III. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE

Depuis 1988, les règles de financement des partis et groupements politiques ont fait l'objet d'un encadrement croissant , dans le respect de l'article 4 de la Constitution selon lequel ils se forment et exercent leur activité librement.

Un mouvement comparable s'est produit pour les campagnes électorales , qui donnent lieu à un encadrement strict afin d'assurer l'égalité des candidats et la liberté de l'électeur.

Ainsi, depuis 1995, les dons des personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques eux-mêmes, sont interdits pour les campagnes électorales et les partis et groupements politiques. Les dons des personnes physiques sont plafonnés à 7 500 euros par candidat et par élection et, depuis 2013, par parti ou groupement politique et par an.

En contrepartie de ces restrictions au financement privé de la vie politique, l'État a instauré un soutien financier public en faveur des candidats et des partis et groupements politiques.

Cette aide se traduit, pour les candidats , par le remboursement de leurs frais de campagne, dans la limite de plafonds, dès lors qu'ils ont obtenu au moins 5 % de suffrages exprimés lors d'un scrutin.

Les partis et groupements politiques ont droit, quant à eux, à la perception d'une aide publique divisée en deux fractions.

La première fraction est ouverte aux partis ou groupements politiques ayant obtenu une certaine audience lors des élections législatives générales, c'est-à-dire à ceux dont les candidats ont obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions, en métropole et à l'étranger, ou dont l'ensemble des candidats, se présentant uniquement dans des circonscriptions ultramarines, ont obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés. Le montant de cette première fraction est calculé à due proportion du nombre de suffrages obtenus au premier tour des élections législatives lors du renouvellement général de l'Assemblée nationale ; ce calcul vaut pour la durée totale de la législature.

La seconde fraction est fonction du nombre de députés et sénateurs qui déclarent chaque année leur rattachement à un parti ou groupement éligible à la première fraction. Depuis 2013, seuls les parlementaires élus dans des circonscriptions ultramarines peuvent se rattacher à des partis ou groupements politiques éligibles à la première fraction en raison de candidats présentés aux élections législatives outre-mer.

Le projet de loi poursuit la recherche de cet équilibre entre les exigences constitutionnelles relatives au financement politique : d'un côté, la liberté des candidats et des partis et groupements politiques, de l'autre, l'égalité de traitement de ces derniers et le soutien à l'expression du pluralisme politique. Il tend ainsi à encadrer davantage le financement des candidats et des partis et groupements politiques et à faciliter leur financement par la mise en place d'un concours de la puissance publique pour ceux rencontrant des difficultés à l'obtenir sur le marché privé.

A. RENFORCER L'ENCADREMENT DU FINANCEMENT DES CAMPAGNES ÉLECTORALES ET DES PARTIS ET GROUPEMENTS POLITIQUES

En vue de renforcer la transparence du financement de la vie politique, le projet de loi institue une série de mesures nouvelles, dont certaines sont appelées de ses voeux de longue date par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) : encadrement du recours à l'emprunt, renforcement des obligations déclaratives à la CNCCFP, généralisation de la publicité des informations financières des partis et groupements politiques, etc.

1. L'encadrement des ressources financières des candidats ainsi que des partis et groupements politiques

En premier lieu, le mandataire financier d'un parti ou groupement politique - association de financement électorale ou personne physique - serait tenu de collecter l'ensemble des ressources de ce dernier , et non plus exclusivement les dons ( article 8 du projet de loi ).

En second lieu, il est prévu de limiter , à l'avenir, la possibilité pour les personnes physiques et morales d'accorder des prêts aux candidats et aux partis et groupements politiques ( articles 8 et 9 du projet de loi ).

Les dispositions proposées prolongent les mesures de transparence introduites par la loi du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats, d'initiative sénatoriale, en franchissant une étape supplémentaire avec la prohibition de certains prêts.

Ainsi, une personne morale ne serait plus autorisée à prêter à un candidat ou à un parti ou groupement politique. Une exception à ce principe vaudrait toutefois pour les partis et groupements politiques eux-mêmes et les établissements de crédit et sociétés de financement ayant leur siège social au sein de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen.

Les prêts consentis par les personnes physiques à un candidat, un parti ou un groupement politique seraient encadrés, tant dans leur durée
- cinq ans au maximum - que dans leur montant et le bénéficiaire du prêt devrait informer le prêteur des règles applicables.

Votre commission a approuvé ce dispositif, sous réserve de modifications marginales.

2. Un contrôle renforcé de la Commission nationale des comptes de campagne et de financements politiques

Le projet de loi tend à compléter les obligations comptables et de transparence des partis et groupements politiques et à faciliter le contrôle effectué par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) 15 ( * ) .

Il prévoit ainsi que la comptabilité des partis et groupements politiques doit être tenue selon une présentation unifiée , précisée par l'Autorité des normes comptables, et intégrer les comptes de toutes leurs organisations territoriales ( article 8 du projet de loi ).

Dans un objectif de transparence, la publication sommaire des comptes au Journal officiel de la République française prévue par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 serait remplacée par une publication détaillée . Dans un souci de transparence et sur la proposition de son rapporteur, votre commission a prévu de publier ces informations en open data pour qu'elles puissent être réutilisées dans les conditions de droit commun prévues par le code des relations entre le public et l'administration ( article 8 du projet de loi ).

La CNCCFP bénéficierait également d'une information annuelle sur les contrats de prêt conclus par des personnes physiques avec des candidats et partis et groupements politiques et leur état de remboursement ( articles 8 et 9 du projet de loi ).

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a jugé nécessaire de renforcer les moyens humains de la CNCCFP pour lui permettre d'exercer ses missions , en prévoyant la désignation par le Premier président de la Cour des comptes de magistrats financiers, en activité ou honoraires, chargés d'assister cette autorité administrative indépendante ( article 9 ter du projet de loi ).

3. Un arsenal répressif complété en matière de financement de la vie politique

Les peines encourues en cas de violation des règles de financement des campagnes électorales et des partis et groupements politiques seraient portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende, contre un an d'emprisonnement et 3 750 € d'amende actuellement ( articles 8 et 9 du projet de loi).

Au regard du quantum particulièrement faible actuellement en vigueur, notamment pour les amendes, votre commission a souscrit à ces modifications.

Sur la proposition de M. Hugues Portelli, elle a en outre institué une sanction pénale en cas d'absence de dépôt de ses comptes annuels par un parti ou groupement politique , ce qui, en 2015, était le cas pour 25 % des 451 partis recensés par la CNCCFP ( article 8 du projet de loi ). Les sanctions administratives actuelles sont inefficaces car elles s'appliquent de manière différée, à savoir l'année suivante, ce qui laisse le temps aux dirigeants du parti de mettre ce dernier « en sommeil » et de verser éventuellement ses fonds à un nouveau parti. C'est pourquoi votre commission a considéré qu'une sanction pénale s'imposait pour faire respecter ces règles de transparence.


* 15 La CNCCFP veille au dépôt de leurs comptes annuels, certifiés par un ou deux commissaires aux comptes, si ces formations politiques ont bénéficié d'un financement public ou privé. Elle assure une publication « sommaire » de ces comptes au Journal officiel . Elle ne vérifie que le respect des obligations comptables de ces partis. Elle peut, pour l'exercice de sa mission, solliciter, depuis 2013, toutes les pièces justificatives requises.

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