EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Habilitation du Gouvernement à prendre diverses ordonnances pour renforcer la place de l'accord d'entreprise

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à prendre plusieurs ordonnances pour renforcer la portée des accords d'entreprise dans le code du travail, pour faciliter la négociation collective dans les branches et pour supprimer le rôle de la commission de refondation prévue par la loi « Travail ».

I - Le dispositif proposé

L'article 1 er autorise le Gouvernement à prendre une ou plusieurs ordonnances, qui devront être publiées au plus tard six mois à compter de la promulgation de la loi, pour répondre au triple objectif suivant :

- reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective, notamment d'entreprise, dans le champ des relations individuelles et collectives de travail applicables aux salariés de droit privé ;

- favoriser les conditions de mise en oeuvre de la négociation collective ;

- supprimer en conséquence la commission de refondation du code du travail mentionné à l'article 1 er de la loi « Travail » 14 ( * ) .

Pour mémoire, en application de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si leur projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

A. La place centrale des accords d'entreprise

1. Le droit en vigueur

Soucieux de renforcer la place de la négociation collective dans le code du travail, le rapport de Jean-Denis Combrexelle 15 ( * ) publié en septembre 2015 avait plaidé pour une refonte de son architecture structurée autour de trois volets :

- les principes fondamentaux du droit du travail qui relèvent strictement du champ de l'article 34 de la Constitution ainsi que les normes de transposition du droit communautaire (ces principes et normes présentant un caractère impératif car relevant de l'ordre public) ;

- les champs ouverts à la négociation avec le minimum d'encadrement législatif qu'exige la Constitution ;

- les dispositions supplétives qui s'appliqueraient en l'absence d'accord collectif.

Une telle refonte du code du travail implique un travail de longue haleine compte tenu de la complexité des règles actuelles et de leur grand nombre : « l'élaboration d'une nouvelle architecture du code suppose d'abord un travail technique préalable, ensuite des arbitrages politiques au niveau du Gouvernement, avec une concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre des instances prévues à cet effet et, enfin, un travail parlementaire dont on doit mesurer l'ampleur », si bien que le rapport envisageait une durée globale maximale de quatre ans pour mener ce chantier à son terme , en y intégrant le vote des mesures législatives nécessaires. Le rapport Combrexelle invitait en particulier le législateur à se concentrer sur les accords portant sur les conditions et le temps de travail, l'emploi et les salaires (ACTES).

A la suite de ce rapport, l'article 1 er de la loi « Travail » du 8 août 2016 précitée a prévu la création d'une commission d'experts et de praticiens des relations sociales chargée de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.

Cette refondation était censée attribuer une place centrale à la négociation collective, en élargissant ses domaines de compétence et son champ d'action, tandis que les dispositions supplétives applicables en l'absence d'accord collectif devaient reprendre des règles de droit positif, sauf pour les simplifier.

Sans attendre la mise en place de cette commission, les articles 8 et 9 de la loi « Travail » ont totalement réécrit les dispositions relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés selon le triptyque ordre public social/négociation collective (en donnant la primauté aux accords d'entreprise sur les accords de branche)/ disposition supplétives en l'absence d'accord.

Si la loi « Travail » a fixé au 8 août 2018 l'échéance des travaux de la commission de refondation , elle était en revanche restée muette sur sa date de mise en place. Or celle-ci n'a toujours pas été désignée, presqu'un an après le vote de la loi.

Sur saisine du Premier ministre en date du 1 er mars dernier, France Stratégie avait pourtant remis un rapport au Gouvernement fin avril présentant différents scénarios sur le calendrier et le séquençage des travaux de la commission de refondation, en proposant notamment de commencer par la santé et la sécurité au travail, l'emploi et la formation professionnelle, avant d'aborder les relations collectives et individuelles du travail et les salaires, pour terminer avec les dispositions particulières à certaines professions et activités et le contrôle de l'application de la législation du travail 16 ( * ) .

L' articulation entre les accords de branche et les accords d'entreprise a considérablement évolué ces dernières années 17 ( * ) . Avant 1982, les accords d'entreprise ne pouvaient déroger aux stipulations d'un accord de branche, sauf pour prévoir des dispositions plus favorables pour les salariés (principe de faveur). La hiérarchie des normes ne connaissait aucune dérogation : un accord de branche, qui ne pouvait déroger à la loi, s'imposait à un accord d'entreprise.

Il y a trente-cinq ans, le code du travail a pour la première fois autorisé un accord de branche à déroger à la loi, dans les limites fixées par le législateur. L'ordonnance du 16 janvier 1982 18 ( * ) a en effet autorisé l'accord de branche à déroger à la loi dans un sens moins favorable aux salariés en matière de contingent annuel d'heures supplémentaires. Mais c'est surtout la loi du 4 mai 2004 19 ( * ) qui a tenté de donner plus de place aux accords d'entreprise, ceux-ci s'imposant directement dans l'entreprise, sauf dans quatre domaines réservés par la loi aux accords de branches (salaires minima, classifications, prévoyance et mutualisation des fonds de la formation professionnelle) et dans ceux sur lesquels les partenaires sociaux de la branche souhaitent conserver la primauté en les « verrouillant ». Enfin, l'an dernier, la loi « Travail » a donné la primauté à l'accord d'entreprise pour fixer la plupart des règles en matière de durée du travail, de congés et de repos, dans le respect des dispositions d'ordre public.

L' articulation entre la loi et la négociation collective est actuellement complexe , y compris pour les spécialistes du droit du travail. Elle peut être résumée en cinq règles.

La première règle est que seule la loi peut définir les règles d' ordre public absolu , ainsi que les règles en droit pénal (infractions aux dispositions en matière d'hygiène et sécurité par exemple), droit administratif (sanction en cas de défaut de déclaration préalable de détachement) ou d' organisation des institutions (organisation des conseils de prud'hommes).

La deuxième règle fixe les thèmes relevant exclusivement d'un accord de branche et sur lesquels un accord d'entreprise ne peut pas intervenir : salaires minima, classifications, garanties collectives en matière de protection complémentaire, mutualisation des fonds de la formation professionnelle depuis la loi du 4 mai 2004 et, depuis la loi « Travail », prévention de la pénibilité et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

La troisième règle autorise les partenaires sociaux de la branche à interdire aux accords d'entreprise d'intervenir sur des sujets « verrouillés » qu'ils estiment devoir relever exclusivement de la négociation au niveau de la branche professionnelle. La liste de ces sujets est aujourd'hui ouverte et non limitée par la loi. L'article 45 de la loi précitée du 4 mai 2004 disposant que « la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l'entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs », il en a résulté que les accords de branche conclus avant le 4 mai 2004 primaient systématiquement sur les accords d'entreprise.

La quatrième règle autorise les signataires d'un accord d'entreprise à modifier une stipulation d'un accord de branche qui ne porte pas sur l'un des thèmes abordés dans les trois premières règles. Un accord d'entreprise ou d'établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels, voire comporter des stipulations nouvelles ou plus favorables aux salariés 20 ( * ) . Toutefois, si un accord de branche est conclu postérieurement à un accord d'entreprise ou d'établissement, ce dernier doit être révisé afin de se conformer à ses stipulations 21 ( * ) .

Enfin, la cinquième règle , issue notamment des articles 8 et 9 de la loi « Travail » sur la durée du travail, les congés et le repos, confère une primauté à l'accord d'entreprise même en présence d'un accord de branche dans ces matières. En l'absence d'accord d'entreprise, ce sont les stipulations de l'accord de branche qui s'appliquent. En l'absence d'accord de branche ou d'entreprise, ce sont les dispositions supplétives fixées par la loi qui s'appliquent.

Le schéma en annexe 1 présente de manière synthétique ces cinq règles.

C'est cette dernière règle, dénoncée par les opposants à la loi « Travail », qui a été qualifiée « d'inversion de la hiérarchie des normes ». Cette qualification apparaît toutefois erronée car il revient toujours au seul législateur de distribuer les compétences et les pouvoirs entre les différents niveaux de la négociation collective. Il lui est loisible d'accorder une plus grande place à l'accord d'entreprise dans certains domaines, dans la mesure où la loi définit par ailleurs l'ordre public absolu auquel nul ne peut déroger, et les dispositions supplétives applicables en cas d'absence d'accord collectif.

2. Les objectifs du Gouvernement

Le projet de loi vise à modifier les relations entre les accords de branche et les accords d'entreprise, en redéfinissant les domaines dans lesquels seuls les accords de branche peuvent intervenir (interdiction absolue posée par la loi), ceux dans lesquels un accord de branche peut interdire aux accords d'entreprise d'empiéter (interdiction posée par l'accord de branche), ceux enfin dans lesquels un accord d'entreprise prime sur un accord de branche.

Le texte ne fournit pas d'indications précises sur les modifications envisagées par le Gouvernement.

Reprenant la formulation retenue à l'article L. 1 du code du travail, le projet de loi ne vise que les relations individuelles et collectives du travail, définies dans les deux premiers livres du code du travail, ainsi que les dispositions relatives à l'emploi et à la formation professionnelle, alors que le Gouvernement semblait initialement vouloir aborder les thèmes de la rémunération et des conditions de travail , reprenant ainsi les préconisations du rapport Combrexelle.

Le bilan et les orientations du ministère du travail à la suite du premier cycle de rencontres bilatérales, rendus publics le 28 juin , permettent d'identifier des pistes d'évolution plus précises.

Les négociations collectives de branche et d'entreprise seraient réparties en trois blocs .

Le premier regrouperait les domaines dans lesquels les accords de branche primeraient de manière impérative sur les accords d'entreprise :

- les minimas conventionnels ;

- les classifications ;

- la mutualisation des financements paritaires (seraient ainsi concernés les fonds de financement du paritarisme, ceux de la formation professionnelle ainsi que les fonds de prévoyance, les complémentaires santé et les compléments d'indemnités journalières) ;

- l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- la gestion et qualité de l'emploi (durée minimale hebdomadaire du travail à temps partiel et compléments d'heure, règles des CDD et des contrats d'intérim, conditions de recours au contrat de chantier). Ce dernier domaine, nouveau, est défendu par la CFDT, comme l'a indiqué Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe, lors de son audition le 12 juillet dernier devant votre commission 22 ( * ) .

Le deuxième bloc rassemblerait les domaines que les signataires d'un accord de branche pourraient décider de faire primer sur les accords d'entreprise :

- la prévention des risques professionnels et la pénibilité (ce domaine quitterait donc le premier bloc pour devenir seulement facultatif au niveau de la branche) ;

- le handicap ;

- les conditions et moyens d'exercice d'un mandat syndical, la reconnaissance des compétences acquises et les évolutions de carrière.

Enfin, le dernier bloc regrouperait tous les autres domaines non visés par les deux premiers blocs. L'accord d'entreprise primerait sur l'accord de branche dans ces domaines, tandis que ce dernier s'appliquerait en l'absence du premier.

B. La prise en compte des spécificités des petites entreprises

Contrairement à l'avant-projet de loi, le présent projet de loi prévoit qu'une ordonnance devra définir les critères et les conditions dans lesquels l' accord de branche peut prévoir que certaines de ses stipulations, dans des domaines limitativement énumérés, sont adaptées ou ne sont pas appliquées dans les petites entreprises couvertes par un accord de branche.

Pour mémoire, l'article 63 de la loi « Travail » précitée a créé des accords types au niveau de la branche à destination des petites entreprises. En effet, un accord de branche étendu peut désormais comporter, le cas échéant sous forme d'accord type indiquant les différents choix laissés à l'employeur, des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés 23 ( * ) . Ces stipulations spécifiques peuvent concerner l'ensemble des négociations prévues par le code du travail. L'employeur peut appliquer cet accord type au moyen d'un document unilatéral indiquant les choix qu'il a retenus après information des délégués du personnel, s'il en existe dans l'entreprise, ainsi que les salariés, par tous moyens.

Ces dispositions s'inspirent des mesures relatives à l'épargne salariale, sur lesquelles les partenaires sociaux au niveau de la branche sont invités par la loi à négocier 24 ( * ) .

Le Gouvernement envisage de conditionner l'extension des accords de branche à la présence de dispositions spécifiques pour les TPE, ou de stipulations les autorisant à ne pas appliquer certaines normes.

C. Harmonisation juridique et simplification du recours aux accords de flexisécurité

Face aux mutations incessantes de leur environnement économique, les entreprises ont besoin d'outils pour adapter leur organisation du travail, sans méconnaître les droits fondamentaux des salariés. C'est pourquoi le code du travail a multiplié ces dernières années les accords de flexisécurité, comme les accords de mobilité interne (AMI) 25 ( * ) et les accords de maintien de l'emploi (AME) 26 ( * ) , tous deux créés par la loi du 14 juin 2013 27 ( * ) , les accords d'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, ainsi que les accords de préservation et de développement de l'emploi 28 ( * ) (APDE) institués par la loi « Travail » 29 ( * ) . Les accords de réduction du temps du travail dits « Aubry » 30 ( * ) peuvent indirectement être rattachés à la catégorie des accords de flexisécurité, dans la mesure où ils s'imposent aux contrats de travail.

Les accords de flexisécurité, qui ont rencontré un succès variable voire, pour certains d'entre eux, un désintérêt manifeste des partenaires sociaux, se sont heurtés à plusieurs difficultés en raison notamment d'un manque d'harmonisation dans leurs motifs de recours , et dans les règles à suivre en cas de refus d'un salarié de les appliquer .

S'agissant des conditions de recours, les règles sont effectivement très hétérogènes. Ainsi, la signature d'un AME est conditionnée à l'établissement d'un diagnostic partagé sur les graves difficultés conjoncturelles auxquelles est confrontée l'entreprise. Un tel diagnostic est également requis pour conclure un APDE, sans nécessité toutefois de prouver l'existence de difficultés conjoncturelles. En revanche, la conclusion d'un AMI ou d'un accord de réduction du temps de travail ne nécessite pas l'établissement préalable d'un diagnostic partagé.

Le Gouvernement exprime également son souhait de clarifier les règles de rupture du contrat de travail pour les salariés qui refusent l'application d'un accord collectif, en particulier s'il s'agit d'un accord de flexisécurité.

Il convient au préalable de rappeler que le code du travail accorde la primauté au contrat de travail par rapport aux accords collectifs , quel que soit le niveau auquel ils ont été conclus. Son article L. 2254-1 pose en effet comme principe que si un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables. Un salarié pourra refuser l'application d'un accord collectif s'il s'appuie sur des clauses spécifiques de son contrat de travail. Les dispositions plus favorables prévues dans l'accord collectif ou une convention se substituent immédiatement aux dispositions du contrat de travail, mais l'accord collectif ne peut modifier les droits des salariés qu'ils tiennent de leur contrat de travail sans leur accord.

C'est pourquoi le législateur a prévu des règles spécifiques pour faire prévaloir certains accords collectifs poursuivant un objectif de flexisécurité sur le contrat de travail, même si celui-ci comprend des clauses expresses contraires à ces accords, en prévoyant qu'un refus du salarié peut entraîner un licenciement pour motif économique ou spécifique selon la nature de l'accord.

Le projet de loi renvoie à l'ordonnance le soin d' harmoniser le régime juridique des ruptures des contrats de travail en cas de refus d'appliquer un accord de flexisécurité, sans préciser toutefois si la nouvelle norme sera le licenciement pour motif personnel, économique ou spécifique. Le bilan du ministère du travail à la suite du premier cycle de rencontres bilatérales indique toutefois que « la rupture du contrat de travail pourrait être un licenciement sui generis, impliquant le versement de l'ensemble des indemnités légales et conventionnelles, et renforcé par l'abondement du compte personnel de formation par l'employeur ».

Pour mémoire, un salarié n'est pas fondé à s'opposer à l'application d'un accord de réduction du temps de travail ou à une modulation de son temps de travail sur une période supérieure à la semaine, car la loi prévoit que ces accords n'entraînent pas une modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur.

En cas de refus du salarié d'appliquer un AMI ou un AME , la loi prévoit que le licenciement repose sur un motif économique et qu'il est prononcé selon la procédure d'un licenciement individuel (cette disposition a pour effet d'éviter la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi si plus de dix salariés sont licenciés, sur une période de trente jours, à la suite du refus de l'application d'un de ces accords dans une entreprise employant plus de cinquante salariés).

En cas de refus d'un salarié d'appliquer un APDE , celui-ci encourt le risque d'un licenciement sui generis , qui ne repose donc pas sur un motif économique ou personnel. La procédure de licenciement est spécifique et précisée directement par le code du travail, en s'inspirant largement de celle applicable au licenciement individuel pour motif économique.

En outre, les mesures d'accompagnement diffèrent selon le type d'accord de flexisécurité : pour les AME, ce sont les règles de droit commun qui s'appliquent en fonction de la taille de l'entreprise : contrat de sécurisation professionnelle (CSP) dans les entreprises de moins de mille salariés, congé de reclassement au-delà de ce seuil. En revanche, un dispositif ad hoc , le parcours d'accompagnement personnalisé (PAP), applicable quelle que soit la taille de l'entreprise, a été créé par le législateur pour les APDE, en s'inspirant très largement du CSP.

Le tableau ci-dessous expose les principales différences entre ces cinq types d'accords en matière de licenciement et d'accompagnement du salarié.

Les accords collectifs de flexisécurité et la rupture du contrat de travail : des dispositions hétérogènes

Types d'accord

Motifs du licenciement en cas de refus du salarié d'appliquer l'accord

Mesures d'accompagnement

Remarques

Accord
de réduction
du temps
de travail
(art. L. 1222-8
du code du travail)

Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail résultant de l'application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement ne repose pas sur un motif économique.

Il est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel.

Il s'agit donc de facto d'un licenciement pour motif spécifique , même si la loi n'utilise pas cette expression.

Aucune mesure d'accom-pagnement spécifique n'est prévue.

L'article L. 1222-7 dispose que la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail ne constitue pas une modification du contrat de travail.

Par conséquent, un salarié ne pouvant refuser une simple modification de ses conditions de travail, il s'expose à un licenciement pour motif spécifique.

Accord
de mobilité interne

(art. L. 2242-19
du code du travail)

Le licenciement repose sur un motif économique , il est prononcé selon les modalités d'un licen-ciement individuel pour motif économique

L'accord doit prévoir des mesures d'accompagnement et de reclassement

En 2016, aucun accord n'avait été conclu trois ans après la création de ce dispositif.

Accord
de préservation
et de développement de l'emploi

(art. L. 2254-2
du code du travail)

Le refus du salarié doit être écrit.

Le licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse et est soumis aux seules modalités et conditions définies par la loi « Travail ».

La lettre de licenciement doit en outre comporter l'énoncé du motif spécifique sur lequel repose le licenciement.

La loi « Travail » a créé un dispositif d'accompagnement spécifique, le parcours d'accompagnement personnalisé, pour les salariés qui refusent l'application d'un APDE, en reprenant la philosophie du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Lors de l'entretien préalable, l'employeur doit proposer au salarié le bénéfice du dispositif d'accompagnement.

Lors de cet entretien, l'employeur informe le salarié par écrit du motif spécifique sur lequel repose la rupture en cas d'acceptation par celui-ci du dispositif d'accompa-gnement.

L'adhésion du salarié au PAP emporte rupture du contrat de travail.

Ce nouvel accord ayant été créé il y a moins d'un an, il est prématuré d'en tirer un premier bilan.

Aménagement
du temps de travail sur
une période supérieure
à la semaine

(art. L. 3121-43
du code du travail)

La mise en place d'un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine par accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet.

Cette disposition relève de l'ordre public en vertu de la loi.

Aucune mesure d'accom-pagnement n'est prévue.

Un salarié qui refuse l'application de ce type d'accord s'expose au risque d'un licenciement pour motif personnel .

Accord
de maintien
de l'emploi

(art. L. 5125-1
du code du travail)

Le licenciement repose sur un motif économique . Il est prononcé selon les modalités d'un licen-ciement individuel pour motif économique et il repose sur une cause réelle et sérieuse.

L'employeur n'est pas tenu aux obligations d'adap-tation et de reclassement.

Le salarié bénéfice toutefois soit du congé de reclassement (obligatoire dans les entreprises employant plus de mille salariés), soit du CSP.

Seule une dizaine d'accords ont été signés depuis 2013.

Source : Commission des affaires sociales

Le projet de loi évoque la possibilité pour le Gouvernement, le cas échéant, d'harmoniser et de simplifier le contenu des accords de flexisécurité précités. Ces accords poursuivant des objectifs parfois distincts, les intentions du Gouvernement apparaissent floues.

D. La sécurisation juridique des accords collectifs

Le Gouvernement souhaite renforcer la sécurité juridique des accords d'entreprise en poursuivant un quadruple objectif.

• Tout d'abord, une ordonnance devra préciser les conditions dans lesquelles il appartient à celui qui conteste un accord de démontrer qu'il n'est pas conforme aux conditions légales qui le régissent.

L'avant-projet de loi prévoyait initialement de faire bénéficier l'accord d'entreprise, sauf dans certaines matières et sous certaines conditions, d'une présomption de conformité à la loi au regard du régime de la preuve applicable devant le juge, en tentant de tirer les conséquences d'une jurisprudence récente de la Cour de cassation.

En effet, dans un arrêt du 27 janvier 2015 31 ( * ) , la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées.

En conséquence, il revient à celui qui les conteste de démontrer que ces différences de traitement sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. La chambre sociale a étendu cette jurisprudence aux différences de traitement entre salariés exerçant des fonctions distinctes au sein d'une même catégorie professionnelle 32 ( * ) , puis aux différences de traitement résultant d'accords d'établissement au sein d'une même entreprise 33 ( * ) .

Dans son avis, le Conseil d'État a néanmoins considéré qu'une « interprétation de cette jurisprudence comme une présomption de conformité à la loi des accords collectifs présenterait des risques, notamment constitutionnels, au regard du droit au recours, et qu'il est plus adapté de raisonner en termes de charge de la preuve 34 ( * ) », ce qui a conduit le Gouvernement à revoir la rédaction de l'habilitation sur ce point.

• Ensuite, le Gouvernement souhaite aménager les délais de contestation d'un accord collectif .

Actuellement, un accord peut être attaqué indirectement (exception d'illégalité) ou directement par les organisations syndicales ou patronales (action en nullité). Dans cette dernière hypothèse, un recours peut être présenté dans un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer 35 ( * ) . L'accord est annulé et est réputé n'avoir jamais existé. Comme l'indique l'étude d'impact, « l'effet de la nullité des clauses s'applique à tous et remplace les parties dans la situation existant avant la conclusion de l'accord 36 ( * ) ».

L'étude d'impact indique que l'ordonnance aurait « pour effet d'atténuer les effets de la rétroactivité des décisions d'annulation des accords collectifs » lorsque ces derniers sont appliqués sur une courte période. Les règles s'appliquant aux accords signés avant la promulgation de l'ordonnance seraient plus accommodantes que celles applicables aux accords conclus postérieurement.

L'habilitation vise indistinctement tous les accords collectifs, sans toutefois indiquer le délai de contestation qui pourrait être retenu.

Compte tenu de l'absence d'indications dans l'étude d'impact, plusieurs options pourraient en théorie être envisagées.

Par exemple, les services de l'Etat, à travers les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), pourraient contrôler, à la demande de l'employeur, la validité de certains accords structurants dans la vie d'une entreprise (par exemple les accords de flexisécurité visés justement par l'ordonnance, comme les accords de préservation ou de développement de l'emploi), dans un délai restreint (un ou deux mois 37 ( * ) ).

Une autre option pourrait être de confier le contentieux des accords collectifs ou d'une partie d'entre eux au tribunal de grande instance territorialement compétent (ou à la cour d'appel), en prévoyant un délai de contestation d'un an après leur signature.

• Le Gouvernement souhaite par ailleurs donner au juge la possibilité de moduler les effets dans le temps de ses décisions lorsqu'il statue sur un litige relatif à un accord collectif.

L'étude d'impact se limite à indiquer que la modulation des effets d'une décision de justice dans le temps est aujourd'hui possible, mais « rarement appliquée » 38 ( * ) et appelle à une « codification de ce principe » « dans un souci d'intelligibilité de la norme ».

Lors de l'examen au Sénat du projet de loi « Travail », votre commission avait adopté un amendement portant article additionnel 39 ( * ) , présenté par notre collègue Annick Billon et plusieurs membres de la délégation sénatoriale aux entreprises, permettant au juge judiciaire de moduler dans le temps les effets de ses décisions en vertu du principe de sécurité juridique, afin de tenir compte de leurs conséquences économiques ou financières sur les entreprises 40 ( * ) .

• Enfin, l'habilitation prévoit que les règles d'entrée en vigueur seront différentes selon les thématiques relevant de l'article 1 er et qui ont été précédemment exposées dans le présent rapport 41 ( * ) , en fonction de la date de conclusion des accords collectifs.

Cette précision, qui ne figurait pas dans l'avant-projet de loi, a été introduite par le Gouvernement à la suite de l'avis du Conseil d'État, qui a souligné que les nouvelles règles d'articulation entre accords de branche et accords d'entreprise nécessiteraient des dispositions spécifiques « sur leurs conditions d'entrée en vigueur dans le temps et leur application aux accords en cours ». Ces dispositions devront en particulier « respecter le cadre défini par le Conseil constitutionnel, notamment par sa décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008 qui a précisé les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte aux contrats et accords en cours 42 ( * ) ». Pour mémoire, le Conseil constitutionnel a jugé dans cette décision que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » 43 ( * ) .

E. Renforcer l'autonomie des partenaires sociaux dans l'organisation du dialogue social

Le Gouvernement souhaite permettre par ordonnance à un accord collectif de déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires , ainsi que d'adapter le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales (BDES) .

• Le code du travail fixe précisément le contenu et la périodicité des négociations, tant au niveau des branches qu'au sein de l' entreprise .

D'une part, au niveau des branches , une négociation doit être engagée chaque année sur les salaires , et elle doit être l'occasion d'aborder des thématiques connexes comme l'évolution de l'emploi 44 ( * ) .

Des négociations triennales doivent être menées sur des sujets aussi divers que l' égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 45 ( * ) , les conditions de travail et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) 46 ( * ) , les travailleurs handicapés 47 ( * ) , ou encore la formation professionnelle et l'apprentissage 48 ( * ) .

D'autres sujets doivent être abordés tous les cinq ans , comme les classifications 49 ( * ) et l' épargne salariale 50 ( * ) .

Depuis la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 51 ( * ) , une négociation au niveau de la branche professionnelle doit en outre être ouverte sur les modalités d'organisation de l'emploi à temps partiel dès lors qu'au moins un tiers de l'effectif des entreprises couvertes occupe un emploi de ce type 52 ( * ) .

S'agissant des négociations obligatoires en entreprise , la loi « Rebsamen » de 2015 53 ( * ) a opéré une rationalisation autour de trois blocs.

De fait, en application de l'article L. 2242-1 du code du travail, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur doit engager chaque année deux négociations :

- l'une sur la rémunération , le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise ;

- l'autre sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail .

Par ailleurs, dans les entreprises d' au moins trois cents salariés , l'employeur doit engager tous les trois ans une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels .

La loi a cependant offert aux partenaires sociaux la possibilité d'adapter, par accord majoritaire, la périodicité des négociations obligatoires.

De fait, en application de l'article L. 2242-20 du même code, un accord d'entreprise majoritaire peut modifier la périodicité de chacune des négociations obligatoires pour tout ou partie des thèmes prévus par la loi, dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles et de cinq ans pour la négociation triennale. Il peut adapter le nombre de négociations au sein de l'entreprise et regrouper différents thèmes de négociations mais il ne peut pas éluder des thèmes rendus obligatoires par la loi. La possibilité de modifier la périodicité de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail n'est toutefois ouverte que si l'entreprise est déjà couverte par un accord sur l'égalité professionnelle ou, à défaut, par un plan d'action. Même si un accord modifie la périodicité de la négociation sur les salaires, l'employeur doit immédiatement ouvrir une négociation sur ce thème dès lors qu'une organisation signataire le demande.

• S'agissant des consultations annuelles du comité d'entreprise , elles ont également été rassemblées en trois grands blocs par la loi Rebsamen » et portent désormais sur les sujets suivants :

- les orientations stratégiques de l'entreprise 54 ( * ) ;

- sa situation économique et financière 55 ( * ) ;

- sa politique sociale, les conditions de travail et l'emploi 56 ( * ) .

En application de l'article L. 2323-7 du code du travail, un accord d'entreprise, qui devra être majoritaire à compter du 1 er septembre 2019, peut adapter les modalités des consultations récurrentes du comité d'entreprise ainsi que la liste et le contenu des informations récurrentes qui doivent lui être transmises. L'accord ne peut toutefois modifier les règles de la consultation portant sur les orientations stratégiques de l'entreprise.

• L'accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi du 11 janvier 2013 avait prévu la création d'une base de données unique dans chaque entreprise 57 ( * ) .

Regroupant et rationalisant exhaustivement les données existantes et sans remettre en cause les attributions des représentants du personnel, elle devait « remplacer l'ensemble des informations données de façon récurrente aux institutions représentatives du personnel ». Les partenaires sociaux avaient prévu une application du dispositif d'abord dans les entreprises employant plus de trois cents salariés, puis une extension et une adaptation dans les entreprises en deçà de ce seuil. Surtout, les signataires de l'ANI avaient souhaité qu'un accord collectif de branche ou d'entreprise puisse « adapter le contenu des informations relevant de ces rubriques, en fonction de l'organisation et/ou du domaine d'activité de l'entreprise ».

Instaurée par l'article 8 de la loi de sécurisation de l'emploi de 2013, et définie à l'article L. 2323-8 du code du travail, la base de données économiques et sociales (BDES) rassemble toutes les informations que l'employeur doit mettre à disposition des institutions représentatives du personnel (comité d'entreprise, à défaut, délégués du personnel, ainsi que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). La base est donc accessible aux représentants du personnel mais aussi aux délégués syndicaux.

Son contenu est défini très précisément par la loi, puisqu'elle doit comporter au moins huit rubriques différentes , qui vont de l'évolution des investissements à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la rémunération des salariés et des dirigeants, en passant par la situation de la sous-traitance et la présentation des aides publiques et des crédits d'impôts dont bénéficie l'entreprise.

La base de données doit traiter ces rubriques pour les deux années précédentes et l'année en cours mais aussi intégrer des perspectives pour les trois années à venir.

Un décret en Conseil d'État adapte le contenu de la BDES pour les entreprises employant moins de trois cents salariés.

Le contenu de la base de données peut uniquement être « enrichi » par un accord de branche ou d'entreprise ou, le cas échéant, un accord de groupe, en fonction de l'organisation et du domaine d'activité de l'entreprise.

C'est cette restriction que souhaite lever le Gouvernement. En effet, l'étude d'impact souligne que les partenaires sociaux ont peu de marges de manoeuvre sur l'architecture de la BDES « qu'ils peuvent au mieux enrichir ». En conséquence, cet outil « est souvent vécu comme un exercice formel et une obligation contraignante, lourde, dont les représentants du personnel eux-mêmes peinent à se saisir pour analyser et interpréter les données très volumineuses dont ils disposent 58 ( * ) ».

F. Le développement des accords d'entreprises dans les entreprises dépourvues de délégué syndical

La majorité des petites entreprises françaises ne sont pas concernés par les règles sur les accords collectifs dans la mesure où elles ne disposent pas d'interlocuteur syndical pour en signer. En effet, seules 4 % des entreprises employant entre onze et cinquante salariés disposent d'un délégué syndical.

La négociation collective en France : les petites entreprises restent à l'écart

Selon les statistiques fournies par la Dares (direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail), 50 000 accords d'entreprise ou textes assimilés ont été signés en 2014 par des élus du personnel, des délégués syndicaux (DS), ou des salariés mandatés, tandis que 32 000 textes ont été validés par référendum ou par décision unilatérale de l'employeur, soit 82 000 accords d'entreprise et textes assimilés au total 59 ( * ) .

Ce chiffre doit être mis en regard du nombre d'entreprises que compte notre pays : plus d'un million d'entreprises. Seulement 15 % des entreprises de dix salariés ou plus du secteur marchand non agricole, employant deux tiers environ des salariés de ce champ, ont engagé une négociation collective en 2014.

Autrement dit, le dialogue social et la négociation collective restent souvent lettre morte dans la majorité des entreprises françaises, en raison notamment de règles adaptées surtout aux spécificités des grandes entités.

La loi « Rebsamen » précitée de 2015 a réformé en profondeur les règles dérogatoires de conclusion des accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, en distinguant trois scénarios , qui accordent la priorité aux représentants du personnel et au mandatement syndical . La loi « Travail » a apporté quelques modifications à ces règles, sans en bouleverser l'équilibre. Malgré cette réforme, le mandatement reste réduit à la portion congrue et peine à convaincre employeurs et salariés en raison de la lourdeur des mécanismes en vigueur.

Le premier scénario , abordé à l'article L. 2232-21 du code du travail, prévoit les conditions dans lesquelles un accord collectif peut être signé dans une entreprise ou un établissement dépourvu de délégué syndical (et de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés) mais doté d'institutions représentatives du personnel.

L'employeur est autorisé dans cette hypothèse à négocier, conclure et réviser un accord d'entreprise :

- soit avec les représentants élus du personnel au comité d'entreprise ;

- soit avec ceux élus à la délégation unique du personnel ;

- soit avec ceux élus à l'instance unique créée par accord majoritaire en vertu de la loi « Rebsamen » 60 ( * ) ;

- soit, à défaut de ces représentants élus, avec les délégués du personnel.

Quels que soient les interlocuteurs de l'employeur, ceux-ci doivent être expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l'entreprise (ou, à défaut, représentatives au niveau national et interprofessionnel), étant précisé qu'une organisation ne peut mandater plusieurs salariés. Dans la pratique, ce mandatement comprend deux parties : l'une pour négocier, l'autre pour signer l'accord. L'employeur doit informer les syndicats représentatifs au niveau de la branche et, à défaut, ceux représentatifs au niveau national et interprofessionnel, de son souhait d'engager des négociations.

L'accord ainsi signé doit ensuite être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés , dans des conditions déterminées par décret et dans le respect des principes généraux du droit électoral 61 ( * ) .

Le deuxième scénario concerne l'absence de mandatement d'un représentant du personnel, après le délai de réflexion d'un mois 62 ( * ) prévu par la loi à partir du moment où l'employeur a fait connaître son intention de négocier.

Dans cette hypothèse, l'employeur peut signer un accord collectif uniquement avec les représentants élus titulaires , à condition qu'ils aient recueillis la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles 63 ( * ) .

Aucune consultation des salariés n'est requise pour entériner l'accord, qui doit seulement être transmis pour information à la commission paritaire de branche.

Le troisième scénario vise les entreprises dans lesquelles aucun représentant élu du personnel n'a manifesté son souhait de négocier, celles dépourvues de représentants de personnel (cette absence devant être attestée par un procès-verbal de carence) et celles employant moins de onze salariés 64 ( * ) . Dans cette hypothèse, l'employeur peut conclure un accord avec un salarié de l'entreprise, qui n'est pas représentant du personnel , mais qui a obtenu le mandatement d'un syndicat représentatif au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel. Les salariés qui exercent un pouvoir de direction au nom de l'employeur et ceux qui lui sont apparentés ne peuvent être mandatés, tandis que les syndicats représentatifs ne peuvent mandater qu'un salarié par entreprise 65 ( * ) .

L'accord signé par un salarié mandaté n'est valide que s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés , dans des conditions déterminées par décret et dans le respect des principes généraux du droit électoral 66 ( * ) .

Ni le projet de loi ni l'étude d'impact n'indiquent comment le Gouvernement entend faciliter la conclusion d'accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.

Toutefois, le bilan et les orientations du ministère du travail rendus publics le 11 juillet dernier à la suite du deuxième cycle de rencontres bilatérales tracent des pistes d'évolution législative.

En effet, en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise, la négociation pourrait s'engager soit :

- avec le délégué du personnel mandaté, ou, à défaut, avec un salarié mandaté, comme le permet le droit en vigueur ;

- avec un délégué du personnel, le projet d'accord étant réputé valide si le délégué a obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, ou à défaut après un référendum d'entreprise ;

- avec un délégué du personnel « ayant obligatoirement une formation à la négociation et accompagné par une organisation syndicale ».

Ces différentes options semblent être mises sur un pied d'égalité, sans instaurer de priorité au profit des élus du personnel ni du mandatement syndical, ce qui correspond à la position que le Sénat avait adoptée lors de l'examen de la loi « Travail » 67 ( * ) .

Le Gouvernement envisage toutefois une exonération totale ou partielle de la cotisation de l'entreprise au fonds pour le financement du dialogue social lorsque la négociation s'engage avec un délégué syndical ou un délégué du personnel mandaté.

G. L'accélération de la généralisation de l'accord majoritaire

L'article 21 de la loi « Travail », en modifiant L. 2232-12 du code du travail, a prévu qu'à terme, la validité d'un accord d'entreprise soit conditionnée à sa signature par des syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives lors des dernières élections professionnelles (élections des titulaires au comité d'entreprise, à la délégation unique du personnel, voire des délégués du personnel). Autrement dit, les signataires devront avoir obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors de ces élections.

Jusqu'alors, un accord d'entreprise était valide si deux conditions cumulatives étaient remplies :

- la première, dite majorité d'engagement , imposait aux syndicats signataires d'obtenir au moins 30 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections, quel que soit le nombre de votants ;

- la seconde, dite absence d'opposition , disposait que l'accord ne devait pas être frappé d'opposition, dans les huit jours suivant sa notification, par un ou plusieurs syndicats ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections.

À travers la promotion de l'accord majoritaire, la loi « Travail » s'inscrit dans la continuité de la position commune des partenaires sociaux de 2008 sur leur représentativité 68 ( * ) , qui avait fixé le développement de ce type d'accord à compter de la fin du premier cycle de mesure de la représentativité des syndicats de salariés.

En outre, l'article L. 2232-12 du code du travail ouvre, sous conditions, le droit pour certains syndicats d'obtenir l'organisation d'une consultation des salariés visant à valider un accord conclu avec l'employeur.

Ce droit ne concerne que les syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des élections professionnelles, quel que soit le nombre de votants, et qui ont signé le projet d'accord.

L'employeur est tenu d'organiser cette consultation si, à l'issue d'un délai de huit jours à compter de la demande du ou des syndicats signataires, le projet d'accord n'a pas obtenu la signature d'autres syndicats permettant de dépasser le seuil des 50 %.

Cette consultation peut être organisée par voie électronique et doit se dérouler dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l'employeur et les organisations signataires.

Tous les salariés autorisés à élire les délégués du personnel peuvent participer à cette consultation.

L' accord est valide s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés , sans seuil de participation minimale.

La nouvelle règle de majorité pour conclure un accord collectif d'entreprise et la possibilité d'organiser un référendum dans l'entreprise se sont appliquées immédiatement aux accords d'entreprise conclus en vue de la préservation ou du développement de l'emploi (APDE) et, depuis le 1 er janvier 2017, aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés conclus après cette date. Ces règles s'appliqueront à compter du 1 er septembre 2019 à tous les autres accords collectifs, à l'exception des accords de maintien de l'emploi (AME) qui sont déjà régis par des dispositions spécifiques.

Le Gouvernement souhaite modifier les modalités d'appréciation du caractère majoritaire des accords ainsi que le calendrier et les modalités de généralisation de ce caractère majoritaire.

L'étude d'impact indique seulement le souhait du ministère « d'accélérer la généralisation de la règle de l'accord majoritaire » afin d'« encourager les acteurs de terrain à définir les normes garantissant la performance sociale et économique » de l'entreprise 69 ( * ) .

S'agissant des modalités d'appréciation du caractère majoritaire des accords, aucune information n'est fournie par le Gouvernement. Il envisage peut-être de définir le seuil de 50 % uniquement en fonction des suffrages exprimés, et non plus en se référant aux suffrages attribués aux organisations ayant franchi le seuil de 10 % et déclarées ainsi représentatives. Il pourrait également être envisagé d'imposer un seuil minimal de participation pour renforcer la légitimité de certains accords emblématiques dans l'entreprise. En tout état de cause, lors de son audition devant votre commission, la représentante de la CFDT a exprimé son refus de modifier les règles de calcul des accords majoritaires.

H. La promotion des consultations des salariés pour valider un accord

Le code du travail prévoit déjà de nombreuses consultations du personnel pour entériner un accord collectif.

Comme il a été dit précédemment, en l'absence de délégué syndical, un employeur peut conclure un accord, sous certaines conditions, avec un représentant élu du personnel mandaté 70 ( * ) voire avec un salarié qui n'est pas représentant du personnel mais qui a obtenu un mandatement 71 ( * ) , à condition que cet accord soit ensuite approuvé par la majorité du personnel.

Par ailleurs, un syndicat signataire d'un accord signé par des organisations ayant recueilli entre 30 et 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives, peut demander une consultation du personnel en vue d'obtenir sa validation 72 ( * ) . Cette faculté n'est ouverte qu'aux syndicats signataires de l'accord, et non à l'employeur, contrairement à la volonté du Sénat exprimée lors de l'examen de la loi « Travail ».

En l'absence d'accord collectif, la dérogation préfectorale au repos dominical est accordée au vu d'une décision unilatérale de l'employeur, prise après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu'ils existent, puis approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation 73 ( * ) .

Les entreprises qui souhaitent adhérer ou sortir d'un plan d'épargne interentreprises doivent recueillir l'accord de leur comité d'entreprise ou de la majorité des deux tiers de leur personnel 74 ( * ) .

Le Gouvernement souhaite faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord, mais l'étude d'impact est muette sur les moyens d'atteindre cet objectif.

I. Accélérer la restructuration du paysage conventionnel

Les accords et conventions de branche jouent un rôle essentiel en matière de régulation de la concurrence entre entreprises, en empêchant les pratiques de concurrence sociale déloyale à travers la fixation de règles communes et négociées.

La réflexion sur l'articulation entre accords de branche et accords d'entreprise ne saurait occulter le fait que le paysage conventionnel français peine à être rationalisé .

Notre pays se distingue en effet par un très grand nombre de branches professionnelles (687 en 2012), dont pratiquement les trois quarts comptent moins de 15 000 salariés 75 ( * ) . En outre, 241 branches, soit un tiers d'entre elles, n'ont pas déposé d'accords depuis plus de dix ans, dont 212 relèvent d'un niveau régional ou local.

C'est pourquoi le législateur a créé une panoplie de dispositifs visant à restructurer le paysage conventionnel, à travers l'article 29 de la loi du 5 mars 2014 76 ( * ) , qui a prévu à l'article L. 2261-32 du code du travail quatre dispositifs de restructuration des branches professionnelles :

- la fusion entre les champs d'application de deux conventions collectives ;

- l' élargissement d'une convention collective à une branche peu active ;

- le refus d'étendre une convention collective aux entreprises non signataires de la convention collective en cas de faible activité conventionnelle ou de faible représentativité des organisations patronales signataires ;

- le refus d'arrêter la liste des partenaires sociaux représentatifs dans une branche.

Ces quatre dispositifs ont été modifiés à la marge par l'article 23 de la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 précitée, ce qui a conduit notre commission à estimer qu'ils demeuraient « lourds », « complexes » et « peu harmonisés » 77 ( * ) .

L'objectif fixé par le Premier ministre en 2014 d'atteindre d'ici 2020 une centaine de branches, comme en Allemagne, s'avérait donc impossible à atteindre, la restructuration n'ayant été amorcée en 2016 que pour 124 branches, dont 18 relevaient du secteur agricole.

C'est pourquoi l'article 25 de la loi « Travail » avait précisément pour objectif d'accélérer la restructuration des branches conventionnelles à travers trois volets :

- la simplification du cadre juridique des quatre dispositifs actuellement mis à disposition du ministre du travail ;

- la sécurisation juridique des employeurs en cas de fusion ou de regroupement entre branches ;

- l'élaboration d'une feuille de route à destination du ministre du travail et des partenaires sociaux.

S'agissant du premier volet , les conditions de recours par le ministre du travail aux dispositifs précités ont effectivement été harmonisées par l'article L. 2261-32 du code du travail tandis que la restructuration des branches professionnelles a été déclarée d'intérêt général.

Le ministre peut désormais engager une procédure de fusion, refuser d'étendre une convention collective ou décider de ne pas déclarer représentatifs les partenaires sociaux présents dans une branche professionnelle pour l'une des cinq raisons suivantes :

- faiblesse des effectifs salariés ;

- faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts ;

- restriction du champ d'application géographique de la branche au niveau régional ou local ;

- faiblesse du nombre d'organisations patronales représentatives adhérentes (moins de 5 %) ;

- absence de mise en place ou de réunion de la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation.

Compte tenu de la nécessité de respecter le principe de liberté contractuelle , auquel sont naturellement attachés les partenaires sociaux, le législateur a prévu de nombreuses garanties .

À titre d'exemple, l'engagement de la procédure de fusion doit donner lieu à un avis publié au Journal officiel, afin d'inviter les organisations et personnes intéressées à faire connaître, dans un délai déterminé par décret, leurs observations. En outre, le ministre du travail ne peut procéder à la fusion qu'après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC). Enfin, si deux organisations professionnelles d'employeurs ou deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission proposent une autre branche de rattachement, le ministre doit consulter à nouveau la commission dans un délai et selon des modalités fixées par décret. Des garanties similaires sont prévues pour la procédure d'élargissement.

S'agissant du deuxième volet , en cas de fusion des champs d'application de plusieurs conventions collectives par exemple, les anciennes stipulations conventionnelles demeurent applicables pendant un délai de cinq ans, afin de permettre aux partenaires sociaux de conclure une convention consolidée 78 ( * ) . Pendant cette période, les recours fondés sur les différences temporaires de traitement entre salariés résultant de la fusion sont déclarés inopérants.

Concernant le dernier volet , l'article 25 de la loi « Travail » a dressé une feuille de route ambitieuse pour accélérer la restructuration conventionnelle.

Tout d'abord, les partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel ont dû engager avant le 8 novembre 2016 une négociation, en y associant les organisations patronales représentatives au niveau national et multiprofessionnel, sur la méthode permettant d'atteindre, au plus tard le 8 août 2019, l'objectif d'environ deux cents branches professionnelles. Parallèlement, le législateur invitait les partenaires sociaux à engager des négociations de branche pour atteindre cet objectif.

Ensuite, le ministre devait engager, avant fin 2016, la fusion des branches dont le champ d'application géographique est uniquement régional ou local, ainsi que celle des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant ces quinze dernières années.

En outre, à compter du 8 août 2019, le ministre du travail aura l'obligation d'engager la fusion des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant entre le 8 août 2009 et cette date.

Enfin, entre le 8 août 2016 et le 8 août 2019, le ministre du travail n'est pas autorisé à procéder à une fusion en cas d'opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la CNNC, sauf s'il s'agit des branches dont le champ d'application géographique est uniquement régional ou local et des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant depuis quinze ans.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique que « les premiers travaux de la sous-commission [de la restructuration des branches professionnelles] se sont concentrés sur les branches sans négociation depuis vingt ans et ayant recueilli moins de onze suffrages lors des dernières élections professionnelles : 179 branches étaient dans ce cas de figure. Parmi elles, 127 ont déjà fait l'objet d'une restructuration » 79 ( * ) . Le Gouvernement souhaite accélérer le processus de restructuration des branches professionnelles, le bilan et les orientations du ministère du travail rendus publics le 11 juillet dernier à la suite du deuxième cycle de rencontres bilatérales fixant au 1 er septembre 2018, et non plus au 8 août 2019, l'objectif d'atteindre 200 branches professionnelles.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté sur cet article en commission à l'Assemblée nationale.

Plusieurs amendements ont en revanche été adoptés en séance publique.

Un amendement du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a rappelé que les conventions et accords de branche ne pourront pas remettre en cause les dispositions d' ordre public fixées par la loi.

A l'initiative de notre collègue député Gérard Cherpion et plusieurs membres du groupe Les Républicains, les partenaires sociaux pourront choisir de réserver aux accords et conventions de branche certains thèmes « limitativement » énumérés par la loi .

Un autre amendement des mêmes auteurs a indiqué que les accords de branche, qui devront écarter l'application de certaines stipulations pour les petites entreprises et en adapter d'autres à leurs spécificités, devront également prévoir, le cas échéant, des contreparties pour les salariés.

Un amendement du Gouvernement a précisé, au sein de la nouvelle articulation entre les accords de branche et les accords d'entreprise, que les accords d'établissement auront la même portée que ces derniers, dans la lignée de l'harmonisation des régimes juridiques des accords initiée par la loi « Travail ».

Un amendement présenté par notre collègue député Boris Vallaud et plusieurs membres du groupe Nouvelle Gauche a précisé que la possibilité pour un accord collectif de déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires, ainsi que d'adapter le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales, ne pourra pas remettre en cause la pénalité de 1 % de la masse salariale appliquée en cas d'absence d'accord sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévue à l'article L. 2242-9 du code du travail.

Afin d'accélérer la restructuration du paysage conventionnel, un amendement présenté par notre collègue député Patrick Mignola et plusieurs de ses collègues du groupe du Mouvement démocrate a réduit de trois ans à dix-huit mois le délai pour atteindre 200 branches professionnelles .

III - La position de votre commission

Si votre rapporteur soutient la philosophie qui sous-tend le présent article 1 er , il a souhaité préciser certaines habilitations dans la continuité des travaux du Sénat depuis 2015.

Sur sa proposition, votre commission a adopté l'amendement COM-13 pour que les partenaires sociaux au niveau de la branche accordent une attention particulière aux petites entreprises dépourvues de représentants du personnel . Il est souhaitable que les accords de branche comprennent des stipulations adaptées aux spécificités des petites entreprises, voire écartent d'emblée des stipulations qui leur sont inadaptées. Encore faut-il que les accords de branche prennent en compte la situation singulière des entreprises dépourvues de toute institution représentative du personnel.

La commission a par ailleurs adopté l'amendement COM-14 pour supprimer la référence aux accords de maintien de l'emploi à l'article 1 er du projet de loi . Lors de l'examen du projet de loi « Travail », le Sénat avait supprimé les accords de maintien de l'emploi (AME), qui figurent à l'article L. 5125-1 du code du travail, compte tenu du faible écho qu'ils ont rencontré (seulement une douzaine ont été conclus depuis leur création en 2013), et de la création par cette loi justement des accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE), qui poursuivent les mêmes objectifs que les premiers sans leurs contraintes juridiques. Conserver une référence aux AME dans la loi d'habilitation pourrait être assimilé à un soutien du Sénat à ces accords dont il souhaite la disparition dans un souci de simplification juridique.

Votre commission a adopté l'amendement COM-15 du rapporteur pour obliger le Gouvernement à retenir un motif spécifique pour les licenciements des salariés qui refusent l'application d'un accord de flexisécurité . Par ailleurs, cet amendement écarte l'application des règles relatives à un plan de sauvegarde de l'emploi pour ce type de licenciement , même si plus de dix salariés sont licenciés après avoir refusé l'application d'un tel accord sur une période de trente jours dans une entreprise employant plus de cinquante salariés. Une telle dérogation est déjà prévue pour les accords de maintien de l'emploi et les APDE. Tout refus d'un salarié entraînera donc un licenciement sui generis , comme le législateur l'a prévu pour les APDE. L'employeur devrait, selon votre rapporteur, suivre une procédure spécifique unique et proposer aux salariés concernés un dispositif d'accompagnement lui aussi unique, présentant les mêmes garanties que le contrat de sécurisation professionnelle, actuellement réservé aux salariés licenciés pour motif économique.

Sur proposition de votre rapporteur, la commission a ensuite adopté l'amendement COM-16 permettant aux employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs directement avec les représentants élus du personnel . De fait, la majorité des petites entreprises françaises ne se sentent pas concernées par les règles sur les accords collectifs dans la mesure où elles ne disposent pas d'interlocuteur syndical pour en signer. En outre, les règles dérogatoires permettant la conclusion d'accords d'entreprise en l'absence de délégué syndical, malgré leur refonte dans la loi « Rebsamen » en 2015, demeurent d'une très grande complexité et expliquent le très faible nombre de salariés mandatés. Elles obligent en effet les élus du personnel à obtenir en priorité le mandatement d'un syndicat représentatif si l'employeur souhaite ouvrir une négociation, l'obligation pour lui d'informer tous les syndicats représentatifs de la branche et au niveau national, et l'organisation systématique d'un référendum d'entreprise pour entériner un accord négocié par un salarié mandaté.

C'est pourquoi votre rapporteur a souhaité autoriser les employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, à conclure des accords collectifs directement avec les représentants élus du personnel, sans obliger ces derniers à obtenir un mandatement. L'employeur qui le souhaite conserverait néanmoins la possibilité de signer un accord avec un salarié mandaté par un syndicat représentatif. Cette mesure vise dans un souci de pragmatisme à développer le dialogue social dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical en valorisant le rôle des délégués du personnel. Cet amendement s'inscrit donc dans la lignée des travaux menés par le Sénat lors du projet de loi « Travail ». Il oblige ainsi le Gouvernement à tenir pleinement compte dans son ordonnance des spécificités des petites entreprises, sans remettre en cause les prérogatives des délégués syndicaux dans les entreprises où ils existent.

Sur proposition de votre rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-17 autorisant l'employeur à organiser un référendum dans l'entreprise. Il s'inspire ainsi d'un amendement adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi « Travail », où notre assemblée avait souhaité, par parallélisme des formes, étendre à l'employeur une possibilité qui est aujourd'hui réservée aux syndicats signataires d'un projet d'accord frappé d'opposition. Pour mémoire, l'employeur peut déjà soumettre à la ratification du personnel un projet d'accord en matière d'intéressement ou de participation 80 ( * ) .

Par ailleurs, la commission a adopté l'amendement COM-18 de votre rapporteur et celui identique COM-59 de notre collègue Dominique Watrin supprimant l'habilitation qui vise à accélérer la généralisation des accords majoritaires . Lors de l'examen de la loi « Travail », le Sénat avait déjà supprimé l'article prévoyant cette généralisation, considérant qu'il était impossible de mesurer les conséquences de cette mesure sans étude d'impact approfondie. Le relèvement du seuil de la majorité d'engagement de 30 % à 50 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs, qui sera généralisée dès 2019, risque en effet, aux yeux de nombre d'observateurs, de bloquer le dialogue social dans de nombreuses entreprises. Il est donc nécessaire de ne pas hâter cette généralisation, faute de disposer des premiers retours d'expérience sur l'application de l'accord majoritaire aux dispositions relatives à la durée du travail, aux congés et aux repos, applicable depuis le 1 er janvier 2017 seulement.

Enfin, à l'initiative de votre rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-19 qui supprime la réduction de trois ans à dix-huit mois de la période pendant laquelle le ministère du travail et les partenaires sociaux doivent restructurer les branches professionnelles . Tout en appelant de ses voeux la nécessaire rationalisation du paysage conventionnel, votre rapporteur souhaite en effet de la stabilité juridique et laisser aux partenaires sociaux le temps nécessaire pour conduire à son terme ce chantier très technique.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 - Nouvelle organisation du dialogue social et rénovation de l'exercice des responsabilités syndicales en entreprise

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à rationaliser, par ordonnances, les modalités de représentation des salariés dans les entreprises et à développer le dialogue social en leur sein en fusionnant les institutions représentatives du personnel et en améliorant la reconnaissance de l'exercice de responsabilités syndicales.

I - Le dispositif proposé

Le présent article confie au Gouvernement la responsabilité de procéder à une profonde réforme du dialogue social en entreprise et de la représentation des salariés , tels qu'ils ont été définis par strates successives depuis 1936.

Parfois perçu comme un amoncellement mal articulé d'institutions représentatives du personnel (IRP) aux compétences respectives insuffisamment délimitées, cet édifice reste marqué par sa complexité . Il se caractérise par la distinction fondamentale entre la négociation collective avec l'employeur, qui relève essentiellement des délégués syndicaux , et l'information et la consultation des salariés sur la gestion de l'entreprise et la protection de leur santé et de leur sécurité, qui relève des IRP.

Le Gouvernement envisage ici de modifier l'architecture de la représentation du personnel dans l'entreprise (1° et 2°), d'améliorer l'association des salariés à la gouvernance des entreprises (3° et 4°), de revaloriser l'engagement syndical (5°), d'offrir de nouvelles ressources aux IRP dans les petites entreprises (6°), de renforcer le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) représentant les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés (7°) et de moderniser le droit d'expression des salariés dans l'entreprise (8°). Il dispose d'un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi pour publier ces ordonnances.

A. La création de l'instance unique de représentation du personnel

1. Une représentation éclatée entre trois institutions superposées

Au sein des entreprises, la représentation des salariés relève de trois institutions distinctes :

• les délégués du personnel , créés par la loi du 24 juin 1936, ont pour mission, dans les entreprises d'au moins onze salariés , de présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives des salariés sur toute matière relative à l'organisation de l'activité 81 ( * ) et aux conditions d'emploi et de saisir, le cas échéant, l'inspection du travail. Ils peuvent également saisir l'employeur, dans le cadre de leur droit d'alerte , en cas d'atteinte aux droits des salariés ou à leur santé physique ou mentale ;

• le comité d'entreprise , institué par l'ordonnance du 22 février 1945, est quant à lui chargé, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés , « d'assurer une expression collective des salariés » pour que leurs intérêts soient pris en compte par l'employeur dans ses décisions relatives à la vie et au développement de l'entreprise. Informé et consulté sur tout projet ponctuel relatif à la marche générale de l'entreprise, il est également consulté chaque année sur ses orientations stratégiques, sur sa situation économique et financière et sur sa politique sociale 82 ( * ) . Il dispose également d'un droit d'alerte en matière économique 83 ( * ) et sociale 84 ( * ) et assure la gestion des activités sociales et culturelles en faveur des salariés ;

• le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), issu de la loi du 23 décembre 1982 85 ( * ) (quatrième loi « Auroux »), doit être mis en place dans les entreprises d'au moins cinquante salariés afin d'améliorer la prévention et la protection de la santé des salariés ainsi que les conditions de travail . Il est obligatoirement consulté par l'employeur lorsque celui-ci envisage de modifier l'organisation du travail, et notamment de transformer des postes de travail, dès lors que ces projets ont des conséquences sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés. Ses membres peuvent quant à eux alerter l'employeur s'ils constatent un danger grave et imminent pour la santé des salariés, ainsi qu'un risque grave pour la santé publique ou l'environnement.

Les délégués du personnel ainsi que les représentants des salariés au comité d'entreprise, qui est présidé par l'employeur, sont élus pour un mandat de quatre ans au scrutin de liste par l'ensemble des salariés de l'entreprise lors d'élections professionnelles. Les organisations syndicales bénéficient, au premier tour, d'un monopole de présentation des listes de candidats. Les membres du CHSCT sont quant à eux désignés par les élus au comité d'entreprise.

Les représentants du personnel disposent chaque mois d' heures de délégation , rémunérées par l'employeur et considérées comme du temps de travail, afin de leur permettre d'exercer leurs fonctions et dont le nombre, fixé par la loi (art. L. 2315-1 [DP] ; L. 2325-6 [CE] ; L. 4614-3 [CHSCT] du code du travail), varie selon l'IRP et la taille de l'entreprise. Ils ont également accès à l'ensemble des locaux de l'entreprise et peuvent y circuler librement et échanger avec l'ensemble des salariés, y compris lorsque ceux-ci sont à leur poste de travail.

Dans le cadre de leurs missions, le comité d'entreprise et le CHSCT peuvent faire appel à des experts - expert-comptable ou expert technique pour le CE, expert agréé par le ministère du travail pour le CHSCT - afin de les assister lors des consultations ponctuelles ou annuelles dont ils sont saisis ou, dans le cas du CHSCT, lorsqu'un risque grave est constaté dans l'établissement. En règle générale, le financement de cette expertise est assuré par l'employeur, à l'exception du recours par le CE à un expert-comptable pour examiner les orientations stratégiques de l'entreprise : sauf accord avec l'employeur, il doit alors prendre en charge 20 % de son coût 86 ( * ) .

Toutes les IRP ne sont pas dotées de la personnalité morale . Seuls le CE 87 ( * ) et le CHSCT 88 ( * ) le sont et ont la capacité d'ester en justice , et notamment de saisir le tribunal de grande instance s'ils estiment ne pas disposer, de la part de l'employeur, des éléments suffisants pour formuler leur avis, ou encore de contracter avec des tiers. Néanmoins, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés dépourvues de CE ou de CHSCT, la loi confie aux DP l'exercice des missions de ces institutions, avec certains des moyens et prérogatives de celles-ci, sans pour autant qu'ils acquièrent à cette occasion la personnalité morale.

2. Une simplification inaboutie

Des mesures jusqu'à présent limitées de simplification de l'organisation institutionnelle de la représentation du personnel ont été mises en place, principalement à destination des entreprises de taille moyenne.

La création de la délégation unique du personnel (DUP) par la loi du 20 décembre 1993 89 ( * ) en constitue la principale. A l'origine, elle permettait aux employeurs, dans les entreprises de moins de deux cents salariés, de décider, après les avoir consultés, que les DP forment la délégation du personnel au CE. La loi « Rebsamen » du 17 août 2015 90 ( * ) a étendu le périmètre de la DUP, en y incluant le CHSCT, et en l'ouvrant aux entreprises comptant jusqu'à trois cents salariés. La DUP conserve l'ensemble des attributions des IRP qui la composent.

Pour les entreprises dépassant trois cents salariés, cette même loi a ouvert la possibilité 91 ( * ) de regrouper , par accord majoritaire 92 ( * ) , tout ou partie des IRP. Il peut donc s'agir soit d'une instance unique fusionnant DP, CE et CHSCT, soit simplement du regroupement de deux d'entre elles, la troisième étant maintenue indépendante. Les modalités de fonctionnement de l'instance ainsi créée, dotée de la personnalité morale, sont déterminées par l'accord qui l'institue, et la loi prévoit, comme pour la DUP, qu'elle exerce l'ensemble des attributions des IRP qui ont été regroupées en son sein.

3. Le cadre fixé par le projet de loi d'habilitation pour la création de l'instance unique de représentation du personnel

L'habilitation prévue au du présent article 2 afin de créer une instance unique de représentation du personnel prévoit que le Gouvernement devra, dans son ordonnance, trancher les quatre points suivants : ses conditions de mise en place, sa composition, ses attributions et ses modalités de fonctionnement. En la matière, le régime des IRP actuelles servira sans doute de modèle mais des arbitrages devront être pris lorsque leurs régimes juridiques divergent.

a) La mise en place des IRP

En l'état actuel du droit, des IRP doivent être mises en place dans toutes les entreprises dépassant un certain effectif (onze salariés pour les DP, cinquante salariés pour le CE et le CHSCT). Toutefois, le législateur a prévu plusieurs modalités de lissage dans le temps du franchissement de ces seuils. S'agissant des DP, du CE et du CHSCT, leur mise en place n'est obligatoire que si leur seuil d'effectif respectif est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes 93 ( * ) .

De plus, depuis les lois du 14 juin 2013 94 ( * ) et du 17 août 2015 95 ( * ) , les employeurs disposent d'un délai d'un an supplémentaire à compter du franchissement du seuil de cinquante salariés, selon ces modalités, pour se conformer aux obligations récurrentes d'information et de consultation du comité d'entreprise 96 ( * ) .

Après la négociation d'un protocole d'accord préélectoral avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou au niveau national et interprofessionnel, qui doit définir les modalités d'organisation du scrutin à venir ainsi que la répartition du personnel dans les collèges électoraux 97 ( * ) et celle des sièges entre ces catégories de personnel, l'employeur organise les élections professionnelles. Il s'agit d'un scrutin de liste à deux tours, pour lequel les organisations syndicales disposent, au premier tour, d'un monopole de présentation 98 ( * ) . Ces listes doivent, depuis la loi « Rebsamen » précitée, refléter la proportion de femmes et d'hommes dans l'entreprise et être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. Les membres du CHSCT, quant à eux, ne sont pas élus par leurs pairs mais désignés par le comité d'entreprise.

L'employeur peut toutefois se trouver dans l'impossibilité de mettre en place des IRP dans son entreprise en raison de l' absence de candidatures aux élections professionnelles. Il doit dans ce cas établir un procès-verbal de carence et le communiquer aux salariés ainsi qu'à l'inspecteur du travail 99 ( * ) . En revanche, le fait pour un employeur de s'opposer à la constitution d'une IRP, qu'il s'agisse de la désignation des DP ou de la mise en place d'un CE ou d'un CHSCT, est constitutif d'un délit d'entrave et sanctionné pénalement d'une peine d'emprisonnement d'un an et de 7 500 euros d'amende 100 ( * ) .

b) La composition des IRP

L'ordonnance devra déterminer la façon dont l'instance unique est composée. Pour chacune des IRP actuelles, les effectifs des représentants du personnel varient en fonction de la taille de l'entreprise . En outre, des personnes extérieures , comme le médecin du travail ou l'inspecteur du travail, sont membres de droit ou peuvent assister aux réunions du CHSCT avec voix consultative.

La composition des institutions représentatives du personnel

Nombre de salariés de l'entreprise

Délégués
du personnel

Comité d'entreprise

CHSCT

Délégation unique du personnel

Regroupement des IRP
par accord
1

11-25

1

26-49

2

50-74

2

3

3

4

75-99

3

4

5

100-124

4

5

6

125-149

5

7

150-174

8

175-199

9

200-249

6

4

11

250-299

7

12

300-399

10 2

400-499

6

500-749

8

6

750-999

9

7

1 000-1 499

Un supplémentaire par tranche de 250 salariés

8

15 3

1 500-1 999

2 000-2 999

9

9

3 000-3 999

10

4 000-4 999

11

5 000-7 499

12

7 500-9 999

13

10 000 et plus

15

Source : Commission des affaires sociales

1 Nombre minimal de représentants du personnel, qu'il revient à l'accord regroupant les IRP de définir.

2 Ou six si le regroupement ne porte que sur deux des trois IRP.

3 Ou huit si le regroupement ne porte que sur deux des trois IRP.

Les possibilités de regroupement existantes conduisent déjà à une forte réduction du nombre des représentants des salariés par rapport à la situation dans laquelle les trois IRP coexistent. Ainsi, la DUP d'une entreprise de deux cents salariés compte onze membres, contre un total de quinze élus du personnel en additionnant les DP ainsi que les élus au CE et les membres du CHSCT. Pour une entreprise de cinq cents salariés dans laquelle les trois IRP auraient été fusionnées par accord majoritaire, le nombre minimal de membres de cette instance (dix) est inférieur de 50 % à celui résultant du maintien des trois IRP indépendantes (vingt).

La réflexion sur la composition de la future instance unique soulève plusieurs autres questions. Il est vraisemblable, sur le modèle du CE ou du CHSCT, qu'elle sera présidée par l'employeur , son secrétaire étant choisi parmi les représentants du personnel et chargé d'établir le procès-verbal de ses délibérations. Il conviendra également de déterminer le nombre et le rôle des suppléants : si à l'heure actuelle les DP, le CE et la DUP comptent un nombre de suppléants égal à celui des élus titulaires, tel n'est pas le cas du CHSCT, dont les représentants du personnel n'ont aujourd'hui pas de suppléants. De plus, les délégués du personnel suppléants peuvent assister aux réunions avec l'employeur 101 ( * ) tandis qu'au comité d'entreprise les suppléants assistent aux séances, où ils ont voix consultative 102 ( * ) .

Enfin, un représentant de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise assiste , également avec voix consultative, aux séances du comité d'entreprise . Il s'agit, dans celles de moins de trois cents salariés, du délégué syndical 103 ( * ) ou, dans les entreprises de plus grande taille, d'un représentant syndical choisi parmi les salariés. Un tel mécanisme n'est pas prévu par la loi pour le CHSCT mais peut être mis en place par voie conventionnelle. Il conviendra de déterminer à quelles réunions ce représentant syndical pourra assister et si, comme à l'heure actuelle dans la DUP, il ne peut être présent que lors des débats traitants de questions relevant de la compétence du comité d'entreprise.

c) Les attributions des IRP

Le code du travail distingue aujourd'hui les IRP selon leurs attributions - dialogue direct avec l'employeur au sujet des réclamations individuelles ou collectives des salariés pour les DP ; information et consultation ponctuelle ou récurrente des salariés sur le fonctionnement de l'entreprise pour le CE ; prévention et protection de la santé et de la sécurité des salariés pour le CHSCT - tout en confiant leurs compétences aux DP dans le cas où la mise en place d'un CE ou d'un CHSCT dans une entreprise d'au moins cinquante salariés n'aurait pas été possible.

Leur fusion peut être l'occasion de rationaliser ce processus et de réduire les difficultés liées à l'articulation parfois complexe de ces attributions, en particulier lorsqu'un même projet rend nécessaire la consultation successive du CHSCT et du CE . A titre d'exemple, pour tout projet de l'employeur modifiant les conditions de travail des salariés, le CE doit disposer de l'avis du CHSCT avant de se prononcer, celui-ci devant donc avoir été consulté au préalable 104 ( * ) .

Synthèse des principales attributions des trois IRP

Délégués du personnel

Comité d'entreprise

CHSCT

Missions :

Présenter aux employeurs les réclamations individuelles ou collectives relatives à l'application du droit du travail, à la santé et à la sécurité dans l'entreprise ;

Saisir l'inspection du travail des plaintes et observations relatives à l'application du droit du travail.

Mission :

Assurer une expression collective des salariés afin que leurs intérêts soient pris en compte dans les décisions de gestion de l'entreprise.

Missions :

Contribuer à la prévention et à la protection de la santé et de la sécurité des salariés ;

Contribuer à l'amélioration des conditions de travail ;

Faciliter l'accès à l'emploi des personnes handicapées ;

Veiller au respect du droit applicable dans ces domaines.

Consultation préalable à toute décision de l'employeur relative à la marche générale de l'entreprise, son organisation et sa gestion.

Consultation obligatoire avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Dans les entreprises de moins de cinquante salariés : exercer les missions du CHSCT, à moyens constants.

Consultation annuelle sur :

- les orientations stratégiques de l'entreprise ;

- sa situation économique et financière ;

- sa politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.

Consultation obligatoire avant l'introduction de nouvelles technologies.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés dépourvues d'autres IRP :

Exercer les attributions économiques du CE (consultations ponctuelles et annuelles) ;

Exercer les missions du CHSCT, avec les moyens de celui-ci.

Consultations ponctuelles :

- sur l'organisation et la marche de l'entreprise (introduction de nouvelles technologies, restructuration, fusion, acquisition, cession, modification des structures de production, offre publique d'acquisition) ;

- sur les conditions de travail ;

- en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Consultation obligatoire sur le plan d'adaptation aux mutations technologiques.

Consultation préalable à tout projet de licenciement collectif d'au moins dix salariés sur 30 jours.

Consultation préalable à tout projet de licenciement collectif d'au moins dix salariés sur 30 jours.

Consultation sur toute question de sa compétence sur saisine de l'employeur, du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Informations et consultations sur le temps de travail dans l'entreprise : mise en place d'horaires individualisés, accomplissement des heures supplémentaires, remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur (avis conforme), recours aux astreintes, etc.

Conclusion des accords d'intéressement et de participation avec l'em-ployeur.

Droit d'alerte de l'employeur en cas d'atteinte aux droits des salariés, à leur santé ou à leur liberté individuelle dans l'entreprise.

Droit d'alerte de l'employeur en cas de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise.

Droit d'alerte de l'employeur en cas de danger grave et imminent pour la vie ou la santé des salariés.

Droit d'alerte de l'employeur en cas d'accroissement important du nombre de CDD et de salariés temporaires dans l'entreprise.

Droit d'alerte de l'employeur en cas de risque grave sur la santé publique ou l'environ-nement.

En l'absence de comité d'entreprise :
consultation sur le règlement intérieur de l'entreprise.

Consultation sur le règlement intérieur de l'entreprise.

Consultation sur le règlement intérieur de l'entreprise pour les matières relevant de sa compétence.

Gestion des activités sociales et culturelles établies en faveur des salariés.

Source : Commission des affaires sociales

La diversité de ces attributions, qui sont plus étendues pour le comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins trois cents salariés (consultation sur le bilan social de l'entreprise, information trimestrielle sur la production, création obligatoire d'une commission d'information et d'aide au logement, etc.), soulève la question de leur mise en cohérence et de la façon dont les compétences de chacune des IRP actuelles seront exercées au sein de l'instance unique.

La présence d'un interlocuteur unique face à l'employeur devrait contribuer à simplifier la mise en oeuvre de certaines de ses décisions , jusqu'à présent soumises à un double avis du CHSCT et du comité d'entreprise. Elle devrait conduire à une spécialisation des représentants du personnel sur les thématiques concernées, les ordonnances, et le cas échéant les partenaires sociaux dans l'entreprise par voie conventionnelle, devant néanmoins déterminer les modalités d'organisation interne de l'instance. Le code du travail prévoit 105 ( * ) en effet actuellement, en cas d'instance regroupée incluant le CHSCT, la constitution au sein de celle-ci d'une commission d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pouvant être dotée des attributions reconnues au CHSCT.

d) Le fonctionnement de l'instance unique

Le dernier volet de l'habilitation relative à la fusion des IRP en une instance unique aborde ses modalités de fonctionnement , champ très large qui concerne aussi bien son statut juridique que l'organisation de ses travaux, les moyens dont elle dispose ainsi que ceux de ses membres, la périodicité et la tenue de ses réunions ou encore sa structuration interne. Le projet de loi mentionne quatre domaines précis que l'ordonnance devra traiter :

• les délais d'information-consultation de l'instance ;

• ses moyens ;

• le nombre maximum de mandats électifs successifs de ses membres ;

• les conditions et modalités de recours à une expertise .

La limitation du nombre de mandats électifs successifs constitue une rupture majeure avec le droit en vigueur, aucune des IRP actuelles n'étant soumise à un encadrement en la matière.

(1) Les délais d'information-consultation des IRP

Depuis la loi du 14 juin 2013 106 ( * ) , qui a transposé l'accord national interprofessionnel (Ani) du 11 janvier 2013 107 ( * ) , les délais de consultation du comité d'entreprise , qu'il s'agisse de ses consultations annuelles ou ponctuelles, ont été encadrés.

Tout en reconnaissant le principe d'un délai d'examen suffisant pour lui permettre d'exercer utilement sa compétence et, si nécessaire, de recueillir l'avis du CHSCT, le code du travail a fixé 108 ( * ) à un mois le délai de droit commun, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert et trois mois en cas de saisine du CHSCT 109 ( * ) . Par un accord d'entreprise ou, en l'absence de délégué syndical, par un accord conclu directement avec la majorité des membres du comité d'entreprise, un délai plus court ou plus long peut être défini, dans le respect d'un plancher de quinze jours .

La loi « Rebsamen » du 17 août 2015 110 ( * ) a étendu ce mécanisme aux consultations du CHSCT . En l'absence d'accord collectif, celui-ci dispose d'un mois pour remettre son avis, ou deux mois s'il a fait appel à un expert 111 ( * ) .

Pour ces deux instances, il s'agit de délais préfix : ainsi, si elles ne rendent pas leur avis dans le délai imparti, elles sont réputées avoir été consultées et avoir rendu un avis négatif. Ils courent à compter de la communication par l'employeur des informations requises pour que l'instance se prononce.

(2) Les moyens des IRP

Parmi les trois IRP, seul le comité d'entreprise bénéficie d'un budget de fonctionnement , d'un montant de 0,2 % de la masse salariale de l'entreprise. Le code du travail ne confère aucun budget propre au CHSCT : il appartient à l'employeur de prendre en charge ses dépenses de fonctionnement, tandis que la loi du 8 août 2016 112 ( * ) reconnaît explicitement au comité d'entreprise la possibilité d'assurer, grâce à son budget de fonctionnement, le financement d'une expertise du CHSCT 113 ( * ) . Les délégués du personnel, quant à eux, ne sont pas dotés de la personnalité civile et n'ont donc pas la capacité juridique de gérer un budget.

Les membres des IRP exercent leurs missions au sein de l'entreprise, en dehors des réunions de l'instance dont ils sont membres, grâce aux heures de délégation, considérées comme du temps de travail par la loi et rémunérées en tant que telles. Leur niveau varie selon l'IRP et la taille de l'entreprise.

Crédit mensuel d'heures de délégation des représentants des salariés dans les IRP

Nombre de salariés

Délégués du personnel

Comité d'entreprise

CHSCT

DUP

Regroupement par accord
de deux IRP

Regroupement par accord
de trois IRP

11-49

10

50-74

15

20

2

18

75-99

19

100-299

5

21

300-499

10

12 1

16 1

500-1 499

15

1 500 et plus

20

1 Plancher fixé par le code du travail en l'absence de fixation d'un niveau plus élevé par l'accord collectif regroupant les IRP.

Source : Commission des affaires sociales

Des règles spécifiques en matière d'utilisation du crédit d'heures de délégation sont applicables à la DUP. Ses membres peuvent cumuler leurs heures non consommées, dans la limite de douze mois et sans pouvoir dépasser, pour un mois donné, plus d'une fois et demie leur dotation initiale. De plus, ils peuvent également répartir entre eux , et avec les membres suppléants, leur crédit d'heures, dans le respect du plafond d'une fois et demie le nombre d'heures d'un titulaire.

Par ailleurs, l'utilisation des heures de délégation a été encadrée par la loi « Travail » du 8 août 2016 précitée. Ainsi, pour les représentants du personnel dont l'organisation du travail est régie par une convention de forfait en jours, elles doivent être regroupées en demi-journées, chacune équivalant à quatre heures de délégation, qui sont déduites du nombre annuel de jours de travail prévu par cette convention.

Les représentants des salariés siégeant dans les IRP disposent également d'un droit à la formation . Il s'agit, pour les délégués du personnel et les membres du comité d'entreprise , d'un stage de formation économique de cinq jours maximum au début de leur mandat et renouvelable tous les quatre ans, pris en charge par le comité d'entreprise. Les membres du CHSCT doivent quant à eux bénéficier d'une formation destinée à développer leur attitude à déceler et mesurer les risques professionnels et à les initier aux méthodes et procédés de prévention de ces risques et d'amélioration des conditions de travail 114 ( * ) . D'une durée de trois jours dans les entreprises de moins de trois cents salariés et de cinq jours dans celles dépassant ce seuil, elle est financée par l'employeur.

Enfin, l'employeur doit communiquer aux IRP toutes les informations nécessaires pour qu'elles rendent un avis motivé. A cette fin, la loi du 14 juin 2013 précitée a prévu la mise en place, dans chaque entreprise d'au moins cinquante salariés, d'une base de données économiques et sociales (BDES) regroupant toutes les informations mises à la disposition du comité d'entreprise et du CHSCT.

Il faut noter que dans tous ces domaines un accord d'entreprise ou de branche ou un usage peut prévoir des dispositions plus favorables aux IRP, qu'il s'agisse de moyens matériels supplémentaires, d'un crédit d'heures de délégation supérieur à celui prévu par la loi ou encore de la prise en charge par l'employeur de divers frais de fonctionnement.

(3) Le nombre maximum de mandats électifs successifs des membres de l'instance unique

La limitation dans le temps que le Gouvernement propose ici de mettre en place pour l'exercice des fonctions de représentants du personnel au sein de la nouvelle instance unique constitue une innovation par rapport au fonctionnement actuel des IRP . En effet, ni les délégués du personnel, ni les membres du comité d'entreprise ou du CHSCT ne sont soumis aujourd'hui à une règle les interdisant de solliciter auprès des salariés un nouveau mandat, quel que soit le nombre de mandats qu'ils aient déjà effectués.

Au contraire, les entreprises tout comme les organisations syndicales sont confrontées à une crise des vocations qui rend le renouvellement des représentants du personnel plus difficile, et ce alors qu'ils sont en moyenne plus âgés et ont plus d'ancienneté que le reste des salariés 115 ( * ) . Alors que, selon la Dares 116 ( * ) , le nombre de candidats serait insuffisant pour occuper l'ensemble des fonctions de représentant du personnel dans 38 % des établissements dotés d'IRP, le cumul des mandats entre IRP, ou entre les fonctions de délégué syndical et celles de membre d'une IRP, est très fréquent.

Si l'éventuelle limitation dans le temps du cumul des mandats de membre de l'instance unique dans le temps présente un caractère novateur et rompt avec le fonctionnement actuel des IRP, les intentions du Gouvernement en la matière restent très floues . L'étude d'impact annexée au projet de loi ne livre aucune de ses éventuelles pistes de travail sur ce point. On peut se demander si la concertation en cours avec les organisations syndicales ne conduira pas à l'abandon pur et simple de cette réforme ou tout du moins à sa neutralisation en raison des difficultés qu'une telle mesure pourrait susciter pour les 643 000 mandats concernés 117 ( * ) .

(4) Les conditions et modalités de recours à une expertise

A l'heure actuelle, deux des trois IRP peuvent faire appel à un expert : le comité d'entreprise pour se faire assister lors de certaines de ses consultations récurrentes ou ponctuelles et le CHSCT, soit lorsqu'un risque grave pour la santé ou la sécurité des salariés est constaté dans l'établissement, soit pour l'aider à évaluer un projet de l'employeur modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail dans l'entreprise.

Les cas de recours à un expert par les IRP

Comité d'entreprise

CHSCT

Expert-comptable :

• consultations annuelles sur :

- la situation économique et financière de l'entreprise ;

- les orientations stratégiques de l'entreprise ;

• consultations et situations ponctuelles portant sur :

- les opérations de concentration ;

- le droit d'alerte économique ;

- un licenciement collectif pour motif économique ;

- une offre publique d'achat reçue par l'entreprise.

• au profit des délégués syndicaux en vue de préparer les négociations relatives à un accord de maintien de l'emploi, à un accord de préservation ou de développement de l'emploi ou à un plan de sauvegarde de l'emploi.

Expert agréé :

• en cas de risque grave dans l'établissement ;

• en cas de consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

• en cas de consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs.

Expert technique dans les entreprises d'au moins trois cents salariés :

- en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de la mise en place d'un plan d'adaptation aux mutations technologiques ;

- pour la préparation de la négociation sur l'égalité professionnelle.

Recours libre à tout autre expert financé par son propre budget.

Possibilité de prise en charge d'une expertise au profit du CHSCT.

Source : Commission des affaires sociales

En fonction de la taille de l'entreprise et des thématiques abordées, le comité d'entreprise peut avoir recours à un expert-comptable ou à un expert technique . Le CHSCT quant à lui ne peut s'adresser qu'à des experts agréés par le ministère du travail et spécialisés dans deux domaines : la santé et la sécurité au travail ou l'organisation du travail et la production . Cet agrément, d'une durée maximale de cinq ans, est délivré en tenant notamment compte de l'expérience professionnelle du demandeur et de ses engagements déontologiques en matière de prévention des conflits d'intérêt. Tous les experts sont tenus au secret professionnel et à une obligation de discrétion au même titre que les membres des IRP. Le financement de ces expertises est pris en charge par l'employeur , sauf pour celle relative à la consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise, dont le comité d'entreprise prend en charge 20 % du coût, ainsi que le recours par ce dernier à ses frais, en dehors des consultations annuelles ou ponctuelles, à un expert pour l'assister dans ses travaux.

Depuis la loi du 14 juin 2013 118 ( * ) , les délais de réalisation des expertises demandées par le comité d'entreprise ont été encadrés . L'employeur et le comité d'entreprise doivent en principe chercher à parvenir à un accord fixant un délai « raisonnable » 119 ( * ) . En cas d'échec, l'expert-comptable missionné par ce dernier, lorsqu'il est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, doit ainsi remettre son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai de deux mois dont dispose le comité d'entreprise pour rendre son avis. L'expert technique doit quant à lui remettre son rapport au plus tard vingt-et-un jours après sa désignation.

La loi « Travail » du 8 août 2016 a quant à elle précisé les conditions dans lesquelles un employeur peut contester la nécessité, le coût ou encore le délai de l'expertise sollicitée par son CHSCT . Il doit saisir le juge judiciaire dans un délai de quinze jours suivant la délibération de cette IRP, celui-ci disposant de dix jours pour statuer en la forme des référés. S'il annule la décision de recourir à un expert, les frais d'expertise doivent être remboursés à l'employeur. Par ailleurs, une expertise demandée dans le cadre d'une consultation sur un projet modifiant les conditions de santé ou de sécurité ou les conditions de travail doit être réalisée dans un délai d'un mois pouvant être porté, si nécessaire, à quarante-cinq jours 120 ( * ) .

La création d'une instance unique appelle donc une harmonisation des conditions et modalités de recours à une expertise , qui restent aujourd'hui très disparates entre le comité d'entreprise et le CHSCT. Un alignement des délais, qui tiendrait toutefois compte de la diversité des travaux demandés aux experts et de leur degré de complexité, devrait ainsi être recherché. Il conviendrait également de réfléchir, dans le cadre de cette réforme, aux moyens de limiter le coût de ces expertises , qui ne cesse de croître ces dernières années pour les entreprises.

B. La négociation d'accords collectifs par l'instance unique

En l'état actuel du droit, les délégués syndicaux disposent, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, d'un monopole 121 ( * ) qui ne connaît que peu d'exceptions pour la négociation des accords d'entreprise avec l'employeur. Contrairement à d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas 122 ( * ) , les IRP ont des compétences très limitées en matière de négociation . Le code du travail ne prévoit leur intervention de plein droit que pour la conclusion d'accords d'intéressement 123 ( * ) ou de participation 124 ( * ) ou encore pour régler des questions de fonctionnement interne à l'instance, comme la fixation de leurs délais de consultation 125 ( * ) .

Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux , soit qu'elles n'aient pas été en mesure d'organiser d'élections professionnelles et ainsi de mesurer la représentativité en leur sein des organisations syndicales, soit qu'elles comptent moins de cinquante salariés et ne sont pas soumises à cette obligation, des procédures dérogatoires de négociation ont été mises en place (cf. art. 1 er ). Ainsi, les membres des IRP peuvent conclure des accords d'entreprise s'ils ont été mandatés à cette fin par une organisation syndicale représentative dans la branche ou au niveau national et interprofessionnel. Dans ce cas, l'accord doit être approuvé par les salariés lors d'un référendum .

En l'absence de mandatement , la négociation avec les représentants élus du personnel n'est possible que si elle vise la conclusion d'un accord relatif à des mesures dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif. Pour qu'il soit valide, cet accord doit être signé par des élus ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Enfin, si aucun membre du comité d'entreprise ou délégué du personnel ne souhaite négocier, les organisations syndicales de branche ou nationales peuvent mandater des salariés , l'accord conclu devant ensuite être validé par l'ensemble des salariés de l'entreprise à la majorité des votants.

Le de l'article 2 du projet de loi d'habilitation fait état de la volonté du Gouvernement de permettre à l'instance unique de négocier directement des accords de groupe, d'entreprise ou d'établissement avec l'employeur, au même titre que les délégués syndicaux, sous certaines « conditions » qui ne sont pas précisées. Ce point n'est absolument pas abordé dans l'étude d'impact annexée au projet de loi.

Cette mesure traduit, à l'instar du a) du 2° de l'article 1 er , les limites du mandatement syndical dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et son incapacité à développer la négociation collective en entreprise.

Le champ de l'habilitation ne se limite toutefois pas à ces seules entreprises, qui représentent selon l'étude d'impact 126 ( * ) 96 % des entreprises de onze à quarante-neuf salariés et 61 % de celles de cinquante à trois cents salariés. Toutes les entreprises dotées à l'avenir de l'instance unique seraient potentiellement concernées . Alors que le Gouvernement n'a pas souhaité intégrer le délégué syndical à cette IRP, il serait donc nécessaire de définir l'articulation entre le rôle de l'instance en tant que négociatrice d'accords collectifs et celui des délégués syndicaux qui, dans ce cas de figure, seraient dépossédés d'une de leurs principales attributions.

C. Mieux associer les représentants du personnel à certaines décisions de l'employeur

Le principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail et à la gestion des entreprises, issu du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, constitue le fondement juridique de la représentation du personnel . En application du code du travail, les IRP sont consultées sur les projets ponctuels de l'employeur relatifs à la marche de l'entreprise ainsi que, chaque année, sur plusieurs thématiques relatives à sa situation économique et sociale (cf. supra ) et lui remettent un avis qu'il est libre de prendre ou non en compte en vertu de son pouvoir de direction et qui découle quant à lui de la liberté d'entreprendre .

Dans un nombre restreint de cas, le comité d'entreprise doit émettre un avis conforme pour que l'employeur puisse poursuivre son projet. Il s'agit par exemple de la mise en place d'horaires individualisés, du remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos équivalent dans les entreprises n'ayant pas conclu d'accord collectif en ce sens ou encore du refus, par l'employeur, d'accorder un congé de formation économique et social à un salarié. Ce sont des situations précises , peu courantes dans la vie de l'entreprise et limitativement énumérées par le code du travail, la règle générale restant bien le caractère consultatif de l'avis rendu par les IRP.

Le de l'article 2 invite le Gouvernement à déterminer par ordonnance les conditions d'une meilleure association des représentants du personnel aux décisions de l'employeur « dans certaines matières ». Le caractère très imprécis de cette habilitation est à peine éclairé par l'étude d'impact, selon laquelle la formation et « l'employabilité » des salariés pourraient être concernées.

Cette disposition traduirait une conception « plus participative » de l'entreprise, passant notamment par l'extension du champ de l'avis conforme, bien que cette même étude d'impact reste prudente sur ce point, évoquant simplement le fait qu'il puisse être « étudié » 127 ( * ) .

Il n'en reste pas moins que la formulation de cette habilitation ouvre la possibilité au Gouvernement d'instituer une forme de codécision , voire de cogestion, au sommet des entreprises. De plus, au vu de la récente jurisprudence constitutionnelle selon laquelle le Gouvernement doit « indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention » 128 ( * ) et de la liberté constitutionnelle - la liberté d'entreprendre - qui serait ici potentiellement restreinte, un fort risque d'inconstitutionnalité pèse sur cette habilitation.

D. L'amélioration de la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des entreprises

Depuis la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi 129 ( * ) , transposant l'article 13 de l'Ani du 11 janvier 2013, les salariés sont représentés , avec voix délibérative, au sein de l'organe de gouvernance des grandes entreprises (conseil d'administration ou de surveillance, selon leur forme juridique). Auparavant, seuls y siégeaient des représentants des salariés actionnaires 130 ( * ) ainsi que deux représentants du comité d'entreprise avec voix consultative. Les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés pouvaient également compter des représentants des salariés sur une base volontaire .

Des modalités spécifiques de représentation des salariés au conseil d'administration ou de surveillance ont été prévues dans le cadre des privatisations réalisées depuis 1986 131 ( * ) et 1993 132 ( * ) . Dans le premier cas, l'organe de gouvernance doit compter au moins un représentant des salariés ou des salariés actionnaires s'il se compose de moins de quinze membres, et deux s'il dépasse ce seuil. Dans le second, il comporte deux représentants des salariés et un représentant des salariés actionnaires s'il compte moins de quinze membres et un représentant des salariés supplémentaire au-dessus de ce seuil.

Sous l'empire de la loi du 14 juin 2013, les sociétés ayant leur siège en France et employant, directement ou à travers leurs filiales, plus de cinq mille salariés en France ou dix mille à l'étranger et soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise devaient compter un administrateur représentant les salariés si leur conseil comptait jusqu'à douze membres et deux au-dessus de ce seuil . Ceux-ci pouvaient être soit directement élus par les salariés, soit désignés par le comité d'entreprise ou l'organisation syndicale la plus représentative dans l'entreprise 133 ( * ) , l'assemblée générale extraordinaire de l'entreprise devant trancher entre ces trois modalités.

Cette même loi avait enjoint aux entreprises concernées par ces dispositions de faire entrer en fonction ces nouveaux administrateurs dans les six mois suivant l'assemblée générale devant définir les conditions de leur élection ou désignation, celle-ci devant se tenir « au plus tard en 2014 » 134 ( * ) , soit au plus tard le 30 juin 2015. Elle avait également prévu que le Gouvernement devait remettre au Parlement, avant cette date, un rapport faisant le bilan de cette disposition et envisageant son extension.

Le bilan de la loi de sécurisation de l'emploi réalisé par le Gouvernement en avril 2015 135 ( * ) soulignait qu' un tiers des sociétés du SBF 120, indice de référence des principales capitalisations boursières françaises, échappaient à l'obligation de représentation des salariés au sein de leur conseil d'administration ou de surveillance en raison de leur structure juridique. La présence d'une holding comptant moins de cinquante salariés à la tête du groupe leur permettait en effet de bénéficier de la dérogation prévue en faveur des entreprises n'étant pas tenues de mettre en place un comité d'entreprise.

En conséquence, la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 136 ( * ) a supprimé cette exemption , ne la maintenant que pour les holdings de moins de cinquante salariés dont l'activité principale est l'acquisition et la gestion de filiales et de participations et qui ne sont donc pas le lieu de la définition des orientations stratégiques du groupe. Elle a surtout abaissé le seuil d'effectif à partir duquel les entreprises doivent compter des représentants des salariés dans leur conseil d'administration ou de surveillance. En l'état actuel du droit, sont soumises à cette obligation les entreprises qui, directement ou à travers leurs filiales, emploient :

• soit au moins mille salariés en France ;

• soit au moins cinq mille salariés en France et à l'étranger .

Ce texte 137 ( * ) avait prévu une entrée en vigueur différée pour ces nouvelles dispositions. Les holdings qui bénéficiaient auparavant de la dérogation disposaient d'un délai de six mois suivant l'assemblée générale définissant les modalités de désignation ou d'élection des représentants des salariés, celle-ci devant avoir lieu dans les six mois suivant la clôture de l'exercice 2016 . Les entreprises nouvellement soumises à cette obligation de représentation en raison de la diminution du seuil d'effectif requis pour son application bénéficiaient quant à elles d'une année supplémentaire , pour une assemblée générale devant avoir lieu dans les six mois suivant la clôture de l'exercice 2017 . Cette période transitoire n'a pas expiré et, en conséquence, ces sociétés peuvent encore pour quelques mois ne pas compter de représentants des salariés dans leur conseil d'administration ou de surveillance.

Néanmoins, le Gouvernement cherche, par le du présent article 2, à « améliorer les conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d'administration et de surveillance des sociétés dont l'effectif dépasse certains seuils ». Il convient de souligner qu' aucune étude ou évaluation des effets de la loi de 2013 n'a été réalisée , le rapport devant être produit par le Gouvernement n'ayant jamais été remis au Parlement. Les effets de la loi « Rebsamen » seraient quant à eux difficiles à mesurer puisque l'extension du champ de l'obligation de représentation des salariés n'est pas encore pleinement applicable .

Dans ce contexte, il est malaisé d'établir les intentions du Gouvernement . L'étude d'impact reste très lacunaire sur ce point : ne précisant pas quel seuil d'effectif pourrait être retenu, elle avance simplement que le but est de « renforcer la présence salariale et donc la transparence et la confiance ainsi que la possibilité de mieux prendre en compte le point de vue du personnel dans les processus de décision stratégiques de l'entreprise, en permettant aux salariés ou leurs représentants de participer à sa gouvernance ». Cette assertion tient peu compte du fait que depuis la loi de 2013, lorsqu'ils sont présents, les représentants des salariés sont des membres à part entière de l'organe de surveillance de l'entreprise , dotés d'une voix délibérative et non consultative. Ils participent donc pleinement à la décision et font déjà valoir le point de vue des salariés.

L'objectif ici n'est pas de mettre en place une cogestion à l'allemande , où dans les entreprises de plus de deux mille salariés le conseil de surveillance est composé à part égale de représentants des salariés et des actionnaires. La transposition de ce modèle en France serait hasardeuse dès lors que la présence obligatoire de membres du personnel au conseil d'administration ou de surveillance des grandes entreprises a été votée il y à peine quatre ans et est effective depuis à peine plus de deux ans, voire ne l'est même pas encore pour certaines d'entre elles.

Selon l'étude d'impact, ce sont cinquante sociétés du SBF 120 qui sont concernées par l'élargissement prévu par la loi « Rebsamen », ce qui porte à cent cinq sur cent vingt, soit une proportion de 87,5 % , le nombre de celles qui entrent dans le champ de l'obligation d'accueillir des représentants des salariés au sein de leur organe de gouvernance. Il est toutefois regrettable que cette question ait été marquée par une très forte instabilité normative , que le Gouvernement semble vouloir perpétuer sans qu'il ait fait état d'orientations particulières, puisqu'il pourrait tout autant souhaiter abaisser le seuil d'effectif déclenchant cette obligation, ce qui pourrait venir fragiliser des entreprises familiales de taille moyenne, qu'augmenter le nombre de représentants des salariés dans les entreprises actuellement concernées, risquant ainsi de bouleverser les équilibres au sein de leurs conseils d'administration ou de surveillance.

E. La revalorisation des fonctions syndicales et de représentation du personnel dans l'entreprise

Le développement du dialogue social dans l'entreprise passe nécessairement par un renforcement de l'attractivité des fonctions représentatives , des compétences des élus et des moyens des organisations syndicales . Depuis plusieurs années, le législateur a cherché à agir sur ces trois aspects, sans pour autant parvenir à corriger les faiblesses du modèle français ou à obtenir des résultats tangibles, notamment avec la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 138 ( * ) . Ce texte avait notamment :

• mis en place un entretien individuel de début de mandat avec l'employeur pour déterminer les modalités d'articulation de celui-ci avec l'emploi occupé, ainsi que, dans le cadre de l'entretien professionnel biennal, un recensement des compétences acquises au cours du mandat 139 ( * ) ;

• prévu l'établissement d'une liste des compétences correspondant à l'exercice d'un mandat de représentation des salariés et prenant la forme d'une certification permettant notamment d'obtenir une validation des acquis de l'expérience 140 ( * ) ;

• établi une garantie de non-discrimination salariale en faveur des représentants du personnel ou syndicaux dont le nombre d'heures de délégation est supérieur à 30 % de leur temps de travail 141 ( * ) .

Le Gouvernement semble souhaiter, au du présent article 2, aller plus loin en la matière en agissant dans cinq domaines qui contribuent à la vitalité et à la qualité du dialogue social en entreprise :

• son financement , par l'instauration d'un chèque syndical ;

• la formation des représentants des salariés ;

• les conditions d'exercice d'un mandat syndical ou de représentation des salariés ;

• la valorisation de l'exercice d'un mandat dans la carrière et la reconnaissance des compétences acquises ;

• le renforcement de la lutte contre les discriminations syndicales .

(5) La mise en place du chèque syndical

Depuis 1990, le groupe Axa attribue chaque année à ses salariés ayant au moins six mois d'ancienneté un bon de financement , d'un montant de 46,1 euros pour les non-cadres et 54,9 euros pour les cadres en 2016 et revalorisé selon l'inflation, que ceux-ci peuvent décider d'allouer anonymement à l'une des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise 142 ( * ) . Son objectif est de « contribuer au bon fonctionnement des organisations syndicales et de la représentation du personnel » 143 ( * ) selon deux principes : « l'implication directe des salariés » dans le financement des organisations syndicales à travers un « acte positif de participation » et la transparence du fonctionnement et de l'utilisation de ce bon 144 ( * ) , dont les organisations bénéficiaires doivent présenter annuellement la synthèse aux salariés.

Environ un salarié de l'entreprise sur deux ferait usage de cet outil , qui doit être utilisé par les organisations syndicales pour prendre en charge leurs frais matériels ou encore renforcer la formation de leurs membres. Jusqu'à 20 % des fonds recueillis peuvent être reversés à une confédération ou à une fédération adhérente de cette dernière.

Sans base légale spécifique, ce dispositif n'entre pas dans le champ de l'article L. 2141-6 du code du travail qui interdit à l'employeur de prélever les cotisations syndicales sur les salaires et de les payer en lieu et place de ses salariés puisqu'il s'agit là d'un choix individuel et facultatif de chaque salarié sur lequel l'employeur n'a aucun droit de regard. A la suite d'Axa, plusieurs autres entreprises comme Casino ou SCOR ont mis en place un système similaire .

Depuis le milieu des années 2000, de nombreux travaux institutionnels ont évoqué l'extension du chèque syndical . Dès 2006, le rapport Hadas-Lebel 145 ( * ) l'envisageait au profit des adhérents des syndicats, à la charge de l'Etat et en lieu et place de la déduction d'impôt sur le revenu à hauteur de 66 % du montant des cotisations versées actuellement en vigueur. La commission « Attali » pour la libération de la croissance française 146 ( * ) faisait du chèque syndical, développé au niveau de l'entreprise, un moyen d'améliorer la transparence du financement des organisations syndicales et de mieux cibler l'utilisation de leurs ressources. Les partenaires sociaux signataires 147 ( * ) de la position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme le mentionnaient quant à eux comme un outil pouvant être mis en place par les entreprises pour développer les adhésions aux organisations syndicales.

Plusieurs groupes de réflexions ont également apporté leur soutien à ce dispositif . En 2011, l'Institut Montaigne 148 ( * ) décrivait le chèque syndical comme un outil pouvant inciter les salariés à rejoindre un syndicat, tout en tirant un bilan globalement positif de l'expérience d'Axa. En 2014, la direction du Trésor 149 ( * ) avait elle aussi mentionné le chèque syndical parmi ses pistes de développement de la syndicalisation en France, rappelant qu'il peut contribuer à la qualité du dialogue social mais qu'il n'est pas exempt de critiques . Terra Nova, plus récemment, dans une note réalisée avec la CFDT et l'Unsa 150 ( * ) , a prôné sa mise en place. D'un point de vue politique, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait dans son discours de clôture de la Conférence sociale du 19 octobre 2015 fait référence au chèque syndical comme un outil permettant de renforcer les moyens des organisations syndicales, sans que cette annonce ait été depuis cette date suivie d'une traduction concrète.

En l'état actuel du droit, le s organisations syndicales sont essentiellement financées , d'une part, par les cotisations de leurs adhérents et , d'autre part , par le fonds paritaire pour le financement du dialogue social , lui-même alimenté par une contribution des employeurs et une subvention de l'État au titre des missions d'intérêt général effectuées par ces organisations (conception et gestion des politiques paritaires ; négociation, consultation et concertation sur les politiques nationales ; formation économique, sociale et syndicale des salariés). La mise en place d'un chèque syndical viendrait renforcer le caractère ascendant des ressources financières des organisations syndicales, au côté des cotisations, ce qui pourrait inciter au développement d'un syndicalisme de services encore insuffisamment développé en France.

Il ne s'agit pour autant à ce stade que de simples conjectures tant les intentions du Gouvernement en la matière sont floues et les partenaires sociaux divisés sur ce point (cf. infra ). L'habilitation prévoit uniquement que le chèque sera financé « en tout ou partie » par l'employeur, laissant ouverte la possibilité que l'Etat ou le salarié lui-même viennent l'abonder.

De plus, l'étude d'impact ne consacre que six lignes à cette réforme , regrettant simplement que la jurisprudence favorable à ce dispositif n'ait pas suffisamment été jusqu'à présent « mis [e] en relief » 151 ( * ) . Aucun montant potentiel ou critère d'éligibilité n'est proposé , ni même une évaluation de l'impact de ce dispositif pour les entreprises, notamment en matière financière, ou des projections sur les conséquences qu'il pourrait avoir sur les ressources ou les effectifs des syndicats. De très nombreux points restent donc encore à éclaircir alors que cette réforme est susceptible d'avoir de profondes conséquences sur le fonctionnement du dialogue social dans les entreprises.

(6) Le renforcement de la formation des représentants des salariés

A l'heure actuelle, plusieurs mécanismes de formation des représentants des salariés coexistent selon le statut de leur bénéficiaire. Certaines formations sont obligatoires , comme la formation économique dont bénéficient les membres du comité d'entreprise au début de leur mandat et qui est financée par cette instance, ou la formation sur les risques professionnels et l'amélioration des conditions de travail au profit des membres du CHSCT, qui doit être prise en charge par l'employeur (cf. supra ).

En revanche, le code du travail ne prévoit aucune obligation de formation pour les délégués du personnel , sauf lorsqu'ils exercent les missions du CHSCT dans les entreprises de moins de cinquante salariés ou dans celles plus grandes où cette IRP n'a pu être mise en place.

De même, aucun mécanisme de formation spécifique n'a été mis en place par le législateur en faveur des délégués syndicaux . Comme tout salarié, ils peuvent bénéficier du congé de formation économique, sociale et syndicale pour suivre des stages organisés par les structures de formation rattachés aux confédérations syndicales nationales ou par des instituts spécialisés 152 ( * ) . Dans ce cas, et en l'absence d'accord collectif plus favorable, la rémunération est maintenue par l'employeur, qui est ensuite remboursé par l'organisation syndicale à laquelle adhère le bénéficiaire du congé. L'employeur ne peut refuser le départ d'un de ses salariés en congé de formation économique, sociale et syndicale que si cette absence pourrait porter préjudice à la bonne marche de l'entreprise et après avis conforme du comité d'entreprise.

Depuis la loi « Travail » du 8 août 2016 153 ( * ) , le comité d'entreprise peut par ailleurs prendre en charge , sur son budget de fonctionnement, le coût de formations destinées aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux . Ce même texte a prévu la mise en place de formations communes aux salariés et aux employeurs , auxquelles peuvent également participer des magistrats et d'autres fonctionnaires, pour améliorer les pratiques du dialogue social dans les entreprises. Elles s'inscrivent soit dans le cadre du congé de formation économique, sociale et syndicale, soit dans celui du plan de formation de l'entreprise.

Avec le de l'article 2 du projet de loi d'habilitation, le Gouvernement prévoit, pour améliorer le dialogue social en entreprise, de renforcer la formation des représentants des salariés . Selon l'étude d'impact, cet objectif se traduirait par l' extension de dispositifs existants . Plusieurs hypothèses sont évoquées : abondement exceptionnel du compte personnel de formation (CPF), accès facilité au congé individuel de formation (CIF) pour les représentants syndicaux ou encore majoration des droits acquis dans le compte personnel d'activité (CPA) au terme d'une activité syndicale. Il faut toutefois noter que le CPA n'est pas le porteur de droits autonomes mais le réceptacle des droits acquis au titre du CPF, du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et du compte d'engagement citoyen (CEC), et que le Gouvernement demeure muet sur le financement de cette mesure . Alors que les ressources financières dédiées au CPF et au CIF, qui pour les salariés relèvent des entreprises, risquent de s'avérer insuffisantes dans les années à venir pour couvrir les demandes de prise en charge, il est probable qu'à moyens constants cet objectif restera sans effets .

A l'inverse, si des moyens supplémentaires doivent être débloqués, le Gouvernement devrait dès aujourd'hui fournir ses pistes de travail : l'abondement exceptionnel du CPF serait-il financé par l'Etat, l'employeur, voire l'organisation syndicale dont le représentant fait partie ? Sachant qu'il y avait en France 116 000 délégués syndicaux 154 ( * ) en 2011, quel serait le montant envisagé de la dépense supplémentaire pour le financeur qui sera retenu ? Il appartient au Gouvernement de lever cette incertitude dès les concertations avec les partenaires sociaux.

(7) L'évolution des conditions d'exercice d'un mandat de représentation des salariés

Le Gouvernement souhaite également, au du présent article 2, encourager l'évolution des conditions d'exercice des responsabilités syndicales ou d'un mandat de représentant du personnel. Il faut sur ce point noter que la loi du 8 août 2016 précitée a revalorisé de 20 % le crédit d'heures de délégation accordé aux délégués syndicaux, aux délégués syndicaux centraux et aux délégués syndicaux ou salariés pour préparer la négociation d'accords d'entreprise et qu'elle a sécurisé juridiquement la mise à disposition de locaux par les collectivités territoriales au profit des organisations syndicales.

Néanmoins, aucune information n'a été fournie par le Gouvernement sur les mesures qu'il compte prendre pour inciter à faire évoluer les conditions d'exercice de la représentation du personnel dans l'entreprise. Dans le cadre de la concertation en cours, il semble peu probable que les représentants des employeurs acceptent par exemple une nouvelle augmentation du nombre d'heures de délégation. La fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT au sein d'une instance unique pourrait toutefois être l'occasion de repenser le fonctionnement du dialogue social afin de le mettre véritablement au service des salariés et du développement de l'entreprise et qu'il ne se limite pas à une opposition manichéenne préjudiciable à tous ses acteurs.

(8) La reconnaissance de l'exercice d'un mandat dans le déroulement de carrière et la valorisation des compétences acquises

En 2015, la loi « Rebsamen » 155 ( * ) avait déjà cherché à déterminer les moyens de mieux valoriser l'expérience et les compétences acquises par un représentant du personnel au cours de son mandat et de les mettre ensuite, au terme de celui-ci, au service de l'entreprise (cf. supra ). Elle avait ainsi prévu un entretien professionnel avec l'employeur en début et en fin de mandat ainsi que l'élaboration d'une certification rassemblant les compétences acquises dans le cadre de fonctions de représentation du personnel et pouvant ensuite, découpée en blocs de compétences, faciliter l'acquisition d'autres certifications (certificat d'aptitude professionnelle (CAP), certificat de qualification professionnelle (CQP), licence professionnelle, etc.) par le biais de la validation des acquis de l'expérience (VAE).

Elle avait également ajouté à la négociation triennale obligatoire sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans les entreprises d'au moins trois cents salariés un volet relatif au déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et à l'exercice de leurs fonctions.

Deux ans plus tard, il est difficile de tirer un bilan de ces mesures . Depuis cette date, il ne s'est en effet pas encore écoulé la durée d'un mandat de représentation du personnel. Tous les élus du personnel ou délégués syndicaux n'ont donc pas encore pu bénéficier d'un entretien professionnel de fin de mandat. S'agissant de la reconnaissance sous la forme d'une certification des compétences acquises dans l'exercice des fonctions de représentants du personnel ou d'élu syndical, force est de constater qu'elle n'a toujours pas été publiée , bien que le Gouvernement affirme dans l'étude d'impact annexée au projet de loi que son déploiement est « actuellement en cours » 156 ( * ) . S'agissant de la négociation sur la GPEC, aucun bilan n'a été réalisé et sa périodicité triennale explique qu'elle n'a pas encore été renouvelée dans toutes les entreprises concernées depuis 2015.

Le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement au de l'article 2 porte donc également sur la reconnaissance des responsabilités syndicales ou d'un mandat de représentant du personnel dans le déroulement de carrière et des compétences acquises dans ce cadre. Il est vrai que l'engagement syndical est souvent perçu comme un frein à l'évolution professionnelle au sein d'une entreprise et que la transformation en cours du profil des élus - féminisation, rajeunissement - signifie que le cumul des mandats dans le temps sera de moins en moins courant, et ce d'autant plus qu'il devrait être strictement encadré au sein de la nouvelle instance unique. Néanmoins, sur ce point comme sur de nombreux autres à cet article, le Gouvernement n'a à ce jour fourni aucun élément permettant d'évaluer la pertinence de ses idées en la matière .

(9) Le renforcement de la lutte contre les discriminations syndicales

Le code du travail pose un principe général de non-discrimination à l'égard des personnes exerçant une activité syndicale. Son article L. 2141-5 interdit ainsi aux employeurs de se fonder une décision sur l'appartenance syndicale d'un salarié, qu'il s'agisse de recrutement, d'évolution de carrière, de sanction ou encore de licenciement.

Pour autant, la discrimination syndicale est avérée dans de nombreuses entreprises . Selon les travaux de l'économiste Thomas Breda 157 ( * ) , les salaires des délégués syndicaux sont en moyenne inférieurs de 10 % à ceux de leurs collègues.

Ces écarts de salaire sont liés à des taux de promotion plus faibles pour les délégués syndicaux que pour le reste des salariés de l'entreprise et sont encore plus marqués lorsque ces derniers ont été impliqués dans un conflit avec l'employeur ou que la négociation d'un accord d'entreprise a échoué 158 ( * ) .

La loi « Rebsamen » 159 ( * ) avait cherché à corriger cette situation en garantissant aux délégués syndicaux et aux représentants du personnel disposant d'un crédit d'heures de délégation équivalant à plus de 30 % de leur durée de travail, sur la durée de leur mandat, une évolution de leur rémunération égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et ayant une ancienneté comparable à eux 160 ( * ) . Cette disposition n'exclut pas la possibilité de négocier, par accord d'entreprise ou de branche, des dispositions plus favorables aux salariés.

Cette préoccupation était aussi présente dans la loi « Travail » du 8 août 2016 161 ( * ) . Son article 30 demande au Gouvernement de remettre au Parlement dans un délai d'un an à compter de sa promulgation un rapport sur l'état des discriminations syndicales en France . A partir des travaux du Défenseur des droits sur le sujet, le Gouvernement doit notamment recenser les bonnes pratiques adoptées par certaines entreprises pour lutter contre ce phénomène. Issue d'un amendement déposé par le Gouvernement devant le Sénat, cette demande traduit l'une des recommandations de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) du 24 mai 2016 sur le développement de la culture du dialogue social en France 162 ( * ) . Cette institution s'est d'ailleurs saisie de la question des discriminations syndicales en mars 2017 et a adopté le 13 juillet 2017 un avis 163 ( * ) en ce sens.

Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite pouvoir, par ordonnance, améliorer les outils de lutte contre les discriminations syndicales . Dernier volet de sa stratégie annoncée de revalorisation des parcours syndicaux en entreprise qui doit être mise en oeuvre dans le périmètre dessiné par l'habilitation défini au du présent article 2, il reste à ce stade très peu précis sur les pistes envisagées. L'étude d'impact est une fois encore silencieuse sur le sujet. Il est fort probable que les recommandations du Cese sur la prévention et la lutte contre ces discriminations alimenteront la réflexion du Gouvernement et seront traduites, si elles relèvent du domaine de la loi, dans une ordonnance prise sur le fondement de cette habilitation.

F. L'élargissement des sources de financement de l'instance unique pour les petites entreprises

Le financement national des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs représentatives aux niveaux national (interprofessionnel ou multi-professionnel) ainsi que celui des organisations syndicales nationales ayant recueilli au moins 3 % des suffrages exprimés lors de la dernière mesure quadriennale de la représentativité est assuré par le fonds pour le financement du dialogue social pour chacune des trois missions mentionnées à l'article L. 2135-11 du code du travail (cf. supra ). Ce fonds est abondé par une subvention de l'Etat ainsi que par une contribution , versée par toutes les entreprises, dont le taux est de 0,016 % de la masse salariale. Cette dernière a représenté en 2015 84,3 millions d'euros .

Le de l'article 2 vise à permettre à certaines petites entreprises d' imputer sur cette contribution les frais de fonctionnement de la nouvelle instance unique de représentation du personnel issue de la fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, notamment les heures de délégation. Le périmètre des entreprises concernées, le cadre précis de mise en oeuvre de cette mesure et son impact sur les ressources du fonds restent inconnus. L'étude d'impact annexée au projet de loi est peu loquace sur ce point puisqu'elle se contente d'évoquer le fait, sans apporter d'éléments à l'appui de son assertion, que cette mesure permettrait « d'encourager au dialogue social les entreprises dotées d'IRP et dont l'effectif n'est pas important ».

G. Le renforcement du rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles

La loi « Rebsamen » du 17 août 2015 164 ( * ) a institué, pour développer le dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés , une instance régionale externe rassemblant des représentants des salariés et des employeurs de ces entreprises : la commission paritaire régionale interprofessionnelle (CPRI).

Elle est composée de vingt membres , dix représentant les salariés, désignés par les organisations syndicales sur la base du résultat du scrutin quadriennal organisé auprès des salariés des TPE 165 ( * ) , et dix représentant les employeurs, désignés par les organisations professionnelles en fonction de leur audience dans la région.

Les CPRI ne couvrent toutefois pas l'ensemble des branches ou secteurs d'activité puisque ceux ayant déjà mis en place un mécanisme de représentation des salariés des TPE n'entrent pas dans leur champ. Il s'agit de l' artisanat , qui a été le précurseur de ce dispositif avec les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l'artisanat (CPRIA), des salariés du particulier employeur , des professions libérales , des services de l'automobile et du secteur des hôtels, cafés et restaurants en Corse. En outre, des commissions paritaires régionales de l'emploi couvrent les activités agricoles 166 ( * ) .

Ce régime dérogatoire n'est applicable que si les attributions de ces structures de branche sont les mêmes que celles des CPRI, auxquelles le législateur a confié quatre missions :

- informer et conseiller les salariés et les employeurs sur les dispositions légales et conventionnelles applicables ;

- débattre et rendre des avis sur les questions spécifiques aux TPE ;

- assurer, avec l'accord des parties, un travail de médiation précontentieuse en cas de conflit individuel ou collectif de travail ;

- faire des propositions en matière d' activités sociales et culturelles .

Il a reconnu aux membres des CPRI le droit d'accéder aux entreprises avec l'autorisation de l'employeur , tandis que les représentants des salariés disposent de cinq heures de délégation par mois. Son fonctionnement est assuré par le fonds pour le financement du dialogue social, à travers les crédits qu'il verse aux organisations syndicales et patronales qui y ont désigné des membres.

La mise en place des CPRI avait été fixée par la loi « Rebsamen » au 1 er juillet 2017 . Un arrêté du 1 er juin 2017 167 ( * ) a déterminé la répartition des sièges au sein des vingt CPRI : treize organisations syndicales de salariés 168 ( * ) et trois organisations professionnelles d'employeurs 169 ( * ) y sont représentées pour la période 2017-2021. La liste de leurs membres a été publiée dans chaque région par les services déconcentrés du ministère du travail, les directions régionales de l'emploi, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

La rédaction de l'habilitation figurant au du présent article 2 permet au Gouvernement, alors que les CPRI n'étaient pas encore installées au moment de la rédaction du projet de loi et n'auront vraisemblablement, d'ici sa promulgation, connu qu'une activité très limitée, de renforcer leur rôle et de modifier l'ensemble de leur régime juridique : conditions de mise en place, composition, attributions et modalités de financement. Cette formulation, qui laisse au Gouvernement une marge de manoeuvre très large, ne serait selon l'étude d'impact justifiée que par le seul souhait de leur faire jouer « un rôle plus important en matière de médiation individuelle et collective » 170 ( * ) . Votre rapporteur ne peut se montrer que très circonspect face à cette affirmation et à la disproportion entre l'étendue de l'habilitation et la volonté affichée par le Gouvernement. Il convient ici de rappeler que la création des CPRI a eu lieu en 2015 malgré l'opposition des deux plus importantes organisations professionnelles d'employeurs et de celle du Sénat.

H. La modernisation du droit d'expression des salariés

Institué à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 1985, par la loi « Auroux » du 4 août 1982 171 ( * ) puis généralisé par la loi du 3 janvier 1986 172 ( * ) , le droit d'expression des salariés avait suscité lors de sa création de violents débats parmi les partenaires sociaux. Au Sénat, notre ancien collègue Jean Chérioux faisait état de profondes craintes de voir ce droit confisqué par les organisations syndicales au détriment des salariés et y voyait un outil de politisation des entreprises 173 ( * ) . Depuis lors, force est de constater que, comme le souligne l'étude d'impact, ce droit « n'a jamais véritablement été mis en oeuvre dans les conditions prévues par la loi » 174 ( * ) et que l'effroi manifesté il y a 35 ans était infondé .

Le code du travail reconnaît aujourd'hui aux salariés un droit à l'expression directe et collective sur le contenu , les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail , dans le but d'améliorer notamment leurs conditions de travail et l'organisation de l'activité 175 ( * ) . Ils ne peuvent être sanctionnés ou licenciés pour les opinions émises dans ce cadre, considéré et rémunéré comme du temps de travail.

Dès 1982, les modalités d'exercice de ce droit devaient être définies par un accord d'entreprise fixant notamment l'organisation des réunions permettant l'expression des salariés, les mesures garantissant leur liberté d'expression ou encore les conditions dans lesquelles les propositions de ses salariés sont transmises à l'employeur. Son refus d'engager la négociation d'un tel accord est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende 176 ( * ) .

Par ailleurs, des consultations régulières des IRP au sujet de ce droit sont prévues . Si aucun accord collectif n'a été conclu, ce thème doit figurer à l'ordre du jour de la consultation annuelle du comité d'entreprise sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi. Il est également obligatoirement abordé lors de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Depuis la loi « Travail » du 8 août 2016 177 ( * ) , l' usage des outils numériques de l'entreprise pour garantir l'effectivité de ce droit doit à cette occasion être étudié.

L'évolution des formes d'organisation du travail depuis le début des années 1980 s'est accompagnée d'une dégradation des rapports hiérarchiques dans de nombreuses entreprises tandis que de nouvelles formes de risques professionnels sont apparues comme les risques psychosociaux . Dans ce contexte, la modernisation du droit d'expression est nécessaire pour faire face à ces transformations.

Le Gouvernement souhaite y procéder par ordonnance. Le du présent article 2 l'y habilite, précisant simplement que l'accent devra être mis sur le développement du recours aux outils numériques. Il s'agit aussi, d'après l'étude d'impact, d' inciter à la formation des cadres dirigeants au dialogue pour qu'ils prennent davantage en compte les difficultés des salariés grâce à des méthodes comme la médiation préventive ou l'écoute active 178 ( * ) .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission des affaires sociales n'a pas modifié cet article. En séance publique, six amendements ont été adoptés .

A l'initiative de notre collègue député Francis Vercamer et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Les Constructifs, elle a précisé que l'ordonnance procédant à la fusion des IRP devrait définir les seuils d'effectifs à prendre en compte pour la mise en place de la nouvelle instance, tandis qu'un amendement de notre collègue député Boris Vallaud et des membres du groupe Nouvelle gauche a précisé que celle-ci pourra avoir recours à plusieurs types d'expertises (1° de l'article).

Deux amendements de notre collègue député Pierre Dharréville et plusieurs membres du groupe de la Gauche démocratique et républicaine (GDR) ont prévu que l'instance unique, lorsqu'elle est dotée de compétences en matière de négociation d'accords d'entreprise (2°), dispose des moyens nécessaires à l'exercice de ces prérogatives et que la meilleure association des représentants du personnel aux décisions de l'employeur (3°) permette notamment de renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes .

Sur proposition du Gouvernement, les députés ont également élargi le champ de l'habilitation figurant au 6° de l'article, afin que puisse être mise en place, en faveur des petites entreprises, une exonération totale ou partielle de la contribution au fonds pour le financement du dialogue social lorsqu'elles ont un dialogue social efficace en leur sein.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par notre collègue député Patrick Mignola et plusieurs membres du groupe du Mouvement démocrate et apparentés (Modem) afin que, sur le fondement de l'habilitation prévue au 7° de l'article, le Gouvernement ne procède pas nécessairement au renforcement du rôle des CPRI mais à sa redéfinition , afin de tenir compte des critiques formulées à leur sujet par les TPE.

III - La position de la commission

Le Gouvernement cherche, avec l'article 2 du projet de loi, à apporter une réponse à un constat très largement partagé sur la situation française du dialogue social en entreprise : celui de la grande complexité de son organisation, du caractère très directif de la loi et de la très faible marge de manoeuvre dont disposent ses acteurs pour l'adapter à leurs besoins.

En conséquence, les mécanismes actuels font primer le formalisme sur l'efficacité et constituent des freins au développement d'une culture du dialogue social permettant d'apaiser les tensions au sein de l'entreprise , de soutenir celle-ci lors des fluctuations de son activité économique et d'améliorer les conditions d'emploi des salariés.

Votre rapporteur partage ce point de vue, mais relève que la méthode choisie par le Gouvernement pour conduire sa réforme laisse en suspens beaucoup de questions sur ses modalités de mise en oeuvre et aboutit à regrouper dans cet article huit thématiques distinctes qui auraient donné lieu, dans un projet de loi traditionnel, à au moins autant d'articles et à une étude d'impact détaillée pour chacun.

Certes, le Gouvernement n'a pas voulu, dans ce projet de loi d'habilitation, présager des concertations qu'il mène en parallèle avec les partenaires sociaux. Il faut cependant rappeler , même si le contexte politique a depuis cette date beaucoup évolué, l'échec , en janvier 2015, de la négociation nationale interprofessionnelle sur la modernisation du dialogue social . Celle-ci avait notamment achoppé sur la fusion des IRP et la représentation des salariés des TPE, ce qui illustre l'écart entre les positions des partenaires sociaux sur le sujet.

Dans la situation actuelle, le Gouvernement n'est toutefois pas tenu d'attendre un accord des partenaires sociaux pour procéder à sa réforme, ces derniers n'ayant pas souhaité engager une nouvelle négociation. En revanche, l'un des volets de la concertation bilatérale entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, selon le programme de travail qui leur a été adressé, a pour objectif de « simplifier et renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs ». Ces échanges devaient notamment permettre de trouver des moyens d' améliorer l'efficacité du dialogue social en entreprise pour tenir compte de l'extension du champ de la négociation en son sein, de réfléchir à une meilleure articulation entre consultation et négociation ou encore de rechercher des solutions spécifiques pour les TPE et les PME . Ils devaient également porter sur le renforcement des moyens et de la légitimité des élus du personnel.

Le bilan de la concertation relative à la rénovation sociale

Le Gouvernement a transmis aux partenaires sociaux le 11 juillet 2017 le bilan de la concertation sur la simplification et le renforcement du dialogue social qu'il avait conduite avec eux, au cours de réunions bilatérales, entre le 24 juin et le 4 juillet.

Outre les thématiques de la négociation d'entreprise et de branche, de la validité des accords collectifs et de la restructuration des branches, qui relèvent de l'article 1 er du projet de loi, ce document permet de connaître les orientations retenues par le Gouvernement sur certains des champs d'habilitation de l'article 2.

Ainsi, les IRP devraient être fusionnées au sein d'un « comité social et économique » qui conserverait l'intégralité des compétences des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, serait doté d'un budget de fonctionnement , de la capacité à ester en justice et de faire appel à des experts . La création d'une commission spécialisée en matière d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail serait rendue obligatoire au-delà d'un certain seuil, et un accord d'entreprise pourrait prévoir le maintien, à côté du comité social et économique, d'une des IRP existantes.

Un accord majoritaire d'entreprise ou de branche pourrait transformer le comité social et économique en « conseil d'entreprise » , instance unique compétente pour négocier avec l'employeur . Il reviendrait à l'accord l'instituant de définir les modalités d'exercice de cette compétence ainsi que les domaines dans lesquels les décisions de l'employeur seraient soumises à son avis conforme .
Sur ce dernier point, le Gouvernement cite l'exemple de la formation.

Enfin, plusieurs précisions sont apportées sur la valorisation des parcours syndicaux et la lutte contre la discrimination syndicale (5° de l'article). Une mission a été confiée au directeur général de l'association Dialogues, spécialisée dans la promotion du dialogue social, afin qu'un recensement des pratiques innovantes des branches en la matière soit effectué et que celles-ci puissent être généralisées par les ordonnances. Sur la discrimination syndicale, la définition d'indicateurs de suivi de ce phénomène est évoquée ainsi que la publicité des cas avérés de discrimination.

Le résultat de cette concertation ne couvre toutefois pas l'ensemble du champ de l'article 2 . La question des moyens de l'instance unique et de sa composition n'est ainsi pas abordée, ni celle de la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des entreprises (4° de l'article), du chèque syndical (5°) ou des CPRI (7°). On peut émettre l'hypothèse que, sur ces thèmes, les positions des partenaires sont trop divergentes pour qu'un consensus puisse être obtenu.

Sur deux des principaux points de cet article 2, la fusion des IRP et la création du chèque syndical , votre rapporteur peut toutefois soulever plusieurs interrogations qui mériteraient d'être traitées dans l'ordonnance et plusieurs imprécisions dans les habilitations.

Si votre rapporteur est très favorable à la simplification des IRP et à la fusion en une seule instance des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, sur le modèle du conseil d'entreprise allemand, il est regrettable que la réforme envisagée reste incomplète et ne permette pas de corriger l'ensemble des insuffisances du modèle actuel.

Elle reste tout d'abord silencieuse sur la question des seuils d'effectif à partir desquels l'organisation d'élections professionnelles est obligatoire. Alors qu'ils constituent pour les chefs d'entreprise un frein psychologique et réglementaire au développement de leur société, en les incitant notamment à créer des filiales plutôt que de privilégier la croissance interne, ils n'étaient pas mentionnés dans le projet de loi initial. Sur ce point, il est essentiel de prendre en compte le ressenti des employeurs et de lever cet obstacle au recrutement de nouveaux salariés.

De plus, le texte ne prévoit que la fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, sans mentionner explicitement les délégués syndicaux. C'est seulement sous certaines conditions, qui restent aujourd'hui inconnues, que l'instance unique pourrait exercer leurs compétences en matière de négociation d'accords d'entreprise. La véritable simplification consisterait à les intégrer de droit dans cette nouvelle IRP, ce qui garantirait une plus grande effectivité du dialogue social dans l'entreprise et améliorerait sa lisibilité pour les salariés. En généralisant la négociation directement avec les IRP , le Gouvernement ne ferait qu'adapter le droit à la pratique, puisqu'aujourd'hui de nombreux délégués syndicaux cumulent cette fonction avec celle de délégué du personnel, de membre du comité d'entreprise ou de membre du CHSCT. Une telle mesure renforcerait considérablement le poids de cette nouvelle IRP qui deviendrait l'interlocuteur unique de l'employeur dans un contexte d'élargissement du champ de l'accord d'entreprise.

Il serait par ailleurs opportun que le Gouvernement apporte des précisions sur le fonctionnement de cette instance unique en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail . Alors que la loi « Rebsamen » 179 ( * ) avait prévu, en cas de regroupement des IRP par accord majoritaire, la présence obligatoire d'une commission dédiée à ces problématiques, l'habilitation ne la prévoit pas pour cette nouvelle IRP. Il appartiendra donc à la ministre de fournir des informations supplémentaires sur ce point, comme sur le déroulement des consultations qui impliquaient d'abord l'intervention du CHSCT puis celle du comité d'entreprise. Sachant que les compétences et l'expertise de ces deux IRP diffèrent aujourd'hui grandement, il est important qu'à l'avenir un avis unique soit rendu , gage de diminution des délais de consultation , dans le respect des pleines prérogatives des représentants du personnel (information, recours à l'expertise). Par ailleurs, les dispositions relatives à l'instance de coordination des CHSCT devront être modifiées pour tenir compte de cette nouvelle configuration.

L'application progressive de cette fusion des IRP doit également être soulignée . En effet, les entreprises n'auront pas l'obligation d'y procéder au lendemain de la publication de l'ordonnance et de convoquer immédiatement de nouvelles élections professionnelles. C'est à l'échéance de leur cycle électoral actuel, lors du renouvellement de leurs IRP, qu'elles devront mettre en place l'instance unique et négocier ses modalités de fonctionnement. Alors que la durée des mandats est de quatre ans, la généralisation de cette nouvelle instance devrait s'achever à la fin de l'année 2021 .

S'agissant du chèque syndical , l'étude d'impact ne dresse aucun bilan de l'utilisation de ce dispositif dans plusieurs entreprises , en particulier Axa. Il semblerait ainsi qu'il n'y ait pas permis de faire remonter le taux d'adhésion aux organisations syndicales et que ces dernières n'y aient pas apporté un soutien unanime, FO 180 ( * ) s'y étant par exemple toujours opposé. Ses critiques y voient une remise en cause de l'indépendance syndicale , au détriment des intérêts des salariés. Du côté des organisations représentatives des employeurs, la CPME et l'U2P ont fait part de leur opposition à sa généralisation, considérant que la contribution de chaque entreprise au fonds pour le financement du dialogue social apporte déjà un financement mutualisé aux organisations syndicales. Enfin, un sondage réalisé par l'association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) auprès de ses adhérents en juin 2017 a fait ressortir que 71 % des répondants étaient opposés à sa mise en place, estimant que le chèque syndical constitue une « fausse bonne idée ».

Enfin, deux habilitations semblent inopportunes à votre rapporteur. Le 3° du présent article tout d'abord, relatif à la meilleure association aux décisions de l'employeur des représentants du personnel dans « certaines matières », dont l'imprécision masque les intentions du Gouvernement et le champ bien trop large permettrait à l'ordonnance de porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.
Le 7° ensuite, relatif à la redéfinition du rôle des CPRI , qui s'avère bien trop prématurée alors que ces commissions n'ont été mises en place qu'au 1 er juillet 2017, qu'elles n'ont pas encore démontré leur pertinence et qu'elles minorent le dialogue quotidien qui existe dans les TPE entre l'employeur et ses salariés.

Dans ce contexte, votre commission a adopté dix amendements à cet article, dont huit proposés par son rapporteur.

S'agissant de l'instance unique de représentation du personnel , elle a précisé, sur proposition de votre rapporteur, l'habilitation sur cinq points différents. L'ordonnance devra ainsi :

• le droit des membres de l'instance à une formation , en harmonisant le droit applicable aujourd'hui et qui varie selon les IRP afin que les représentants du personnel puissent acquérir, au début de leur mandat et tout au long de celui-ci, les compétences requises pour exercer leurs fonctions (amendement COM-3 ) ;

• déterminer les modalités de contrôle des comptes de l'instance et de choix de ses prestataires et fournisseurs en prévoyant, comme pour les comités d'entreprise, le recours obligatoire à un commissaire aux comptes et à un expert-comptable au-dessus d'un certain seuil de ressources ainsi que la création d'une commission des marchés (amendement COM-4 ) ;

• limiter à trois le nombre de mandats successifs que pourront effectuer les élus du personnel (amendement COM-5 ) ;

• rendre obligatoire la sollicitation par l'instance de devis auprès de plusieurs prestataires préalablement à la réalisation d'une expertise (amendement COM-6 ).

De plus, votre commission a souhaité, sur proposition de son rapporteur et en s'inscrivant dans la logique de simplification et de rationalisation de la représentation du personnel en entreprise qui préside à la fusion des IRP, doter de plein droit l'instance unique de la compétence en matière de négociation des accords d'entreprise . Les partenaires sociaux dans l'entreprise pourront toutefois décider de refuser le transfert de cette compétence par accord majoritaire (amendement COM-7 ).

Trois domaines d'habilitation ont également été supprimés :

• celui relatif à la meilleure association des représentants du personnel aux décisions de l'employeur « dans certaines matières », au motif que son imprécision pourrait porter atteinte à la liberté d'entreprendre et pourrait se traduire par des mesures préjudiciables à la capacité de l'employeur de diriger son entreprise (amendement COM-8 ) ;

• celui portant sur la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises, la dernière réforme dans ce domaine n'étant pas encore pleinement applicable (amendements identiques COM-9 et COM-78 rect. bis ) ;

• celui visant à redéfinir les missions des CPRI , alors qu'elles n'ont été mises en place que le 1 er juillet 2017 (amendements identiques COM-10 et COM-46 rect . de notre collègue Philippe Mouiller).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 - Aménagement des règles du licenciement et de certaines formes particulières de travail

Objet : Cet article autorise le Gouvernement à prendre, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, plusieurs ordonnances pour renforcer la sécurité juridique des règles relatives à la rupture du contrat de travail ; modifier le régime juridique du licenciement économique ; adapter les règles de certaines formes particulières de travail (télétravail, CDD, contrats de travail intérimaire, contrat de chantier, travail de nuit, prêt de main d'oeuvre à but non lucratif) et encourager le recours à la conciliation devant le juge prud'homal.

I - Le dispositif proposé

A . Faciliter l'accès au droit

Introduit par l'article 16 de la loi « Travail » 181 ( * ) , l'article L. 2231-5-1 du code du travail prévoit que toutes les conventions et les accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement conclus après le 1 er septembre 2017 seront rendus publics et versés dans une base de données nationale, et accessibles en ligne sur un portail public spécifique dans un standard ouvert aisément réutilisable.

Le législateur a recherché un équilibre entre la volonté de rendre accessibles les normes régissant les relations du travail et la nécessité pour les signataires d'un accord de préserver certaines informations confidentielles .

C'est pourquoi ces derniers peuvent décider qu'une partie du texte concerné ne soit pas accessible sur le site dédié. Le document qui acte cette décision, assorti de la version intégrale de la convention ou de l'accord et de la version à mettre en ligne, doit ensuite être transmis au service compétent de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Même en l'absence du document attestant la volonté des signataires d'un accord d'en anonymiser une partie, la convention ou l'accord doit être publié dans une version rendue anonyme dès lors qu'une des organisations signataires en fait la demande.

En outre, l'article 61 de la même loi « Travail » a prévu la création d'un service public territorial de l'accès au droit au sein de chaque Direccte, afin que tout employeur d'une entreprise de moins de trois cents salariés puisse obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu'il sollicite l'administration sur une question juridique portant sur le code du travail ou une stipulation conventionnelle 182 ( * ) . Si la demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l'administration peut ensuite être produit par l'entreprise en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi. Cette opposabilité des prises de position de l'administration était très attendue des employeurs, surtout lorsqu'ils dirigent des petites entreprises qui ne disposent pas d'un service de ressources humaines étoffé.

Le 1 a) du présent article 3 habilite le Gouvernement à faciliter par ordonnance l'accès par voie numérique au droit du travail et aux dispositions légales et conventionnelles. Contrairement à l'avant-projet de loi transmis pour avis au Conseil d'Etat, le projet de loi prévoit en outre que l'ordonnance devra définir les conditions dans lesquelles les personnes peuvent se prévaloir des informations obtenues par cette voie.

Il est difficile de connaître les intentions précises du Gouvernement sur ce sujet car l'étude d'impact se limite à reprendre la formulation du projet de loi 183 ( * ) .

B. Instaurer un référentiel impératif pour l'indemnité prud'homale de licenciement sans cause réelle et sérieuse

1. Les nombreuses contestations portant sur les licenciements sans cause réelle et sérieuse se fondent sur une législation très protectrice pour les salariés

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, lorsqu'un employeur licencie un salarié sans cause réelle et sérieuse (CRS), le juge peut proposer sa réintégration dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge doit alors octroyer une indemnité au salarié, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois . L'indemnité se cumule le cas échéant, avec l'indemnité légale de licenciement, à laquelle a droit tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, comptant au moins une année d'ancienneté au service du même employeur (sauf en cas de faute grave) 184 ( * ) . Le salarié peut le cas échéant bénéficier d'une indemnité conventionnelle si celle-ci est supérieure à celle légale, ainsi que d'une indemnité contractuelle.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 ne s'appliquent pas aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse ayant moins de deux ans d'ancienneté , quel que soit l'effectif de leur entreprise, ni aux licenciements des salariés employés dans les entreprises de moins de onze salariés , peu importe leur ancienneté 185 ( * ) .

L'étude d'impact annexée au projet de loi indique qu'environ 30 % des licenciements pour motif personnel font l'objet d'un recours contentieux, contre 3 % pour les licenciements économiques 186 ( * ) . Au final, en 2013, plus de 80 % des recours prud'homaux visaient à contester le motif du licenciement 187 ( * ) .

2. Le référentiel impératif prévu dans la loi « Croissance et activité » a été censuré par le Conseil constitutionnel en 2015

Les dispositions relatives à l'indemnité versées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse apparaissent aux yeux de nombreux employeurs comme un frein à l'embauche , en raison de son montant élevé , de l'incertitude pesant sur son niveau (la loi fixe un plancher mais non un plafond), et de l' hétérogénéité constatée dans la pratique des juges.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique qu'une étude menée par le ministère de la justice en mai 2015, qui n'a pas été rendue publique, avait montré que, sur 401 arrêts rendus par les chambres sociales des cours d'appel au mois d'octobre 2014, les montants de dommages et intérêts octroyés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse oscillaient entre 500 et 310 000 euros, soit un rapport de 1 à 620 188 ( * ) .

Le Sénat avait adopté le 7 mai 2015 un amendement 189 ( * ) , proposé par notre collègue Jacky Deromédi et plusieurs de ses collègues du groupe UMP, lors de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 190 ( * ) , visant à plafonner l'indemnité à douze mois de salaires, quelle que soit l'ancienneté du salarié.

Notre collègue Catherine Deroche, rapporteure de la commission spéciale, s'en était alors remise à la sagesse du Sénat, soulignant que cet amendement offrirait un « cadre juridique clair et prévisible aux employeurs en cas de contentieux devant les prud'hommes » et « permettrait de lever les freins à l'embauche » 191 ( * ) . Le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, Emmanuel Macron, avait pour sa part demandé le retrait de cet amendement, au motif que « les services juridiques de l'État qui ont travaillé sur cette question ont relevé une incertitude juridique quant à la possibilité même de plafonner l'indemnisation fixée par une décision de justice » 192 ( * ) .

A l'initiative du Gouvernement en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, un amendement, lui-même sous-amendé par les rapporteurs 193 ( * ) , réécrivant l'article 87 D introduit par le Sénat a été adopté en commission afin de prévoir un référentiel obligatoire pour encadrer le montant de l'indemnité versée à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, qui a finalement été censuré par le Conseil constitutionnel (cf. infra ).

Devenu l'article 266 de la loi, avant sa transmission au Conseil constitutionnel, il maintenait la possibilité pour le juge de prononcer la réintégration dans l'entreprise d'un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse.

Il supprimait les deux dérogations concernant les entreprises employant moins de onze salariés et les salariés ayant une ancienneté inférieure à deux ans en cas de licenciement sans CRS 194 ( * ) . En contrepartie, l'article 266 de la loi précitée instaurait une indemnité différenciée en fonction de la taille de l'entreprise (deux seuils étaient retenus, vingt et trois cents salariés) et de l'ancienneté du salarié (en maintenant le seuil de deux ans et en y adjoignant celui de dix ans) comme le montre le tableau suivant.

Référentiel impératif prévu à l'article 266 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Effectif de l'entreprise

Moins de
20 salariés

Entre 20 et
299 salariés

À partir de 300 salariés

Ancienneté
du salarié
dans l'entreprise

Moins de 2 ans

Maximum :
3 mois

Maximum :
4 mois

Maximum :
4 mois

De 2 ans
à moins
de 10 ans

Minimum :
2 mois

Maximum :
6 mois

Minimum :
4 mois

Maximum :
10 mois

Minimum :
6 mois

Maximum :
12 mois

10 ans et plus

Minimum :
2 mois

Maximum :
12 mois

Minimum :
4 mois

Maximum :
20 mois

Minimum :
6 mois

Maximum :
27 mois

Source : Commission des affaires sociales

Ce référentiel devait être applicable devant le juge prud'homal, en appel et en cassation. Les indemnités de licenciement sans CRS étaient cumulables avec les indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.

Ce référentiel devait aussi s'appliquer aux demandes de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié présentées devant le conseil de prud'hommes 195 ( * ). En revanche, le juge était autorisé à fixer une indemnité d'un montant supérieur au plafond du référentiel en cas de faute de l'employeur d'une particulière gravité , ou de non-respect d'une règle relative au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Liste des situations dans lesquelles le référentiel impératif prévu à l'article 266 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, censuré par le Conseil constitutionnel, n'était pas applicable

Nature
de la violation

Définition
de l'infraction

Observations

Article
du code
du travail

Faute
de l'employeur d'une particulière gravité

Harcèlement sexuel ou moral

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle .

L. 1152-3
à L. 1153-4

Licenciement discriminatoire

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur relatif à une situation de discrimination 196 ( * ) , lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue :

- une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

- une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement légale , ou conventionnelle voire contractuelle.

L. 1134-4

Licenciement
à la suite
d'une action
en justice
en matière d'égalité professionnelle entre les femmes
et les hommes

Le salarié peut se prévaloir des mêmes règles qu'en cas de licenciement discriminatoire .

L. 1144-3

Licenciement
à la suite
d'une action
en justice
en matière
de corruption

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, soit, en dernier ressort, à un journaliste, au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.

L. 1161-1

Violation
de l'exercice
du droit de grève

L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.

Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.

Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.

L. 2511-1

Violation
de l'exercice
d'un mandat
par un salarié protégé

Lorsque le ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi de l'un des mandats énumérés ci-après, ou lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent.

L. 2422-1

Atteinte
à une liberté fondamentale

Cette atteinte peut être sanctionnée par le code du travail ou d'autres codes et textes spécifiques.

n.c

Méconnaissance des règles relatives
au plan
de sauvegarde de l'emploi

Nullité
du licenciement économique

Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle (en raison d'une absence de décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, de décision négative, ou d'annulation d'une autorisation par le juge administratif), il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois .

L. 1235-11

Indemnité spécifique
en cas d'irrégularité
dans les procédures
de consultation des IRP

En cas de non-respect par l'employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d'information de l'autorité administrative, le juge accorde au salarié compris dans un licenciement collectif pour motif économique une indemnité à la charge de l'employeur calculée en fonction du préjudice subi.

L. 1235-12

Non-respect
de la priorité
de réembauche

Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

En cas de non-respect de cette priorité de réembauche, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire .

L. 1235-13

Indemnité
en cas de licenciement économique dans une entreprise dépourvue d'IRP qui n'a pas établi de PV de carence

Est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d'entreprise ou les délégués du personnel n'ont pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.

Le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut , sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.

L. 1235-15

Indemnité
en cas d'annulation d'une décision
de validation ou d'homologation d'un PSE pour
des motifs « secondaires »

A l'exception des cas de nullité des licenciements prononcés dans le cadre d'un PSE mentionnés à l'article L. 1235-10 (absence de décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, décision négative, ou annulation d'une autorisation par le juge administratif), l'annulation d'une décision de validation ou d'homologation d'un PSE donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois . Elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale.

En cas d'annulation d'un PSE en raison d'un défaut de motivation, les dispositions relatives à la réintégration et à l'indemnité ne s'appliquent pas si l'administration prend une nouvelle décision motivée dans un délai de quinze jours.

L. 1235-16

Indemnité
au moins égale
à six mois
de salaire en cas de PSE non autorisé par l'administration dans les entreprises
en difficulté

Dans les entreprises faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois .

L. 1233-58, II, septième alinéa

Source : Commission des affaires sociales

Dans sa décision du 5 août 2015 197 ( * ) , le Conseil constitutionnel a tout d'abord considéré que le principe même d'un encadrement de l'indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n'était pas contraire à la Constitution : en cherchant à « assurer une plus grande sécurité juridique » et à « favoriser l'emploi en levant les freins à l'embauche » le législateur a « poursuivi des buts d'intérêt général ».

Il a néanmoins censuré l'article 266 de la loi déférée car il a estimé que le critère de la taille de l'entreprise était sans lien avec le préjudice subi par un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse : « si le législateur pouvait, à ces fins, plafonner l'indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié ; [...] si le critère de l'ancienneté dans l'entreprise est ainsi en adéquation avec l'objet de la loi, tel n'est pas le cas du critère des effectifs de l'entreprise ; [...] par suite, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées méconnaît le principe d'égalité devant la loi » 198 ( * ) .

3. Les référentiels indicatifs en phase de conciliation et de jugement n'ont pas rencontré le succès escompté

Transcrivant une stipulation de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 199 ( * ) , l'article 21 de la loi du 14 juin 2013 200 ( * ) a prévu la création d'un référentiel indicatif en phase de conciliation devant le conseil de prud'hommes.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit en effet qu'en cas de litige entre un employeur et son salarié une phase de conciliation obligatoire doit leur permettre d'y mettre un terme par accord. Le bureau de conciliation et d'orientation peut également faire cette proposition aux deux parties.

L'accord doit prévoir le versement par l'employeur d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence au référentiel précité.

En raison du caractère peu incitatif pour le salarié des montants prévus par le décret du 2 août 2013 201 ( * ) et du faible recours au référentiel qui en découlait, le Gouvernement a pris un nouveau décret le 23 novembre 2016 202 ( * ) pour le rendre plus attractif auprès des salariés.

Par ailleurs, l'article 258 de la loi « Croissance et activité » précitée a instauré un référentiel indicatif en phase de jugement . L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit en effet que le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud'homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d'Etat.

Ce référentiel fixe le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée, en fonction notamment de l'ancienneté, de l'âge et de la situation du demandeur par rapport à l'emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. Si les parties en font conjointement la demande, l'indemnité est fixée uniquement en fonction de ce référentiel.

Contenu du référentiel indicatif en phase de conciliation

Ancienneté du salarié

Montant de l'indemnité
(en mois de salaire)

moins d'un an

deux mois

au moins égale à un an

trois mois + un mois de salaire
par année supplémentaire
jusqu'à huit ans d'ancienneté

entre huit ans et moins de douze ans

dix mois

entre douze ans et moins de quinze ans

douze mois

entre quinze ans et moins de dix-neuf ans

quatorze mois

entre dix-neuf ans et moins de vingt-trois ans

seize mois

entre vingt-trois ans et moins de vingt-six ans

dix-huit mois

entre vingt-six ans et moins de trente ans

vingt mois

Au moins égale à trente ans

vingt-quatre mois

Source : Commission des affaires sociales

Concomitamment à la révision du référentiel indicatif en phase de conciliation, le Gouvernement a fixé par décret le contenu du référentiel indicatif en phase de jugement 203 ( * ) . Il a ainsi veillé à ce que les montants retenus dans ces deux référentiels incitent les salariés à privilégier la conciliation et non le jugement prud'homal. Il convient par ailleurs de noter que les montants prévus dans le référentiel portant sur la phase de jugement sont majorés d'un mois si le demandeur est âgé d'au moins 50 ans à la date de la rupture, ou en cas de difficultés particulières de retour à l'emploi du demandeur tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualification.

Contenu du référentiel indicatif en phase de jugement

Ancienneté
(en années complètes)

Indemnité
(en mois de salaire)

Ancienneté
(en années complètes)

Indemnité
(en mois de salaire)

Ancienneté
(en années complètes)

Indemnité
(en mois de salaire)

Ancienneté
(en années complètes)

Indemnité
(en mois de salaire)

0

1

11

9

22

14,5

33

19

1

2

12

9,5

23

15

34

19,25

2

3

13

10

24

15,5

35

19,5

3

4

14

10,5

25

16

36

19,75

4

5

15

11

26

16,5

37

20

5

6

16

11,5

27

17

38

20,25

6

6,5

17

12

28

17,5

39

20,25

7

7

18

12,5

29

18

40

20,75

8

7,5

19

13

30

18,25

41

21

9

8

20

13,5

31

18,5

42

21,25

10

8,5

21

14

32

18,75

43 et au-delà

21,5

Source : Commission des affaires sociales

Selon les informations fournies à votre rapporteur, les deux référentiels indicatifs n'ont pas rencontré le succès attendu, d'où la volonté du Gouvernement de créer un référentiel prescriptif en phase de jugement.

Le Gouvernement souhaite en effet créer par ordonnance un référentiel obligatoire , établi notamment en fonction de l'ancienneté, pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse , à l'exclusion des licenciements caractérisés par une faute de l'employeur d'une particulière gravité .

Cette formulation autoriserait le Gouvernement à retenir d'autres critères dans le référentiel, comme la qualification ou l'âge du salarié. Ce nouveau référentiel impératif ne remettrait pas en cause les règles sanctionnant les licenciements entachés par une faute de l'employeur d'une particulière gravité. En revanche, rien n'interdirait au nouveau référentiel impératif de modifier les sanctions actuelles relatives à la méconnaissance des règles essentielles du licenciement économique, et qui avaient été exclus du projet de référentiel de l'article 266 de la loi « Croissance et activité ».

Par coordination juridique, l'ordonnance pourrait modifier les critères du référentiel indicatif en phase de conciliation et plus généralement tous les planchers et plafonds prévus dans le code du travail pour sanctionner les autres irrégularités liées à la rupture du contrat de travail (cf. supra ).

C. Sécuriser juridiquement les ruptures des contrats de travail

Plusieurs mesures pourraient, selon le Gouvernement, sécuriser juridiquement les ruptures des contrats de travail, à l'instar de :

- l'adaptation des règles de procédure et de motivation des licenciements ;

- la réduction des délais de recours ;

- la clarification des obligations de l'employeur en cas de reclassement pour inaptitude et des règles de contestation de l'avis d'inaptitude ;

- la modification des règles relatives aux plans de départs volontaires (PDV) ;

- la promotion des dispositifs de gestion des emplois et des parcours professionnels.

1. L'adaptation des règles de procédure et de motivation des licenciements

Le code du travail reconnaît trois motifs de licenciement (personnel, économique et spécifique), qui obéissent à leurs propres règles procédurales.

Ainsi, la procédure de licenciement pour motif personnel doit respecter des délais stricts afin de ne pas méconnaître le principe du contradictoire et les droits de la défense du salarié.

A titre d'exemple, un employeur qui envisage de licencier pour motif personnel un salarié doit le convoquer à un entretien préalable par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge 204 ( * ) . Cette lettre doit indiquer l'objet de la convocation, tandis que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la notification.

Autre illustration : lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception à l'issue d'un délai d'au moins deux jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable 205 ( * ) . Cette lettre doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Le législateur a toutefois prévu que les erreurs de procédure ne devaient pas être aussi sévèrement sanctionnées que les licenciements sans cause réelle et sérieuse (en cas de refus de réintégration, l'indemnité prononcée par le juge est égale à au moins six mois de salaire). En effet, l'article L. 1235-2 du code du travail prévoit que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge doit imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire .

L'étude d'impact indique cependant que de nombreux recours prud'homaux se fondent sur une motivation insuffisante de la lettre de licenciement, qui prive selon les salariés requérants de caractère réel et sérieux leur licenciement. En effet, « les raisons évoquées dans la lettre lient l'employeur : en cas de litige, et notamment de contentieux devant le conseil de prud'hommes, il ne peut plus avancer d'autres motifs » 206 ( * ) . Selon le Gouvernement, « l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement est un motif très souvent mis en avant par les salariés dans les griefs justifiant la procédure contentieuse, même si elle est rarement retenue par la juridiction ».

C'est pourquoi le Gouvernement souhaite adapter par ordonnance les règles de procédure et de motivation des décisions de licenciement, quels que soient leurs motifs, ainsi que les conséquences à tirer des manquements éventuels de l'employeur, en amont d'un recours mais aussi pendant son examen.

L'étude d'impact indique également que le Gouvernement envisage d'établir un « modèle type de lettre de licenciement, au moyen d'un formulaire Cerfa », afin de « clarifier les exigences de forme nécesaires à l'énoncé des motifs de licenciement ».

2. La réduction des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail

L'article L. 1471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, au lieu de cinq ans avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 207 ( * ) . Cette prescription s'applique donc, entre autres, aux recours portant sur la cause réelle et sérieuse d'un licenciement pour motif personnel .

Cette prescription ne s'applique pas si le code du travail a expressément prévu des délais plus courts ou plus longs pour certains recours.

D'une part, elle ne s'applique pas :

- aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail (les victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle disposent d'un délai de deux ans pour engager une action, mais les points de départ de la prescription varient selon les hypothèses, tandis que des règles spécifiques existent en cas de faute intentionnelle ou d'exposition à l'amiante) ;

- aux actions en paiement ou en répétition du salaire (depuis la loi de sécurisation de l'emploi de 2013, la prescription est passée de cinq à trois ans) ;

- et aux actions exercées sur le fondement des articles L. 1132-1 (délai de cinq ans pour introduire l'action en réparation du préjudice et réparation possible de « l'entier préjudice » résultant de la discrimination pendant toute sa durée), L. 1152-1 (le délai de prescription du délit de harcèlement moral est de trois ans) et L. 1153-1 (le délai de prescription du délit de harcèlement sexuel est également de trois ans).

D'autre part, et inversement, cette règle ne fait pas obstacle aux délais de prescription plus courts prévus par le code du travail et mentionnés aux articles :

- L. 1233-67 (toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail est prescrite dans les douze mois suivant l'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle ) ;

- L. 1234-20 (le salarié ne peut dénoncer le reçu pour solde de tout compte que dans les six mois qui suivent sa signature) ;

- L. 1235-7 (toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement économique se prescrit par douze mois) ;

- L. 1237-14 (le recours juridictionnel contre une décision d'homologation de rupture conventionnelle doit être formé dans un délai d'un an) ;

- L. 1134-5, dernier alinéa (en cas d'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination , les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée).

S'agissant de la contestation d'un licenciement économique , deux règles existent selon que le recours porte sur la procédure ou sur le bien-fondé du licenciement.

D'une part, l'article L. 1235-7 précité du code du travail prévoit que toute contestation auprès du juge judiciaire portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise, voire de la notification du licenciement en cas d'exercice par le salarié de son droit individuel à contester sa régularité ou sa validité du licenciement (ce délai n'est toutefois opposable au salarié que s'il a été mentionné dans la lettre de licenciement).

D'autre part, l'article L. 1235-7-1 fixe un délai de deux mois , au salarié comme à l'employeur, pour contester la décision de la Direccte de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi , ainsi que les sujets connexes à cette décision.

3. La clarification des obligations de l'employeur en cas de reclassement pour inaptitude et des règles de contestation de l'avis d'inaptitude

L'article 102 de la loi « Travail » précitée a réformé plusieurs aspects de la médecine du travail, notamment les obligations de l'employeur en matière de reclassement pour inaptitude et la procédure de contestation de l'avis d'inaptitude.

• Les obligations de reclassement de l'employeur en cas d'inaptitude du salarié

L'article L. 1226-10 du code du travail dispose qu'en cas d'inaptitude d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités.

L'employeur doit alors prendre en compte l'avis des délégués du personnel ainsi que les conclusions et indications du médecin du travail, qui peut lui suggérer une formation à l'attention du salarié.

L'emploi proposé par l'employeur doit être « aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé », si besoin en adaptant le nouveau poste de travail ou en aménageant le temps de travail du salarié.

En application de l'article L. 1226-11 du même code, si à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur doit lui verser le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Cette obligation de versement du salaire s'applique également au salarié déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise.

Si l'employeur ne peut proposer un autre emploi au salarié, il doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

Il ne peut prononcer son licenciement pour motif personnel que dans trois cas de figure :

- impossibilité de proposer un nouvel emploi adapté ;

- refus du salarié d'occuper ce nouvel emploi ;

- mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi qui prend en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

Le e) du 1° du présent article 3 prévoit une clarification des obligations de l'employeur en matière de reclassement pour inaptitude, sans que l'étude d'impact n'indique les dispositions qui posent problème aujourd'hui.

• La contestation de l'avis d'aptitude ou d'inaptitude

Avant l'entrée en vigueur de la loi « Travail » précitée, les recours contre les avis d'aptitude ou d'inaptitude prononcés par le médecin du travail relevaient de la compétence de l'inspecteur du travail.

En vertu de l'article L. 4624-7 du code du travail, si le salarié ou l'employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, il doit désormais saisir le conseil de prud'hommes , en formation de référé 208 ( * ) , d'une demande de désignation d'un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel. Le demandeur en informe le médecin du travail.

Le médecin-expert peut demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié, sans que le secret médical puisse lui être opposé.

La formation de référé ou, le cas échéant, le conseil de prud'hommes saisi au fond, peut en outre demander au médecin inspecteur du travail une consultation relative à la contestation.

Afin de ne pas décourager les salariés à saisir le conseil de prud'hommes pour contester un avis du médecin du travail, la formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d'expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l'action en justice n'est pas dilatoire ou abusive.

Le Gouvernement souhaite sécuriser par ordonnance les modalités de contestation de l'avis d'inaptitude, sans indiquer les points problématiques aujourd'hui à ses yeux.

Les travaux de votre commission lors de l'examen de la loi « Travail » donnent néanmoins une idée des difficultés que peut entraîner la nouvelle compétence des conseils de prud'hommes en matière de contestation des avis d'aptitude ou d'inaptitude : « Le faible nombre de médecins experts près les cours d'appel, leur éloignement des lieux de travail et le nombre croissant de contestations ne plaident pas en faveur d'un contentieux porté devant les juridictions prud'homales qui sont déjà engorgées. Il sera par ailleurs difficile pour l'employeur de contester les éléments de nature médicale sur lesquels se fonde l'avis du médecin du travail, comme le prévoit le projet de loi, puisque ces éléments sont couverts par le secret médical » 209 ( * ) .

4. La modification des règles relatives aux plans de départs volontaires

Le plan de départs volontaires (PDV) , qui n'a pas de définition légale , pose de très nombreuses questions juridiques qui ne sont pas encore tranchées et qui nuisent à son développement.

Schématiquement, il convient de distinguer les PDV organisés dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et ceux négociés en dehors d'un plan social.

Dans le premier cas, le PDV peut s'inscrire dans un PSE « multifonctions » (le PSE comporte d'autres mesures de reclassement externe) ou « unifonction » (le PDV se confond avec le volet « reclassement externe » du PSE). Dans tous les cas, les services du ministère du travail ont considéré depuis 1993 210 ( * ) que l'article L. 1233-3 du code du travail, qui définit les règles du licenciement économique, s'applique à tous les dispositifs, négociés ou non avec les organisations syndicales, par lesquels l'employeur envisage de réduire les effectifs, en accordant aux salariés volontaires (y compris aux démissionnaires) une compensation financière.
La Cour de cassation a suivi cette interprétation 211 ( * ) .

Les règles relatives à l'ordre des licenciements, au reclassement interne et au reclassement externe varient selon la nature du plan de départs volontaires : en particulier, aucune de ces règles ne s'applique si le PDV s'inscrit dans un PSE « unifonctionnel » et n'envisage aucun licenciement, comme le montre le tableau suivant.

Tableau récapitulatif des obligations relatives à un plan de départs volontaires négocié dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi

Type de plan

Ordre
des licenciements

Reclassement interne

Reclassement externe

PDV dans un PSE multifonction
Licenciements envisagés

Inapplicable aux départs volontaires mais doit être arrêté pour les salariés licenciables

Préalable
à la mise en oeuvre
du PDV

Interrogation
sur la nature du PDV :
modalité du reclassement externe ou mesure autonome ?

PDV dans un PSE unifonctionnel
Réduction d'effectifs mais licenciements
non envisagés
Choix non contraint
(risque de licenciement temporairement exclu)

Non exigé

Non exigé

Non exigé

PDV dans un PSE unifonctionnel
Licenciements envisageables si la réduction d'effectifs n'est pas réalisée par
le PDV

Inapplicable aux départs volontaires mais doit être arrêté pour les salariés licenciables à terme

Préalable
à la mise en oeuvre
du PDV

À prévoir

Source : Lamy social 2016, p. 1309

Dans le second cas, le PDV est négocié en dehors d'un plan social . Or, le dernier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail dispose que les règles du licenciement économique s'appliquent aussi à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle.

Le débat actuel porte donc sur le régime juridique des ruptures conventionnelles pour motif économique . Certaines décisions de justice donnent à penser que le motif économique d'une rupture conventionnelle remet en cause le libre accord des deux parties et doit s'analyser comme un licenciement économique. D'autres auteurs considèrent en revanche que le caractère économique d'une rupture conventionnelle ne pose pas de difficulté et ne doit pas entraîner l'application des règles du licenciement économique : « les accords qui engendrent la rupture du contrat de travail en l'absence de toute procédure de licenciement peuvent constituer des ruptures conventionnelles alors même qu'elles sont conclues en raison d'un motif économique » 212 ( * ) .

L'étude d'impact souligne pour sa part que « le départ volontaire, qui s'assimile à une rupture d'un commun accord pour motif économique », est soumis à la plupart des dispositions du code du travail applicables au licenciement économique 213 ( * ) . In fine , les PDV se voient appliquer l'essentiel des règles très strictes du licenciement économique, réduisant ainsi leur attractivité auprès des employeurs.

C'est pourquoi le Gouvernement souhaite favoriser et sécuriser les plans de départs volontaires en particulier en matière d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel et d'accompagnement du salarié.

5. La promotion des dispositifs de gestion des emplois et des parcours professionnels

En application de l'article L. 2242-13 du code du travail, l'employeur doit engager tous les trois ans une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers quand l'entreprise emploie au moins trois cents salariés 214 ( * ) .

Cette négociation doit notamment aborder les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise, les principales orientations triennales de la formation professionnelle dans l'entreprise, ou encore le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales.

Or, l'étude d'impact souligne que cette négociation rencontre un faible engouement, avec seulement 600 accords signés environ en 2016 comme en 2015.

En outre, les négociateurs se sont rarement emparés des thèmes facultatifs, comme le contrat de génération et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) « territoriale ».

Par ailleurs, le Gouvernement entend sécuriser le congé de mobilité 215 ( * ) , obligatoire dans les entreprises de plus de mille salariés qui procèdent à des licenciements économiques.

C'est pour cette raison que le Gouvernement souhaite favoriser et sécuriser les dispositifs de gestion des emplois et des parcours professionnels.

D. Sécuriser les règles du licenciement économique

Le licenciement économique se définit en « creux », par opposition au licenciement pour motif personnel. En application de l'article L. 1233-3 du code du travail, un licenciement économique doit reposer sur un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant :

- soit d'une suppression ou transformation d'emploi ;

- soit d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail.

En tout état de cause, le motif doit être la conséquence, entre autres, de difficultés économiques, de mutations technologiques, d'une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou encore d'une cessation de son activité.

Le licenciement pour motif économique peut être individuel ou collectif et entraîner la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Le plan de sauvegarde de l'emploi

Plus communément appelé plan social , le plan de sauvegarde de l'emploi, défini aux articles L. 1233-61 et suivants du code du travail, n'est obligatoire que dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés qui licencient, sur une même période de trente jours , dix salariés ou plus.

Il présente toutes les mesures destinées à éviter les licenciements pour motif économique ou à en limiter le nombre . Une attention particulière doit être accordée à certaines catégories de personnel : les salariés âgés et ceux qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.

Concrètement, un PSE peut comprendre les mesures suivantes :

- des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;

- des créations d' activités nouvelles par l'entreprise ;

- des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;

- des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités par les salariés ;

- des actions de formation , de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;

- la réduction ou l'aménagement du temps de travail ainsi que, sous conditions, des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires.

La loi du 14 juin 2013 216 ( * ) relative à la sécurisation de l'emploi n'a pas modifié le contenu du PSE, mais a apporté les modifications suivantes :

- l'employeur peut désormais conclure un accord d'entreprise « majoritaire » pour définir le contenu du plan (plus des deux tiers des PSE sont actuellement définis par accord, contre un tiers unilatéralement par l'employeur) ;

- les délais de consultation du comité d'entreprise sont simplifiés ;

- les prérogatives de l'administration du travail sont renforcées , car elle doit dorénavant valider les accords sur le PSE ou homologuer les documents unilatéraux de l'employeur, dans des délais légaux respectivement de quinze et vingt et un jours ;

- la législation tient compte des spécificités des redressements et liquidations judiciaires ;

- enfin, le juge administratif est désormais compétent pour contrôler ces nouvelles décisions administratives relatives à l'aspect collectif et formel du licenciement économique, tandis que le juge prud'homal demeure compétent pour les recours individuels des salariés licenciés pour motif économique, notamment pour statuer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.

1. Le périmètre d'appréciation des difficultés économiques

En raison de l' absence de définition légale du périmètre pertinent pour apprécier les difficultés économiques justifiant un licenciement économique, il est revenu à la jurisprudence de pallier cette carence du législateur.

En règle générale, si l'entreprise confrontée à des difficultés économiques appartient à un groupe international, le juge français les apprécie à l'aune de la santé financière des entreprises du groupe situées en Europe, et plus exceptionnellement au niveau mondial. Cette interprétation extensive du périmètre aboutit à une exigence accrue du juge, peu enclin à reconnaître que des difficultés économiques sont suffisamment graves pour justifier un licenciement collectif. Il peut en effet considérer que les difficultés d'une entreprise française sont plus que compensées par les bons résultats du groupe au niveau européen ou mondial. L'étude d'impact du projet de loi « Travail » a ainsi rappelé que le juge français s'était opposé à « la réorganisation des entreprises manifestement confrontées à des difficultés économiques sur le territoire national mais relevant d'un groupe dont les activités dans le monde sont florissantes (Cass. soc., 28 février 2012, 10- 21.050) » 217 ( * ) .

Cette jurisprudence pose deux difficultés majeures , comme l'avait abondamment souligné l'étude d'impact précitée.

La première est qu'elle pourrait impliquer qu'un groupe en bonne santé financière doive soutenir indéfiniment son entreprise française, quel que soit l'ampleur de ses difficultés. Ignorant les principes économiques fondamentaux qui régissent un marché ouvert et globalisé , cette jurisprudence pourrait même aboutir à un effet contre-productif, en retardant l'ajustement du modèle économique des entreprises françaises concernées, et en entraînant in fine un plus grand nombre de licenciements.

La deuxième difficulté est que le juge français applique une jurisprudence plus restrictive que ses homologues de la majorité des autres pays européens . Dans plusieurs pays, le juge judiciaire ne contrôle pas la réalité des difficultés économiques à l'origine d'un licenciement économique. Ainsi, le juge italien n'a pas le pouvoir de contrôler l'opportunité des choix relatifs à l'entreprise, se limitant à vérifier l'existence d'un lien de causalité entre les choix de l'organisation de l'entreprise et les licenciements. De même, en Autriche, l'employeur n'a pas à justifier du motif du licenciement, qu'il soit individuel ou collectif : il doit seulement respecter des règles de procédures. Dans d'autres pays, le pouvoir du juge est encadré par la loi, qui définit précisément les motifs autorisant un employeur à procéder à des licenciements économiques. Ainsi, aux Pays-Bas, le licenciement doit reposer sur « un motif raisonnable » dont la loi donne une liste complète.

Le projet de loi « Travail » prévoyait initialement que l'appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d'assurer la sauvegarde de la compétitivité d'une entreprise devait s'effectuer :

- soit directement au niveau de l'entreprise si celle-ci n'appartient pas à un groupe (et non des établissements qui dépendent le cas échéant de l'entreprise) ;

- soit au niveau du secteur d'activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient.

Toutefois, un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale, retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité en première lecture, avait ôté de la loi « Travail » cette définition du périmètre.

Bien que réintroduite par le Sénat à l'initiative des rapporteurs lors de l'examen du projet de loi « Travail » en commission en première puis en nouvelle lecture, cette notion n'a finalement pas été retenue dans la loi promulguée.

2. La détection des difficultés artificielles ou comptables utilisées pour justifier des licenciements économiques

L'article 67 de la loi « Travail » précitée, en modifiant l'article L. 1233-3 du code du travail, a pour objet de définir des critères pour objectiver et sécuriser juridiquement la notion de difficultés économiques justifiant un licenciement économique en tenant compte de la taille de l'entreprise.

L'article pose comme principe que les difficultés économiques doivent être caractérisées :

- soit par l'évolution significative d' au moins un indicateur économique (tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation) ;

- soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Dans ce cadre, la loi « Travail » a énuméré les situations dans lesquelles une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, appréciée en fonction de la taille de l'entreprise, constituait a priori une évolution significative d'un indicateur économique justifiant un licenciement économique .

Cette baisse doit être au moins d' un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés , d' un semestre pour une entreprise d' au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés , de trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés et d' un an pour une entreprise de trois cents salariés et plus .

Le projet de loi « Travail » initial avait prévu que les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d'emplois ne sauraient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique.

Pour mémoire, dans son avis sur ce texte, le Conseil d'Etat avait considéré que la volonté d'identifier les difficultés artificielles justifiant un licenciement économique se fondait sur « un motif d'intérêt général tenant à la préservation de l'emploi sur le territoire national, sans pour autant porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre dans les conditions reconnues par le Conseil constitutionnel notamment dans sa décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 relative à la loi de modernisation sociale » 218 ( * ) . Le Conseil d'Etat avait profondément remanié la disposition initiale du Gouvernement, afin « de mieux en définir le champ d'application et la portée » 219 ( * ) .

Cette notion de « difficultés artificielles » avait été supprimée de la loi « Travail » par un amendement présenté par le rapporteur en première lecture à l'Assemblée nationale, compte tenu notamment de son caractère peu opérationnel.

Le Gouvernement souhaite toutefois rouvrir la réflexion pour reconnaître et expliciter cette notion de « difficultés artificielles et comptables » par ordonnance.

Certains groupes internationaux peuvent en effet avoir la tentation de réduire volontairement le carnet de commandes d'une entreprise ou d'un établissement français au profit d'autres entités du groupe, afin de justifier par la suite des licenciements économiques. Ce type de comportement semble toutefois extrêmement difficile à détecter et donc à prévenir.

3. Critères d'ordre des licenciements

L'article L. 1233-5 du code du travail oblige l'employeur, lorsqu'il procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de stipulation spécifique d'une convention ou d'un accord collectif de travail, à définir les critères retenus pour fixer l' ordre des licenciements , après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

La loi du 14 juin 2013 220 ( * ) a autorisé l'employeur à privilégier un critère légal à condition toutefois de tenir compte des autres critères légaux .

Ces critères légaux sont la prise en compte des charges des familles des salariés, leur ancienneté, leurs éventuelles difficultés personnelles qui rendraient difficiles leur réinsertion professionnelle (handicap ou âge par exemple), ou encore leurs qualités professionnelles appréciées par catégories.

En cas de licenciement économique pour motif individuel, l'employeur doit prendre en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères légaux applicables en cas de licenciement collectif 221 ( * ) .

En cas de plan de sauvegarde de l'emploi, l'article 288 de la loi « Croissance et activité » de 2015 222 ( * ) a autorisé l'employeur à définir le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements soit par accord avec les partenaires sociaux dans l'entreprise, soit unilatéralement.

Toutefois, dans cette dernière hypothèse, l'employeur ne peut retenir un niveau inférieur à la zone d'emploi 223 ( * ) d'un établissement. Ainsi, si un PSE concerne trois établissements dont deux seulement sont situés dans une même zone d'emploi, l'employeur ne peut fixer unilatéralement les critères d'ordre des licenciements économiques pour ces trois établissements, afin de ne pas porter préjudice aux salariés du troisième établissement en leur imposant des reclassements non souhaités.

Le Gouvernement souhaite préciser les conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d'ordre, en accordant une importance particulière à la définition des catégories professionnelles , qui est une source importante de contentieux.

Par exemple, un PSE peut prévoir cent suppressions de postes, dont vingt concernent la catégorie des cadres. Or, des débats peuvent surgir sur la définition de certaines catégories professionnelles, des salariés considérant ne pas relever d'une catégorie visée par un PSE ou dépendre d'une autre catégorie moins menacée par des licenciements. La loi ne donnant pas de définition de la notion de catégorie professionnelle, la jurisprudence a indiqué qu'elle désigne l'ensemble des salariés qui exercent des fonctions de même nature, supposant une formation professionnelle commune. L'étude d'impact indique que « le moyen de l'irrégularité de la définition des catégories professionnelles est régulièrement soulevé dans le contentieux des décisions d'homologation prises par les Direccte » et aboutit souvent à l'annulation par le juge administratif de PSE sans apporter de réelle protection aux salariés 224 ( * ) .

4. Obligation de reclassement

L'article 290 de la loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 a prévu deux régimes de reclassement des salariés lorsqu'un groupe international envisage de procéder à un licenciement économique, en distinguant les offres d'emploi en France et celles à l'étranger .

Il était en effet apparu que l'obligation générale et absolue pour l'employeur de proposer des postes de reclassement à l'étranger, en cas de projet de licenciement économique concernant une entreprise ou un groupe possédant des sociétés à l'étranger, était une source de lourdeur administrative très importante pour les entreprises, alors que les salariés n'acceptaient que très rarement ces offres de reclassement, considérant souvent que les très faibles rémunérations proposées étaient rédhibitoires.

D'une part, l'article L. 1233-4 du code du travail dispose qu'un licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises. Surtout, le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

D'autre part, l'article L. 1233-4-1 du code du travail prévoit des règles plus souples pour l'employeur si l'entreprise comporte des établissements à l'étranger . En effet, dans cette hypothèse le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements : l'employeur n'est donc pas tenu de prendre l'initiative de proposer systématiquement des postes de reclassement à l'étranger. Dans sa demande, le salarié doit préciser les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. Ces offres d'emploi doivent être également écrites et précises.

Un décret du 10 décembre 2015 225 ( * ) a prévu notamment que :

- l'employeur doit informer individuellement le salarié, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine, de la possibilité de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national ;

- le salarié doit faire connaître son intention de recevoir de telles offres dans un délai de sept jours ouvrables ;

- les offres d'emploi à l'international doivent notamment indiquer la nature du contrat de travail et la langue utilisée dans l'entreprise concernée ;

- la question des offres de reclassement à l'international peut être abordée sous conditions, en cas de plan de sauvegarde de l'emploi , par accord collectif ou par décision unilatérale de l'employeur.

Le Gouvernement ne semble pas satisfait des règles concernant le reclassement des salariés à l'étranger, car l'étude d'impact indique que « le maintien d'une procédure très précise sur le reclassement à l'international, prévue par l'article L. 1233-4-1 du code du travail et déclinée par décret, peut continuer à insécuriser les licenciements économiques sans protéger les salariés », et demeurerait « une obligation formelle non sécurisante pour les salariés concernés, et source de contentieux » 226 ( * ) .

5. Modification du seuil de déclenchement du plan de sauvegarde de l'emploi

La directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs autorise ceux-ci, dans son article 1 er , à adopter deux modes de calcul alternatifs pour définir le seuil de déclenchement d'un licenciement collectif.

Le premier mode de calcul désigne les licenciements effectués, pendant une période de trente jours :

- au moins égal à dix dans les établissements employant habituellement plus de vingt et moins de cent travailleurs,

- au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins cent et moins de trois cents travailleurs,

- au moins égal à trente dans les établissements employant habituellement au moins trois cents travailleurs.

Selon le second mode de calcul , un licenciement collectif est constitué lorsqu'au moins vingt licenciements sont prononcés pendant une période de quatre-vingt-dix jours , quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans l'établissement.

Le code du travail prévoit qu'une entreprise employant plus de cinquante salariés et procédant à plus de dix licenciements économiques sur une période de trente jours doit mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi.

Afin d'éviter des contournements de cette règle protectrice des droits des salariés (technique dite du « saucissonnage » des licenciements), le législateur a prévu que les entreprises employant plus de cinquante salariés qui ont procédé pendant trois mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de dix salariés au total, sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, doivent mettre en place un PSE si elles envisagent de nouveaux licenciements économiques au cours des trois mois suivants 227 ( * ) .

Le Gouvernement semble envisager de retenir le second mode de calcul proposé par la directive du 20 juillet 1998 .

6. La facilitation de la reprise des entités économiques autonomes

L'article L. 1224-1 du code du travail, reprenant des dispositions instaurées en 1928 dans notre droit, prévoit qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur (comme une succession, une vente, une fusion, une transformation du fonds ou encore la mise en société de l'entreprise), tous les contrats de travail en cours lors de la modification sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

L'objectif de ces dispositions est d'assurer la continuité des contrats de travail, la sécurité juridique et la préservation de l'emploi en cas de transfert d'une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre.

Par conséquent, le transfert partiel ou total d'une entreprise ou d'un établissement ne peut justifier par lui-même des procédures de licenciement pour motif économique mises en oeuvre par le cédant ou le cessionnaire, comme le rappelle d'ailleurs une directive européenne du 12 mars 2001 228 ( * ) .

Le juge français a parfois annulé des licenciements économiques prononcés par le cédant peu de temps avant le transfert d'une entité économique autonome qui poursuivait un objectif propre, en considérant que ces licenciements avaient été motivés par le futur transfert.

Suite à cette jurisprudence, certaines entreprises cédantes ont décidé d'interrompre la mise en oeuvre d'un PSE après la manifestation d'intérêt d'un repreneur, en considérant qu'il revenait à ce dernier, après la vente du site, de procéder le cas échéant aux licenciements économiques nécessaires.

Ainsi, paradoxalement , le principe de la continuité des contrats de travail en cas de transfert de l'entreprise, conçu historiquement comme un moyen de protéger les droits des salariés et l'emploi, pouvait aboutir dans certaines situations à bloquer certains transferts d'entreprises en décourageant les repreneurs potentiels , peu désireux de mettre en oeuvre dès l'acquisition d'une entreprise un plan de sauvegarde de l'emploi.

C'est pourquoi l'article 94 de la loi « Travail » a clarifié l'articulation entre l'engagement d'un plan de sauvegarde de l'emploi et un transfert ultérieur des contrats de travail en cas de reprise partielle ou totale d'un site par un repreneur , en ne ciblant toutefois que les entreprises cédantes employant plus de mille salariés , ainsi que les entités appartenant à un groupe dépassant ce seuil.

En effet, l'article L. 1233-61 du code du travail, qui définit le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), prévoit que tous les contrats de travail en cours au jour de la modification de la situation juridique des entreprises cédantes précitées sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise, dans la limite du nombre d'emplois qui n'ont pas été supprimés, par suite des licenciements, à la date d'effet de ce transfert.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique toutefois que cette précision juridique apportée par la loi « Travail » n'est pas satisfaisante, dans la mesure où elle ne concerne que les entreprises employant plus de mille salariés 229 ( * ) .

E. Modernisation des règles de recours à certaines formes particulières de travail

Le Gouvernement souhaite favoriser le développement de certaines formes particulières de travail comme le télétravail, le recours aux CDD, aux contrats de travail intérimaire et au contrat de chantier, le travail de nuit, ou encore le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif.

1. Le développement du télétravail et du travail à distance

La définition et le recours au télétravail ont été fixés par un accord cadre européen du 16 juillet 2002 et transposés par l'ANI du 19 juillet 2005 230 ( * ) .

Introduit dans le code du travail par l'article 46 de la loi du 22 mars 2012 231 ( * ) , l'article L. 1222-9 du code du travail définit le télétravail comme une « forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant ». Un salarié peut effectuer du télétravail soit dès son embauche, soit ultérieurement. Le refus d'accepter un poste de télétravailleur ne peut constituer un motif de rupture du contrat de travail. Le contrat de travail, ou son avenant, doit préciser les conditions de passage et de fin du télétravail. A défaut d'accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant doit préciser les modalités de contrôle du temps de travail.

Par ailleurs, l'article 57 de la loi « Travail » précitée a obligé les partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel à engager une concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance avant le 1 er octobre 2016.

Cette concertation devait faire apparaître notamment la liste des métiers potentiellement éligibles au télétravail et la répartition des postes en télétravail entre les femmes et les hommes. Elle devait accorder une attention particulière aux salariés en forfait en jours, à l'articulation de la vie personnelle et de la vie professionnelle et aux règles de fractionnement des repos des télétravailleurs. A l'issue de la concertation, un guide des bonnes pratiques devait être élaboré et servir de document de référence lors de la négociation d'une convention ou d'un accord d'entreprise.

Ce même article 57 de la loi « Travail » prévoyait la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, avant le 1 er décembre 2016, l'adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l'utilisation des outils numériques. Ce rapport n'a toujours pas été transmis au Parlement.

A la suite de la concertation menée entre janvier et mai 2017, les partenaires sociaux ont rendu public le 7 juin 2017 un rapport en tirant les conclusions. Ils ont ensuite envoyé à la ministre du travail une lettre d'intention commune , dans laquelle ils ont identifié sept thèmes de réflexion : la clarification des règles juridiques applicables au télétravail ; l'articulation entre le télétravail régulier, occasionnel et informel ; l'organisation du temps de travail ; le droit à la déconnexion ; la protection des données personnelles ; la mobilité, la multiplication des lieux de travail et l'essor prévisible des tiers-lieux ; l'impact de ces nouvelles formes de travail sur l'encadrement de proximité et la nécessité de relations basées sur la confiance.

Il semblerait que la quasi-totalité des organisations syndicales souhaite que la concertation débouche sur une négociation de niveau interprofessionnel, malgré des divergences dans les échéances proposées. D'autres organisations souhaitent néanmoins que le Gouvernement aborde directement dans l'ordonnance certains des enjeux identifiés dans le rapport du 7 juin dernier.

C'est pourquoi le a) du 3° du présent article autorise le Gouvernement à favoriser par ordonnance le recours au télétravail et au travail à distance.

2. La possibilité d'adapter par accord de branche les règles des contrats à durée déterminée (CDD) et des contrats de travail temporaire (CTT)

a) Motifs de recours

En application de l'article L. 1242-1 du code du travail, un CDD , quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. La même règle s'applique au CTT , en application de l'article L. 1251-5 du même code.

C'est pourquoi il revient à la loi de fixer limitativement les situations autorisant le recours au CDD (art. L. 1242-2 et L. 1242-3 ), qui ont très largement inspiré celles applicables au CTT (art. L. 1251-6 et L. 1251-7 ) 232 ( * ) .

Cas de recours légaux au CDD

Nature du recours

Précisions apportées par la loi

Remplacement d'un salarié

Absence.

Passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant au contrat de travail ou par échange écrit entre le salarié et son employeur.

Suspension du contrat de travail.

Départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent.

Attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer.

Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise

n.c

Emplois à caractère saisonnier

CDD saisonnier : les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

Emplois d'usage

CDD d'usage : emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale,

d'une personne exerçant
une profession libérale

n.c

Remplacement du chef d'une exploitation agricole

n.c

Recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d'un objet défini

Un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d'entreprise doit l'autoriser et définir :

a) les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ;

b) des garanties pour les bénéficiaires de ces contrats relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauche et à l'accès à la formation professionnelle continue et les moyens d'organiser la suite de leur parcours professionnel ;

c) la priorité d'accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise.

Promotion du recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi

Art. L. 1242-3 du code du travail

Engagement de l'employeur, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié

idem

Source : Commission des affaires sociales

Il est interdit de conclure un CDD 233 ( * ) ou un CTT 234 ( * ) dans les cas suivants :

- lorsque l'entreprise a procédé pendant les six derniers mois à un licenciement pour motif économique et qu'elle est confrontée à un accroissement temporaire de l'activité, sauf exceptions prévues par la loi ;

- pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un conflit collectif de travail ;

- pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux, sauf autorisation administrative exceptionnelle.

b) Durée maximale des CDD et CTT et renouvellement

L'article 55 de la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 235 ( * ) a autorisé deux renouvellements d'un CDD (à l'exception du CDD à objet défini, pour lequel aucune durée n'est prévue lors de sa conclusion) 236 ( * ) ou d'un CTT 237 ( * ) , à condition que la durée totale du contrat, en y intégrant le cas échéant le ou les renouvellements, ne dépasse pas dix-huit mois . Ainsi, depuis le vote de la loi, un salarié peut conclure trois CDD ou CTT de suite, et non plus deux, pour le même poste, pendant un an et demi .

Il convient toutefois de rappeler que deux exceptions existent à cette règle.

Tout d'abord, la durée maximale d'un CDD ou d'un CTT est réduite à neuf mois lorsque le contrat est conclu dans l'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté en CDI ou lorsque son objet consiste en la réalisation des travaux urgents de sécurité.

Inversement, cette durée est portée à vingt-quatre mois si le contrat est exécuté à l'étranger ou s'il est conclu dans le cadre du départ définitif d'un salarié précédant la suppression de son poste de travail, ou encore en cas de commande exceptionnelle à l'exportation.

Le régime du CTT n'est pas complétement aligné sur celui du CDD. Ainsi, en cas de commande exceptionnelle à l'exportation, l'employeur qui souhaite recruter des salariés en CDD doit préalablement consulter le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel, alors que cette obligation n'existe pas s'il envisage de les embaucher en CTT. En outre, un CTT peut durer trente-six mois pour embaucher un apprenti, alors qu'aucun CDD ne peut être conclu pour cette durée.

c) Succession de contrats atypiques avec le même salarié

L'article L. 1244-1 du code du travail autorise un employeur à conclure plusieurs CDD avec un même salarié , sans encourir le risque d'une requalification du contrat en CDI par le juge, si le contrat est conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu , pour occuper un emploi saisonnier ou un emploi pour lequel le CDD est d' usage , ou encore pour remplacer un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale ou un chef d'exploitation agricole .

Ces dispositions n'ont pas été transposées pour les salariés embauchés en CTT.

L'article 86 de la loi « Travail » précitée a traduit la volonté du législateur de mieux protéger les salariés qui multiplient chez un même employeur les CDD saisonniers . Ainsi, l'article L. 1244-2-2 du code du travail, introduit par une ordonnance du 27 avril 2017 238 ( * ) prise sur le fondement d'une habilitation conférée au Gouvernement par cet article, dispose que tout salarié embauché sous contrat de travail à caractère saisonnier dans la même entreprise bénéficie d'un droit à la reconduction de son contrat dès lors qu'il a effectué au moins deux saisons identiques dans cette entreprise pendant deux années consécutives et que l'employeur dispose d'un emploi saisonnier vacant et compatible avec la qualification du salarié.

Ces dispositions n'ont pas été déclinées au profit des salariés embauchés en CTT et qui effectuent des travaux saisonniers.

d) Succession de contrats atypiques sur un même poste

L'article L. 1244-3 du code du travail fixe la durée du délai de carence entre les conclusions des CDD pour un même poste, afin justement que ce type de contrat précaire ne devienne pas la norme sur le marché du travail.

A l'expiration d'un CDD, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements.

Ce délai de carence, exprimé en jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement concerné, est égal :

- soit au tiers de la durée du contrat expiré si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est de quatorze jours ou plus ;

- soit à la moitié de la durée du contrat expiré si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours .

L'article L. 1244-4 énumère sept dérogations au délai de carence comme une nouvelle absence du salarié remplacé ou l' exécution de travaux de sécurité urgents .

Les règles applicables au délai de carence entre deux CTT (art. L. 1251-36 du code du travail) s'inspirent de celles applicables au CDD, tout comme les dérogations à ce délai (art. L. 1251-37 du même code 239 ( * ) ).

3. La promotion du contrat de chantier

Le contrat de chantier, fréquent dans le secteur du BTP, est défini succinctement à l'article L. 1236-8 du code du travail, et indirectement à travers les règles du licenciement qui lui sont applicables.

En effet, lorsque la fin d'un chantier « revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l'exercice régulier de la profession », le licenciement d'un salarié n'est pas soumis aux règles du licenciement pour motif économique mais à celles d'un licenciement pour motif personnel , sauf si une convention ou un accord collectif de travail en dispose autrement.

Par conséquent, la fin du contrat ne donne pas lieu au versement d'une indemnité de précarité , contrairement à la fin d'un CDD.

L'étude d'impact rappelle que ni le législateur, ni le juge n'ont défini un faisceau d'indices permettant de caractériser une « pratique habituelle » 240 ( * ) .

Le Gouvernement pourrait préciser par ordonnance qu'un tel contrat s'applique à « toute opération dont l'objet est précisément défini, le début et la fin clairement identifiés mais dont la durée et le terme sont incertains », tout en réservant le recours à ce contrat de travail aux branches ayant conclu un accord spécifique.

4. La sécurisation des accords autorisant le travail de nuit

Le travail de nuit désigne les activités réalisées par des salariés pendant une période d' au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et cinq heures . La période de travail de nuit commence au plus tôt à vingt-et-une heures et s'achève au plus tard à sept heures 241 ( * ) .

Ces règles connaissent deux exceptions. D'une part, pour les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d'exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque, la période de travail de nuit est d'au moins sept heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et cinq heures 242 ( * ) . D'autre part, dans les établissements de vente au détail de biens et de services situés dans les zones touristiques internationales (ZTI), la période de travail de nuit, quand elle débute après vingt-deux heures, est d'au moins sept heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et sept heures 243 ( * ) .

Un salarié est considéré comme travailleur de nuit 244 ( * ) si l'une des trois hypothèses suivantes est remplie :

- il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ;

- il effectue au moins deux cent soixante-dix heures de travail de nuit sur une période de référence de douze mois consécutifs ;

- il dépasse le contingent d'heures de travail de nuit prévu dans la convention ou l'accord collectif de travail étendu applicable.

L'article L. 3122-1 du code du travail, tel que modifié par l'article 8 de la loi « Travail » précitée, pose comme principe d'ordre public que le travail de nuit est exceptionnel . Son recours doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et il doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale .

La Cour de cassation, face à l'absence de définition légale ou réglementaire de la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, a adopté une interprétation restrictive du recours au travail de nuit. Ainsi, dans un jugement du 2 septembre 2014, qui concernait un supermarché parisien Carrefour City ouvert tous les jours en 2010 de 7h00 à 23h00 et le dimanche à partir de 9h00, la Cour a estimé que « l'exercice de cette activité dans les limites des horaires de jour, compris entre 6 h et 21 h, est de nature à répondre suffisamment aux exigences de la clientèle, sans qu'il ne soit autrement justifié, en dehors du confort de la clientèle ou des impératifs de politique commerciale, qu'il soit nécessaire de recourir au travail de nuit » 245 ( * ) . En outre, dans un jugement du 24 septembre 2014 concernant l'enseigne Sephora, la chambre sociale a posé comme principe que « le travail de nuit ne peut pas être le mode d'organisation normal du travail au sein d'une entreprise et ne doit être mis en oeuvre que lorsqu'il est indispensable à son fonctionnement » 246 ( * ) .

Cette jurisprudence restrictive de la Cour de cassation sur le recours au travail de nuit n'est pas suivie par certaines cours d'appel, ce qui crée une rupture d'égalité entre employeurs et salariés sur le territoire.

Par conséquent, le Gouvernement envisage de créer une forme de présomption de légalité du recours au travail de nuit dès lors que l'entreprise peut s'appuyer sur un accord collectif autorisant cet aménagement du temps de travail.

Il envisage également de permettre une adaptation limitée de la période de travail de nuit de nature à garantir un travail effectif et continu des salariés jusqu'au commencement et dès la fin de cette période. Ainsi, comme l'indique l'étude d'impact, l'ordonnance « pourrait permettre aux entreprises n'ayant pas d'accord sur le travail de nuit ou de soirée » de « faire travailler les salariés jusqu'à 21h00 et à partir de 6h00 » en ajustant les marges de la plage légale de travail de nuit 247 ( * ) .

Pour mémoire, l'article L. 3122-15 du code du travail renvoie déjà à un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, à une convention ou un accord collectif de branche, le soin de justifier le recours au travail de nuit, d'adapter le cas échéant la période de travail de nuit , et d'accorder des contreparties aux salariés concernés.

5. La facilitation du prêt de main d'oeuvre entre une grande entreprise et une start-up

L'article L. 8241-1 du code du travail pose comme principe que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite . L'infraction à ce principe constitue une infraction de travail illégal . Seules les entreprises de travail temporaire sont habilitées, dans les conditions prévues par la loi, à mettre temporairement à disposition d'autres entreprises des salariés.

C'est le caractère lucratif du prêt de main d'oeuvre qui est interdit par le code du travail : les opérations à but non lucratif sont expressément autorisées par l'article L. 8241-1 du même code.

Une opération de prêt de main-d'oeuvre entre deux entreprises ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés au salarié mis à disposition.

Outre l'accord expresse du salarié, le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif nécessite la conclusion d'une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée, la qualification du bénéficiaire, ainsi que le mode de calcul du salaire, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice. Les deux entreprises peuvent également fixer une période probatoire pour le salarié mis à disposition.

Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

L'employeur de l'entreprise prêteuse doit signer avec le salarié concerné un avenant à son contrat de travail, précisant les missions confiées dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en oeuvre d'un prêt de main-d'oeuvre et informés des différentes conventions signées. De même, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l'entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition présente des risques particuliers pour la santé ou la sécurité.

L' entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail du salarié mis à sa disposition. Elle doit respecter à son égard les mêmes règles que s'il s'agissait d'un salarié intérimaire . En particulier, elle doit fournir au salarié mis à disposition les équipements de protection individuelle nécessaires à son poste. Celui-ci a également accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l'entreprise utilisatrice.

Pendant la période de prêt de main-d'oeuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l'entreprise prêteuse n'est ni rompu ni suspendu . Le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse et il conserve en conséquence le bénéfice de l'ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s'il avait exécuté son travail dans l'entreprise prêteuse. La mise à disposition ne remet pas en cause la protection dont jouit un salarié en vertu d'un mandat représentatif.

A l'issue de sa mise à disposition, le salarié doit retrouver son poste de travail ou un poste équivalent dans son entreprise sans que l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

Selon le Gouvernement, ces dispositions constituent un obstacle à la pratique du prêt de main d'oeuvre des entre grands groupes et des start-up . En effet, une jeune entreprise innovante qui accueille un salarié mis à disposition par un grand groupe pour l'accompagner dans son développement n'a pas toujours les ressources nécessaires pour rembourser intégralement son coût au groupe prêteur. En outre, les règles fiscales freineraient également le développement des prêts de main d'oeuvre à but non lucratif, sans que l'étude d'impact ne précise toutefois ce grief 248 ( * ) .

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, au e) du 3° du présent article 3, souhaite favoriser et sécuriser par ordonnance le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise innovante en adaptant les dispositions concernées en droit du travail et en droit fiscal.

F. La promotion de la concilitation devant le juge prud'homal

Comme l'avait souligné le rapport Lacabarats de 2014 249 ( * ) , la justice prud'homale est actuellement confrontée à de graves dysfonctionnements :

- le délai moyen de jugement est extrêmement long (15,6 mois en moyenne en 2013), avec des délais qui peuvent dépasser cinq ans dans certains conseils de prud'hommes ;

- près des deux tiers (64,5 %) des jugements prononcés par les conseils de prud'hommes sont frappés d'appel (contre 5,9 % des jugements des tribunaux d'instance) ;

- plus des deux tiers des jugements prud'homaux frappés d'appel sont invalidés soit partiellement (50,5 %) soit totalement (21,2 %) par les cours d'appel.

Les dernières réformes prud'homales ont visé notamment à renforcer l'efficacité de la phase de la conciliation obligatoire avant la phase de jugement 250 ( * ) .

Le taux de conciliation, c'est-à-dire d'affaires enregistrées au greffe du conseil de prud'hommes qui débouchent sur un accord entre les parties sans passer en jugement, était de 4 % avant l'instauration du barème indicatif prévu par la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 (cf. supra ), et ne semble pas avoir connu une progression significative depuis cette date.

Le bureau de conciliation et d'orientation (BCO), qui se compose d'un conseiller prud'homme employeur et d'un conseiller prud'homme salarié 251 ( * ) , est appelé à jouer un rôle central depuis la réforme de 2015 252 ( * ) .

Il peut entendre chacune des parties séparément et dans la confidentialité 253 ( * ) . Il assure la mise en état des affaires. Si l'affaire n'est pas en état d'être jugée devant le bureau de jugement, il peut assurer sa mise en état ou désigner un ou deux conseillers rapporteurs à cette fin. Le BCO peut fixer la clôture de l'instruction par ordonnance, dont une copie est remise aux parties ou à leur conseil.

Surtout, afin de renforcer la phase de conciliation, quand une partie ne comparaît pas, physiquement ou par l'entremise de son avocat, et qu'elle ne produit pas de justification légitime, le BCO peut juger directement l'affaire , en l'état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués 254 ( * ) .

En cas d'échec de la conciliation, le BCO peut décider, par simple mesure d'administration judiciaire non attaquable par un requérant, de renvoyer l'affaire devant la formation de jugement de droit commun ou, si les parties le demandent ou que la nature du litige le justifie, devant le bureau de jugement présidé par un juge départiteur, qui est un magistrat professionnel désigné par le président du tribunal de grande instance (TGI) 255 ( * ) .

L'étude d'impact indique que le Gouvernement envisage de renforcer l'obligation d'une présence physique pendant l'audience de conciliation, afin d'accroître les chances de trouver une solution conjointe 256 ( * ) . Le Gouvernement cherche également à limiter le recours au juge départiteur, qui entraîne très souvent un allongement substantiel des délais de jugement.

Par ailleurs, un référé de la Cour des comptes 257 ( * ) a récemment mis en exergue un défaut de lisibilité dans le régime fiscal et social applicable aux indemnités de rupture de contrat de travail, ainsi qu'un biais en faveur de la résolution des conflits par la voie contentieuse au détriment du cadre non-contentieux. De fait, les dommages et intérêts sont exonérés d'impôts en cas de jugement, ce qui n'est pas le cas des indemnités versées dans le cadre de la conciliation.

Régime fiscal et social des indemnités du contrat (législation 2015)

Impôt sur le revenu

Cotisations sociales

CSG (7,5 %)
CRDS (0,5 %)

Forfait social (20 %)

INDEMNITÉS DE LICENCIEMENT

Indemnité
de licenciement (légale ou conventionnelle)

PSE (plan de sauvegarde de l'emploi)

Exonération totale

Exonération dans la limite
de 2 PASS*

Exonération dans la limite
de 2 PASS*

Non assujettie

Hors PSE

Exonération dans la limite du montant
le plus élevé entre :

- 50 % de l'indemnité dans la limite de 6 PASS*

- 2 fois la rémunération annuelle brute perçue dans l'année civile précédent le licenciement dans la limite de 6 PASS*

Indemnité transactionnelle
(à ajouter
à l'indemnité
de licenciement pour apprécier
les seuils d'exonération)

PSE

Exonération totale

Assujetissement au-delà
de l'indemnité de licenciement

Hors PSE

Exonération dans la limite du montant le plus élevé entre :

- 50 % de l'indemnité dans la limite de 6 PASS*

- 2 fois la rémunération annuelle brute perçue dans l'année civile précédent le licenciement dans la limite de 6 PASS*

Exonération pour la fraction d'indemnité exonérée d'IRPP dans la limite de 2 PASS*

Assujetissement total lorsque l'indemnité versée dépasse 10 PASS**

INDEMNITÉS DE RUPTURE CONVENTIONNELLE

Salariés pouvant faire valoir leurs droits à la retraite

Assujetissement total

Assujetissement de 1 € à 2 PASS

Salariés ne pouvant pas faire valoir leurs droits à la retraite

Même régime que les indemnités de licenciement

INDEMNITÉS DE DÉPART VOLONTAIRE

PSE

Même régime que les indemnités de licenciement

Hors PSE (et GPEC de 2007 à 2011)

Assujetissement total

* PASS : plafond annuel de la sécurité sociale - 2 PASS = 76 086 € - 10 PASS = 380 400 € (2015)
** Disposition supprimée « par erreur » en LFSS 2016, qui sera ultérieurement rétablie (selon la réponse de la direction du Budget à la Cour)

Source : DG Trésor, Cour des comptes

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite être habilité au du présent article 3, à faciliter et simplifier par ordonnance la procédure de conciliation devant la juridiction prud'homale et modifier le régime fiscal et social des sommes dues par l'employeur et versées au salarié à l'occasion de la rupture de contrat de travail.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté en commission sur cet article.

En revanche, douze amendements ont été adoptés en séance publique, dont un grand nombre n'apportaient que des améliorations rédactionnelles ou des précisions juridiques.

Un amendement du rapporteur a précisé qu'il revenait à l' autorité administrative compétente , et non aux entreprises, d'améliorer l' accès au droit du travail sur des portails internet dédiés.

Présenté par notre collègue député Patrick Mignola et plusieurs membres du groupe Modem, un amendement a prévu que les actes de harcèlement et de discrimination seront exclus du champ d'application du référentiel obligatoire pour fixer le montant des dommages et intérêts versés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, supprimant ainsi la notion de « faute de l'employeur d'une particulière gravité » jugée trop floue.

Un amendement du Gouvernement a également été adopté pour lui permettre de préciser par ordonnance les modalités du suivi médical exercé par l' Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ainsi que les conditions de recrutement et les missions de son personnel médical. L'exposé de l'amendement indique que le Gouvernement souhaite remplacer la notion de « contrôle médical » par celle, plus neutre, de « visite médicale », qui correspondrait mieux à la réalité de l'activité de l'Office. En outre, il envisage de prolonger l'activité de ses médecins qui atteignent l'âge de la retraite, compte tenu de la forte augmentation du nombre de migrants, de la pénurie médicale en France et des nouvelles missions qui leur ont été confiées par la loi du 7 mars 2016 258 ( * ) (avis médical préalable à la délivrance par le préfet d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade).

Un amendement de notre collègue député Gérard Cherpion et plusieurs membres du groupe Les Républicains a précisé que l'ordonnance devait définir le périmètre géographique et le secteur d'activité dans lesquels la cause économique justifiant un licenciement économique devra être appréciée.

A l'initiative de notre collègue député Richard Ferrand et de plusieurs membres du groupe La République en marche, un amendement a été adopté pour préciser que le recours au télétravail et au travail à distance devait assurer une meilleure conciliation des temps de la vie professionnelle, de la vie personnelle et de la vie familiale et mieux prendre en compte le travail nomade.

Sur proposition de notre collègue député Pierre Dharréville et plusieurs membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un amendement a été adopté pour obliger le Gouvernement à fixer par ordonnance un cadre légal dans lequel les accords ou conventions de branche pourront fixer les règles relatives aux CDD et CTT (recours, durée, renouvellement et succession).

Un autre amendement des mêmes auteurs a empêché que les dispositions sur le travail de nuit prévues par ordonnance s'appliquent individuellement aux salariés, en exigeant une organisation collective de travail autorisant une ou plusieurs catégories de salariés à recourir à cette forme de travail.

Un amendement du Gouvernement a précisé que la finalité du recours à la conciliation devant la juridiction prud'homale devait être la conclusion de ruptures conventionnelles , de transactions ou d' accords devant le bureau de conciliation et d'orientation (BCO). L'amendement vise également les autres modes de résolution des différends applicables aux gens de mer. En effet, l'article L. 5542-48 du code des transports prévoit que tout différend qui peut s'élever à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Sauf si le litige concerne un capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat. Lors de la conciliation, si le litige porte sur la rupture du contrat, l'employeur et le marin peuvent convenir, ou l'autorité compétente de l'Etat proposer, d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au marin d'une indemnité forfaitaire, dans les conditions et selon le barème de droit commun applicable en phase de conciliation.

Un autre amendement du Gouvernement vise à prolonger par ordonnance le mandat des conseillers prud'hommes actuels , qui doit cesser le 1 er janvier 2018, jusqu'au 31 mars 2018 , pour leur permettre de rendre les décisions relatives aux affaires débattues devant eux et pour lesquelles ils ont délibéré durant leur mandat. En effet, une décision de justice devant être rendue par une juridiction de jugement composée d'au moins l'un des juges qui a siégé à l'audience et a participé au délibéré et dans le souci d'éviter un allongement des délais de jugement, il est préférable selon le ministère du travail d'instaurer une période transitoire de trois mois pour permettre aux conseillers sortants de rendre les décisions auxquelles ils ont été associés. L'amendement précise que ces conseillers sortant ne pourront pas exercer d'autres missions juridictionnelles pendant cette période transitoire.

Enfin, le dernier amendement proposé par le Gouvernement à cet article vise à supprimer par anticipation l'incompatibilité prévue entre le mandat de conseiller prud'homme et celui d'assesseur du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et d'assesseur du tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) . Ces juridictions sociales devant être intégrées au tribunal de grande instance au plus tard à compter du 1 er janvier 2019, la fonction d'assesseur ne sera plus incompatible avec celle de conseiller prud'homme en application de l'article L. 218-4 du code de l'organisation judiciaire, tel que modifié par l'article 12 de la loi du 18 novembre 2016 259 ( * ) . Mais d'ici là, il existe selon le Gouvernement un risque sérieux de démission des assesseurs des juridictions sociales qui souhaiteraient se voir désigner conseillers prud'hommes à l'automne prochain.

III - La position de la commission

Votre rapporteur soutient la volonté de simplifier et sécuriser juridiquement les dispositions relatives au licenciement, afin de rétablir la confiance des employeurs et des investisseurs internationaux, sans remettre en cause les droits essentiels des salariés.

Sur proposition de votre rapporteur , la commission a adopté l'amendement COM-20 afin de donner la possibilité à un employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation qui sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement . L'article L. 1235-2 du code du travail prévoit déjà que les erreurs de procédure de licenciement sont moins sévèrement sanctionnées que les erreurs de fond. Pour autant, comme l'indiquent l'étude d'impact annexée au projet de loi et plusieurs organisations patronales, de nombreux salariés saisissent les conseils de prud'hommes quand ils estiment que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, même si l'employeur avait un motif réel et sérieux de les licencier. Cet amendement, qui précise les intentions du Gouvernement, contribuerait à diminuer les contentieux, qui pénalisent à la fois les employeurs et les salariés. Pour mémoire, le code du travail a déjà prévu une forme de droit à l'erreur pour l'administration. En effet, en cas d'annulation de la décision administrative de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) liée à un défaut de motivation, les dispositions relatives à la réintégration du salarié et à son indemnisation ne s'appliquent pas si l'administration prend une nouvelle décision correctement motivée dans un délai de quinze jours 260 ( * ) .

A l'initiative de votre rapporteur, elle a également adopté l' amendement COM-21 visant à diminuer au moins de moitié le délai de contestation portant sur la régularité ou la validité d'un licenciement pour motif économique , qui est actuellement fixé à un an par l'article L. 1235-7 du code du travail. Pour mémoire, lors de l'examen de la loi « Travail » précitée, votre commission avait déjà réduit à six mois ce délai. L'amendement ne modifie pas en revanche le délai de recours contentieux de deux mois applicable aux décisions de l'administration qui valide ou homologue un PSE. Par ailleurs, une note de législation comparée du Sénat rappelle que le délai de contestation d'un licenciement est de trois semaines en Allemagne ( annexe 3 ).

La commission a par ailleurs adopté l'amendement COM-22 de votre rapporteur afin d'obliger l'ordonnance à distinguer les obligations de l'employeur en matière de reclassement selon que l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle ou non . Les auditions réalisées par votre rapporteur ont montré que de nombreux employeurs à la tête de petites entreprises doivent parfois octroyer des indemnités très importantes à un salarié déclaré inapte alors même que cette inaptitude n'est pas d'origine professionnelle et n'est pas imputable à l'activité de l'entreprise. Ces indemnités, qui sont parfois un frein important au développement des petites entreprises, devraient être mutualisées en tout ou partie et supportées par la collectivité publique, par exemple la branche AT-MP. L'objectif de cet amendement est donc d'ouvrir ce débat à travers la question du reclassement des salariés inaptes.

Soucieuse d'identifier les cavaliers législatifs dans le texte, la commission a en outre adopté l' amendement COM-23 du rapporteur , qui supprime les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement visant à modifier les règles de fonctionnement de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) . Selon votre rapporteur, cette disposition ne présente pas de lien, même indirect, avec l'objet du présent projet de loi. Une disposition similaire avait déjà été censurée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 par le Conseil constitutionnel 261 ( * ) , qui avait considéré qu'elle ne relevait pas du champ d'une loi de financement. Votre rapporteur veille en effet à ce que les projets de loi ne contiennent que des dispositions présentant un lien avec leurs objets, cette obligation devant s'appliquer aux parlementaires mais aussi au Gouvernement.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-24 obligeant le Gouvernement à retenir par ordonnance un périmètre national pour apprécier la cause d'un licenciement économique . L'ordonnance pourra, le cas échéant, définir les aménagements éventuels à la règle selon laquelle les difficultés économiques et la sauvegarde de la compétitivité d'une entreprise appartenant à un groupe sont appréciées au niveau des entreprises appartenant au même groupe, situées en France et relevant du même secteur d'activité. Cet amendement vise ainsi à combler le vide juridique actuel, à faire évoluer la jurisprudence du juge judiciaire et à mettre un terme à une situation dans laquelle la France se distingue de ses principaux voisins européens. Au final, cet amendement offre une solution équilibrée entre les tenants d'un périmètre uniquement centré sur l'entreprise en difficulté, et les promoteurs d'un périmètre européen voire mondial.

S'agissant de l'habilitation relative au télétravail et au travail à distance, la commission a adopté un l' amendement rédactionnel COM-25 de votre rapporteur. Il reprend en effet la formulation retenue pour les congés d'articulation entre la vie professionnelle et la vie la vie personnelle et familiale mentionnés aux articles L. 3142-1 et suivants du code du travail. Il supprime par ailleurs la notion de « travail nomade », dépourvue de définition légale, et qui est couverte par celle de « travail à distance » déjà présente dans le projet de loi.

A l'invitation de votre rapporteur, un amendement COM-27 a été adopté pour obliger les partenaires sociaux de la branche, qui fixeront les règles d'utilisation du CDI de chantier , à respecter le cadre fixé par la loi . Il doit en effet revenir au législateur de définir l'ordre public et les dispositions supplétives en l'absence d'accord. Cet amendement est donc cohérent avec la philosophie du rapport Combrexelle de 2015, et avec l'encadrement législatif prévu pour les règles relatives aux CDD et aux contrats d'intérim.

Enfin, la commission a adopté deux amendements rédactionnels COM-88 et COM-89 , modifiant respectivement les dispositions sur l'allongement des mandats des conseillers prud'hommes et sur le régime d'incompatibilité de ces mandats avec ceux d'assesseur du TASS et du TCI.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 - Développement de la négociation collective et sécurisation des accords de branche

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à apporter plusieurs modifications d'ordre essentiellement technique aux règles relatives à l'extension et à l'élargissement des accords collectifs et à tirer les conséquences des évolutions récentes de la représentativité syndicale et patronale, notamment sur le fonctionnement du fonds pour le financement du dialogue social.

I - Le dispositif proposé

S'inscrivant dans l'objectif global du projet de loi de développer la négociation collective , le présent article 4 traite tout d'abord de la situation des branches en cherchant à apporter des éléments de sécurisation juridique aux procédures d'extension 262 ( * ) et d'élargissement 263 ( * ) des accords de branche. Il permet ensuite au Gouvernement de redéfinir les secteurs d'activité relevant du champ multi-professionnel et de procéder à l'adaptation des règles de fonctionnement du fonds pour le financement du dialogue social , sans modifier ni ses principes ni ses missions. Les ordonnances prises sur le fondement de cet article doivent être publiées dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

a) La sécurisation juridique de l'extension des accords de branche

Le de l'article vise à « améliorer » et « sécuriser juridiquement » l'extension des accords collectifs sur deux points : en précisant les conditions dans lesquelles les organisations représentatives d'employeurs peuvent s'y opposer et en réaffirmant les pouvoirs du ministre dans cette procédure.

(1) Le droit d'opposition des organisations d'employeurs à l'extension d'un accord collectif

Alors qu'aucune disposition en ce sens n'existait avant la loi du 5 mars 2014 264 ( * ) , qui a fixé les règles relatives à la mesure de l'audience des organisations patronales, ce texte a établi un mécanisme d'opposition à l'extension d'un accord de branche à leur initiative.

Sans remettre en cause la validité d'un tel accord, une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans la branche et dont les adhérents emploient plus de 50 % de l'ensemble des salariés des entreprises membres des organisations représentatives peuvent s'opposer à son extension. Sur ce point, les modifications souhaitées par le Gouvernement restent floues : il s'agirait, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, de « préciser les conditions et modalités » de l'exercice de ce droit d'opposition.

(2) Les pouvoirs du ministre du travail en matière d'extension des accords de branche

Le code du travail confie au ministre du travail la responsabilité de procéder à l'extension des accords collectifs et d'en apprécier l'opportunité. Il peut engager cette procédure soit à la demande des partenaires sociaux de la branche, soit de sa propre initiative, et s'appuyer sur les travaux de la commission nationale de la négociation collective (CNNC), qui doit rendre un avis motivé sur chaque demande.

Le ministre peut étendre la convention de branche, mais aussi accompagner cette extension de réserves . Il peut ainsi exclure :

- les clauses contraires à des dispositions légales ;

- les clauses qui ne répondent pas à la situation de la branche , dès lors que leur retrait ne modifie pas l'économie générale de l'accord 265 ( * ) .

Le juge administratif lui a par ailleurs reconnu la possibilité de refuser l'extension d'un accord pour des motifs d'intérêt général 266 ( * ) , qui peuvent être notamment liés aux objectifs de la politique économique et sociale ou à la protection des tiers. Plus récemment, le législateur 267 ( * ) lui a également permis de s'opposer à une extension dans le cadre du processus de restructuration des branches 268 ( * ) .

A l'inverse, il peut étendre les clauses incomplètes au regard de la loi, sous réserve de l'application de cette dernière, ainsi que les conventions ne comportant pas toutes les clauses obligatoires ou ne couvrant pas l'ensemble des catégories professionnelles de la branche.

Dans une récente décision 269 ( * ) , le Conseil d'État a toutefois estimé que le ministre du travail ne tenait pas de l'ensemble de ces dispositions le pouvoir d' étendre certaines clauses d'un accord de branche sous réserve qu'elles soient complétées ultérieurement par un accord collectif . La haute juridiction administrative a considéré que le ministre ne pourrait pas apprécier la conformité de cet accord subséquent avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, comme il le fait avec l'accord de branche avant son extension.

Selon l'étude d'impact, l'objet du second volet de l'habilitation prévue au 1° du présent article 4 serait d' autoriser le ministre du travail à étendre un accord de branche incomplet , qui aurait vocation à être complété par des accords d'entreprise, s'agissant de dispositions dont la loi confie la définition à la négociation collective. Le Gouvernement chercherait également à mieux définir les motifs d'intérêt général justifiant un refus du ministre d'étendre un accord.

b) Les conditions d'élargissement d'un accord à certaines entreprises en fonction de leur effectif

L'habilitation prévue au de l'article 4 traite quant à elle non de l'extension d'un accord collectif mais de son élargissement , procédure qui permet au ministre du travail de rendre obligatoires , dans un secteur géographique ou professionnel marqué par l'incapacité à conclure un accord de branche ou à modifier une convention signée depuis au moins cinq ans, les stipulations d'une convention de branche déjà étendue dans un secteur analogue .

Il s'agit de répondre à la carence des partenaires sociaux représentatifs au sein de la branche. Toutefois, le ministre du travail ne peut procéder à l'élargissement en cas d'opposition de la majorité des membres de la CNNC 270 ( * ) . Dans le cadre de la restructuration des branches engagée depuis 2014, l'élargissement d'une convention collective peut également être prononcé par le ministre du travail pour intégrer un secteur non couvert par un accord 271 ( * ) .

Le Gouvernement souhaite ici donner au ministre du travail la possibilité d'élargir, dans leur intégralité ou partiellement 272 ( * ) , des accords de branche étendus au profit seulement de certaines entreprises, sous condition d'effectif d'une zone géographique ou d'un secteur d'activité au sein duquel les partenaires sociaux sont dans l'impossibilité de conclure un accord.

L'étude d'impact passe sous silence ce volet de l'article 4 et ne permet pas de connaître les intentions gouvernementales avec cette habilitation. Il semblerait que l'objectif soit de remédier à la carence des organisations patronales et syndicales d'une branche afin de permettre à ses TPE et PME, dans un contexte de restructuration du paysage conventionnel, de bénéficier de certaines stipulations d'accords collectifs étendus , notamment en matière de conventions de forfait , tout en évitant le développement de conventions collectives propres à ces petites entreprises.

c) La redéfinition des secteurs relevant du niveau national et multi-professionnel

La loi du 5 mars 2014 273 ( * ) a institué, en faveur des organisations professionnelles d'employeurs ne relevant pas du champ interprofessionnel 274 ( * ) mais présentes uniquement dans certains secteurs d'activité en dehors de ce périmètre et limitativement énumérés, un nouveau niveau de représentativité : la représentativité au niveau national et multi-professionnel . Si ce statut ne leur confère pas les mêmes droits que ceux des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, il oblige ces dernières à les consulter préalablement à l'ouverture et à la conclusion d'une négociation et à recueillir leurs observations 275 ( * ) .

Trois secteurs étaient initialement concernés : les activités agricoles , les professions libérales et l'économie sociale et solidaire . La loi du 7 juillet 2016 276 ( * ) y a ajouté le spectacle vivant et enregistré . Pour être reconnues représentatives au niveau national et multi-professionnel, les organisations professionnelles d'employeurs 277 ( * ) de ces secteurs doivent remplir quatre conditions cumulatives :

- respecter les critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance, de transparence financière, d'ancienneté minimale de deux ans et d'influence, qui sont communs à toutes les organisations syndicales et patronales ;

- être représentatives dans au moins dix conventions collectives de leur champ d'activité ;

- disposer d' au moins quinze organisations adhérentes relevant de leur champ d'activité ;

- justifier d'une implantation territoriale couvrant au moins un tiers du territoire national .

En novembre 2016, l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), qui représentait les professions libérales au niveau national et multi-professionnel, a adhéré à l'Union professionnelle artisanale (UPA), organisation représentative au niveau national et interprofessionnel, donnant naissance à l'Union des entreprises de proximité (U2P). Cette nouvelle organisation a conservé en 2017, dans le cadre de la première mesure de l'audience des organisations professionnelles d'employeurs, sa représentativité au niveau national et interprofessionnel .

En conséquence, l'UNAPL est sortie du champ national et multi-professionnel. L'habilitation prévue au du présent article 4 vise donc à redéfinir les secteurs qui en relèvent et, comme le précise l'étude d'impact, à en retirer celui des professions libérales .

d) L'adaptation des modalités de fonctionnement du fonds pour le financement du dialogue social

Le fonds pour le financement du dialogue social assure le financement des missions d'intérêt général exercées par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs. Il bénéficie de deux ressources principales 278 ( * ) , une contribution versée par toutes les entreprises à hauteur de 0,016 % de leur masse salariale et une subvention de l'État . En 2015, celles-ci ont représenté 116,8 millions d'euros , soit 84,2 millions d'euros provenant des entreprises et 32,6 millions d'euros issus du budget de l'État.

Ces crédits sont destinés à financer trois missions 279 ( * ) essentielles des partenaires sociaux :

- la conception, la gestion , l'animation et l'évaluation des politiques paritaires ;

- leur participation à la conception, à la mise en oeuvre et au suivi des politiques publiques ;

- la formation économique, sociale et syndicale des salariés.

La première de ces missions est financée par la contribution des entreprises, la seconde par l'État et la troisième par ces deux ressources.

Des missions supplémentaires peuvent, le cas échéant, être financées par d'autres ressources définies par la loi ou par un accord entre les partenaires sociaux.

Les bénéficiaires des crédits du fonds de financement du dialogue social

Mission

Bénéficiaires

Conception et gestion
des politiques paritaires

Les organisations syndicales de salariés et professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ainsi que leurs organisations territoriales ;

Les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel.

Mise en oeuvre et suivi
des politiques publiques

Les organisations syndicales de salariés et professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

Les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel ;

Les organisations syndicales de salariés dont la vocation revêt un caractère national et interprofessionnel et qui ont obtenu plus de 3 % des suffrages exprimés lors de la dernière mesure de l'audience syndicale.

Formation économique, sociale et syndicale des salariés

Les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

Les organisations syndicales de salariés dont la vocation revêt un caractère national et interprofessionnel et qui ont obtenu plus de 3 % des suffrages exprimés lors de la dernière mesure de l'audience syndicale.

Source : Commission des affaires sociales

La répartition de ces fonds répond à des règles spécifiques , propres à chacune de ces trois missions.

S'agissant de la subvention de l'État destinée au financement de la participation des partenaires sociaux à la conception et à la mise en oeuvre des politiques publiques , 80 % sont répartis, à parts égales, entre les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, les 20 % restants étant destinés aux organisations de salariés ayant recueilli entre 3 et 8 % lors de la dernière mesure de l'audience syndicale et aux organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel 280 ( * ) .

Les fonds destinés à la prise en charge de la formation économique, sociale et syndicale font l'objet de la répartition suivante, combinant prise en compte de l'audience et versement forfaitaire : une première part est attribuée proportionnellement à la représentativité tandis qu'une seconde, qui doit être comprise entre 7,9 millions d'euros et le quart de cette première part, est répartie de manière égale entre chacune des organisations bénéficiaires 281 ( * ) .

Les modalités de répartition des sommes finançant les politiques paritaires sont plus complexes puisqu'elles sont pondérées à la fois en fonction de la représentativité au niveau national et interprofessionnel et de celle dans les branches , selon des modalités distinctes entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs 282 ( * ) .

Ainsi, la dotation versée aux syndicats sur la base de leur représentativité nationale est répartie de manière uniforme entre eux, alors que celle destinée aux organisations patronales doit l'être proportionnellement à leur audience . S'agissant de la part destinée aux organisations représentatives dans les branches, qui vise notamment à prendre en compte leur participation à la gestion des organismes collecteurs paritaires agréés (Opca) de la formation professionnelle, elle est distribuée à parts égales aux organisations salariales et en fonction de leur audience aux organisations patronales.

Toutefois, dans l'attente de la première mesure de l'audience patronale, dont les résultats ont été publiés en avril 2017, le décret du 28 janvier 2015 283 ( * ) a mis en place un régime transitoire jusqu'au 31 décembre 2017 pour répartir les sommes dues aux organisations patronales représentatives au titre de la gestion des politiques paritaires. La part nationale est calculée en fonction de leur nombre de sièges au comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (Copanef), tandis que dans chaque branche elle dépend de leur nombre de sièges dans les conseils d'administration des Opca.

Le Gouvernement souhaite, au de cet article 4, être habilité à adapter par ordonnances les modalités de fonctionnement du fonds et de versement des crédits aux organisations syndicales et patronales, pour tirer les conséquences de la récente mesure de l'audience de ces dernières et des opérations de restructuration des branches engagées depuis 2014.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, le conseil d'administration de l'association gestionnaire du fonds paritaire national (AGFPN) a demandé que la prise en compte des conséquences de la mesure de l'audience des organisations professionnelles d'employeurs sur sa gouvernance 284 ( * ) et sur le versement des crédits du fonds soit différée et ne soit effective qu'en 2018. Un mécanisme similaire mais plus pérenne pourrait également être mis en place pour lisser les effets du renouvellement, tous les quatre ans, de la mesure de l'audience des organisations syndicales et patronales, et ceux des restructurations de branches qui peuvent conduire à faire évoluer la liste des organisations représentatives en leur sein.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a adopté à cet article que trois amendements rédactionnels de son rapporteur en séance publique.

III - La position de la commission

Cet article traduit la volonté du Gouvernement de procéder à des modifications techniques de plusieurs règles encadrant la négociation collective de branche afin de permettre au ministre du travail de remédier plus efficacement à la carence potentielle des partenaires sociaux , au profit notamment des petites entreprises (élargissement partiel des conventions) et de renforcer son pouvoir d'appréciation des conventions conclues. Outre ce premier volet (1° et 2° de l'article), un second concerne plus directement le dialogue social national afin de garantir notamment une stabilité de son financement (4°).

Sur ce dernier point, il importe que le Gouvernement s'en tienne bien aux aménagements de portée limitée relatifs à la première mesure de l'audience de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs annoncés par l'étude d'impact et ne cherche pas à remettre en cause l'ensemble des règles de répartition entre elles des crédits du fonds pour le financement du dialogue social. Elles sont en effet issues d'un subtil équilibre auquel ces organisations sont parvenues alors que le Gouvernement s'apprêtait déjà à les redéfinir.

Le débat portait, dans la répartition des sommes versées par le fonds au titre de l'élaboration et de la mise en oeuvre des politiques paritaires, sur la prise en compte dans l'audience du nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes d'une organisation professionnelle représentative et non plus uniquement sur le nombre de ses adhérents, unique facteur retenu par la loi du 5 mars 2014 285 ( * ) . Le 2 mai 2016, le Medef, la CGPME et l'UPA étaient parvenus à un accord afin que l'audience soit pondérée à 50 % par le nombre d'adhérents et à 50 % par le nombre de salariés employés par ceux-ci.

La loi du 8 août 2016 286 ( * ) a en conséquence modifié les règles antérieures pour transposer cet accord, et ce alors que le Gouvernement avait été habilité par le Parlement, à l'article 23 de la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 287 ( * ) , à réformer par ordonnance les règles de répartition des crédits et de gouvernance du fonds en l'absence d'un consensus patronal. Il est maintenant essentiel de préserver la stabilité de ces règles pour les années à venir afin que la transparence du financement de ces organisations soit assurée.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 - Assouplissement des obligations des employeurs en matière de prévention de la pénibilité et d'emploi de travailleurs détachés transfrontaliers

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à simplifier par ordonnance le compte personnel de prévention de la pénibilité et son régime juridique ainsi que les règles applicables en matière d'emploi des travailleurs détachés transfrontaliers.

I - Le dispositif proposé

a) La simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité

Institué par la loi du 20 janvier 2014 288 ( * ) , le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est un outil individuel permettant à des salariés exposés, à leur poste de travail, à des facteurs de risques professionnels , de bénéficier d'un droit à la formation renforcé, et, en fin de carrière, de réduire leur temps de travail sans perte de salaire et d'obtenir jusqu'à huit trimestres de majoration de durée d'assurance pour anticiper leur départ à la retraite, dès lors que cette exposition, mesurée annuellement, a été supérieure à des seuils déterminés par le pouvoir réglementaire.

Chaque année d'exposition à un facteur de pénibilité permet à un salarié d'obtenir quatre points et huit points en cas de pluri-exposition. Ces points sont crédités sur son C3P par la caisse nationale d'assurance vieillesse, gestionnaire du compte, à la suite de la déclaration des expositions par l'employeur via la déclaration sociale nominative (DSN).
Depuis le 1 er janvier 2017, le C3P est intégré au compte personnel d'activité (CPA).

Les dix facteurs de pénibilité sont répartis en trois catégories 289 ( * ) :

- ceux concernant des contraintes physiques marquées (les manutentions manuelles de charges ; les postures pénibles, définies comme positions forcées des articulations ; les vibrations mécaniques) ;

- ceux propres à un environnement physique agressif (les agents chimiques dangereux ; les activités exercées en milieu hyperbare ; les températures extrêmes ; le bruit) ;

- ceux qui caractérisent certains rythmes de travail (le travail de nuit ; le travail en équipes successives alternantes ; le travail répétitif).

Enfin, le financement des droits associés au C3P est assuré par un fonds, qui est alimenté par une cotisation versée par les employeurs , elle-même déclinée en deux volets. Le premier, dont le taux est de 0,01 % de la masse salariale, est dû par toutes les entreprises. Le second, qui représente 0,2 % de la masse salariale, ne doit quant à lui être acquitté que par les entreprises ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité.

Initialement fixée, pour l'ensemble des facteurs de pénibilité, au 1 er janvier 2015, la mise en oeuvre du compte a été partiellement décalée et repoussée en raison des difficultés rencontrées dans la définition des seuils d'exposition et des modalités de mesure des expositions. A cette date, seuls quatre 290 ( * ) des dix facteurs furent appliqués. Pour les six autres, ce n'est que depuis le 1 er juillet 2016 291 ( * ) que les expositions de leurs salariés doivent être déclarées par les employeurs.

Durant cette période transitoire et à la suite des recommandations de plusieurs rapports commandés par le Gouvernement 292 ( * ) , un premier train de mesures de simplification ont été adoptées, avec notamment comme objectif de réduire les contraintes pesant sur les petites entreprises. La loi « Rebsamen » 293 ( * ) avait ainsi substitué à la fiche individuelle de prévention des expositions, que l'employeur devait tenir pour chacun de ses salariés exposés à la pénibilité, la déclaration dématérialisée des expositions par la DSN .

Elle avait également autorisé les branches à établir des référentiels professionnels qui définissent les postes de travail ou métiers exposés à la pénibilité et permettent aux entreprises qui en relèvent, une fois homologués par les ministres du travail et des affaires sociales, de déterminer l'exposition de leurs travailleurs sur cette base.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, 793 760 salariés ont à ce jour acquis des droits au titre du C3P. Toutefois de nombreuses entreprises, en particulier les plus petites dans des secteurs particulièrement exposés à la pénibilité comme le bâtiment, rencontrent encore d'importantes difficultés de mise en oeuvre et de mesure des expositions de leurs salariés, notamment pour quatre facteurs : les manutentions manuelles de charge, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux. Aucune réponse satisfaisante n'avait été jusqu'à présent apportée aux problèmes qu'elles rencontrent

En conséquence, le du présent article 5 habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à une profonde réforme de la prise en compte de la pénibilité au travail . Il lui permet en effet d'adapter :

- les facteurs de risques professionnels mesurés dans le cadre du compte ;

- les obligations de déclaration liées à ceux-ci ;

- les conditions d'appréciation de l'exposition à certains des facteurs ;

- les modes de prévention ;

- les modalités de compensation de la pénibilité ;

- les modalités de financement du compte.

b) L'allègement des obligations incombant aux employeurs de travailleurs détachés transfrontaliers

La construction européenne, fondée sur la constitution d'un marché unique, promeut la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux 294 ( * ) .

C'est dans ce cadre juridique que les États membres de l'Union européenne et le Parlement européen ont adopté, le 16 décembre 1996, la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d'une prestation de services.

Cette directive confirme en son article 2 la possibilité pour toute personne d'exécuter son travail pendant une période limitée sur le territoire d'un État membre autre que son État d'origine, en vue de réaliser une prestation de services , d'effectuer une mobilité au sein du groupe qui l'emploie ou encore de réaliser une mission de travail temporaire.

L'article 3 de la directive oblige les entreprises qui détachent des salariés à leur appliquer le « noyau dur » du droit du travail en vigueur dans le pays d'accueil, sur des sujets aussi importants que les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés annuels payés, ou encore les règles de sécurité, de santé et d'hygiène au travail.

Si les règles du pays d'accueil s'appliquent aux travailleurs détachés en matière de droit du travail, ce sont en revanche les règles du pays d'origine qui priment en matière de protection sociale , comme le prévoit l'article 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Face à la très forte augmentation des fraudes au détachement de travailleurs, l'article 1 er de la loi du 10 juillet 2014 295 ( * ) a prévu une amende administrative , et non plus une simple contravention peu dissuasive, pour sanctionner le défaut de déclaration auprès de l'inspection du travail préalablement à un détachement, ou l'absence de désignation d'un représentant en France servant d'interlocuteur entre le prestataire étranger et les services de contrôle.

Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage doivent également veiller à vérifier si le prestataire étranger s'est bien acquitté de ces obligations, sous peine d'une sanction administrative.

Le montant initial de l'amende administrative infligé à un prestataire étranger était peu élevé : plafonné à 2 000 euros par salarié détaché et à 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d'un an, le montant total de l'amende ne pouvait dépasser 10 000 euros .

L'article 279 de la loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 296 ( * ) a toutefois porté ce dernier plafond à 500 000 euros . Pour fixer le montant de l'amende, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) doit prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.

Par ailleurs, l'article 107 de la loi « Travail » du 8 août 2016 297 ( * ) a introduit l'article L. 1263-4-1 au sein du code du travail, afin de permettre à l'autorité administrative d'ordonner, en cas de défaut de déclaration préalable de détachement, la suspension de la réalisation d'une activité de prestation de services . Cette suspension, qui est cumulable avec la sanction administrative pour défaut de déclaration préalable, est également prononcée par le Direccte, sur saisine d'un agent de contrôle de l'inspection du travail, si ce dernier n'a pas reçu la déclaration préalable dans un délai de 48 heures suivant le début du détachement. Le directeur régional peut ordonner, en motivant sa décision au regard de la gravité du manquement, la suspension de la réalisation de la prestation de services, pour une durée ne pouvant excéder un mois . Cette suspension cesse dès la réception de la déclaration de détachement transmise par le prestataire étranger, le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage.

En outre, en application de l'article L. 1264-4-6 du code du travail introduit par l'article 106 de cette même loi « Travail », tout employeur détachant des salariés sur le territoire français est désormais assujetti à une contribution plafonnée à 50 euros par salarié détaché, destinée à couvrir les coûts de mise en place et de fonctionnement du système dématérialisé de déclaration et de contrôle, appelé SIPSI 298 ( * ) .

L'étude d'impact se contente d'évoquer le souhait du Gouvernement « d'assouplir les modalités d'accomplissement des formalités préalables au détachement pour les cas particuliers de l'activité de prestataires frontaliers » 299 ( * ) , sans apporter davantage de précisions sur les dispositions qui pourraient évoluer.

La durée des habilitations prévues par le présent article est fixée à six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à préciser les finalités de la réforme du compte personnel de prévention de la pénibilité . Elle doit conduire à une simplification et à une sécurisation juridique du dispositif, dans le but d'améliorer la prévention .

Cet article n'a pas été modifié en séance publique.

III - La position de la commission

Dans un courrier adressé aux organisations professionnelles d'employeurs et aux organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel le 8 juillet 2017, le Premier ministre a dévoilé la réforme du C3P que le Gouvernement compte mettre en oeuvre sur la base de l'habilitation conférée par le présent article. Elle devrait porter sur trois aspects , l'un symbolique et les deux autres relatifs à la mesure de certains facteurs de pénibilité et au financement du dispositif.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité devrait devenir le « compte professionnel de prévention », ce qui renvoie aux déclarations du Président de la République qui avait annoncé, durant sa campagne, vouloir supprimer le terme de pénibilité qui selon lui induit que « le travail est une douleur » 300 ( * ) .

Les quatre facteurs de risques professionnels suscitant le plus de difficultés de mesure des expositions des salariés devraient par ailleurs faire l'objet, au sein du compte, d'un mécanisme spécifique de compensation de la pénibilité.

Pour la manutention manuelle de charges , les postures pénibles , les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux , les employeurs n'auront plus à mesurer l'exposition de leurs salariés et à la déclarer annuellement. Les personnes qui sont exposées à ces facteurs pourraient bénéficier d'un départ anticipé à la retraite dès lors qu'une visite médicale , en fin de carrière, aura permis de démontrer qu'ils ont contracté une maladie professionnelle conduisant à un taux d'incapacité permanente d'au moins 10 % , sans durée d'exposition minimale requise.

Ce dispositif se rapproche de celui qui avait été mis en place par la loi du 9 novembre 2010 301 ( * ) . Celui-ci ouvrait la possibilité aux personnes justifiant d'un taux d'incapacité permanente supérieur à 20 % résultant d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail de partir à la retraite à 60 ans avec une pension à taux plein. La même faculté était reconnue aux personnes dont le taux d'incapacité permanente était supérieur à 10 % et qui avaient été exposées pendant au moins dix-sept ans à l'un des dix facteurs de pénibilité si elles justifiaient du lien direct entre cette exposition et leur invalidité, après examen de leur dossier et validation de leur demande par une commission pluridisciplinaire composée notamment du directeur de la caisse de retraites, du médecin-conseil régional de l'assurance maladie et d'un praticien hospitalier particulièrement qualifié en pathologies professionnelles.

Enfin, le financement du C3P ne serait plus assuré par les cotisations spécifiques versées par les entreprises mais serait transféré à la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale, qui devrait être en excédent de 700 millions d'euros en 2017 et qui est également financée par les employeurs à travers une cotisation qui varie notamment en fonction de la taille des entreprises, de leur sinistralité et de leur secteur d'activité.

Votre rapporteur salue ce projet de réforme pragmatique , qui tire les conséquences des difficultés insurmontables apparues dans la mise en oeuvre du C3P pour les petites entreprises et tranche avec la surdité du précédent gouvernement . Sans remettre en cause les principes qui ont conduit à la création du compte, en particulier l'indispensable prévention de la pénibilité en entreprise et des conséquences que peuvent avoir les conditions de travail sur l'espérance de vie à la retraite, il garantit désormais une plus grande égalité de traitement entre les salariés de toutes les entreprises et permettra aux employeurs de se concentrer sur le développement de leur activité et non sur des procédures administratives chronophages. Il conviendra toutefois d'examiner, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui devrait traduire le volet financier de cette réforme, les conditions dans lesquelles sa soutenabilité financière peut être assurée et les moyens de garantir qu'elle ne fragilisera pas la branche AT-MP .

S'agissant des aménagements aux règles du détachement des travailleurs , le Gouvernement envisage leur assouplissement pour les personnes étrangères qui habitent des pays limitrophes de la France et qui franchissent régulièrement la frontière française dans le cadre de leur travail. Cette aménagement pourrait, par exemple, prendre la forme d'une déclaration valable pendant une durée définie, afin d'éviter la multiplication des démarches administratives. Si votre rapporteur ne s'oppose pas à ces aménagements, il convient néanmoins d'anticiper les risques de contournement de ces nouvelles règles et de ne pas méconnaître le principe d'égalité de traitement entre travailleurs, quel que soit leur pays de résidence. Il est surtout urgent de faire pression sur les autres Etats membres pour opérer une refonte de la directive du 16 décembre 1996 , comme s'y est engagé le Président de la République, car les fraudes croissantes aux règles de détachement entravent le développement de beaucoup d'entreprises françaises et fragilisent notre modèle social ainsi que l'image de l'Europe auprès de nos concitoyens.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 - Harmonisation et mise en cohérence du code du travail

Objet : Cet article vise à habiliter le Gouvernement à procéder, par ordonnances, à la mise en cohérence du code du travail et à l'actualisation du droit pour tenir compte des différentes réformes prévues par le projet de loi et de celles intervenues en la matière depuis 2015.

I - Le dispositif proposé

Depuis 2015, le Parlement a adopté quatre lois qui ont procédé à de profondes réformes du code du travail. Il s'agit des lois :

- n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (loi « Croissance et activité ») ;

- n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi (loi « Rebsamen ») ;

- n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (loi « Travail ») ;

- n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté (loi « Égalité et citoyenneté »).

De plus, les nombreuses ordonnances qui vont être adoptées en application du présent projet de loi auront pour conséquence de modifier encore davantage notre droit du travail, dans des domaines aussi divers que la négociation collective, la représentation du personnel en entreprise
ou le licenciement.

Cette accumulation de réformes dans une durée si limitée a eu pour conséquence de fragiliser la cohérence de l'ensemble de la structure juridique du droit du travail et de son articulation avec le reste de notre droit. Elle s'est inévitablement accompagnée d'erreurs et a rendu sans objet de nombreuses dispositions.

En conséquence, cet article 6 habilite le Gouvernement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, à procéder par ordonnances à l'harmonisation de l'état du droit , à l'abrogation des dispositions devenues sans objet, à la correction d'éventuelles erreurs et à la mise en cohérence des textes selon trois axes. Il s'agit :

- d' assurer la coordination avec les ordonnances qui seront prises sur le fondement de la présente loi d'habilitation ;

- de corriger les erreurs matérielles et les incohérences issues des réformes législatives mentionnées ci-dessus ;

- d' actualiser les références au code du travail contenues dans les textes actuellement en vigueur.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement prolongeant jusqu'au 31 octobre 2017 l'habilitation dont ce dernier dispose, en vertu de l'article 120 de la loi « Travail » du 8 août 2016 302 ( * ) , pour rendre applicable le code du travail à Mayotte à compter du 1 er janvier 2018 et abroger le code du travail applicable à Mayotte . La durée de l'habilitation prévue à cet article était de quatorze mois à compter de la promulgation de cette loi, soit jusqu'au 8 octobre 2017. Elle serait donc allongée de vingt-trois jours .

III - La position de la commission

Cet article, d'ordre technique , illustre néanmoins les difficultés mal anticipées que suscite la succession , à un rythme soutenu , de réformes en droit du travail . Ces lois ne sont pas examinées dans des conditions permettant de garantir une parfaite qualité du droit : recours systématique à la procédure accélérée , délais d'examen parlementaire très réduits , nombreux ajouts du Gouvernement par amendement au cours de la procédure. En conséquence, le travail de coordination qui devrait être réalisé durant l'élaboration des projets de loi est négligé voire absent.

Il devient donc nécessaire, périodiquement, de procéder à une remise en cohérence de l'ensemble de notre droit du travail, qui devrait pourtant être assurée par le processus législatif. Votre rapporteur ne peut que déplorer cette situation et souhaite qu'à l'avenir une plus grande attention soit portée à la bonne articulation des réformes votées avec le droit existant et qu'un salutaire ralentissement de la cadence des réformes en droit du travail permette de limiter le nombre d'erreurs matérielles contenues dans les codes.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (art. 257 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques) - Prolongation de la période transitoire relative à la mise en place du nouveau zonage dérogatoire au repos dominical

Objet : Cet article autorise le Gouvernement à proroger, par ordonnance, le délai d'adaptation prévu par la loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 des commerces situés dans des zones qui, antérieurement à cette loi, étaient autorisés à ouvrir le dimanche.

I - Le dispositif proposé

La loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 303 ( * ) a réformé le régime des dérogations géographiques au repos dominical . Si, selon l'article L. 3132-3 du code du travail, « dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche », des dérogations à ce principe existent depuis son institution par la loi du 13 juillet 1906 304 ( * ) . Cohabitent ainsi des dérogations :

- de droit , en faveur de secteurs d'activité dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par « les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public » 305 ( * ) ;

- conventionnelles , lorsque des raisons économiques contraignent une entreprise à organiser le travail de façon continue ;

- accordées par le préfet , lorsque le repos des salariés le dimanche serait préjudiciable au public ;

- géographiques .

C'est ce dernier volet que la loi « Croissance et activité » a modifié, en unifiant notamment le régime juridique de mise en place du travail dominical et les obligations des employeurs à l'égard de leurs salariés, qui variaient auparavant en fonction du zonage. Elle a ainsi posé l'obligation pour les employeurs d'avoir conclu un accord d'entreprise fixant notamment des contreparties salariales , ou d'être couverts par un accord de branche ou territorial, pour pouvoir ouvrir le dimanche, sauf dans les établissements de moins de onze salariés , où l'employeur a la possibilité de faire approuver directement par ses salariés l'ouverture dominicale 306 ( * ) . Dans tous les cas, travailler le dimanche ne peut être que le résultat du volontariat du salarié 307 ( * ) .

Cette loi a tout d'abord institué les zones touristiques internationales (ZTI), délimitées par le Gouvernement en raison de leur rayonnement international, de l'affluence exceptionnelle de touristes étrangers et de l'importance de leurs achats. A ce jour , vingt et une ZTI ont été créées , douze à Paris et neuf en province.

Elle a ensuite transformé les deux types de zones dérogatoires antérieures qui étaient désignées par le préfet à la demande des maires. Dans les communes d'intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente , l'ouverture dominicale des commerces était de droit , sans qu'une contrepartie particulière doive être offerte aux salariés et sans qu'ils puissent refuser de travailler le dimanche. Dans les périmètres urbains de consommation exceptionnelle (Puce), créés par la loi « Maillé » du 10 août 2009 308 ( * ) et qui devaient être situés dans des unités urbaines de plus d'un million d'habitants et caractérisés notamment par des habitudes de consommation dominicale ainsi que l'éloignement particulier de leur clientèle, les commerces pouvaient ouvrir le dimanche sur la base d'un accord collectif ou d'une décision unilatérale de l'employeur validée par référendum dès lors que le volontariat des salariés était respecté et que des contreparties financières leur étaient offertes.

La loi « Croissance et activité » a transformé les communes d'intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente en zones touristiques , caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes 309 ( * ) . Les Puce sont devenus des zones commerciales , caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes 310 ( * ) . Les commerces situés dans ces zones, tout comme ceux présents dans les ZTI, sont soumis à un cadre juridique unique relatif à leurs obligations envers leurs salariés .

L'article 257 de cette loi avait précisé les conséquences de cette évolution pour les zones existantes. Elles sont devenues de droit des zones touristiques ou des zones commerciales . Surtout, une période de transition d'environ deux ans , dont le terme est le premier jour du vingt-quatrième mois suivant la publication du texte, c'est-à-dire le 1 er août 2017, leur a été offerte pour conclure un accord collectif les mettant en conformité avec les nouvelles obligations qu'elle fixe.

Dans ce contexte, l'article 7 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à proroger par ordonnance ce délai , aussi bien pour les zones touristiques que pour les zones commerciales.

L'étude d'impact souligne en effet que la modification des règles de validité des accords collectifs relatifs à la durée du travail depuis le 1 er janvier 2017 311 ( * ) a rendu la conclusion d'accords sur les contreparties au travail dominical plus difficile et que de nombreuses entreprises ignorent la date d'expiration de cette période transitoire. Des zones commerciales comme celle de Plan-de-Campagne dans les Bouches-du-Rhône tout autant que des zones touristiques balnéaires ou hivernales seraient concernées.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

Votre rapporteur tient à souligner que cet article , deux ans après l'examen de la loi « Croissance et activité », donne raison au Sénat en revenant à la position qu'il avait alors adoptée.

Le projet de loi initial pour la croissance et l'activité, adopté par le Conseil des ministres le 10 décembre 2014, prévoyait une période transitoire de trente-six mois pour permettre aux commerces situés dans les anciennes communes d'intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente et Puce de s'adapter à la réforme de leur cadre juridique. Toutefois, en première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement présenté en séance publique par le rapporteur général de la commission spéciale chargé de l'examen de ce texte, notre collègue député Richard Ferrand, et le rapporteur thématique sur les dispositions relatives au travail dominical, notre ancien collègue député Stéphane Travert, avait été adopté abaissant à deux ans ce délai de mise en conformité, recevant un avis favorable du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique d'alors, Emmanuel Macron 312 ( * ) .

Lorsque ce projet de loi a été soumis au Sénat, notre collègue Catherine Deroche, rapporteure de la commission spéciale, avait souligné que cette réforme constituait un changement lourd pour les entreprises concernées , en particulier celles dépourvues de délégués syndicaux, qui se trouvent donc dans l'impossibilité de négocier un accord, et celles qui ne sont pas couvertes par un accord de branche. Le délai de trente-six mois était donc à ses yeux approprié pour leur permettre de procéder à cette adaptation. Elle avait donc proposé un amendement le rétablissant , adopté par la commission spéciale et confirmé par le Sénat. Toutefois, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, les députés, à l'initiative des rapporteurs ainsi que des membres du groupe écologiste, l'avaient à nouveau fixé à vingt-quatre mois.

Votre rapporteur ne peut donc que saluer la volonté du Gouvernement de le proroger définitivement à trente-six mois et regrette les incertitudes juridiques que ces hésitations ont suscitées pour les entreprises concernées. Toutefois, la solution proposée ici est inadaptée . En effet, la période transitoire que le Gouvernement propose de prolonger par ordonnance, sur la base de l'habilitation conférée par le présent article, arrive à expiration le 1 er août 2017 . Or il est très peu probable que ce projet de loi ait été promulgué à cette date. Quand bien même il le serait, les quelques jours de délai seraient insuffisants pour publier une ordonnance , qui doit être soumise préalablement au Conseil d'Etat puis prise en Conseil des ministres.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement
COM-11 de son rapporteur visant à réécrire cet article 7 pour modifier directement l'article 257 de la loi « Croissance et activité » et prévoir également une entrée en vigueur rétroactive de cette disposition.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 8 - Délai de dépôt des projets de loi de ratification des ordonnances

Objet : Cet article fixe un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues par ce projet de loi, à l'exception de celle prévue à l'article 9, pour le dépôt des projets de loi de ratification.

En application de l'article 38 de la Constitution, les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si leur projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.

Le présent article 8 définit ce délai pour les ordonnances qui seront prises en application des articles 1 à 7 : trois mois à compter de leur publication. L'ordonnance prise sur le fondement de l'article 9 n'est pas couverte par cette disposition, mais un délai similaire est fixé par cet article.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 bis - Demande de rapport sur l'effet des ordonnances

Objet : Cet article demande au Gouvernement de remettre au Parlement, au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l'effet des ordonnances prises sur son fondement en matière de droit du travail.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Inséré dans le projet de loi en séance publique à l'initiative de notre collègue député Francis Vercamer et de plusieurs membres du groupe Les Constructifs, le présent article 8 bis demande au Gouvernement de réaliser un rapport à destination du Parlement sur l'effet des ordonnances prises en application des articles 1 er à 8 , excluant ainsi celle reportant d'un an l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu prévue par l'article 9.

Ce rapport devrait se concentrer notamment sur la mesure de l'impact des ordonnances sur la compétitivité des TPE et des PME ainsi que sur la protection des salariés . Devant être remis dans délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, soit sans doute au premier trimestre 2019, ses conclusions pourraient alors faire l'objet d'un débat au Parlement . L'objectif des auteurs de cet amendement était également, selon son exposé sommaire, d'obtenir que les groupes parlementaires soient associés à l'élaboration des ordonnances.

II - La position de la commission

Votre commission des affaires sociales a une jurisprudence stricte et établie sur les demandes de rapports au Parlement, que votre rapporteur partage : elle juge qu'elles sont dans leur très grande majorité superflues , empiétant souvent sur les compétences du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et n'étant que très rarement suivies d'effets .

A titre d'exemple, le Parlement attend toujours les rapports dressant un bilan des accords de mobilité interne et examinant l'articulation entre le code du travail et les statuts des personnels des chambres consulaires, qui en application respectivement des articles 15 et 26 de la loi du 14 juin 2013 313 ( * ) auraient dû lui être remis, pour le premier, avant le 31 décembre 2015 et, pour le second, avant le 31 décembre 2013. Pour la loi du 5 mars 2014 314 ( * ) , ce sont cinq demandes de rapports qui n'ont pas été satisfaites.

Néanmoins, en raison de l'ampleur de la réforme du code du travail par ordonnances envisagée par le présent projet de loi, votre rapporteur estime qu'il est essentiel que son évaluation soit présentée au Parlement dans les meilleurs délais. Il est d'ailleurs important que le Gouvernement s'engage devant le Sénat à la réaliser.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 - Report d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances par votre commission des affaires sociales.

Lors de sa réunion, la commission des finances a adopté les amendements COM-90, COM-91 et COM-92 de son rapporteur, notre collègue Albéric de Montgolfier.

En conséquence, votre commission a adopté ces amendements et l'article 9 ainsi modifié .


* 14 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 15 « La négociation collective, le travail et l'emploi », Jean-Denis Combrexelle, France Stratégie, septembre 2015, p. 79.

* 16 Mission de préfiguration de la commission de refondation du code du travail, rapport au Premier ministre, Michel Yahiel, Emmanuelle Prouet, Antoine Naboulet, Hélène Garner, 29 avril 2017, p. 17.

* 17 Dans l'ensemble du présent rapport, sauf précision contraire, l'utilisation du terme « accord » désigne indifféremment les accords collectifs et les conventions collectives. Pour mémoire, les premiers ne portent que sur un ou plusieurs thèmes du code du travail, tandis que les seconds, qui sont conclus surtout au niveau de la branche, abordent toutes les thématiques du code du travail.

* 18 Ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés.

* 19 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, art. 42.

* 20 Art. L. 2253-1 du code du travail.

* 21 Art. L. 2253-2 du même code.

* 22 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20170710/soc.html

* 23 Art. L. 2232-10-1 du code du travail.

* 24 L'article L. 3322-9 du code du travail oblige les branches professionnelles à négocier un accord de participation avant le 30 décembre 2017, cet accord pouvant être appliqué directement au sein des entreprises. De même, l'article L. 3312-9 du code du travail prévoit qu'un régime d'intéressement, adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés, devra être négocié dans chaque branche avant cette même date.

* 25 Art. L. 2242-18 et L. 2242-19 du code du travail.

* 26 Art. L. 5125-1 à L. 5125-7 du code du travail.

* 27 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 28 Art. L. 2254-2 du code du travail.

* 29 Art. 22 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 30 Art. L. 1222-8 du code du travail.

* 31 Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.179.

* 32 Cass. soc., 8 juin 2016, n os 15-11.324 ; 15-11.478 à 15-12.021). La chambre sociale ne s'oppose pas à ce qu'un accord instaure une indemnité de logement ayant pour objectif de prendre en compte les spécificités de la fonction de chef d'agence et de cadre de direction.

* 33 Cass. soc., 3 novembre 2016, n°15-18.444. La chambre sociale juge que « les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ».

* 34 Avis du Conseil d'État sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour la rénovation sociale, 22 juin 2017, n° 393.357.

* 35 Art. 2224 du code civil.

* 36 p. 12.

* 37 Pour mémoire, l'administration du travail doit valider le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi fixé par accord collectif dans un délai de quinze jours (art. L. 1233-57-4 du code du travail), et homologuer une rupture conventionnelle dans un délai de quinze jours ouvrables (art. L. 1237-14 du même code).

* 38 p. 19.

* 39 Article 30 bis B du texte de la commission.

* 40 Ces dispositions étaient alors codifiées à l'article L. 1462-2 du code du travail.

* 41 La nécessité de prévoir des dates d'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance, mentionnée au 1°, h) de l'article 1 er de l'habilitation, ne s'applique pas au g) (modification de la périodicité et du contenu des consultations et des négociations obligatoires, et contenu de la base de données économiques et sociales), ni aux thèmes visés au 2° (voir infra).

* 42 Avis du Conseil d'État précité, point 7.

* 43 Conseil constitutionnel, décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, paragraphe n° 18.

* 44 Art. L. 2241-1 et L. 2241-2 du code du travail.

* 45 Art. L. 2241-3 du même code.

* 46 Art. L. 2241-4 du même code.

* 47 Art. L. 2241-5 du même code.

* 48 Art. L. 2241-6 du même code.

* 49 Art. L. 2241-7 du même code. En vertu de l'article L. 2241-9, cette négociation sur les classifications, tout comme celle sur les salaires, doit également porter sur les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

* 50 Art. L. 2241-8 du même code.

* 51 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, art. 12.

* 52 Art. L. 2241-13 du même code.

* 53 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, art. 19.

* 54 Art. L. 2323-10 à L. 2323-11 du code du travail.

* 55 Art. L. 2323-12 à L. 2323-14 du même code.

* 56 Art. L. 2323-15 à L 2323-27 du même code.

* 57 Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour une nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés, art. 12.

* 58 p. 14.

* 59 « La négociation collective d'entreprise en 2014 », Dares Résultats, n° 86, décembre 2016.

* 60 Art. L. 2391-1 du code du travail.

* 61 Art. L. 2232-21-1 du code du travail.

* 62 Art. L. 2232-23-1 du code du travail.

* 63 Art. L. 2232-22 du même code.

* 64 Art. L. 2232-24 du même code.

* 65 Art. L. 2232-26 du même code.

* 66 Art. L. 2232-27 du même code.

* 67 Lors de l'examen de la loi « Travail » au Sénat, un article additionnel (art. 10 A) avait été adopté en commission à l'initiative des rapporteurs, pour permettre aux employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés, pourvues d'institutions représentatives du personnel (DP ou CE) mais dépourvues de délégué syndical, de signer des accords collectifs directement avec ces institutions, quel que soit le thème abordé. L'article permettait également aux employeurs des entreprises de cette taille, dépourvues à la fois de délégué syndical et d'institutions représentatives du personnel, de faire approuver directement par les salariés, à la majorité des deux tiers du personnel, des projets d'accords portant sur l'intégralité des thèmes abordés dans le code du travail.

* 68 Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.

* 69 p. 20.

* 70 Art. L. 2232-21-1 du code du travail.

* 71 Art. L. 2232-24-1 du même code.

* 72 Art. L. 2232-12 du même code.

* 73 Art. L. 3132-25-3 du même code.

* 74 Art. L. 3333-2 du code du travail.

* 75 Selon l'étude d'impact de la loi « Travail », 374 branches comptaient moins de 5 000 salariés en 2012, 82 branches entre 5 000 et 10 000 salariés et 39 branches entre 10 000 et 15 000 (p. 172).

* 76 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 77 Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, commission des affaires sociales, 1 er juin 2016, p. 218.

* 78 Art. L. 2261-32 du code du travail.

* 79 p. 17.

* 80 L'article L. 3312-5 du code du travail prévoit que les accords d'intéressement peuvent être conclus à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet d'accord proposé par le seul employeur, sauf s'il existe dans l'entreprise des organisations syndicales représentatives ou un comité d'entreprise, auquel cas la demande doit être conjointe. Des dispositions similaires sont prévues pour les accords de participation à l'article L. 3322-6 du code du travail.

* 81 Salaires, santé, sécurité, application des conventions collectives, etc. (art. L. 2113-1 du code du travail).

* 82 Dont le champ s'étend aux conditions de travail et à l'emploi et qui comprend notamment l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

* 83 Lorsqu'il a connaissance de faits susceptibles d'affecter « de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise » (art. L. 2323-50).

* 84 Lorsqu'il constate une forte croissance du nombre de CDD et de contrats de travail temporaire dans l'entreprise (art. L. 2323-58 et L. 2323-59).

* 85 Loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 relative aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

* 86 Dans la limite d'un tiers de son budget annuel (art. L. 2323-10).

* 87 Art. L. 2325-1.

* 88 Cass. soc., 17 avril 1991, n os 89-17.993, 89-437.67, 89-43.770.

* 89 Loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.

* 90 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 91 Art. L. 2391-1 du code du travail.

* 92 C'est-à-dire signé par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

* 93 Art. L. 2312-2, L. 2322-2 et L. 4611-1.

* 94 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, art. 23.

* 95 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée, art. 3.

* 96 Art. L. 2322-2.

* 97 Ouvriers et employés ; cadres, ingénieurs et agents de maîtrise.

* 98 Art. L. 2314-24 et L. 2324-22.

* 99 Art. L. 2314-5 et L. 2324-8.

* 100 Art. L. 2316-1, L. 2328-1 et L. 4742-1.

* 101 Art. L. 2315-10.

* 102 Art. L. 2324-1.

* 103 Art. L. 2143-22.

* 104 Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-19.678.

* 105 Art. L. 2393-1.

* 106 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 107 Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés.

* 108 Art. R. 2323-1-1.

* 109 Ou quatre mois si une instance de coordination des CHSCT est mise en place.

* 110 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 111 Art. R. 4614-5-3.

* 112 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 113 Art. L. 2325-41-1.

* 114 Art. R. 4614-21.

* 115 Source : « Les représentants du personnel : quelles ressources pour quelles actions ? », Dares Analyses n° 84, novembre 2014.

* 116 Idem.

* 117 Idem, en 2011.

* 118 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 119 Art. L. 2325-42-1.

* 120 Art. R. 4614-18.

* 121 Art. L. 2232-16.

* 122 Cf. annexe 2 : note de synthèse sur les instances représentatives du personnel en Europe réalisée par la division de la législation comparée du Sénat.

* 123 Art. L. 3312-5.

* 124 Art. L. 3322-6.

* 125 Art. L. 2323-3 pour le comité d'entreprise et L. 4612-8 pour le CHSCT.

* 126 p. 14.

* 127 p. 34.

* 128 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, loi relative à l'égalité et à la citoyenneté, § 12.

* 129 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 130 Lorsque ceux-ci détiennent au moins 3 % du capital de l'entreprise.

* 131 Loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social.

* 132 Loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation.

* 133 Ou les deux organisations syndicales ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections professionnelles lorsque deux administrateurs doivent être désignés.

* 134 Art. 9.

* 135 « Bilan de la loi de sécurisation de l'emploi au 3 avril 2015 », disponible sur : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/CONFERENCE_THEMATIQUE_DU_3_AVRIL_2015_-_Bilan_de_la_loi_de_securisation_de_l_emploi.pdf

* 136 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 137 Art. 11, II.

* 138 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 139 Art. L. 2141-5.

* 140 Art. L. 6112-4.

* 141 Art. L. 2141-5-1.

* 142 Soit la CFDT, la CFE-CGC, la CGT et l'UDPA-Unsa.

* 143 Art. 7 de l'accord-cadre sur le droit syndical au sein du groupe Axa en France du 16 juin 2016.

* 144 Art. 8 de ce même accord.

* 145 Raphaël Hadas-Lebel, « Pour un dialogue social efficace et légitime : représentativité et financement des organisations professionnelles et syndicales », rapport au Premier ministre, mai 2006, p. 119.

* 146 Rapport de la commission pour la libération de la croissance française, sous la présidence de Jacques Attali, janvier 2008, décision 117, p. 108.

* 147 Medef, CPME (ex-CGPME), GCT, CFDT.

* 148 « Reconstruire le dialogue social », Institut Montaigne, juin 2011.

* 149 « La syndicalisation en France : paradoxes, enjeux et perspectives », Lettre Trésor-éco n° 129, mai 2014.

* 150 « Le fait syndical en entreprise : une feuille de route réformiste pour les années qui viennent », Terra Nova, CFDT, Unsa, avril 2017.

* 151 p. 28.

* 152 Dont la liste est définie par l'arrêté du 19 janvier 2017 fixant la liste des organismes dont les stages ou sessions sont consacrés à la formation économique, sociale et syndicale ; NOR : ETST1701898A.

* 153 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée, art. 33.

* 154 Source : « Les représentants du personnel : quelles ressources pour quelles actions ? », Dares Analyses n° 84, novembre 2014.

* 155 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 156 p. 29.

* 157 Thomas Breda, « Les délégués syndicaux sont-ils discriminés ? », Revue économique 2014/6 (Vol. 65), pp. 841-880.

* 158 Jérôme Bourdieu et Thomas Breda, « Des délégués syndicaux sous-payés : une situation de discrimination stratégique ? », Travail et Emploi, 145, janvier-mars 2016.

* 159 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 160 Art. L. 2141-5-1.

* 161 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 162 Luc Bérille, Jean-François Pillard, « Le développement de la culture du dialogue social en France », avis n° 2016-04, Conseil économique, social et environnemental, 24 mai 2016.

* 163 Lionel Marie, Jean-François Pillard, « Repérer, prévenir et lutter contre les discriminations syndicales », avis n° 2017-18, Conseil économique, social et environnemental, 13 juillet 2017.

* 164 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée, art. 1.

* 165 Dont la dernière édition s'est déroulée entre le 30 décembre 2016 et le 13 janvier 2017.

* 166 Source : Circulaire N° DGT/RT2/2017/191 du 1 er juin 2017 relative aux modalités de mise en place et de fonctionnement des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les salariés et les employeurs des entreprises de moins de 11 salariés.

* 167 Arrêté du 1 er juin 2017 portant attribution des sièges de membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour le mandat 2017-2021 ; NOR : MTRT1716360A.

* 168 CGT, FO, CFE-CGC, CFDT, CFTC, Unsa, Confédération générale du travail de la Guadeloupe, Union générale des travailleurs de Guadeloupe, Centrale démocratique martiniquaise des travailleurs, Centrale syndicale des travailleurs martiniquais, Union des travailleurs guyanais, Union régionale 974, Syndicat des travailleurs corses.

* 169 Medef, CPME, U2P.

* 170 p. 34.

* 171 Loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise.

* 172 Loi n° 86-1 du 3 janvier 1986 relative au droit d'expression des salariés et portant modification du code du travail.

* 173 Jean Chérioux, rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux libertés des travailleurs dans l'entreprise, n° 470 (1981-1982), 13 juillet 1982, p. 49.

* 174 p. 31.

* 175 Art. L. 2281-1 et L. 2282-2.

* 176 Art. L. 2283-1.

* 177 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 178 p. 34.

* 179 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 180 Cette organisation n'est aujourd'hui plus représentative au sein de l'entreprise et ne peut donc plus en bénéficier.

* 181 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 182 Art. L. 5143-1 du code du travail.

* 183 p 55.

* 184 Art. L. 1234-9 du code du travail.

* 185 Art. L. 1235-5, 2°, du code du travail.

* 186 p. 36.

* 187 Idem.

* 188 p. 37.

* 189 Amendement n° 743 rectifié.

* 190 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 191 https://www.senat.fr/seances/s201505/s20150507/s20150507014.html .

* 192 Idem.

* 193 L'amendement du Gouvernement SPE701 a été modifié par huit sous-amendements (SPE708, SPE703, SPE702, SPE704, SPE705, SPE706, SPE709 et SPE710).

* 194 L'article supprimait en effet le 2° de l'article L. 1235-5 du code du travail.

* 195 Art. L. 1451-1 du code du travail.

* 196 L'article L. 1132-1 du code du travail définit un grand nombre de cas de discriminations illégales, comme les sanctions subies par un salarié en raison de son origine, de de son sexe, de ses moeurs, ou de ses activités syndicales.

* 197 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, considérant n° 151.

* 198 Décision précitée, considérant n° 152.

* 199 Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés.

* 200 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 201 Décret n° 2013-721 du 2 août 2013 portant fixation du montant du barème de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 1235-1 du code du travail.

* 202 Décret n° 2016-1582 du 23 novembre 2016 modifiant le barème de l'indemnité forfaitaire de conciliation fixé à l'article D. 1235-21 du code du travail.

* 203 Décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016 portant fixation du référentiel indicatif d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-1 du code du travail.

* 204 Art. L. 1232-2 du code du travail.

* 205 Art. L. 1232-6 du même code.

* 206 p. 39.

* 207 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée, art. 21.

* 208 Prévu à l'article R. 1455-1 du code du travail, le référé est une procédure d'urgence faisant intervenir une formation restreinte composée d'un conseiller prud'homme salarié et un conseiller prud'homme employeur.

* 209 Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, rapport n° 661 (2015-2016) de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 1 er juin 2016, p. 472.

* 210 Circulaire d'application DE/DRT, n° 92/26 du 29 décembre 1992, BO travail, 5 juin 1993, p. 15.

* 211 Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-46.540, Bull. civ. V, n° 309.

* 212 Précis Dalloz de droit du travail 2008, Pélissier, Supiot et Jeammaud, n° 428.

* 213 p. 41.

* 214 Cette obligation concerne également les entreprises qui emploient au moins mille salariés dans les États membres de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen et qui comporte au moins un établissement employant au moins cent cinquante salariés en France.

* 215 Prévu aux articles L. 1233-77 à L. 1233-83 du code du travail, ce congé a pour objet de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d'accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail, au sein de l'entreprise ou dans d'autres sociétés. Pendant le congé de mobilité, le salarié perçoit son salaire habituel. Si le congé de mobilité dure plus longtemps que le préavis, la rémunération versée est fixée par accord collectif et s'élève au minimum à 65% de la rémunération brute moyenne des 12 derniers mois, sans être inférieure à 85% du Smic.

* 216 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 217 Etude d'impact au projet de loi «Travail», p. 264 : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/pl3600-ei.pdf.

* 218 Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, séance du jeudi 17 mars 2016, NOR : ETSX1604461L, point 26.

* 219 Idem.

* 220 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi précitée, art. 20, I.

* 221 Art. L. 1233-7 du code du travail.

* 222 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

* 223 Selon l'Insee, une zone d'emploi est un « espace géographique à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l'essentiel de la main d'oeuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ». Leur élaboration découle des données de flux de déplacements domicile-travail collectées lors des recensements de la population.

* 224 p. 44.

* 225 Décret n° 2015-1638 du 10 décembre 2015 relatif à la procédure de reclassement interne hors du territoire national en cas de licenciements pour motif économique.

* 226 Etude d'impact, p. 43.

* 227 Art. L. 1233-26 du code du travail. Un autre exemple de prévention des contournements de la législation des PSE est mentionné à l'article L. 1233-27 du code du travail.

* 228 Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, article 4, paragraphe 1.

* 229 p. 45.

* 230 Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail.

* 231 Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives.

* 232 Seules quelques différences mineures existent dans les conditions de recours à ces deux contrats. Contrairement au CDD à objet défini, un CTT ne peut pas être conclu sans terme fixe avec des ingénieurs et des cadres pour réaliser une mission dont la date de fin est inconnue. En outre, le recrutement d'un salarié intérimaire rencontrant des difficultés sociales et professionnelels peut être autorisé par un accord de branche étendu, alors que cette possibilité n'existe pas pour les CDD. De même, un accord de branche étendu peut autoriser un employeur à conclure un CTT avec une personne qui souhaite bénéficier d'un complément de formation professionnelle. Enfin, en cas d'accord entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise d'accueil, un CTT peut être conclu pour que le salarié suive une formation en apprentissage.

* 233 Art. L. 1242-5 et L. 1242-6 du code du travail.

* 234 Art. L. 1251-9 et L. 1251-10 du code du travail. Ce dernier article autorise un employeur à embaucher un médecin du travail en CTT, alors que l'article L. 1242-6 n'autorise pas son embauche en CDD.

* 235 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 236 Art. L. 1242-8 du code du travail.

* 237 Art. L. 1251-12 du code du travail.

* 238 Ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017 relative à la prise en compte de l'ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction.

* 239 Les régimes juridiques diffèrent seulement sur un point. En effet, le délai de carence s'applique aux CTT conclus avec des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles ou souhaitant bénéficier d'un complément de formation professionnelle, alors qu'il ne s'applique pas si ces mêmes personnes concluent un CDD.

* 240 p. 58.

* 241 Art. L. 3122-2 du code du travail.

* 242 Art. L. 3122-3 du même code.

* 243 Art. L. 3122-4 du même code.

* 244 Art. L. 3122-5 du même code.

* 245 Cass, crim., 2 septembre 2014, n° 18-83.304.

* 246 Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-24.851.

* 247 p. 58.

* 248 p. 50.

* 249 « L'avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud'homal du XXI e siècle », Alain Lacabarats, rapport à la garde des sceaux, ministre de la justice, juillet 2014, pp. 59-60.

* 250 En application de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

* 251 Art. L. 1423-13 du même code.

* 252 Par l'article 258 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

* 253 Art. L. 1454-1 du même code.

* 254 Art. L. 1454-2 du même code.

* 255 Art. L. 1454-1-1 du même code.

* 256 p. 50.

* 257 Référé de la Cour des comptes sur le régime fiscal et social des indemnités de licenciement et de rupture conventionnelle du contrat de travail, adressé à Madame Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, 11 octobre 2016, Ref : S2016-2876.

* 258 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 259 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 260 L. 1235-16 du code du travail.

* 261 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-742 DC du 22 décembre 2016, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, considérant n° 74.

* 262 Soit le fait de rendre obligatoire les stipulations d'un accord de branche pour tous les salariés et employeurs relevant de ce champ professionnel.

* 263 Soit le fait de rendre obligatoire, dans un secteur d'activité où la carence du dialogue social rend impossible la conclusion d'un accord de branche, les stipulations d'un accord déjà étendu dans une branche présentant des conditions d'emploi analogues.

* 264 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 265 Art. L. 2261-25.

* 266 Conseil d'État, 21 novembre 2008, n° 300135.

* 267 Lois n° 2014-288 du 5 mars 2014 et n° 2016-1088 du 6 août 2016 précitée.

* 268 Art. L. 2261-32, III.

* 269 Conseil d'État, 12 mai 2017, n° 381870.

* 270 Art. L. 2261-17.

* 271 Art. L. 2261-32, II.

* 272 Alors qu'en l'état actuel du droit seul l'élargissement de l'ensemble d'un accord de branche est possible.

* 273 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 précitée.

* 274 C'est-à-dire qui sont présentes et représentatives dans les quatre champs que sont l'industrie, la construction, le commerce et les services.

* 275 Art. L. 2152-3.

* 276 Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, art. 42.

* 277 FNSEA dans l'agriculture, UNAPL pour les professions libérales, Udes pour l'économie sociale et solidaire, Fesac pour le spectacle vivant et enregistré.

* 278 Art. L. 2135-10.

* 279 Art. L. 2135-11.

* 280 Art. D. 2135-30.

* 281 Art. D. 2135-31.

* 282 Art. L. 2135-13 et R. 2135-28.

* 283 Décret n° 2015-87 du 28 janvier 2015 relatif au financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs.

* 284 Notamment sur la répartition des sièges au sein de son conseil d'administration.

* 285 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 précitée.

* 286 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 287 Loi n° 2015-996 du 17 août 2015 précitée.

* 288 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant la justice et l'avenir de notre système de retraites.

* 289 Art. D. 4161-2.

* 290 Travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, travail en milieu hyperbare.

* 291 Et non le 1 er janvier 2016 comme prévu à l'origine, à la suite de la prolongation de ce délai initial par le décret n° 2015-1888 du 30 décembre 2015 relatif à la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité et à la modification de certains facteurs et seuils de pénibilité.

* 292 Rapport Sirugue-Huot-De Virville de mai 2015 sur la simplification et la sécurisation du compte ; rapport Lanouzière sur la définition du travail répétitif comme facteur de pénibilité de septembre 2015.

* 293 Loi n° 2015-996 du 17 août 2015 précitée.

* 294 L'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît par conséquent la libre prestation des services : « les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation ».

* 295 Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.

* 296 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

* 297 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 298 https://www.sipsi.travail.gouv.fr

* 299 p. 68.

* 300 Déclaration d'Emmanuel Macron le 28 mars 2017 lors de la présentation de son programme devant le Medef.

* 301 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 302 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 303 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

* 304 Loi du 13 juillet 1906 établissant le repos hebdomadaire en faveur des employés et des ouvriers.

* 305 Et dont la liste est fixée à l'article R. 3132-5 du code du travail.

* 306 Art. L. 3132-25-3.

* 307 Art. L. 3132-25-4.

* 308 Loi n° 2009-974 du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.

* 309 Art. L. 3132-25.

* 310 Art. L. 3132-25-1.

* 311 En application du IX de l'article 21 de la loi « Travail » n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée, ces accords doivent désormais être conclus par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles et non plus 30 %.

* 312 Amendement n° 2048 ; Assemblée nationale, deuxième séance du samedi 14 février 2015.

* 313 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 314 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 précitée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page