AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Le littoral est un élément dynamique et en constante évolution, sous l'effet de divers phénomènes marins (houles, marées, courants), climatologiques (précipitations, vents violents, gel) et anthropiques.

Les événements récents (tempête Xynthia, inondations dans le Var ou dans les Alpes-Maritimes) et une meilleure connaissance scientifique des impacts du changement climatique invitent à développer une nouvelle réflexion en matière d'aménagement du littoral pour mieux anticiper et prendre en compte les risques naturels.

Certes, la France n'est pas dans la situation de subsidence que connaissent les Pays-Bas, pour lesquels un relèvement mineur du niveau de la mer peut entraîner la disparition d'une part conséquente du territoire national. Néanmoins, pour certains de nos territoires, les conséquences de la montée des eaux et des risques associés sont vitales.

Ainsi, la politique de gestion du trait de côte a progressivement évolué au cours des dernières années. L'approche historique consistait à tenter de maîtriser la nature par la construction d'ouvrages de défense contre la mer (digues, brise-lames) : ces ouvrages, qui recouvrent 20% du linéaire côtier, se sont avérés coûteux et souvent peu efficaces, voire contreproductifs en aggravant l'érosion à long terme.

Depuis les années 1990, on est progressivement passé à une approche plus environnementale, qui tente de gérer les causes de l'érosion plutôt que ses effets, en privilégiant l'anticipation (rechargement ou drainage de plages, accompagnement de la mobilité des dunes). Cette approche s'inscrit aujourd'hui dans la démarche de gestion intégrée des zones côtières, qui considère que la protection du littoral concerne autant des espaces urbains et des zones d'activité économique, que des lieux touristiques et les espaces à haute valeur patrimoniale ou environnementale.

En s'appuyant sur une meilleure connaissance des systèmes naturels, il s'agit désormais de mettre en place les outils juridiques pour permettre un aménagement équilibré des territoires littoraux soumis aux variations du trait de côte, en tenant compte de la forte pression démographique et des enjeux économiques.

C'est à la lumière de cet impératif que votre commission a examiné ce texte, lors de sa réunion du 21 décembre 2016.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA NÉCESSITÉ DE SÉCURISER LA GESTION DU TRAIT DE CÔTE

A. L'ÉLÉVATION DU NIVEAU DE LA MER : UN ALÉA CERTAIN À LA TEMPORALITÉ INCERTAINE

À l'échelle du pays, le littoral est un territoire relativement restreint : les 885 communes littorales ne représentent que 4 % du territoire métropolitain et hébergent 6,2 millions d'habitants . S'y ajoutent 1,6 million d'habitants dans les départements d'outre-mer (Antilles, Guyane, Réunion) et environ 800 000 dans les collectivités d'outre-mer, dont l'archipel de Mayotte.

S'il ne fait pas l'objet d'une définition unique, le trait de côte symbolise la limite entre la terre et la mer. Sa longueur est d'environ 5 800 km en France métropolitaine , 4 500 km en Polynésie, 3 300 km en Nouvelle-Calédonie, 1 380 km pour les Antilles et la Guyane, et 460 km pour la Réunion. Le trait de côte est loin d'être un trait fixe, mais davantage une réalité dynamique. Son profil évolue au gré des aléas naturels dus à la proximité de la mer, que sont les submersions marines et l' érosion côtière .

• Les submersions marines sont des inondations temporaires de la zone côtière par les eaux marines. Leur origine est liée à une élévation temporaire du niveau de la mer et à son état d'agitation. On distingue trois modes de submersion des terres , qui peuvent se conjuguer lors de fortes tempêtes : le franchissement des vagues au-dessus des défenses côtières, le débordement par élévation du niveau d'eau statique, ou encore la rupture des structures de protection.

• L'érosion des côtes est un phénomène permanent que l'on observe partout dans le monde. En France, près d'un quart du littoral s'érode (soit 1 720 km) tandis que près de la moitié des côtes sont jugées stables (3 110 km). La houle, la marée et les courants associés, le vent et le niveau de la mer sont prédominants dans cette dynamique.

L'érosion n'est pas homogène sur le territoire et le trait de côte évolue différemment selon la nature du site concerné . La part du littoral naturel en recul est très variable sur le littoral métropolitain : elle est faible (<10%) en Corse et en Ille-et-Vilaine ; elle est par contre très forte (>70%) dans le Pas-de-Calais, en Seine-Maritime, dans le Calvados et dans le Gard.

Les côtes sableuses représentent deux tiers de l'ensemble des côtes érodées et reculent sur la moitié de leur linéaire (soit 1 150 km) ; les côtes rocheuses sont généralement plus résistantes : un cinquième de leur linéaire s'érode, principalement les roches sédimentaires comme les falaises calcaires ; les côtes vaseuses (vasières, estuaires et marais maritimes) progressent dans les deux tiers des cas (soit 370 km).

En outre, l'érosion peut être accentuée par les activités humaines : aménagements sur les rivières bloquant l'apport de sédiments continentaux, constructions sur le littoral limitant les courants et les flux solides, extraction de granulats. En particulier, la plupart des aménagements côtiers réalisés par le passé pour lutter contre l'érosion (digues, épis rocheux) ont eu des effets contreproductifs . Les déséquilibres du transport sédimentaire qu'ils induisent accentuent parfois l'érosion et augmentent la vulnérabilité des territoires aux risques littoraux.

LITTORAL NATUREL SOUMIS À L'ÉROSION

Source : Observatoire national de la mer et du littoral (ONML)

Ces deux aléas, submersions marines et érosion côtière, sont amplifiés par le changement climatique , qui entraîne une élévation du niveau moyen des océans . Deux phénomènes se conjuguent : d'une part, l'augmentation de la température moyenne des océans entraîne une dilatation des masses d'eau concernées ; d'autre part, la hausse de la température sur les terres émergées provoque une augmentation des apports d'eau douce dans les océans, principalement du fait de la fonte des glaciers de montagne et des calottes glaciaires dans les zones polaires.

PRINCIPALES CONTRIBUTIONS À LA VARIATION DU NIVEAU MOYEN DES OCÉANS ENTRE 1993 ET 2010 (EN MM)

Source : Observatoire national de la mer et du littoral (ONML)

Les mesures scientifiques mettent en évidence une accélération de la montée des eaux au cours de la période récente . Ainsi, Church et White 1 ( * ) calculent une progression moyenne de 1,7 #177; 0,2 mm/an de 1901 à 2009, contre 0,5 mm/an au cours des trois derniers millénaires. Le taux d'évolution annuelle s'élève à 3,2 #177; 0,4 mm/an sur la période 1993-2011, soit près de deux fois plus vite que la moyenne des cent dernières années et six fois plus vite qu'au cours des trois derniers millénaires.

Aujourd'hui, en dépit des incertitudes sur l'ampleur exacte du phénomène et sur son rythme, toutes les prévisions s'accordent à dire que l'élévation du niveau moyen des eaux devrait atteindre, à l'horizon 2100, la fourchette de 0,2 à 0,6 mètre , sous réserve d'une accélération de la fonte des glaces dans les régions polaires. Ainsi, le cinquième et dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), publié en 2013-2014, estime que l'élévation probable du niveau moyen de la mer entre 1986-2005 et 2081-2100 sera comprise entre 26 et 82 cm, avec une forte variabilité géographique.

ÉVOLUTION DU NIVEAU MOYEN DES OCÉANS

Source : Observatoire national de la mer et du littoral (ONML)

Ce phénomène se poursuivra vraisemblablement pendant plusieurs siècles , quelle que soit l'évolution mondiale des émissions de gaz à effet de serre. Cette élévation aura des conséquences sur les risques de submersion et d'érosion du littoral, en métropole comme en outre-mer. Selon une étude de 2013 2 ( * ) , la hausse du niveau des océans pourrait avoir un impact sur 6 à 12 % des îles françaises , dont plus de 30 % sont situées en Polynésie, comprenant 84 atolls, mais également en Nouvelle Calédonie. Elle pourrait, par ailleurs, provoquer des intrusions salines dans les nappes souterraines d'eau douce du bord de mer.


* 1 Church, J. A. and White N.J., 2011. Sea-level rise from the late 19th to the early 21st Century, Surveys in Geophysics, 32(4-5), 585-602.

* 2 Céline Bellard, Camille Leclerc and Franck Courchamp, 2013. Impact of sea level rise on French islands worldwide, Nature Conservation, 5 :75-86.

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