N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur .

TOME II

Fascicule 1

LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

( Article liminaire et première partie de la loi de finances )

Volume 1 : Examen des articles

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 141 à 146 (2016-2017)

AVANT PROPOS

AVANT-PROPOS

Votre commission des finances a décidé d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

Cette décision repose sur un examen exhaustif des dispositions du projet de loi et notamment sur l'examen des articles de la première partie.

Il lui a donc paru nécessaire de porter à la connaissance de la Haute Assemblée les analyses qui l'ont conduite à la position qui est aujourd'hui la sienne.

ARTICLE LIMINAIRE - Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2017, prévisions d'exécution 2016 et exécution 2015

. Commentaire : le présent article retrace l'exécution de solde structurel et de solde effectif des administrations publiques pour 2015, la prévision d'exécution pour 2016 et la prévision pour 2017.

I. L'ÉVOLUTION DU SOLDE STRUCTUREL ET DU SOLDE EFFECTIF

Les évolutions du solde structurel et du solde effectif, ainsi que leur contexte, font l'objet d'un traitement approfondi dans le cadre du tome I du présent rapport.

L'article 7 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 1 ( * ) prévoit que les lois de finances de l'année comprennent un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l'année sur laquelle elles portent, l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques » et qui indique « les soldes structurels et effectifs de l'ensemble des administrations publiques de la dernière année écoulée et les prévisions d'exécution de l'année en cours ».

Il revient au Haut Conseil des finances publiques d'« apprécier la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances de l'année au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques ». Ainsi, celui-ci a rendu, le 24 septembre dernier, un avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2016 2 ( * ) .

Il convient de préciser qu'à l'instar du précédent, cet exercice a été quelque peu perturbé en raison de la modification, par le Gouvernement, des hypothèses de croissance potentielle intervenant dans le calcul du solde structurel lors de la présentation du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 3 ( * ) . Après avoir regretté cette modification, y voyant un « problème de principe » 4 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a rappelé, dans son avis précité, que « pour comparer les trajectoires de solde structurel entre le projet de loi de finances et la loi de programmation, il convient d'utiliser les hypothèses de calcul de cette dernière et en particulier celles relatives à la croissance potentielle (1,3 % en 2016 et 2017 au lieu de 1,5 % dans le programme de stabilité d'avril 2016 et dans le PLF pour 2017) » 5 ( * ) .

Or, la trajectoire de solde structurel figurant à l'article liminaire (voir tableau ci-après) est calculée sur la base des hypothèses de croissance potentielle du programme de stabilité 2015-2018 et non de celles retenues par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019.

Article liminaire du projet de loi de finances pour 2017

Exécution 2015

Prévision d'exécution 2016

Prévision 2017

Solde structurel (1)

- 1,9

- 1,6

- 1,1

Solde conjoncturel (2)

- 1,6

- 1,6

- 1,6

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

-

- 0,1

- 0,1

Solde effectif (1+2+3)

- 3,5

- 3,3

- 2,7

Source : projet de loi de finances pour 2017

Aussi le Haut Conseil s'est-il attaché à examiner les estimations de solde structurel calculées avec les hypothèses de croissance potentielle figurant dans la loi de programmation, conformément aux dispositions précitées de la loi organique du 17 décembre 2012 ; sur cette base, celui-ci a relevé que « le déficit structurel [était] estimé à - 1,7 point de PIB en 2016 et - 1,3 point de PIB en 2017. Les objectifs figurant dans la LPFP étaient respectivement de - 1,8 point et - 1,3 point » 6 ( * ) . Si le présent projet de loi de finances respecte la trajectoire de solde structurel de la loi de programmation, le HCFP rappelle qu'il « avait estimé en septembre 2014 que le projet de loi de programmation n'était pas cohérent avec les engagements européens de la France, dans la mesure où il ne prévoyait que des ajustements structurels faibles pour les premières années » 7 ( * ) .

C'est la raison pour laquelle le Haut Conseil a souhaité également se référer aux programmes de stabilité, qui « traduisent mieux les engagements européens de la France » et « constituent une meilleure référence que la loi de programmation de 2014 » 8 ( * ) .

Or, il apparaît que le solde structurel serait plus élevé en 2017 que l'objectif du programme de stabilité d'avril 2016 - dont il faut reconnaître qu'il constitue, dorénavant, une base de référence plus pertinente que la dernière loi de programmation des finances publiques, d'autant qu'il repose sur les mêmes hypothèses de croissance potentielle que le présent projet de loi de finances.

En 2017, selon les prévisions gouvernementales, le solde structurel serait supérieur de 0,3 point de PIB à la cible arrêtée dans le cadre du dernier programme de stabilité . Certes, cet écart résulte de la révision de l'estimation de la croissance du PIB pour 2014 et 2015 par l'Insee, comme l'a montré votre rapporteur général lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2015 9 ( * ) ; pour autant, le Haut Conseil des finances publiques a noté « qu'il n'[avait] pas donné lieu à l'ajustement permettant de remettre le déficit structurel sur la trajectoire du programme de stabilité » 10 ( * ) . Même, l'ajustement structurel au cours de l'année 2016 s'élèverait à 0,3 point de PIB contre une cible de 0,4 point de PIB définie en avril dernier.

Surtout, force est de constater que le Gouvernement a modifié, et ce de manière substantielle la composition de l'ajustement structurel attendu en 2016 et 2017 .

Facteurs d'évolution du solde structurel des administrations publiques
en 2016 et 2017

(en points de PIB)

Pstab. avril 2016

PLF pour 2017

2016

2017

2016

2017

Ajustement structurel, dont :

0,4

0,5

0,3

0,5

Effort structurel

0,5

0,3

0,4

0,4

Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

- 0,2

- 0,3

- 0,2

0,0

Effort en dépenses

0,7

0,6

0,5

0,4

Composante non discrétionnaire

- 0,2

0,0

- 0,1

0,0

Clef en crédits d'impôt

0,0

0,1

0,0

0,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de finances pour 2017 et du programme de stabilité pour les années 2016 à 2019)

Comme le fait apparaître le tableau ci-avant, l'objectif d'effort en dépenses pour l'année 2016 a été réduit de 0,2 point de PIB entre le programme de stabilité et le projet de loi de finances , préfigurant, sans doute, le relâchement des efforts en dépenses annoncé pour l'exercice suivant. En effet, concernant 2017, l'effort en dépenses prévu est diminué de 0,2 point de PIB également ; toutefois, pour maintenir inchangé le niveau de l'ajustement structurel affiché - et pour être en mesure de ramener le déficit effectif en deçà de 3 % du PIB -, les nouvelles mesures en prélèvements obligatoires sont révisées de - 0,3 point de PIB à 0 . Concrètement, cela signifie que les baisses d'impôt annoncées pour 2017 sont annulées dans leurs effets .

Par ailleurs, l'impact sur le solde public de la comptabilisation des crédits d'impôt serait favorable - la « clef en crédits d'impôt » contribuant à hauteur de 0,1 point à l'ajustement structurel. Le Gouvernement explique ce phénomène par le fait que les décaissements des crédits d'impôt se rapprocheraient de leur coût en termes de créances fiscales : « cela est notamment lié au fait que 2017 constitue la première année de restitution automatique des créances au titre de la masse salariale 2013 non imputée dans les trois années précédentes » 11 ( * ) . Enfin, la « composante non discrétionnaire » aurait une incidence nulle sur le solde public ; en effet, les mesures ponctuelles et temporaires représenteraient un coût de 1,4 milliard d'euros en 2017 , contre 2,4 milliards d'euros en 2016, en lien avec les moindres recettes inhérentes aux contentieux fiscaux « OPCVM » (0,8 milliard d'euros), « De Ruyter » (0,1 milliard d'euros), et « Stéria » (0,3 milliard d'euros), auxquels viennent s'ajouter les intérêts des contentieux (0,2 milliard d'euros).

II. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL

La modification de la composition de l'ajustement structurel prévu en 2016 et, surtout, en 2017 est révélatrice des « tours de passe-passe » auxquels le Gouvernement recourt afin d'assurer, sur le papier, un retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2017 , conformément aux engagements pris par la France dans le cadre du Pacte européen de stabilité et de croissance. En effet, comme l'a fait apparaître dans le tome I du présent rapport votre rapporteur général, le Gouvernement a fait le choix de minorer de cinq milliards d'euros les baisses de charges supportées par les entreprises prévues dans le cadre du Pacte de responsabilité . Aussi un tel renoncement aux engagements pris permet-il au Gouvernement de réduire le déficit public tout en relâchant nettement ses efforts de maîtrise de la dépense publique.

Plus grave, le projet de loi de finances pour 2017 présente une sincérité contestable . En effet, le scénario budgétaire du Gouvernement repose sur des hypothèses d'évolution, d'une part, de la croissance de l'activité et, d'autre part, des dépenses publiques des plus optimistes - ce qui a été confirmé par le récent avis du Haut Conseil des finances publiques. Aussi votre rapporteur général s'est-il attaché à rétablir la « vérité » budgétaire et à estimer le niveau réel du déficit public et de la dette qui sera légué à la prochaine majorité gouvernementale .

À cet égard, en tenant compte tout à la fois des incidences de la surestimation de la croissance du PIB sur les recettes et la sous-évaluation des dépenses publiques, le déficit public serait plus dégradé, en 2017, de 8,3 milliards à 11,8 milliards d'euros . Par conséquent, le déficit public ne s'élèverait pas à 2,7 % du PIB en 2017, comme le prévoit le Gouvernement, mais serait compris entre 3,0 % et 3,2 % du PIB .

Même, en cas de réalisation du scénario le moins favorable, la dette publique croîtrait de nouveau en 2017, pour atteindre 97,1 % du PIB , contre une prévision gouvernementale de 96,0 %, et l'ajustement structurel prévu au titre du prochain exercice serait ramené à 0,3 point de PIB
- contre une cible de 0,5 point de PIB dans le cadre du présent projet de loi -, du fait d'un moindre effort en dépenses, venant renforcer le risque de sanction de la France au titre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) en cas de non-retour du déficit public effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017 .

PREMIÈRE PARTIE - CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES


* 1 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 2 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 24 septembre 2016 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2017.

* 3 Voir rapport (n° 417, 2014-2015) sur le projet de programme de stabilité de la France 2015-2018 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, 16 avril 2015.

* 4 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-01 du 13 avril 2015 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018, p. 10.

* 5 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 7.

* 6 Ibid. , p. 8.

* 7 Ibid. , p. 9.

* 8 Id.

* 9 Rapport (n° 759, 2015-2016) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015 fait au nom de la commission des finances du Sénat, 6 juillet 2016.

* 10 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-3 du 24 septembre 2016, op. cit. , p. 9.

* 11 Rapport économique, social et financier (RESF), op. cit. , p. 66.

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