Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

Disponible au format PDF (2,2 Moctets)


N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur .

TOME I

LE BUDGET DE 2017

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 141 à 146 (2016-2017)


PREMIÈRE PARTIE - L'EXERCICE 2017 DANS LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

À bien des égards, le projet de loi de finances pour 2017 fait apparaître le dilemme dans lequel est enserré le Gouvernement . À moins d'un an des élections présidentielle et législatives, ce dernier cherche tout à la fois à donner des gages de son sérieux budgétaire , en particulier en affichant un respect de l'objectif d'un retour du déficit public en deçà de 3 % du produit intérieur brut (PIB), et à trouver des marges de manoeuvre en vue de « relâcher » les efforts en matière de dépenses dans une perspective, à n'en pas douter, électorale. S'il y parvient, sur le papier, ce n'est qu'au prix d'un nouveau renoncement à la parole donnée pour ce qui concerne les baisses de la fiscalité des entreprises devant intervenir en 2017, ainsi que d'un report de ces mêmes baisses sur les années à venir - venant, de ce fait, alourdir la besace de la prochaine majorité gouvernementale.

Malgré cela, l'engagement du Gouvernement de ramener le déficit public en-dessous du seuil de 3 % du PIB en 2017 , conformément aux exigences du Pacte européen de stabilité et de croissance, n'est en aucun cas assuré . En effet, le projet de loi de finances repose sur des hypothèses économiques qui s'avèrent particulièrement optimistes, tout comme les prévisions retenues pour ce qui est des dépenses. Aussi, dans un souci de transparence budgétaire, le présent rapport s'attache-t-il à identifier et à quantifier les risques, nombreux, qui entourent un projet de budget pour 2017 dont la sincérité interroge .

I. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE DE L'EXERCICE 2017

Dans le prolongement de la reprise de l'activité engagée à la fin de l'année 2014, le Gouvernement anticipe une croissance économique de 1,5 % en 2016 et 2017 , contre 1,3 % en 2015. Toutefois, si l'économie française s'est révélée relativement dynamique au cours du dernier trimestre 2015 et du premier trimestre 2016, le PIB a légèrement reculé lors du deuxième trimestre de l'année. Aussi l'hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement au titre de l'exercice 2016 paraît-elle relativement fragile et a été jugée « un peu élevée » par le Haut Conseil des finances publiques 1 ( * ) . Cette fragilité semble, par ailleurs, renforcée par la montée des incertitudes, tant économiques que politiques, au sein de l'environnement international de la France.

Surtout, la prévision gouvernementale de croissance du PIB pour l'année 2017 frôle l'irréalisme . En dépit du vote britannique en faveur du « Brexit », de l'incertitude politique qui prévaut en Espagne et en Italie, ou encore du ralentissement des échanges internationaux, le Gouvernement a fait le choix de conserver le scénario macroéconomique proposé dans le cadre du programme de stabilité d'avril dernier ; pourtant, l'anticipation de croissance avancée pour 2017 s'avère désormais supérieure à celles retenues par les organisations internationales ou encore par le Consensus Forecasts . Alors que les contraintes découlant des nouvelles règles de la gouvernance budgétaire européenne et la mise en place du Haut Conseil des finances publiques avaient conduit le Gouvernement à faire preuve de davantage de rigueur dans le choix des hypothèses économiques sous-jacentes aux textes financiers lors des années passées, dans un contexte préélectoral, celui-ci semble renouer avec d'anciennes pratiques consistant à surestimer les variables macroéconomiques de manière à présenter un budget équilibré . Le Haut Conseil, lui, estime que la prévision de croissance du PIB pour 2017 est « optimiste » 2 ( * ) . Ceci inquiète d'autant plus quant à la sincérité du présent projet de loi de finances que les efforts en dépenses projetés paraissent, eux aussi, surévalués .

A. UNE REPRISE DE L'ACTIVITÉ HÉSITANTE EN 2016

Malgré les attentats du 13 novembre, le quatrième trimestre 2015 et le premier trimestre 2016 ont été marqués par une nette progression du PIB. Cette évolution est venue conforter l'hypothèse de croissance du PIB de 1,5 % en 2016 présentée dans le cadre du programme de stabilité en avril dernier - d'autant qu'au début de cette année, le PIB par tête a, enfin, retrouvé son niveau d'avant la crise. Toutefois, la croissance a nettement marqué le pas au deuxième trimestre, rendant plus difficile l'atteinte de la cible gouvernementale. Par ailleurs, différents évènements intervenus depuis le printemps ont significativement modifié le contexte économique , comme le vote britannique en faveur du « Brexit » ou le ralentissement des échanges commerciaux au niveau mondial, et laissent à penser que la reprise de l'activité pourrait ne pas être aussi linéaire que ne se plaît à le penser le Gouvernement.

1. En 2016, l'économie française est peu ou prou revenue à son niveau d'avant la crise...

Tout d'abord, il convient de relever qu' en 2016, le niveau du PIB par tête français est revenu à son niveau d'avant la crise - soit au début de l'année 2008. Cela ne saurait signifier - loin s'en faut - que les stigmates de la crise ont disparu ; en effet, l'importance du taux de chômage, l'atonie de l'inflation et le manque de vigueur des investissements résultent, à bien des égards, des déséquilibres nés de la crise économique. De plus, le PIB par tête reste bien en deçà du niveau qu'il aurait atteint en l'absence de crise . À titre d'illustration, à supposer que le PIB par tête ait poursuivi sa progression au rythme moyen observé entre 2000 et 2007, celui-ci aurait été, aujourd'hui, supérieur de près de 10 % à son niveau effectivement constaté.

Graphique n° 1 : Évolution du PIB par tête français (2000-2016)

(2000=100, PIB par tête en volume au 1 er trimestre de chaque année)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

Aussi, sans pour autant s'écarter de la tendance générale, la France se distingue-t-elle de ses principaux partenaires de la zone euro . En effet, comme le fait apparaître le graphique ci-après, à l'exception de l'Allemagne, la France figure parmi les seules grandes économies de la zone à avoir retrouvé un niveau de PIB par tête analogue à celui observé avant la crise . Pour autant, il faut noter que la récession des années 2008-2009 a été moins prononcée en France que dans les autres États membres de la zone euro. Selon l'OFCE, différentes raisons peuvent expliquer ce phénomène ; tout d'abord, « la France est, au contraire de l'Allemagne, structurellement moins exposée que ses partenaires au commerce mondial, ce qui l'a davantage préservée de l'effondrement des échanges internationaux durant la récession 2008-2009. Ensuite, le modèle social français est plus développé que celui de ses partenaires européens et anglo-saxons. Les ménages disposent de davantage de filets de sécurité (allocations chômage, minima sociaux) ce qui a atténué les répercussions négatives de la crise sur le revenu et la consommation. Enfin, le niveau d'endettement des ménages et des entreprises, mais aussi des administrations publiques était moindre en France qu'ailleurs. L'effort de désendettement y a donc été moins intense, ce qui a permis de limiter l'impact de l'assainissement patrimonial sur la demande » 3 ( * ) .

Graphique n° 2 : Évolution du PIB par tête dans la zone euro (2000-2016)

(2000=100, PIB par tête en volume au 1 er trimestre de chaque année)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

Au total, il apparaît que le PIB par tête français s'est montré plus résilient durant les années suivant la crise , progressant en moyenne de 0,9 % entre 2008 et 2013, contre 0,7 % dans l'ensemble de la zone euro, dont certains membres, comme l'Espagne, ont connu une récession prononcée.

Tableau n° 3 : Évolution du PIB par tête dans la zone euro (2000-2016)

(évolution en valeur, en %)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2008-2013

2014-2015

2008-2015

Zone euro

1,8

- 3,8

2,5

2,5

0,0

1,0

1,7

2,7

0,7

2,2

1,0

Allemagne

2,3

- 3,5

4,9

5,0

1,8

2,0

3,1

2,8

2,1

3,0

2,3

France

2,0

- 3,2

2,7

2,3

1,0

0,9

0,6

1,5

0,9

1,1

1,0

Italie

0,7

- 4,3

1,5

1,9

- 2,2

- 0,7

0,8

1,1

- 0,5

0,9

- 0,2

Espagne

1,7

- 4,1

- 0,4

-1,3

- 3,1

- 0,9

1,4

4,0

- 1,4

2,7

- 0,3

Pays-Bas

4,0

- 3,9

1,6

1,3

0,0

1,0

1,0

1,8

0,7

1,4

0,9

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

Ceci permet à la France d'afficher une performance comparable à celle de la zone euro au cours de la période 2008-2015, son PIB par tête ayant cru de 1 % ; toutefois, il n'en demeure pas moins que, depuis le rebond de l'activité observé en 2014 en Europe, l'économie française affiche un dynamisme plus modéré, le PIB par tête augmentant de 1,1 % en France par an en moyenne en 2014 et 2015, contre 2,2 % dans la zone euro.

2. ...même si la reprise de l'activité reste fragile

La relative langueur de l'économie française persisterait au cours de l'année 2016 . Certes, les facteurs de la reprise, déjà présents en 2015, demeurent ; ainsi, la faiblesse des prix du pétrole et des taux d'intérêt ont favorisé un rebond de l'activité dans la zone euro, contribuant à une nette accélération de la croissance du PIB au début de l'année. Cependant, si la progression du PIB s'est maintenue dans la zone euro, celle-ci a légèrement reculé en France au deuxième trimestre. Dans ces conditions, tout porte à croire que notre pays, encore une fois, devrait présenter un taux de croissance plus faible que ses partenaires européens en 2016 .

a) Une reprise auto-entretenue dans la zone euro

Dans sa note de conjoncture de juin 2016 4 ( * ) , l'Insee envisageait un scénario de reprise auto-entretenue dans la zone euro . Aussi celui-ci semble-t-il en passe de se réaliser. En effet, après une progression de 0,5 % au premier trimestre 2016, le PIB a crû de 0,3 % en deuxième trimestre : « la croissance est restée solide en Allemagne (+ 0,4 % après + 0,7 %) et vive en Espagne (+ 0,8 % après + 0,8 %) », la France et l'Italie apparaissant comme des exceptions. Comme en 2015, le rebond de l'activité dans la zone euro a été encouragé par la modération des prix du pétrole , ainsi que par la faiblesse des taux d'intérêt et du taux de change de l'euro , liée à la politique mise en oeuvre par la Banque centrale européenne.

(1) Une faiblesse persistante des prix du pétrole

En dépit d'un rebond du prix du pétrole au cours du premier semestre 2016 , le baril de Brent ayant augmenté de 28,4 euros en janvier à 43,2 euros en juin - en lien, selon l'Insee, avec la baisse de la production américaine -, celui-ci s'élevait en septembre dernier à 41,2 euros en moyenne par baril , soit un niveau toujours inférieur à celui d'octobre 2015, dès lors que l'offre de pétrole reste supérieure à la demande. Aussi les économies européennes ont-elles continué à bénéficier d'une facture énergétique « allégée », renforçant le pouvoir d'achat des ménages et les marges des entreprises. Dans le même temps, la stabilisation des cours du pétrole et, de manière plus générale, des matières premières a profité aux pays exportateurs - dont, en particulier, la Russie et le Brésil, jusqu'à présent fortement affectés par la chute du prix de ces dernières.

Il convient toutefois de relever que l'accord intervenu entre les pays membres de l'OPEP le 28 septembre 2016 concernant une baisse de la production pourrait conduire à une résorption de l'écart entre l'offre et la demande de pétrole , donc à une hausse du prix de celui-ci. À cet égard, selon l'Insee, « le prix du baril de Brent se stabiliserait ainsi autour de 50 $ » 5 ( * ) , contre 46,2 dollars en septembre dernier. Toutefois, cet accord de principe doit encore être traduit dans les faits, les États membres de l'OPEP étant appelés à définir leurs contributions respectives à la baisse de la production lors de la réunion prévue le 30 novembre prochain.

(2) Une amplification de la politique de la Banque centrale européenne

En mars dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a amplifié son programme étendu d'achats d'actifs , engagé en janvier 2015 (voir encadré ci-après) ; ainsi, le montant des rachats mensuels d'actifs de titres des secteurs public et privé a été porté de 60 milliards à 80 milliards d'euros et « des obligations bien notées ( investment grade ) libellées en euros émises par des sociétés non bancaires établies dans la zone euro [ont été] ajoutées à la liste des actifs éligibles aux achats réguliers » 6 ( * ) . Il convient de rappeler que la mise en oeuvre de ce programme, qui devait initialement s'achever en septembre 2016, avait été prolongée jusqu'en mars 2017 « ou au-delà si nécessaire » 7 ( * ) .

En outre, la BCE a procédé à une baisse de ses différents « taux directeurs » ; ainsi a-t-elle abaissé le taux d'intérêt des principales opérations de refinancement 8 ( * ) de 5 points de base, à 0,00 %, et réduit le taux de facilité de prêt marginal 9 ( * ) de 5 points de base, à 0,25 %. Le taux de la facilité de dépôt 10 ( * ) a, quant à lui, été abaissé de 10 points de base à - 0,40 %.

Enfin, la banque centrale a engagé une nouvelle série d' opérations de refinancement à plus long terme ciblées ( targeted longer-term refinancing operations , TLTRO), correspondant à des prêts sur quatre ans 11 ( * ) accordés aux établissements bancaires s'engageant à accroître le volume des prêts accordés aux entreprises et aux ménages. Dans le cadre des TLTRO II, si une banque améliore suffisamment son activité de prêt à l'économie réelle, celle-ci peut recevoir des intérêts en se voyant appliquer un taux d'intérêt négatif - plutôt que de devoir en verser -, ce taux pouvant être aussi faible que celui de la facilité de dépôt, à savoir - 0,4 % à ce jour.

Le programme étendu d'achats d'actifs de la Banque centrale européenne

Au début de l'année 2015, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un programme étendu d'achats d'actifs, prévoyant des rachats mensuels cumulés de titres des secteurs public et privé à hauteur de 60 milliards d'euros « jusqu'en septembre 2016 et en tout cas jusqu'à ce que le Conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de l'évolution de l'inflation conforme à son objectif de taux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme » 12 ( * ) .

Englobant le programme d'achat de titres adossés à des actifs ( asset-backed securities , ABS) et le programme d'achat d'obligations sécurisées ( covered bonds ), tous deux lancés fin 2014 13 ( * ) , le dispositif comporte également un programme d'achats de titres du secteur public ( public sector purchase programme , PSPP).

Le PSPP couvre les instruments de dette négociable émis par les administrations centrales de la zone euro, par certaines agences établies dans la zone euro ou par certaines institutions internationales ou supranationales, à l'instar des banques multilatérales de développement.

La politique monétaire active menée par la BCE a permis de réduire le coût de l'accès au financement des entreprises et des ménages, soutenant ainsi l'investissement de même que la consommation. À cet égard, les enquêtes trimestrielles publiées par la Banque centrale européenne au cours de cette année ont fait apparaître un net accroissement de la part des banques déclarant avoir assoupli leurs conditions de financement ; si cette évolution semble avoir marqué le pas s'agissant des prêts aux entreprises lors du troisième trimestre 2016, les conditions d'octroi de financements aux ménages ont continué à s'assouplir, si l'on en croit l'enquête parue en octobre dernier 14 ( * ) . De manière générale, ces résultats tendent à montrer que les effets des actions engagées continuent de se diffuser dans l'économie réelle ; aussi est-il peu probable que la BCE adopte de nouvelles mesures de politique budgétaire avant le mois de décembre prochain, son président, Mario Draghi, ayant déclaré le 8 septembre dernier, à l'issue d'une réunion du Conseil des gouverneurs, « pour le moment, les changements [dans les projections] ne sont pas suffisamment importants pour justifier une décision d'agir. Nous constatons que notre politique monétaire est efficace » 15 ( * ) .

La politique menée par la BCE a également eu pour conséquence de contribuer au recul du taux de change de l'euro . À titre d'illustration, le taux de change euro contre dollar a reculé de près de 13 % entre le 20 octobre 2014 et le 20 octobre 2016, passant de 1,27 à 1,10 dollar pour un euro. Cette baisse de la monnaie européenne, en réduisant le prix des produits proposés par les entreprises de la zone euro à l'export, a permis de renforcer la compétitivité de ces dernières et, partant, les exportations . Il convient de relever qu'une hausse du taux directeur de la Réserve fédérale américaine, susceptible d'être décidée en décembre prochain, pourrait avoir pour effet une nouvelle dépréciation de l'euro face au dollar.

(3) Une hypothèse de croissance de 1,6 % dans la zone euro crédible

Dans ce contexte, le Gouvernement anticipe une croissance de 1,6 % dans la zone euro en 2016 ; une telle prévision est confortée par l'Insee qui entrevoit, elle aussi, une hausse du PIB de 1,6 %, estimant que « la croissance de la zone euro résisterait à la hausse des incertitudes politiques » 16 ( * ) , tout comme l'organisme de statistique italien (Istat) et l'institut allemand Ifo 17 ( * ) , ou encore le Consensus Forecasts d'octobre.

b) Une reprise « toussotante » de l'activité en France

Malgré cela, comme en 2014 et 2015, la France connaîtrait une progression de son activité moins rapide que ses partenaires de la zone euro . Bien qu'il bénéficie des mêmes facteurs favorables que ces derniers, notre pays a vu la croissance du PIB « caler » au deuxième trimestre, après deux trimestres de vive progression. Dans ces conditions, l'hypothèse d'une hausse du PIB de 1,5 % retenue par le Gouvernement paraît particulièrement fragile.

(1) Une facture pétrolière qui reste modérée

Déjà en 2015, selon l'Insee, la baisse du prix du pétrole aurait été à l'origine d'un surplus de croissance de l'ordre de 0,3 point pour l'économie française . Comme cela a été relevé précédemment, en dépit d'une remontée des prix du pétrole au cours du premier trimestre 2016, ces derniers demeurent à un niveau inférieur à celui observé en octobre de l'an passé. Aussi la faiblesse de la facture pétrolière et, plus largement, énergétique, devrait-elle encore constituer, cette année, un facteur de croissance ; selon les dernières informations publiées par le commissariat général au développement durable, en avril 2016, la facture énergétique s'établissait, en cumul annuel sur les douze mois précédents, à 34,9 milliards d'euros, en baisse de 28,5 % par rapport à la même période en 2015 , atteignant ainsi « son plus bas niveau observé depuis plus de dix ans » 18 ( * ) .

(2) Une politique monétaire propice au financement de l'économie

En outre, la politique monétaire déployée par la Banque centrale européenne (BCE) contribue pleinement à la bonne tenue du financement de l'économie française . Selon les statistiques publiées par la Banque de France, en août 2016, l'encours du crédit aux entreprises atteignait 726,7 milliards d'euros, en hausse de 2,9 % sur une année 19 ( * ) ; il apparaît que cette augmentation a concerné toutes les catégories d'entreprises, soit les petites et moyennes entreprises (PME) (+ 2,9 %), les entreprises de taille intermédiaire (+ 2,6 %) et les grandes entreprises (+ 3,5 %). L'encours du crédit aux particuliers affichait, quant à lui, une progression annuelle de 4 % en août 2016 et s'élevait à 1 080 milliards d'euros ; la croissance la plus marquée a concerné les crédits à la consommation (+ 5,9 %), même si les crédits à l'habitat, dont l'encours a atteint 888 milliards d'euros, ont nettement accéléré (+ 3,7 %).

(3) Des exportations françaises décevantes

Malgré la relative faiblesse du taux de change de l'euro, au cours du premier semestre de l'année, « les exportations françaises ont été encore plus décevantes que la demande mondiale (- 0,4 % puis + 0,2 %), malgré la livraison de grands contrats, du fait de la faiblesse des exportations aéronautiques civiles, qui semblent avoir été limitées par des contraintes d'approvisionnement » 20 ( * ) . À en croire l'Insee, durant la seconde partie de l'année, les exportations rebondiraient modérément, progressant de 0,1 % puis de 0,8 % au cours, respectivement, des troisième et quatrième trimestres ; « en revanche, elles seraient freinées par le contrecoup des livraisons de grands contrats navals et par la chute des ventes agricoles liée aux mauvaises récoltes » 21 ( * ) .

(4) Un nouveau recul des faillites d'entreprises

La continuation de la reprise s'est accompagnée d'un nouveau recul des faillites d'entreprises . Une étude publiée par Altares en juillet dernier a recensé 14 026 défaillances d'entreprises au deuxième trimestre de cette année, en baisse de 2,7 %, contre une moyenne de 14 400 depuis 2009 au titre de cette même période. Toutefois, Altares relève que « ces chiffres globalement bien orientés traduisent mal la réalité de l'amélioration ». En effet, près de 10 000 procédures ont concerné des microentreprises ayant moins de trois salariés, pour lesquelles le recul du nombre de défaillances n'est que de 0,6 % par rapport à l'an passé ; il apparaît que la tendance est plus nette pour les très petites entreprises (- 6 %), comptant trois à neuf salariés, et pour les entreprises de 10 à 49 salariés (- 12 %). S'agissant des entreprises de plus de 50 salariés, la baisse du nombre de défaillances est de 17 %. L'étude estime que « ces solides tendances observées [pour les TPE et PME] illustrent une consolidation de la reprise et conduisent à un net ralentissement de la destruction d'emplois. Au cours du deuxième trimestre 2009, plus de 72 000 emplois étaient menacés par les défaillances d'entreprises ; ce nombre tombe à 47 000 au cours de ce trimestre soit plus de 25 000 emplois préservés ».

(5) Un climat des affaires au-dessus de sa moyenne de longue période

Par ailleurs, le climat des affaires, qui s'était consolidé au cours de l'année 2015, semble résilient face aux nouvelles incertitudes qui affectent l'environnement international . En effet, après avoir regagné sa moyenne de long terme - soit 100 - en août 2015, l'indicateur de climat des affaires 22 ( * ) de l'Insee est resté relativement stable tout au long de 2016 et s'est établi à 101,4 en octobre, comme le montre le graphique ci-après.

Graphique n° 4 : Évolution de l'indicateur de climat des affaires de l'Insee

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

L'indicateur de climat des affaires est bien orienté dans la majorité des secteurs économiques , dont l'industrie (102,4), les services (100,6) et le commerce de détail (100,2) ; dans le secteur du bâtiment, en dépit d'une amélioration non négligeable en 2016, l'indicateur de climat des affaires demeure en deçà de sa moyenne de long terme, étant de 96,0 en octobre, contre 90,1 en octobre 2015.

Quant à l'indicateur de retournement de l'Insee, qui vise à détecter les moments où la conjoncture change d'orientation, il montre des signes d'instabilité depuis le mois de juin dernier . En effet, il est alors retombé à - 0,7, avant de revenir à + 0,1 en juillet et de se dégrader à nouveau en août (- 0,2). Cet indicateur s'est établi à 0,0 en octobre, contre 0,6 en septembre (voir graphique ci-après).

Cet indicateur, également construit sur la base des enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise, retrace à chaque date la différence entre la probabilité que la phase conjoncturelle soit favorable et la probabilité qu'elle soit défavorable. Il évolue entre + 1 et - 1, un point proche de + 1 signalant que l'activité est en période d'accélération, alors qu'à l'inverse, un point proche de - 1 signale que l'activité est en nette décélération. Un indicateur proche de 0 correspond généralement à une période de stabilisation.

Au total, l'instabilité observée de l'indicateur de retournement, sans doute en lien avec le contexte international, montre, à tout le moins, la très forte incertitude conjoncturelle qui domine à ce jour . Aussi, une dégradation du climat des affaires dans les mois à venir ne saurait être exclue.

Graphique n° 5 : Évolution de l'indicateur de retournement de l'Insee

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

(6) Un léger recul de la croissance au deuxième trimestre

Quoi qu'il en soit, si au cours du premier trimestre de l'année, le PIB a continué sur sa lancée des mois précédents et progressé de 0,6 % , porté notamment par la consommation des ménages et l'investissement des entreprises, celui-ci a légèrement reculé au deuxième (- 0,1 %) .

Cette interruption de la croissance s'expliquerait, selon les données publiées par l'Insee, par un ralentissement des dépenses de consommation des ménages (0,0 % après + 1,1 %) et de la formation brute de capital fixe (0,0 % après + 1,3 %) (voir graphique ci-après). En outre, bien que le commerce extérieur ait positivement contribué à la hausse du PIB, cela est uniquement en raison d'un recul des importations (- 1,7 %), alors que les exportations sont restées quasi stables (+ 0,2 %). Les variations de stocks ont, quant à elles, contribué de nouveau négativement à l'évolution du PIB
(- 0,8 point après - 0,1 point), diminuant « notamment dans les matériels de transport et les produits pétroliers raffinés » 23 ( * ) .

Graphique n° 6 : Produit intérieur brut (PIB) et ses composantes

(en %)

Source : Insee (octobre 2016)

(7) Une reprise graduelle de la croissance au second semestre...

Malgré cela, l'Insee anticipe une amélioration graduelle de la croissance française au second semestre de l'année . En effet, celui-ci estime qu'« au-delà des à-coups trimestriels, le PIB conserverait dans l'ensemble du second semestre 2016 un rythme comparable à celui du premier semestre (+ 0,2 % au troisième trimestre puis + 0,4 % au quatrième) » 24 ( * ) . En ligne avec ces prévisions, les données publiées en octobre par l'institut de statistique font apparaître une croissance de 0,2 % au troisième trimestre 25 ( * ) .

(8) ...insuffisante pour permettre une hausse du PIB de 1,5 % en 2016

Est-ce à dire, pour autant, que le retour de la croissance au second semestre permettrait une hausse du PIB en 2016 comme l'anticipe le Gouvernement ? Si l'acquis de croissance 26 ( * ) s'élevait à 1,1 % à la fin du deuxième trimestre de l'année, une croissance moyenne annuelle de 1,5 % impliquerait, comme l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques, « une forte augmentation du PIB aux 3 ème et 4 ème trimestres » 27 ( * ) , ce que laissent difficilement présager les indicateurs de climat des affaires (voir supra ). Aussi la réalisation de la prévision gouvernementale paraît-elle relativement improbable , le Haut Conseil considérant, quant à lui, que celle-ci est « un peu élevée au regard des informations connues à ce jour » 28 ( * ) . Ceci tend à être confirmé par l'estimation de la croissance du PIB au troisième trimestre publiée par l'Insee en octobre dernier.

Surtout, l'hypothèse retenue par le Gouvernement est supérieure à la majorité des anticipations disponibles à ce jour . En particulier, l'Insee ainsi que le Consensus Forecasts d'octobre prévoient une croissance de 1,3 %, la Banque de France anticipant, elle, une progression du PIB de 1,4 %. Depuis le mois de septembre, l'OCDE table également sur une hausse de l'activité de 1,3 % en France en 2016, à l'instar de la Commission européenne. En somme, si la prévision de croissance de 1,5 % était en ligne avec celles des organisations internationales et des instituts de conjoncture avant l'été, le gouvernement français semble être le seul à ne pas avoir tenu compte de la dégradation du contexte international dans son scénario économique .

En effet, en premier lieu, le commerce international se révèlerait significativement moins dynamique qu'anticipé en 2016 . Ainsi, à la fin du mois de septembre 29 ( * ) , l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a révisé à la baisse sa prévision de progression des échanges internationaux pour l'année en cours de 2,8 % à 1,7 %, compte tenu des évolutions constatées au cours des derniers mois. Dans ces conditions, les exportations françaises pourraient s'en trouver affectées.

En second lieu, les incertitudes de nature politique se sont accrues au cours de l'année ; l'Insee relève, d'une part, que bien que « les incertitudes relatives aux conséquences concrètes du "Brexit" se sont amoindries, [...] l'activation du processus de sortie pourrait les raviver » et, d'autre part, qu'« avant même les échéances électorales françaises et allemandes de 2017, la fin de l'année 2016 sera marquée par plusieurs échéances politiques importantes de part et d'autre de l'Atlantique : la constitution d'un gouvernement en Espagne, le référendum constitutionnel en Italie et l'élection présidentielle américaine. Chacune de ces échéances pourrait générer incertitudes et attentisme de la part des investisseurs » 30 ( * ) .

(9) Une légère baisse du chômage en 2016

Pour conclure ce développement relatif à la conjoncture économique en 2016, il convient d'examiner les évolutions observées sur le marché du travail . Selon les données publiées par l'Insee, 30 000 emplois salariés marchands ont été créés au deuxième trimestre de l'année, après 40 000 au premier trimestre ; « les perspectives en termes d'effectifs restant favorables dans les enquêtes de conjoncture, il ne faiblirait pas au second semestre (+ 66 000). Au total, les créations nettes d'emploi marchand s'élèveraient à 117 000 en 2016 (soit + 0,7 %) » 31 ( * ) . L'institut de statistiques estime que, dans un contexte de reprise, cette évolution serait favorisée par un enrichissement de la croissance en emplois lié aux dispositifs d'abaissement du coût du travail, soit le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le Pacte de responsabilité et de solidarité et la prime à l'embauche dans les PME.

Toutefois, les créations d'emplois ralentiraient dans les secteurs non marchands lors du second semestre, s'élevant à 4 000 après 25 000 au premier semestre, en raison d'un repli du nombre d'emplois aidés, en particulier d'emplois d'avenir.

L'emploi total augmenterait de 165 000 postes en 2016, après une hausse de 157 000 en 2015. Aussi, toujours selon l'Insee, le taux de chômage s'élèverait-il à 9,8 % de la population active à la fin de l'année, contre 10,2 % un an plus tôt . En effet, au second semestre, « la hausse attendue de l'emploi serait légèrement supérieure à celle de la population active, elle-même légèrement freinée par la hausse du nombre de chômeurs en formation » 32 ( * ) .

B. UNE PRÉVISION DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE POUR 2017 QUI FRÔLE L'IRRÉALISME

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, le Gouvernement confirme la prévision de croissance de 1,5 % en 2017 avancée dans le programme de stabilité transmis en avril 2016 . Le scénario gouvernemental suppose, pour l'essentiel, une accélération du commerce mondial, donc de la demande extérieure adressée à la France, ainsi que de la demande des ménages et des entreprises. Néanmoins, les évolutions récentes du contexte international, notamment, laissent à penser que l'hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement est désormais surestimée - d'autant qu'elle est supérieure aux prévisions les plus récentes des organisations internationales et des instituts de conjoncture. D'ailleurs, il n'est pas inintéressant de noter que le Gouvernement lui-même admet que « les aléas autour de cette prévision sont nombreux » 33 ( * ) - ce qui aurait dû appeler l'adoption d'une attitude plus prudente.

Tableau n° 7 : Principales hypothèses du scénario macroéconomique 2015-2020

(évolution en %, sauf mention contraire)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

PIB

1,2

1,5

1,5

1 ¾

1,9

2,0

Déflateur de PIB

0,6

0,9

0,9

1,3

1,7

1,7

Indice des prix à la consommation hors tabac

0,0

0,1

0,8

1,4

1 ¾

Masse salariale privée

1,5

2,6

2,7

3,6

3,8

4,1

Croissance potentielle

1,1

1,5

1,5

1,4

1,3

1,4

Écart de production (en % du PIB potentiel)

- 2,8

- 2,8

- 2,8

- 2,5

- 2,0

- 1,4

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017

1. Une dégradation significative de l'environnement international

La principale évolution inhérente au contexte économique depuis le printemps dernier a résidé dans une dégradation de l'environnement international de la France ; alors que le commerce mondial montre des signes de ralentissement, la croissance décélèrerait dans la zone euro.

a) Un ralentissement de la croissance dans la zone euro...

Les différentes prévisions disponibles à ce jour, y compris celles avancées par le Gouvernement, laissent entrevoir une moindre progression du PIB en 2017 relativement à 2016 dans la zone euro , en raison d'une dissipation des facteurs de croissance, mais aussi d'une dégradation du contexte politique.

(1) Une dissipation progressive des facteurs externes de croissance

L'année 2017 serait marquée par une dissipation progressive des facteurs externes qui avaient, ces deux dernières années, favorisé la croissance du PIB dans la zone euro . En particulier, les prix du pétrole cesseraient de reculer et pourraient engager une remontée graduelle ; à cet égard, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) anticipe un alignement de l'offre et de la demande de pétrole en 2017, favorisant un redressement des prix. En effet, la baisse de la production américaine ajoutée à la faiblesse des investissements consentis par l'industrie pétrolière au cours des dernières années contribueraient à mettre fin à l'excès de l'offre sur la demande . Pour autant, l'augmentation des prix du pétrole pourrait être ralentie par l'importance actuelle des stocks ; à l'inverse, l'accord conclu entre les membres de l'OPEP en septembre dernier évoqué précédemment pourrait renforcer les tendances haussières à l'oeuvre. En tout état de cause, le Gouvernement anticipe un baril de Brent à 45 dollars en 2017.

En outre, la fin du recul du taux de change de l'euro ferait disparaître un facteur de renforcement de la compétitivité des entreprises européennes et des exportations . Le scénario gouvernemental prévoit une quasi stabilité du taux de change euro contre dollar entre 2016 et 2017, l'euro devant s'élever à 1,12 dollar en moyenne au cours de l'année prochaine. Pour autant, il ne saurait être exclu que la hausse, prévisible, des taux directeurs de la Réserve fédérale, voire un nouvel assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), puissent conduire à une nouvelle baisse du taux de change de l'euro, en particulier par rapport au dollar.

(2) Les risques inhérents au « Brexit »

Par ailleurs, une relative incertitude politique tend à s'installer en Europe . Outre le fait qu'un gouvernement doit encore être constitué en Espagne - même si ce processus semble en bonne voie - et qu'un référendum majeur se tiendra en Italie en décembre prochain, la perspective d'une sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne ne laisse pas d'inquiéter. Si les incidences économiques immédiates du vote britannique en faveur du « Brexit » en juin dernier n'ont pas eu l'ampleur redoutée, comme l'a relevé l'Insee, l'activation du processus de sortie pourrait faire renaître les incertitudes.

Quoi qu'il en soit, les prévisions disponibles à ce jour laissent entrevoir un net ralentissement de la croissance britannique en 2017 . Ainsi, selon le Consensus Forecasts , le PIB progresserait de 0,9 % au Royaume-Uni en 2017, contre + 1,9 % en 2016. De même, l'OCDE anticipe une croissance de 1 % en 2017, ayant révisé à la baisse d'un point sa prévision de croissance du premier semestre. Si, selon le Gouvernement, le « ralentissement britannique affecterait de façon limitée l'activité de la zone euro », l'incertitude quant aux effets économiques potentiels du « Brexit » reste grande . Dans un récent rapport d'information 34 ( * ) , votre rapporteur général a, en effet, montré qu'à plus long terme, l'impact d'un « Brexit » sur le PIB par tête des États de l'Union européenne pouvait être compris entre 0,1 et 0,4 % - même, l'OCDE estime que « le PIB d'une Union européenne restreinte serait peu affectée en 2016, mais reculerait de 1 % à l'horizon 2020 » 35 ( * ) .

(3) Une croissance qui devrait être inférieure à 1,5 % dans la zone euro

Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que la croissance dans la zone euro soit inférieure à la prévision gouvernementale (+ 1,5 %). En effet, le Consensus Forecasts d'octobre prévoit une progression de l'activité de 1,3 %, contre 1,4 % pour l'OCDE. La Commission européenne et le FMI, quant à eux, anticipent respectivement une hausse du PIB de 1,7 et 1,5 %.

b) ...et des échanges commerciaux internationaux

Au ralentissement de l'activité dans la zone euro viendrait s'ajouter une décélération significative des échanges internationaux, qui peut trouver sa source aussi bien dans une mutation de nature structurelle du commerce international, mais aussi, à en croire l'OCDE, dans une temporisation du processus d'ouverture des marchés de biens et services.

(1) Une probable décélération du commerce mondial...

À la fin du mois de septembre, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a révisé à la baisse ses anticipations de progression du commerce international pour 2017 compte tenu des évolutions observées cette année (voir supra ). Alors qu'elle prévoyait, jusqu'à présent, une augmentation du commerce mondial de 3,6 % en 2017, celle-ci estime que ce dernier ne croîtrait que de 1,8 % à 3,1 %.

Or, le Gouvernement estime que « les exportations de biens accélèreraient en 2017 (+ 3,5 %) [...] soutenues par le redressement de la demande mondiale (+ 2,7 % en 2016 puis + 3,6 % en 2017) » 36 ( * ) . Aussi, eu égard aux prévisions de l'OMC, l'évolution de la demande mondiale adressée à la France de même que des exportations françaises pourraient être moins dynamiques que ce que prévoit le Gouvernement - sachant que le regain de vitalité du commerce mondial constituait l'un des principaux fondements du scénario gouvernemental.

(2) ...dont les causes peuvent être diverses

Alors que, selon les dernières prévisions publiées par l'OCDE, la situation économique devrait progressivement s'améliorer, au cours de l'année 2017, aux États-Unis , où la croissance serait de 3,2 % après + 2,9 % en 2016, au Japon (+ 0,7 % après + 0,6 %) et dans les principaux pays émergents , comme l'Inde (+ 7,5 % après + 7,4 %) et le Brésil (- 0,3 % après
- 3,3 %) - à l'exception notable de la Chine (+ 6,2 % après + 6,5 %), dont le PIB est entré dans une phase de ralentissement ces dernières années -, la décélération du commerce mondial résulterait de causes structurelles .

Comme l'avait montré l'an passé votre rapporteur général, la moindre vigueur du processus de fragmentation des chaînes de production au niveau international devrait réduire les perspectives de croissance du commerce mondial dans les années à venir - un tel processus semblant être arrivé à maturité 37 ( * ) . En outre, l'OCDE a récemment expliqué le caractère « exceptionnellement faible » de la progression du commerce international par « l'affaiblissement et l'inversion de la libération du commerce » 38 ( * ) , en particulier en Asie de l'Est. L'Organisation estime qu'une pérennisation de ce phénomène viendrait « diminuer une croissance de la productivité déjà réduite et pénaliser les perspectives d'évolution du niveau de vie » 39 ( * ) .

2. Une prévision gouvernementale de croissance de 1,5 %...

Au total, ces différentes données laissent à penser que le scénario gouvernemental surestime la contribution de la demande extérieure à la hausse du PIB français en 2017 ; pour autant, les hypothèses relatives à la demande intérieure semblent tout aussi fragiles. Ainsi que l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques dans son récent avis :

Le Gouvernement retient des augmentations de la consommation et de l'investissement encore soutenues en 2017 et à peine infléchies par rapport à 2016 : respectivement 1,6 % après 1,8 % en 2016 pour la consommation, et 3,5 % après 3,8 % en 2016 pour l'investissement des entreprises.

Parmi les déterminants de la consommation, la prévision de pouvoir d'achat du revenu disponible (+ 1,5 % en 2017 après + 1,9 % en 2016) apparaît comme une hypothèse forte compte tenu de la remontée prévue de l'inflation et du ralentissement envisagé pour les prestations sociales. Elle intègre une augmentation substantielle des revenus de la propriété, qui n'est pas documentée, et paraît peu vraisemblable.

S'agissant de l'investissement, l'amélioration du taux de marge des entreprises et la prorogation de la mesure de suramortissement jusqu'au 1 er avril seraient des facteurs de soutien. Cependant, l'impact des incertitudes liées au vote en faveur du Brexit et à la dégradation du climat européen pourrait être sous-estimé 40 ( * ) .

En dépit de ces différents éléments, le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1,5 % en 2017 - révélant, à tout le moins, une absence de prise en compte des évolutions économiques et politiques intervenues depuis la présentation du dernier programme de stabilité en avril 2016.

3. ...qui excède l'ensemble des anticipations disponibles à ce jour

Quoi qu'il en soit, force est de constater que l'hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement est supérieure à l'ensemble des prévisions disponibles à ce jour , qu'il s'agisse de celles de la Commission européenne (+ 1,4 %), du Fonds monétaire international (FMI) (+ 1,3 %), de l'OCDE (+ 1,3 %) ou encore du Consensus Forecasts d'octobre (+ 1,2 %).

Aussi le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a-t-il estimé que l'« hypothèse de croissance pour 2017 est optimiste compte tenu des facteurs baissiers qui se sont matérialisés ces derniers mois (atonie persistante du commerce mondial, incertitudes liées au Brexit et au climat politique dans l'Union européenne et dans le monde, conséquences des attentats notamment sur l'activité touristique...) » 41 ( * ) .

Tableau n° 8 : Prévisions d'évolution du PIB et des prix à la consommation pour la France de la Commission européenne, du FMI, de l'OCDE et du Consensus Forecasts

(évolution en %)

2016

2017

2018

2021

Commission européenne (1)

PIB

1,3

1,4

1,7

Prix à la consommation

0,3

1,3

1,4

FMI (2)

PIB

1,3

1,3

1,8

Prix à la consommation

0,3

1,0

1,7

OCDE (3)

PIB

1,3

1,3

Prix à la consommation

Consensus Forecasts (4)

PIB

1,3

1,2

Prix à la consommation

0,2

1,2

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2016 », Institutional Paper 38 , nov. 2016.

(2) Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Subdued Demand. Symptoms and Remedies , octobre 2016.

(3) OCDE, Global growth warning: Weak trade, financial distorsions , 21 septembre 2016.

(3) Consensus Forecats , octobre 2016.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

En somme, les contraintes découlant des nouvelles règles de la gouvernance budgétaire européenne et la mise en place du HCFP avaient conduit le Gouvernement à faire preuve de davantage de rigueur dans le choix des hypothèses économiques sous-jacentes aux textes financiers lors des années passées - induisant une prudence renforcée, de nature à faciliter le respect des objectifs budgétaires arrêtés. Pourtant, dans un contexte préélectoral, celui-ci semble renouer avec d'anciennes pratiques consistant à surestimer les variables macroéconomiques - qui frôlent l'irréalisme - de manière à présenter un budget équilibré , ne laissant pas d'inquiéter sur ce que sera l'état des finances publiques à la fin de la législature qui s'achève.

C. LE RETOUR TANT ATTENDU DE L'INFLATION EN 2017 ?

Alors qu'en cette fin d'année 2016, l'inflation continue de montrer un dynamisme modéré, celle-ci pourrait se redresser en 2017 en France et, de manière plus générale, dans la zone euro. Cette évolution serait permise, notamment, par la stabilisation des prix de l'énergie.

1. L'atonie persistante des prix à la consommation en 2016
a) Une hausse limitée de l'inflation dans la zone euro...

Selon les données publiées le 17 octobre dernier par Eurostat 42 ( * ) , le taux d'inflation annuel de la zone euro s'est élevé à 0,4 % en septembre 2016 - en hausse par rapport au mois d'août, où il était de 0,2 %. À titre de rappel, l'indice des prix à la consommation harmonisés (IPCH) avait stagné en 2015 (+ 0,0 %) après avoir progressé de 0,4 % en 2014.

b) ...de même qu'en France...

De même, s'agissant de la France, l'inflation sur douze mois a progressé de 0,4 % en octobre , comme au cours du mois précédent 43 ( * ) . L'indice des prix à la consommation (IPC) serait stable sur un mois, après une baisse de 0,2 % en septembre, du fait « du recul saisonnier des prix des services liés au tourisme après les vacances estivales » 44 ( * ) . En 2015, le taux d'inflation avait été nul, après une hausse de 0,5 % en 2014.

c) ...dans un contexte de rebond des prix de l'énergie

Le redressement progressif de l'inflation s'inscrit dans un contexte de rebond des prix des produits pétroliers . Ainsi, l'Insee relève qu'« après deux mois de repli, les prix de l'énergie rebondissent en septembre 2016 (+ 0,8 %) » 45 ( * ) , cette hausse mensuelle concernant aussi bien les produits pétroliers (+ 1,4 %) que le gaz naturel et le gaz de ville (+ 0,4 %) - dynamique qui semble se perpétuer au mois d'octobre. De même, dans sa dernière note de conjoncture, l'Insee estime que « d'ici la fin de l'année, du fait de sa composante énergétique, [l'inflation] s'élèverait légèrement, à + 0,6 % en décembre, pour rejoindre le niveau de l'inflation sous-jacente » 46 ( * ) .

Toutefois, l'inflation sous-jacente, qui s'élevait à + 0,7 % sur un an en septembre 2016, resterait relativement faible : « d'une part, l'effet inflationniste de la dépréciation passée de l'euro se dissipe, d'autre part, la baisse passée des prix des matières premières continuerait de se diffuser sur les prix des biens et services » 47 ( * ) .

2. Les perspectives d'inflation à court et moyen termes

Pour autant, l'inflation se redresserait progressivement au cours de l'année 2017 . Concernant la zone euro, la Commission européenne, le consensus de la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds monétaire international (FMI) et le Consensus Forecasts anticipent une progression des prix à la consommation supérieure à 1 % en 2017 , rompant ainsi avec l'atonie des années passées. Toutefois, à moyen terme, le consensus de la BCE prévoit une l'inflation de 1,8 % en 2021, contre 1,9 % en 2020 dans l'enquête réalisée au dernier trimestre de l'an dernier - ce qui peut laisser supposer que le retour de l'inflation aux alentours de 2 % pourrait être moins rapide qu'anticipé jusqu'à présent.

Tableau n° 9 : Prévisions d'évolution des prix à la consommation
pour la zone euro

(évolution en %)

2016

2017

2018

2021

Commission européenne (1)

0,3

1,4

1,4

Consensus de la Banque centrale européenne (BCE) (2)

0,2

1,2

1,4

1,8

FMI (3)

0,3

1,1

1,7

Consensus Forecasts (octobre 2015)

0,2

1,3

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2016 », Institutional Paper 38 , nov. 2016.

(2) Banque centrale européenne, enquête trimestrielle auprès des prévisionnistes, quatrième trimestre 2016.

(3) Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Subdued Demand. Symptoms and Remedies , octobre 2016.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Pour ce qui est de la France, la Commission européenne anticipe une progression de l'indice des prix de 1,3 en 2017 et le FMI de 1 %, alors que le Consensus Forecasts d'octobre entrevoit une inflation de 1,2 %. Ceci pourrait contribuer à desserrer l'étau que représente une faible inflation pour la consolidation des finances publiques , comme s'est attaché à le montrer, à plusieurs reprises, votre rapporteur général 48 ( * ) .

Il convient de noter qu'au-delà de la stabilisation des prix de l'énergie, deux autres facteurs pourraient contribuer à une normalisation de l'inflation. En premier lieu, différents éléments semblent indiquer que la Banque centrale européenne (BCE) pourrait de nouveau assouplir sa politique monétaire en décembre prochain et, notamment, étendre encore son programme étendu de rachats d'actifs (voir supra ). En particulier, le 20 octobre dernier, le président de la BCE, Mario Draghi a déclaré que l'institution continuerait à utiliser tous les instruments qui sont à sa disposition et que l'appréciation du Conseil des gouverneurs bénéficierait, en décembre prochain, « des nouvelles projections macroéconomiques établies par les services [de la BCE] s'étendant jusqu'à 2019 et des travaux des comités de l'Eurosystème relatifs aux options permettant une bonne mise en oeuvre du programme de rachats jusqu'en mars 2017, ou au-delà, si nécessaire » 49 ( * ) . Quoi qu'il en soit, une évolution du programme de rachats de la banque centrale pourrait être rendue nécessaire par l'attrition des actifs éligibles à ces rachats - en particulier parce qu'une part croissance de ceux-ci affichent désormais des taux d'intérêt négatifs.

En second lieu, la probabilité d'une hausse des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine en décembre prochain paraît dorénavant relativement élevée ; en effet, dans un communiqué de presse publié à la suite de la réunion du Comité de politique monétaire de septembre, la Réserve fédérale a indiqué que « le Comité estim[ait] que les arguments en faveurs d'une hausse des taux directeurs s'[étaient] renforcés mais [avait] décidé, pour le moment, d'attendre des signes de la poursuite des progrès vers l'atteinte des objectifs » 50 ( * ) fixés. Or, la hausse des taux directeurs américains favoriserait une appréciation du dollar par rapport à l'euro et, par suite, une hausse de l'inflation importée dans la zone euro.

Dans ces conditions, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que les hypothèses d'inflation retenues par le Gouvernement en 2016 et 2017, soit respectivement 0,1 % et 0,8 %, étaient « raisonnables » 51 ( * ) .

II. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE À LA SINCÉRITÉ CONTESTABLE

À n'en pas douter, le présent projet de loi de finances ne porte pas le véritable budget de l'année 2017 . Ce dernier ne sera arrêté qu'à l'été prochain, à l'issue des élections présidentielle et législatives - quelle que soit la nouvelle majorité gouvernementale - dès lors que le budget proposé n'est nullement soutenable et appellera, à tout le moins, des ajustements significatifs en cours d'exercice afin de respecter les objectifs budgétaires fixés. À bien des égards, le projet de loi de finances soumis au Parlement constitue un texte élaboré dans une perspective électorale : il s'agit là d'un budget de campagne .

En effet, dans le projet de loi de finances pour l'année à venir, le Gouvernement cherche tout à la fois à donner des gages de son sérieux budgétaire , en s'appliquant à respecter l'objectif d'un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB, et à trouver des marges de manoeuvre en vue de « relâcher » les efforts en matière de dépenses ; à cet effet, celui-ci n'hésite pas, encore une fois, à renoncer à la parole donnée pour ce qui est des baisses de la fiscalité des entreprises devant intervenir en 2017 et à procéder à un report de celles-ci sur les prochaines années.

En dépit de ces « tours de passe-passe » budgétaires, le retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB en 2017 n'est aucunement assuré , exposant la France à un risque de sanction en application du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). En premier lieu, comme cela a déjà été mis en évidence, le projet de budget repose sur des hypothèses économiques qui s'illustrent par leur optimisme . En second lieu, les prévisions retenues en matière de dépenses présentent, elles aussi, une grande fragilité . Dans ces conditions, le présent rapport s'attache à estimer, autant que possible, la situation budgétaire qui serait observée, en 2017, en application du projet de loi de finances.

Tableau n° 10 : Principales données de la trajectoire pluriannuelle
des finances publiques

(en % du PIB)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Solde effectif

- 3,5

- 3,3

- 2,7

- 2,0

- 1,2

- 0,6

Solde structurel

- 1,9

- 1,6

- 1,1

- 0,6

- 0,1

0,1

Ajustement structurel

0,4

0,3

0,5

0,5

0,5

0,2

Ratio de dépense publique*

55,5

55,0

54,6

53,8

52,8

51,8

Ratio de prélèvements obligatoires*

44,7

44,5

44,5

44,3

44,2

43,8

Dette publique

96,2

96,1

96,0

95,1

92,9

90,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017)

A. LA POURSUITE SANS FIN DU RETOUR DU DÉFICIT PUBLIC EN DEÇÀ DE 3 % DU PIB...

Le Gouvernement annonce, au titre de l'exercice 2017, un retour du déficit public en-dessous de 3 % du PIB . Néanmoins, il convient de rappeler que l'atteinte de cet objectif, poursuivie tout au long du quinquennat, a été maintes fois reportée par le Gouvernement.

En effet, au lendemain des élections présidentielle et législatives de 2012, dans le cadre de la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, l'exécutif annonçait un retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB dès 2013 , un engagement de la décrue du poids de la dette publique dans la richesse nationale l'année suivante, ainsi que l'équilibre structurel des comptes publics à compter de 2016. Toutefois, incapable de respecter ses engagements, certes desservi par une conjoncture moins favorable qu'anticipé, le Gouvernement a été contraint de demander aux autorités de l'Union européenne un premier report du délai de correction du déficit excessif en 2013, puis un second en 2015 .

Dès lors qu'il ne saurait être question d'un troisième report du délai de correction, le Gouvernement affiche comme objectif central pour l'exercice 2017 le retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB . Seulement, il n'y parvient - sur le papier - qu'en raison du renoncement aux baisses de la fiscalité initialement annoncées pour 2017 et au report des charges y afférent sur les années ultérieures. Par ailleurs, la trajectoire proposée par le Gouvernement ne répond pas aux autres exigences découlant du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) en matière de réduction du solde structurel. Aussi la France serait-elle immanquablement exposée à un risque de sanction si le déficit public effectif n'était pas ramené en-dessous de 3 % du PIB en 2017 - risque significatif compte tenu de l'optimisme dont fait preuve le Gouvernement dans la définition des hypothèses retenues en matière économique et d'évolution des dépenses publiques.

Tableau n° 11 : Les trajectoires successives des finances publiques

(en % du PIB)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Solde public

LPFP 2012-2017

- 1,3

- 0,6

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 4,1

- 3,6

- 2,7

- 1,7

- 0,7

PStab. 2016-2019

- 3,5

- 3,3

- 2,7

- 1,9

- 1,2

PLF 2017

- 3,5

- 3,3

- 2,7

- 2,0

- 1,2

- 0,6

Solde structurel

LPFP 2012-2017

- 0,8

- 0,5

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 2,1

- 1,8

- 1,3

- 0,8

- 0,2

PStab. 2016-2019

- 1,6

- 1,3

- 0,8

- 0,3

0,0

PLF 2017

- 1,9

- 1,6

- 1,1

- 0,6

- 0,1

0,1

Dette publique

LPFP 2012-2017

88,5

85,8

82,6

LPFP 2014-2019

97,1

97,7

97,0

95,1

92,4

PStab. 2016-2019

95,7

96,2

96,5

95,4

93,3

PLF 2017

96,2

96,1

96,0

95,1

92,9

90,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

1. Un respect incertain des engagements européens de la France en termes de déficit public effectif...

Comme cela a été indiqué, le Gouvernement a été contraint de demander aux autorités européennes un nouveau report du délai de correction du déficit excessif en 2015 , accordé par une recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015.

En vertu du droit de l'Union européenne, un report du délai de correction du déficit excessif peut être accordé, d'une part, si l'État membre concerné a engagé une action suivie d'effets afin de corriger son déficit excessif et, d'autre part, si des évènements négatifs et inattendus ayant des conséquences défavorables majeures pour les finances publiques se produisent après l'adoption de la première recommandation. Concernant la France, il a été considéré, en premier lieu, que « les éléments de preuve disponibles ne permett[aient] pas de conclure à l'absence d'action suivie d'effets ». En second lieu, si les prévisions économiques pour 2013 publiées par la Commission européenne en mai 2013 se sont révélées inférieures au réalisé, tel n'est pas le cas pour ce qui est de l'exercice 2014. En effet, la Commission prévoyait une croissance de 1,1 % et une inflation de 1,7 % en 2014 ; cependant, les données publiées en février 2015 ont fait apparaître, pour 2014, une progression du PIB de 0,4 % et une inflation de 0,6 %.

Tableau n° 12 : Comparaison entre les prévisions macroéconomiques de la Commission européenne et le réalisé

(évolution en %)

Prévisions de mai 2013 (1)

Prévisions de février 2015 (2)

2013

2014

2013

2014

PIB

- 0,1

1,1

0,3

0,4

Prix à la consommation

1,2

1,7

1,0

0,6

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Spring 2013 », European Economy 2/2013 , mai 2013.

(2) Commission européenne, « European Economic Forecast. Winter 2015 », European Economy 1/2015 , fév. 2015.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Si les deux conditions prévues par le droit de l'Union européenne pour l'octroi d'un report du délai de correction du déficit excessif paraissaient globalement respectées, il semble que la France a, avant tout, bénéficié des principes figurant dans la communication de la Commission du 13 janvier 2015 , intitulée « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance » 52 ( * ) ; la recommandation du Conseil du 10 mars 2015 relève, à ce titre, que « les informations fournies et les engagements pris par les autorités françaises en ce qui concerne les réformes structurelles vont dans la bonne direction pour être considérés comme un facteur pertinent permettant à la France de bénéficier d'une prolongation de plus d'un an du délai pour la correction du déficit excessif ».

La recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 a accompagné le report du délai de correction d'objectifs de déficit effectif et d'amélioration du solde structurel pour les années 2015 à 2017 . Ainsi, selon la recommandation, le déficit effectif devrait être de 4 % en 2015, de 3,4 % en 2016 et de 2,8 % en 2017. L'amélioration annuelle sous-jacente du solde structurel serait, quant à elle, de 0,5 % du PIB en 2015, de 0,8 % du PIB en 2016 et de 0,9 % du PIB en 2017.

Tableau n° 13 : La recommandation du Conseil de l'Union européenne
du 10 mars 2015

(en % du PIB)

2015

2016

2017

Objectifs de solde public effectif

4,0

3,4

2,8

Objectifs d'amélioration du solde structurel

0,5

0,8

0,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France)

En somme, si le Gouvernement, dans le cadre du présent projet de loi de finances, indique vouloir ramener le déficit public effectif en deçà de 3 % du PIB, il apparaît que les objectifs de réduction du solde structurel ne sont, quant à eux, pas respectés - ainsi que cela est mis en évidence infra .

Selon toute vraisemblance, comme pour l'exercice 2016, la stratégie budgétaire gouvernementale consiste à faire reposer le respect du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) sur l'amélioration du déficit effectif . En effet, les autorités européennes ne sont amenées à examiner les ajustements structurels réalisés que si les cibles de déficit nominal n'ont pas été respectées. Toutefois, une telle stratégie présente un réel danger ; à supposer que le déficit public ne soit pas ramené sous le seuil des 3 % du PIB en 2017, notre pays ne serait pas en mesure de présenter les ajustements structurels demandés par le Conseil de l'Union européenne et s'exposerait à des sanctions.

Tableau n° 14 : La trajectoire de solde public effectif

(en % du PIB)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Solde public

LPFP 2012-2017

- 1,3

- 0,6

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 4,1

- 3,6

- 2,7

- 1,7

- 0,7

PStab. 2016-2019

- 3,5

- 3,3

- 2,7

- 1,9

- 1,2

PLF 2017

- 3,5

- 3,3

- 2,7

- 2,0

- 1,2

- 0,6

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Par suite, l'héritage de la législature qui s'achève devrait être très lourd . Alors que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a considéré « comme incertain le retour en 2017 du déficit nominal sous le seuil de 3 points du PIB » 53 ( * ) - que cela soit en raison des risques liés aux prévisions de recettes du fait des hypothèses économiques favorables ou du « caractère irréaliste » 54 ( * ) de certaines économies annoncées -, la majorité gouvernementale qui résultera des élections de 2017 devra, d'une part, adopter les mesures qui s'imposent pour redresser les comptes publics et, d'autre part, faire face à un risque de sanction en application du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) , dans un contexte marqué par une lassitude certaine de nos partenaires européens face à l'incapacité de notre pays à respecter ses engagements budgétaires.

À cet égard, il convient de rappeler qu'en 2015, la France comptait parmi les quatre derniers États de la zone euro à afficher un déficit public supérieur à 3 % du PIB , aux côtés de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal. À en croire les dernières prévisions de la Commission européenne, il devrait en aller de même en 2016 voire, possiblement, en 2017, cette dernière anticipant un déficit public effectif de respectivement 3,3 % et 2,9 % pour ces deux années en France - mais de 3,1 % du PIB en 2018.

Graphique n° 15 : Le solde public dans la zone euro en 2014 et 2015

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

2. ...et un non-respect certain des objectifs de solde structurel

Si certains peuvent encore accorder le bénéfice du doute au Gouvernement pour ce qui est du retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017, il n'existe aucune incertitude quant au fait qu'en vertu du présent projet de loi de finances, les objectifs de réduction du déficit structurel découlant des engagements européens de la France ne seront pas atteints en 2017 .

Ainsi que cela a été indiqué précédemment, la recommandation du Conseil européen du 10 mars 2015 prévoyait une amélioration du solde structurel de 0,8 point de PIB en 2016 et de 0,9 point de PIB en 2017. Or, pour ces deux années, le Gouvernement anticipe un ajustement structurel de respectivement 0,3 et 0,5 point de PIB .

Au titre de l'exercice 2017, le scénario gouvernemental prévoit donc le niveau minimal de l'ajustement structurel requis par le Pacte de stabilité et de croissance pour les États soumis à la procédure de déficit excessif. Pour autant, comme l'a relevé à plusieurs reprises votre rapporteur général, en particulier dans un récent rapport d'information 55 ( * ) , le Gouvernement a fait le choix en avril 2015 - en contradiction avec la lettre et l'esprit de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 56 ( * ) - de réviser à la hausse ses hypothèses de croissance potentielle lui, permettant, ainsi que l'explicite le rapport précité, d'« amplifier » les ajustements structurels affichés .

Tableau n° 16 : Consensus de la croissance potentielle
de la commission des finances du Sénat (octobre 2016)

(évolution, en %)

Prévisionnistes

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Moyenne

2015-2021

Axa AM

1,2

1,4

1,4

1,5

1,5

1,5

1,6

1,4

BIPE

1,4

1,4

1,4

1,4

1,4

1,4

1,4

1,4

BNP Paribas

0,8

1,0

1,1

1,1

1,2

1,2

1,2

1,1

Citi

1,0

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1,6

1,3

Coe-Rexecode

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

-

1,0

Crédit Agricole

1,0

1,0

1,1

1,3

1,3

1,5

1,5

1,2

Euler Hermes

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

Exane

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

1,1

HSBC

-

1,0

1,2

1,2

1,2

1,3

1,3

1,2

Natixis

0,9

0,8

0,8

0,7

0,5

0,5

0,4

0,7

OFCE

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

Oxford Economics

1,3

1,4

1,4

1,3

1,3

1,3

1,3

1,3

PAIR Conseil

1,0

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1,5

1,3

1,1

1,2

1,4

1,5

1,6

1,7

1,7

1,5

CONSENSUS (moy.)

1,1

1,2

1,2

1,3

1,3

1,3

1,3

1,2

Minimum

0,8

0,8

0,8

0,7

0,5

0,5

0,4

0,7

Maximum

1,5

1,5

1,5

1,5

1,6

1,7

1,7

1,5

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par les instituts cités)

À cet égard, il convient de relever que les hypothèses de croissance potentielle retenues par le Gouvernement sont nettement supérieures à celles du consensus de la croissance potentielle établi par la commission des finances (voir tableau ci-avant).

Alors que le Gouvernement estime la croissance potentielle à 1,4 % en moyenne au cours de la période 2015-2017, le consensus s'établit aux alentours de 1,2 % . Si cet écart peut paraître limité, votre rapporteur général a pu montrer que retenir la trajectoire de croissance potentielle suggérée par le consensus impliquait, pour un ajustement structurel « facial » inchangé, la mise en oeuvre une politique budgétaire significativement plus exigeante 57 ( * )
- ce que, de toute évidence, le Gouvernement se refusait à faire.

Quoi qu'il en soit, la révision à la hausse, par le Gouvernement, des hypothèses de croissance potentielle vient considérablement « gêner » le contrôle qui peut être exercé sur le respect des objectifs budgétaires , en particulier de la trajectoire arrêtée dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 58 ( * ) , construite sur la base d'hypothèses différentes.

Graphique n° 17 : Comparaison des trajectoires de solde et d'ajustement structurels de la LPFP 2014-2019 et du projet de loi de finances pour 2017

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Ainsi, selon l'article liminaire du projet de loi de finances, le solde structurel s'élèverait à - 1,6 % du PIB en 2016 et à - 1,1 % du PIB en 2017. Seulement, comme l'indique le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), « calculé avec les hypothèses de croissance de la LPFP 2014-2019, le déficit structurel est estimé à - 1,7 point de PIB en 2016 et - 1,3 point de PIB en 2017. Les objectifs figurant dans la LPFP étaient respectivement de - 1,8 point et - 1,3 point » 59 ( * ) . Si le présent projet de loi de finances respecte la trajectoire de solde structurel de la loi de programmation, le HCFP rappelle qu'il « avait estimé en septembre 2014 que le projet de loi de programmation n'était pas cohérent avec les engagements européens de la France, dans la mesure où il ne prévoyait que des ajustements structurels faibles pour les premières années » 60 ( * ) .

C'est la raison pour laquelle le Haut Conseil a souhaité également se référer aux programmes de stabilité, qui « traduisent mieux les engagements européens de la France » et « constituent une meilleure référence que la loi de programmation de 2014 » 61 ( * ) .

Graphique n° 18 : Comparaison des trajectoires de solde et d'ajustement structurels du programme de stabilité et du projet de loi de finances pour 2017

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Or, il apparaît que le solde structurel serait plus élevé en 2017 que l'objectif du programme de stabilité d'avril 2016 - dont il faut reconnaître qu'il constitue, dorénavant, une base de référence plus pertinente que la dernière loi de programmation des finances publiques, d'autant qu'il repose sur les mêmes hypothèses de croissance potentielle que le présent projet de loi de finances.

En 2017, selon les prévisions gouvernementales, le solde structurel serait supérieur de 0,3 point de PIB à la cible arrêtée dans le cadre du dernier programme de stabilité . Certes, cet écart résulte de la révision de l'estimation de la croissance du PIB pour 2014 et 2015 par l'Insee, comme l'a montré votre rapporteur général lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2015 62 ( * ) ; pour autant, le Haut Conseil des finances publiques a noté « qu'il n'[avait] pas donné lieu à l'ajustement permettant de remettre le déficit structurel sur la trajectoire du programme de stabilité » 63 ( * ) . Même, l'ajustement structurel au cours de l'année 2016 s'élèverait à 0,3 point de PIB contre une cible de 0,4 point de PIB définie en avril dernier.

Surtout, force est de constater que le Gouvernement a modifié, et ce de manière substantielle la composition de l'ajustement structurel attendu en 2016 et 2017 .

Tableau n° 19 : Facteurs d'évolution du solde structurel
des administrations publiques en 2016 et 2017

(en points de PIB)

Pstab. avril 2016

PLF pour 2017

2016

2017

2016

2017

Ajustement structurel, dont :

0,4

0,5

0,3

0,5

Effort structurel

0,5

0,3

0,4

0,4

Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

- 0,2

- 0,3

- 0,2

0,0

Effort en dépenses

0,7

0,6

0,5

0,4

Composante non discrétionnaire

- 0,2

0,0

- 0,1

0,0

Clef en crédits d'impôt

0,0

0,1

0,0

0,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de finances pour 2017 et du programme de stabilité pour les années 2016 à 2019)

Comme le fait apparaître le tableau ci-avant, l'objectif d'effort en dépenses pour l'année 2016 a été réduit de 0,2 point de PIB entre le programme de stabilité et le projet de loi de finances , préfigurant, sans doute, le relâchement des efforts en dépenses annoncé pour l'exercice suivant. En effet, concernant 2017, l'effort en dépenses prévu est diminué de 0,2 point de PIB également ; toutefois, pour maintenir inchangé le niveau de l'ajustement structurel affiché - et pour être en mesure de ramener le déficit effectif en deçà de 3 % du PIB -, les nouvelles mesures en prélèvements obligatoires sont révisées de - 0,3 point de PIB à 0 . Concrètement, cela signifie que les baisses d'impôt annoncées pour 2017 sont annulées dans leurs effets ; ainsi que le met en évidence votre rapporteur général infra dans le présent rapport, le Gouvernement a, opportunément, modifié la nature des mesures fiscales en faveur des entreprises prévues en 2017 de manière à ce que ces dernières ne présentent des incidences budgétaires qu'au cours des exercices ultérieurs.

Par ailleurs, l'impact sur le solde public de la comptabilisation des crédits d'impôt serait favorable - la « clef en crédits d'impôt » contribuant à hauteur de 0,1 point à l'ajustement structurel. Le Gouvernement explique ce phénomène par le fait que les décaissements des crédits d'impôt se rapprocheraient de leur coût en termes de créances fiscales : « cela est notamment lié au fait que 2017 constitue la première année de restitution automatique des créances au titre de la masse salariale 2013 non imputée dans les trois années précédentes » 64 ( * ) . Enfin, la « composante non discrétionnaire » aurait une incidence nulle sur le solde public ; en effet, les mesures ponctuelles et temporaires représenteraient un coût de 1,4 milliard d'euros en 2017 , contre 2,4 milliards d'euros en 2016, en lien avec les moindres recettes inhérentes aux contentieux fiscaux « OPCVM » (0,8 milliard d'euros), « De Ruyter » (0,1 milliard d'euros), et « Stéria » (0,3 milliard d'euros), auxquels viennent s'ajouter les intérêts des contentieux (0,2 milliard d'euros).

B. ...AU PRIX D'UNE NOUVELLE VIREVOLTE BUDGÉTAIRE ET FISCALE

La modification significative de la composition de l'ajustement structurel projeté en 2017 est révélatrice de la nouvelle virevolte effectuée par le Gouvernement : de manière à permettre, sur le papier, un retour du déficit public effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017, le Gouvernement est revenu sur les engagements pris au cours des dernières années en matière fiscale, et ce afin de s'autoriser un relâchement de l'effort sur les dépenses . Ce faisant, celui-ci dégrade la situation budgétaire pour les années ultérieures dès lors que les réductions d'impôt ne sont que reportées et que les moindres économies consenties ont nécessairement des incidences à moyen terme. Aussi la « tactique » budgétaire adoptée dans le cadre du présent projet de loi de finances aura-t-elle pour effet de dégrader la situation financière dont héritera la prochaine majorité gouvernementale.

1. Un report des baisses d'impôt annoncées...

Lors du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) qui s'est tenu au mois de juillet dernier, votre rapporteur général avait déjà relevé l'inconséquence de la politique fiscale menée par le Gouvernement 65 ( * ) . En effet, ce dernier a décidé en juin 2016 de modifier significativement le contenu du Pacte de responsabilité au titre de l'exercice 2017 .

Comme le fait apparaître le tableau ci-après issu du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016, qui retraçait le calendrier de déploiement des mesures en faveur des entreprises initialement annoncé par le Gouvernement, les mesures en faveur des entreprises devaient permettre une baisse de prélèvements atteignant, au total, 41 milliards d'euros au titre de la période 2014-2017
- dont 20,5 milliards d'euros pour le seul Pacte de responsabilité.

Tableau n° 20 : Mesures en faveur des entreprises initialement prévues

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

CICE (créance fiscale)

- 10,0

- 17,5

- 18,5

- 19,5

Pacte de responsabilité et de solidarité

-

- 6,5

- 13,5

- 20,5

Dont allègement des cotisations sociales

-

- 5,5

- 9,0

- 10,0

Dont suppression progressive de la C3S

-

- 1,0

- 2,0

- 5,5

Dont fin de la contribution exceptionnelle puis baisse du taux d'IS

-

-

- 2,5

- 4,5

Plans d'investissement et TPE/PME

-

- 0,5

- 1,0

- 1,0

Total des mesures en faveur des entreprises

- 10,0

- 24,0

- 33,0

- 41,0

Note de lecture : les chiffres sont arrondis. De ce fait, la somme apparente des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016

Toutefois, le montant des mesures en faveur des entreprises est révisé à 39,5 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017 , ainsi que le montre le tableau ci-après. Encore, cette estimation tient désormais compte du plan d'urgence en faveur de l'emploi et des allègements de charges sociales des agriculteurs - s'élevant à 3,5 milliards d'euros - qui, fondamentalement, répondent à une logique distincte des mesures de diminution générale de la fiscalité des entreprises.

Quoi qu'il en soit, le Pacte de responsabilité ne représenterait plus que 15,5 milliards de baisse des prélèvements - contre une prévision initiale de 20,5 milliards d'euros. Le Gouvernement a renoncé à la suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et à la première réduction du taux légal de l'impôt sur les sociétés (IS). En somme, le montant du Pacte de responsabilité a été réduit de 5 milliards d'euros pour l'exercice 2017 .

Tableau n° 21 : Mesures en faveur des entreprises révisées en 2016

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

CICE (créance fiscale)

- 11,0

- 17,0

- 18,0

- 19,0

Pacte de responsabilité et de solidarité

-

- 6,5

- 14,0

- 15,5

Dont allègement des cotisations sociales

-

- 5,5

- 9,0

- 10,0

Dont suppression progressive de la C3S

-

- 1,0

- 2,0

- 2,0

Dont fin de la contribution exceptionnelle

-

-

- 3,0

- 3,0

Dont baisse du taux d'IS

-

-

-

- 0,5

Plans d'investissement et TPE/PME

-

- 0,5

- 1,5

- 1,5

Plan emploi

-

-

- 2,0

- 3,0

Allègements de charges sociales des agriculteurs

-

-

- 0,5

- 0,5

Total des mesures en faveur des entreprises

- 11,0

- 24,0

- 36,0

- 39,5

Note de lecture : les chiffres sont arrondis. De ce fait, la somme apparente des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017

En lieu et place des mesures ainsi annulées ou reportées, le Gouvernement propose, dans le projet de loi de finances, un relèvement du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) à 7 %, un renforcement des allègements de cotisations des travailleurs indépendants et une réduction du taux de l'impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises (PME) .

Sur le fonds, deux remarques semblent devoir être formulées. En premier lieu, l'inconstance de la politique fiscale peut être regrettée , dans la mesure où elle vient accroître le manque de prévisibilité souvent reproché à l'environnement fiscal français. Si l'effort en faveur des PME et des travailleurs indépendants est louable, revenir sur des promesses de baisses des prélèvements concernant aussi les grandes entreprises est hautement contreproductif en termes d'attractivité de notre territoire et de compétitivité de nos entreprises .

Au-delà de la pertinence discutable de cette modification inopinée du contenu du Pacte de responsabilité, il convient de noter l'opportunité que celle-ci représente d'un point de vue comptable . En effet, les mesures de « substitution » ont, pour la plupart d'entre elles, un effet limité, voire nul, sur le déficit public de l'année 2017. Ainsi, concernant le relèvement du taux du CICE , son impact sur le solde public ne sera observé, en application des règles de comptabilité nationale, que l'année de constat de la créance
- soit celle où les bénéficiaires déclareront fiscalement leur crédit d'impôt -, c'est-à-dire au plus tôt en 2018. Aussi le Gouvernement anticipe-t-il un coût de 3 milliards d'euros en 2018 pour cette mesure. De même, la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les PME représenterait une baisse de 300 millions d'euros sur les recettes publiques collectées en 2017. Le renforcement des allègements de cotisations des travailleurs indépendants aurait, lui, une incidence de 150 millions d'euros au titre de l'exercice 2017.

Ainsi, tout en feignant de maintenir inchangé le montant total des mesures en faveur des entreprises, le Gouvernement « transforme » 5 milliards d'euros de baisses des prélèvements dans le cadre du Pacte de responsabilité en réduction d'impôts de 450 millions d'euros en 2017... Si l'effet de ces mesures sur le déficit public n'en sera que plus limité, le « gain » fiscal effectif pour les entreprises le sera tout autant. Par ailleurs, des hausses « ponctuelles » d'impositions sur les entreprises sont prévues dans le présent projet de loi en vue de « sécuriser » le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017 ; ainsi, une modification est apportée au régime des acomptes d'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises afin d'en accélérer le recouvrement - accroissant les recettes de l'État de 0,5 milliard d'euros - et il est institué un acompte pour le paiement de la majoration de TASCOM, d'un rendement de 0,1 milliard d'euros au profit de l'État, complété d'une mesure « miroir » adoptée à l'initiative des députés au bénéfice des collectives territoriales, d'un montant de 0,4 milliard d'euros.

Aussi ce revirement fiscal aboutit-il à une « disparition » de la baisse globale des impôts qui devait intervenir en 2017 . Certes, une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu est programmée, pour près d'un milliard d'euros ; pour autant, alors que le programme de stabilité d'avril 2016 prévoyait des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires d'un montant de - 5,7 milliards d'euros en 2017, celle-ci sont estimées à + 0,5 milliard d'euros par le présent projet de loi de finances . Encore, ce montant pourrait évoluer durant l'examen des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2017, l'Assemblée nationale ayant d'ores et déjà, outre la mesure précitée relative aux impositions perçues par les collectivités territoriales, accru les recettes fiscales nettes de l'État au titre de l'année 2017 de 266 millions d'euros. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement anticipe, à ce jour, un taux de prélèvements obligatoires de 44,5 % du PIB en 2017 , contre une prévision de 44,0 % dans le dernier programme de stabilité.

De manière indubitable, le Gouvernement a donc renoncé aux baisses d'impôt promises afin d'être en mesure de relâcher l'effort sur les dépenses tout en affichant un déficit prévisionnel de 2,7 % du PIB en 2017.

Toutefois, ceci ne l'empêche aucunement d'adopter des réductions d'impôt qui auront un impact sur les années ultérieures . Entre autres, outre le relèvement du taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui aura un impact de 3,1 milliards d'euros sur le solde public en 2018, le projet de loi de finances prévoit une prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et une extension du crédit d'impôt en faveur des services à la personne au profit des contribuables n'exerçant aucune activité professionnelle, correspondant respectivement à une perte de recettes de 1,7 milliard et de 1,1 milliard d'euros, de même qu'une nouvelle baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour 1,2 milliard d'euros. En bref, les promesses fiscales du Gouvernement représentent, à ce jour, une dégradation du solde public de 7,1 milliards d'euros au titre de l'exercice 2018 .

2. ...pour permettre un relâchement de l'effort sur les dépenses

Le scénario gouvernemental sous-jacent au présent projet de loi de finances fait apparaître une nette révision à la hausse du taux d'évolution de la dépense publique en 2017 . Comme le montre le tableau ci-après, la croissance de la dépense en valeur a été révisée de 1,1 % à 1,6 % au titre de l'exercice 2017 entre le dernier programme de stabilité et le projet de loi de finances ; la croissance de la dépense en volume est, quant à elle, estimée à 0,8 % contre 0,1 % auparavant.

Tableau n° 22 : Évolution des dépenses publiques

(en %)

2015

2016

2017

2018

2019

Programme de stabilité d'avril 2016

Inflation

0,0

0,1

1,0

1,4

1,75

En valeur, hors crédits d'impôt

0,9

1,1

1,1

1,4

1,8

En valeur, y compris crédits d'impôt

1,4

1,1

1,1

1,4

1,9

En volume, hors crédits d'impôt

0,9

1,0

0,1

0,0

0,0

En volume, y compris crédits d'impôt

1,4

1,0

0,1

0,0

0,1

Projet de loi de finances pour 2017

Inflation

0,0

0,1

0,8

1,4

1,75

En valeur, hors crédits d'impôt

0,8

1,4

1,6

1,6

1,8

En valeur, y compris crédits d'impôt

1,3

1,3

1,6

1,9

1,8

En volume, hors crédits d'impôt

0,8

1,3

0,8

0,2

0,0

En volume, y compris crédits d'impôt

1,3

1,2

0,8

0,5

0,0

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par le Gouvernement)

De toute évidence, le Gouvernement a considérablement revu à la baisse ses ambitions en termes d'économies . À cet égard, il est intéressant de noter qu' alors que le programme de stabilité d'avril 2016 anticipait la réalisation de 19 milliards d'euros d'économies en 2017 dans le cadre du programme de 50 milliards d'euros d'économies prévu au titre de la période 2015-2017, le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances n'en prévoit plus que 12 milliards d'euros , dont près de 2 milliards d'euros sur la charge de la dette (voir tableau ci-après).

Tableau n° 23 : Économies réalisées au cours de la période 2015-2017

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

Cumul

Total (y compris charge de la dette)

19,7

14,8

12,0

46,5

Total (hors charge de la dette)

18,1

12,4

10,0

40,5

État et opérateurs

10,0

7,0

1,5

18,6

dont charge de la dette

1,6

2,4

2,0

6,0

Collectivités locales

3,5

3,3

2,8

9,6

Administrations de sécurité sociale

6,2

4,5

7,7

18,3

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017

Ainsi que l'indique le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi, « en 2017, les dépenses supplémentaires annoncées lors du Débat d'orientation des finances publiques afin de financer les secteurs prioritaires que sont l'éducation et la jeunesse, l'emploi et la sécurité, se traduiraient par une légère accélération de la dépense publique, qui croîtrait de 1,6 %. Ces dépenses nouvelles ont conduit à un rehaussement de la norme de dépenses de l'État de 5,7 Md€ par rapport au programme de stabilité d'avril 2016 (norme hors dette et transferts aux collectivités) » 66 ( * ) . Par suite, comme le fait apparaître plus avant la partie spécifiquement dédiée au budget de l'État du présent rapport, le relâchement de l'effort en dépenses concerne en premier lieu celles de l'État - contraignant le Gouvernement, afin de compenser ces dépenses supplémentaires, à revenir sur ses engagements passés en termes de réduction des impôts (voir supra ). En tout état de cause, l'État et ses opérateurs constitueraient les plus faibles contributeurs aux économies projetées en 2017, à hauteur de 1,5 milliard d'euros - reposant quasi exclusivement sur la baisse de la charge de la dette -, soit 12,5 % du total.

Le rythme d'évolution des dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est, lui aussi, révisé à la hausse . Alors que le programme de stabilité d'avril 2016 annonçait une croissance de l'Ondam de 1,75 %, celle-ci a été relevée à 2,1 % dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. Cela correspond à un rehaussement de l'Ondam, en montant, de 0,7 milliard d'euros en 2017. La révision de cet objectif se justifie par les hausses de dépenses induites par l'entrée en vigueur de la nouvelle convention médiale à l'été 2016, la revalorisation du point d'indice de la fonction publique dans les établissements publics de santé et la mise en place du protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations ». Toutefois, il convient de relever que le coût total de ces mesures est estimé à 1,2 milliard d'euros par le ministère des affaires sociales 67 ( * ) ; par conséquent, le quantum d'économies prévu, de 4,1 milliards d'euros, ne compense que partiellement ces différentes mesures , après prise en compte de la hausse tendancielle des dépenses de santé. Aussi l'Ondam devrait-il être dépassé en 2017, sauf à ce que des économies supplémentaires soient engagées - sachant qu'il existe un risque élevé que les 4,1 milliards d'euros d'économie ne puissent être réalisées. À cet égard, le dernier avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, après avoir noté qu'« une partie significative des économies annoncées n'a pas pour objet de ralentir le rythme des dépenses mais de mobiliser d'autres sources de financement qui ne sont pas décomptées dans l'ONDAM » 68 ( * ) - ce qui équivaut à une « débudgétisation » dans le champ des finances sociales - ou découle d'opérations de nature strictement comptable, a souligné que « malgré un taux de progression de l'ONDAM plus élevé qu'en 2016, et en dépit des mesures d'économie annoncées par le gouvernement, le respect de l'ONDAM en 2017 sera soumis à de très fortes tensions et appellera un pilotage infra-annuel renforcé » 69 ( * ) .

Toujours dans le périmètre des administrations de sécurité sociale (ASSO), le Gouvernement estime qu'en 2017, « la modération des pensions de retraite se poursuivrait (+ 1,5 % après + 2,1 % en 2016) en raison d'une revalorisation modérée (0,6 % attendu au 1 er octobre 2017), de la sous-indexation des pensions des régimes complémentaires prévue par l'accord de 2015 et de la fin de la montée en charge du décalage de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans » 70 ( * ) . Par ailleurs, il prévoit un recul des dépenses d'indemnisation du chômage en 2017 (- 3,9 % après + 2,5 % en 2016), « grâce à l'amélioration sur le marché de l'emploi et aux effets attendus de mesures mises en oeuvre dans le cadre de la prochaine convention d'indemnisation du chômage » 71 ( * ) . Cependant, cette dernière prévision peut paraître optimiste, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, dans ses dernières perspectives financières, l'Unédic anticipe une hausse du chômage indemnisé de 0,6 % en 2016, qui s'accompagnerait d'une progression des dépenses d'assurance chômage de 0,4 % 72 ( * ) . Ensuite, ainsi que l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), « le Gouvernement prévoit également une économie de 1,6 Md€ (soit 0,1 point de PIB) au titre des négociations paritaires à venir sur la convention Unédic. Cette prévision est irréaliste. Elle méconnaît le fait que ces négociations ne devraient avoir lieu que dans le courant de l'année 2017, ce qui ne permet pas d'anticiper un effet significatif sur le solde 2017 de l'Unédic » 73 ( * ) .

Au total, les dépenses des administrations de sécurité sociale devraient progresser de 1,6 % en 2017 (après + 0,8 % en 2016) , selon le Gouvernement, contre une prévision de + 1,2 % dans le dernier programme de stabilité. Encore, compte tenu des éléments qui viennent d'être évoqués, il est probable que ces dépenses seront plus dynamiques, en 2017, que ce que laisse penser le scénario gouvernemental.

Pour ce qui est des dépenses des administrations publiques locales (APUL) , celles-ci augmenteraient de 2,0 % en 2017 (après + 0,8 % en 2016 et
- 1,3 % en 2015). Selon le Gouvernement, « cette évolution résulterait principalement de l'effet du cycle électoral communal sur l'investissement local » 74 ( * )
- ce dernier devant progresser de 2,2 %. La croissance des dépenses de fonctionnement s'établirait, quant à elle, à 1,7 % en 2017 (après + 0,8 % en 2016), en lien avec le retour de l'inflation, la hausse du point d'indice et la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations ». Aussi les dépenses de fonctionnement seraient-elles essentiellement portées par les rémunérations des salariés (+ 2,1 %) et les prestations sociales (+ 4,6 %), du fait de facteurs exogènes, alors que les consommations intermédiaires stagneraient (+ 0,1 %). Ces évolutions font apparaître les efforts consentis par les collectivités territoriales en vue du redressement des comptes publics . À cet égard, elles ont plus que respecté l'Objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. En 2014 et 2015, leurs dépenses de fonctionnement ont progressé respectivement de 2,5 % et 1,7 %, quand l'Odedel prévoyait une hausse de 2,8 % et 2 %. Sur cette période, leurs dépenses de fonctionnement ont ainsi augmenté de 540 millions d'euros de moins que prévu.

Pour autant, le Haut Conseil des finances publiques a relevé que les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales « pourraient progresser plus rapidement que prévu dans un contexte de montée en charge de mesures augmentant la masse salariale (notamment augmentation du point d'indice fonction publique et PPCR) » 75 ( * ) . Il convient néanmoins de préciser qu' une hausse plus rapide qu'anticipé des dépenses de fonctionnement des collectivités locales n'aurait qu'une incidence extrêmement limitée sur le solde public dès lors que ces dernières seraient contraintes d'augmenter leurs recettes en conséquence, la règle de l'équilibre budgétaire leur interdisant de recourir à l'emprunt pour financer des dépenses de fonctionnement.

Quoi qu'il en soit, ce relâchement des efforts en dépenses intervient dans un contexte où la France a continûment affiché, au cours des années passées, une progression des dépenses publiques significativement plus dynamique dans les autres États de la zone euro . En effet, la dépense publique a crû, en moyenne et en valeur, de 2 % en France entre 2011 et 2015, contre 1 % dans la zone euro.

C. UN REFLUX DE LA DETTE PUBLIQUE ?

1. Un léger recul de la dette publique en 2016...

Dans le cadre du présent projet de loi, le Gouvernement prévoit un recul du poids de la dette publique dans la richesse nationale en 2017 . Au cours de l'exercice prochain, la dette représenterait 96,0 % du PIB, en recul de 0,1 point par rapport à 2016. Pour autant, dans le scénario gouvernemental, ce n'est qu'à compter de 2018 que la dette publique engagerait une réelle décrue.

Tableau n° 24 : L'évolution de la dette publique

(en % du PIB)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Dette publique

LPFP 2012-2017

88,5

85,8

82,6

LPFP 2014-2019

97,1

97,7

97,0

95,1

92,4

PStab. 2016-2019

95,7

96,2

96,5

95,4

93,3

PLF 2017

96,2

96,1

96,0

95,1

92,9

90,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Aussi la dette publique diminuerait-elle en 2017 alors même que le solde effectif (- 2,7 %) resterait inférieur au solde stabilisant le ratio d'endettement , estimé à - 2,3 % (voir tableau ci-après). Ceci s'expliquerait, selon le Gouvernement, par le fait que l'écart au solde stabilisant serait compensé par « l'effet des flux de créances anticipés pour 2017, qui atteindraient
- 0,5 point. La poursuite de la diminution de la trésorerie et le rapatriement de la trésorerie disponible au titre des garanties publiques expliqueraient l'essentiel des flux de créance à cet horizon
» 76 ( * ) .

S'il n'est guère nécessaire de rappeler que le niveau prévisionnel de la dette publique dépend étroitement des mouvements conjoncturels et de l'évolution du rythme de la dépense publique, il convient de relever que le Gouvernement a dû, à de nombreuses reprises, reporter la date à la laquelle la part de la dette publique dans le PIB devait engager son déclin . Aussi le niveau d'endettement serait-il supérieur, en 2017, de plus de treize points de PIB à la prévision retenue dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012-2017. Par ailleurs, comme cela est montré infra, le caractère optimiste des hypothèses sous-jacentes au présent projet de loi de finances laisse entrevoir, toutes choses égales par ailleurs, une possible remontée du ratio dette sur PIB en 2017.

Tableau n° 25 : La trajectoire de dette des administrations publiques

(en points de PIB)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Dette publique

96,2

96,1

96,0

95,1

92,9

90,1

Dette publique
(hors soutien financier à la zone euro)

93,1

93,1

93,1

92,2

90,2

90,1

Solde stabilisant le ratio d'endettement

- 1,8

- 2,2

- 2,3

Solde effectif

- 3,5

- 3,3

- 2,7

Écart au solde stabilisant

1,7

1,1

0,4

Variation du ratio d'endettement

0,8

- 0,1

- 0,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017)

2. ...porté par les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale

Comme en 2016, la baisse de la part de la dette dans la richesse nationale de 0,1 point de PIB serait le fait des collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale (ASSO) en 2017 , dont les ratios d'endettement reculeraient de 0,2 point et de 0,6 point de PIB, comme le montre le tableau ci-après. Les administrations publiques centrales (APUC) verraient, quant à elles, leur ratio d'endettement progresser de 0,7 point pour s'élever à 78,2 % du PIB. Ainsi, au cours du prochain exercice, la dette de l'État et de ses opérateurs approcherait 1 790 milliards d'euros . Selon les informations publiées par l'Agence France Trésor 77 ( * ) , le programme d'émission net de rachats s'élèverait à 185 milliards d'euros en 2017, contre 187 milliards d'euros en 2016.

Tableau n° 26 : Prévision d'évolution du ratio d'endettement par sous-secteur des administrations publiques

(en % du PIB)

2015

2016

2017

Ratio d'endettement au sens de Maastricht

96,2

96,1

96,0

Dont administrations publiques centrales (APUC)

77,1

77,4

78,2

Dont administrations publiques locales (APUL)

9,0

8,8

8,7

Dont administrations de sécurité sociale (ASSO)

10,1

9,8

9,2

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017

À en croire le Gouvernement, la dette des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'élèverait à 210 milliards d'euros environ en 2017 -- dont 120,9 milliards d'euros portés par la Cades -, et celle des administrations publiques locales (APUL) à 200 milliards d'euros.

3. Le poids de l'assistance financière européenne

En tout état de cause, il apparaît que les montants engagés par la France dans les programmes d'assistance financière de la zone euro représentent une part significative de la dette publique .

Ainsi, ces derniers auraient en 2017, comme en 2016, une incidence dans la dette de 65,8 milliards d'euros, contribuant à hauteur de 3 points au poids de l'endettement dans la richesse nationale. Il convient de rappeler qu'en application des règles de comptabilité nationale, les nouveaux prêts accordés par le Mécanisme européen de stabilité (MES) à la Grèce ne viennent pas abonder la dette publique française 78 ( * ) .

Tableau n° 27 : L'impact des programmes d'assistance financière de la zone euro sur la dette publique de la France

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014 (p)

2015 (p)

2016 (p)

2017 (p)

2018 (p)

Grèce (prêts bilatéraux)

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

FESF

3,1

30,2

38,4

40,5

38,1

38,1

38,1

38,1

dont Grèce

23,6

29,2

31,0

28,6

28,6

28,6

28,6

dont Irlande

1,6

2,6

3,8

3,8

3,9

3,9

3,9

3,9

dont Portugal

1,5

4,0

5,4

5,7

5,7

5,7

1,5

5,7

MES*

6,5

13,0

16,3

16,3

16,3

16,3

16,3

Total

14,5

48,1

62,9

68,2

65,8

65,8

65,8

65,8

(p) Prévisions.

* Participation au capital du MES.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du ministère des finances et des comptes publics)

D. QUEL HÉRITAGE BUDGÉTAIRE EN 2017 ?

Ainsi que cela a déjà été souligné, le projet de loi de finances ne porte pas le véritable budget de l'année 2017 ; celui-ci ne sera arrêté qu'à l'été prochain, à l'issue des élections présidentielle et législatives - quelle que soit la nouvelle majorité gouvernementale - dès lors que le budget proposé n'est nullement soutenable et appellera, à tout le moins, des ajustements significatifs en cours d'exercice afin de respecter les objectifs budgétaires fixés.

Aussi, dans un texte qui présente toutes les caractéristiques d'un budget de campagne, le Gouvernement se permet-il des « réorientations » opportunistes de sa politique budgétaire et fiscale , qui consistent à revenir sur ses engagements en matière de baisse de la fiscalité des entreprises afin de respecter, sur le papier, l'objectif d'un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB, tout en « relâchant » les efforts en matière de dépenses, et ce dans une perspective, à n'en pas douter, électorale.

Plus grave, le projet de loi de finances pour 2017 présente une sincérité contestable . En effet, le scénario budgétaire du Gouvernement repose sur des hypothèses d'évolution, d'une part, de la croissance de l'activité et, d'autre part, des dépenses publiques des plus optimistes - ce qui a été confirmé par le récent avis du Haut Conseil des finances publiques 79 ( * ) .

Il apparaît donc nécessaire de rétablir la « vérité » budgétaire et d'estimer le niveau réel du déficit public et de la dette qui sera légué à la prochaine majorité gouvernementale . À cet égard, il apparaît que celle-ci aura, à son entrée en fonction, de nombreuses pierres dans sa besace tant l'héritage de l'actuel gouvernement pour 2017 sera lourd.

1. Un budget de campagne qui surestime la croissance...

La première faiblesse du projet de loi de finances pour 2017 réside dans les hypothèses de croissance de l'activité retenues par le Gouvernement . En effet, ce dernier a maintenu la prévision de hausse du PIB de 1,5 % en 2016 et 2017 figurant dans le programme de stabilité d'avril 2016, malgré les évolutions significatives intervenues dans le contexte économique depuis le printemps dernier, comme le vote britannique en faveur du « Brexit » ou le ralentissement des échanges commerciaux au niveau mondial (voir supra ). Aussi les prévisions gouvernementales sont-elles dorénavant supérieures aux anticipations des organisations internationales et du Consensus Forecasts - conduisant le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) à considérer que « pour l'année 2016 [...] la prévision de croissance est un peu élevée » et que « l'hypothèse de croissance pour 2017 est optimiste » 80 ( * ) .

Or, une estimation optimiste de la croissance s'accompagne nécessairement d'une surévaluation de l'évolution « spontanée » des recettes publiques . Dans ces conditions, de manière à avoir une idée plus précise du niveau que pourrait atteindre le déficit public en 2017, il paraît nécessaire d'examiner la variation de ce dernier à l'aune d'hypothèses de croissance plus réalistes.

Pour ce faire, il est proposé de se fonder sur les dernières prévisions de croissance du Consensus Forecasts - qui intègre les anticipations des principaux instituts de conjoncture -, s'élevant respectivement à 1,3 % et 1,2 % en 2016 et 2017. Dans ce cadre, deux scenarii sont envisagés :

- dans un premier scénario, que l'on peut qualifier de « favorable », la croissance de l'activité serait de 1,5 % en 2016, comme le prévoit le Gouvernement, et de 1,2 % en 2017, conformément aux anticipations du Consensus Forecasts ;

- dans un second scénario, « défavorable », la croissance s'élèverait à 1,3 % en 2016 et à 1,2 % en 2017, comme le prévoit le Consensus Forecasts .

Ainsi apparaît-il que dans le scénario « favorable », le déficit public serait plus dégradé de 0,1 point en 2017, pour atteindre 2,8 % du PIB , que l'objectif du Gouvernement. En effet, les recettes publiques seraient plus faibles d'environ 3,5 milliards d'euros .

Dans le scénario « défavorable » , qui retient les prévisions de croissance du Consensus Forecasts pour les années 2016 et 2017, le déficit public serait plus élevé de 0,2 point, s'élevant à 2,9 % du PIB , en raison de recettes publiques moins élevées de près de 6 milliards d'euros relativement au scénario gouvernemental.

Tableau n° 28 : Sensibilité du solde effectif aux hypothèses de croissance du PIB

(en % du PIB)

2015

2016

2017

Scénario du Gouvernement

Croissance (en %)

1,3

1,5

1,5

Solde effectif

- 3,5

- 3,3

- 2,7

Scénario « favorable » : croissance de 1,5 % en 2016 et de 1,2 % en 2017

Croissance (en %)

1,3

1,5

1,2

Solde effectif

- 3,5

- 3,3

- 2,8

Scénario « défavorable » : croissance de 1,3 % en 2016 et de 1,2 % en 2017

Croissance (en %)

1,3

1,3

1,2

Solde effectif

- 3,5

- 3,4

- 2,9

Source : commission des finances du Sénat (à partir des hypothèses du projet de loi de finances pour 2017 appliquées aux données établies par l'Insee en mai 2016)

Ces projections montrent clairement les incidences potentielles de la surestimation des hypothèses de progression du PIB sur la trajectoire budgétaire ; si, comme le prévoit la majorité des instituts de conjoncture, la croissance s'avérait plus faible que ce qu'anticipe le Gouvernement en 2016 et 2017, le déficit public pourrait être plus élevé de 3,5 milliards à 6 milliards d'euros au titre de l'exercice 2017 . Toutefois, une estimation « fine » de l'évolution possible du déficit public implique de considérer également les dépenses publiques.

2. ...et sous-évalue le niveau des dépenses en 2017

En effet, comme le met en évidence le présent rapport, nombre de dépenses publiques sont sous-évaluées , et ce dans les différentes catégories d'administrations publiques.

En premier lieu, le projet de loi de finances pour 2017 semble comporter d'importantes « sous-budgétisations » dans le cadre du budget de l'État . Afin d'estimer ces dernières, deux scenarii sont distingués. Dans le cadre du scénario « défavorable », est considérée la moyenne des « sous-budgétisations » constatées depuis 2012 au titre des dépenses pour lesquelles ce phénomène est récurrent et significatif . S'agissant du scénario « favorable », il a été procédé, d'une part, à une comparaison de la budgétisation 2017 et de la prévision d'exécution 2016 et, d'autre part, à l'examen de l'évolution probable des facteurs sous-tendant l'évolution des dépenses concernées. Les aspects méthodologiques de l'estimation proposée sont précisés infra dans le présent rapport, dans les développements consacrés spécifiquement au budget de l'État.

Au total, comme le fait apparaître le tableau ci-après, les « sous-budgétisations » au sein du budget de l'État représenteraient entre 1,1 milliard et 2,1 milliards d'euros . Celles-ci concerneraient donc, au premier chef, les opérations extérieures (Opex) et les opérations intérieures (Opint) menées par le ministère de la Défense, l'hébergement d'urgence, la politique de l'emploi, la masse salariale de l'État - hors Opex et Opint -, l'Aide médicale d'État et les contentieux européens.

Tableau n° 29 : Sous-budgétisations probables au sein du budget de l'État
en 2017 par poste de dépense

(en millions d'euros)

Scénario favorable

Scénario défavorable

Opex et Opint

750,0

Hébergement d'urgence, ATA et ADA

175,0

195,8

Politique de l'emploi - Contrats aidés

100,0

314,8

Masse salariale hors Opex et Opint

30,0

339,3

Aide médicale d'État

30,0

133,0

Contentieux européen (en particulier refus d'apurement communautaire)

0,0

385,0

Total

1 085,0

2 117,9

Source : commission des finances du Sénat

À cela viendraient s'ajouter les effets sur le déficit public , en vertu des règles de la comptabilité nationale, de la recapitalisation d'Areva à hauteur de 2 milliards d'euros - ce qui correspond à la somme devant être apportée par l'État à la structure de défaisance Areva SA (voir infra ).

En second lieu, différentes dépenses entrant dans le champ des administrations de sécurité sociale (ASSO) paraissent sous-estimées :

- la révision à la hausse du taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2017 , de 1,75 % à 2,1 %, ne permet pas de couvrir intégralement les coûts supplémentaires prévus au titre de l'année prochaine , inhérents à l'entrée en vigueur de la nouvelle convention médiale à l'été 2016, à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique dans les établissements publics de santé et à la mise en place du protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations » (voir supra ), et ce à hauteur de 0,5 milliard d'euros ;

- le scénario gouvernemental intègre un recul des dépenses de l'Unédic à 38,4 milliards d'euros en 2017 du fait d'une baisse du chômage et des effets de la prochaine convention de l'assurance chômage ; toutefois, l'Unédic anticipe une nouvelle hausse du chômage indemnisé et le fait que la négociation de la prochaine convention ne devrait avoir lieu que durant l'année 2017 laisse supposer que ses incidences sur les dépenses de l'assurance chômage seraient extrêmement limitées au cours de l'exercice à venir, comme l'a souligné le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Aussi, si l'on s'en réfère aux dernières prévisions de l'Unédic 81 ( * ) , les dépenses d'indemnisation du chômage pourraient être supérieures de 1,2 milliard d'euros à la prévision du Gouvernement .

En somme, les dépenses publiques seraient possiblement supérieures de 4,8 milliards à 5,8 milliards d'euros en 2017 à ce que prévoit le projet de loi de finances.

3. Un déficit public qui pourrait atteindre 3,2 % du PIB en 2017

En tenant compte tout à la fois des incidences de la surestimation de la croissance du PIB sur les recettes et la sous-évaluation des dépenses publiques, le déficit public serait plus dégradé, en 2017, de 8,3 milliards à 11,8 milliards d'euros . Aussi, le déficit public ne s'élèverait pas à 2,7 % du PIB en 2017, comme le prévoit le Gouvernement, mais serait compris entre 3,0 % et 3,2 % du PIB .

En cas de réalisation du scénario le moins favorable, la dette publique croîtrait de nouveau en 2017, pour atteindre 97,1 % du PIB , contre une prévision gouvernementale de 96,0 %, et l'ajustement structurel prévu au titre du prochain exercice serait ramené à 0,3 point de PIB - contre une cible de 0,5 point de PIB dans le cadre du présent projet de loi -, du fait d'un moindre effort en dépenses, venant renforcer le risque de sanction de la France au titre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) en cas de non-retour du déficit public effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017 (voir supra ).

Au total, ces estimations alternatives font clairement apparaître la situation budgétaire dégradée que laissera à la prochaine majorité gouvernementale un projet de loi de finances 2017 à la sincérité contestable . Surtout, la nouvelle majorité issue des élections de 2017 verra ses marges de manoeuvre considérablement réduites par le legs de l'actuel gouvernement. En particulier, elle devra composer avec les échéances inhérentes aux engagements européens de la France, et ce alors même que le présent projet de budget ne devrait nullement permettre un retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB lors du prochain exercice.

Tableau n° 30 : Principales incertitudes affectant l'estimation
du déficit public en 2017

En milliards d'euros

En % du PIB

Estimation basse

Estimation haute

Estimation basse

Estimation haute

Incidences de la surestimation de la croissance du PIB sur les recettes

3,5

6,0

0,15

0,25

Sous-budgétisations au sein du budget de l'État

1,1

2,1

0,05

0,1

Sous-estimation des dépenses entrant dans le périmètre de l'Ondam

0,5

0,02

Sous-estimation des dépenses d'assurance chômage

1,2

0,05

Incidences de la recapitalisation d'Areva sur le solde public

2,0

0,1

Total

8,3

11,8

0,4

0,5

Note de lecture : les chiffres sont arrondis. De ce fait, la somme apparente des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : commission des finances du Sénat

Encore, il n'est nullement question des engagements d'ores et déjà pris par l'actuel gouvernement et qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017 . En effet, au-delà du fait que le « relâchement » des efforts sur les dépenses aura des effets d'inertie à moyen terme, le Gouvernement fait, dans le cadre du présent projet de loi de finances, des promesses en matière de fiscalité qui contribuent, en l'état actuel des choses, à dégrader de 7,1 milliards d'euros le solde public de 2018 - comprenant la hausse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, ou encore la prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et l'extension du crédit d'impôt en faveur des services à la personne au profit des contribuables n'exerçant aucune activité professionnelle (voir supra ).

SECONDE PARTIE - UN PROJET DE LOI DE FINANCES QUI MÉCONNAIT LE PRINCIPE D'ANNUALITÉ DU BUDGET DE L'ÉTAT

L'analyse de la budgétisation prévue pour l'État en 2017 confirme le constat d'un budget de campagne : les dépenses dérapent de près de 10 milliards d'euros, la masse salariale et les effectifs augmentent et de nombreuses sous-budgétisations affectent la crédibilité du solde budgétaire prévisionnel présenté pour un montant compris entre 3,1 et 5,2 milliards d'euros.

Du côté des recettes, le constat n'est guère plus brillant : les estimations revêtent un caractère particulièrement optimiste en raison à la fois d'une prévision de croissance supérieure à celle du consensus des économistes et d'une élasticité à la croissance probablement surévaluée.

Il est donc à craindre que le déficit budgétaire de l'État ne connaisse pas en 2017 l'amélioration prévue par le présent projet de loi de finances, et ce malgré des effets positifs artificiels résultant de certains jeux d'écriture , en particulier le reversement de 4 milliards d'euros de la Coface au nouveau compte de commerce « Soutien au commerce extérieur », qui diminue d'autant le déficit sans pour autant améliorer d'une quelconque façon la situation financière de l'État.

Le budget de l'État pour 2017 est donc irréaliste .

Il paraît également contraire à la loi organique relative aux lois de finances en ce qu'il méconnaît le principe d'annualité budgétaire . Pour mémoire, l'article 1 er de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 dispose que « les lois de finances déterminent, pour un exercice , la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte » et l'article 6 de la même loi prévoit que « le budget décrit, pour une année , l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'État ».

Or le Gouvernement crée des charges d'un montant très important qui ne pèseront pas sur l'exercice budgétaire 2017 et dont l'impact se fera sentir à partir de 2018.

Ainsi, la double budgétisation en autorisations d'engagement et crédits de paiement lui permet d'engager des dépenses sans en assumer l'impact sur le solde budgétaire, puisque celui-ci n'intègre que les décaissements de crédits de paiement. En particulier, doit être signalé le choix de ne pas inscrire de crédits de paiement sur le troisième programme des investissements d'avenir (PIA 3), pour un montant de 10 milliards d'euros. Au total, ce sont plus de 12 milliards d'euros de dépenses qui sont budgétées en autorisations d'engagement seulement et ne donneront lieu à décaissement de crédits de paiement qu'à compter de l'exercice 2018.

Le Gouvernement annonce aussi plusieurs mesures en recettes dont l'impact budgétaire porte sur les exercices postérieurs à 2017, pour un montant de 11,8 milliards d'euros à horizon 2020 .

Au total, le projet de budget 2017 présenté par le Gouvernement créé 24 milliards d'euros de charges nouvelles qui n'auront un impact budgétaire effectif qu'à partir de 2018 .

Tableau n° 31 : Charges nouvelles créées par le projet de loi de finances pour 2017 qui ne pèseront qu'à compter de l'exercice budgétaire 2018

(en milliards d'euros)

Nature de la charge

Montant

Dépenses inscrites en PLF 2017 (en AE) qui devront être financées en CP sur les exercices postérieurs à 2017

12,3

Coût à horizon 2020 des mesures en recettes du PLF 2017 sans impact budgétaire significatif en 2017

11,8

Total des charges supplémentaires pesant exclusivement à compter de 2018

24,1

Source : commission des finances du Sénat, d'après le présent projet de loi de finances

Le projet de loi de finances pour 2017 paraît donc à la fois irréaliste , avec des risques en dépenses dont la réalisation est quasi certaine pour un montant d'au moins 3,1 milliards d'euros, et contraire au principe organique de l'autorisation annuelle des dépenses et des recettes , en créant plusieurs dizaines de milliards d'euros de charges nouvelles sans aucun impact sur le solde budgétaire de l'exercice 2017 mais qui grèveront le budget de l'État à partir de 2018.

I. LES DÉPENSES : UN DÉRAPAGE PRONONCÉ QUI PÈSERA LOURDEMENT SUR 2017 ET AU-DELÀ

Les dépenses brutes du budget général de l'État augmentent de 37,4 milliards d'euros, soit plus de 9 %, entre la loi de finances initiale pour 2016 et le présent projet de loi de finances. Les dépenses nettes (dont sont déduites les remboursements et dégrèvements) connaissent une hausse plus modérée, de l'ordre de 8,8 milliards d'euros (soit + 2,8 %).

Graphique n° 32 : Évolution des dépenses de l'État entre la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article d'équilibre de la loi de finances initiale pour 2016 et du projet de loi de finances pour 2017

Mais les évolutions affectant les dépenses nettes du budget général de l'État agrègent des effets de périmètre qu'il faut neutraliser et intègrent certaines dépenses qui ne sont pas réellement pilotables de façon directe par les gestionnaires publics, comme la charge de la dette ou encore les contributions de l'État au compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Pour analyser les efforts réels mis en oeuvre par l'État afin de maîtriser ses dépenses, il convient de se référer aux deux normes de dépenses. Celles-ci, qui existent depuis 2011, sont définies sur des périmètres précis qui permettent des comparaisons pertinentes. Elles sont également censées constituer un plafond d'évolution des dépenses de l'État, limitant la possibilité pour le Gouvernement de dégrader le budget de l'État.

La double norme de dépenses : zéro valeur et zéro volume

Si des normes d'évolution des dépenses de l'État ont été introduites dès le début des années 2000, c'est la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 qui a mis en place la double norme de dépenses aujourd'hui appliquée :

- d'une part, les dépenses du budget général de l'État et les prélèvements sur recettes, hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État, doivent être stabilisés en valeur à périmètre constant : c'est la norme « zéro valeur » ;

- d'autre part, la progression annuelle des crédits du budget général de l'État et des prélèvements sur recettes, y compris charge de la dette et dépenses de pensions, doit être, à périmètre constant, au plus égale à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation : c'est la norme « zéro volume ».

Source : commission des finances du Sénat

En 2017, le Gouvernement a manifestement abandonné les normes de dépenses , qui ne sont d'ailleurs pas mentionnées dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances alors qu'il s'agit en principe d'un élément fondamental pour la budgétisation et le pilotage des dépenses de l'État. Les « plafonds » du budget triennal sont largement dépassés : les crédits des ministères dérapent de 10 milliards d'euros par rapport à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

En outre, la masse salariale de l'État devrait connaître en 2017 une hausse de 4 % , soit une augmentation en une seule année supérieure à celle constatée sur une période de dix ans, de 2003 à 2013.

Ce dérapage pourrait être partiellement contrebalancé par le souci d'une budgétisation initiale réaliste et ne nécessitant pas les traditionnelles ouvertures en cours d'année au profit de certains postes généralement en sur-exécution. Or le budget 2017 présente, comme les exercices précédents, son lot de sous-budgétisations et d'artifices budgétaires , dont le troisième programme d'investissement d'avenir n'est pas des moindres : si 10 milliards d'euros sont annoncés, aucun crédit de paiement n'est budgétisé.

A. UN DÉRAPAGE DE PRÈS DE 10 MILLIARDS D'EUROS DES DÉPENSES DE L'ÉTAT

Les dépenses de l'État dépassent largement le plafond prescrit en loi de programmation des finances publiques et augmentent par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. Sur l'ensemble du quinquennat, les crédits des ministères auront connu une hausse de 5 % tandis que les prélèvements sur recettes aux collectivités territoriales baissaient, dans le même temps, de 20 %.

1. Le plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques sur le périmètre des dépenses pilotables par l'État n'est pas respecté

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2017 prévoyait qu'à périmètre constant, les dépenses des ministères ne devaient pas dépasser 222,9 milliards d'euros en 2017 . Les dépenses sous norme « zéro valeur » devaient demeurer inférieures à 290,7 milliards d'euros et les dépenses sous norme « zéro volume » ne devaient pas excéder 388,6 milliards d'euros.

Seule cette dernière norme est respectée pour la seule raison qu'elle intègre des dépenses qui ne dépendent pas de la gestion du Gouvernement , en particulier la charge de la dette, dont la diminution en lien avec le maintien de taux d'intérêt faibles permet de compenser l'augmentation constatée sur toutes les autres catégories de dépenses.

En effet, les seules « économies » significatives du projet de loi de finances pour 2017 par rapport à la loi de programmation sont de pure constatation et ne dépendent aucunement des choix budgétaires du Gouvernement.

Ainsi, la charge de la dette est réévaluée très nettement à la baisse, à hauteur de 7,7 milliards d'euros , ce qui s'explique par le maintien d'un environnement de taux bas en raison notamment de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne devrait, quant à lui, être inférieur de 2,4 milliards d'euros à la prévision de la loi de programmation.

La norme « zéro valeur », qui s'applique aux dépenses réellement pilotables par l'État, devrait être largement dépassée en 2017, à hauteur de 7,9 milliards d'euros . Il faut noter que la norme « zéro valeur » intègre les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne, alors même que leur montant n'est pas fixé par le Gouvernement. Le dérapage est encore plus important si l'on neutralise ce prélèvement pour ne retenir que les dépenses qui sont réellement pilotables par l'État, c'est-à-dire les seules dépenses des ministères (crédits centraux et opérateurs) : sur ce périmètre, le plafond de la loi de programmation est dépassé de 9,1 milliards d'euros .

Graphique n° 33 : Évolution prévisionnelle des dépenses de l'État en 2017 par rapport au plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques
pour les années 2014 à 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En effet, les crédits ministériels sont supérieurs de 9,4 milliards d'euros aux plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques. Les seules réductions de dépenses réelles concernent les opérateurs, avec la baisse - au demeurant très modérée - du plafond de certaines taxes affectées et de nouveaux prélèvements sur le fonds de roulement de certains opérateurs, pour un total de moins de 300 millions d'euros.

Le Gouvernement renonce donc clairement à tenir ses engagements en matière de dépenses et, dès la budgétisation initiale, annonce un dérapage de près de 10 milliards d'euros.

Ce dépassement des plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques s'accompagne d'une forte hausse par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016.

2. L'augmentation des dépenses des ministères par rapport à 2016 est partiellement masquée par des économies de constatation

De façon similaire, par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, les dépenses de l'État proprement dit - c'est-à-dire des ministères et des opérateurs - augmentent et les seules « économies » concernent des agrégats qui ne correspondent à aucun effort d'économies réel de la part des services de l'État : la charge de la dette est réduite de 2,7 milliards d'euros , le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne de 1,1 milliard d'euros. Les contributions de l'État au compte d'affectation spéciale « Pensions » augmentent de 1,7 milliard d'euros , ce qui s'explique par les nombreux recrutements prévus en 2017 et par l'impact du protocole PPCR (cf. infra , B. Une hausse préoccupante de la masse salariale de 4 % en 2016).

Graphique n° 34 : Évolution prévisionnelle des dépenses de l'État en 2017 par rapport à la loi de finances initiale pour 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La baisse la plus importante touche, une fois de plus, les collectivités territoriales : ainsi, les transferts aux collectivités territoriales diminuent de 2,8 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Cette diminution n'est évidemment pas inédite : sur l'ensemble du quinquennat, les collectivités locales ont subi une baisse très significative de leurs dotations budgétaires.

3. Sur le quinquennat, les crédits des ministères augmentent de 5 % et les dotations aux collectivités locales baissent de 20 %

Le Gouvernement met en avant une baisse des dépenses de l'État de « près de 7 milliards d'euros en valeur depuis 2013 » . Cette affirmation est trompeuse. En effet, la diminution affichée est calculée sur le périmètre de la norme « zéro volume » qui, comme cela a été souligné précédemment, intègre de nombreux éléments dont l'évolution est totalement indépendante des choix de politique budgétaire mis en oeuvre par le Gouvernement.

Afin d'être en mesure de juger la réalité des « efforts menés année après année » que le Gouvernement affirme avoir fait, il faut examiner l'évolution des différentes composantes des dépenses de l'État , que récapitule le graphique ci-après.

Graphique n° 35 : Évolution des dépenses de l'État sur l'ensemble du quinquennat

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la loi de règlement pour 2013 et le projet de loi de finances pour 2017

Le constat est sans appel : de 2012 à 2017, la baisse la plus marquée a porté sur les dotations aux collectivités territoriales : le prélèvement sur recettes à leur profit est ainsi passé de 55,6 milliards d'euros à 44,2 milliards d'euros, soit une réduction de plus de 20 % en cinq ans . Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et la charge de la dette ont également diminué, respectivement de 15 % et de 7 %.

En revanche, les dépenses des ministères ont, quant à elle, crû de 4,6 % sur la même période . Sur l'ensemble du quinquennat, les dépenses des ministères n'ont pas baissé de 7 milliards d'euros, comme le Gouvernement le suggère, mais bien augmenté de près de 10 milliards d'euros.

Il est donc clair que les seuls efforts d'économies que le Gouvernement a été en mesure de mettre en oeuvre étaient ceux qui ne portaient pas sur les services dont il a directement la charge : l'appel à la maîtrise des dépenses des secteurs social et local s'est accompagné d'une hausse des crédits des ministères et des opérateurs.

Graphique n° 36 : Comparaison de la baisse des dépenses mise en avant par le Gouvernement avec la hausse des dépenses des ministères et des opérateurs de l'État

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE HAUSSE PRÉOCCUPANTE DE LA MASSE SALARIALE DE 4 % EN 2017

Plus de 40 % de la hausse des dépenses est portée par la masse salariale , pour un montant de 3,2 milliards d'euros, portant la masse salariale totale à 84,9 milliards d'euros (périmètre des crédits de titre 2 hors contributions au CAS « Pensions »).

Graphique n° 37 : Évolution des dépenses de l'État par titre entre la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Cette augmentation, extrêmement importante au regard des années passées, annule presque l'intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle s'explique par un relâchement manifeste des efforts de maîtrise budgétaire, à la fois en matière d'effectifs et de mesures salariales . Elle entraînera des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017.

1. Une hausse très importante qui annule presque les efforts de maîtrise réalisés lors du précédent quinquennat

L'augmentation est d'une ampleur considérable quel que soit le référentiel choisi : qu'il s'agisse des objectifs fixés par la dernière loi de programmation des finances publiques, des exercices précédents ou même des quinze dernières années, la hausse de près de 4 % de la masse salariale témoigne d'une rupture avec tout objectif de maîtrise des dépenses de personnel de l'État.

Le plafond d'évolution de la masse salariale fixé par la loi de programmation des finances publiques est ainsi largement dépassé. En effet, le budget triennal associé à la loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014 prévoyait une croissance de 0,3 % par an de la masse salariale de l'État entre 2014 et 2017 , soit 250 millions d'euros par an - une évolution dix-huit fois inférieure à l'augmentation prévue par le Gouvernement sur la période .

Il faut remonter quinze ans en arrière, en 2002 , pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses de titre 2.

La forte progression des dépenses de personnel prévue en 2017 conduira à ce que l'augmentation totale des dépenses de personnel, sur l'ensemble du quinquennat, s'élève à 5,1 % . À titre de comparaison, la masse salariale avait décru de 6,6 % de 2007 à 2012 et elle était restée stable de 2002 à 2007.

Graphique n° 38 : Taux annuel d'évolution de la masse salariale de l'État
depuis 2001

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général et les données de la Cour des comptes

Graphique n° 39 : Évolution de la masse salariale de l'État depuis 2006

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général et les données de la Cour des comptes

Comme le montre le graphique ci-dessus, cette augmentation, qui devrait porter la masse salariale de l'État à 84,9 milliards d'euros en 2017, annule une part importante des efforts réalisés de 2007 à 2012 . Ceux-ci avaient permis de ramener les dépenses de personnel de l'État à 80,8 milliards d'euros, contre 86,5 milliards d'euros en 2007.

Le quinquennat qui s'achève marque donc une rupture nette avec la décennie passée en matière de maîtrise de la masse salariale de l'État.

2. Une augmentation qui s'explique par un relâchement manifeste des efforts en matière d'effectifs et de mesures catégorielles

La hausse des dépenses de personnel est liée à plusieurs facteurs : outre l'accroissement des effectifs, elle est portée par l'augmentation du point d'indice et les mesures catégorielles, en particulier celle découlant du PPCR d'un montant de près de 700 millions d'euros hors contribution au CAS « Pensions ».

a) Près de 14 000 postes devant être créés en 2017, pour un coût de 560 millions d'euros

D'après les éléments transmis par le Gouvernement, les schémas d'emplois contribuent à hauteur de 560 millions d'euros à l'augmentation de la masse salariale . En effet, les 16 368 créations de postes prévues sur le budget général ne sont que très partiellement compensées par la suppression de 2 521 emplois équivalents temps plein (ETP).

Tableau n° 40 : Répartition des créations et des suppressions de postes prévues en 2017

(en ETP et en %)

Plafonds d'emplois

SE PLF 2017

En % du total

Affaires étrangères et développement international

-48

1,9%

Affaires sociales et santé

-80

3,2%

Agriculture, agroalimentaire et forêt

0

0,0%

Aménagement du territoire, ruralité et collectivités territoriales

-3

0,1%

Culture et communication

0

0,0%

Défense

464

2,8%

Économie et finances

-1 540

62,1%

Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

11 712

71,6%

Environnement, énergie et mer

-500

20,2%

Intérieur

1 746

10,7%

Justice

2 100

12,8%

Logement et habitat durable

-160

6,4%

Outre-mer

196

1,2%

Services du Premier ministre

150

0,9%

Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

-150

6,0%

Total des créations de postes sur le budget général

16 368

100,0%

Total des suppressions de postes sur le budget général

-2 481

100,0%

Total net budget général

13 887

Contrôle et exploitation aériens

0

0,0%

Publications officielles et information administrative

-40

100,0%

Total des suppressions de postes sur les budgets annexes

-40

Total général des créations de postes

16 368

Total général des suppressions de postes

-2 521

Total général

13 847

Note de lecture : la colonne « % du total » est calculée par rapport au nombre de suppressions et de créations de postes. Par exemple, le ministère de l'économie et des finances porte 62,1 % des suppressions de postes. Le ministère de l'éducation nationale représente 71,6 % des postes créés.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère du budget au questionnaire du rapporteur général

Plus de 70 % des 13 847 créations de postes prévues en 2017 portent sur le secteur de l'enseignement, dans le cadre de l'objectif de 60 000 créations de postes dans ce domaine sur le quinquennat . Comme le note Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », la création de postes budgétaires ne signifie pas que ces postes seront effectivement pourvus . Ainsi, selon la Cour des comptes, sur 31 627 postes nouveaux créés entre 2012 et 2015, seuls 27 668 ont été pourvus. En outre, ces créations de postes, comptabilisées en équivalents temps plein (ETP), ne veulent rien dire du temps effectivement passé devant les élèves . Plutôt qu'une création tous azimuts de postes budgétaires, il conviendrait de réorganiser l'école afin de fournir aux enseignants comme aux élèves un cadre de travail stable, à rebours de la réforme des rythmes scolaires.

Par ailleurs, le ministère de l'intérieur représente 10,7 % des créations de postes et celui de la justice, 12,6 %. Le ministère de la défense ne porte quant à lui que 3,4 % des postes qui devraient être créés en 2017 .

Il faut noter que, sur l'ensemble du quinquennat est constatée une diminution et non une augmentation des postes alloués à la Défense : si la baisse est finalement, à la suite des attentats de 2015 et 2015, bien moindre qu'initialement prévue en loi de programmation militaire, il n'en reste pas moins que la présentation du Gouvernement de 2 764 créations nettes sur le quinquennat (cf. tableau reproduit ci-après) ne correspond pas à la réalité, qui est celle d'une réduction de 12 415 postes sur la période 2012-2017 .

Figure n° 41 : Présentation des créations de postes par « priorité gouvernementale » dans le projet de loi de finances pour 2017

Source : exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2017

Graphique n° 42 : Réalité des schémas d'emplois prévus de 2012 à 2017 sur les secteurs marqués comme « priorité gouvernementale » dans le projet de loi de finances pour 2017

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets de loi de finances de 2012 à 2017

Au total, l'objectif de stabilisation des effectifs fixés en loi de programmation des finances publiques est largement dépassé . Ceux-ci auront crû de 3,3 % sur l'ensemble du quinquennat.

Graphique n° 43 : Évolution des effectifs de l'État de 2012 à 2017 et objectif de stabilisation fixé en loi de programmation des finances publiques

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

b) Des mesures catégorielles qui représentent 1,3 milliard d'euros

Le plan de lutte contre le terrorisme et l'actualisation de la loi de programmation militaire n'expliquent qu'une faible partie de l'augmentation de la masse salariale prévue en 2017, qui est surtout liée au dégel du point d'indice et aux mesures du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).

Ainsi, l'augmentation du point d'indice renchérit de 850 millions d'euros le coût des effectifs.

Les mesures catégorielles représentent un coût supplémentaire de 1,3 milliard d'euros , dont 687 millions d'euros au titre de la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » dit PPCR.

Au total, le protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations » fait peser une charge budgétaire supplémentaire de près de 1,2 milliard d'euros en 2017 , car il faut ajouter à la masse salariale proprement dite les effets sur le compte d'affectation spéciale « Pensions », pour un montant d'environ 500 millions d'euros. L'impact du « PPCR » sur le compte spécial « Pensions » sera plus que doublé à horizon 2020 pour atteindre plus de 1 milliard d'euros.

Graphique n° 44 : Répartition du coût prévisionnel des mesures catégorielles en 2017

(en millions d'euros et en %)

Note de lecture : EAP = extension en année pleine. PPCR = accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Les mesures catégorielles intègrent également 300 millions d'euros d'extension en année pleine (EAP) de mesures intervenues en 2016, dont 237 millions d'euros pour la mission « Enseignement scolaire » en lien avec la revalorisation au 1 er septembre 2016 de la prime versée aux professeurs des écoles (indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves ou ISAE). Doivent aussi être signalés 134 millions d'euros au titre d'autres mesures statutaires , dont 99 millions d'euros sur la mission « Défense » et 18 millions d'euros sur la mission « Sécurités », et 141 millions d'euros de mesures indemnitaires , dont 20 millions d'euros en faveur de la mission « Justice ». Enfin, le reliquat, soit 11 millions d'euros, provient de transformations d'emplois , c'est-à-dire de la titularisation d'emplois contractuels.

La création de mesures catégorielles n'est pas négative en elle-même : le tassement des grilles et le gel prolongé du point d'indice avaient dégradé l'attractivité de la fonction publique.

En revanche, une telle politique doit nécessairement s'accompagner d'une maîtrise résolue des autres facteurs d'évolution de la masse salariale , afin d'en contenir le coût.

Dans le prolongement des pistes ouvertes par la Cour des comptes dans son enquête sur les enjeux et les leviers de la maîtrise de la masse salariale de l'État 82 ( * ) , votre rapporteur général rappelle donc que la mise en oeuvre de mesures d'économies sur la masse salariale de l'État est possible . Elle peut être articulée autour de quatre axes : une réduction des effectifs résultant d'une rationalisation des missions de l'État, d'un accroissement du temps de travail (lutte contre l'absentéisme, réexamen des régimes dérogatoires) et d'un effort supplémentaire demandé aux opérateurs de l'État ; la simplification du régime des primes ; la fin de l'automaticité des avancements grâce à une plus grande prise en compte du mérite et au recours plus fréquent aux examens professionnels et enfin le développement de la mobilité dans l'intérêt du service.

À titre d'exemple, si la durée légale de travail était portée à 37,5 heures par semaine , ce qui correspond à la durée habituelle hebdomadaire de travail déclarée par les salariés du secteur privé, l'économie réalisée s'élèverait à 5 milliards d'euros pour les trois fonctions publiques dont 2,2 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État .

Par ailleurs, l'économie budgétaire qui résulterait de l'instauration de trois jours de carence peut être estimée à environ 200 millions d'euros pour la fonction publique d'État , et à environ 500 millions d'euros pour l'ensemble des trois fonctions publiques. Le ralentissement du glissement vieillesse-technicité positif, ou GVT, permettrait également de faire des économies significatives, s'élevant à plus de 1 milliard d'euros sur la fonction publique d'État.

Au total, force est de constater que les moyens d'une maîtrise de la masse salariale existent . Le Gouvernement refuse de les mettre en oeuvre : un tel choix n'est pas soutenable pour nos finances publiques et fera peser un lourd héritage sur 2018 et au-delà .

C. UNE SOUS-BUDGÉTISATION DES DÉPENSES DE L'ÉTAT ENTRE 3,1 ET 5,2 MILLIARDS D'EUROS

Le tableau ci-après présente les deux scénarios construits par la commission des finances du Sénat sur la base d'une analyse de la budgétisation pour 2017. Le scénario favorable retient 3,1 milliards d'euros de sous-budgétisation . Le scénario défavorable correspond à une estimation de sous-budgétisations s'élevant à 5,2 milliards d'euros.

Tableau n° 45 : Sous-budgétisations probables en 2017 par poste de dépense

(en millions d'euros)

Poste de dépense

Scénario favorable

Scénario défavorable

Opex et Opint

750

750

Hébergement d'urgence, ATA et ADA

175

196

Politique de l'emploi - Contrats aidés

100

315

Masse salariale hors Opex et Opint

30

339

Aide médicale d'État

30

133

Contentieux européen (y.c. refus d'apurement communautaire)

0

385

CAS « Participations financières de l'État »

2 000

3 100

Total

3 085

5 218

Source : commission des finances du Sénat

Ces dépassements très probables s'ajoutent au fait que la budgétisation initiale du projet de loi de finances pour 2017 fait déjà apparaître un dérapage marqué des dépenses du budget général de l'État , comme cela a été souligné précédemment.

1. Une analyse fondée sur les sous-budgétisations récurrentes de 2012 à 2015 et sur le caractère soutenable des dépenses prévues en 2017

À ce stade de l'année et en l'absence de connaissance du schéma de fin de gestion prévu par le Gouvernement en 2016, qui sera rendu public lors du dépôt du projet de loi de finances rectificative, une analyse par mission et par programme des sous-budgétisations ne peut être conduite sur la seule base de la comparaison des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016 et prévus par le présent projet de loi de finances.

La méthode retenue a donc consisté à identifier, depuis 2012, les dépenses sous-budgétées de façon récurrente et dans des ordres de grandeur assez importants pour nécessiter l'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'année et en fin de gestion (par décret d'avance et par loi de finances rectificative). N'ont pas été inclus les crédits ouverts en cours d'année pour faire face à des besoins nouveaux résultant d'évènements imprévisibles (calamités naturelles, attentats...).

Onze postes de dépenses ayant connu des sur-exécutions fréquentes ont été identifiés et sont présentés dans le tableau ci-après, ainsi que le montant moyen de la sous-budgétisation constatée de 2012 à 2015. Au total, les sous-budgétisations sur le budget général s'élèvent à près de 2,5 milliards d'euros par an en moyenne .

Tableau n° 46 : Postes de dépenses ayant connu des sous-budgétisations récurrentes de 2012 à 2015

(en millions d'euros, par ordre décroissant)

Poste de dépense

Montant moyen 2012-2015

Opex et opint

630,75

Contentieux européen et refus d'apurement communautaire

385

Masse salariale hors Opex et Opint

339,25

Politique de l'emploi - Contrats aidés

314,75

Hébergement d'urgence, ATA et ADA

195,75

Allocation adultes handicapés

168

Aides au logement

166,75

Aide médicale d'État

133

Revenu de solidarité active - prime d'activité

108,7

Bourses étudiantes

38

Frais de justice

29

Total

2 448,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après les décrets d'avance et les projets de loi de finances rectificative pour les années 2012 à 2015

Ces onze postes ont fait l'objet d'une analyse plus détaillée, présentée ci-après, fondée sur deux principaux éléments : la comparaison de la budgétisation 2017 à la prévision d'exécution 2016 (et non aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016) d'une part, l'évolution probable des facteurs sous-tendant l'évolution des dépenses en question d'autre part.

Sur les onze postes à risque identifiés, la budgétisation initiale de six d'entre eux paraît de nature à conduire à une sur-exécution quasi certaine en 2017 . Cela ne signifie pas que des risques ou des tensions budgétaires ne sont pas prévisibles sur d'autres postes mais, dans un souci de prudence, seules ont été retenues les sous-budgétisations dont la réalisation paraît la plus probable.

A ces sous-budgétisations sur le budget général s'ajoute également une prévision manifestement insincère des recettes du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » en 2017 : au moins 2 milliards d'euros supplémentaires devront vraisemblablement être soit prélevés sur le solde cumulé reporté de 2016 à 2017, soit versés par le budget général de l'État au compte spécial. La variation annuelle du solde des comptes spéciaux étant intégrée au solde budgétaire de l'État, ces 2 milliards d'euros manquants doivent être ajoutés au total des sous-budgétisations.

Ces analyses ont permis la construction de deux scénarios : un scénario favorable , ne retenant que les sous-budgétisations les plus manifestes, pour leur montant minimal, et un scénario défavorable , qui retient, lorsque celle-ci est supérieure aux sous-budgétisations quasi-certaines déjà identifiées pour 2017, la moyenne des sur-exécutions constatées de 2012 à 2015 .

2. Entre 3,1 et 5,2 milliards d'euros de sous-budgétisations liées principalement à la recapitalisation du secteur énergétique français, aux opérations de défense et à l'hébergement d'urgence
a) Un manque à gagner de 2 milliards d'euros quasi certain sur le compte spécial « Participations financières de l'État »

7 milliards d'euros de dépenses devraient être réalisées en 2017 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) au titre de la recapitalisation du secteur énergétique français, auxquelles il faut ajouter plusieurs autres opérations de moindre ampleur pour un montant total de 515 millions d'euros 83 ( * ) . En 2017, le besoin de financement du compte peut donc être estimé à 7,5 milliards d'euros .

Cette prévision constitue un plancher plutôt qu'un plafond dans la mesure où elle n'intègre pas les dépenses qui pourraient être engagées si l'État décidait de rester au capital d'Alstom, l'accord de prêt avec Bouygues prenant fin en octobre 2017 .

Le compte spécial est pour la première fois présenté en déficit sur l'exercice 2017 (- 1,5 milliard d'euros) , afin de tenir compte du montant des recapitalisations à venir.

Cependant, une variation du solde limitée à 1,5 milliard d'euros en 2017 suppose la réalisation de 6 milliards d'euros de recettes de cession . Cette prévision est peu réaliste au regard du contexte de marché et des cessions réalisées les années précédentes.

Une prévision plus raisonnable, quoiqu'optimiste , est celle de la mise en oeuvre d'un programme de cessions d'un montant de 4 milliards d'euros accompagné d'un épuisement du solde cumulé du compte, qui devrait s'élever à 3,5 milliards d'euros .

Dans le cadre de ce scénario favorable, le solde du compte spécial serait donc dégradé de 2 milliards d'euros supplémentaires , qui pèseraient d'autant sur le déficit budgétaire de l'État.

Le scénario défavorable retient l'engagement de dépenses supplémentaires pour un montant de 1,1 milliard d'euros dans le cas où l'État décide de rester au capital d'Alstom. Dans la mesure où le solde sera déjà épuisé et où l'hypothèse d'un montant de cessions de 4 milliards d'euros paraît déjà particulièrement volontariste, ces dépenses devront être couvertes par un versement du budget général . Le solde budgétaire de l'État serait donc dégradé de 3,1 milliards d'euros et les dépenses du budget général augmentées de 1,1 milliard d'euros.

Ces deux scénarios sont relativement optimistes en ce qu'ils retiennent l'estimation du Gouvernement pour le solde cumulé reporté de 2016 sur 2017 , soit un montant de 3,5 milliards d'euros. Or l'atteinte de cette prévision suppose que des cessions soient réalisées avant la fin de l'année pour un montant minimum de 800 millions d'euros. La nature exacte des opérations prévues permettant d'abonder le compte spécial reste inconnue à ce jour.

De façon générale, l'absence de toute information du Parlement sur le solde cumulé des comptes spéciaux dans les documents budgétaires accompagnant le projet de loi de finances paraît problématique. En effet, ces soldes cumulés peuvent représenter des montants considérables au regard de la budgétisation initiale des comptes et devraient donc être présentés à titre indicatif afin de permettre au Parlement d'appréhender l'intégralité des ressources dont disposent les comptes spéciaux.

b) Une sous-budgétisation de 750 millions d'euros concernant les opérations extérieures et intérieures du ministère de la Défense

Seuls 450 millions d'euros et 41 millions d'euros sont prévus au titre respectivement des opérations extérieures et des opérations intérieures, contre une dépense s'élevant en 2015 à 1,1 milliard d'euros (Opex) et 170 millions d'euros (Opint) et une prévision d'exécution 2016 de plus d'un milliard d'euros pour les Opex et de 183 millions d'euros pour les missions intérieures.

Par conséquent, il est probable que la budgétisation initiale soit inférieure aux besoins de 650 millions d'euros pour les opérations extérieures (Opex), et d'au moins 100 millions d'euros pour les opérations intérieures (Opint), soit un total de 750 millions d'euros sur ce poste . Ce montant est identique pour les deux scénarios .

c) 175 millions d'euros au moins viendront à manquer en 2017 pour les dépenses liées à l'hébergement d'urgence et à l'allocation pour les demandeurs d'asile

La budgétisation de l'allocation pour les demandeurs d'asile (ADA), portée par le programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration », est inférieure en 2017 à la prévision d'exécution 2016 de 95 millions d'euros . Or, au regard de l'évolution des flux migratoires, il paraît peu probable que le nombre de demandeurs d'asile décroisse en 2017. Une sous-budgétisation au moins égale à 95 millions d'euros - voire supérieure à ce montant dans le cas, probable, où le nombre de demandeurs d'asile augmente - est donc manifeste.

Au titre de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (programme 303 de la mission « Immigration »), la différence entre la budgétisation initiale 2017 et la prévision d'exécution révisée 2016 est de 30 millions d'euros. Il est donc probable que des crédits supplémentaires doivent être ouverts à ce titre en cours d'année 2017, pour un montant au moins égal à 30 millions d'euros .

Concernant les crédits destinés à l'hébergement d'urgence portés par le programme 177 de la mission « Égalité des territoires et logement », la budgétisation initiale pour 2017 est d'ores et déjà inférieure de 50 millions d'euros à la prévision d'exécution pour 2016 84 ( * ) . Une sur-exécution d'au moins 50 millions d'euros en 2017 est donc probable.

Au total, en matière d'hébergement d'urgence et d'allocation aux demandeurs d'asile, une sous-budgétisation à hauteur de 175 millions d'euros est vraisemblable.

Le scénario défavorable , s'appuyant sur les données constatées les exercices précédents concernant la sous-estimation des besoins de l'hébergement d'urgence, chiffre le risque à 195,8 millions d'euros .

d) Un dépassement probable d'au moins 100 millions d'euros des crédits alloués à la politique de l'emploi, en particulier pour les contrats aidés

L'enveloppe de contrats aidés prévue pour 2017 est inférieure tant à la réalisation 2015 qu'à la prévision d'exécution 2016 : elle s'élève ainsi à 1,841 milliard d'euros en AE et 2,472 milliards d'euros en CP pour un total de 280 000 contrats aidés 85 ( * ) , contre une prévision d'exécution 2016 de 3,55 milliards d'euros en AE et 3,0 milliards d'euros en CP en 2016 pour 445 000 contrats.

Au total, est donc constatée une différence de 570 millions d'euros en CP entre la prévision d'exécution 2016 et la budgétisation 2017 .

Paraît en particulier optimiste l'estimation du coût budgétaire unitaire des contrats aidés conclus au second semestre de l'année 2016 sur l'année 2017 : ceux-ci coûteraient beaucoup moins cher à l'État (par contrat aidé) que les contrats conclus au premier semestre (551,54 euros contre 717,77 euros) en raison d'une participation accrue des collectivités territoriales au financement des contrats aidés.

En prévoyant un coût unitaire similaire à celui des contrats conclus au premier semestre (avec le même taux de prise en charge par le conseil général que celui indiqué par le PAP 2017 pour les contrats conclus au second semestre), le surcoût pour l'État serait de 100 millions d'euros .

Ainsi, une sous-budgétisation à hauteur de 100 millions d'euros paraît donc plausible .

Au regard des ouvertures en cours d'exercice très importantes intervenues ces dernières années au titre des politiques de l'emploi, en particulier en raison du rehaussement quasi-systématique de la cible de création de contrats aidés, une hypothèse défavorable serait celle d'un dépassement égal à la moyenne des sur-exécutions constatées de 2012 à 2015, soit 314,8 millions d'euros . Ce scénario défavorable reste inférieur de près de 400 millions d'euros à la sous-budgétisation constatée en 2015.

e) Une sous-budgétisation d'au moins 30 millions d'euros sur la masse salariale de l'État

La masse salariale de l'État devrait croître de 4 % en 2017, soit une hausse supérieure à l'augmentation cumulée des années 2007 à 2015.

Il est difficile à ce stade d'estimer la précision des hypothèses de glissement vieillesse technicité (GVT) et le réalisme du coût prévu au titre des mesures catégorielles par le Gouvernement. Depuis 2012, la masse salariale est en moyenne sous-budgétée à hauteur de 340 millions d'euros.

Une hypothèse très prudente consiste à considérer que la sous-budgétisation en 2017 ne sera que de 10 % de cette moyenne (et de moins d'un tiers de de la sous-budgétisation constatée en 2015), soit de 30 millions d'euros .

Un scénario défavorable, mais plus réaliste , consiste à considérer que les effets conjugués du relèvement du point d'indice, la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » et l'augmentation des effectifs conduiront à un dépassement de la budgétisation initiale de l'ordre de celui constaté depuis le début du quinquennat, soit de 340 millions d'euros .

f) Une budgétisation de l'aide médicale d'État inférieure d'au moins 30 millions d'euros aux besoins

Pour 2017, les crédits prévus au titre de l'aide médicale d'État ou AME s'élèvent à 815,2 millions d'euros , montant en progression de 10 % par rapport à la dotation initiale votée en loi de finances initiale 2016. Pour mémoire, les dépenses d'AME de droit commun ont progressé de 40 % depuis 2012.

Cette estimation se fonde sur deux principales hypothèses : une évolution des effectifs moyens annuels des bénéficiaires de l'AME « consommants de soins » de 4,9 % par an en 2016 et 2017 d'une part, la diminution du coût moyen des dépenses de santé prises en charge d'autre part.

Or la progression tendancielle des effectifs de bénéficiaires depuis 2011 atteint 12 % par an et les données d'exécution pour 2016 montrent que la dépense d'AME atteindrait 770 millions d'euros, soit 74 millions d'euros de plus que les crédits ouverts en loi de finances initiale.

Concernant la diminution attendue des dépenses de santé, elle est censée découler des économies réalisées dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2017. Or le Haut Conseil des finances publiques considère que, « s'agissant des dépenses sociales, les prévisions du Gouvernement sont affectées d'un risque significatif » 86 ( * ) et suppose « un effort accru d'économies sur les dépenses d'assurance maladie [...] dont la réalisation est incertaine ».

Un dépassement des crédits du budget de l'aide médicale d'État (AME) paraît donc probable, à hauteur d'au moins 30 millions d'euros dans le scénario le plus favorable . Le scénario défavorable consiste à retenir la moyenne annuelle de la sur-exécution constatée sur l'aide médicale d'État de 2012 à 2015, soit un montant de 133 millions d'euros .

g) Des dépenses supplémentaires possibles au titre des contentieux européens pour un total de 385 millions d'euros

Outre les refus d'apurement communautaires , qui occasionnent des dépenses pesant sur la mission « Agriculture », plusieurs contentieux fiscaux sont en cours au niveau européen , les dépenses auxquelles ils donnent lieu étant retracées sur la mission « Remboursements et dégrèvements de l'État » : contentieux précompte immobilier, contentieux OPCVM, affaire dite « de Ruyter », contentieux relatif à la liberté d'établissement dit « Steria », contentieux relatif à la contribution additionnelle au titre des montants distribués, etc.

Les documents budgétaires font état de provisions pour 2017 à ce titre, sans que les montants précis ne soient détaillés contentieux par contentieux.

Bien que cette carence d'information du Parlement puisse être regrettée, il faut noter qu'elle répond aussi à un souci de prudence , dans la mesure où la communication par la France de prévisions de dépenses pourrait influer sur les discussions avec la Commission européenne.

Ainsi, afin de garantir le caractère plausible des estimations de sous-budgétisations, les contentieux fiscaux ne sont pas intégrés au champ d'analyse des sous-budgétisations .

En revanche, paraît surprenante l'absence totale de provisions pour refus d'apurement sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » : ceux-ci ont été significatifs durant les derniers exercices, avec des dépenses de 427 millions d'euros en 2014 et 812,4 millions d'euros en 2015.

La probabilité de nouveaux décaissements en 2016 et 2017, en lien avec plusieurs décisions ad hoc de la Commission européenne prises en 2016, est très élevée .

Un scénario très favorable retient donc une absence de sous-budgétisation en 2017 , mais un scénario plus réaliste prévoit un décaissement de 385 millions d'euros à ce titre , soit un montant égal à la moyenne annuelle des crédits ouverts en cours d'exercice au titre des contentieux européens depuis 2012.

D. UN REPORT DE CHARGES SUR 2018 ET AU-DELÀ DE PLUS DE 12 MILLIARDS D'EUROS

Non seulement le budget 2017 démontre un clair dérapage des dépenses de l'État mais, au surplus, le Gouvernement ne cesse d'annoncer des dépenses nouvelles , généralement pluriannuelles, et dont seule une petite fraction devrait être effectivement budgétée sur l'exercice 2017.

L'héritage laissé après 2017 sera double : outre la probable dégradation du solde budgétaire liée au dérapage des dépenses, devra aussi être prise en compte l'ampleur des engagements pris par ce Gouvernement pour l'exercice 2018, voire les années postérieures.

1. Le « grand bluff » du troisième programme d'investissement d'avenir : 10 milliards d'euros annoncés, zéro crédit de paiement budgété

La tendance du Gouvernement à bénéficier d'effets d'annonce tout en s'exonérant des conséquences budgétaires réelles des dépenses nouvelles prévues trouve son paroxysme dans la budgétisation du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA) en 2017. En effet, aucun crédit de paiement n'est prévu pour l'année à venir .

Seules des autorisations d'engagement sont inscrites au budget de l'État, ce qui permet au Gouvernement d'afficher un effort de 10 milliards d'euros en faveur d'investissements de long terme sans dégrader le déficit budgétaire d'un centime , laissant la charge du financement effectif, en crédits de paiement, du programme aux exercices postérieurs à 2017.

Graphique n° 47 : Décaissements prévus au titre du PIA de 2017 à 2022

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir »

Les analyses relatives au troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) sont développées dans le rapport spécial de la mission « Investissements d'avenir » .

2. Des annonces nouvelles multiples qui pèseront pour plusieurs milliards d'euros sur les exercices postérieurs à 2017

Le Gouvernement multiplie les annonces de dépenses nouvelles, pour des montants importants, qui remettent en cause la crédibilité du projet de loi de finances quelques semaines seulement après son dépôt et qui font peser une charge supplémentaire non seulement sur 2017, mais aussi sur les exercices à venir .

Ainsi, l'annonce du Président de la République du 27 octobre 2016 d'augmenter les moyens liés aux opérations de rénovation urbaine de 1 milliard d'euros ne pèsera qu'à hauteur de 100 millions d'euros en 2017 : 900 millions d'euros devront être décaissés - et financés - à partir de 2018.

Concernant le plan de lutte contre la surpopulation carcérale, 1,16 milliard d'euros a été engagé en autorisations d'engagement , ce qui signifie que le décaissement des crédits de paiement - qui seuls, pèsent sur le solde budgétaire de l'État - se fera intégralement sur les exercices postérieurs à 2017 .

Le coût du plan de sauvetage d'Alstom, ou encore le plan de lutte contre la radicalisation devraient aussi peser sur les exercices postérieurs à 2017.

C'est ainsi au moins 2 milliards d'euros de dépenses qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017, auxquels il faut ajouter les 10 milliards d'euros du troisième programme d'investissements d'avenir.

II. LES RECETTES : DES PRÉVISIONS OPTIMISTES, PLUSIEURS MESURES QUI AURONT UN IMPACT UNIQUEMENT À COMPTER DE 2018

Les recettes nettes de l'État devraient s'élever à 301,7 milliards d'euros en 2016 (prévision révisée) et 307 milliards d'euros en 2017 , soit une hausse de près de 2 %.

Graphique n° 48 : Évolution des recettes nettes de l'État
entre l'exécution 2015 et la prévision pour 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Tableau n° 49 : Évolution des recettes fiscales et non fiscales de l'État
entre la prévision révisée pour 2016 et la prévision pour 2017

(en milliards d'euros et en %)

Type de recettes (en Md€)

Prévision révisée 2016

PLF 2017

Évolution PLF 2017/prévision révisée 2016

Évolution PLF 2017/prévision révisée 2016

Recettes fiscales nettes

285,9

292,5

6,6

2,31 %

Recettes non fiscales

15,8

14,5

-1,3

-8,23 %

Total des recettes de l'État

301,7

307

5,3

1,76 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme le montre le tableau ci-dessus, l'augmentation des recettes de l'État est largement portée par les recettes fiscales nettes.

A. LES RECETTES FISCALES : UNE PRÉVISION OPTIMISTE POUR 2017 EN HAUSSE DE 6,6 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À L'EXÉCUTION PRÉVUE POUR 2016

1. La prévision de recettes fiscales en 2016 a été surestimée de près de 2 milliards d'euros

La loi de finances pour 2016 prévoyait un montant de recettes fiscales nettes de 287,9 milliards d'euros, soit près de 8 milliards d'euros de recettes fiscales nettes supplémentaires par rapport à l'exécution de l'année 2015.

La prévision révisée pour 2016 figurant dans le présent projet de loi de finances évalue les recettes fiscales nettes à 285,9 milliards d'euros, soit une révision à la baisse de près de 2 milliards d'euros (- 1 %). Cet écart relativement modéré observé en 2016 découle principalement de la révision à la baisse de l'évolution spontanée globale des recettes fiscales, c'est-à-dire sans que des mesures nouvelles ou anciennes n'expliquent directement la baisse constatée.

Cette dégradation est notamment issue d'une moins-value de 2,4 milliards d'euros des recettes d'impôt sur les sociétés , qui est due « à la révision à la baisse de la croissance du bénéfice fiscal, qui s'établirait à + 4,2 % contre + 9,7 % au moment de la loi de finances initiale ». Cette baisse découle également de la prolongation d'un an de la mesure de suramortissement pour les investissements réalisés jusqu'au 14 avril 2017 (soit une baisse de 350 millions d'euros des recettes d'impôt sur les sociétés).

Les recettes d'impôt sur le revenu (IR) connaissent également une légère baisse (- 600 millions d'euros) en raison du coût du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) plus important que cela n'était prévu en loi de finances initiale, et de la révision à la baisse de l'évolution de la masse salariale en 2015.

La révision à la hausse de la prévision de recettes de TVA peut également être relevée. Cette augmentation, de 400 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2016, ne provient néanmoins que « de la reprise en base de la plus-value observée en 2015 », et permet de compenser la révision à la baisse des emplois taxables.

La révision à la hausse des autres recettes fiscales , à hauteur de 600 millions d'euros , provient principalement de la révision à la baisse du coût des contentieux de série, en particulier le contentieux fiscal communautaire relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

Le contentieux fiscal communautaire concernant les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) étrangers

Le régime français d'imposition des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents a été invalidé par la Cour de justice de l'Union Européenne, par un arrêt du 10 mai 2012 87 ( * ) , sur le fondement de la liberté de circulation des capitaux, prévu à l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE).

La retenue à la source sur les dividendes versés par des sociétés résidentes à des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents faisait en effet l'objet, depuis 2006, de multiples contentieux de la part de fonds d'investissements étrangers, qui s'estimaient victimes d'une discrimination 88 ( * ) . La règle fiscale a ainsi été modifiée par la loi de finances rectificative du 16 août 2012 89 ( * ) .

La direction générale des finances publiques (DGFip) estimait à la fin de l'année 2012 à près de 4,9 milliards d'euros le montant prévisionnel des restitutions au titre de ce contentieux, intérêts moratoires compris. En conséquence, la loi de finances rectificative précitée ouvrait des crédits budgétaires au titre de ce contentieux fiscal.

Les conséquences budgétaires étaient censées s'étaler jusqu'en 2015, la Cour de justice de l'Union Européenne ayant autorisé les dépôts de réclamations jusqu'au 31 décembre 2014.

En raison du caractère incertain des sommes dues au titre de ce contentieux, des crédits élevés sont inscrits en loi de finances initiale, avant d'être révisés à la baisse en cours d'année. En effet, les dossiers traités par le tribunal administratif de Montreuil, centralisant ce contentieux, augmentent moins rapidement que le nombre de dossiers déposés.

Prévision et exécution des crédits relatifs au contentieux fiscal des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le référé du Premier président de la Cour des Comptes du 27 août 2013, adressé au ministre de l'économie et des finances, sur les contentieux communautaires précompte mobilier et OPCVM ; annexe n°41 relatif aux remboursements et dégrèvements fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2014, par Eva Sas.

Graphique n° 50 : Évolution des recettes fiscales par catégorie d'impôt entre l'exécution 2015 et la prévision révisée pour 2016 associée
au projet de loi de finances pour 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Graphique n° 51 : Prévision et exécution 90 ( * ) des recettes fiscales nettes de l'État

entre 2012 et 2016

(en millions d'euros)

Note de lecture : l'exécution 2016 correspond à la prévision révisée accompagnant le projet de loi de finances pour 2017.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si l'écart entre prévision et exécution semblait s'être resserré depuis 2014, contrastant avec les exercices précédents où des moins-values fiscales très importantes avaient pu être relevées (près de 11 milliards d'euros par exemple en 2014), force est de constater que les prévisions de recettes pour l'exercice 2017 semblent renouer avec un optimisme peu prudent.

2. L'augmentation attendue des recettes fiscales pour 2017 découle quasi-exclusivement d'une évolution spontanée des impôts très dynamique
a) La décomposition des facteurs de hausse des recettes fiscales

Les recettes fiscales nettes, c'est-à-dire calculées après imputation des remboursements et dégrèvements, augmenteraient de 6,6 milliards d'euros (+ 2,3 %) par rapport à la prévision révisée pour 2016 , pour atteindre un montant de 292,5 milliards d'euros.

Comme le montre le graphique ci-dessous, une grande partie de cette augmentation proviendrait de l'évolution spontanée des recettes fiscales, compte tenu de l'absence de mesures nouvelles ayant une incidence importante sur le montant des recettes en 2017 .

La seule mesure significative est relative à l'impôt sur le revenu : la baisse de cet impôt, prévue à l'article 2 du projet de loi, diminue le rendement de cet impôt de 1 milliard d'euros. Cette diminution s'ajoute aux nombreuses autres mesures prises par le Gouvernement depuis le début du quinquennat qui ont concouru à renforcer la concentration de l'impôt sur le revenu.

Graphique n° 52 : Décomposition des facteurs d'évolution
des recettes fiscales nettes entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'évolution spontanée anticipée des recettes fiscales (hors mesures nouvelles) s'élèverait ainsi à 9,7 milliards d'euros en 2017. Cette augmentation repose sur une élasticité des recettes à la croissance du PIB importante pour 2017, estimée à 1,4. En d'autres termes, les recettes fiscales en 2017 doivent progresser plus rapidement que la croissance de l'économie française 91 ( * ) pour que les prévisions de recettes fiscales effectuées par le Gouvernement se réalisent.

Graphique n° 53 : Élasticité des recettes fiscales nettes de l'État
par catégorie d'impôt

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

L'augmentation de l'élasticité apparaît particulièrement forte pour l'impôt sur les sociétés : elle est estimée à 2,5 contre 1,5 en 2016, alors même que l'élasticité prévisionnelle révisée pour 2016 est revue à la baisse de - 0,4, compte tenu du « moindre dynamisme de l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés, du fait de la révision à la baisse de l'estimation du bénéfice fiscal de 2015 ».

Certes, le rattrapage des recettes fiscales accompagne généralement une reprise de la croissance. Il est néanmoins possible de s'interroger sur le réalisme des estimations du Gouvernement, dans la mesure où la prévision de croissance est elle-même jugée « optimiste » par le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) 92 ( * ) .

Au surplus, l'élasticité des recettes fiscales à la croissance est presque systématiquement surestimée par le Gouvernement, comme en témoigne le graphique ci-dessous.

Graphique n° 54 : Élasticité des recettes fiscales nettes depuis 2011
et estimation pour 2017

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Ainsi, votre rapporteur général s'interroge sur le caractère réaliste de l'évolution des recettes fiscales prévue par le Gouvernement, compte tenu de l'élasticité à la croissance retenue pour 2017, qui parait surestimée, et de la prévision de croissance pour 2017, elle-même jugée « optimiste » par le HCFP.

b) Une évolution des « grands impôts » reposant en grande partie sur leur évolution spontanée

La hausse des recettes fiscales provient principalement de la TVA (+ 4,4 milliards d'euros, soit une progression de près de 3 %) et dans une moindre mesure de l' impôt sur le revenu (+ 1,9 milliard d'euros, soit 2,66 %).

Graphique n° 55 : Évolution des recettes fiscales par catégorie d'impôt entre la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances 2017

(en milliards d'euros et en %)

Note de lecture : en 2017, la TVA devrait croître de 4,4 milliards d'euros, soit une hausse de 3,03 % par rapport à l'estimation révisée pour 2016.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

(1) L'impôt sur le revenu : une augmentation du produit dans la continuité de l'évolution constatée depuis 2012

Le rendement de l'impôt sur le revenu a augmenté de 21 % entre 2013 et 2016, passant d'environ 59 milliards d'euros à 71,5 milliards d'euros .

Si une part de l'augmentation globale du produit de l'impôt sur le revenu découle de son évolution spontanée , les mesures nouvelles prises par le Gouvernement depuis 2013 ont conduit à une augmentation de 4,8 milliards d'euros de la charge fiscale pesant sur les ménages au titre de cet impôt.

Graphique n° 56 : Impact sur le produit de l'impôt sur le revenu des mesures présentées par le Gouvernement depuis le début du quinquennat

(en milliards d'euros)

Note de lecture : en 2017, les mesures présentées dans le PLF et les textes précédents représentent une baisse de l'impôt sur le revenu d'environ 1,9 milliard d'euros. Les chiffrages correspondent à des prévisions ex ante et non à des évaluations ex post .

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2017, le rendement de l'impôt sur le revenu augmenterait de 1,9 milliard d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2016. L'évolution spontanée des recettes d'impôt sur le revenu, estimée à 3,7 % pour 2017 (soit 2,6 milliards d'euros), expliquerait cette augmentation. Cette hausse de l'évolution spontanée résulterait du « dynamisme des salaires réels en 2016, dont l'effet est amplifié par la progressivité du barème » 93 ( * ) .

Graphique n° 57 : Décomposition des facteurs d'évolution de l'impôt
sur le revenu entre le révisé 2016 et la prévision pour 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette augmentation, probablement surévaluée au regard de l'élasticité des recettes d'impôt sur le revenu retenue par le Gouvernement, qui s'élève à 1,5 pour 2017, est partiellement compensée par une baisse de 1,1 milliard d'euros découlant d'une mesure nouvelle, prévue par l'article 2 du présent projet de loi de finances, qui diminue l'impôt sur le revenu pour les ménages aux revenus modestes et moyens.

Le Gouvernement propose une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence (RFR) n'excède pas 20 500 euros pour une personne seule et 41 000 euros pour les couples 94 ( * ) . Le montant de la réduction d'impôt est de 20 % de l'impôt calculé après décote pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 18 500 euros, et dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 37 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune, ces plafonds étant majorés de 3 700 euros par demi-part supplémentaire.

Cette réforme conduirait à diminuer le produit de l'impôt sur le revenu de 1 milliard d'euros . Le barème, indexé sur l'inflation, entraînerait par ailleurs une perte de recette de l'ordre de 100 millions d'euros pour 2017.

(2) L'impôt sur les sociétés (IS) : un net fléchissement du rendement hors CICE partiellement compensé par la perception anticipée d'une partie des recettes

L'impôt sur les sociétés devrait baisser de 1 milliard d'euros en 2017 par rapport à l'estimation révisée pour 2016. Son rendement s'élèverait à 29,4 milliards d'euros en 2017.

Graphique n° 58 : Décomposition des facteurs d'évolution de l'impôt sur les sociétés entre le révisé 2016 et la prévision pour 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette diminution est principalement due aux mesures déjà votées, et plus particulièrement à la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) . La prolongation de la mesure de suramortissement et la suppression de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés participent également à la diminution du produit de l'impôt pour 2017, à hauteur respectivement de 150 millions d'euros et de 300 millions d'euros.

L'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés explique le caractère modéré de la diminution du produit de l'impôt pour 2017. Votre rapporteur général relève que l'élasticité retenue par le Gouvernement pour l'impôt sur les sociétés, qui s'élève à 2,5, est particulièrement élevée , et conduit à une évolution spontanée de l'impôt très probablement surévaluée, de 6 %. Cette élasticité estimée repose sur une prévision d'évolution du bénéfice fiscal en hausse en 2016 (+ 4 %).

L'impôt sur les sociétés pour 2017 n'est affecté par aucune mesure nouvelle significative . En effet, moins de 300 millions d'euros découlent de mesures nouvelles.

Hormis la baisse du taux normal de l'impôt sur les sociétés à 28 %, proposée pour les petites et moyennes entreprises en 2017, qui réduit de 300 millions d'euros les recettes d'impôt sur les sociétés en 2017, mais qui prendra son plein effet en 2018 (cf. infra), ces mesures nouvelles se réduisent à de simples mesures de trésorerie liées à la perception anticipée d'une partie du produit de l'impôt (réforme du cinquième acompte et élargissement de l'acompte sur les prélèvements forfaitaires libératoires).

La réforme des modalités de versement du « cinquième acompte » d'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises

À la différence des trois premiers acomptes, calculés en fonction de l'impôt dû au titre de l'exercice précédent, le quatrième et dernier acompte dû par les grandes entreprises doit représenter un montant minimal défini en fonction des résultats prévisionnels de l'exercice en cours. L'augmentation du montant du quatrième acompte par rapport à celui des trois premiers acomptes, résultant de l'application de ce régime, est qualifiée de « cinquième acompte ».

L'article 7 du présent projet de loi de finances r elève les fractions d'impôt sur les sociétés calculé sur la base de l'exercice en cours devant être versées à l'occasion du quatrième acompte par les grandes entreprises. Les entreprises devraient ainsi avoir versé, à l'issue du 4 ème acompte cumulé avec les acomptes déjà versés, un montant correspondant à :

- 80 % de l'impôt dû au titre de l'année en cours, contre 75 % actuellement, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 250 millions d'euros et 1 milliard d'euros ;

- 90 % de l'impôt dû au titre de l'année en cours, contre 85 % actuellement, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 milliard d'euros et 5 milliards d'euros ;

- 98 % de l'impôt dû au titre de l'année en cours, contre 90 % actuellement, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 5 milliards d'euros.

Source : commission des finances du Sénat

Le régime du dernier acompte permet de renforcer le lien temporel entre l'impôt versé et les résultats de l'exercice en cours ; ce faisant, il présente l'avantage d'améliorer la trésorerie de l'État , au détriment de celles des entreprises qui connaissent une augmentation de leur résultat. La modification du régime du dernier acompte proposée par le présent projet de loi de finances a pour seul objectif de répondre aux besoins de trésorerie de l'État , en avançant d'un exercice le paiement d'une plus grande partie de l'impôt sur les sociétés des grandes entreprises. Le Gouvernement chiffre ainsi à 460 millions d'euros le gain pour l'État, en 2017, découlant de cette évolution.

Certes, ce dispositif ne modifie pas le montant de l'impôt dû, mais se contente d'en avancer de quelques mois le paiement. Toutefois, la modification du régime étant pérenne, l'augmentation du montant de l'acompte versé en 2017 ne sera pas compensée par un moindre versement en 2018 , puisque le même régime continuera de s'appliquer pour le cinquième acompte versé en décembre 2018 au titre de l'exercice 2018. Bien que de trésorerie, la charge pour les entreprises n'en sera pas moins définitive .

Par ailleurs, la baisse du taux normal de l'impôt sur les sociétés à 28 %, proposée pour les petites et moyennes entreprises en 2017, d'une part, ne constitue pas un signal suffisant pour les investisseurs étrangers et d'autre part, ne contribue pas de manière significative au renforcement de l'attractivité économique de la France. En effet, alors que le taux nominal d'impôt sur les sociétés reste le principal facteur déterminant pour un investisseur étranger lors du choix du pays d'implantation, la politique fiscale du Gouvernement a privilégié des mécanismes dont la complexité est telle qu'elle ne constitue pas un « effet signal » pour de potentiels investisseurs, plutôt que de réduire significativement le taux d'impôt sur les sociétés. Par ailleurs, la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés ne s'appliquerait à toutes les entreprises qu'à compter de 2020 95 ( * ) : le Gouvernement ne supporte donc qu'une fraction du coût total de la réforme.

Ainsi, d'après les prévisions du Gouvernement, le montant total des remboursements et dégrèvements d'impôt sur les sociétés, qui s'élève à 30 milliards d'euros pour 2017, sera supérieur au rendement de l'impôt lui-même , estimé pour 2017 à 29,4 milliards d'euros. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, le rendement de l'impôt sur les sociétés fléchit très nettement depuis 2013.

Graphique n° 59 : Rendement de l'impôt sur les sociétés depuis 2012

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les mesures nouvelles décidées par le Gouvernement porteront principalement leurs effets en 2018 : ainsi la diminution du taux d'impôt sur les sociétés réduirait de 1,4 milliard d'euros son rendement en 2018 et la hausse du taux de CICE de 6 % à 7 % en diminuerait le rendement de près de 1,6 milliard d'euros en 2018, 1,9 milliard d'euros en 2019 ainsi qu'en 2020, et 3,1 milliards d'euros en 2021 96 ( * ) .

(3) La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : une augmentation de 4,4 milliards d'euros reposant quasi-exclusivement sur l'évolution spontanée

La croissance de 3 % du rendement de la TVA pour 2017 par rapport à la prévision révisée pour 2016 résulte à 93 % de l'évolution spontanée de cet impôt, estimée à 2,8 % pour 2017 . Cette évolution spontanée dynamique découlerait de la croissance des emplois taxables, « en nette augmentation par rapport à celle attendue en 2016 (...), portée par le dynamisme de la consommation des ménages (+ 2,5 %) et de l'investissement (+ 4,2 %). »

Aucune mesure nouvelle n'est annoncée pour 2017 .

Les mesures antérieures sont limitées à un rendement de 144 millions d'euros. Des mesures de périmètre contribuent également à l'augmentation du produit de cet impôt revenant à l'État : il s'agit principalement d'une légère diminution du transfert de TVA à destination des organismes de Sécurité Sociale par rapport à 2016.

Graphique n° 60 : Décomposition des facteurs d'évolution de la TVA
entre le révisé 2016 et la prévision pour 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

(4) La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : une légère augmentation découlant de la convergence de la fiscalité du gazole et de l'essence

Graphique n° 61 : Décomposition des facteurs d'évolution de la TICPE
entre le révisé 2016 et la prévision pour 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rendement de la TICPE augmenterait de près de 350 millions d'euros en 2017, passant de 15,9 milliards d'euros à 16,2 milliards d'euros . L'évolution spontanée de la TICPE est nulle, et aucune mesure nouvelle n'est prévue pour 2017.

Ainsi, l'augmentation est principalement liée à l'impact des mesures antérieures au présent projet de loi de finances, en particulier à la loi de finances rectificative pour 2015 97 ( * ) , qui acte la montée en charge de la composante carbone créée par la loi de finances pour 2014 98 ( * ) .

D'une part, la loi de finances rectificative pour 2015 prévoit une augmentation de la composante carbone, qui passe de 22 euros par tonne de carbone en 2016 à 30,50 euros par tonne de carbone en 2017. Cette mesure entraine une hausse du rendement de TICPE de 1,4 milliard d'euros pour 2017 .

D'autre part, une hausse prévisionnelle de 300 millions d'euros provient de la poursuite de la convergence de la fiscalité du gazole et de l'essence , les tarifs du premier étant augmentés d'un centime d'euro supplémentaire par hectolitre par rapport à 2016, tandis que les tarifs de la seconde sont diminués d'un centime d'euro par hectolitre par rapport à 2016.

Ces mesures sont intégrées dans les tarifs de TICPE prévus pour 2017.

Graphique n° 62 : Tarifs de TICPE par litre de carburant en 2016 et 2017

(en euro, arrondi au centime le plus proche)

Carburant

Tarif 2016

Tarif 2017

Supercarburant sans plomb (SP 95-E5 et SP 98)

0,64

0,65

Supercarburant sans plomb (SP 95-E10)

0,62

0,63

Gazole

0,50

0,53

Source : article 265 du code des douanes

Cette augmentation s'accompagne d'une mesure de transfert d'un montant de 1,4 milliard d'euros (sur le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique »), découlant de l'affectation de la hausse de la composante carbone.

(5) Les autres recettes fiscales : une augmentation modérée

Cet agrégat est composé des recettes fiscales de nature différente, dont la principale est l'impôt sur la fortune (ISF). Elles sont évaluées à 24,1 milliards d'euros pour 2017 , soit une progression de près d'un milliard d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2016.

Le rendement de l'impôt sur la fortune représente 22 %, soit près du quart, des « autres recettes fiscales ». Son produit estimé pour 2017 s'élève à 5,4 milliards d'euros. Cette évaluation découle d'une évolution spontanée de 2,4 % ainsi que de l'instauration d'un mécanisme anti-abus relatif au plafonnement de l'impôt prévu à l'article 4 du présent projet de loi de finances, dont doit être souligné le risque d'inconstitutionnalité .

La création d'une clause anti-abus visant à lutter contre certain détournements
du plafonnement de l'impôt sur la fortune (ISF)

L'article 885 V bis du code général des impôts prévoit un mécanisme de plafonnement de l'ISF, dont le coût s'élève à 1,077 milliard d'euros pour l'année 2015. Le cumul de l'ISF et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente est ainsi plafonné à 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels.

À ce jour, les sommes en attente au sein de sociétés holdings contrôlées par le redevable demeurent exclues des revenus pris en compte dans le calcul du plafonnement. La technique dite de « l'encapsulage » des dividendes 99 ( * ) , qui repose sur l'interposition de sociétés au niveau desquelles les revenus sont capitalisés, peut ainsi permettre d'alléger sans limite l'ISF .

En proposant de réintégrer les « revenus distribués à une société passible de l'impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable » lorsque le montage présente un objectif principalement fiscal, l'article 4 du présent projet de lois finances vise donc à contourner la décision du Conseil constitutionnel de 2012, qui avait censuré la prise en compte du bénéfice distribuable des sociétés contrôlées par le redevable.

Par ailleurs, en proposant d'introduire une clause anti-abus spécifique visant les montages ayant « pour objet principal » d'éluder l'ISF, tout en l'assortissant des garanties propres à la procédure d'abus de droit classique - y compris la saisine du comité de l'abus de droit fiscal -, cet article vise également à contourner la décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, par laquelle le juge constitutionnel a censuré l'extension de la définition de l'abus de droit aux actes ayant pour « motif principal » d'éluder ou d'atténuer l'impôt.

Source : commission des finances du Sénat

Graphique n° 63 : Les recettes fiscales nettes de l'ISF depuis 2009

(en milliards d'euros)

Note de lecture : les montants pour les années 2009 à 2015 sont les montants exécutés. L'évaluation 2016 est l'estimation révisée à l'occasion du présent projet de loi de finances pour 2017. La prévision 2017 correspond également à celle du présent projet de loi de finances.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Parmi les impôts et droits expliquant l'augmentation du rendement des « autres recettes fiscales » figurent les droits de mutation à titre gratuit par décès , ou droits de succession , qui s'élèveraient en 2017 à 11,5 milliards d'euros (+ 500 millions d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2016), progressant sous l'effet de l'évolution spontanée.

La part revenant à l'État de la taxe sur les surfaces commerciales (ou Tascom) , qui s'élève à 300 millions d'euros pour 2017, augmenterait également de 100 millions d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2016 grâce à la création d'un acompte prévu à l'article 8 du présent projet de loi de finances 100 ( * ) . A l'instar de la réforme du dernier acompte d'impôt sur les sociétés précitée proposée par le présent projet de loi de finances, la création d'un acompte de Tascom a pour unique objet d'avancer d'un exercice le paiement de l'impôt, au bénéfice de la trésorerie de l'État .

Ainsi, à la « recette de poche » pour le budget général que votre rapporteur général avait dénoncée lors de la création de la surtaxe en 2014, le Gouvernement ajoute une avance de trésorerie au bénéfice de l'État et au détriment des entreprises . À l'image de la modification du régime du cinquième acompte, cet acompte de surtaxe, pour n'être qu'une charge de trésorerie, n'en est pas moins une charge définitive puisqu'elle ne se traduira pas par une diminution de l'impôt payé l'année suivante.

B. LES RECETTES NON FISCALES : UNE DIMINUTION DE 8 % PAR RAPPORT À LA PRÉVISION D'EXÉCUTION

Les recettes non fiscales comprennent des recettes diverses, dont l'ensemble le plus important est celui des dividendes et recettes assimilées , qui correspondent au produit des participations de l'État dans des entreprises financières ou non financières (par exemple, le dividende versé par la Banque de France). Elles font ainsi l'objet d'une double évolution.

D'une part, elles diminuent en valeur ; ainsi, les recettes non fiscales (RNF) devraient s'élever à 14,5 milliards d'euros pour 2017 , soit une diminution de 1,3 milliard d'euros par rapport à la prévision d'exécution pour 2016. Cette baisse découle principalement, comme l'illustre le graphique ci-dessous, de la diminution des intérêts des prêts et banques à des États étrangers, liée au report de l'opération de refinancement de dette d'un État étranger (- 500 millions d'euros) et de la baisse des reversements au titre des garanties sur le commerce extérieur (- 700 millions d'euros), compte tenu d'une opération exceptionnelle en 2016 101 ( * ) .

Graphique n° 64 : Évolution des recettes non fiscales, par grands ensembles entre le révisé pour 2016 et la prévision pour 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

D'autre part, une évolution à la hausse de la part des dividendes et recettes assimilés dans le rendement total des recettes non fiscales peut être relevée : ils représentent 32 % du produit des recettes non fiscales pour 2017, contre 25 % en exécution prévisionnelle pour 2016.

Graphique n° 65 : Évolution de la composition des recettes non fiscales entre la prévision révisée pour 2016 et la prévision pour 2017

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

C. UNE AUGMENTATION DU COÛT BUDGÉTAIRE DES DÉPENSES FISCALES LIÉE AU CICE BIEN SUPÉRIEURE AU PLAFOND DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

1. Une hausse de 4,1 milliards d'euros du volume total des dépenses fiscales par rapport à 2016, dont une large part est liée au CICE

Les dépenses fiscales, dont la définition est rappelée dans le deuxième tome du rapport « Voies et moyens » annexé au présent projet de loi de finances, recouvrent toutes les dispositions dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes fiscales .

Cet écart à la norme fiscale recouvre les réductions d'impôt (qui diminuent le montant de l'impôt dû) et les crédits d'impôt (qui entrainent, si le montant du crédit d'impôt est supérieur à celui de l'impôt dû, une dépense budgétaire envers le contribuable).

451 dépenses fiscales sont recensées pour 2017, pour un montant total estimé à près de 90 milliards d'euros, soit une augmentation de 4 milliards d'euros par rapport à 2016.

Une part importante du coût des dépenses fiscales est concentrée sur un nombre limité de dispositifs : en 2017, quatorze d'entre eux représentent la moitié du coût total. Les dépenses les plus importantes concernent le CICE, pour un montant de 16 milliards d'euros et le crédit d'impôt recherche (CIR), pour un montant de 5,5 milliards d'euros. L'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés représentent à eux seuls 57,5 milliards d'euros de dépenses fiscales.

Graphique n° 66 : Dépense fiscale par impôt de 2015 à 2016

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

Impôt sur le revenu

34 193

32 642

32 467

Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés

20 894

21 736

25 032

Taxe sur la valeur ajoutée

18 027

18 155

18 306

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

3 965

5 244

5 874

Impôts locaux

2 332

2 142

2 360

Impôt sur les sociétés

3 106

3 209

3 285

Impôt sur la fortune

1 136

1 124

1 110

Autres droits

517

592

547

Droits d'enregistrement et de timbre

920

920

899

Total général

85 090

85 764

89 880

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'article 19 de la loi 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 dispose que « le montant annuel des dépenses fiscales ne peut excéder 80,6 milliards d'euros en 2015, 81,8 milliards d'euros en 2016 et 86 milliards d'euros en 2017 ».

Si ces montants n'ont pas de valeur normative, ils sont tous trois très largement dépassés, de près de 4,5 milliards d'euros en 2015, 4 milliards d'euros en 2016 et de près de 4 milliards d'euros en 2017. Au total, ce sont 12,5 milliards d'euros de dépenses fiscales cumulées sur trois ans qui dépassent les plafonds déterminés par la loi de programmation.

2. Une démarche d'évaluation des dépenses fiscales très insuffisante

Des marges de manoeuvre existent pour réduire le nombre des « niches ». 18 dépenses fiscales ne devraient avoir aucun bénéficiaire en 2016 et 50 « niches » fiscales sont chiffrées « epsilon » par le ministère du budget, soit moins d'un million d'euros : ces « petites niches » devraient être rationalisées .

Votre rapporteur général note la suppression de petites niches fiscales inefficientes ou injustifiées proposée à l'article 13 du présent projet de loi de finances. Néanmoins, l'augmentation du produit fiscal qui découlerait de la suppression du crédit d'impôt au titre des primes d'assurances contre les impayés de loyer, de la réduction de droits pour charges de familles, et de la déduction du revenu global des dépenses de grosses réparation supportées par les nus propriétaires ne s'élève qu'à 12 millions d'euros en 2017, et à 60 millions d'euros en 2018 102 ( * ) .

Cette baisse des dépenses fiscales pour 2017 n'est donc pas significative au regard de l'augmentation de 4 milliards d'euros de dépenses fiscales par rapport à 2016.

Comme votre rapporteur général le mentionnait dans son rapport relatif au projet de loi de finances pour 2016, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a considérablement assoupli les obligations d'évaluation des dépenses fiscales par rapport à la précédente loi de programmation, qui n'était d'ailleurs pas respectée. Or, l'évaluation du coût d'un dispositif est un prérequis indispensable à l'appréciation de sa pertinence. L'évaluation des dépenses fiscales par le Gouvernement reste très insuffisante et la plupart des travaux conduits sur ce sujet le sont par le Parlement. Il serait d'ailleurs utile que les documents transmis au Parlement indiquent systématiquement le nombre de bénéficiaires des dépenses fiscales , et non seulement leur coût. À défaut d'une démarche gouvernementale rigoureuse d'évaluation des dépenses fiscales, il s'agit à tout le moins de donner au Parlement les moyens de son contrôle.

D. DE NOMBREUSES MESURES QUI NE PRENDRONT LEUR PLEIN EFFET QU'À PARTIR DE 2018, POUR UN COÛT DE 6,4 MILLIARDS D'EUROS

Outre des mesures avançant le recouvrement de l'impôt qui, comme cela a été souligné précédemment, permettent d'améliorer les recettes perçues en 2017 par un pur effet de trésorerie, le présent projet de loi de finances inclut de nombreuses mesures dont le coût budgétaire portera presque exclusivement sur les exercices postérieurs à 2017 .

Ainsi, le passage du taux de crédit d'impôt compétitivité emploi de 6 % à 7 % n'aura aucun impact en 2017 mais diminuera le produit de l'impôt sur les sociétés de 1,6 milliard d'euros en 2018 et son poids budgétaire atteindra 3,1 milliards d'euros à horizon 2021.

De même, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés à 28 %, si elle ne coûtera que 330 millions d'euros en 2017, grèvera en revanche le budget de l'État de 1,45 milliard d'euros en 2018 et de 7 milliards d'euros en 2021.

De façon similaire, la prorogation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et son cumul avec le dispositif d'éco-PTZ ne coûteront que un million d'euros en 2017, contre 1,7 milliard d'euros en 2018 .

Graphique n° 67 : Coût des mesures proposées en projet de loi de finances pour 2017 dont l'impact budgétaire est concentré sur les exercices postérieurs à 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2017

Doit également être signalée l' extension du crédit d'impôt sur le revenu pour les particuliers employeurs , prévue à l'article 47 du projet de loi de finances pour 2017 pour un coût de 1,1 milliard d'euros à compter de 2018, ainsi que le crédit d'impôt au profit des associations annoncé par le Gouvernement après le dépôt du projet de loi de finances et qui devrait correspondre à une perte de recettes de 600 millions d'euros à partir de 2018.

Au total, le Gouvernement propose des mesures en recettes dont l'impact budgétaire sera de 330 millions d'euros en 2017 mais de 6,4 milliards d'euros en 2018 et de 11,8 milliards d'euros à horizon 2021 .

Si sont ajoutés à ce montant les reports de charges en dépenses, le budget 2017 proposé par le Gouvernement prévoit près de 25 milliards d'euros de charges qui ne pèseront pas sur l'exercice 2017 mais sur les années suivantes.

Il s'agit là d'un détournement du principe d'annualité budgétaire , rappelé à l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances et selon lequel « le budget décrit, pour une année , l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'État ».

III. LE SOLDE BUDGÉTAIRE ET LA DETTE DE L'ÉTAT

D'après le Gouvernement, le solde budgétaire de l'État en 2017 devrait s'élever à - 69,3 milliards d'euros, soit une amélioration de 3 milliards d'euros par rapport au déficit prévu par la loi de finances initiale pour 2016 (- 72,3 milliards d'euros) et de 600 millions d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2016 (- 69,6 milliards d'euros).

La réduction du déficit en 2016 par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale est presque exclusivement portée par la baisse de la charge de la dette .

En 2017, elle est cependant artificielle et c'est en réalité une dégradation de 4 milliards d'euros, dans le meilleur des cas , qui doit être constatée.

Les risques qui pèsent sur le déficit budgétaire, en raison notamment des nombreuses sous-budgétisations détaillées supra dans le présent rapport, induisent des tensions sur le besoin de financement de l'État en 2017 qui pourrait être supérieur aux prévisions .

La dette de l'État poursuit sa hausse et devrait s'élever à près de 1 690 milliards d'euros à la fin de l'année 2017 .

A. EN 2016, UNE DIMINUTION DU DÉFICIT PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES LIÉE À LA BAISSE DE LA CHARGE DE LA DETTE

Le solde budgétaire révisé de l'État en 2016 s'établit à - 69,9 milliards d'euros, en amélioration de 2,4 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2016.

Cette diminution du déficit est principalement liée à la baisse de la charge de la dette de 2,9 milliards d'euros qui s'explique par la faiblesse maintenue des taux d'intérêt.

Elle provient également d'une révision à la hausse du solde des comptes spéciaux de 1,4 milliard d'euros , dont 1,1 milliard d'euros au titre du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Cette hausse du solde découlerait notamment d'opérations de cession à réaliser fin 2017 pour un montant d'au moins 800 millions d'euros , dont la nature exacte n'a pas été rendue publique.

La réduction du déficit en 2016 par rapport aux prévisions initiales n'est donc aucunement synonyme d'efforts accrus sur les dépenses des ministères : celles-ci ont dépassé la loi de finances initiale de 600 millions d'euros.

B. EN 2017, UNE AMÉLIORATION ARTIFICIELLE DU DÉFICIT QUI MASQUE UNE DÉGRADATION RÉELLE D'AU MOINS 3 MILLIARDS D'EUROS

Le solde budgétaire de l'État s'établirait à - 69,3 milliards d'euros en 2017. Le Gouvernement se targue du fait que « le déficit atteindrait son plus bas niveau depuis 2008, alors même que l'État prend à sa charge l'intégralité du financement du pacte de responsabilité et de solidarité ».

Ce satisfecit a de quoi surprendre au regard du caractère artificiel de l'amélioration du solde : celle-ci résulte d'un mouvement de trésorerie qui ne correspond en rien à un rétablissement d'une meilleure situation financière de l'État.

1. Une amélioration du solde artificielle liée à un jeu d'écriture sur le nouveau compte spécial « Soutien au commerce extérieur »

Le déficit de l'État en 2017 est attendu à 69,3 milliards d'euros, soit une amélioration faciale de 3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Cependant, cette estimation ne neutralise pas une hausse du solde des comptes spéciaux de 4 milliards d'euros liée à un simple jeu d'écriture : la trésorerie dont l'État disposait sur le compte de la Coface a été versée sur le compte de commerce « Soutien au commerce extérieur » , nouvellement créé par l'article 25 du présent projet de loi, dans le cadre de la réorganisation de la gestion des garanties à l'exportation décidée en loi de finances rectificative pour 2015.

La gestion des garanties liées au développement international de l'économie française , qui étaient jusqu'ici mise en oeuvre par la Compagnie française pour le commerce extérieur (Coface), filiale de Natixis, est en effet transférée à Bpifrance Assurance Export, filiale du groupe Bpifrance .

Ce transfert s'accompagne du passage à un schéma de garantie directe dans lequel Bpifrance Assurance Export gérera les garanties émises non plus seulement pour le compte mais également au nom de l'État.

Il donne lieu à la création d'un compte de commerce « Soutien au commerce extérieur » sur lequel est versé le solde créditeur du compte État de la Coface . Ce solde ne correspond pas à une nouvelle recette mais bien à un simple mouvement de crédits qui ne devrait pas affecter le déficit budgétaire de l'État ou qui devrait tout du moins être signalé par l'État comme la mesure de périmètre qu'il est, ce qui n'est pas le cas.

Graphique n° 68 : Décomposition de l'évolution du déficit entre la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

En neutralisant le reversement de la Coface au compte de commerce, le solde budgétaire de l'État se dégrade entre 2016 et 2017 de un milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 et de 3,4 milliards d'euros par rapport au solde révisé .

2. Une dégradation certaine de 3,4 milliards d'euros et une détérioration probable de 7 milliards d'euros

La dégradation du déficit budgétaire de l'État à périmètre constant pourrait être encore plus importante si les risques en dépenses se matérialisaient .

Ainsi, en intégrant l'effet des sous-budgétisations déjà identifiées, même en retenant le scénario le plus favorable, la dégradation du déficit s'élèverait à 7 milliards d'euros et atteindrait 9 milliards d'euros si le scénario défavorable se réalisait en matière de sous-budgétisations (cf. tableau ci-après).

Ces estimations ne sont pas exagérément pessimistes : elles ne tiennent notamment pas compte des risques en recettes qui sont pourtant réels, comme en atteste l'avis du Haut conseil des finances publiques sur le projet de loi de finances pour 2017.

Tableau n° 69 : Comparaison entre le déficit budgétaire prévu par le Gouvernement le solde budgétaire de l'État après neutralisation des mesures de périmètre et prise en compte des mesures de sous-budgétisation

(en milliards d'euros)

Hors sous-budgétisations

Avec sous-budgétisations

Scénario favorable

Scénario défavorable

Solde État 2016 LFI

-72,3

-72,3

-72,3

Solde État 2016 révisé

-69,9

-69,9

-69,9

Solde État 2017 affiché gouvernement

-69,3

-69,3

-69,3

Neutralisation du jeu d'écriture lié au solde du compte Coface

-4,2

-4,2

-4,2

Sous-budgétisations des dépenses du budget général

-1,1

-2,1

CAS PFE

-2

-3,1

Solde État réel

-73,5

-76,6

-78,7

Différence par rapport prévision du Gouvernement

-4,2

-7,3

-9,4

Différence par rapport solde 2016 révisé

-3,6

-6,7

-8,8

Source : commission des finances du Sénat

C. DES RISQUES SÉRIEUX QUI PÈSENT SUR LE BESOIN DE FINANCEMENT DE L'ÉTAT

Le besoin de financement total de l'État devrait diminuer et passer de 197,4 milliards d'euros en 2016 à 192 milliards d'euros en 2017 , soit une réduction de 5,4 milliards d'euros.

Cependant, si le déficit est dégradé par rapport aux prévisions du Gouvernement, ce qui est quasiment certain, le besoin de financement de l'État s'en trouvera rehaussé .

Certes, la faiblesse maintenue des taux d'intérêt dégage quelques marges de manoeuvre sur la charge de la dette qui, depuis le début du quinquennat, a systématiquement été inférieure aux prévisions .

Cependant, l'incertitude qui entoure l'évolution des taux d'intérêt souverains ne permet pas d'affirmer que la remontée des taux sera ou non plus rapide que celle prévue par le Gouvernement, qui est au demeurant plus lente que la remontée prévue l'année dernière : le rythme prévisionnel retenu en projet de loi de finances pour 2017 est de 75 points de base par an pour fin 2016 et 2017, contre un scénario de redressement de 100 points de base retenu fin 2015 et 2016 l'année dernière pour la construction du projet de loi de finances pour 2016.

D. UNE DETTE QUI POURSUIT SA HAUSSE

Bien que les taux d'intérêt soient assez faibles pour induire une décorrélation exceptionnelle entre la charge d'intérêts et le niveau d'endettement, l'encours de dette de l'Etat continue de croître et atteint des niveaux particulièrement préoccupants .

En 2017, il devrait s'élever à 1 689,2 milliards d'euros , soit une hausse de plus de 65 milliards d'euros (+ 4,1 %) par rapport à la prévision révisée pour 2016 (1 624 millions d'euros). Après deux années de décélération - toute relative - de l'augmentation de l'encours de dette, la hausse devrait selon toute vraisemblance reprendre à partir de 2017.

Graphique n° 70 : Évolution comparée de l'encours de la dette de l'État et de la charge de la dette de 2008 à 2017

(en milliards d'euros)

Note de lecture : la charge de la dette se lit par rapport à l'ordonnée de gauche, l'encours par rapport à celle de droite. Les données pour 2016 et 2017 sont prévisionnelles.

Source : commission des finances du Sénat, rapport spécial relatif à la mission « Engagements financiers de l'État »

Ainsi, le plafond de variation de la dette négociable de moyen et long terme serait fixé à 65,7 milliards d'euros en 2017, soit une hausse de 3,2 milliards d'euros (+ 5 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Graphique n° 71 : Évolution du plafond de variation de l'endettement de moyen et long terme de l'État fixé en loi de finances initiale

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les lois de finances des exercices 2006 à 2016 et le projet de loi de finances pour 2017

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES

Réunie le mercredi 28 septembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis rendu par le Haut Conseil sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Mme Michèle André , présidente . - Nous accueillons Didier Migaud, qui nous présentera officiellement l'avis du Haut Conseil des finances publiques relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2017. Beaucoup d'éléments sont toutefois déjà parus dans la presse.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques . - Je vous remercie de m'avoir invité, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, pour vous présenter les principales conclusions de l'avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année à venir.

C'est la quatrième fois que le Haut Conseil est appelé, en application de l'article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012, à se prononcer sur les prévisions macroéconomiques associées aux textes financiers annuels et sur la cohérence de ces derniers avec les orientations pluriannuelles de solde structurel.

L'environnement international de la France se caractérise aujourd'hui par deux traits principaux. Tout d'abord, une faiblesse particulière du commerce mondial en 2016, conséquence d'un ralentissement de la croissance américaine, de la situation toujours dégradée de plusieurs pays émergents, d'une moindre augmentation des importations chinoises et de facteurs structurels durables. Parmi ces facteurs, la tendance des entreprises multinationales à décomposer leur processus de production entre plusieurs tâches effectuées dans des pays différents, qui a fortement contribué à la croissance des échanges internationaux dans les années 2000, marque le pas. La croissance du commerce mondial pourrait être pratiquement nulle cette année.

Vient ensuite la poursuite d'une croissance modérée en zone euro, tirée par la demande intérieure. D'abord limitée à la consommation, stimulée par la baisse du prix du pétrole, la reprise s'est progressivement étendue à l'investissement. Elle bénéficie du relâchement des efforts budgétaires dans certains pays européens et de la politique monétaire très expansive de la Banque centrale européenne (BCE). La croissance de la zone euro a été de 1,6 % en rythme annuel au 1 er semestre 2016.

Toutefois des interrogations existent sur la poursuite de cette dynamique. Elles sont alimentées par quelques signes d'essoufflement de la croissance dans certains pays européens et par les craintes nées du vote du 23 juin sur le « Brexit ». L'activité au sein de la zone euro risque d'être affectée par la baisse de la livre sterling et le probable ralentissement de l'économie britannique. Les incertitudes liées aux modalités de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et au climat politique dans plusieurs pays européens pourraient affecter la confiance des agents économiques, avec des répercussions possibles sur la consommation et l'investissement. Les enquêtes de conjoncture disponibles jusqu'en septembre restent toutefois bien orientées.

Le Haut Conseil a examiné le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement pour 2016 et 2017, et plus particulièrement les hypothèses les plus importantes pour la prévision des finances publiques, à savoir la croissance, l'inflation, l'emploi et la masse salariale.

Les hypothèses de croissance retenues pour 2016 et 2017 (1,5 % pour chacune des deux années) sont identiques à celles du programme de stabilité d'avril 2016.

Pour l'année 2016, le Haut Conseil considère que la prévision de croissance du Gouvernement de 1,5 % est un peu élevée au regard des informations connues à ce jour. Elle est supérieure à la plupart des prévisions publiées récemment. En effet, l'acquis de croissance est de 1,1 % à la fin du premier semestre, après une augmentation du PIB de 0,7 % au premier trimestre suivie d'une légère baisse au deuxième trimestre. La réalisation d'une moyenne annuelle de 1,5 % en 2016 suppose une forte progression du PIB aux troisième et quatrième trimestres. Les indicateurs disponibles sur le début de l'été laissent penser que ce rythme de croissance pourrait être difficile à atteindre au troisième trimestre, même si les enquêtes de conjoncture sont assez bien orientées en septembre.

Pour l'année 2017, le Gouvernement a maintenu sa prévision d'avril du programme de stabilité (1,5 %) alors que la plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont depuis abaissé les leurs ; ainsi, en septembre, le Consensus Forecasts anticipait une croissance de 1,2 % et l'OCDE de 1,3 %. Le Haut Conseil estime que cette hypothèse de croissance de 1,5 % est optimiste compte tenu des facteurs baissiers qui se sont matérialisés ces derniers mois (atonie persistante du commerce mondial, incertitudes liées au « Brexit » et au climat politique dans l'Union européenne et dans le monde, conséquences des attentats notamment sur l'activité touristique, etc.). Le scénario cumule un certain nombre d'hypothèses favorables, notamment pour les prévisions de consommation et d'investissement.

La prévision d'inflation du Gouvernement pour 2016 (0,1 %) est inchangée par rapport à celle du programme de stabilité d'avril 2016. Elle est cohérente avec les indices de prix connus jusqu'à l'été : le glissement annuel des prix, qui oscille autour de zéro depuis plus d'un an, est de 0,2 % en juillet.

Pour 2017, l'hypothèse d'inflation est de 0,8 %, soit une légère baisse par rapport au programme de stabilité (1,0 %). Les produits pétroliers cesseraient de contribuer négativement à l'inflation, sous l'hypothèse d'une stabilisation du prix du baril de Brent à 40 euros. La hausse des prix redeviendrait alors proche de son rythme sous-jacent. Cette prévision d'inflation est inférieure à la plupart des autres prévisions disponibles et notamment à celle retenue pour la zone euro par la BCE dans sa prévision de septembre (1,2 %). L'hypothèse d'inflation pour 2017 paraît ainsi prudente et moins exposée au risque de surestimation que celles qui avaient été retenues pour les années précédentes.

Parmi les autres variables importantes pour les finances publiques, les hypothèses d'emploi et de masse salariale semblent un peu élevées pour 2017, en cohérence avec la prévision de croissance. Le Gouvernement prévoit pour 2016 et 2017 une augmentation soutenue de l'emploi recouvrant notamment une accélération progressive de l'emploi salarié des branches marchandes (120 000 en 2016 puis 160 000 en 2017). Ce dynamisme de l'emploi refléterait l'évolution de l'activité mais aussi l'effet des mesures de baisse du coût du travail (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, baisses de cotisations, prime à l'embauche) qui continueraient d'enrichir la croissance en emploi. Pour l'année 2016, compte tenu des évolutions connues jusqu'au deuxième trimestre, les prévisions d'emploi et de masse salariale sont réalistes. Pour 2017, les prévisions sont cohérentes avec l'hypothèse de croissance du PIB, que nous trouvons optimiste. Elles sont supérieures à celles publiées récemment par l'Unédic, qui retient l'hypothèse d'une croissance plus faible.

J'en viens à présent à la cohérence des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale avec les orientations pluriannuelles de solde structurel. Il s'agit d'abord d'examiner la cohérence des prévisions de solde structurel présentées dans l'article liminaire du projet de loi de finances avec la trajectoire cible. Il convient ensuite de vérifier si ces prévisions de solde structurel sont elles-mêmes cohérentes avec les évolutions prévisibles des recettes et des dépenses, compte tenu des mesures annoncées.

Aux termes de l'article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012, la cohérence du scénario de finances publiques s'apprécie au regard de la trajectoire de solde structurel de la dernière loi de programmation de finances publiques (LPFP), qui est celle du 29 décembre 2014. Effectuer cette comparaison - et donc comparer ce qui est comparable - suppose de retenir les mêmes hypothèses de croissance potentielle que dans la loi de programmation. Ces hypothèses ont ensuite été révisées à la hausse - de 1,3 % à 1,5 % pour chacune des deux années - dans le programme de stabilité d'avril 2015 et dans tous les textes ultérieurs.

Recalculées avec les hypothèses de croissance potentielle de la LPFP 2014-2019, les estimations du déficit structurel sont un peu plus élevées que celles présentées dans le projet de loi de finances. Il est estimé à - 1,7 point de PIB en 2016 et - 1,3 point en 2017. Les objectifs figurant dans la loi de programmation des finances publiques étaient respectivement de - 1,8 point et - 1,3 point. Les chiffres sont presque exactement ceux de la loi de programmation, qui se trouve donc respectée.

Les prévisions de déficit structurel pour 2016 et 2017 sont en revanche plus élevées que les objectifs fixés dans le programme de stabilité d'avril 2016 (de 0,3 point de PIB chaque année). Mais, comme le Haut Conseil l'a noté en mai dernier dans son avis relatif au projet de loi de règlement pour 2015, cet écart s'explique pour l'essentiel par les révisions à la hausse du PIB dans les comptes nationaux sur les années 2013 à 2015, qui ont eu pour effet de réduire les estimations de l'écart de production et de dégrader rétrospectivement celles du solde structurel. Cette sensibilité des données de solde structurel à des révisions du PIB avait conduit le Haut Conseil en mai à préconiser que soient également pris en compte d'autres indicateurs plus représentatifs de l'orientation de la politique budgétaire, comme l'effort structurel.

À cet égard, le Haut Conseil constate que les évolutions prévues de l'ajustement structurel et de l'effort structurel sont proches des objectifs du programme de stabilité et de la loi de programmation. L'effort structurel figurant dans le projet de loi de finances est identique à l'objectif figurant dans le programme de stabilité sur l'ensemble des deux années 2016 et 2017 (0,8 point de PIB en deux ans). Les ajustements et efforts structurels restent toutefois légèrement inférieurs au minimum fixé par les règles européennes, qui requièrent en principe au moins 0,5 point de PIB d'ajustement par an.

Les développements qui précèdent comparent les prévisions du projet de loi de finances pour 2017 à la loi de programmation et au programme de stabilité. Mais cette comparaison arithmétique un peu formelle ne saurait épuiser le sujet et permettre de porter une appréciation sur la cohérence réelle du projet de loi de finances. Il convient pour cela d'examiner la crédibilité des objectifs de solde présentés pour 2016 et 2017, et donc d'identifier les risques qui pèsent sur les évolutions de recettes et de dépenses. Sur la base des informations communiquées, les éléments d'appréciation suivants peuvent être formulés.

En 2016, l'objectif d'amélioration du solde, ce dernier devant être ramené à - 3,5 % du PIB, contre - 3,3 % en 2015, peut être atteint sous réserve de poursuivre une gestion stricte des dépenses. S'agissant des recettes, les prévisions actualisées du projet de loi de finances sont en ligne avec les informations disponibles en cours d'année. Les moins-values constatées sur certains impôts, notamment en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, sont en partie compensées par l'impact sur les prélèvements sociaux de la révision à la hausse de la masse salariale. Au total, les prélèvements obligatoires augmenteraient en 2016, un peu moins vite que le PIB en valeur (avec une élasticité de 0,9).

S'agissant des dépenses, les objectifs peuvent être tenus mais au prix de tensions sur les dépenses de l'État et de l'assurance maladie plus fortes en 2016 qu'en 2015. D'éventuels dépassements sur ces dépenses, sous forme de reports de charges, pourraient conduire à dégrader le déficit public des années ultérieures.

Pour 2017, le Haut Conseil souligne plusieurs facteurs de risques qui sont susceptibles de se matérialiser et d'obérer la réduction attendue du déficit de 3,3 % du PIB à 2,7 %. Il est vrai que l'effort demandé, de 0,6 point est élevé plus que celui attendu pour 2016.

Le Haut Conseil estime que les risques pesant sur les dépenses sont plus importants en 2017 que pour les années précédentes. En particulier, il note le caractère irréaliste des économies prévues sur l'Unédic au titre des négociations paritaires à venir (1,6 milliard d'euros). En effet, ces négociations ne devraient avoir lieu que dans le courant de l'année 2017, ce qui ne permet pas d'anticiper un effet significatif sur le solde 2017 de l'Unédic.

Il existe également de fortes incertitudes sur la réalisation des économies de grande ampleur prévues au titre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Par rapport au programme de stabilité, le taux d'évolution de l'objectif a été relevé pour 2017, de 1,75 % à 2,1 %, mais ce relèvement ne couvre pas l'ensemble des dépenses nouvelles décidées au cours des derniers mois (augmentations tarifaires de la nouvelle convention médicale, hausse du point d'indice dans la fonction publique, protocole de parcours professionnels, carrières et rémunérations). Sa réalisation suppose donc un montant d'économies très élevé (4,1 milliards d'euros), significativement plus élevé en tout cas que les trois années précédentes, dont la réalisation complète est incertaine.

Des incertitudes pèsent également sur l'évolution des dépenses de l'État et des collectivités territoriales dont la dynamique sera notamment soutenue par les facteurs d'accélération de la masse salariale. Enfin, les recapitalisations annoncées des entreprises publiques du secteur énergétique pourraient alourdir le solde public en 2017. À ces risques s'ajoutent ceux portant sur les prévisions de recettes du fait des hypothèses économiques favorables retenues dans le projet de loi de finances.

En conséquence, le Haut Conseil estime improbables les réductions des déficits prévues par le projet de loi de finances pour 2017 (de - 1,6 point du PIB à - 1,1 point pour le solde structurel, de - 3,3 points à - 2,7 points pour le solde nominal). Sur la base des informations dont il dispose, il considère comme incertain le retour en 2017 du déficit nominal sous le seuil de 3 % du PIB.

Le Haut Conseil relève par ailleurs que le remplacement des baisses d'impôts portant sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et l'impôt sur les sociétés, par des crédits d'impôt, afin de financer une partie des dépenses supplémentaires annoncées pour 2017, conduit à reporter sur le solde 2018 l'impact de ces baisses de recettes. Les dépenses supplémentaires étant pérennes, ce choix fragilise la trajectoire de finances publiques à compter de 2018 et le respect de l'objectif de solde structurel à moyen terme.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il y a eu des fuites dans la presse, signe qu'en cette période électorale l'avis du Haut Conseil est regardé avec une grande attention. Chacun a noté, d'ailleurs, que le ton avait changé : le Haut Conseil ne se contente plus de qualifier les prévisions « d'optimistes », il considère que certaines économies envisagées sont « irréalistes » et que le scénario de réduction du déficit du Gouvernement est « improbable ». Voilà qui est nouveau !

Vous soulignez l'existence de nombreux risques qui pèsent sur les recettes et les dépenses. Le Haut Conseil les a-t-il quantifiés ?

Le Gouvernement a annoncé de nombreuses baisses d'impôts dont l'effet se fera sentir principalement en 2018, à l'image du remplacement de la baisse des charges sur les entreprises en un crédit d'impôt, ce qui repousse la charge sur le budget d'un an. Ces moindres recettes dégraderont la situation budgétaire en 2018 et viendront s'ajouter aux dépenses supplémentaires annoncées. Dans quelle mesure ces différents éléments dégraderont-ils le solde public l'an prochain ?

Enfin avez-vous pris en compte le risque lié aux contentieux, comme par exemple celui relatif à la contribution sociale généralisée (CSG) ?

M. Didier Migaud . - Le ton a changé, certes, mais la campagne électorale n'y est pour rien. Le Haut Conseil ne s'exprime pas en fonction des échéances électorales. Le supposer est infâmant. Simplement, les incertitudes nous paraissent aujourd'hui plus élevées que les années précédentes. Le Haut Conseil émet des avis techniques, non politiques. Il est constitué de personnalités de sensibilités diverses qui se prononcent en toute objectivité. Dans tous les cas, son avis n'est que consultatif. La décision appartient au Gouvernement et au Parlement. La représentation nationale et le Gouvernement peuvent « s'asseoir dessus », c'est d'ailleurs ce que fait le Gouvernement. Mais il en a tout à fait le droit.

Le Haut Conseil n'a pas les moyens de procéder à des quantifications précises. Nous ne disposons pas d'ailleurs de tous les éléments. Nous constatons toutefois que l'accumulation d'hypothèses optimistes et la sous-estimation de nombreux risques rendent « improbable » l'objectif de réduction du déficit affiché pour 2017. Pour atteindre l'objectif de croissance en 2016, il faudra que la croissance soit forte aux troisième et quatrième trimestres. Il est vrai, toutefois, que les enquêtes de conjoncture sont bonnes. Les prévisions de croissance pour 2017 sont aussi un peu optimistes. Les risques principaux concernent les dépenses : les économies prévues pour l'Unédic, le respect de l'ONDAM, les recapitalisations des entreprises publiques, les tensions sur les dépenses de l'État et des collectivités territoriales, etc. Considérer que l'on réduira le déficit tout en augmentant les dépenses alors que la conjoncture ne s'améliore pas n'est pas une idée intuitive. La marche pour 2017 est haute. Le Haut Conseil est dans son rôle en le disant. « Improbable » ne signifie pas toutefois « impossible ».

Nous travaillons sur la base des informations fournies par Bercy. Le ministère des finances joue le jeu. Mais, en raison de nombreuses contraintes, l'exercice n'est pas simple. Nous n'avons pas identifié tous les risques ; nous ne connaissons d'ailleurs pas dans le détail toutes les mesures contenues dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En tant qu'ancien rapporteur général et ancien président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, je sais d'ailleurs combien le débat parlementaire peut être riche en la matière !

M. François Marc . - Merci pour cet éclairage. La loi organique de 2012 a donné pour mission au Haut Conseil, notamment, d'apprécier la cohérence entre l'article liminaire du projet de loi de finances, d'une part, et la trajectoire pluriannuelle des finances publiques et nos engagements européens, de l'autre. Au regard de cet objectif, votre avis montre que le projet de loi de finances est en cohérence avec nos engagements européens. Il fallait le souligner.

La conjoncture économique est incertaine. Le monde vit sous perfusion des banques centrales et, en dépit de cet assouplissement monétaire massif, la croissance ainsi que l'inflation restent faibles. Qu'en sera-t-il lorsque cette perfusion monétaire cessera ? Quelles sont les estimations du HCFP en ce cas ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Le Haut Conseil des finances publiques ne fait pas de politique - n'est-ce pas, d'ailleurs, une source de frustration de constater que vos remarques, depuis des années, ne sont pas suivies d'effet ? Mais la période électorale vous a certainement conduit à choisir vos mots avec un soin particulier. Je constate en tout cas que vous mettez sérieusement en doute les hypothèses retenues par le Gouvernement. C'est la sincérité du projet de loi de finances pour 2017 qui est en jeu. Pourriez-vous nous en dire plus sur la transformation des baisses d'impôts en crédits d'impôt ? Une telle manoeuvre, qui reporte la charge sur les années suivantes, est lourde de conséquences à la veille d'une élection.

M. André Gattolin . - Nous avions adopté, grâce au soutien de Michèle André, un amendement prévoyant la parité au sein du HCFP. Je constate toutefois que son secrétariat est très masculin... En année électorale les incertitudes sont fortes ; les investisseurs repoussent leurs investissements, les dépenses publiques ont tendance à augmenter, etc. Avez-vous tenu compte de ce risque particulier ?

M. Serge Dassault . - Ne faut-il pas s'inquiéter d'une remontée des taux d'intérêt pour la France en raison de l'importance de la dette et d'une possible dégradation de sa note par les agences de notation ?

Qu'en est-il des 50 milliards d'euros d'économies annoncées à grand renfort de publicité par le Gouvernement ? On a pu constater que les dotations aux collectivités territoriales avaient baissé de 11 milliards, ce qui les met en difficulté. Mais les autres économies promises ont-elles bien été réalisées ? Il me semble que l'on est loin du compte...

M. Éric Bocquet . - L'avis du Haut Conseil est précieux, au même titre que celui de la Commission européenne, des agences de notation, du Fonds monétaire international (FMI), de la Cour des comptes, du Parlement, etc. L'an dernier au Sénat nous avions examiné plus de 600 amendements sur le projet de loi de finances. Au total, nous avons pu modifier celui-ci à hauteur de trois milliards d'euros, soit 0,8 % du budget... Je m'interroge sur la souveraineté du Parlement.

Les quatre plus grandes banques françaises posséderaient dans leurs comptes plus de 75 000 milliards d'euros de produits dérivés. Ces produits ont été au coeur de la crise financière de 2008. Ces chiffres donnent le vertige et révèlent une prise de risque considérable.

La dette est au centre de toutes les préoccupations des économistes et des politiques. Toutefois, je ne comprends pas comment les marchés financiers accepteraient de prêter chaque année 180 milliards d'euros à la France si notre État était réellement au bord de la faillite, comme on nous le répète à longueur de journée... En 2013, les administrations publiques possédaient un actif de 3 094 milliards d'euros et avaient un passif de 2 547 milliards, soit un solde net de 547 milliards. En somme, chaque Français en possède 10 000 euros. Pourquoi passe-t-on sous silence que la dette privée qui a crû plus vite que la dette publique ?

M. Marc Laménie . - L'exercice budgétaire est complexe. La marge de manoeuvre est limitée. Les risques et les aléas nombreux. Le déficit était de 4 % du PIB en 2014. L'objectif est de le réduire à 2,7 % en 2017. Peut-on parler d'une légère amélioration ? Qu'en est-il des hypothèses concernant la masse salariale ? Il n'est pas aisé de la réduire.

Mme Fabienne Keller . - Merci pour votre diagnostic clair. Je salue votre travail de vigilance et d'analyse factuelle. Vous refusez de quantifier les risques. Toutefois, vous évoquez le CICE. Marie-France Beaufils avait montré, dans un rapport publié avant la suspension estivale de nos travaux, que le reste à payer pour les années à venir s'élevait déjà à 20 milliards d'euros. Quel sera le montant du report supplémentaire prévu dans le projet de loi de finances ? Combien coûteront également les augmentations d'effectifs annoncées dans la police, la justice, l'armée, l'Éducation nationale ? Et combien coûtera la hausse du point d'indice de la fonction publique ?

Enfin, que répondez-vous à Michel Sapin qui déclarait, ce matin, que ce qui est « improbable » aujourd'hui sera réalisé demain ?

M. Richard Yung . - Je me réjouis de l'avis du Haut Conseil. Nous avions voulu sa création en 2012 pour éclairer le débat. Sans doute croyions-nous naïvement qu'il existait une réalité objective en matière économique ; en fait la réalité est plus complexe. Utilisons cet avis pour nous aider, sans l'instrumentaliser.

Il me semble que les résultats pour 2016 sont bons. Vous n'avez pas mentionné l'amélioration remarquable du solde de la Sécurité sociale ; nous venons de loin et la tendance se poursuivra l'an prochain. Le déficit public a été réduit de moitié par rapport à 2010 ; ce n'est pas rien ! De même, le déficit de l'État en juillet est inférieur aux prévisions. La tendance est bonne. Le Haut Conseil est toutefois dans son rôle, comme un médecin, en appliquant le principe de précaution.

La Commission européenne a montré qu'elle était capable de juger avec intelligence les budgets, comme elle l'a fait avec l'Espagne et le Portugal récemment, et Jean-Claude Juncker l'a réaffirmé la semaine dernière. Toutefois, un dirigeant de droite a déclaré que la règle des 3 % n'était pas un « mantra ». Évitons les polémiques !

M. Vincent Capo-Canellas . - « Improbable » sera certainement le mot budgétaire de l'année ! Il a une forte valeur pédagogique puisque chacun comprend que les prévisions budgétaires du Gouvernement ont peu de chances de se réaliser. Vous avez réussi à rendre accessible à tous une matière aride. Il est important que l'opinion soit éclairée.

Ce budget est la somme d'hypothèses optimistes. Quel serait, selon vous, le scénario le plus vraisemblable ? Quelle est l'ampleur des réductions de crédits que nous devrions voter pour atténuer les risques ?

M. Maurice Vincent . - Il est incontestable que l'amélioration des comptes est continue et spectaculaire depuis 2012. La question est de savoir à quel rythme elle se poursuivra. Vous avez évoqué le risque de recapitalisations en 2017. Avez-vous toutefois pris en compte d'éventuelles cessions dont les recettes pourraient abonder le compte des participations financières de l'État ? De même les bénéfices de la lutte contre la fraude fiscale sont difficiles à estimer et pourraient être plus élevés que prévus. Ainsi de nouvelles recettes sont envisageables.

Votre rapport m'aurait inquiété si vous aviez estimé que le déficit déraperait fortement, à hauteur de 4,5 % du PIB ou plus. Nous en serons loin ! De plus, dans le contexte économique actuel, serait-il vraiment grave que le Gouvernement ne réussisse pas à tenir l'objectif de 2,7 %, dès lors que l'écart serait d'ampleur limitée ? L'essentiel n'est-il pas de savoir s'adapter à la conjoncture en cas de ralentissement ? Finalement, je trouve ce rapport très encourageant !

M. Éric Doligé . - Ma question portera sur le « Brexit ». En avez-vous tenu compte ? Quel serait l'impact sur notre budget ?

M. Claude Raynal . - Je note votre position nuancée sur l'année 2016 : selon vous, les objectifs du Gouvernement pourront être respectés. C'est bon signe car il a fallu faire face aux attentats, engager des dépenses supplémentaires pour assurer notre sécurité ; il a aussi fallu composer avec le « Brexit ». L'exercice budgétaire, en effet, n'est pas un exercice financier abstrait mais vise à répondre aux attentes de la population.

Vous avez indiqué avec raison que le Haut Conseil ne faisait pas de politique et que son avis n'était pas influencé par les élections. Personne n'accuse le HCFP d'être partisan. Toutefois, votre avis ne tient-il pas compte, implicitement, du climat politique qui règne en France en cette période électorale ? Ne constitue-t-il pas plus généralement, en creux, une mise en garde à l'attention de tous les candidats à l'élection présidentielle ? Il est vrai que certaines annonces auraient de quoi vous inquiéter. Certains annoncent d'ores et déjà un collectif budgétaire. On entend parler de contre-choc fiscal, d'aggravation transitoire du déficit, certains envisageant même de laisser filer le déficit jusqu'à 4,7 %... Votre choix des mots n'est-il pas une mise en garde à l'égard de tous ?

M. Daniel Raoul . - Vous avez employé le terme « improbable ». Mais pour énoncer une probabilité, il faut la quantifier. Votre avis ne le fait pas.

Depuis 2013, date du premier avis du HCFP, la trajectoire pluriannuelle et nos engagements européens ont été respectés. Pourquoi en irait-il différemment en 2017 ? Si le Gouvernement avait retenu une prévision de croissance de 1,3 % et un déficit de 3 %, qu'auriez-vous écrit ?

Mme Michèle André , présidente . - Une dernière question sur le « Brexit » : les instituts de conjoncture ont révisé à la hausse, entre les mois de juin et septembre, leurs prévisions de croissance pour le Royaume-Uni l'année prochaine. Cette donnée ne vient-elle pas relativiser le caractère « optimiste », pour reprendre les termes du Haut Conseil, de l'hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement au titre de l'année 2017 ?

M. Didier Migaud . - Non, Marie-Hélène Des Egaulx, il n'est pas frustrant d'émettre un avis consultatif. Dans une démocratie, il est légitime que le pouvoir de décision revienne aux représentants du suffrage universel. Je ne commenterai pas les propos du ministre. Il y a deux ans, il avait choisi, au nom du principe de prudence, de changer de stratégie en retenant non plus les hypothèses les plus optimistes, mais les hypothèses les plus prudentes. Nous ne pouvons que constater que cette année il s'est écarté du scénario le plus prudent. Dans tous les cas, il appartient au Gouvernement d'élaborer le budget.

Je laisse à chacun le soin de ses interprétations. Le Haut Conseil n'a pas jugé le projet de loi de finances « insincère », il a estimé que le scénario retenu était « improbable ». Ne donnons pas à ces termes un sens qu'ils n'ont pas. Nous n'avons pas souhaité non plus envoyer un message subliminal aux candidats à la présidentielle. Simplement l'effort de réduction du solde budgétaire attendu en 2017 se monte à 0,6 point de PIB contre 0,2 point en 2016. Nous constatons que la marche est plus haute, alors que les risques sont élevés et que le Gouvernement a prévu d'augmenter les dépenses.

La mission du HCFP n'est pas de se prononcer sur différents scénarios hypothétiques, mais sur le scénario choisi par le Gouvernement. Certains croient noter que cette année nous nous sommes davantage attardés sur le déficit nominal que les autres années. C'est faux. Nous avons toujours identifié, dans nos avis, les risques sur les recettes et les dépenses pesant sur le déficit nominal. Notre mission, au regard de la loi organique, est d'apprécier la cohérence du budget, et en particulier de son article liminaire qui fait apparaître le solde effectif et le solde structurel, avec la trajectoire pluriannuelle prévue. Nous ne pouvons pas non plus nous fonder uniquement sur la loi de programmation des finances publiques, car elle a été suivie de programmes de stabilités qui s'en écartent. Nous nous prononçons sur les engagements pris par le Gouvernement, votés par le Parlement. Le HCFP ou la Cour des comptes ne sont pas des organes politiques, à la différence de la Commission européenne, avec laquelle il est possible de négocier pour trouver le meilleur scénario politiquement acceptable.

La hausse à court terme des taux d'intérêt est peu probable. La Réserve fédérale américaine (Fed) hésite à relever ses taux à cause de l'incertitude économique. Le Gouvernement a pris en compte dans son scénario l'hypothèse d'une remontée possible à 1,25 %, contre 0,3 % actuellement. Ce scénario est plutôt prudent. Si la charge liée aux intérêts s'avérait moins lourde, cela dégagerait des marges de manoeuvres budgétaires.

M. Serge Dassault . - La France ne risque-t-elle pas de voir ses taux augmenter ?

M. Didier Migaud . - La France est un grand pays et possède de nombreux atouts. Si la France s'isole en Europe et reste la dernière à ne pas respecter les critères de Maastricht, les taux risqueront de monter et le choc peut être lourd. C'est pourquoi la Cour des comptes et le Haut Conseil appellent à la prudence. Notre endettement a fortement augmenté et le passif des administrations publiques est devenu supérieur à l'actif, sans compter les engagements hors bilan. La Cour des comptes a rendu son rapport sur l'exécution des lois de financement de la sécurité sociale. Les déficits se réduisent mais la situation reste fragile. Les déficits des comptes sociaux sont une anomalie : il s'agit de dépenses courantes financées par emprunt, donc au détriment des générations futures. La France est une exception dans le monde. L'équilibre des comptes est le gage de la pérennité du système. Sinon, à force de déremboursements, l'accès aux soins pour tous sera compromis. C'est déjà le cas pour les soins bucco-dentaires.

Le Haut Conseil ne souhaite pas faire de quantifications. Il n'a pas les moyens de le faire avec précision, mais rien n'empêche le Parlement de le faire, sur la base des risques que nous avons identifiés.

Les recettes de cessions éventuelles n'améliorent pas le déficit au sens des critères maastrichtiens. Les conséquences du « Brexit » sont difficiles à évaluer ; pour le moment elles sont très réduites. L'impact se fera peut-être sentir à partir de 2017. Le Gouvernement fait l'hypothèse d'une perte de croissance d'un quart de point, estimation identique à celle de la Commission européenne ou du FMI. Le risque est mesuré. Le problème pour la France tient à l'addition de tous ces risques qui peut compromettre l'hypothèse d'un déficit à 2,7 % en 2017. Nous n'avons, en revanche, pas exprimé d'inquiétudes sur l'atteinte de l'objectif de 3,3 % de déficit en 2016.

Cet avis exprime la conviction des membres du HCFP. Nous avons beaucoup réfléchi et nous assumons le choix de nos mots. Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur les orientations budgétaires souhaitables pour la France ; c'est au pouvoir politique de fixer les objectifs. Notre tâche est simplement de juger s'ils peuvent être atteints ou non. Enfin, nous estimons, en l'état des données, que les reports de charges en 2018 liés aux transformations de baisses d'impôts en crédits d'impôt s'élèvent à environ trois milliards d'euros.

II. AUDITION DE M. CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017 (28 SEPTEMBRE 2016)

Réunie le mercredi 28 septembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de finances pour 2017.

Mme Michèle André , présidente . - Nous recevons Christian Eckert, secrétaire d'État au budget. Michel Sapin est retenu à l'Assemblée nationale pour le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je vous retrouve avec plaisir pour la présentation de ce projet de loi de finances pour 2017, et vous transmets les excuses de Michel Sapin, qui aurait aimé être parmi nous, mais qui est retenu à l'Assemblée nationale pour la seconde lecture de son projet de loi !

Ce plaisir s'accompagne d'une certaine inquiétude : pour ce dernier budget du quinquennat, j'entends déjà certains alimenter les peurs et les fantasmes sur les risques de dérapage de nos finances publiques pendant une année d'élection...

M. Daniel Raoul . - C'est improbable !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je vous présenterai ce budget de la façon la plus factuelle possible pour une discussion apaisée et raisonnable. Le Sénat est l'un des derniers endroits où l'on peut débattre ainsi, avec le sens des responsabilités !

Ce dernier budget de la mandature s'inscrit dans la continuité de notre action : jusqu'au bout, nous remettrons en ordre nos comptes publics. Le déficit repassera sous la barre des 3 % du produit intérieur brut en 2017, pour la première fois depuis 2007, et la dette sera enfin stabilisée. Le déficit budgétaire sera en baisse, d'abord en 2016, avec une révision de plus de 2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, puis en 2017, où il atteindra 69,3 milliards d'euros. Ce projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté vendredi dernier forment un ensemble cohérent, la sécurité sociale reviendra quasiment à l'équilibre, sur les quatre branches du régime général, après quinze ans de déficits récurrents. Nous n'avons pas l'intention de dilapider pendant la dernière année du quinquennat tous les efforts faits depuis quatre ans !

Vous connaissez le scénario macroéconomique qui sous-tend ce budget : une croissance de 1,5 % tant en 2016 qu'en 2017. Avant l'été, ce scénario était estimé très prudent. Depuis le Brexit , alors même qu'aucun économiste n'est capable d'en évaluer l'impact économique pour le Royaume-Uni et encore moins pour la France, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge cette prévision « optimiste ».

Depuis que Michel Sapin et moi-même sommes en fonction à Bercy, nous avons constaté que les prévisions macroéconomiques changent tous les trois mois, à l'arrivée d'une nouvelle information. Le Gouvernement ne peut pas changer les bases de son budget tous les trois mois : il doit garantir la constance et la continuité de sa politique budgétaire. Nous maintenons donc nos prévisions de croissance. Peut-être que dans six mois, les mêmes qui les qualifient aujourd'hui d'optimistes les trouveront à nouveau prudentes ! En 2015, dans une configuration similaire, le Haut Conseil des finances publiques avait fait le même type de remarques, alors que nous avions prévu une croissance de 1 %. Or elle a été constatée à 1,3 % ! Si le passé éclaire l'avenir, nous pouvons regarder l'avenir avec sérénité. Nous avons toujours su prendre les mesures de redressement en cours d'année lorsque les faits nous ont contredits.

Je vous ai promis une présentation factuelle : je vous fournirai donc un certain nombre de chiffres. Mon propos sera austère mais, dans une époque d'incrédulité face à la parole des gouvernants quels qu'ils soient, c'est la condition de sa crédibilité.

Au moment du programme de stabilité, pour atteindre l'objectif de déficit en 2017, il nous fallait prendre 5 milliards d'euros de mesures de redressement en 2017, au-delà des économies déjà prévues.

Puis le Gouvernement a engagé pour 9 milliards d'euros de dépenses nouvelles et de baisses d'impôts - dont personne n'a d'ailleurs contesté la pertinence. Les dépenses de l'État augmentent effectivement par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 en raison des moyens dégagés pour l'école, la sécurité et l'emploi.

Nous voulons un pays où chacun peut accéder au savoir, quelle que soit sa condition sociale. C'est pourquoi l'école et l'enseignement supérieur bénéficieront de 3 milliards d'euros de moyens nouveaux. 11 712 postes seront créés au ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et 950 dans les universités, respectant ainsi les engagements pris par le Président de la République en 2012 de créer 60 000 postes dans l'enseignement sur le quinquennat.

Nous voulons un pays où l'on vit en sécurité. Les crédits supplémentaires en faveur de la sécurité s'élèveront à près de 2 milliards d'euros. Pour la première fois depuis 2009, une loi de programmation militaire est non seulement tenue, mais également révisée pour fournir des moyens nouveaux.

Nous voulons un pays où chacun puisse vivre des fruits de son travail. La mobilisation en faveur de l'emploi, affirmée par le Président à l'occasion de l'annonce du plan d'urgence en faveur de l'emploi en janvier 2016, se traduit par près de 2 milliards d'euros supplémentaires - ces comparaisons étant réalisées de loi de finances initiale à loi de finances initiale.

Nous engageons une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu pour les classes moyennes, avec un nouvel allègement de 1 milliard d'euros - soit au total 6 milliards d'euros d'allégements depuis 2014. C'est une baisse strictement compatible avec notre objectif de déficit public pour 2017, et c'est là une preuve du sérieux de ce budget.

Enfin, la division par deux de l'effort demandé au bloc communal en 2017 sur la trajectoire de la dotation globale de fonctionnement (DGF), le relèvement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 2,1 %, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises (PME) et la baisse de cotisations des indépendants conduisent à un besoin de financement supplémentaire de 9 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité. Nous devions donc trouver un financement à hauteur de 14 milliards d'euros : 5 milliards de mesures de redressement annoncées au moment du programme de stabilité et 9 milliards d'euros de dépenses et baisses d'impôts annoncées depuis.

Je précise le détail de ces mesures de financement - votre commission a l'habitude des chiffres. Ce Gouvernement n'a rien à cacher : ce budget doit être le plus transparent possible pour tuer les fantasmes et les peurs et les portes de Bercy sont ouvertes à tous les commissaires des finances ! Sur le financement, nous avons décidé d'économiser 1,5 milliard d'euros sur les administrations de sécurité sociale (Asso). Je l'ai détaillé vendredi dernier lors de la présentation des comptes de la sécurité sociale : 330 millions d'euros de recettes supplémentaires sont prévues par des réductions de niches sociales, une hausse de l'imposition du tabac à rouler et une imposition des distributeurs de tabacs.

Les mesures annoncées lors du Comité national de lutte contre la fraude et celles prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale conduiront à une hausse de 500 millions d'euros du produit de la lutte contre la fraude aux cotisations et aux prestations sociales : sur un total de 400 milliards d'euros de dépenses et autant de recettes, c'est un objectif atteignable. Des économies supplémentaires de 270 millions d'euros sont attendues sur la gestion des caisses de sécurité sociale et leurs dépenses d'action sociale. Nous attendons de moindres dépenses, à hauteur de 350 millions d'euros, sur certaines réformes qui montent en charge, décidées l'an dernier, en particulier la réforme du capital décès et la nouvelle allocation versée au titre du congé parental.

Sur le champ de l'État, nous prévoyons aussi un ensemble de mesures en recettes, pour un total de 1,3 milliard d'euros. Le point commun de ces mesures est qu'elles produisent une recette en 2017 pour le budget de l'État, par effet de trésorerie, en anticipant le versement de recettes qui auraient été perçues en 2018. Contrairement à ce qui est dit ici ou là, ces mesures n'amputent pas les recettes de 2018, puisqu'en 2018, l'État percevra les recettes qui auraient dû être perçues en 2019. Seuls les contribuables qui auront la patience d'attendre la fin des temps seront donc perdants !

Ces mesures sont les suivantes. Le cinquième acompte d'impôt sur les sociétés sera élargi, pour un rendement de l'ordre de 530 millions d'euros : cette mesure concerne uniquement les 1 000 plus grandes entreprises du pays, qui ont connu la suppression de 3,5 milliards d'euros de la contribution exceptionnelle décidée par la précédente majorité. Le régime d'acompte sur les prélèvements forfaitaires obligatoires (PFO) perçus sur les produits d'épargne sera généralisé : cette mesure produira 380 millions d'euros, elle met à contribution la trésorerie des établissements financiers, et est sans impact sur les épargnants : le PFO est perçu au fil de l'eau par les banques et les assureurs sur les intérêts versés à leurs clients. Ces sommes ne sont versées que périodiquement : à la fin de l'année, cela crée un décalage. Le prélèvement au fil de l'eau - presque du prélèvement à la source - produit un rendement de 380 millions d'euros. C'est une question de trésorerie infra-annuelle et, compte tenu des taux d'intérêt souvent négatifs à court terme, la profession - avec laquelle nous nous sommes concertés - ne souffrira pas de cette mesure. Un acompte sur la majoration de taxe sur les surfaces commerciales sera institué pour 100 millions d'euros. Les modalités de versement de la taxe sur les véhicules de société seront calées sur l'année civile : cette mesure, qui relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, rapportera un peu moins de 200 millions d'euros.

Outre ces mesures portant sur les entreprises, le projet de loi de finances comprend un nouveau mécanisme pour lutter contre les contournements du plafonnement de l'impôt sur la fortune (ISF), dont nous attendons un rendement minimum de 50 millions d'euros.

Nous prendrons également en 2017 des mesures de régulation des dépenses d'investissement d'avenir. Elles réduiront ces dépenses de 1,2 milliard d'euros par rapport à notre prévision du programme de stabilité. Elles sont compatibles avec les prévisions de décaissement des programmes d'investissement d'avenir en cours de finalisation.

Pour financer les dépenses nouvelles de 2017, nous avons pu compter sur certaines bonnes nouvelles : n'en déplaise aux oiseaux de mauvais augure, les bonnes nouvelles existent aussi quand on fait un budget ! Les dépenses de contentieux fiscaux sont, depuis des années, systématiquement inférieures aux prévisions de 1 milliard d'euros, ce qui a permis une révision de 0,7 milliard d'euros. Compte tenu de la baisse des taux d'intérêt, la prévision de charge de la dette est inférieure de 1,2 milliard d'euros à notre prévision d'avril. Les recettes de la lutte contre la fraude sont revues en hausse de 1,9 milliard d'euros, notamment au titre du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), tout en restant globalement prudentes, alors que 0,5 milliard d'euros était prévu initialement. Le STDR finira par se tarir. Mais il se trouve, et personne ne s'en plaindra, que les demandes de régularisation continuent pour le moment d'affluer. Seule la moitié des 45 000 dossiers déposés a été traitée.

Les baisses de dotation aux collectivités territoriales, sujet qui vous est cher, vont diffuser leurs effets sur plusieurs années. Nous le constatons déjà en 2016 : les dépenses des collectivités continuent à augmenter, mais un rythme trois fois inférieur à l'année dernière. Nous attendons 1 milliard d'euros de dépenses locales en moins. La baisse des dotations, lancée en 2014 et fortement amplifiée en 2015, a déclenché de nombreuses réactions. Nombreux sont ceux qui prévoyaient un cataclysme. Certains parlaient de milliers de communes sous tutelle, d'interventions des chambres régionales des comptes, de difficultés. Le réseau d'alerte de la direction générale des finances publiques (DGFiP) - dont les comptables suivent les finances des collectivités territoriales - n'a pas remarqué une augmentation du nombre de communes dans la zone d'alerte. Les recettes des collectivités locales ont continué à progresser. Les nouvelles recettes fiscales ont surcompensé les baisses de dotation pour trois raisons : la révision forfaitaire des bases des valeurs locatives explique un quart de l'augmentation des recettes fiscales ; l'augmentation physique des bases d'imposition - l'augmentation de l'assiette - explique la moitié de l'augmentation du produit fiscal des taxes d'habitation et foncières. Le dernier quart est dû à l'augmentation des taux de fiscalité décidés par une grande minorité des collectivités locales, dans une proportion bien inférieure à ce que l'on observe généralement après un renouvellement des équipes municipales.

Lors du précédent renouvellement, les taux des taxes foncières et d'habitation avaient augmenté de plus de 3 % en moyenne. Cette fois-ci, elles ont augmenté de 1,5 %. Je tiens à votre disposition toutes les études le prouvant. Le Comité des finances locales (CFL), qui s'est réuni hier, ne dit pas autre chose, de même que toutes les autres études issues d'organismes au-delà de tout soupçon - malgré quelques cas particuliers et la situation spécifique des départements. Concernant les départements, nous observons que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) suivent une croissance à deux chiffres - 15 % en 2015. Une augmentation similaire est enregistrée depuis le début de l'année. Certes, les DMTO sont concentrés dans certaines régions, à charge pour le Parlement de décider d'une mutualisation ou d'une péréquation. Le solde en pied de colonne pour les finances publiques en restera inchangé.

Les dépenses de fonctionnement ont décéléré. Nous prévoyons un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel) de 2 %, supérieur à celui de 2016. En 2017, les collectivités devront assumer l'évolution du point d'indice dans la fonction publique territoriale, comme dans la fonction publique d'État ; nous tenons compte de ces facteurs de progression de la masse salariale. Je suis conscient que je raisonne ici sur des moyennes et que certaines collectivités - départements notamment - restent dans une situation fragile. Les travaux se poursuivent. Un fonds de secours de 50 millions d'euros était prévu l'an dernier, nous irons probablement au-delà cette année lors du projet de loi de finances rectificative.

Dernier élément de financement de nos priorités, la réorientation du Pacte de responsabilité et de solidarité libère 5 milliards d'euros de marge en 2017. Selon les règles de la comptabilité nationale, la hausse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) sera enregistrée en 2018. J'entends déjà ceux qui nous reprochent de remettre à plus tard le financement de ces mesures, mais cet impact en 2018 est de même ampleur que la provision pour baisse d'impôts que nous avions prévue dans le budget pluriannuel : dans la dernière loi de programmation des finances publiques, nous avions intégré 5 milliards d'euros de baisses d'impôts en 2018. Ils sont transformés en CICE, avec un impact en 2018 mais aussi en 2017 pour les entreprises - elles imputent leur impôt et leur crédit d'impôt sur l'année d'exercice et non sur l'année de paiement de l'impôt. Au total, 13,8 milliards d'euros de financement couvrent - à 200 millions près, soit l'épaisseur du trait - les 14 milliards d'euros de dépenses nouvelles et de baisses d'impôt décidées depuis le programme de stabilité.

La réforme du prélèvement à la source, point majeur du projet de loi de finances, changera le quotidien de tous nos concitoyens. Nous en avions esquissé les principes l'an dernier, à la même époque. Depuis le début de l'année 2016, nous avons mené des concertations auprès de tous les acteurs - même ceux qui s'en défendent. Le vice-président du Medef a prétendu, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, qu'aucune concertation n'avait été menée. C'est un mensonge ! Le Medef a été reçu par les services de Bercy le 28 septembre et le 18 décembre 2015, le 7 avril et le 10 mai 2016 ainsi que le 22 septembre 2016 avec l'ensemble des organisations socioprofessionnelles d'employeurs. Mon cabinet les a reçus le 31 mars, et j'ai personnellement reçu Geoffroy Roux de Bézieux, de même que Michel Sapin.

Cet organisme a donc été consulté et informé ! Il a mis en avant deux difficultés que nous avons réglées.

Fallait-il un système différent de prélèvement pour le mois de décembre ? Des revenus encaissés en janvier 2018 pourraient-ils être comptabilisés sur l'année 2017 ? L'Insee et le Conseil d'État nous ont rassurés : le traitement du prélèvement à la source devrait être identique en décembre par rapport au reste de l'année, sans changement ni pour les salariés, ni pour les entreprises.

Second point, les sanctions pour les entreprises n'ayant pas correctement reversé les sommes - ayant fait preuve d'agissements discriminatoires - étaient jugées exagérées. Nous avons reconnu que des sanctions existaient déjà, et avons corrigé notre texte en conséquence. Il y a donc eu discussion - certes pas d'accord ni d'enthousiasme... On critique la complexité du prélèvement à la source pour les entreprises. La déclaration sociale nominative (DSN) concerne 800 000 entreprises, et a vocation à être généralisée. Elle donne un confort, une automaticité et une simplicité dans la gestion des cotisations sociales. Désormais, avec les nouveaux logiciels de paie et les experts comptables, le prélèvement des cotisations se fait de façon automatisée. Dans la DSN, un petit morceau du tuyau sera destiné à l'échange, entre la DGFiP et l'employeur, du taux et du produit du prélèvement à la source.

Parfois, les organisations syndicales de Bercy - et il faut les écouter - sous-entendent que le taux de recouvrement de l'impôt, proche de 99 % actuellement, pourrait être dégradé par ce système. La contribution sociale généralisée (CSG), collectée par les Urssaf, a un taux de recouvrement de 99,5 %, supérieur à celui de l'impôt sur le revenu. Monsieur le rapporteur général, si vous le souhaitez, vous pourrez proposer la fusion des Urssaf et de la DGFiP lors de la prochaine campagne électorale et en débattre avec toutes les organisations syndicales. Mais il faudra être volontariste ! Nous avons consulté le Medef et toutes les organisations syndicales, y compris les syndicats de nos services, qui craignent que cela prive la DGFiP de son rôle de recouvrement et de calcul de l'impôt au profit des Urssaf. Nous confirmons la DGFiP dans son rôle de seul interlocuteur des salariés et des employeurs en raison de son savoir-faire : l'impôt, spécifique, ne peut être traité de la même façon que les cotisations sociales.

Quel est l'intérêt du prélèvement à la source pour le contribuable ? Oui, la réforme bénéficiera à tous les Français, et leur permettra de mieux affronter - du point de vue de l'impôt - certains moments importants de leur vie. Saviez-vous que chaque année, 30 % des contribuables voient leurs revenus baisser d'une année sur l'autre et doivent s'acquitter d'un impôt qui ne correspond plus à leur revenu ? Cette baisse est parfois subie - en raison d'une perte d'emploi - ou choisie - pour reprendre une formation ou créer une entreprise - ou tout simplement du fait d'un départ en retraite : 700 000 personnes chaque année se retrouvent à payer l'impôt correspondant aux revenus plus importants perçus l'année précédente, ce qui est inconfortable. Avec le prélèvement à la source, ces changements de situation seront pris en compte immédiatement, puisque le taux de prélèvement sera alors appliqué à des revenus plus faibles.

Saviez-vous que chaque année, 1,2 million de foyers changent de situation personnelle - mariage, pacs, divorce ou décès - et qu'environ 800 000 enfants naissent ? Dans toutes ces situations où les Français veulent être accompagnés, l'impôt ne s'adapte aujourd'hui qu'avec retard. Avec le prélèvement à la source, ces changements pourront être pris en compte dès leur survenance - dans un délai d'un à deux mois. Et cela change tout. C'est dans chacune de ces situations que les contribuables pourront bénéficier de la réforme.

L'État ne réalisera pas un gain de trésorerie « sur le dos des contribuables », comme l'affirment quelques pages de journaux imprudentes... L'État fera une avance de trésorerie aux ménages, qui paieront désormais leur impôt sur 12 mois - au lieu de 10 mois dans le cas de la mensualisation, ce qui concerne un peu moins de 60 % des contribuables, eux-mêmes représentant la moitié des foyers fiscaux - ou en trois fois pour ceux réglant par tiers. Il y a là une amélioration de la trésorerie des contribuables. Et, lors du passage dans le nouveau système, il n'y aura pas de ressaut d'imposition pour les contribuables. Pour ceux qui sont imposés, le taux de prélèvement prendra en compte les abattements habituels tels que les 10 % sur les salaires, et ceux qui ne sont pas imposés et dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 25 000 euros par part seront dispensés du prélèvement à la source. Faire payer pour rembourser ensuite serait idiot.

La réforme sera simple pour les ménages comme pour les entreprises, sans démarche supplémentaire. Oui, il faudra toujours faire une déclaration annuelle, notamment en raison de la familialisation de l'impôt via le foyer fiscal, duquel découle la notion de quotient familial. Cela assurera la progressivité de l'impôt sur le revenu. Je sais que certains sont favorables a contrario à une flat tax , avec un taux identique quel que soit le revenu.

Pour les travailleurs indépendants, il n'y aura pas de problème, au contraire : les acomptes pourront être modulés au cours de l'année, notamment pour ceux ayant des revenus saisonniers. C'est une demande qui nous a été régulièrement faite par les syndicats agricoles, puisque les revenus agricoles sont extrêmement saisonniers et variables. Le prélèvement à la source permettra une adaptation beaucoup plus rapide que les dispositifs actuels.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je ne reviens pas sur le prélèvement à la source, sujet plus complexe qu'il n'y paraît. Nous avons lancé un questionnaire. Beaucoup de questions restent encore en suspens.

Juste avant vous, Didier Migaud nous a rappelé que le Haut Conseil des finances publiques n'avait ni changé de méthode, ni été influencé par le contexte électoral. Cette année, le président du Haut Conseil utilise des termes qui ne nous laissent pas indifférents, évoquant, après une prévision de croissance « optimiste », un objectif de déficit public de 2,7 % du PIB « improbable ». Lorsqu'il évoque une atteinte de l'objectif de 3 % « incertain » et des « économies irréalistes », cela nous interroge. Et nous sommes dubitatifs lorsqu'il estime que le Gouvernement « s'assied sur l'avis du HCFP ». La marche de réduction de 0,6 point du déficit en 2017 est beaucoup plus élevée que d'habitude et est plus difficile à atteindre avec des dépenses nouvelles et une croissance faible.

Sur le plan des dépenses, on observe que le Gouvernement a renoncé à respecter sa norme de dépenses. En outre, le projet de loi de finances prévoit une augmentation de 14 000 postes de fonctionnaires. Certes il y a des priorités comme la sécurité, mais hors la création de postes pour lutter contre le terrorisme et l'actualisation de la loi de programmation militaire, 2 684 effectifs supplémentaires sont prévus en 2017. Le Gouvernement a-t-il également renoncé à maîtriser sa masse salariale et ses effectifs ?

Quant à la fiscalité, certes l'impôt sur les sociétés est réduit, le taux du CICE augmente, mais les effets se feront sentir surtout après 2017. Pouvez-vous nous préciser le coût budgétaire de ces annonces en 2017, 2018 et 2019 ? Certaines mesures de trésorerie - selon vous, sans impact réel - augmenteront l'impôt payé en 2017, sans réduire pour autant celui de 2018. Ces mesures grèveront les capacités de financement des entreprises.

Comment boucler le budget pour respecter les 3 % de déficit, sans toucher au taux de prélèvements obligatoires ? J'ai été étonné en lisant votre document ce matin. Certaines mesures ne sont pas annoncées. Sont-elles prévues dans le projet de loi de finances rectificative ? Vous nous avez répondu pour les départements, mais quid des régions ? Demain se tiendra le congrès de l'Association des régions de France (ARF). Vous leur promettez 350 millions d'euros en leur affectant une part de TVA, plus 200 millions d'euros pour les départements. Concrètement, cela se fera-t-il par un amendement au projet de loi de finances ou dans le projet de loi de finances rectificative ? Si c'est une allocation de part de TVA, de quel montant, et pourquoi n'est-ce pas dans la loi de finances initiale ? Est-ce toujours en débat ?

Vous avez prévu 100 millions d'euros de provisions pour le contentieux dit « de Ruyter » relatif au paiement de la CSG par les non-résidents - dont les effets sont plutôt de plusieurs centaines de millions d'euros. Certains contribuables saisissent en masse les tribunaux administratifs, avec des intérêts qui courent - c'est le meilleur placement, avec un taux de rendement de 4,8 % ! Cela coûte très cher au budget de l'État, car à la suite de l'arrêt du Conseil d'État, il faudra rembourser ces contribuables. Pourquoi le projet de loi de finances ne comprend aucune disposition à ce sujet ?

Nous avons examiné ce matin un projet de décret d'avance pour financer 150 000 nouveaux contrats aidés, prévus par une simple circulaire, sans aucune annonce gouvernementale. En 2016 étaient annoncés 295 000 contrats aidés, 280 000 dans le projet de loi de finances 2017. Pourquoi alors proposer 150 000 contrats aidés dans un décret d'avance ? Il y a une sous-budgétisation de certaines dépenses, comme l'hébergement d'urgence, les contentieux communautaires ou pour les collectivités territoriales...

Conservez-vous l'évaluation forfaitaire des dépenses en 2017 pour le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) ? Plusieurs recapitalisations ont été annoncées, notamment dans le secteur de l'énergie. De nombreuses annonces auront un impact en 2017 et après.

Vous avez renoncé à respecter la norme de dépenses - autrefois l'alpha et l'oméga - et certaines dépenses ne sont pas budgétées à ce jour. Pouvez-vous nous apporter des précisions et nous rassurer après l'audition de Didier Migaud ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Monsieur le rapporteur général, il est un peu facile d'affirmer de manière péremptoire que la mise en place du prélèvement à la source se révèle plus complexe que prévu. La moitié des contribuables ne sont pas imposés sur le revenu : ils ne paieront pas de prélèvement à la source. Et 95 % des contribuables ont un taux d'imposition compris entre 0 % et 10 %. Bien sûr, vous trouverez toujours un mouton à cinq pattes : celui qui sera salarié en France, payé par une entreprise turque, qui percevra des revenus fonciers sur un bien situé en Hollande, et des taux d'intérêts sur ses participations dans une entreprise. Sans compter que les situations au sein du foyer fiscal peuvent être très différentes. Il y aura toujours une minorité de cas exceptionnels, mais restons sereins : 95 % et même davantage des situations sont simples.

Quant à celles qui posent problème, nous sommes tout à fait prêts à en parler. Prenons le cas des travailleurs frontaliers ou plutôt des expatriés. Certaines situations sont aujourd'hui aberrantes. Quelqu'un qui part travailler dans un pays où le prélèvement se fait à la source - autant dire la plupart des pays du monde, et pour certains depuis un demi-siècle - commencera par payer une année double : l'impôt sur les revenus de l'année précédente en France, auquel s'ajoute le prélèvement à la source des pays d'expatriation. Imaginons qu'il revienne en France : il bénéficiera d'une année blanche. Toutes les situations existent. Nous les avons traitées, y compris celle des personnes qui décéderont en 2017 ou en 2018. L'un de vos collègues députés a refait l'historique des gouvernements qui s'étaient engagés à mettre en place le prélèvement à la source, qu'ils soient de droite ou de gauche, de Michel Debré à Valéry Giscard d'Estaing, ou à Thierry Breton, qui avait dit : « Il suffira d'appuyer sur un bouton ». Nous travaillons sur le sujet depuis plusieurs mois, dans un esprit de concertation, et nous sommes parvenus à un dispositif satisfaisant. Votre collègue Christian Jacob, président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, m'a vexé en parlant de « fumisterie ».

Je n'ai jamais prétendu que le prélèvement à la source était autre chose qu'une modalité de recouvrement. Nous avons mené une consultation large : France Générosités, la Fondation Abbé Pierre, les Restos du Coeur, les experts comptables, les éditeurs de logiciels de paie, les assistantes maternelles... Le Conseil d'État a validé l'ensemble des principes de notre dispositif. Par conséquent, je trouve un peu facile de dire que l'affaire est plus complexe que nous l'avions envisagée. Je n'ai jamais prétendu que ce serait simple. Au contraire, je n'ai cessé de répéter que la mise en place du prélèvement à la source était comme l'ascension de l'Himalaya, avec des camps de base à passer les uns après les autres.

Nous ne nous sommes pas assis sur l'avis du HCFP. Cet avis sert au Conseil d'État et éventuellement au Conseil constitutionnel pour apprécier la sincérité du projet de loi de finances ou de la loi de finances, une fois qu'elle est adoptée. Sans trahir de secret, puisque tout est publié dans la presse avec deux jours d'avance, je me permettrai moi aussi de rendre public l'avis du Conseil d'État sur cette question de sincérité, avis du HCFP à l'appui. Bien sûr, nous sommes en désaccord sur certains points ; n'allons pas trop loin.

Quant au nombre de postes, nous avions annoncé l'année dernière que les événements liés au terrorisme, mais aussi les interventions de nos forces armées à l'extérieur (Opex), à Alep, ou au Mali, ont nécessité une inversion de nos prévisions. Au ministère de la défense, la trajectoire prévoyait 7 500 emplois en moins. Nous sommes passés à 2 500 emplois supplémentaires, soit 10 000 emplois créés. Hors défense, nous diminuons les effectifs de 5 250. Si vous enlevez les ministères dits prioritaires, vous constaterez une diminution des effectifs dans la fonction publique sur l'ensemble du quinquennat. Il serait faux de prétendre que nous avons diminué les effectifs de l'État, tant sur le projet de loi de finances pour 2017 que sur l'ensemble du mandat. Mais, si l'on exclut les priorités auxquelles nous avons dû faire face - et je n'ai pas parlé de la police, de la gendarmerie ou de la justice - tous les ministères ont réduit leurs effectifs, et celui des finances n'a aucune leçon à recevoir sur ce point : 1 540 fonctionnaires en moins contre 2 000 les années précédentes.

J'aimerais connaître votre position : êtes-vous favorable à ce qu'une fraction de la TVA soit attribuée aux régions ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le projet de loi de finances doit refléter toutes les dépenses.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Vous savez que cette mesure n'y figure pas. On en parle dans la presse, mais la décision n'est pas prise. Vous devriez être fixé d'ici 24 heures. Y êtes-vous favorable ou non ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est une dépense en plus dans le projet de loi de finances.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je peux refaire l'historique, car j'ai participé à la plupart des réunions entre Philippe Richert et Manuel Valls sur le sujet. Philippe Richert avait accepté, presque avec enthousiasme, la taxe spéciale d'équipement régional (TSER). Il a suffi que Xavier Bertrand et quelques autres manifestent leur désaccord, pour qu'il n'en voie plus que les défauts. D'autres propositions sont en cours de discussion. Hier encore, Philippe Richert et le bureau de l'Association des régions de France (ARF) ont rencontré le Premier ministre. Rien n'est tranché et rien n'est inscrit dans le projet de loi de finances. Nous introduirons bien entendu les amendements nécessaires, le cas échéant. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a pour habitude de toujours gager les mesures nouvelles qui coûtent de l'argent.

Encore une fois, êtes-vous favorable à ce qu'une fraction de la TVA soit attribuée à des collectivités locales ? La demande de l'ARF, qui n'est pourtant pas dominée par la gauche, était que nous remplacions les 4,5 milliards d'euros de DGF par l'équivalent de TVA, soit 3 % des 170 milliards d'euros qu'elle représente. Je n'ai pas entendu beaucoup de voix s'élever pour prendre parti sur cette demande. J'ai mon point de vue personnel, mais je laisserai le Premier ministre s'exprimer sur le sujet. Nous devrions être fixés très rapidement. Il serait intéressant de connaître le point de vue des sénateurs.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est une mesure contradictoire.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Donnez votre point de vue ! Si les régions ont besoin de 600 millions d'euros pour assumer les compétences économiques que les départements n'assurent plus, le raisonnement basique voudrait qu'on ait 600 millions d'euros en moins de l'autre côté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ce n'est pas le sens de la réforme.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Vous pouvez ne pas être d'accord. Donnez votre point de vue. Les départements dépensaient 600 millions d'euros pour exercer des compétences économiques qui ont désormais échu aux régions. Voilà d'où vient ce chiffre. Je connais les difficultés auxquelles les départements sont confrontés, l'effet de ciseau du RSA ou des allocations individuelles de solidarité (AIS), par exemple. Je n'oppose pas les uns aux autres. Cependant, comme secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, je me dois d'avoir une vision globale et de répondre aux inquiétudes de Didier Migaud et de quelques autres.

Si le contentieux « de Ruyter » est bien connu, ce sont surtout les contentieux « OPCVM » et « précompte mobilier » qui auraient dû conduire à prévoir des décaissements. N'en parlons pas trop. L'affaire de Ruyter n'est peut-être pas un grand succès. Ce qui est sûr, c'est que les contentieux « OPCVM » et « précompte mobilier » nous coûtent beaucoup plus cher. Vous vous êtes exprimé sur ce sujet. On m'a rapporté que vous aviez donné un avis défavorable au décret d'avance.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il n'y avait pas d'imprévisibilité de la dépense.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je vous répondrai quand j'aurai lu précisément votre avis.

Quant au cinquième acompte, c'est évidemment une mesure qui vise à optimiser les choses. Créé en 2006, il a fait l'objet d'une majoration à l'automne 2011, dans des conditions difficiles. Nous n'avons donc rien inventé, même si cela n'excuse pas tout. Nous l'utilisons de la manière la plus optimale. Cela concerne 1 000 entreprises et vos collègues députés n'ont rien trouvé là de scandaleux.

Le HCFP a mis l'accent sur le compte spécial « Participations financières de l'État » (CAS PFE). Beaucoup parlent d'un besoin de recapitalisation des entreprises, particulièrement de deux grands groupes. Nous sommes en discussion avec les investisseurs et avec la Commission européenne pour savoir comment répondre aux besoins avérés de ces entreprises. Les journaux jettent des chiffres. Il s'agit d'entreprises cotées en bourse. À ce stade de la discussion, les enjeux sont trop importants pour que l'État puisse en dire plus. Nous ne pouvons pas anticiper des décisions que nous ne connaissons pas, et encore moins inscrire des dépenses précises dans le projet de loi de finances. La Commission européenne ne nous a pas encore dit quelle part serait comptée dans le déficit maastrichtien, ou quelle part serait comptée comme une participation aux entreprises. J'observe cependant que nous avons prévu un CAS PFE en excédent de 1 milliard d'euros à la fin de l'année 2016, prévision que nous tiendrons. Nous avons également prévu - et c'est exceptionnel - un CAS PFE non pas à l'équilibre, mais en déficit d'1,5 milliard d'euros en 2017. Traditionnellement le CAS PFE couvre 5 milliards d'euros de dépenses et autant de recettes. En l'occurrence, nous avons porté les dépenses à 6,5 milliards d'euros. Je n'en dis pas plus. Vous savez faire des additions algébriques. Personne ne pourra dire que nous n'avons pas été prévoyants.

M. Vincent Delahaye . - Le service de communication de Bercy est toujours excellent. Présenter un projet de budget pour 2017 comme celui du quinquennat où l'effort de réduction du déficit sera le plus important, alors que ce déficit passe de 69,9 à 69,3 milliards d'euros : c'est un tour de passe-passe remarquable qui mérite des félicitations.

En 2017, on enregistrera le record des dépenses de l'État à 380 milliards d'euros. Il faut en parler au tiers des Français qui voient leurs revenus baisser. S'il y a une crise, elle ne touche pas l'État. Pourquoi ce record ? On laisse filer un certain nombre de dépenses, puisque 21 des missions que vous nous présentez ont un budget en hausse contre seulement 8 en baisse. On sent l'influence de la période préélectorale. Vous vous vantez d'avoir ralenti la progression des dépenses. Pourrait-on comparer cette courbe avec celle du ralentissement de l'inflation ? Pour une inflation à 0,1 % en 2016, les dépenses de l'État ont augmenté de 2 %. J'imagine que la situation est différente lorsque l'inflation est à 2 %.

L'année 2017 est aussi celle du record du produit de l'impôt sur le revenu, à 73,4 milliards d'euros soit 13,9 milliards de plus qu'en 2012. Cela signifie que ceux qui paient des impôts en paient toujours plus, le barème de l'impôt sur le revenu étant revu en fonction de l'inflation. Quand l'inflation est à 0,1 %, ce barème bouge très peu, alors que la masse salariale a tendance à augmenter nettement plus. Ne faudrait-il pas faire évoluer ce barème en fonction de la masse salariale ? Ne pas le faire reviendrait à imposer une pression fiscale supplémentaire aux salariés.

Autre record, celui de la TVA, à 149,4 milliards d'euros, soit 4,8 milliards de plus que l'an dernier ou 3,3 % d'augmentation. Comment justifiez-vous ces prévisions optimistes nettement supérieures à la croissance ? Quels éléments nous laissent envisager une augmentation de la TVA de 5 milliards d'euros l'an prochain ? Je suis surpris par ces chiffres.

Enfin, le service de communication de Bercy fait également très fort en nous présentant la baisse des dotations comme vertueuse pour les collectivités territoriales, qui ont pu dégager des moyens d'investir en diminuant leurs dépenses de fonctionnement. Je serais ravi qu'on puisse appliquer la même procédure aux services de l'État. Depuis 2014, on aura quand même prélevé 27 milliards d'euros sur les collectivités, en cumulé. C'est moins que les 28 milliards prévus. On peut saluer ce petit effort très relatif d'un milliard d'euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - C'est un peu facile de parler en cumulé.

M. Vincent Delahaye . - Vous faites un geste en 2017, à la fin du quinquennat, alors que l'effort des collectivités porte depuis 2014. Il est normal de considérer le cumulé. Faut-il maintenir le montant de l'an dernier sur la péréquation communale ou bien le faire progresser ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Le HCFP avait qualifié votre scénario de croissance d'optimiste. Pour autant, il a aussi estimé que l'objectif de déficit à 2,7 % était improbable et que l'ensemble des hypothèses de construction du budget étaient systématiquement regardées sous un angle favorable, en privilégiant la fourchette haute plutôt que la fourchette basse. Globalement, l'ampleur de la marge est importante, avec un déficit à réduire de 0,6 % de PIB. N'y a-t-il pas un paradoxe à être moins volontariste dans les dépenses, mais davantage dans la réduction du déficit, alors que les conditions macro-économiques ne sont pas en voie d'amélioration notable ?

On entend beaucoup parler de la baisse d'impôts d'un milliard d'euros. Ne croyez-vous pas qu'elle reste très relative à l'aune de la situation de départ ? D'autant que les classes moyennes et supérieures continuent de subir des prélèvements à hauteur de 20 milliards d'euros.

Enfin, on vous fait le procès d'une débudgétisation qui serait effectuée soit par transfert sur 2018 d'environ 10 milliards d'euros, soit par minoration des dépenses en 2017. Pourriez-vous nous préciser la situation ?

M. Yannick Botrel . - S'agissant du rétablissement des comptes publics, vous avez rappelé que nos concitoyens avaient livré beaucoup d'efforts dans un contexte difficile et singulièrement évolutif. Vous avez mentionné les événements liés au terrorisme et les opérations extérieures de nos forces armées qui ont nécessité un effort budgétaire particulier de l'État. Dans ce contexte, les déclarations préélectorales de certains candidats potentiels jettent le trouble dans l'esprit de nos concitoyens, en laissant entendre qu'il serait tout à fait possible de laisser courir les comptes publics en abandonnant toute rigueur par rapport au déficit budgétaire. C'est bien sûr un jeu risqué.

Vous avez mentionné la baisse des dotations aux collectivités en apportant un éclairage utile sur l'évolution favorable des ressources de certaines d'entre elles. Sur le terrain, un certain nombre d'élus locaux attendaient la réforme de la DGF. Nous avons appris, hier, qu'elle était désormais différée selon l'avis du comité des finances locales (CFL). L'an dernier, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) avaient été renforcés, ce qui avait contribué à financer des projets au niveau du bloc communal. Cet effort sera-t-il poursuivi et renforcé, le cas échéant?

M. Serge Dassault . - Je ne contesterai pas vos chiffres. L'avenir parlera. Vous avez réduit d'un coup de baguette magique les dotations aux collectivités territoriales, et singulièrement aux départements, et vous avez augmenté dans le même temps et dans une proportion non négligeable les dépenses de RSA que les départements sont tenus de financer, alors que cette charge devrait revenir à l'État.

Le CICE réduit les charges, certes, mais il sera financé par des emprunts ! Le budget n'est toujours pas à l'équilibre et cela conduira à augmenter la dette.

Le prélèvement à la source me paraît difficilement applicable, même si sa mise en place est tout à fait souhaitable. La CSG restera-t-elle à 8 % ? Y aura-t-il une année blanche ? Le calcul de l'impôt ne risque-t-il pas d'être revu à la hausse pour l'ensemble des contribuables ? Sans compter les complications pour les entreprises qui devront calculer la contribution de chacun de leurs salariés.

Mme Marie-France Beaufils . - Ce budget s'inscrit dans la continuité des orientations définies les années précédentes, notamment en matière de réduction de la dépense publique. Vous avez cependant augmenté le budget de certains secteurs qui le nécessitaient, comme l'Éducation nationale qui a vu ses effectifs augmenter, et je m'en félicite. Tout en reconnaissant que les collectivités ont pleinement participé au redressement des finances publiques - vous l'avez dit, hier, au comité des finances locales - vous leur demandez de contribuer à nouveau à hauteur d'un milliard d'euros à la réduction de cette dépense. Il aurait été intéressant de mener une analyse précise sur les réductions de services effectuées dans les collectivités territoriales depuis plusieurs années. Nous ne disposons pas non plus d'éléments sur les conséquences sur les entreprises partenaires des collectivités. Et rien sur la baisse de l'investissement. Nous payons le redressement du pays au prix fort. Peut-être faudrait-il revoir la stratégie de création d'emplois en France ?

Vincent Delahaye a mentionné l'augmentation forte de l'impôt sur le revenu sans faire cas de l'évolution de l'impôt sur les sociétés qui diminue considérablement, puisque l'on est passé de 55,3 milliards d'euros en 2012 à 33,5 milliards d'euros cette année. C'est inquiétant et il faudrait mesurer en quoi les 40 milliards d'euros d'aides aux entreprises prévus dans le budget sont au service de l'emploi et de la production. La moitié du montant correspond au CICE. Certes, cela contribuera à donner des marges de manoeuvre aux entreprises. Cependant, si les petites entreprises qui ont sollicité le préfinancement ont utilisé cet argent pour compenser leurs fragilités et conserver leurs emplois, la plupart des sociétés n'ont fait qu'intégrer le CICE dans leur résultat, sans effet palpable sur l'emploi ou l'investissement. D'où la nécessité de préciser l'analyse des résultats du CICE avant de prendre la décision d'en augmenter le taux.

Quant au prélèvement à la source, vous savez déjà que je n'y suis pas favorable.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Vous faites preuve d'un optimisme d'autant plus inquiétant qu'il est décrédibilisé par l'avis de HCFP où figurent tous les éléments qui attestent l'insincérité du projet de loi de finances pour 2017. Dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables » dont je suis rapporteur spécial, j'ai constaté une augmentation du budget alloué à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), soit 400 millions d'euros supplémentaires, ce qui est une bonne chose. En revanche, le compte n'y est pas, puisque la Cour des comptes a fixé un pic très important pour l'Afitf entre 2017 et 2019, de sorte qu'il faudrait entre 1,6 milliard et 4,7 milliards d'euros supplémentaires. Par conséquent, si l'on veut que l'Afitf tienne les engagements souscrits, il faudrait que son budget pour 2017 soit a minima de 2,8 milliards d'euros. C'est plus que les 2,2 milliards d'euros prévus.

En ce qui concerne le prélèvement à la source, les mesures d'application semblent s'écarter de l'objectif fixé, à savoir payer l'impôt l'année du revenu. C'est ce point qu'il faut travailler, car c'est un avantage concret auxquels nos concitoyens sont sensibles.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je ne comprends pas bien votre analyse : en quoi s'éloigne-t-on de la vocation première du prélèvement à la source qui est de rapprocher le moment où l'on paie l'impôt de celui où l'on perçoit le revenu ? C'est exactement ce que nous faisons. Cependant, pour conserver les principes intangibles de la familialisation et de la progressivité de l'impôt sur le revenu, il faudra une régularisation. D'autres pays l'ont fait, comme l'Allemagne, dans des conditions beaucoup plus défavorables que ce que nous proposons dans ce texte.

Monsieur Delahaye, je ne partage absolument pas votre analyse.

M. Vincent Delahaye . - C'est dommage.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je transmettrai vos félicitations au service de communication de Bercy et également à mon cabinet qui en général se charge de gérer la communication sur ce type de sujet.

Vous avez raison de constater que le déficit de l'État se réduit peu. En revanche, votre comparaison avec les collectivités locales, ne me semble pas justifiée, même si elle est légitime. En effet, chaque fois qu'une décision est prise, notamment sur les questions d'allègement de cotisations, l'État compense à la Sécurité sociale les diminutions de recettes ou les augmentations de dépenses. La prise en charge des exonérations de cotisations représente aujourd'hui un manque à gagner de 30 milliards d'euros dans le budget de l'État. Rien de nouveau à cela. Chaque année, nous discutons de ce sujet avec la ministre des affaires sociales et de la santé.

Même si l'on prend en compte le fonds de solidarité vieillesse (FSV), on constatera que le déficit de la Sécurité sociale a été considérablement réduit. De 17,5 milliards d'euros, il y a cinq ans, il est passé à 0,4 milliard d'euros cette année. En cinq ans le déficit du FSV ne s'est pas non plus accru. À tout le moins, il aura bougé de 500 millions d'euros. Nous ne pouvons que nous réjouir de ces 17 milliards d'euros de déficit en moins. Nous acceptons même d'en partager la paternité, puisqu'une partie du redressement du régime général des retraites est liée à la réforme de 2010. La réforme de 2013 y a également contribué. Bien sûr, l'ONDAM n'a pas évolué de la même manière et la situation risque de s'aggraver dans les prochaines années. Il faudra y faire face, car les dépenses pèsent surtout sur la sphère sociale. Je rends grâce à la ministre, à ses équipes et à l'ensemble du personnel soignant d'avoir réussi à diminuer le déficit de la Sécurité sociale. Cependant, cette évolution s'est faite au détriment de l'État, de sorte que si nous n'avions pas compensé les allègements de cotisations, le déficit de l'État serait réduit de 30 milliards d'euros, alors qu'il tourne aujourd'hui autour des 70 milliards.

C'est un vrai débat. Lorsque nous majorons le point d'indice et que nous mettons en oeuvre le protocole « parcours professionnel, carrières et rémunérations » (PPCR), les recettes de cotisations sociales augmentent aussitôt et c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le déficit de la Sécurité sociale se réduit à un rythme soutenu.

J'assume et je maintiens que la baisse des dotations de l'État a conduit les collectivités territoriales à ralentir - le mot est sans doute trop faible - leurs dépenses de fonctionnement. A Marie-France Beaufils, je dirais que certains peuvent le regretter mais que d'autres s'en réjouissent. Je ne comprends pas comment vous pouvez accuser l'État d'augmenter ses dépenses de fonctionnement - ce qui est pour le moins inexact - sans faire cas des collectivités locales qui en font autant. Est-ce à dire que les dépenses des collectivités locales sont par nature vertueuses, tandis que celles de l'État seraient par nature scandaleuses ? Je crois plutôt qu'un mouvement global est enclenché qui produit des résultats sur l'ensemble des déficits.

Entre 2012 et 2017, l'impôt sur le revenu a progressé de 13,9 milliards d'euros, dont 5,1 milliards d'euros sont dus à des mesures de périmètre : disparition de la prime pour l'emploi qui diminuait l'impôt sur le revenu de 2,1 milliards d'euros, intégration du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) à l'impôt sur le revenu pour une recette supplémentaire de 3 milliards d'euros. Il y a peut-être eu un déplacement, mais pas un accroissement de la charge. Quant au reste, on constate 2,8 milliards d'euros de diminution liée à des mesures décidées après mai 2012 et 5,5 milliards d'euros en lien avec les mesures décidées avant mai 2012, auxquels s'ajoutent 6,2 milliards d'euros d'évolution spontanée. Vous l'avez dit, la masse salariale augmente mécaniquement, et même si l'on augmente le barème en proportion, le produit en euros augmente. Inutile de préciser que le gel du barème n'est pas une invention de la gauche. Par conséquent, sur les 13,9 milliards d'euros d'augmentation du produit de l'impôt sur le revenu, décomposé entre les 5,1 milliards de mesures de périmètre et les 6,2 milliards d'évolution spontanée, il reste, je vous l'accorde, quelques milliards d'euros dont il est difficile d'évaluer s'ils sont dus à des mesures décidées avant ou après mai 2012.

Je ne conteste pas qu'il y ait eu des déplacements par déciles, avec une baisse de l'impôt sur le revenu sur les six ou sept premiers déciles et une augmentation sur le dernier décile.

La TVA augmentera effectivement de 5 milliards d'euros. La consommation des ménages augmentera de 1,6 %. L'immobilier devrait repartir, avec une progression des achats de logements qui produisent des taux de TVA importants. L'État a également récupéré une part de TVA affectée à la Sécurité sociale grâce aux tuyauteries qu'il a mises en place avec elle.

Quant au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), nous avons prévu de ne pas l'augmenter. C'est un vieux débat qui oppose les Franciliens au reste du pays. Chacun pourra s'exprimer sur le sujet.

Pour ce qui est du HCFP, je voudrais rappeler qu'il avait jugé impossible à tenir notre prévision de déficit public à 4,3 %, en 2015. Nous avons fait 3,5 %. Cherchez l'erreur. Je ne me réjouis pas de cette erreur de jugement. Cependant, le HCFP n'est pas le seul référent en matière de prévisions, qu'il s'agisse du déficit ou de la croissance.

Vincent Capo-Canellas, la loi de programmation des finances publiques votée par le Parlement prévoyait une réduction d'impôts de 5 milliards d'euros en 2018. C'est cette somme que nous transférons par la majoration du CICE et par la mesure de réduction de l'impôt - crédit d'impôts sur les salariés à domicile. J'observe que personne n'a suggéré que nous supprimions cette mesure.

Marie-Hélène Des Esgaulx, vous avez parfaitement le droit d'estimer qu'il faudrait 400 millions d'euros supplémentaires pour l'Afitf. C'est une augmentation des dépenses que vous suggérez, car vous la croyez nécessaire. Cependant, comment faire si l'objectif est de faire 100 voire 150 milliards d'euros d'économies sur la durée du mandat ? Et comment pouvez-vous trouver scandaleux et ignoble que nous proposions des réductions de dépenses ? J'attends toujours de connaître la position du rapporteur général sur l'affectation de la TVA aux régions.

Serge Dassault, chacun sait que les dépenses du RSA augmentent. Le Gouvernement avait fait des propositions à l'Association des départements de France pour recentraliser le RSA. Elle a refusé. Cette recentralisation aurait chargé la barque de l'État de 700 millions d'euros supplémentaires. Les chiffres sont là : en 2014, les dépenses de RSA ont augmenté de 9,2 %, contre 6,9 % en 2015 et 3 % mi-2016. L'année n'est pas terminée et il faut rester prudent. Cependant, l'augmentation des dépenses d'allocations individuelles de solidarité (AIS) semble se ralentir. Je n'en tire aucune conclusion. Nous connaissons la situation des départements.

Quant à la CSG, elle restera inchangée, à 8 %. En ce qui concerne l'année blanche du prélèvement à la source, chacun s'en est expliqué : tous les ans, les contribuables paieront une année d'impôts et le budget de l'État sera alimenté chaque année par une et une seule année d'impôts. En 2017, les revenus ordinaires, hors les revenus exceptionnels, ne seront pas assujettis à l'impôt.

Yannick Botrel, la DETR augmentera en effet et sera portée à 1 milliard d'euros, avec une majoration de 370 millions d'euros pour 2017. Tout a été dit sur la réforme de la DGF. La situation n'est pas mûre pour une réforme globale.

Marie-France Beaufils, votre scepticisme sur la réduction des dépenses publiques est un point de vue qui n'appelle pas particulièrement de réponse. Quant au CICE, n'oublions pas qu'il a contribué à ce que les entreprises retrouvent leurs marges d'avant la crise, comme le prévoyait le rapport Gallois.

Si certains acteurs de la vie publique laissent à penser qu'il serait possible de s'écarter de la trajectoire des finances publiques, ce n'est pas notre point de vue. J'ai détaillé les dépenses nouvelles, les mesures de performance : nous n'avons rien à cacher. Nos prévisions de recettes sont raisonnables et seront atteintes en 2016. Beaucoup étaient sceptiques sur notre objectif de déficit public à 3,3 %. Sur ce point, au moins, le HCFP n'est pas très pessimiste. Nous non plus. Nous devrions y arriver sans trop de difficultés.

M. Richard Yung . - Durant le long débat que nous avons eu avec le président du Haut Conseil, il a clairement affirmé qu'il ne mettait pas en doute la sincérité du projet de loi de finances. À mon sens, ce texte est la continuation de l'action que nous menons depuis trois ou quatre ans, avec notamment le rétablissement de l'équilibre des comptes publics. L'objectif communautaire est un déficit ramené en deçà de 3 % du PIB. C'est celui que nous devons viser. En la matière, le Gouvernement répond aux obligations communautaires que nous avons souscrites. J'espère qu'il en sera de même dans les années à venir.

Il ne faudrait pas négliger le rétablissement des comptes sociaux qui représentent 400 milliards d'euros, pour un budget de l'État d'une moindre ampleur.

L'année 2016 se présente bien. À la fin juillet, vos comptes provisoires faisaient apparaître un déficit réduit de 4 milliards d'euros, soit mieux que ce qui était prévu. Les recettes et les dépenses sont en ligne avec les prévisions.

Un point a été insuffisamment souligné : la justice sociale et l'effet de redistribution de l'impôt sur le revenu sur les bas salaires. Vous voulez exonérer des revenus jusqu'à deux fois le SMIC et, compte tenu du quotient familial, les revenus les plus bas. Les déciles d'en haut vont payer plus. Pour les classes moyennes ou moyennes basses, on ne peut pas dire que le Gouvernement n'ait pas mené d'action importante.

Le prélèvement à la source est tout à fait essentiel. Nous sommes le dernier grand pays industriel à l'instaurer - à l'exception de la Suisse. Vous remettez donc la France au niveau qui doit être le sien. Nous soutiendrons fortement sa mise en oeuvre. Je ne comprends pas les chicaneries sur des points de détail et les « moutons à cinq pattes » que vous évoquiez.

M. Éric Doligé . - J'apprécie vos présentations claires, précises et très objectives. Vous présentez 400 milliards de dépenses de l'État et des recettes d'un montant équivalent, mais il y a quand même un déficit de 69 milliards d'euros ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Dont acte.

M. Éric Doligé . - Sur ces fameux 600 millions d'euros que les régions réclament aux départements ou à l'État...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - J'ai senti votre désaccord...

M. Éric Doligé . - Mon agacement ! Je rappellerais quand même que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) prévoit que les régions exercent de nouvelles compétences : il ne s'agit donc pas de transferts de compétences et on ne peut pas dire que, puisque les départements dépensaient 600 millions d'euros, il faut les leur prendre. Il faudrait démontrer qu'il y a 600 millions d'euros ; ce n'est pas possible. Je connais la réalité de l'action économique des départements. Dans la région Centre, les dépenses économiques cumulées s'élèvent à 5 millions d'euros pour six départements, si on met tout bout à bout. En multipliant ce chiffre par le nombre de départements et de régions, on n'atteint pas 600 millions d'euros. Évitons les négociations entre l'État et la région sur 600 millions d'euros, pour qu'ensuite l'absent se fasse prélever 600 millions... N'essayons pas des tours de passe-passe. Les allocations individuelles de solidarité (AIS) comme le RSA ont augmenté de 9 % il y a deux ans, 6 % l'année dernière et 3 % cette année : soit un total de 20 % sur trois ans, appliqué à 40 % des dépenses d'une collectivité, ce n'est pas rien ! Lorsque les recettes sont bloquées, comment les augmente-t-on ? Je voudrais bien y voir l'État ! Ramenons les choses à une plus juste proportion. Là, l'augmentation est terrible.

Sur les 800 000 naissances à prendre en compte dans les foyers fiscaux, toutes ne concernent pas ceux qui paient l'impôt sur le revenu !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Mais ceux qui sont imposables.

Mme Michèle André , présidente . - La France est enviée par ses voisins pour sa démographie...

M. André Gattolin . - Il est difficile d'avoir une grille d'analyse sur le projet de loi de finances. Il y a un élément de satisfecit que je tiens à souligner : en tant que co-rapporteur du budget de la culture avec Vincent Eblé, nous nous félicitons qu'après trois ans de vaches maigres, de nombreuses choses soient entendues et prises en compte pour le budget de la culture. Ce matin, les principaux rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat ont été reçus par la ministre avant le Conseil des ministres, avant ses rencontres avec les professionnels et les journalistes. Ce respect des parlementaires est trop rare. La totalité des parlementaires a tenu parole et a respecté l'embargo sur les chiffres.

Dans le projet de loi de finances pour 2017, le budget de l'écologie est en légère augmentation - malgré 500 suppressions d'ETP par rapport à l'année précédente, faisant suite à plusieurs années de coupes multiples - liée à l'intégration dans son périmètre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), dont l'évolution est dynamique. La CSPE supporte notamment la tarification sociale de l'énergie, indispensable, mais sans rapport direct avec la politique environnementale. Quel est le montant de cette tarification sociale, et quel est son impact sur l'évolution des crédits de cette mission ?

Je note aussi, toujours au sein de la mission « Écologie », qu'est affichée une stabilisation des crédits alloués à l'entretien du réseau routier. Mais rien n'est dit sur l'entretien du réseau ferroviaire, dont l'état est alarmant, selon l'ancien président de SNCF Réseau. D'autant que le projet de loi de finances prévoit un prélèvement de 25 millions d'euros sur 38 millions d'euros de fonds de roulement de l'établissement public de sécurité ferroviaire. Qu'en est-il de la sécurité ferroviaire ?

M. Bernard Delcros . - Sur les dotations aux collectivités, je me satisfais de la reconduction de 1,2 milliard d'euros du fonds de soutien à l'investissement local, et des 600 millions d'euros fléchés pour les territoires ruraux avec l'augmentation de la DETR et l'affectation de crédit par la mise en oeuvre des contrats de ruralité. L'année dernière, le Sénat avait adopté une proposition de loi pour créer des contrats territoriaux de développement rural qui s'apparentent aux nouveaux contrats de ruralité. Si j'ai bien compris, 200 millions d'euros de crédits en autorisation d'engagement seront affectés au programme 112 de la mission « Politique des territoires », ce que j'avais demandé dans mon rapport sur le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire présenté à notre commission des finances la semaine dernière.

Je me réjouis d'une augmentation de la péréquation verticale de la DGF. Si l'on n'accompagne pas l'effort des collectivités d'une augmentation de la péréquation, on aggrave les inégalités territoriales. Je suppose qu'il n'y a pas de modification de la dotation de solidarité rurale (DSR) et que la DSR-cible est maintenue ?

Vous prévoyez une augmentation de 70 millions d'euros de la dotation pour les communautés d'agglomération, mais comment est-elle financée ? Si on augmente une strate, c'est au détriment des autres ! Vous évoquez des variables d'ajustement, mais dans quelles conditions, et selon quels critères ?

Je milite pour un fonds de péréquation horizontal et pour une équité entre les territoires. Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) sera maintenu à 1 milliard d'euros, soit un gel de son montant. Or je ne souhaite pas de gel des modalités de prélèvement et de contribution lié à la réorganisation des périmètres.

Le plein effet de la réforme territoriale se fera sentir en 2017, avec notamment l'application des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale ou la transformation de communautés urbaines en métropoles, avec des effets sur le FPIC et la DGF. A-t-on des simulations de l'impact de la réforme, notamment sur le FPIC et la DGF ?

En moyenne, les recettes fiscales et les DMTO augmentent, mais des disparités perdurent entre les territoires. Certains départements ruraux sont atteints par l'effet de ciseau de l'augmentation des allocations individuelles de solidarité (AIS) et la réduction des dotations de l'État, alors qu'ils n'ont ni ressources propres, ni levier fiscal.

M. Francis Delattre . - Vous brocardez le programme d'économies de 100 milliards d'euros soutenu par certains, votre collègue Michel Sapin nous disant de regarder le monde tel qu'il est. De combien devons-nous restreindre nos dépenses publiques pour atteindre la moyenne européenne ? Les dépenses publiques françaises atteignent 57 % du PIB. Il faudrait les réduire de 180 milliards d'euros pour atteindre la moyenne européenne. Nous sommes en concurrence directe avec des pays comme l'Espagne ou l'Italie, qui ont déjà fait des efforts... On devrait au minimum atteindre cette moyenne. Si l'on se compare à l'Allemagne, 280 milliards d'euros d'économies seraient nécessaires.

Le bloc social - avec entre autres la sécurité sociale - représente 50 % des dépenses publiques, l'État 30 % et les collectivités locales 20 %. Ce sont les 20 % qui ont fait le plus gros effort pour réduire les dépenses publiques de ce pays.

Dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande une nouvelle reprise de dette par la Cades.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Mais vous étiez contre la précédente, je m'en souviens très bien !

M. Francis Delattre . - Je suis contre la méthode : vous dites que les comptes de la sécurité sociale sont équilibrés et vous transférez 23,7 milliards d'euros à la Cades qui emprunte pour couvrir des dépenses de fonctionnement ordinaires, dénoncées par le président Migaud avec une certaine véhémence... La Cour des comptes estime que le déficit de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pourrait atteindre 20 à 30 milliards d'euros d'ici 2019. Elle recommande une reprise de plus de 10 milliards d'euros dès cette année.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Ces 10 milliards d'euros correspondent à un plafond qui est atteint. Aucune reprise n'est possible, sauf à modifier la loi.

M. Francis Delattre . - Il y a donc 13 milliards d'euros de dépassement. Comment vanter le retour programmé à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale alors que les déficits cumulés de l'Acoss atteindront 20 à 30 milliards d'euros d'ici 2019 ? Que faire pour que l'Acoss fonctionne ? Ce n'est pas avec cet artifice que vous équilibrerez les comptes.

M. Michel Canevet . - J'apprécie la présentation enthousiaste du ministre, documentée et dynamique, mais la réalité est différente. Les dépenses de l'État augmentent, le niveau du déficit public restera autour de 70 milliards d'euros. Tant que nous n'aurons pas réussi, collectivement, à le ramener à zéro - comme le Président de la République s'y était engagé pour 2017 lors de la dernière campagne électorale - nous ne pourrons être satisfaits.

Les collectivités territoriales sont inquiètes : la réforme des régions aura des effets plus tardifs. On peut s'attendre à des demandes de cofinancement de leurs actions ; les départements subissent la situation sociale ; les communes ont des charges qui croissent en raison de l'augmentation de leur masse salariale et du transfert de charges, notamment en matière d'urbanisme, en même temps que leurs dotations diminuent. Le décret d'avance évoque une réduction de la DGE des départements qui réduisent leur investissement. Il risque d'en être de même pour les autres collectivités. Si cela améliore les finances publiques, c'est un problème pour l'investissement public !

Ce budget donne-t-il des signes positifs pour la relance dans notre pays ? Hélas, le nombre de demandeurs d'emploi augmente. Libérons l'initiative. J'aurais apprécié une baisse des charges supplémentaires - en la gageant sur une hausse de la TVA. Le retour à l'équilibre des comptes publics ne se réalisera qu'en cas d'amélioration de la situation économique. En l'absence de signes forts d'amélioration de la situation économique, l'on peut craindre que la tendance à adopter des mesures d'urgence se renforce à l'approche des élections.

M. Jean-Claude Requier . - Vous avez évoqué une réduction de la charge de la dette de 1,2 milliard d'euros. Comment obtenez-vous ce chiffre ? Est-il fiable et solide ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - La dette est influencée par le niveau de l'inflation puisque certains encours lui sont indexés - plus l'inflation est faible, moins la charge de la dette est importante - et par les taux d'intérêt. Le taux des obligations assimilables du trésor (OAT) pour la France à 10 ans est de 0,1614 % aujourd'hui, il est remonté à 0,30 % il y a une semaine, après être descendu à 0,12 %, voire pour certaines émissions, à moins de 0,10 %, selon l'Agence France Trésor, qui garde une marge. Nous empruntons même à taux négatif sur de courtes durées.

L'Acoss concentre les déficits cumulés et a vocation à emprunter sur des taux courts. Actuellement, elle gagne de l'argent. Selon Les Échos , l'Acoss a engrangé 80 millions d'euros de bénéfices financiers, car elle emprunte sur une durée très courte et sa signature est de qualité. C'est paradoxal, mais c'est ainsi. Francis Delattre, selon votre analyse...

M. Francis Delattre . - C'est celle de la Cour des comptes.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - La dette globale de la sécurité sociale est la somme de la dette de la Cades et de celle de l'Acoss. Le déficit de la sécurité sociale s'élèvera à 400 millions d'euros pour le régime général et de 3,8 milliards d'euros pour le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Bien sûr, l'Acoss doit absorber les déficits mais elle les amortit également. Chaque année, la Cades amortit 14 milliards d'euros - à la différence de l'État qui n'amortit jamais son capital. Il y a besoin de 4 à 5 milliards d'euros pour couvrir le déficit de l'année. La dette sociale se réduit, son terme est prévu pour 2024, et cette échéance se rapproche depuis quelques temps. Demandez à Jean-Marie Vanlerenberghe, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, membre de la commission des comptes de la sécurité sociale. Cette dette s'est réduite en 2015, et diminuera de 8 à 9 milliards en 2017 : ce sera la première fois que cela arrive. Transférer de l'un à l'autre n'y change rien. Je me souviens de votre courroux, l'année dernière, alors tout était conforme à la loi organique. L'une emprunte sur long terme, l'autre sur court terme. La dette de l'Acoss augmentera avant de se résorber mécaniquement. Les transferts ne sont désormais plus possibles puisque nous avons transféré, d'un seul coup, tout ce que nous autorisait la loi.

La première partie de votre constat est très intéressante : les dépenses publiques atteignent 57,5 % du PIB, les dépenses publiques moyennes d'un panel de pays européens 51 %, selon une étude remarquable de France Stratégie 2017-2027, publiée il y a trois semaines. Celle-ci explique les différences secteur par secteur. En pourcentage du PIB, la France consacre ainsi moins à l'éducation nationale que la moyenne de ses voisins européens.

L'étude comprend différents fascicules et graphiques, fondés sur les données d'Eurostat. Les deux tiers de la différence entre la France et le panel des pays choisi par France Stratégie, qui est une officine sérieuse, proviennent de la vieillesse et des retraites. En France, notre régime de retraite est très largement public, avec des dépenses de retraite intégrées dans la dépense publique, à la différence des autres pays.

C'est la même chose pour l'éducation, la défense ou la gestion des services publics. Cette étude contrebalance l'idée d'une gabegie phénoménale des dépenses publiques dans notre pays, en comparaison de ce qui se pratique dans les autres pays d'Europe.

Monsieur Delcros, la DETR devrait augmenter de 384 millions d'euros et la DSR de 117 millions d'euros. Je partage votre point de vue sur la péréquation verticale. Les 70 millions d'euros prévus pour les agglomérations sont destinés à compenser le fait que celles qui sont peu intégrées dans les métropoles risqueraient d'être perdantes. Cette majoration est prise sur les variables d'ajustement, dont nous avons élargi l'assiette pour en contenir le taux, nous aurons l'occasion d'en débattre.

L'un des dispositifs de péréquation sur les DMTO consiste à travailler par lissage dans le temps pour reprendre des provisions. Il n'est pas d'une puissance extraordinaire. Ce mode de répartition ne change rien aux comptes publics. Libre au Parlement de travailler plus finement sur ces questions. L'Île-de-France concentre 20 % des DMTO. Quelques autres départements comme les Alpes-Maritimes en concentrent également des proportions importantes. Le Cantal, en revanche, est probablement moins bien servi.

Monsieur Doligé, l'opération de transfert des frais de gestion de la fiscalité locale menée sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a permis d'améliorer les recettes des DMTO des départements.

Vous mentionnez tous, et à juste titre, la baisse de l'investissement public dans les collectivités territoriales. C'est un phénomène auquel nous sommes habitués à ce stade du cycle électoral. Mais, alors qu'elle tourne en général autour de 8 % à 9 %, elle atteint cette année 11 % à 12 %. Pour certains, c'est un effet de la baisse des dotations. Pour d'autres, et je crois qu'ils n'ont pas tort, la mise en place des nouvelles cartes intercommunales a provoqué un certain attentisme. La direction générale des collectivités locales (DGCL) travaille à identifier les conséquences de ces nouvelles cartes sur la DGF, sous la houlette du ministère de l'Intérieur.

Monsieur Gattolin, merci pour vos appréciations sur le budget de la culture.

M. André Gattolin . - C'est moi qui vous remercie. Les crédits avaient beaucoup baissé ces dernières années.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Quant à l'Afitf, nous avions prolongé jusqu'en 2017 le plan exceptionnel d'entretien, mis en place en cours d'année, pour 100 millions d'euros, portant ainsi les dépenses de l'Afitf à 2,4 milliards d'euros.

M. André Gattolin . - Et la CSPE ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Elle est intégrée pour sa partie « tarif social » à la mission « Écologie ». Le reste est pris en charge par le CAS « Transition énergétique ». Le coût des énergies renouvelables constitue le gros de la CSPE, avec une augmentation de la contribution climat-énergie dans l'année à venir. La trajectoire du prix du carbone a été votée sur plusieurs années. Il n'y a rien de nouveau.

III. EXAMEN DU RAPPORT (9 NOVEMBRE 2016)

Réunie le mercredi 9 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2017 et a entendu sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

Mme Michèle André , présidente . - Nous ouvrons cette séance de la commission des finances dans un climat bien particulier.

Le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, nous présentera les principaux éléments d'équilibre du projet de loi de finances pour 2017, figurant dans le tome I du rapport général, avant sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - J'essaierai d'être aussi complet que possible, mais, pour l'être tout à fait, je vous invite à vous référer au tome I du rapport général.

Nous nous trouvons à un moment clef de l'examen du projet de loi de finances, consacré à l'analyse des principaux équilibres du budget de l'année à venir.

Le projet de loi de finances pour 2017 se présente sous les traits d'un budget de campagne. À moins d'un an des élections, le Gouvernement cherche non seulement à donner des gages de son sérieux budgétaire, en particulier en affichant un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017, mais aussi à trouver des marges de manoeuvre en vue de relâcher les efforts en matière de dépenses.

M. Didier Guillaume . - C'est que ce vous annoncez aussi !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je m'exprime en tant que rapporteur général de la commission des finances, non en tant que candidat à la primaire !

Si le Gouvernement parvient à respecter, sur le papier, l'objectif d'un retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, ce n'est qu'au prix d'un nouveau renoncement à la parole donnée pour ce qui est des baisses de la fiscalité des entreprises devant intervenir en 2017. Hier, certains d'entre nous ont rencontré la Fédération bancaire française (FBF), qui a rappelé les difficultés engendrées par les renoncements en matière de fiscalité - en particulier concernant la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

En outre, le retour du déficit public en dessous de 3 % du PIB n'est aucunement assuré : les hypothèses d'évolution de l'activité économique et des dépenses publiques retenues par le Gouvernement sont particulièrement optimistes. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur le réalisme du projet de loi de finances.

Au cours de l'année 2016, les facteurs exogènes favorables observés en 2015 continuent à porter la croissance du PIB. En effet, le prix du pétrole reste faible et la Banque centrale européenne (BCE) a amplifié sa politique monétaire « accommodante » Ainsi, en mars dernier, le montant des rachats mensuels d'actifs a été porté de 60 à 80 milliards d'euros et étendu à certains titres émis par des entreprises privées ; en outre, la banque centrale a réduit ses principaux taux directeurs et engagé une nouvelle série d'opérations de refinancement à plus long terme. Ces facteurs exogènes devraient contribuer à ce que la croissance du PIB atteigne 1,6 % dans la zone euro en 2016.

Malgré cela, comme en 2014 et en 2015, la France connaîtrait une progression de son activité moindre que ses partenaires de la zone euro. L'hypothèse de croissance du Gouvernement de 1,5 % en 2016 impliquerait, selon le Haut Conseil des finances publiques, « une forte augmentation du PIB aux 3 e et 4 e trimestres ». C'est pourquoi le Haut Conseil estime que la prévision gouvernementale est « un peu élevée ». Cela tend à être confirmé par la croissance constatée au troisième trimestre, de + 0,2 % seulement, après un recul de 0,1 % au deuxième trimestre. D'ailleurs, le ministre chargé de l'économie, Michel Sapin, a reconnu lui-même, il y a quelques jours, que la croissance serait probablement comprise entre 1,3 et 1,5 % en 2016.

Pour 2017, le Gouvernement conserve néanmoins la prévision de croissance avancée dans le programme de stabilité d'avril 2016. À l'inverse des organisations internationales et du Consensus Forecasts , il ne tient pas compte de la dégradation du contexte économique depuis le printemps dernier.

Les facteurs favorables à la croissance commencent à se dissiper. Les prix du pétrole se stabilisent ; ils pourraient même croître de nouveau en cas de succès de l'accord conclu entre les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) en septembre dernier ; de même, l'évolution du taux de change aurait une incidence moindre sur la compétitivité des entreprises européennes. Dans un contexte de montée des risques de nature politique, en lien avec le « Brexit », le référendum italien ou encore le résultat des élections américaines, la croissance des pays de la zone euro pourrait ralentir. Par ailleurs, alors que le scénario gouvernemental repose, notamment, sur un rebond des exportations, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a, récemment, revu à la baisse ses prévisions de progression des échanges internationaux de manière significative.

L'hypothèse de croissance du Gouvernement en 2017, de 1,5 %, est supérieure à l'ensemble des anticipations des organisations internationales, qu'il s'agisse du Fonds monétaire international (FMI), de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou du Consensus Forecasts .

Les prévisions de la Commission européenne doivent être publiées aujourd'hui, à 10 heures. Celles-ci figureront dans mon rapport.

Après deux reports du délai de correction du déficit effectif - en 2013 et en 2015 -, le Gouvernement fait du retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB le principal objectif du projet de loi de finances pour 2017.

Rappelons que la France fait l'objet d'une procédure pour déficit excessif et que, en cas de non-respect de sa cible, la France serait fortement exposée à un risque de sanction dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Alors que la France comptait, en 2015, parmi les quatre derniers États de la zone euro à afficher un déficit supérieur à 3 % du PIB, aux côtés de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal, une certaine lassitude de nos partenaires européens commence à apparaître face à l'incapacité de notre pays à respecter ses engagements budgétaires.

Surtout, le risque de sanction par les institutions européennes se trouve accru par le fait que le Gouvernement n'est pas parvenu à atteindre les objectifs d'ajustement structurel définis par le Conseil de l'Union européenne à l'occasion du dernier report du délai de correction du déficit excessif, en mars 2015, soit 0,5 point de PIB en 2015, 0,8 point en 2016 et 0,9 point en 2017. La trajectoire du Gouvernement prévoit une réduction du solde structurel de 0,4 point de PIB en 2015, de 0,3 point en 2016 et de 0,5 point en 2017.

Si la trajectoire gouvernementale respecte les objectifs de la dernière loi de programmation des finances publiques, il n'en va pas de même pour ceux du programme de stabilité d'avril 2016, qui constitue une référence plus pertinente et plus récente et tient compte des exigences européennes.

Le Gouvernement ne parvient pas à respecter les cibles d'ajustement structurel définies dans ce programme. L'ajustement structurel en 2016 s'élèverait à 0,3 point de PIB contre une cible de 0,4 point de PIB définie en avril dernier. En outre, le Gouvernement en a modifié, de manière significative, la composition. L'objectif d'effort en dépenses pour l'année 2016 a été réduit de 0,2 point de PIB entre le programme de stabilité et le projet de loi de finances. Cela semble préfigurer le relâchement de l'effort en dépenses prévu au titre du prochain exercice. En effet, concernant 2017, l'effort en dépenses prévu est également diminué de 0,2 point de PIB ; toutefois, pour maintenir inchangé le niveau de l'ajustement structurel affiché, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires sont révisées, pour passer de - 0,3 point de PIB à 0.

Concrètement, cela signifie que les baisses d'impôt annoncées pour 2017 sont en réalité annulées. Elles pèseront sur les exercices suivants.

En effet, le Gouvernement ne parvient à atteindre, sur le papier, l'objectif d'un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017 qu'au prix d'un renoncement aux engagements pris en matière fiscale au cours des dernières années. En particulier, les baisses de charges prévues au titre de l'exercice 2017 au titre du Pacte de responsabilité et de solidarité sont réduites de 5 milliards d'euros. La suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) est abandonnée et la première réduction du taux légal de l'impôt sur les sociétés est reportée.

On ne peut que regretter une telle inconstance fiscale, qui nuit à l'attractivité de notre territoire. Surtout, le coût des mesures de substitution - soit la baisse de l'impôt sur les sociétés et les nouveaux allégements de cotisations des travailleurs indépendants - ne devrait représenter que 450 millions d'euros en 2017. La compensation n'est pas à la hauteur !

On mesure tout l'intérêt pour le Gouvernement, en vue d'un retour du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB, de transformer une baisse de 5 milliards d'euros d'impôts en une réduction limitée à 450 millions d'euros.

Au total, alors que le programme de stabilité d'avril 2016 prévoyait des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires d'un montant de - 5,7 milliards d'euros en 2017, celles-ci sont estimées à + 0,5 milliard d'euros dans le cadre du projet de loi de finances. Le taux de prélèvements obligatoires resterait donc inchangé en 2017, à 44,5 % du PIB.

Pourquoi ce coup d'arrêt dans la baisse des prélèvements obligatoires ? Pour que le Gouvernement puisse relâcher ses efforts sur les dépenses. Quelle que soit la nature de l'évolution examinée, en valeur ou en volume, avec ou sans crédits d'impôt, il apparaît que les prévisions de progression de la dépense publique en 2016 et 2017 ont été considérablement révisées à la hausse. À titre d'exemple, alors que le programme de stabilité prévoyait une hausse de la dépense en valeur, hors crédits d'impôt, de 1,1 % en 2017, celle-ci est estimée à 1,6 % dans le projet de loi de finances.

D'ailleurs, le quantum d'économies prévu en 2017 dans le cadre du programme d'économies de 50 milliards d'euros, il est vrai désormais abandonné, est revu de 19 à 12 milliards d'euros.

L'ensemble des administrations publiques s'inscrivent dans cette dynamique. En particulier, les dépenses de l'État sont revues à la hausse de 5,7 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité d'avril 2016. De même, le taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est relevé de 1,75 % à 2,1 %, ce qui correspond à une augmentation de son montant de 0,7 milliard d'euros.

Ce relâchement des efforts en dépenses intervient dans un contexte où la France affiche un des ratios entre ses dépenses publiques et son PIB parmi les plus élevés de la zone euro, supérieur de 8,2 points à la moyenne.

En outre, il apparaît que la progression des dépenses a été, en France, bien plus dynamique que chez ses partenaires européens. Celles-ci ont progressé, en moyenne et en valeur, de près de 2 % par an entre 2011 et 2015, contre une moyenne de 1 % dans la zone euro, soit le double ! Cela relativise le discours sur les économies...

Le Gouvernement prévoit un recul du poids de la dette publique dans la richesse nationale de 0,1 point de PIB en 2017. Ainsi, la dette représenterait 96 % du PIB. Pour autant, dans le scénario gouvernemental, ce n'est qu'à compter de 2018 que la dette publique engagerait une réelle décrue.

La baisse de la dette en 2017 serait portée non par l'État mais par les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. En effet, celle de l'État et de ses opérateurs continuerait de progresser, pour atteindre 1 790 milliards d'euros.

Ce projet de loi de finances pour 2017 présente toutes les caractéristiques d'un budget de campagne : le Gouvernement procède à des réorientations opportunistes de sa politique budgétaire et fiscale. Plus grave, sa sincérité est contestable. En effet, le projet du Gouvernement repose sur des hypothèses optimistes d'évolution, d'une part, de la croissance de l'activité et, d'autre part, des dépenses publiques. Je rappelle la présentation par Didier Migaud il y a quelques semaines devant notre commission, de l'avis du Haut Conseil des finances publiques.

Il apparaît donc nécessaire de rétablir la vérité budgétaire et d'estimer le niveau réel du déficit public et de la dette qui serait légué à la prochaine majorité gouvernementale, quelle qu'elle soit.

Dans cette perspective, j'ai tout d'abord examiné les incidences de la surestimation des hypothèses de croissance au titre des années 2016 et 2017, qui conduit à surévaluer l'évolution naturelle des recettes publiques.

J'ai donc envisagé deux scénarios. Dans le premier, que l'on peut qualifier de favorable, la croissance de l'activité serait de 1,5 % en 2016, comme le prévoit le Gouvernement et de 1,2 % en 2017 conformément aux anticipations du Consensus Forecasts ; dans le second, défavorable, la croissance s'élèverait à 1,3 % en 2016 et à 1,2 % en 2017, comme le prévoit le consensus des économistes.

Le déficit public serait plus dégradé, de 0,1 à 0,2 point de PIB par rapport à la trajectoire du Gouvernement, ce qui correspond à de moindres recettes, comprises entre 3,5 et 6 milliards d'euros.

Toutefois, une estimation fine de l'évolution possible du déficit public en 2017 implique de considérer également les dépenses publiques.

En effet, comme le met en évidence le tome I du rapport général, nombre de dépenses publiques sont sous-évaluées, et ce pour les différentes catégories d'administrations publiques.

En premier lieu - nous le dénonçons souvent ici, quelles que soient nos appartenances politiques -, les sous-budgétisations récurrentes observées au cours des années passées au sein du budget de l'État devraient se reproduire, pour un montant entre 1,1 et 2,1 milliards d'euros.

À cela s'ajoute la non-prise en compte des effets sur le déficit public de la recapitalisation d'Areva par l'État à hauteur de 2 milliards d'euros.

En outre, la révision à la hausse du taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ne couvre pas l'intégralité des dépenses supplémentaires de santé, qui intègrent les effets de la nouvelle convention médiale, de la hausse du point d'indice dans les établissements hospitaliers et du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ». Au total, des dépenses seraient sous-estimées de 0,5 milliard d'euros.

Enfin, le Gouvernement anticipe un recul des dépenses de l'Unédic en 2017 du fait d'une baisse du chômage et des effets de la prochaine convention de l'assurance chômage. De son côté, l'Unédic prévoit une hausse du chômage indemnisé et la nouvelle convention ne serait négociée qu'au cours de l'année prochaine. Les dépenses de l'Unédic pourraient ainsi être supérieures de 1,2 milliard d'euros à l'estimation gouvernementale.

Au total, les dépenses publiques seraient possiblement supérieures de 4,8 à 5,8 milliards d'euros en 2017 à ce que prévoit le projet de loi de finances.

En tenant compte à la fois des incidences de la surestimation de la croissance du PIB sur les recettes et de la sous-évaluation des dépenses publiques, le déficit public serait plus dégradé, en 2017, de 8,3 à 11,8 milliards d'euros. Aussi, le déficit public ne s'élèverait pas à 2,7 % du PIB en 2017, comme le prévoit le Gouvernement, mais serait compris entre 3 % et 3,2 % du PIB.

En cas de réalisation du scénario le moins favorable, qui n'est pas irréaliste, la dette publique croîtrait de nouveau en 2017, pour atteindre 97,1 % du PIB, contre une prévision gouvernementale de 96 %. L'ajustement structurel réalisé en 2017 serait, lui, ramené à 0,3 point de PIB - contre une cible de 0,5 point de PIB dans le projet de loi de finances - venant renforcer le risque de sanction de la France au titre du Pacte de stabilité et de croissance.

Au total, ces projections font clairement apparaître la situation budgétaire dégradée qui sera laissée à la prochaine majorité gouvernementale.

M. Didier Guillaume . - On a connu cela...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Surtout, la majorité gouvernementale issue des élections de 2017, quelle qu'elle soit, verra ses marges de manoeuvre considérablement réduites. En particulier, elle devra composer avec les échéances inhérentes aux engagements européens de la France, dont le retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB. De plus, le Gouvernement a d'ores et déjà pris des engagements qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017. En effet, au-delà du fait que le relâchement des efforts sur les dépenses aura des effets d'inertie à moyen terme, le Gouvernement fait, dans le cadre du présent projet de loi de finances, des promesses en matière de fiscalité qui contribuent, en l'état actuel des choses, à dégrader de 7,7 milliards d'euros le solde public de 2018 : la création d'un crédit d'impôt en faveur des associations, la hausse du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, ou encore la prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et l'extension du crédit d'impôt en faveur des services à la personne.

Je vais maintenant détailler les principales caractéristiques du budget de l'État pour 2017.

Du côté des dépenses, le plafond prescrit en loi de programmation des finances publiques n'est pas respecté. En effet, celle-ci prévoyait qu'à périmètre constant les dépenses des ministères ne devaient pas dépasser 222,9 milliards d'euros en 2017. Ce plafond est dépassé de 9,1 milliards d'euros.

Les seules économies significatives du projet de loi de finances pour 2017 par rapport à la loi de programmation sont de pure constatation et ne dépendent aucunement des choix budgétaires du Gouvernement.

Ainsi, la charge de la dette est réévaluée très nettement à la baisse, à hauteur de 7,7 milliards d'euros, ce qui s'explique par le maintien d'un environnement de taux bas en raison, notamment, de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), qui mène un important programme de rachats de titres profitant essentiellement aux émetteurs de la dette publique.

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne devrait, quant à lui, être inférieur de 2,4 milliards d'euros à la prévision de la loi de programmation - encore qu'il faille être prudent sur ce point. La contribution britannique étant libellée en livres sterling, le risque de change est supporté par les autres États.

Le Gouvernement renonce donc clairement à tenir ses engagements en matière de dépenses et, dès la budgétisation initiale, annonce un dérapage de près de 10 milliards d'euros.

Plus de 40 % de la hausse des dépenses est due à la masse salariale, pour un montant de 3,2 milliards d'euros, portant la masse salariale totale à 84,9 milliards d'euros, hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions ».

La hausse de près de 4 % de la masse salariale - ce n'est pas raisonnable - témoigne d'une rupture avec tout objectif de maîtrise des dépenses de personnel de l'État. Le plafond d'évolution de la masse salariale fixé par la loi de programmation des finances publiques est ainsi largement dépassé. En effet, le budget triennal prévoyait une croissance de 0,3 % par an de la masse salariale de l'État entre 2014 et 2017, soit 250 millions d'euros par an - une évolution dix-huit fois inférieure à l'augmentation prévue par le Gouvernement sur la période. Il faut remonter quinze ans en arrière, en 2002, pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses de personnel. Voilà qui relativise le discours du Gouvernement sur ses efforts de maîtrise.

Ainsi l'augmentation totale des dépenses de personnel, sur l'ensemble du quinquennat, s'élèvera à 5,1 %. À titre de comparaison, la masse salariale avait décru de 6,6 % de 2007 à 2012 et était restée stable de 2002 à 2007.

Encore de quoi nuancer les efforts du Gouvernement en la matière...

Cette augmentation annule, en effet, presque l'intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle s'explique par un relâchement manifeste des efforts de maîtrise budgétaire, à la fois en matière d'effectifs et de mesures salariales. C'est grave, puisqu'elle entraînera des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017. L'embauche d'un fonctionnaire crée des dépenses pour toute la durée de sa carrière, et de sa retraite.

Le plan de lutte contre le terrorisme et l'actualisation de la loi de programmation militaire n'expliquent qu'une faible partie de cette évolution : la hausse provient d'abord des recrutements dans d'autres ministères prioritaires, notamment l'éducation nationale, de l'effet du glissement vieillesse technicité (GVT), mais aussi du dégel du point d'indice, pour 850 millions d'euros, et des mesures du protocole dit PPCR (« Parcours professionnels, carrières et rémunérations ») pour 687 millions d'euros, ou 1,2 milliard d'euros en tenant compte du CAS « Pensions ».

Or les leviers d'une maîtrise de la masse salariale existent. Je rappellerai, par exemple, que l'alignement de la durée du travail dans le secteur public sur le temps de travail habituel dans le secteur privé, soit 37,5 heures par semaine, permettrait d'économiser 2,2 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État. Dans le conseil départemental d'Eure-et-Loir, que je préside, nous avons économisé 60 équivalents temps plein en passant aux 37,5 heures hebdomadaires. C'est possible !

Non seulement les dépenses budgétaires dérapent, mais certaines d'entre elles sont sous-estimées. Nous avons identifié, depuis 2012, les dépenses sous-budgétées de façon récurrente et dans des ordres de grandeur assez importants pour nécessiter l'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'année et en fin de gestion.

Onze postes de dépenses ayant connu des sur-exécutions fréquentes, parce qu'ils avaient été sous-estimés, ont ainsi été identifiés, tels que les frais de justice, les aides au logement, l'aide médicale d'État ou encore le RSA et la prime d'activité. Au total, les sous-budgétisations sur le budget général s'élèvent à près de 2,5 milliards d'euros par an en moyenne. Ces onze postes ont fait l'objet d'une analyse plus détaillée pour appréhender les risques spécifiques à 2017.

À ces sous-budgétisations sur le budget général s'ajoute également une prévision manifestement insincère des recettes du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » en 2017 : au moins 2 milliards d'euros supplémentaires devront vraisemblablement être soit prélevés sur le solde cumulé reporté de 2016 à 2017, soit versés par le budget général de l'État au compte spécial. La variation annuelle du solde des comptes spéciaux étant intégrée au solde budgétaire de l'État, ces 2 milliards d'euros manquants doivent être ajoutés au total des sous-budgétisations.

Ces analyses ont permis la construction de deux scénarios : un premier favorable, ne retenant que les sous-budgétisations les plus manifestes, pour leur montant minimal, et un second défavorable, qui retient la moyenne des sur-exécutions constatées de 2012 à 2015.

Le scénario favorable s'établit à 3,1 milliards d'euros de sous-budgétisations. Le scénario défavorable correspond à une estimation des sous-budgétisations s'élevant à 5,2 milliards d'euros.

Concernant les prévisions de recettes en 2017, force est de constater qu'elles semblent renouer avec un optimisme peu prudent.

Les recettes fiscales nettes, c'est-à-dire calculées après imputation des remboursements et dégrèvements, augmenteraient de 6,6 milliards d'euros (+ 2,3 %) par rapport à la prévision révisée pour 2016. Une grande partie de cette augmentation proviendrait de leur évolution spontanée avec une élasticité des recettes à la croissance du PIB estimée à 1,4. En d'autres termes, les recettes fiscales en 2017 doivent progresser plus rapidement que la croissance de l'économie française, dont l'évaluation elle-même est optimiste.

L'augmentation de l'élasticité apparaît particulièrement forte pour l'impôt sur les sociétés : elle est estimée à 2,5, contre 1,5 en 2016, alors même que l'élasticité prévisionnelle révisée pour 2016 est revue à la baisse de 0,4, du fait de la révision à la baisse de l'estimation du bénéfice fiscal de 2015.

Le solde budgétaire de l'État s'établirait à - 69,3 milliards d'euros en 2017. Le Gouvernement se targue du fait que « le déficit atteindrait son plus bas niveau depuis 2008 ».

Ce satisfecit a de quoi surprendre au regard du caractère artificiel de l'amélioration du solde : celle-ci résulte d'un mouvement de trésorerie qui ne correspond en rien à un rétablissement de la situation financière de l'État. En effet, cette estimation ne neutralise pas une hausse du solde des comptes spéciaux de 4 milliards d'euros liée à un simple jeu d'écriture : la trésorerie dont l'État disposait sur le compte de la Coface, son solde créditeur, est en effet versée sur le compte de commerce « Soutien au commerce extérieur » créé par l'article 25 du présent projet de loi, pour tenir compte du fait que la gestion des garanties liées au développement international de l'économie française, qui étaient jusqu'ici mise en oeuvre par la Coface, filiale de Natixis, est transférée à Bpifrance Assurance Export, filiale du groupe Bpifrance.

Ce solde créditeur du compte spécial ne correspond pas à une nouvelle recette mais bien à un simple mouvement de crédits qui devrait être signalé comme une mesure de périmètre, ce qui n'est pas le cas. C'est un tour de passe-passe !

En neutralisant le reversement de la Coface au compte de commerce, le solde budgétaire de l'État se dégrade entre 2016 et 2017 de 1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 et de 3,4 milliards d'euros par rapport au solde révisé.

À périmètre constant, la dégradation du déficit budgétaire de l'État pourrait être encore plus importante si les risques en dépenses se matérialisaient.

Non seulement le budget 2017 démontre un clair dérapage des dépenses de l'État mais, au surplus, le Gouvernement prend de nombreux engagements qui contraindront les dépenses de l'État en 2018 et surtout au-delà.

La budgétisation du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA), en 2017 a de quoi surprendre : aucun crédit de paiement n'est prévu pour l'année à venir. Seules des autorisations d'engagement sont inscrites au budget de l'État, ce qui donne au Gouvernement l'occasion d'afficher un effort de 10 milliards d'euros en faveur d'investissements de long terme sans dégrader le solde budgétaire d'un centime. Le Gouvernement laisse donc la charge du financement effectif du programme, en crédits de paiement, aux exercices postérieurs à 2017.

En outre, le Gouvernement ne cesse d'annoncer des dépenses nouvelles, généralement pluriannuelles. Ces annonces remettent en cause la crédibilité du projet de loi de finances quelques semaines seulement après son dépôt. Elles font peser une charge supplémentaire non seulement sur 2017, mais aussi sur les exercices à venir.

Ainsi, l'annonce du Président de la République, le 27 octobre dernier, d'augmenter les moyens liés aux opérations de rénovation urbaine de 1 milliard d'euros ne pèsera qu'à hauteur de 100 millions d'euros en 2017. Concrètement, 900 millions d'euros devront être décaissés - et financés - à partir de 2018.

Concernant le plan de lutte contre la surpopulation carcérale, 1,16 milliard d'euros ont été engagés en autorisations d'engagement, signifiant que le décaissement des crédits de paiement, qui seuls, pèsent sur le solde budgétaire de l'État, se fera intégralement sur les exercices postérieurs à 2017.

Un plan de lutte contre la radicalisation a aussi été annoncé par le Premier ministre et devrait s'élever à 100 millions d'euros sur trois ans. Il est en outre probable que le plan de sauvetage d'Alstom qui, pour l'instant, n'est pas budgétisé, ne sera pas intégralement financé sur l'année 2017.

Ce sont ainsi au moins 2 milliards d'euros de dépenses qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017, auxquels il faut ajouter les 10 milliards d'euros du troisième programme d'investissements d'avenir, dont, je le rappelle, pas un centime n'est prévu en crédits de paiement en 2017.

Le projet de loi de finances inclut également de nombreuses mesures en recettes dont le coût budgétaire portera presque exclusivement sur les exercices postérieurs à 2017.

Ainsi, le passage du taux de crédit d'impôt compétitivité emploi de 6 % à 7 % n'aura aucun impact en 2017, mais diminuera le produit de l'impôt sur les sociétés de 1,6 milliard d'euros en 2018 et son incidence budgétaire atteindra 3,1 milliards d'euros à horizon 2021.

De même, la baisse du taux d'impôt sur les sociétés à 28 % - dont je ne critique pas le bien-fondé - ne coûtera que 330 millions d'euros en 2017, mais grèvera le budget de l'État de 1,45 milliard d'euros en 2018 et de 7 milliards d'euros en 2021.

De façon similaire, la prorogation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et son cumul avec le dispositif d'éco-PTZ ne coûteront que 1 million d'euros en 2017, mais 1,7 milliard d'euros en 2018.

Doit également être signalée l'extension du crédit d'impôt sur le revenu pour les particuliers employeurs, qui devrait coûter 1,1 milliard d'euros à compter de 2018, ainsi que le crédit d'impôt au profit des associations annoncé par le Gouvernement qui devrait correspondre à une perte de recettes de 600 millions d'euros à partir de 2018.

Au total, le Gouvernement propose des mesures en recettes dont l'impact budgétaire sera « seulement » de 330 millions d'euros en 2017, mais dont le coût croîtra de manière exponentielle à 6,4 milliards d'euros en 2018 et 11,8 milliards d'euros à horizon 2021.

Lorsqu'on ajoute à ce montant les reports de charges en dépenses, le budget 2017 proposé par le Gouvernement comprend près de 25 milliards d'euros de charges qui pèseront sur les années postérieures à 2017, dont plus de 8 milliards d'euros pour la seule année 2018. Il s'agit là d'un détournement du principe d'annualité budgétaire, selon lequel « le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'État ».

Pour conclure, je vous propose quelques éléments de bilan de la politique fiscale entre 2012 et 2016.

À partir de la crise de 2008, tous les pays de l'Union européenne ont été contraints d'augmenter leurs prélèvements obligatoires.

M. Richard Yung . - C'était un choix.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le Gouvernement estime avoir effacé l'ensemble des hausses de prélèvements concernant l'impôt sur le revenu et la fiscalité des entreprises survenues au début du quinquennat ; néanmoins le taux de prélèvements obligatoires demeure élevé. En 2016, selon les prévisions gouvernementales, celui-ci devrait s'élever à 44,5 % du PIB, soit près de deux points de plus qu'en 2011.

Dans ces conditions, il est nécessaire de s'interroger sur les facteurs expliquant cette évolution.

Tout d'abord, rappelons les exigences qui devaient structurer la politique fiscale du quinquennat, selon les annonces du Gouvernement. À l'été 2012, celui-ci indiquait vouloir redresser les comptes publics dans la justice, ce qui impliquait, selon lui, de préserver les plus modestes ainsi que le potentiel de croissance de l'économie. Pourtant, les Français se sont rendus compte que ces exigences n'ont pas été respectées, et ce dès le début du quinquennat. Je ne suis pas l'auteur de l'expression « ras-le-bol fiscal »...

C'est que le début du quinquennat a été marqué par un véritable « choc » fiscal : les lois financières adoptées en 2012 par la nouvelle majorité gouvernementale ont accru les prélèvements directs acquittés par les ménages de près de 16 milliards d'euros au titre des années 2012 et 2013. Or il apparaît qu'une part significative des mesures adoptées en 2012-2013 ont concerné quasi indifféremment les contribuables aisés et les moins favorisés. À titre d'exemple, la suppression de l'exonération des revenus afférents aux heures supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales a représenté une hausse pérenne de la pression fiscale de 4,6 milliards d'euros. Des députés socialistes ont eux-mêmes reconnu que cette mesure ne touchait pas uniquement les classes aisées.

Au titre du seul impôt sur le revenu, la hausse moyenne des impositions payées a représenté 190 euros pour les 8,9 millions de salariés concernés. Certes, 30 % du surcroît d'impôt aura été acquitté par 10 % des ménages les plus aisés ; pour autant, selon la direction générale du Trésor, 230 000 foyers ont été rendus imposables en 2013 par la fiscalisation des heures supplémentaires, dont 80 % situés entre le quatrième et le sixième déciles de niveau de vie.

Surtout, la suppression de l'exonération sociale des heures supplémentaires a touché l'ensemble des salariés, y compris ceux qui n'étaient pas imposés, et ce proportionnellement à leurs revenus.

Par la suite, en dépit d'une première baisse de l'impôt sur le revenu en 2014 au profit des ménages modestes, d'autres mesures sont venues alourdir la charge fiscale des ménages. Entre autres, la réforme des retraites s'est accompagnée d'une hausse des cotisations, atteignant près de 3 milliards d'euros au total, et de nouvelles mesures relatives à l'impôt sur le revenu sont intervenues : abaissement du plafond du quotient familial
- 1 milliard d'euros -, ou encore suppression de l'exonération des majorations de pension, pour 1,2 milliard d'euros.

La charge fiscale des ménages a donc fortement progressé au cours du quinquennat. Elle est passée de 14,5 % du PIB en 2011 à 16 % du PIB en 2016, le Gouvernement la justifiant par la priorité donnée aux entreprises. Encore, cette estimation ne tient pas compte des hausses portant sur les impôts indirects.

La baisse du taux de prélèvements obligatoires amorcée en 2014 est donc principalement liée aux mesures de réduction des charges supportées par les entreprises par le biais du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité.

Dès lors que la charge fiscale des ménages a constamment crû au cours de la législature - en dépit d'une très légère baisse observée en 2016, je le reconnais -, les mesures en faveur des contribuables modestes ont conduit à une concentration accrue de l'impôt.

Ainsi, la part des contribuables effectivement imposés à l'impôt sur le revenu est passée de 50 % en 2012 à 44 % en 2016, selon les premières données transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Quelque 90 % de l'impôt sur le revenu est payé par 30 % des contribuables, soit ceux dont les revenus sont supérieurs à 29 000 euros par an. Il est donc difficile d'affirmer que l'impôt n'a été concentré que sur les ménages aisés : ce phénomène a également concerné les classes moyennes.

Alors que le Gouvernement estime avoir renforcé le caractère redistributif du système fiscalo-social, il apparaît que l'équité fiscale horizontale s'est dégradée au cours du quinquennat, dès lors que des ménages ayant des revenus comparables ont été traités de manière distincte.

À cet égard, une étude publiée dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017 montre que la politique fiscale a favorisé les célibataires, qui ont vu leur niveau de vie progresser de 0,1 point relativement à l'ensemble de la population, plutôt que les familles avec enfants, dont le niveau de vie a reculé de 0,3 point, en lien, notamment, avec les mesures relatives au quotient familial et aux allocations familiales. Elle a aussi favorisé les inactifs, qui ont bénéficié d'une hausse de leur niveau de vie à hauteur de 0,5 point, plutôt que les actifs, dont le niveau de vie a reculé de 0,3 point.

Enfin, l'étude de la direction générale du Trésor montre des transferts intergénérationnels. Ainsi, le « niveau de vie agrégé des jeunes de moins de 25 ans a [...] augmenté de 0,4 % contre une baisse de 0,6 % en moyenne sur l'ensemble de la population ».

Au total, si l'ensemble des catégories de ménages ont vu leur niveau de vie reculer au cours du quinquennat - à l'exception des jeunes de moins de 25 ans non étudiants appartenant à un ménage indépendant -, et ce à hauteur de 0,6 point, les mesures fiscalo-sociales adoptées par le Gouvernement ont clairement davantage pesé sur les actifs et les familles.

En tout état de cause, cette étude ne tient pas compte des hausses de fiscalité indirecte intervenues au cours du quinquennat. Or les ménages ont eu à supporter des hausses de taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en particulier en 2014, lorsque le taux normal est passé à 20 % afin de compenser partiellement le coût du CICE, mais aussi de droits sur les tabacs et les alcools. De même, la fiscalité énergétique s'est fortement accrue, comme en témoigne l'évolution du produit de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), de 3,7 milliards d'euros en 2012 à 8,2 milliards d'euros en 2016. On pourrait aussi évoquer la fiscalité locale.

S'il est délicat de distinguer la part des taxes indirectes supportées par les ménages de celle reposant sur les entreprises, les incidences des hausses de ces impositions peuvent être appréhendées de manière indirecte. À titre d'exemple, l'Insee a pu mesurer l'impact sur la croissance des mesures portant sur la fiscalité indirecte acquittée par les ménages ; celui-ci s'est élevé à - 0,2 point en 2014 et 2015. Il apparaît même qu'en 2016 les hausses de taxes indirectes ont annulé les effets économiques des réductions de la fiscalité directe - dont les mesures sur l'impôt sur le revenu.

Je ne reviendrai que brièvement sur la fiscalité des entreprises. Il convient néanmoins de rappeler que les importantes augmentations des impositions payées par les entreprises intervenues en 2012 et 2013, dont la contribution de 3 % sur les dividendes, la limitation des transferts de déficit et l'aménagement de la déductibilité des charges financières, ont été quasi contemporaines de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). De même, en janvier 2014, a été annoncé le déploiement du Pacte de responsabilité, portant près de 20 milliards d'euros de baisses de charges à l'horizon 2017, que le Gouvernement a cependant choisi de minorer de 5 milliards d'euros en avril dernier par un report au-delà de 2017.

Enfin, de manière répétée, le Gouvernement a sollicité la trésorerie des entreprises en avançant la perception de certains impôts. Une première modification des règles de calcul du 5 e acompte d'impôt sur les sociétés a permis d'avancer la perception de 1 milliard d'euros en 2013. Dans le présent projet de loi de finances, le Gouvernement propose une nouvelle modification de ce régime afin d'anticiper une hausse des recettes perçues de 460 millions d'euros ; à cet égard, il ne dissimule aucunement que cette opération a pour finalité de contribuer au retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB au cours du prochain exercice. Dans la même logique, il est envisagé la création d'un acompte de taxe sur les surfaces commerciales, pour 480 millions d'euros, et une harmonisation du champ d'application de l'acompte de prélèvement forfaitaire, pour 380 millions d'euros. Autant de mesures de trésorerie dont le but est d'afficher de meilleures recettes en 2017.

Il ne fait aucun doute que l'instabilité de la politique fiscale du Gouvernement à l'égard des entreprises et les sollicitations répétées de la trésorerie de ces dernières ont nui à l'attractivité de notre territoire. À ce titre, plusieurs rapports émanant de l'Inspection générale des finances et du Conseil d'analyse économique ont clairement fait apparaître une perte d'attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises.

Prévisions de croissance irréalistes, sous-estimation des dépenses, mesures du projet de loi de finances pour 2017 financées dans les années d'après... Voilà un document à finalité électorale. Le véritable budget ne sera examiné qu'à l'été 2017.

M. Richard Yung . - Permettez-moi une déclaration liminaire : je rends hommage à l'énergie que le rapporteur général a déployée pour faire un rapport non électoraliste. Nous pensions que le débat porterait sur les propositions du Gouvernement. Comme pour tout projet de loi de finances, certains points sont sujets à discussion voire à amendement, dans le cadre d'échanges sérieux. Or ce rapport est entièrement à charge. Les prévisions de croissance qui frôlent l'irréalisme, pour citer le rapporteur général, ne s'élèvent qu'à 1,5 %. Tout cela me rappelle nos discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le déficit est passé de 17 milliards d'euros à 0,4 milliard, certains assurant pourtant n'avoir jamais rien vu d'aussi catastrophique.

Nous sommes dans la caricature. Ces rapports ne sont pas sincères et font perdre son temps à chacun. Le groupe socialiste et républicain considère que ce projet traduit ses priorités : réduction du déficit ; relance de l'activité et compétitivité des entreprises ; emploi ; justice sociale.

Shakespeare l'a dit, le monde est un théâtre où chacun doit jouer son rôle. Nous ne jouerons pas dans cette mauvaise pièce et garderons nos observations pour la discussion en séance plénière.

M. Vincent Capo-Canellas . - Le rapporteur général fournit beaucoup de données et son travail permet d'identifier les difficultés à venir, en montrant les sous-budgétisations et les reports de dépenses. Je retiens trois sujets d'inquiétude : la croissance, l'augmentation des dépenses, le non-respect du Pacte de responsabilité.

Le ministre des finances et de l'économie Michel Sapin a formulé un demi-aveu, en reconnaissant qu'il serait difficile d'atteindre 1,5 % de croissance. Le Haut Conseil nous avait indiqué qu'il faudrait une croissance très forte aux troisième et quatrième trimestres pour répondre à cet objectif. Ne devrait-on pas imposer une révision des prévisions entre le mois d'août, où les positions sont très volontaristes, et le mois de novembre, lors de l'examen du projet de loi de finances par le Parlement ? Je pose cette question au-delà de toute polémique.

Les données présentées par le rapporteur général sur l'évolution de la masse salariale m'inquiètent. Ne peut-on travailler sur les difficultés qu'elle pose ?

Je suis aussi inquiet de la divergence entre la France et ses partenaires européens. On ne pourra pas rester très longtemps aussi loin de nos homologues.

M. Marc Laménie . - Quelles que soient les personnes au pouvoir, rien n'est simple.

La progression des effectifs, de 3,3 %, me paraît importante. Il faudrait disposer d'une comparaison entre la fonction publique d'État et les deux autres versants, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Je m'interroge sur l'évolution spontanée des recettes fiscales, alors que leur élasticité est estimée à 1,4. Quelle est l'analyse du rapporteur sur ce point ?

M. Philippe Dallier . - Je comprends mal les accusations portées contre le rapporteur général. La première qualité d'un budget, c'est sa sincérité.

M. Richard Yung . - La première qualité d'un rapport aussi.

M. Philippe Dallier . - Plus qu'une qualité, la sincérité est une obligation, qui n'est manifestement pas respectée ici. On atteint des sommets, en cette fin de mandature ! Que reprochez-vous au rapporteur général ? De dire la même chose que le Haut Conseil des finances publiques, présidé par Didier Migaud ? De pointer toutes ces dépenses différées, que la prochaine majorité devra solder ? Qui peut nier le caractère électoraliste de ce budget ? Il est comparable à celui présenté par Lionel Jospin en 2002 : le déficit budgétaire avait flambé, atteignant 50 milliards d'euros, parce qu'il avait ouvert les vannes de la dépense publique. Ne vous plaignez pas que nous le dénoncions.

Michel Sapin a fini par reconnaître que la croissance serait de 1,3 % et non de 1,5 % en 2016. Bien malin qui peut dire ce qui se passera en 2017. La prudence aurait dû prévaloir. Vous laisserez une facture très salée aux Français ; le prochain gouvernement aura bien du mal. Ayez au moins l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître : ce budget n'est pas assez sincère, car trop optimiste ; vous allez ouvrir les vannes de la dépense.

M. Éric Doligé . - J'ai été particulièrement surpris par ce qui nous a été démontré. En effet, j'ai écouté, dimanche, le commissaire Moscovici expliquer à la radio que le déficit de la France serait inférieur à 3 % du PIB en 2017. J'étais resté sur cette impression. La vision de Pierre Moscovici est-elle celle de la Commission européenne, ou celle de l'homme politique français ? Il faudrait lui envoyer votre rapport, monsieur le rapporteur général, afin qu'il ajuste ses analyses.

M. André Gattolin . - En tant qu'écologiste, je m'élève contre les accusations d'électoralisme faites à ce budget : à tout le moins, il n'est pas de nature à capter l'électorat écologiste !

Je ne soutiens pas davantage l'idée selon laquelle le rapport du rapporteur général est électoraliste, à moins qu'il n'appartienne plus à la formation politique dont il affirme faire partie. La plupart des candidats à la primaire du parti Les Républicains, sauf peut-être Jean-François Copé, qui souhaite gouverner par ordonnance, ont abandonné l'objectif d'une réduction du déficit à moins de 3 % du PIB en 2017. Le rapporteur général est, en outre, en contradiction avec les rapporteurs spéciaux de la majorité sénatoriale, qui reprochent souvent aux missions de ne pas être assez dotées.

J'entends dire, ici et là, que nous risquons de ne pas discuter du projet de loi de finances. Je le regrette, car j'aurais aimé un exercice contradictoire.

Mme Marie-France Beaufils . - La campagne électorale s'invite dans le débat budgétaire. Nous ne nous sentons pas tenus par les obligations du Pacte de stabilité et de croissance que vous avez rappelées, monsieur le rapporteur général, et nous ne pouvons pas plus vous soutenir que nous ne pouvons soutenir le budget.

Le Gouvernement a été clair. Il s'inscrit dans la continuité du budget précédent. L'objectif de réduction de la dépense publique a été décisif dans le choix des orientations. Vous considérez que ce n'est pas suffisant. Je ne partage pas votre point de vue.

Il aurait été intéressant d'étudier les effets de la lutte contre la fraude fiscale. La TVA constitue la part d'impôt la plus importante dans l'équilibre budgétaire. Certains voudraient que l'impôt soit payé par tous, en voilà un qui est acquitté par tout le monde !

De notre point de vue, la dépense publique n'est pas forcément toujours négative. C'est par choix politique qu'elle est plus importante dans notre pays que dans d'autres pays européens. Elle contribue au développement économique, à la création de richesses et d'emplois.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Tout rapport se veut objectif. Quand le Haut Conseil des finances publiques, le consensus des économistes, mais aussi le ministre des finances lui-même reconnaissent que les prévisions de croissance ne sont pas atteignables, cela a forcément des conséquences sur le projet de loi de finances, dont je rappelle qu'il a été préparé à l'été 2016. L'élasticité des recettes est un phénomène purement mécanique : 0,2 à 0,3 point de croissance en moins entraîne une diminution considérable du montant des recettes.

Ce projet de loi de finances se caractérise en outre par une constante sous-estimation des dépenses. Les hypothèses macroéconomiques sont très éloignées de la réalité. Beaucoup de mesures pèseront sur les exercices suivants, comme la baisse de l'impôt sur les sociétés. Voilà pourquoi je parle d'affichage électoral.

Quant au Haut Conseil, il est ce qu'il est et on ne peut pas le taxer d'être partisan.

Éric Doligé, pour Pierre Moscovici, l'objectif est « jouable ». Je cite la définition du Larousse : « Se dit d'un coup qui peut être essayé ou tenté ».

M. Didier Guillaume . - Si l'on se place à ce niveau...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les mots ont un sens : il y a une nuance entre « jouable » et « atteignable ».

Marie-France Beaufils, notre pays n'a heureusement pas connu de « Frexit ». Dès lors que nous faisons partie de l'Europe, nous sommes soumis aux obligations du Pacte de stabilité et de croissance.

Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) est la source principale de la croissance des résultats en matière de lutte contre la fraude. On constate cependant un écart important, en matière de lutte contre la fraude fiscale, entre les montants redressés et ceux qui sont mis en redressement.

La commission a donné acte au rapporteur général de sa communication sur les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2017. Elle lui a également donné acte de sa communication sur l'évolution des prélèvements obligatoires et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.


* 1 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2017, p. 5.

* 2 Ibid. , p. 6.

* 3 B. Ducoudré, P. Madec, H. Péléraux, M. Plane et R. Sampognaro, « Le bilan préliminaire du quinquennat de F. Hollande », Document de travail OFCE-Sciences Po n° 2016-26, 2016, p. 3.

* 4 Insee, Note de conjoncture , juin 2016.

* 5 Insee, « La conjoncture européenne résiste aux incertitudes politiques », Point de conjoncture , octobre 2016.

* 6 Communiqué de presse de la Banque centrale européenne du 10 mars 2016.

* 7 Déclaration introductive à la conférence de presse de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, du 3 décembre 2015.

* 8 Le « taux de refinancement » correspond au taux d'intérêt fixé par la Banque centrale européenne pour rémunérer les « opérations principales de refinancement », c'est-à-dire les attributions de prêts consenties aux banques commerciales afin qu'elles puissent mener leurs activités ; toutefois, dans le cadre de ces opérations, celles-ci doivent remettre en garantie à la Banque centrale certains actifs - des titres ou autres créances - qui constituent ce que l'on appelle le « collatéral ».

* 9 Le taux de la facilité de prêt marginal correspond au taux d'intérêt fixé par la Banque centrale européenne pour rémunérer les prêts accordés à des banques commerciales ; il s'agit de prêts à très court terme - 24 heures. Cette technique est utilisée quand le marché interbancaire - soit le marché où se rencontrent les banques commerciales afin d'échanger des actifs financiers - est limité.

* 10 Le taux de la facilité de prêt marginal correspond au taux d'intérêt fixé par la Banque centrale européenne pour rémunérer les prêts accordés à des banques commerciales ; il s'agit de prêts à très court terme - 24 heures. Cette technique est utilisée quand le marché interbancaire - soit le marché où se rencontrent les banques commerciales afin d'échanger des actifs financiers - est limité.

* 11 En temps normal, les emprunts réalisés par les établissements bancaires auprès de la banque centrale doivent être remboursés après une semaine à trois mois.

* 12 Communiqué de presse de la Banque centrale européenne du 22 janvier 2015.

* 13 Rapport général (n° 108, 2014-2015), tome I, d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances pour 2015 fait au nom de la commission des finances du Sénat, 20 novembre 2014, p. 17-18.

* 14 Banque centrale européenne, The euro area bank lending survey. Third quarter of 2016 , octobre 2016.

* 15 Reuters, La BCE étudie d'éventuels changements aux rachats d'actifs , 8 septembre 2016.

* 16 Insee, op. cit. , octobre 2016.

* 17 Ifo, Insee et Istat, « Croissance modérée en perspective », Eurozone economic outlook , 11 octobre 2016.

* 18 Commissariat général au développement durable, Conjoncture énergétique. Mai 2016 , juillet 2016, p. 8.

* 19 Banque de France, « La croissance des encours de crédits aux entreprises reste soutenue », Stat Info , 10 octobre 2016.

* 20 Insee, op. cit. , octobre 2016, p. 4.

* 21 Id.

* 22 L'indicateur de climat des affaires est calculé par l'Insee sur la base d'enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise des principaux secteurs d'activité. Il s'agit d'un indicateur d'un intérêt tout particulier dès lors qu'il apparaît que les indicateurs de climats des affaires sont assez fortement corrélés aux grandeurs macroéconomiques, et notamment à l'évolution du PIB.

* 23 Insee, « Stabilité du PIB au deuxième trimestre 2016 », Informations Rapides , n° 222, 26 août 2016, p. 2.

* 24 Insee, op. cit. , octobre 2016, p. 4.

* 25 Insee, « Le PIB augmente de 0,2 % au troisième trimestre 2016 », Informations Rapides , n° 283, 28 octobre 2016.

* 26 L'acquis de croissance du PIB pour l'année en cours correspond au taux de croissance annuel qui serait observé si le PIB restait, jusqu'à la fin de l'année considérée, stable à son dernier niveau trimestriel observé.

* 27 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 5.

* 28 Id.

* 29 Communiqué de presse de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) du 27 septembre 2016.

* 30 Insee, op. cit. , octobre 2016, p. 6.

* 31 Ibid. , p. 4-5.

* 32 Ibid. , p. 5.

* 33 Rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2017, p. 31.

* 34 Rapport d'information (n° 656, 2015-2016) d'Albéric de Montgolfier sur les conséquences économiques et budgétaires d'une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne fait au nom de la commission des finances du Sénat, 1 er juin 2016.

* 35 OCDE, « The Economic Consequences of Brexit: A Taxing Decision », OECD Economic Policy Paper, n° 16, avril 2016, p. 18 [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 36 Rapport économique, social et financier (RESF), op. cit. , p. 31.

* 37 Voir rapport général (n° 164, 2015-2016), tome I, d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances pour 2016 fait au nom de la commission des finances du Sénat, 19 novembre 2015, p. 21-22.

* 38 OCDE, « Global growth warning: Weak trade, financial distorsions », Interim Economic Outlook, 21 septembre 2016, p. 3 [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 39 Id.

* 40 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 6.

* 41 Id.

* 42 Communiqué de presse 198/2016 d'Eurostat du 17 octobre 2016.

* 43 Insee, « En octobre 2016, les prix à la consommation augmentent de 0,4 % sur un an », Informations Rapides, n° 285, 28 octobre 2016.

* 44 Insee, « En septembre 2016, les prix à la consommation baissent de 0,2 % sur un mois ; ils sont en hausse de 0,4 % sur un an », Informations Rapides , n° 265, 12 octobre 2016, p. 1.

* 45 Ibid. , p. 2.

* 46 Insee, op. cit. , octobre 2016, p. 5.

* 47 Id.

* 48 Voir rapport général (n° 164, 2015-2016), op. cit. , p. 41-44.

* 49 Déclaration introductive à la conférence de presse de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, du 20 octobre 2016 [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 50 Communiqué de presse de la Réserve fédérale américaine du 21 septembre 2016 [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 51 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 7.

* 52 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d'investissement du 13 janvier 2015, « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles du pacte de stabilité et croissance », COM(2015) 12 final.

* 53 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 14.

* 54 Id.

* 55 Rapport d'information (n° 764, 2015-2016) d'Albéric de Montgolfier sur les estimations de la croissance potentielle de la France en vue des prochaines programmations pluriannuelles des finances publiques, 6 juillet 2016.

* 56 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 57 Rapport d'information (n° 764, 2015-2016), op. cit. , p. 30-33.

* 58 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 59 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 8.

* 60 Ibid. , p. 9.

* 61 Id.

* 62 Rapport (n° 759, 2015-2016) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015 fait au nom de la commission des finances du Sénat, 6 juillet 2016.

* 63 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 9.

* 64 Rapport économique, social et financier (RESF), op. cit. , p. 66.

* 65 Rapport d'information (n° 763, 2015-2016) d'Albéric de Montgolfier préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2017.

* 66 Rapport économique, social et financier (RESF), op. cit. , p. 69.

* 67 Voir annexe 7 « Ondam et dépenses de santé » au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, p. 14.

* 68 Avis du Comité d'alerte n° 2016-3 du 12 octobre 2016 sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, p. 2.

* 69 Ibid. , p. 2-3.

* 70 Rapport économique, social et financier (RESF), op. cit. , p. 98.

* 71 Ibid. , p. 98-99.

* 72 Unédic, Perspectives financières de l'Assurance chômage 2016-2019 , septembre 2016.

* 73 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 14.

* 74 Rapport économique, social et financier (RESF), op. cit. , p. 93.

* 75 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 14.

* 76 Rapport économique, social et financier (RESF), op. cit. , p. 103.

* 77 Communiqué de l'Agence France Trésor du 28 septembre 2016, « Besoins et ressources de financement de l'État en 2017 et point sur l'année 2016 ».

* 78 Voir rapport d'information (n° 599, 2014-2015) d'Albéric de Montgolfier sur les risques financiers pour la France inhérents à un éventuel défaut grec fait au nom de la commission des finances du Sénat, 8 juillet 2015.

* 79 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit.

* 80 Ibid. , p. 5-6.

* 81 Unédic, op. cit.

* 82 Réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat en application de l'article 58-2° de la loi organique n° 20018692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 83 Versement d'une fraction du reliquat de l'augmentation de capital du Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies souscrite en octobre 2015, pour un montant de 90 millions d'euros ;; contribution aux recapitalisations et aux augmentations de capital de différentes banques multilatérales de développement, pour un montant évalué à 145 millions d'euros ; dernière tranche du programme de renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement (AFD) décidé en 2014, pour un montant prévisionnel de 280 millions d'euros.

* 84 La prévision d'exécution est supérieure entre 100 et 200 millions d'euros aux crédits ouverts en loi de finances initiale et par décret d'avance d'octobre.

* 85 Sous-action 1 « Insertion dans l'emploi au moyen de contrats aidés » de l'action 2 « Amélioration des dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail » du programme 102 « Accès et retour à l'emploi ».

* 86 Avis n° 2016-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2017.

* 87 Arrêt dans les affaires jointes C-338/11 Santander Asset Management SGIIC SA / Directeur des résidents à l'étranger et des services généraux et C-339/11 à C-347/11 Santander Asset Management SGIIC SA e.a. / Ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l'État.

* 88 De 1978 à 2012, les OPCVM établis à l'étranger étaient soumis à un prélèvement à la source de 25 % sur les dividendes qu'ils percevaient des sociétés françaises alors que les OPCVM français en étaient exonérés.

* 89 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 90 1,4 milliard d'euros sont retranchés à l'exécution des recettes fiscales pour 2015, dès lors qu'ils correspondent au remboursement à l'État par EDF d'une aide d'État déclarée illicite par la Commission Européenne, et qu'ils constituent une recette à caractère exceptionnelle à neutraliser pour apprécier l'ampleur réelle de la moins-value constatée.

* 91 Estimée à 1,5% pour 2017.

* 92 Avis n° HCFP-2016-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2017 du 24 septembre 2016.

* 93 D'après l'Évaluation des Voies et Moyens annexée au présent projet de loi de finances

* 94 Pour les familles, ce plafond sera majoré de 3 700 € par demi-part supplémentaire.

* 95 L'article 6 du présent projet de loi de finances prévoit de diminuer le taux d'impôt sur les sociétés des entreprises pour les entreprises jusqu'à 75 000 euros de bénéfices à partir de 2017, puis en 2018 pour les entreprises jusqu'à 500 000 euros de bénéfices et en 2019 pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à un milliard d'euros, et en 2020 pour l'ensemble des entreprises.

* 96 D'après les informations recueillies par votre rapporteur général dans le cadre des réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire.

* 97 Article 14 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 98 Article 32 de la loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 99 Cabinet Bornhauser, « La nouvelle clause anti-abus de l'article 119 ter 3 du CGI condamne-t-elle la holding patrimoniale passive ? », 24 juin 2016.

* 100 Ainsi, d'après le dispositif proposé, les entreprises devront payer, au plus tard le 31 décembre de chaque année, au moins 50 % de la majoration de Tascom due au titre du 1 er janvier de l'année suivante. La surtaxe de Tascom rapportant environ 200 millions d'euros par an (195 millions d'euros au titre de 2017), le montant de l'acompte de 50 % de la surtaxe dû au titre de 2018 et qui devra être payé en 2017 est estimé à 100 millions d'euros.

* 101 Ce niveau exceptionnellement élevé s'explique par d'importantes récupérations au cours de l'année 2016 sur un appel en garantie au titre d'un contrat d'exportation indemnisé en 2015, d'après le tome I des « Évaluations des voies et moyens ».

* 102 D'après les Évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page