B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ÉCHANGE AUTOMATIQUE SOUS CONDITION DE RÉCIPROCITÉ, SOUS L'ÉGIDE DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE L'OCDE

1. Le cadre de l'échange automatique

L'accord multilatéral entre autorité compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays comporte 11 considérants, 9 sections et 24 paragraphes . Il vise à définir les règles et procédures nécessaires pour permettre aux autorités compétentes des juridictions qui mettent en oeuvre l'action 13 d'échanger automatiquement les déclarations pays par pays, préparées par l'entité déclarante d'un groupe d'entreprises multinationales et remises chaque année aux autorités fiscales de la juridiction de résidence fiscale de cette entité, avec les autorités fiscales de toutes les juridictions dans lesquelles le groupe d'entreprises multinationales exerce des activités. Selon l'OCDE, la formulation de la plupart des dispositions s'inscrit dans la continuité de l'accord entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers 29 ( * ) . Lorsque cela s'est avéré nécessaire, le texte a été complété ou modifié pour refléter les orientations sur le CBCR.

Les considérants définissent le contexte de l'accord . En particulier, il est précisé que :

- les juridictions des signataires sont des parties à la convention de 1988 ou à la convention amendée par le protocole de 2010 ;

- la déclaration pays par pays participe des trois outils recommandés par l'action 13 de BEPS, avec les fichiers principal et local permettant de fournir aux administrations fiscales des informations fiables et pertinentes pour effectuer une analyse efficace des risques liés aux prix de transfert ;

- les juridictions parties à l'accord doivent avoir mis en place, lors du premier échange des déclarations, les « protections adéquates pour faire en sorte que les renseignements reçus conformément à cet accord restent confidentiels et soient utilisés » 30 ( * ) conformément aux objectifs prévus par l'action 13 de BEPS, les infrastructures nécessaires à un échange efficace, ainsi que la législation nationale prévoyant la déclaration pays par pays ;

- les procédures amiables, prévues par exemple par une convention de double imposition conclue deux États, restent applicables aux échanges de déclarations pays par pays ;

- les dispositions de la convention de 1988 relatives à la confidentialité et à la limitation de l'utilisation des renseignements échangés sont applicables au présent accord .

La section 1 procède aux définitions des principales expressions utilisées dans le présent accord. En particulier, il est précisé que l'organe de coordination correspond à l'organe de coordination de la convention de 1988, assisté par le secrétariat de l'OCDE.

La section 2 régit le cadre de l'échange automatique des déclarations pays par pays , selon les dispositions des articles 6, 21 et 22 de la convention de 1988 31 ( * ) . Les deux paragraphes de la section 2 distinguent le cadre d'échange commun et une exception :

- le cadre commun prévoit que « chaque autorité compétente échangera chaque année, de manière automatique, la déclaration pays par pays reçue de chaque entité déclarante résidente de sa juridiction à des fins fiscales, avec toutes les autres autorités compétentes des Juridictions pour lesquelles cet accord a pris effet et dans lesquelles, sur la base des informations contenues dans la déclarations pays par pays, une ou plusieurs entités constitutives du groupe d'entreprises multinationales de l'entité déclarante sont résidentes à des fins fiscales ou sont imposées au titre d'activités menées par l'intermédiaire d'un établissement stable » ;

- une juridiction peut toutefois demander à être inscrite sur la liste des juridictions pour lesquelles il n'y a pas de réciprocité ; elle devra alors transmettre les déclarations mais n'en recevra pas des autres juridictions. Pascal Saint-Amans a précisé, devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale le 7 décembre 2016, que cette possibilité traduit une nécessité juridique : « il n'y a pas de réciprocité systématique car certains États n'ont pas d'impôt sur les sociétés ».

La section 7 prévoit que l'accord peut être modifié par consensus , par accord écrit de toutes les autorités compétentes pour lesquelles il a pris effet.

La section 9 précise que le secrétariat de l'organe de coordination informe l'ensemble des autorités compétentes de toute notification qu'il reçoit au titre du présent accord, sauf exceptions prévues par l'accord, et notifie toute signature par une nouvelle autorité compétente.

2. Les modalités et garanties prévues

La section 3 détermine le calendrier de l'échange automatique des déclarations . L'échange des premières déclarations doit intervenir dans les dix-huit mois suivant le dernier jour de l'exercice fiscal sur lequel porte la déclaration ; pour les déclarations relatives aux exercices suivants, le délai est de quinze mois .

S'agissant des modalités, l'échange des déclarations doit être effectué selon un schéma commun en langage à balise extensible (XML). En outre, il est prévu que les autorités compétentes doivent s'accorder sur « une ou plusieurs méthodes de transmission électronique de données, y compris sur des normes de cryptage, en vue de renforcer autant que possible la standardisation et de réduire la complexité et les coûts » , puis en informer le secrétariat de l'organe de coordination.

La section 5 fixe le cadre applicable aux renseignements échangés dans une double perspective :

- en matière de confidentialité et de secret des données , les protections prévues par la convention de 1988 et renforcées par le protocole de 2010 sont pleinement applicables 32 ( * ) ;

- concernant l'utilisation des renseignements , le deuxième paragraphe énumère une liste limitative d'usages , conformément au cadre défini par l'OCDE dans le rapport final sur l'action 13 de BEPS, à savoir : « une évaluation générale des risques liés aux prix de transfert et aux pratiques d'érosion de la base d'imposition et de transfert de bénéfices et, le cas échéant, [une] analyse économique et statistique » . Si les renseignements obtenus par l'échange automatique des déclarations pays par pays ne doivent pas remplacer une analyse détaillée des prix de transfert et ne permettent donc pas de « déterminer de manière concluante si les prix de transfert sont corrects ou non » et encore moins de fonder des ajustements de prix de transfert, « il n'y a aucune restriction à l'utilisation des renseignements [échangés] comme point de départ à un examen plus approfondi des prix de transfert établis par le groupe d'entreprises multinationales ou d'autres questions fiscales lors d'un contrôle » .

Toute violation des garanties de confidentialité et d'utilisation des données doit être notifiée au secrétariat de l'organe de coordination par l'autorité compétente la constatant ; le secrétariat en informera ensuite les autres autorités compétentes.

Par ailleurs, l'étude d'impact annexée au présent projet de loi souligne que les données de la déclaration étant relatives à des personnes morales, elles ne constituent pas des données personnelles au sens de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes morales sont également exclues du champ d'application des garanties prévues dans le droit dérivé de l'Union européenne.

La section 4 entend répondre aux éventuelles erreurs et défaillances dans le dépôt d'une déclaration en déterminant la collaboration entre autorités compétentes . Aussi est-il prévu qu'une entité compétente informe l'autre autorité compétente « lorsqu'elle a des raisons de croire, s'agissant d'une entité déclarante résidente à des fins fiscales dans la juridiction de l'autre autorité compétente,

- « qu'une erreur peut avoir eu pour conséquence la communication de renseignements erronés ou incomplets ;

- « ou qu'une entité déclarante ne respecte pas ses obligations de dépôt d'une déclaration pays par pays ».

L'autorité compétente ainsi notifiée doit alors faire usage de toutes les dispositions appropriées de son droit interne pour corriger ces erreurs ou remédier aux manquements.

Surtout, la section 6 détermine les consultations entre États parties en cas de difficultés de deux ordres :

Tout d'abord, lorsqu'un « ajustement du bénéfice imposable d'une entité constitutive, effectué à la suite d'investigations supplémentaires fondées sur les données figurant dans la déclaration pays par pays, aboutit à des résultats économiques indésirables , y compris pour une entreprise en particulier, les autorités compétentes des Juridictions dans lesquelles les entités constitutives concernées ont leur résidence fiscale doivent se consulter et dialoguer en vue de résoudre ce cas » . Ce dispositif participe des garde-fous prévenant les risques d'utilisation détournée du mécanisme à des fins de compétition fiscale entre États.

Ensuite, lorsqu'il est constaté un défaut d'application ou d'interprétation de l'accord multilatéral d'échange , une procédure en trois temps est prévue par le paragraphe 2 :

- l'État ayant fait ce constat peut solliciter des consultations avec une ou plusieurs autorités compétentes en vue d'élaborer des mesures d'exécution de l'accord ;

- il doit d'abord consulter l'autorité compétente concernée par le défaut d'application ou d'interprétation de l'accord multilatéral, avant de « conclure à l'existence d'une défaillance systémique (...) concernant l'échange des déclarations pays par pays » ;

- s'il conclut à l'existence de cette défaillance, l'État doit en informer le secrétariat de l'organe de coordination, qui transmet à l'autorité compétente concernée puis le notifie à l'ensemble des États parties.

Tout État ayant engagé une procédure de consultation prévue au paragraphe 2 de la section 6 « doit veiller, s'il y a lieu, à ce que le secrétariat de l'organe de coordination soit informé des conclusions apportées et de toutes mesures ainsi définies, y compris l'absence de conclusions ou de mesures, et le secrétariat de coordination informera l'ensemble des autorités compétentes ».

3. Les conditions d'entrée en vigueur et de suspension de l'accord

La section 8 fixe les conditions d'entrée en vigueur de l'accord, ainsi que la possibilité de suspendre temporairement ou de mettre fin à l'échange automatique de renseignement qu'il introduit.

S'agissant de l'entrée en vigueur, il est prévu que l'autorité compétente doit, au moment de la signature de l'accord ou le plus rapidement par la suite, adresser cinq notifications au secrétariat de l'organe de coordination (cf. tableau infra ). Toute modification de ces éléments doit faire l'objet d'une notification au secrétariat. Le secrétariat publie sur le site Internet de l'OCDE une liste des autorités compétentes ayant signé l'accord et entre lesquelles il a pris effet, ainsi que les deux premières notifications fournies par les États parties et retracées dans le tableau ci-dessous. Les trois autres notifications sont mises à la disposition des autres signataires sur demande écrite auprès du secrétariat.

Liste des notifications devant être transmises au secrétariat

Une notification indiquant la mise en place de la législation nécessaire pour imposer le dépôt d'une déclaration pays par pays, ainsi que le premier exercice fiscal d'application

Publication sur Internet

Une notification précisant si la juridiction doit figurer dans la liste de celles pour lesquelles il n'y a pas de réciprocité

Publication sur Internet

Une notification précisant une ou plusieurs méthodes de transmission électronique des données

Mise à disposition sur demande

Une notification indiquant la mise en place du cadre juridique et des infrastructures nécessaires pour assurer la confidentialité et le respect des normes de protection des données, ainsi que l'utilisation appropriée des informations contenues dans les déclarations

Mise à disposition sur demande

Une notification dressant la liste des juridictions des autorités compétentes à l'égard desquelles elle a l'intention que l'accord prenne effet ou, à défaut, une déclaration de l'autorité compétente exprimant son intention que l'accord prenne effet à l'égard de tous les États parties

Mise à disposition sur demande

Source : commission des finances du Sénat à partir des paragraphes 1, 3 et 4 de la section 8 du présent accord

L'accord prend effet entre deux autorités compétentes dès lors que la seconde a déposé au secrétariat de l'organe de coordination la notification dressant la liste des juridictions à l'égard desquelles elle a l'intention que l'accord s'applique. Toutefois, pour que l'accord soit applicable, il faut que la Convention soit entrée en vigueur et ait pris effet pour les deux juridictions.

Le paragraphe 5 de la section 8 prévoit la possibilité de suspendre temporairement l'échange de renseignement à l'égard d'un État partie . Seuls les manquements graves relatifs aux obligations de confidentialité et de protection des renseignements échangés, aux usages limitativement énumérés au paragraphe 2 de la section 5, ou à l'obligation de consultation préalable en cas d'ajustement du bénéfice imposable aboutissant à des résultats économiques indésirables visé au paragraphe 1 de la section 6, ainsi que le défaut de communication des informations appropriées en temps voulu ouvrent droit à la suspension temporaire de l'échange. La procédure suivante est prévue :

- l'État doit d'abord consulter l'autorité compétente de la juridiction à l'égard de laquelle il souhaite suspendre l'échange ;

- il doit ensuite adresser un préavis à l'autorité compétente de la juridiction visée en indiquant que cette dernière commet ou a commis un manquement grave au présent accord.

La suspension prend effet immédiatement et se poursuit jusqu'à ce que l'autorité visée « établisse d'une façon satisfaisante pour les deux autorités compétentes qu'il n'y a pas eu de manquement grave ou qu'elle a pris les mesures appropriées » pour y remédier. Une consultation par le biais du secrétariat et associant d'autres États parties en vue de rechercher une solution peut aussi être engagée.

Enfin, le paragraphe 6 de la section 8 prévoit la possibilité, pour un État partie, « de mettre fin à sa participation au présent accord ou vis-à-vis d'une autre autorité compétente moyennant un préavis adressé au secrétariat de l'organe de coordination ». La dénonciation prend effet au terme d'un délai de douze mois à compter de la date du préavis. En ce cas, il est précisé que toutes les informations déjà reçues restent confidentielles et soumises aux dispositions de la convention de 1988.


* 29 Cf. Rapport n° 59 (2015-2016) d'Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances, déposé le 14 octobre 2015, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers.

* 30 Considérant n° 8.

* 31 L'article 6 de la convention prévoit la possibilité de conclure un accord d'échange automatique de renseignements ; l'article 21 fixe les garanties de protection des personnes et les limites de l'obligation d'assistance ; l'article 22 porte sur le secret des renseignements échangés.

* 32 En particulier, l'article 21 fixant les garanties de protection des personnes et les limites de l'obligation d'assistance et l'article 22 relatif au secret des renseignements échangés.

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