AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi déposée par nos collègues Alain Bertrand, Jacques Mézard et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen est relative à la stratégie nationale d'utilisation du transport sanitaire héliporté.

Elle concerne une question précise, voire technique, mais dont les implications pratiques pour nos concitoyens sont particulièrement importantes. Il ne s'agit en fait de rien de moins que de la possibilité pour toutes les personnes ayant besoin de soins urgents d'y accéder en moins d'une demi-heure, ainsi que s'y était engagé le Président de la République lors de la campagne présidentielle de 2012 1 ( * ) .

À l'époque le géographe Emmanuel Vigneron avait estimé que 90,4% des Français disposaient déjà d'un tel accès ce qui implique que « plus de 6 millions de Français de métropole n'ont pas un accès rapide aux urgences, auquel il faut ajouter des habitants des DOM-TOM 2 ( * ) ».

Source : Le Monde 13 mars 2012

Or les hélicoptères sont parfois le seul moyen pour évacuer ou transporter dans de bonnes conditions les personnes blessées ou malades que ce soit depuis le lieu où est survenu l'accident ou depuis leur premier point de prise en charge vers la structure hospitalière la plus adaptée.

Il importe dès lors que les moyens existants soient utilisés de la façon la plus efficace possible et que les moyens en matériels et en infrastructure soient développés de manière adéquate.

Comme l'indiquait notre collègue Alain Bertrand lors de la discussion de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne 3 ( * ) :

« Il n'est pas normal que des territoires entiers, presque systématiquement des territoires de montagne, ne jouissent pas de transports héliportés. En plaine, il existe de grandes centralités qui facilitent le transport intérieur. C'est le cas pour les treize départements qui composent la région Occitanie, hormis la Lozère. L'hélicoptère n'est alors pas nécessaire. Ils disposent pourtant d'un hélicoptère bleu, d'un blanc et d'un rouge.

Or il y a des zones qui n'en ont aucun ! La Lozère, par exemple, peut compter sur un hélicoptère rouge deux mois de l'année. Elle n'a ni bleu ni blanc.

Cela entraîne davantage de morts, davantage de handicapés, davantage de souffrance, davantage d'infirmes . »

C'est à ces fins que la proposition de loi entend poser un nouveau cadre de gestion du transport sanitaire héliporté.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. MIEUX GÉRER LES TRANSPORTS SANITAIRES HÉLIPORTÉS

La mise en place d'hélicoptères sanitaires s'est développé après la deuxième guerre mondiale d'abord sur les théâtres d'opération militaires puis en temps de paix et sur l'ensemble du territoire pour faire face à des situations d'urgence médicale ou nécessitant spécifiquement des moyens héliportés, comme le secours en montagne.

L'ampleur des moyens nécessaires pour répondre aux besoins de prise en charge de la population et la coordination des moyens en hélicoptères existants entre services d'aide médicale urgente (Samu), services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) et gendarmerie a fait l'objet d'important débats ces dernières années ainsi que de plusieurs rapports dont, tout récemment, celui de nos collègues Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé fait au nom de la commission des lois 4 ( * ) . C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition de loi déposée par nos collègues Alain Bertrand, Jacques Mézard et les membres du groupe RDSE.

A. TRANSPORTS SANITAIRES HÉLIPORTÉS ET HÉLICOPTÈRES DE SECOURS À PERSONNE

Les transports sanitaires héliportés sont d'abord de la compétence des structures mobiles d'urgence et de réanimation (Smur).

Les 463 points Smur que compte notre pays sont des services hospitaliers destinés, sur décision du médecin régulateur du Samu :

- d'une part à apporter une aide médicale urgente (article R. 6123-1 du code de la santé publique) aux personnes, où qu'elles se trouvent, à l'aide des unités mobiles hospitalières (UMH) qui composent ces structures ;

- d'autre part à assurer le transport entre hôpitaux des patients nécessitant un suivi médical au cours du trajet (article R. 6123-15 du code de la santé publique). Ainsi le site de l'Hôpital Lozère indique que le « Centre Hospitalier [de Mende] dispose (...) d'une hélistation pour les liaisons urgentes avec le CHU de Montpellier ».

Article R6123-1
(modifié par décret n°2010-344 du 31 mars 2010 - art. 179)

L'exercice par un établissement de santé de l'activité de soins de médecine d'urgence mentionnée au 14° de l'article R. 6122-25 est autorisé selon une ou plusieurs des trois modalités suivantes :

1° La régulation des appels adressés au service d'aide médicale urgente mentionné à l'article L. 6112-5 ;

2° La prise en charge des patients par la structure mobile d'urgence et de réanimation, appelée Smur, ou la structure mobile d'urgence et de réanimation spécialisée dans la prise en charge et le transport sanitaire d'urgence des enfants, y  compris les nouveau-nés et les nourrissons, appelée Smur pédiatrique ;

3° La prise en charge des patients accueillis dans la structure des urgences ou dans la structure des urgences pédiatriques.

L'autorisation donnée par l'agence régionale de santé précise la ou les modalités d'exercice de l'activité autorisée.

Un décret du 22 mai 2006 5 ( * ) définit les missions et les conditions de fonctionnement des Smur.

Articles du code de la santé publique insérés par le décret n° 2006-577
« Structure mobile d'urgence et de réanimation »

« Art. D. 6124-12. - L'autorisation d'exercer l'activité mentionnée au 2° de l'article R. 6123-1 ne peut être délivrée à un établissement de santé que s'il dispose des personnels, conducteur ou pilote, ainsi que du matériel, nécessaires à l'utilisation des moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes prévus au chapitre II du titre Ier du livre III de la présente partie.

« Les personnels et les moyens de transports sanitaires mentionnés au premier alinéa peuvent être mis à la disposition de l'établissement autorisé dans le cadre de conventions entre cet établissement et des organismes publics et privés. Des entreprises de transport sanitaire privé, des associations agréées de sécurité civile ou les services départementaux d'incendie et de secours peuvent mettre à disposition, par voie de convention avec cet établissement de santé, certains de leurs moyens.

« Un arrêté du ministre chargé de la santé précise la nature et les caractéristiques exigées des moyens de transports ainsi que leurs conditions d'utilisation.

« Art. D. 6124-13. - L'équipe d'intervention de la structure mobile d'urgence et de réanimation comprend au moins un médecin, un infirmier et un conducteur ou pilote.

« Le conducteur remplit les conditions prévues au 1° de l'article R. 6312-7.

« Le médecin régulateur de la structure d'aide médicale urgente adapte, le cas échéant en tenant compte des indications données par le médecin présent auprès du patient, la composition de l'équipe d'intervention aux besoins du patient.

« Art. D. 6124-14. - Lors d'un transport interhospitalier mentionné au 2° de l'article R. 6123-15, l'équipe d'intervention peut, si l'état du patient le permet, être constituée de deux personnes, dont le médecin mentionné à l'article D. 6124-13.

« Art. D. 6124-15. - Pour les besoins du service, il peut être fait appel à des internes de spécialité médicale ou chirurgicale ou des internes en psychiatrie ayant validé quatre semestres et ayant acquis une formation à la prise en charge des urgences par une expérience professionnelle d'au moins un an dans le domaine de l'urgence ou de la réanimation.

« Art. D. 6124-16. - La structure d'aide médicale urgente dispose notamment :

« 1° D'une salle dotée de moyens de télécommunications lui permettant d'être en liaison permanente avec le Samu et avec ses propres équipes d'intervention ;

« 2° Lorsqu'il est détenteur des moyens de transport sanitaire mentionnés à l'article D. 6124-12, d'un garage destiné à ces moyens de transports terrestres et aux véhicules de liaison ;

« 3° D'un local sécurisé permettant le stockage des dotations de dispositifs médicaux et de médicaments pour besoins urgents dans des conditions appropriées à leur conservation.

Parmi les unités mobiles qui composent les Smur figurent des aéronefs, les héliSmur (les « blanc »). Les données contenues dans le rapport d'information de nos collègues Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé, permettent de savoir que ces hélicoptères sont au nombre de 45 et qu'ils « sont loués auprès d'opérateurs privés, dans le cadre de marché publics, par les établissements de santé autorisés par l'ARS à exercer une activité de médecine d'urgence. Les pilotes, les assistants de vol et le personnel de maintenance sont employés par l'entreprise privée . ».

Les héliSmur doivent permettre le transport en sécurité d'au moins un médecin du Smur et d'un personnel infirmier, des personnels navigants, du patient et du matériel.

Il existe des conditions de formation spécifiques pour les médecins et pour les infirmiers des équipes Smur établies par la société française de médecine d'urgence.

Les interventions d'urgence des héliSmur sont gérés par le centre « 15 » dans le cadre des urgences médicales.

La situation du transport sanitaire héliporté est cependant rendu plus complexe par le fait que les deux autres numéros d'urgence le « 17 » et le « 18 » disposent également d'hélicoptères qui peuvent être amenés à effectuer les mêmes missions que les héliSmur dans le cadre du secours à personne. Pour les gendarmes, ce recoupement se trouve limité aux secours en montagne qui leur est historiquement attribué et pour lequel ils disposent d'hélicoptères spécialement équipés et de pilotes entraînés à ces situations.

Les hélicoptères de la gendarmerie nationale (les « bleus »)

La flotte de la gendarmerie nationale comprend 56 hélicoptères répartis en trois groupes :

- 15 EC 145 biturbines opérant essentiellement dans les unités de montagne de métropole et d'outre-mer, à Villacoublay pour les unités des forces d'intervention, et en Guyane ;

- 15 EC 135 biturbines dédiés aux missions de sécurité publique générale au profit des forces de police (gendarmerie et police nationales) ;

- 26 écureuils implantés dans les unités métropolitaines de plaine et littorales ainsi que dans les unités ultramarines.

En 2014, les pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) ont effectué 4 425 interventions de secours et d'assistance, dont 2 507 assistées d'un hélicoptère.

Les hélicoptères de la sécurité civile (les « rouges »)

Le groupement d'hélicoptères de la sécurité civile (État) est constitué de 35 hélicoptères EC145 d'abord destinés aux missions de secours à personne et d'aide médicale urgente puis aux missions de police en subsidiarité des moyens aériens de la gendarmerie.

Ces appareils sont rattachés aux 24 bases opérationnelles dont 21 en métropole et 3 outre-mer (2 aux Antilles, 1 en Guyane). S'y ajoutent sept détachements temporaires.

L'échelon central du groupement est situé à Nîmes Garons. Il s'occupe de la préparation et de la formation des équipages ainsi que de la maintenance des appareils et du soutien des bases.

En 2015, les missions de secours à personne ont représenté 81,24 % du total des missions, soit 16 038 personnes secourues (+ 2,08 % par rapport à 2014), une personne toute les 33 minutes. Le coût d'une mission de secours est évalué à 2 794 euros par la DGSCGC qui avait observé en 2015 « une nette progression des secours SMUH (...) par rapport à la même période de 2014 et ce malgré l'implantation d'hélicoptères du Samu à proximité des bases de la sécurité civile (Clermont-Ferrand, Besançon) ».

Source : Rapport de Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé,
Éléments recueillis auprès du ministère des affaires sociales et de la santé et réponses du ministère de l'intérieur aux questionnaires budgétaires des rapporteurs pour avis de la commission des lois.

Ainsi que les représentants de Samu de France l'on remarqué lors des auditions conduites par nos collègues « la politique d'emploi des hélicoptères n'est ni claire, ni logique ». Ceci amène Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé à constater que « les moyens héliportés soulèvent un double problème : celui de leur implantation et celui de leur utilisation ».

La question se concentre en fait sur les relations entre la flotte des héliSmur et celle de la sécurité civile. En effet les gendarmes et les Samu décident de l'emploi de leurs appareils mais « une part de l'activité du groupement des hélicoptères de la sécurité civile relève de la décision des seuls Samu, sans aucun droit de regard sur le bien-fondé de la demande . »

Lors de son audition par votre rapporteur le Pr Pierre Carli, président du conseil national de l'urgence hospitalière, a estimé qu'au niveau national près de la moitié des hélicoptères de la sécurité civile sont employés aux missions sanitaires.

A la demande du médecin régulateur les appareils de la sécurité civile embarquent les équipes Smur.

Étant donné les caractéristiques techniques des hélicoptères de la sécurité civile, ceux-ci sont indispensables aux Samu pour les interventions en milieu périlleux or, malgré leur mise à disposition théorique aux Samu, les appareils de la sécurité civile peuvent être indisponibles pendant plusieurs jours pour les missions sanitaires s'ils sont mobilisés ailleurs.

Plusieurs voix se sont donc fait entendre pour demander l'amélioration de l'implantation des hélicoptères susceptibles de pratiquer des transports sanitaires ou, à moyens constants, une plus forte coordination voire une mutualisation des moyens existants.


* 1 Table-ronde avec des professionnels de santé organisée le 13 mars 2012 à Romans dans la Drôme.

* 2 « Plus de 6 millions de Français n'ont pas accès rapidement aux urgences », Laetitia Clavreul, Le Monde, 13 mars 2012.

* 3 Séance du 12 décembre 2016.

* 4 Secours à la personne : propositions pour une réforme en souffrance, rapport n° 24 (2016-2017) du 12 octobre 2016.

* 5 Décret n° 2006-577 du relatif aux conditions techniques de fonctionnement applicables aux structures de médecine d'urgence et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires).

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