017 serait, lui, ramené à 0,3 point de PIB - contre une cible de 0,5 point de PIB dans le projet de loi de finances - venant renforcer le risque de sanction de la France au titre du Pacte de stabilité et de croissance.

Au total, ces projections font clairement apparaître la situation budgétaire dégradée qui sera laissée à la prochaine majorité gouvernementale.

M. Didier Guillaume . - On a connu cela...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Surtout, la majorité gouvernementale issue des élections de 2017, quelle qu'elle soit, verra ses marges de manoeuvre considérablement réduites. En particulier, elle devra composer avec les échéances inhérentes aux engagements européens de la France, dont le retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB. De plus, le Gouvernement a d'ores et déjà pris des engagements qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017. En effet, au-delà du fait que le relâchement des efforts sur les dépenses aura des effets d'inertie à moyen terme, le Gouvernement fait, dans le cadre du présent projet de loi de finances, des promesses en matière de fiscalité qui contribuent, en l'état actuel des choses, à dégrader de 7,7 milliards d'euros le solde public de 2018 : la création d'un crédit d'impôt en faveur des associations, la hausse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, ou encore la prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et l'extension du crédit d'impôt en faveur des services à la personne.

Je vais maintenant détailler les principales caractéristiques du budget de l'État pour 2017.

Du côté des dépenses, le plafond prescrit en loi de programmation des finances publiques n'est pas respecté. En effet, celle-ci prévoyait qu'à périmètre constant les dépenses des ministères ne devaient pas dépasser 222,9 milliards d'euros en 2017. Ce plafond est dépassé de 9,1 milliards d'euros.

Les seules économies significatives du projet de loi de finances pour 2017 par rapport à la loi de programmation sont de pure constatation et ne dépendent aucunement des choix budgétaires du Gouvernement.

Ainsi, la charge de la dette est réévaluée très nettement à la baisse, à hauteur de 7,7 milliards d'euros, ce qui s'explique par le maintien d'un environnement de taux bas en raison, notamment, de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), qui mène un important programme de rachats de titres profitant essentiellement aux émetteurs de la dette publique.

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne devrait, quant à lui, être inférieur de 2,4 milliards d'euros à la prévision de la loi de programmation - encore qu'il faille être prudent sur ce point. La contribution britannique étant libellée en livres sterling, le risque de change est supporté par les autres États.

Le Gouvernement renonce donc clairement à tenir ses engagements en matière de dépenses et, dès la budgétisation initiale, annonce un dérapage de près de 10 milliards d'euros.

Plus de 40 % de la hausse des dépenses est due à la masse salariale, pour un montant de 3,2 milliards d'euros, portant la masse salariale totale à 84,9 milliards d'euros, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions ».

La hausse de près de 4 % de la masse salariale - ce n'est pas raisonnable - témoigne d'une rupture avec tout objectif de maîtrise des dépenses de personnel de l'État. Le plafond d'évolution de la masse salariale fixé par la loi de programmation des finances publiques est ainsi largement dépassé. En effet, le budget triennal prévoyait une croissance de 0,3 % par an de la masse salariale de l'État entre 2014 et 2017, soit 250 millions d'euros par an - une évolution dix-huit fois inférieure à l'augmentation prévue par le Gouvernement sur la période. Il faut remonter quinze ans en arrière, en 2002, pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses de personnel. Voilà qui relativise le discours du Gouvernement sur ses efforts de maîtrise.

Ainsi l'augmentation totale des dépenses de personnel, sur l'ensemble du quinquennat, s'élèvera à 5,1 %. À titre de comparaison, la masse salariale avait décru de 6,6 % de 2007 à 2012 et était restée stable de 2002 à 2007.

Encore de quoi nuancer les efforts du Gouvernement en la matière...

Cette augmentation annule, en effet, presque l'intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle s'explique par un relâchement manifeste des efforts de maîtrise budgétaire, à la fois en matière d'effectifs et de mesures salariales. C'est grave, puisqu'elle entraînera des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017. L'embauche d'un fonctionnaire crée des dépenses pour toute la durée de sa carrière, et de sa retraite.

Le plan de lutte contre le terrorisme et l'actualisation de la loi de programmation militaire n'expliquent qu'une faible partie de cette évolution : la hausse provient d'abord des recrutements dans d'autres ministères prioritaires, notamment l'éducation nationale, de l'effet du glissement vieillesse technicité (GVT), mais aussi du dégel du point d'indice, pour 850 millions d'euros, et des mesures du protocole dit PPCR (« Parcours professionnels, carrières et rémunérations ») pour 687 millions d'euros, ou 1,2 milliard d'euros en tenant compte du CAS « Pensions ».

Or les leviers d'une maîtrise de la masse salariale existent. Je rappellerai, par exemple, que l'alignement de la durée du travail dans le secteur public sur le temps de travail habituel dans le secteur privé, soit 37,5 heures par semaine, permettrait d'économiser 2,2 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État. Dans le conseil départemental d'Eure-et-Loir, que je préside, nous avons économisé 60 équivalents temps plein en passant aux 37,5 heures hebdomadaires. C'est possible !

Non seulement les dépenses budgétaires dérapent, mais certaines d'entre elles sont sous-estimées. Nous avons identifié, depuis 2012, les dépenses sous-budgétées de façon récurrente et dans des ordres de grandeur assez importants pour nécessiter l'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'année et en fin de gestion.

Onze postes de dépenses ayant connu des sur-exécutions fréquentes, parce qu'ils avaient été sous-estimés, ont ainsi été identifiés, tels que les frais de justice, les aides au logement, l'aide médicale d'État ou encore le RSA et la prime d'activité. Au total, les sous-budgétisations sur le budget général s'élèvent à près de 2,5 milliards d'euros par an en moyenne. Ces onze postes ont fait l'objet d'une analyse plus détaillée pour appréhender les risques spécifiques à 2017.

À ces sous-budgétisations sur le budget général s'ajoute également une prévision manifestement insincère des recettes du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » en 2017 : au moins 2 milliards d'euros supplémentaires devront vraisemblablement être soit prélevés sur le solde cumulé reporté de 2016 à 2017, soit versés par le budget général de l'État au compte spécial. La variation annuelle du solde des comptes spéciaux étant intégrée au solde budgétaire de l'État, ces 2 milliards d'euros manquants doivent être ajoutés au total des sous-budgétisations.

Ces analyses ont permis la construction de deux scénarios : un premier favorable, ne retenant que les sous-budgétisations les plus manifestes, pour leur montant minimal, et un second défavorable, qui retient la moyenne des sur-exécutions constatées de 2012 à 2015.

Le scénario favorable s'établit à 3,1 milliards d'euros de sous-budgétisations. Le scénario défavorable correspond à une estimation des sous-budgétisations s'élevant à 5,2 milliards d'euros.

Concernant les prévisions de recettes en 2017, force est de constater qu'elles semblent renouer avec un optimisme peu prudent.

Les recettes fiscales nettes, c'est-à-dire calculées après imputation des remboursements et dégrèvements, augmenteraient de 6,6 milliards d'euros (+ 2,3 %) par rapport à la prévision révisée pour 2016. Une grande partie de cette augmentation proviendrait de leur évolution spontanée avec une élasticité des recettes à la croissance du PIB estimée à 1,4. En d'autres termes, les recettes fiscales en 2017 doivent progresser plus rapidement que la croissance de l'économie française, dont l'évaluation elle-même est optimiste.

L'augmentation de l'élasticité apparaît particulièrement forte pour l'impôt sur les sociétés : elle est estimée à 2,5, contre 1,5 en 2016, alors même que l'élasticité prévisionnelle révisée pour 2016 est revue à la baisse de 0,4, du fait de la révision à la baisse de l'estimation du bénéfice fiscal de 2015.

Le solde budgétaire de l'État s'établirait à - 69,3 milliards d'euros en 2017. Le Gouvernement se targue du fait que « le déficit atteindrait son plus bas niveau depuis 2008 ».

Ce satisfecit a de quoi surprendre au regard du caractère artificiel de l'amélioration du solde : celle-ci résulte d'un mouvement de trésorerie qui ne correspond en rien à un rétablissement de la situation financière de l'État. En effet, cette estimation ne neutralise pas une hausse du solde des comptes spéciaux de 4 milliards d'euros liée à un simple jeu d'écriture : la trésorerie dont l'État disposait sur le compte de la Coface, son solde créditeur, est en effet versée sur le compte de commerce « Soutien au commerce extérieur » créé par l'article 25 du présent projet de loi, pour tenir compte du fait que la gestion des garanties liées au développement international de l'économie française, qui étaient jusqu'ici mise en oeuvre par la Coface, filiale de Natixis, est transférée à Bpifrance Assurance Export, filiale du groupe Bpifrance.

Ce solde créditeur du compte spécial ne correspond pas à une nouvelle recette mais bien à un simple mouvement de crédits qui devrait être signalé comme une mesure de périmètre, ce qui n'est pas le cas. C'est un tour de passe-passe !

En neutralisant le reversement de la Coface au compte de commerce, le solde budgétaire de l'État se dégrade entre 2016 et 2017 de 1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 et de 3,4 milliards d'euros par rapport au solde révisé.

À périmètre constant, la dégradation du déficit budgétaire de l'État pourrait être encore plus importante si les risques en dépenses se matérialisaient.

Non seulement le budget 2017 démontre un clair dérapage des dépenses de l'État mais, au surplus, le Gouvernement prend de nombreux engagements qui contraindront les dépenses de l'État en 2018 et surtout au-delà.

La budgétisation du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA), en 2017 a de quoi surprendre : aucun crédit de paiement n'est prévu pour l'année à venir. Seules des autorisations d'engagement sont inscrites au budget de l'État, ce qui donne au Gouvernement l'occasion d'afficher un effort de 10 milliards d'euros en faveur d'investissements de long terme sans dégrader le solde budgétaire d'un centime. Le Gouvernement laisse donc la charge du financement effectif du programme, en crédits de paiement, aux exercices postérieurs à 2017.

En outre, le Gouvernement ne cesse d'annoncer des dépenses nouvelles, généralement pluriannuelles. Ces annonces remettent en cause la crédibilité du projet de loi de finances quelques semaines seulement après son dépôt. Elles font peser une charge supplémentaire non seulement sur 2017, mais aussi sur les exercices à venir.

Ainsi, l'annonce du Président de la République, le 27 octobre dernier, d'augmenter les moyens liés aux opérations de rénovation urbaine de 1 milliard d'euros ne pèsera qu'à hauteur de 100 millions d'euros en 2017. Concrètement, 900 millions d'euros devront être décaissés - et financés - à partir de 2018.

Concernant le plan de lutte contre la surpopulation carcérale, 1,16 milliard d'euros ont été engagés en autorisations d'engagement, signifiant que le décaissement des crédits de paiement, qui seuls, pèsent sur le solde budgétaire de l'État, se fera intégralement sur les exercices postérieurs à 2017.

Un plan de lutte contre la radicalisation a aussi été annoncé par le Premier ministre et devrait s'élever à 100 millions d'euros sur trois ans. Il est en outre probable que le plan de sauvetage d'Alstom qui, pour l'instant, n'est pas budgétisé, ne sera pas intégralement financé sur l'année 2017.

Ce sont ainsi au moins 2 milliards d'euros de dépenses qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017, auxquels il faut ajouter les 10 milliards d'euros du troisième programme d'investissements d'avenir, dont, je le rappelle, pas un centime n'est prévu en crédits de paiement en 2017.

Le projet de loi de finances inclut également de nombreuses mesures en recettes dont le coût budgétaire portera presque exclusivement sur les exercices postérieurs à 2017.

Ainsi, le passage du taux de crédit d'impôt compétitivité emploi de 6 % à 7 % n'aura aucun impact en 2017, mais diminuera le produit de l'impôt sur les sociétés de 1,6 milliard d'euros en 2018 et son incidence budgétaire atteindra 3,1 milliards d'euros à horizon 2021.

De même, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés à 28 % - dont je ne critique pas le bien-fondé - ne coûtera que 330 millions d'euros en 2017, mais grèvera le budget de l'État de 1,45 milliard d'euros en 2018 et de 7 milliards d'euros en 2021.

De façon similaire, la prorogation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et son cumul avec le dispositif d'éco-PTZ ne coûteront que 1 million d'euros en 2017, mais 1,7 milliard d'euros en 2018.

Doit également être signalée l'extension du crédit d'impôt sur le revenu pour les particuliers employeurs, qui devrait coûter 1,1 milliard d'euros à compter de 2018, ainsi que le crédit d'impôt au profit des associations annoncé par le Gouvernement qui devrait correspondre à une perte de recettes de 600 millions d'euros à partir de 2018.

Au total, le Gouvernement propose des mesures en recettes dont l'impact budgétaire sera « seulement » de 330 millions d'euros en 2017, mais dont le coût croîtra de manière exponentielle à 6,4 milliards d'euros en 2018 et 11,8 milliards d'euros à horizon 2021.

Lorsqu'on ajoute à ce montant les reports de charges en dépenses, le budget 2017 proposé par le Gouvernement comprend près de 25 milliards d'euros de charges qui pèseront sur les années postérieures à 2017, dont plus de 8 milliards d'euros pour la seule année 2018. Il s'agit là d'un détournement du principe d'annualité budgétaire, selon lequel « le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'État ».

Pour conclure, je vous propose quelques éléments de bilan de la politique fiscale entre 2012 et 2016.

À partir de la crise de 2008, tous les pays de l'Union européenne ont été contraints d'augmenter leurs prélèvements obligatoires.

M. Richard Yung . - C'était un choix.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le Gouvernement estime avoir effacé l'ensemble des hausses de prélèvements concernant l'impôt sur le revenu et la fiscalité des entreprises survenues au début du quinquennat ; néanmoins le taux de prélèvements obligatoires demeure élevé. En 2016, selon les prévisions gouvernementales, celui-ci devrait s'élever à 44,5 % du PIB, soit près de deux points de plus qu'en 2011.

Dans ces conditions, il est nécessaire de s'interroger sur les facteurs expliquant cette évolution.

Tout d'abord, rappelons les exigences qui devaient structurer la politique fiscale du quinquennat, selon les annonces du Gouvernement. À l'été 2012, celui-ci indiquait vouloir redresser les comptes publics dans la justice, ce qui impliquait, selon lui, de préserver les plus modestes ainsi que le potentiel de croissance de l'économie. Pourtant, les Français se sont rendus compte que ces exigences n'ont pas été respectées, et ce dès le début du quinquennat. Je ne suis pas l'auteur de l'expression « ras-le-bol fiscal »...

C'est que le début du quinquennat a été marqué par un véritable « choc » fiscal : les lois financières adoptées en 2012 par la nouvelle majorité gouvernementale ont accru les prélèvements directs acquittés par les ménages de près de 16 milliards d'euros au titre des années 2012 et 2013. Or il apparaît qu'une part significative des mesures adoptées en 2012-2013 ont concerné quasi indifféremment les contribuables aisés et les moins favorisés. À titre d'exemple, la suppression de l'exonération des revenus afférents aux heures supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales a représenté une hausse pérenne de la pression fiscale de 4,6 milliards d'euros. Des députés socialistes ont eux-mêmes reconnu que cette mesure ne touchait pas uniquement les classes aisées.

Au titre du seul impôt sur le revenu, la hausse moyenne des impositions payées a représenté 190 euros pour les 8,9 millions de salariés concernés. Certes, 30 % du surcroît d'impôt aura été acquitté par 10 % des ménages les plus aisés ; pour autant, selon la direction générale du Trésor, 230 000 foyers ont été rendus imposables en 2013 par la fiscalisation des heures supplémentaires, dont 80 % situés entre le quatrième et le sixième déciles de niveau de vie.

Surtout, la suppression de l'exonération sociale des heures supplémentaires a touché l'ensemble des salariés, y compris ceux qui n'étaient pas imposés, et ce proportionnellement à leurs revenus.

Par la suite, en dépit d'une première baisse de l'impôt sur le revenu en 2014 au profit des ménages modestes, d'autres mesures sont venues alourdir la charge fiscale des ménages. Entre autres, la réforme des retraites s'est accompagnée d'une hausse des cotisations, atteignant près de 3 milliards d'euros au total, et de nouvelles mesures relatives à l'impôt sur le revenu sont intervenues : abaissement du plafond du quotient familial
- 1 milliard d'euros -, ou encore suppression de l'exonération des majorations de pension, pour 1,2 milliard d'euros.

La charge fiscale des ménages a donc fortement progressé au cours du quinquennat. Elle est passée de 14,5 % du PIB en 2011 à 16 % du PIB en 2016, le Gouvernement la justifiant par la priorité donnée aux entreprises. Encore, cette estimation ne tient pas compte des hausses portant sur les impôts indirects.

La baisse du taux de prélèvements obligatoires amorcée en 2014 est donc principalement liée aux mesures de réduction des charges supportées par les entreprises par le biais du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité.

Dès lors que la charge fiscale des ménages a constamment crû au cours de la législature - en dépit d'une très légère baisse observée en 2016, je le reconnais -, les mesures en faveur des contribuables modestes ont conduit à une concentration accrue de l'impôt.

Ainsi, la part des contribuables effectivement imposés à l'impôt sur le revenu est passée de 50 % en 2012 à 44 % en 2016, selon les premières données transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Quelque 90 % de l'impôt sur le revenu est payé par 30 % des contribuables, soit ceux dont les revenus sont supérieurs à 29 000 euros par an. Il est donc difficile d'affirmer que l'impôt n'a été concentré que sur les ménages aisés : ce phénomène a également concerné les classes moyennes.

Alors que le Gouvernement estime avoir renforcé le caractère redistributif du système fiscalo-social, il apparaît que l'équité fiscale horizontale s'est dégradée au cours du quinquennat, dès lors que des ménages ayant des revenus comparables ont été traités de manière distincte.

À cet égard, une étude publiée dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017 montre que la politique fiscale a favorisé les célibataires, qui ont vu leur niveau de vie progresser de 0,1 point relativement à l'ensemble de la population, plutôt que les familles avec enfants, dont le niveau de vie a reculé de 0,3 point, en lien, notamment, avec les mesures relatives au quotient familial et aux allocations familiales. Elle a aussi favorisé les inactifs, qui ont bénéficié d'une hausse de leur niveau de vie à hauteur de 0,5 point, plutôt que les actifs, dont le niveau de vie a reculé de 0,3 point.

Enfin, l'étude de la direction générale du Trésor montre des transferts intergénérationnels. Ainsi, le « niveau de vie agrégé des jeunes de moins de 25 ans a [...] augmenté de 0,4 % contre une baisse de 0,6 % en moyenne sur l'ensemble de la population ».

Au total, si l'ensemble des catégories de ménages ont vu leur niveau de vie reculer au cours du quinquennat - à l'exception des jeunes de moins de 25 ans non étudiants appartenant à un ménage indépendant -, et ce à hauteur de 0,6 point, les mesures fiscalo-sociales adoptées par le Gouvernement ont clairement davantage pesé sur les actifs et les familles.

En tout état de cause, cette étude ne tient pas compte des hausses de fiscalité indirecte intervenues au cours du quinquennat. Or les ménages ont eu à supporter des hausses de taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en particulier en 2014, lorsque le taux normal est passé à 20 % afin de compenser partiellement le coût du CICE, mais aussi de droits sur les tabacs et les alcools. De même, la fiscalité énergétique s'est fortement accrue, comme en témoigne l'évolution du produit de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), de 3,7 milliards d'euros en 2012 à 8,2 milliards d'euros en 2016. On pourrait aussi évoquer la fiscalité locale.

S'il est délicat de distinguer la part des taxes indirectes supportées par les ménages de celle reposant sur les entreprises, les incidences des hausses de ces impositions peuvent être appréhendées de manière indirecte. À titre d'exemple, l'Insee a pu mesurer l'impact sur la croissance des mesures portant sur la fiscalité indirecte acquittée par les ménages ; celui-ci s'est élevé à - 0,2 point en 2014 et 2015. Il apparaît même qu'en 2016 les hausses de taxes indirectes ont annulé les effets économiques des réductions de la fiscalité directe - dont les mesures sur l'impôt sur le revenu.

Je ne reviendrai que brièvement sur la fiscalité des entreprises. Il convient néanmoins de rappeler que les importantes augmentations des impositions payées par les entreprises intervenues en 2012 et 2013, dont la contribution de 3 % sur les dividendes, la limitation des transferts de déficit et l'aménagement de la déductibilité des charges financières, ont été quasi contemporaines de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). De même, en janvier 2014, a été annoncé le déploiement du Pacte de responsabilité, portant près de 20 milliards d'euros de baisses de charges à l'horizon 2017, que le Gouvernement a cependant choisi de minorer de 5 milliards d'euros en avril dernier par un report au-delà de 2017.

Enfin, de manière répétée, le Gouvernement a sollicité la trésorerie des entreprises en avançant la perception de certains impôts. Une première modification des règles de calcul du 5 e acompte d'impôt sur les sociétés a permis d'avancer la perception de 1 milliard d'euros en 2013. Dans le présent projet de loi de finances, le Gouvernement propose une nouvelle modification de ce régime afin d'anticiper une hausse des recettes perçues de 460 millions d'euros ; à cet égard, il ne dissimule aucunement que cette opération a pour finalité de contribuer au retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB au cours du prochain exercice. Dans la même logique, il est envisagé la création d'un acompte de taxe sur les surfaces commerciales, pour 480 millions d'euros, et une harmonisation du champ d'application de l'acompte de prélèvement forfaitaire, pour 380 millions d'euros. Autant de mesures de trésorerie dont le but est d'afficher de meilleures recettes en 2017.

Il ne fait aucun doute que l'instabilité de la politique fiscale du Gouvernement à l'égard des entreprises et les sollicitations répétées de la trésorerie de ces dernières ont nui à l'attractivité de notre territoire. À ce titre, plusieurs rapports émanant de l'Inspection générale des finances et du Conseil d'analyse économique ont clairement fait apparaître une perte d'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises.

Prévisions de croissance irréalistes, sous-estimation des dépenses, mesures du projet de loi de finances pour 2017 financées dans les années d'après... Voilà un document à finalité électorale. Le véritable budget ne sera examiné qu'à l'été 2017.

M. Richard Yung . - Permettez-moi une déclaration liminaire : je rends hommage à l'énergie que le rapporteur général a déployée pour faire un rapport non électoraliste. Nous pensions que le débat porterait sur les propositions du Gouvernement. Comme pour tout projet de loi de finances, certains points sont sujets à discussion voire à amendement, dans le cadre d'échanges sérieux. Or ce rapport est entièrement à charge. Les prévisions de croissance qui frôlent l'irréalisme, pour citer le rapporteur général, ne s'élèvent qu'à 1,5 %. Tout cela me rappelle nos discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le déficit est passé de 17 milliards d'euros à 0,4 milliard, certains assurant pourtant n'avoir jamais rien vu d'aussi catastrophique.

Nous sommes dans la caricature. Ces rapports ne sont pas sincères et font perdre son temps à chacun. Le groupe socialiste et républicain considère que ce projet traduit ses priorités : réduction du déficit ; relance de l'activité et compétitivité des entreprises ; emploi ; justice sociale.

Shakespeare l'a dit, le monde est un théâtre où chacun doit jouer son rôle. Nous ne jouerons pas dans cette mauvaise pièce et garderons nos observations pour la discussion en séance plénière.

M. Vincent Capo-Canellas . - Le rapporteur général fournit beaucoup de données et son travail permet d'identifier les difficultés à venir, en montrant les sous-budgétisations et les reports de dépenses. Je retiens trois sujets d'inquiétude : la croissance, l'augmentation des dépenses, le non-respect du Pacte de responsabilité.

Le ministre des finances et de l'économie Michel Sapin a formulé un demi-aveu, en reconnaissant qu'il serait difficile d'atteindre 1,5 % de croissance. Le Haut Conseil nous avait indiqué qu'il faudrait une croissance très forte aux troisième et quatrième trimestres pour répondre à cet objectif. Ne devrait-on pas imposer une révision des prévisions entre le mois d'août, où les positions sont très volontaristes, et le mois de novembre, lors de l'examen du projet de loi de finances par le Parlement ? Je pose cette question au-delà de toute polémique.

Les données présentées par le rapporteur général sur l'évolution de la masse salariale m'inquiètent. Ne peut-on travailler sur les difficultés qu'elle pose ?

Je suis aussi inquiet de la divergence entre la France et ses partenaires européens. On ne pourra pas rester très longtemps aussi loin de nos homologues.

M. Marc Laménie . - Quelles que soient les personnes au pouvoir, rien n'est simple.

La progression des effectifs, de 3,3 %, me paraît importante. Il faudrait disposer d'une comparaison entre la fonction publique d'État et les deux autres versants, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Je m'interroge sur l'évolution spontanée des recettes fiscales, alors que leur élasticité est estimée à 1,4. Quelle est l'analyse du rapporteur sur ce point ?

M. Philippe Dallier . - Je comprends mal les accusations portées contre le rapporteur général. La première qualité d'un budget, c'est sa sincérité.

M. Richard Yung . - La première qualité d'un rapport aussi.

M. Philippe Dallier . - Plus qu'une qualité, la sincérité est une obligation, qui n'est manifestement pas respectée ici. On atteint des sommets, en cette fin de mandature ! Que reprochez-vous au rapporteur général ? De dire la même chose que le Haut Conseil des finances publiques, présidé par Didier Migaud ? De pointer toutes ces dépenses différées, que la prochaine majorité devra solder ? Qui peut nier le caractère électoraliste de ce budget ? Il est comparable à celui présenté par Lionel Jospin en 2002 : le déficit budgétaire avait flambé, atteignant 50 milliards d'euros, parce qu'il avait ouvert les vannes de la dépense publique. Ne vous plaignez pas que nous le dénoncions.

Michel Sapin a fini par reconnaître que la croissance serait de 1,3 % et non de 1,5 % en 2016. Bien malin qui peut dire ce qui se passera en 2017. La prudence aurait dû prévaloir. Vous laisserez une facture très salée aux Français ; le prochain gouvernement aura bien du mal. Ayez au moins l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître : ce budget n'est pas assez sincère, car trop optimiste ; vous allez ouvrir les vannes de la dépense.

M. Éric Doligé . - J'ai été particulièrement surpris par ce qui nous a été démontré. En effet, j'ai écouté, dimanche, le commissaire Moscovici expliquer à la radio que le déficit de la France serait inférieur à 3 % du PIB en 2017. J'étais resté sur cette impression. La vision de Pierre Moscovici est-elle celle de la Commission européenne, ou celle de l'homme politique français ? Il faudrait lui envoyer votre rapport, monsieur le rapporteur général, afin qu'il ajuste ses analyses.

M. André Gattolin . - En tant qu'écologiste, je m'élève contre les accusations d'électoralisme faites à ce budget : à tout le moins, il n'est pas de nature à capter l'électorat écologiste !

Je ne soutiens pas davantage l'idée selon laquelle le rapport du rapporteur général est électoraliste, à moins qu'il n'appartienne plus à la formation politique dont il affirme faire partie. La plupart des candidats à la primaire du parti Les Républicains, sauf peut-être Jean-François Copé, qui souhaite gouverner par ordonnance, ont abandonné l'objectif d'une réduction du déficit à moins de 3 % du PIB en 2017. Le rapporteur général est, en outre, en contradiction avec les rapporteurs spéciaux de la majorité sénatoriale, qui reprochent souvent aux missions de ne pas être assez dotées.

J'entends dire, ici et là, que nous risquons de ne pas discuter du projet de loi de finances. Je le regrette, car j'aurais aimé un exercice contradictoire.

Mme Marie-France Beaufils . - La campagne électorale s'invite dans le débat budgétaire. Nous ne nous sentons pas tenus par les obligations du Pacte de stabilité et de croissance que vous avez rappelées, monsieur le rapporteur général, et nous ne pouvons pas plus vous soutenir que nous ne pouvons soutenir le budget.

Le Gouvernement a été clair. Il s'inscrit dans la continuité du budget précédent. L'objectif de réduction de la dépense publique a été décisif dans le choix des orientations. Vous considérez que ce n'est pas suffisant. Je ne partage pas votre point de vue.

Il aurait été intéressant d'étudier les effets de la lutte contre la fraude fiscale. La TVA constitue la part d'impôt la plus importante dans l'équilibre budgétaire. Certains voudraient que l'impôt soit payé par tous, en voilà un qui est acquitté par tout le monde !

De notre point de vue, la dépense publique n'est pas forcément toujours négative. C'est par choix politique qu'elle est plus importante dans notre pays que dans d'autres pays européens. Elle contribue au développement économique, à la création de richesses et d'emplois.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Tout rapport se veut objectif. Quand le Haut Conseil des finances publiques, le consensus des économistes, mais aussi le ministre des finances lui-même reconnaissent que les prévisions de croissance ne sont pas atteignables, cela a forcément des conséquences sur le projet de loi de finances, dont je rappelle qu'il a été préparé à l'été 2016. L'élasticité des recettes est un phénomène purement mécanique : 0,2 à 0,3 point de croissance en moins entraîne une diminution considérable du montant des recettes.

Ce projet de loi de finances se caractérise en outre par une constante sous-estimation des dépenses. Les hypothèses macroéconomiques sont très éloignées de la réalité. Beaucoup de mesures pèseront sur les exercices suivants, comme la baisse de l'impôt sur les sociétés. Voilà pourquoi je parle d'affichage électoral.

Quant au Haut Conseil, il est ce qu'il est et on ne peut pas le taxer d'être partisan.

Éric Doligé, pour Pierre Moscovici, l'objectif est « jouable ». Je cite la définition du Larousse : « Se dit d'un coup qui peut être essayé ou tenté ».

M. Didier Guillaume . - Si l'on se place à ce niveau...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les mots ont un sens : il y a une nuance entre « jouable » et « atteignable ».

Marie-France Beaufils, notre pays n'a heureusement pas connu de « Frexit ». Dès lors que nous faisons partie de l'Europe, nous sommes soumis aux obligations du Pacte de stabilité et de croissance.

Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) est la source principale de la croissance des résultats en matière de lutte contre la fraude. On constate cependant un écart important, en matière de lutte contre la fraude fiscale, entre les montants redressés et ceux qui sont mis en redressement.

La commission a donné acte au rapporteur général de sa communication sur les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2017. Elle lui a également donné acte de sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page