Rapport n° 663 (2016-2017) de M. Alain MILON , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 19 juillet 2017

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N° 663

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , d' habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ,

Par M. Alain MILON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud , vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau , secrétaires ; M. Michel Amiel, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mmes Anne Émery-Dumas, Corinne Féret, MM. Michel Forissier, Jean-Marc Gabouty, Mmes Françoise Gatel, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Évelyne Yonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4 , 18 , 19 et T.A. 2

Sénat :

637 , 642 et 664 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Lors de sa réunion du 19 juillet 2017, la commission des affaires sociales a adopté, en le modifiant, le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Le président Alain Milon (Les Républicains - Vaucluse), rapporteur, a souligné la singularité des conditions d'examen du projet de loi : le Parlement doit se prononcer dans des délais resserrés sur des habilitations touchant à près d'une quarantaine d'aspects de la législation du travail, dont tous ne présentaient pas de caractère d'urgence, alors que les dispositions qu'entend arrêter le Gouvernement par ordonnances demeurent dans l'ensemble encore floues, du fait de la poursuite des concertations avec les partenaires sociaux.

Pour autant, il a approuvé l'orientation générale d'un texte qui vise à libérer les entreprises des contraintes juridiques entravant leur développement au détriment de l'emploi et qui reprend plusieurs propositions défendues par le Sénat ces deux dernières années, telles que la rationalisation des institutions représentatives du personnel, l'harmonisation juridique des accords de flexisécurité, la création du barème obligatoire prud'homal ou la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Sur sa proposition, la commission a adopté 31 amendements destinés à renforcer l'ambition du projet de loi autour de trois objectifs : développer la compétitivité et l'attractivité de l'économie ; tenir compte des spécificités des petites entreprises ; rationaliser notre droit du travail au profit des salariés et des employeurs.

À l'article 1 er , relatif à l'articulation entre accords de branche et accords d'entreprise , la commission a précisé la portée des habilitations demandées par le Gouvernement afin d'ouvrir la possibilité pour les employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs directement avec les représentants du personnel et, en leur absence, directement avec le personnel. Elle a également souhaité permettre à l'employeur d'organiser une consultation des salariés pour valider un accord. Elle a prévu l' obligation, pour les accords de branche, de tenir compte des spécificités des petites entreprises dépourvues de représentants du personnel .

S'agissant du licenciement des salariés refusant l'application d'un accord collectif, dont le Gouvernement souhaite harmoniser le régime juridique, elle a retenu la notion de motif spécifique et elle a écarté l'application des règles du licenciement collectif à ces salariés, tout en souhaitant qu'ils bénéficient d'un dispositif d'accompagnement équivalent au contrat de sécurisation professionnelle. La commission est revenue sur la disposition adoptée par l'Assemblée nationale qui réduisait de 3 ans à 18 mois le délai prévu pour la restructuration des branches . Elle a supprimé l'habilitation demandée par le Gouvernement pour accélérer la généralisation des accords majoritaires .

A l'article 2, relatif à la simplification des institutions représentatives du personnel (IRP), elle a prévu que l'instance unique aurait compétence en matière de négociation des accords d'entreprise , sauf s'il en a été décidé autrement par accord majoritaire. Elle a apporté plusieurs précisions à l'habilitation demandée par le Gouvernement pour prévoir la formation des membres de l'instance unique, limiter à trois le nombre de leurs mandats successifs et soumettre cette instance à des obligations de contrôle des comptes et de mise en concurrence de ses fournisseurs ou des prestataires sollicités pour les expertises.

Elle a supprimé trois des habilitations demandées par le Gouvernement : celle visant à accroître les cas dans lesquels les décisions de l'employeur sont soumises à l'avis conforme des IRP , celle renforçant la représentation des salariés dans les conseils d'administration des grandes entreprises et celle lui permettant de redéfinir le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), qui n'ont été mises en place que le 1 er juillet dernier.

À l'article 3, relatif à la sécurisation juridique des procédures de licenciement , la commission a apporté plusieurs précisions aux habilitations demandées pour permettre à l'employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, pour réduire au moins de moitié les délais de contestation d'un licenciement économique et pour distinguer les obligations de l'employeur en matière de reclassement selon l'origine, professionnelle ou non, de l'inaptitude du salarié. S'agissant des critères d'appréciation des difficultés économiques des entreprises appartenant à un groupe international, elle a retenu un périmètre national , à savoir les entreprises appartenant au même groupe, situées en France et relevant du même secteur d'activité, tout en autorisant le Gouvernement, le cas échéant, à apporter des aménagements à cette règle. Par ailleurs, elle a précisé que les accords de branche fixant les règles d'utilisation du CDI de chantier devraient respecter un cadre fixé par la loi .

Enfin, à l'article 9, relatif au report de la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu , elle a adopté un amendement d'Albéric de Montgolfier (Les Républicains - Eure-et-Loir), rapporteur pour avis de la commission des finances, visant à tester la faisabilité d'un prélèvement mensualisé et contemporain reposant sur l'administration fiscale et consistant en un versement d'acomptes dont le montant pourrait être ajusté par les contribuables en cas de variation de leurs revenus ou de changement de leur situation personnelle.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le 28 juin 2017, le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social a été présenté en Conseil des ministres.

Ce texte traduit la volonté du Président de la République, exprimée au cours de la campagne électorale, de promouvoir une « société du travail » et d'engager une réforme du dialogue social accordant plus de place aux accords d'entreprise pour régler certains aspects des relations du travail, sans remettre en cause les principes fondamentaux prévus par la loi.

Les trois premiers articles du projet de loi traitent des trois thèmes identifiés par « le programme de travail pour rénover notre modèle social », véritable feuille de route que le Gouvernement a communiquée le 6 juin dernier aux partenaires sociaux.

L'article 1 er vise ainsi à revoir l'articulation entre la loi, les accords collectifs et le contrat de travail . La simplification et le renforcement du dialogue social dans les entreprises sont abordés à l'article 2, tandis que l'article 3 tend principalement à sécuriser les procédures de licenciement , notamment celles pour motif économique.

Le projet de loi a pour objet de parachever les évolutions législatives initiées par plusieurs lois emblématiques adoptées depuis 2013, comme la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 1 ( * ) , qui avait autorisé la fusion, par accord majoritaire, des institutions représentatives du personnel dans les entreprises employant plus de 300 salariés, ou la loi « Travail » du 8 août 2016 2 ( * ) , qui a refondu les dispositions relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés en accordant une place centrale à l'accord d'entreprise.

Force est toutefois de constater que l'objet de ce texte dépasse les objectifs fixés par la feuille de route, car d'autres sujets ont été intégrés, qu'il s'agisse de la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), de l'aménagement des règles du détachement de travailleurs ou encore du report d'un an du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, dont le lien même avec l'intitulé du projet de loi est douteux.

Par ailleurs, les thèmes traités dans les trois premiers articles font l'objet d'une myriade de déclinaisons (une quarantaine environ), d'inégale importance, ce qui confère au texte un champ d'application bien plus étendu que celui dessiné par la feuille de route. En sus, plusieurs volets annexes sont venus se greffer à ce noyau.

Ainsi, des aménagements aux règles d'extension et d'élargissement des accords de branche sont prévus par l'article 4, qui traite également des règles de répartition des sommes versées aux organisations syndicales et patronales par le fonds pour le financement du dialogue social.

L'article 5, quant à lui, constitue le socle de la réforme à venir du compte personnel de prévention de la pénibilité, que le Sénat n'a eu de cesse d'appeler de ses voeux, et tend à aménager les règles du détachement pour les travailleurs frontaliers.

L'article 6 permettra au Gouvernement de procéder à la mise en cohérence du code du travail, compte tenu des nombreuses réformes intervenues depuis 2015.

L'article 7 vise pour sa part à proroger d'un an la période transitoire dont disposent certains commerces pour s'adapter à la réforme du zonage dérogatoire au repos dominical.

L'article 8 bis , inséré en séance publique à l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Francis Vercamer et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Constructifs, demande au Gouvernement de réaliser, dans un délai de dix-huit mois, un rapport évaluant les effets des ordonnances prises sur le fondement du présent projet de loi, à l'exception de celle relevant de l'article 9.

Cet article 9 habilite le Gouvernement à reporter d'un an, par ordonnance, la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. C'est pourquoi votre commission a délégué son examen à la commission des finances.

*

* *

Votre rapporteur approuve résolument la volonté du Gouvernement de libérer les entreprises des contraintes juridiques qui entravent leur développement au détriment de l'emploi. Les réformes structurelles dont a besoin notre pays, depuis trop longtemps différées, doivent être menées pour lutter contre le chômage, relancer l'économie et restaurer la place de notre pays en Europe.

Votre rapporteur constate avec satisfaction que le projet de loi retient un très grand nombre des propositions défendues par le Sénat depuis 2015 , et qui à l'époque n'avaient pas eu l'heur de rencontrer un accueil favorable du Gouvernement : rationalisation des institutions représentatives du personnel, harmonisation juridique des régimes des accords de « flexisécurité » 3 ( * ) , simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité, création d'un référentiel obligatoire pour fixer les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, obligation pour les accords de branche étendus de prévoir des mesures spécifiques pour les petites entreprises, etc. Par ailleurs, en abordant simultanément plusieurs thèmes structurants du code du travail, il donne le sentiment d'une approche globale et cohérente, qui a souvent manqué lors des précédentes réformes.

Votre rapporteur souhaite toutefois formuler quatre observations.

En premier lieu, la méthode retenue par le Gouvernement lors de l'élaboration et de l'examen du texte rend malaisé le travail des parlementaires, auxquels il est demandé d'accorder une habilitation au Gouvernement sans que celui-ci ait fait connaître précisément en amont toutes ses intentions. Le Gouvernement prendra en effet ses ordonnances à la lumière du résultat des concertations menées depuis le début du mois de juin avec les partenaires sociaux. Si les concertations bilatérales portant sur les thèmes traités par les deux premiers articles sont désormais achevées, celles portant sur la sécurisation des licenciements sont prévues du 10 au 21 juillet 2017. La ministre du travail a en outre indiqué que d'ultimes concertations auront lieu postérieurement à l'adoption de la loi d'habilitation, jusqu'à la publication des ordonnances. Par conséquent, jusqu'à cette date, certaines dispositions pourront évoluer à la suite des observations des partenaires sociaux.

Or, le Conseil constitutionnel exige que les lois d'habilitation soient précises, afin de respecter les prérogatives du Parlement, sous peine d'encourir une censure. Dans une décision du 26 janvier 2017 4 ( * ) , le Conseil constitutionnel a en effet rappelé qu'« aux termes du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution : "Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi". Cette disposition fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention ». Il a alors déclaré contraire à la Constitution, pour la première fois, une habilitation jugée trop floue. Le commentaire de cette décision par le Conseil constitutionnel indique que l'habilitation doit permettre de connaître les « lignes directrices » des mesures susceptibles d'être prises par ordonnance, le Parlement, tout comme le Conseil constitutionnel, devant être « éclairés » sur son contenu, surtout si une liberté constitutionnelle est en jeu 5 ( * ) . Pour autant, cette décision ne saurait obliger le Gouvernement à faire connaître au Parlement, lors de l'examen du projet de loi d'habilitation, la teneur des ordonnances qu'il prendra.

Votre rapporteur considère que le recours aux ordonnances, s'il est prévu par la Constitution, ne permet pas en l'espèce la tenue d'un débat satisfaisant au Parlement , compte tenu notamment de l'ampleur des thèmes traités et du nombre élevé d'options laissées en suspens par la formulation des habilitations. Les ordonnances entreront en vigueur dès leur publication, et ne seront caduques que si le Gouvernement ne dépose pas les projets de loi de ratification dans le délai fixé par la loi d'habilitation, tandis que la Constitution n'oblige pas le Gouvernement à inscrire ces projets de loi à l'ordre du jour des assemblées. Ainsi, en raison de l'encombrement de celui-ci, un grand nombre d'ordonnances ne sont jamais ratifiées mais demeurent applicables en raison du dépôt des projets de loi de ratification dans les délais prévus par les lois d'habilitation 6 ( * ) . Par ailleurs, pendant la durée d'une habilitation, le Gouvernement peut déclarer irrecevables les amendements parlementaires ou les propositions de loi portant sur des thèmes couverts par ladite habilitation, ce qui limite là encore les prérogatives du Parlement.

Au final, l'articulation entre démocratie parlementaire et démocratie sociale apparaît perfectible. Certes, votre rapporteur considère, à l'instar du Conseil d'Etat dans son avis sur le projet de loi 7 ( * ) , que la lettre de l'article L. 1 du code du travail 8 ( * ) n'a pas été méconnue par le Gouvernement. Mais le choix d'organiser uniquement six rencontres bilatérales par organisation représentative au niveau national et interprofessionnel d'ici la publication des ordonnances, l'absence de réunions multilatérales, et surtout le calendrier très serré retenu par le Gouvernement alors que les discussions portent sur de très nombreux sujets techniques, risquent de provoquer in fine des tensions chez les partenaires sociaux et l'adoption de dispositions inadaptées. La méthode retenue par le Gouvernement n'a pas de précédent depuis l'adoption en 2007 de l'article L. 1 du code du travail à l'initiative du Président Gérard Larcher 9 ( * ) , alors ministre du travail. Le Gouvernement semble donner la priorité aux partenaires sociaux au détriment du Parlement, d'autant que les délais extrêmement contraints d'examen du texte qui lui sont imposés ne lui permettent pas d'exercer sereinement ses missions.

En deuxième lieu, le Gouvernement semble placer sur le même plan toutes les ordonnances, sans hiérarchisation ni priorisation. Toutes doivent être prises dans un délai de six mois après la publication de la loi d'habilitation, tandis que les projets de loi de ratification devront être déposés au Parlement au plus tard trois mois après leur adoption. Le Conseil d'Etat a attiré avec raison l'attention du Gouvernement sur les conséquences d'un tel choix, en termes de « hiérarchie des priorités, de calendrier et de temps nécessaire à la préparation de ces différentes réformes ».

Votre rapporteur considère que les réformes mentionnées dans le projet de loi d'habilitation peuvent être regroupés en quatre blocs, selon leur caractère structurel et leur urgence.

Le premier bloc concerne les réformes structurelles et urgentes pour restaurer la compétitivité des entreprises et créer un « choc de confiance » auprès des entrepreneurs et des investisseurs. Relèvent de cette catégorie la création d'un référentiel obligatoire pour les indemnités prud'homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la réforme des règles du licenciement économique, ou encore la simplification du C3P.

Le deuxième bloc regroupe les réformes structurelles qui ne nécessitent pas une adoption en urgence. Il en va ainsi de la nouvelle articulation entre les accords de branche et les accords d'entreprise, qui nécessiterait quatre années de préparation selon le rapport Combrexelle 10 ( * ) , voire de la fusion des IRP, compte tenu des nombreuses difficultés techniques qu'elle entraîne.

Le troisième bloc regroupe les mesures de portée limitée mais urgentes, comme celle prévue à l'article 7 du projet de loi, qui vise à proroger une période transitoire afin de sécuriser le recours au travail dominical.

Le dernier bloc rassemble les mesures plus techniques et non urgentes, comme le renforcement de la place des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance des grandes sociétés, la promotion du télétravail ou encore le renforcement de l'accès au droit du travail sur des portails internet dédiés.

Il découle de cette analyse que les mesures des premier et troisième blocs avaient plutôt vocation à être traitées dans un projet de loi ordinaire, examiné dans des délais rapides par le Parlement. Le recours à des ordonnances est pleinement justifié pour les réformes du deuxième bloc, à condition de prévoir un temps de réflexion suffisant pour les services du ministère et les partenaires sociaux. Quant aux mesures relevant du dernier bloc, elles avaient par définition plutôt leur place dans un projet de loi ordinaire examiné plus tardivement dans la législature. Afin de ne pas multiplier les véhicules législatifs, le Gouvernement a toutefois décidé de privilégier la voie des ordonnances, alors même que le Président de la République, devant le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet dernier, déclarait qu'il fallait « du temps pour penser la loi », « du temps pour la concevoir, la discuter et la voter » 11 ( * ) . Votre rapporteur prend acte de ce choix et de ce pari, dont la réussite ou l'échec seront appréciés à l'aune des ordonnances publiées d'ici la fin d'année.

En troisième lieu, le Gouvernement envisage de modifier certains dispositifs récents qui n'ont pas encore donné lieu à une quelconque évaluation. L'audition des organisations syndicales devant votre commission mercredi 12 juillet 2017 a montré les méfaits de l'inflation législative en matière de droit du travail. Le Conseil d'Etat, dans son avis précité, a souligné le risque de « cercle vicieux » qui existe entre l'inflation législative et la multiplication des jurisprudences des juges judiciaire et administratif. Il attire en effet l'attention du Gouvernement sur le fait que « cette succession rapide de jurisprudences, de normes législatives elles-mêmes potentiellement suivies de nouvelles décisions de justice, qui correspond à une pratique de plus en plus fréquente, est un facteur d'inflation législative et d'instabilité du droit du travail » 12 ( * ) .

Les auditions menées par votre rapporteur ont montré que les employeurs comme les salariés n'étaient pas en mesure de s'approprier les dernières évolutions du droit du travail, qui ont connu un net emballement depuis 2013. Plusieurs dispositifs, comme la restructuration du paysage conventionnel, ont déjà été modifiés deux ou trois fois depuis 2015. Or les entreprises ont besoin de normes stables, surtout en droit social.

En dernier lieu, le projet de loi n'aborde pas des sujets auxquels le Sénat est très attaché. A titre d'illustration, lors de l'examen du projet de loi « Travail » 13 ( * ) , notre assemblée avait substitué à la durée légale hebdomadaire du travail une durée de référence dont la fixation devait relever d'un accord d'entreprise, dans le respect de l'ordre public fixé au niveau européen. Elle avait en outre relevé de onze à vingt salariés le seuil au-delà duquel l'élection des délégués du personnel était obligatoire. Par ailleurs, lors de l'examen de cette loi, le Sénat avait souhaité supprimer le plafond hebdomadaire de 24 heures de travail pour les salariés à temps partiel. Inversement, le projet de loi vise parfois à renforcer des dispositifs auxquels le Sénat s'est opposé, comme les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), dont l'utilité n'est pas avérée.

*

* *

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a adopté trente et un amendements pour mieux encadrer l'action du Gouvernement lors de la rédaction des ordonnances. Elle n'a pas souhaité revenir sur la plupart des modifications apportées par l'Assemblée nationale au projet de loi, dont la portée était limitée.

Sans remettre en cause la philosophie du texte, les amendements de votre rapporteur ont visé à préciser la portée de l'habilitation et à lui donner toute son ambition, dans la continuité des travaux du Sénat depuis 2015.

Réunie le mercredi 19 juillet 2017 sous la présidence de Gérard Dériot, vice-président, la commission a adopté le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social dans la rédaction issue de ses travaux.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Habilitation du Gouvernement à prendre diverses ordonnances pour renforcer la place de l'accord d'entreprise

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à prendre plusieurs ordonnances pour renforcer la portée des accords d'entreprise dans le code du travail, pour faciliter la négociation collective dans les branches et pour supprimer le rôle de la commission de refondation prévue par la loi « Travail ».

I - Le dispositif proposé

L'article 1 er autorise le Gouvernement à prendre une ou plusieurs ordonnances, qui devront être publiées au plus tard six mois à compter de la promulgation de la loi, pour répondre au triple objectif suivant :

- reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective, notamment d'entreprise, dans le champ des relations individuelles et collectives de travail applicables aux salariés de droit privé ;

- favoriser les conditions de mise en oeuvre de la négociation collective ;

- supprimer en conséquence la commission de refondation du code du travail mentionné à l'article 1 er de la loi « Travail » 14 ( * ) .

Pour mémoire, en application de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si leur projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

A. La place centrale des accords d'entreprise

1. Le droit en vigueur

Soucieux de renforcer la place de la négociation collective dans le code du travail, le rapport de Jean-Denis Combrexelle 15 ( * ) publié en septembre 2015 avait plaidé pour une refonte de son architecture structurée autour de trois volets :

- les principes fondamentaux du droit du travail qui relèvent strictement du champ de l'article 34 de la Constitution ainsi que les normes de transposition du droit communautaire (ces principes et normes présentant un caractère impératif car relevant de l'ordre public) ;

- les champs ouverts à la négociation avec le minimum d'encadrement législatif qu'exige la Constitution ;

- les dispositions supplétives qui s'appliqueraient en l'absence d'accord collectif.

Une telle refonte du code du travail implique un travail de longue haleine compte tenu de la complexité des règles actuelles et de leur grand nombre : « l'élaboration d'une nouvelle architecture du code suppose d'abord un travail technique préalable, ensuite des arbitrages politiques au niveau du Gouvernement, avec une concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre des instances prévues à cet effet et, enfin, un travail parlementaire dont on doit mesurer l'ampleur », si bien que le rapport envisageait une durée globale maximale de quatre ans pour mener ce chantier à son terme , en y intégrant le vote des mesures législatives nécessaires. Le rapport Combrexelle invitait en particulier le législateur à se concentrer sur les accords portant sur les conditions et le temps de travail, l'emploi et les salaires (ACTES).

A la suite de ce rapport, l'article 1 er de la loi « Travail » du 8 août 2016 précitée a prévu la création d'une commission d'experts et de praticiens des relations sociales chargée de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.

Cette refondation était censée attribuer une place centrale à la négociation collective, en élargissant ses domaines de compétence et son champ d'action, tandis que les dispositions supplétives applicables en l'absence d'accord collectif devaient reprendre des règles de droit positif, sauf pour les simplifier.

Sans attendre la mise en place de cette commission, les articles 8 et 9 de la loi « Travail » ont totalement réécrit les dispositions relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés selon le triptyque ordre public social/négociation collective (en donnant la primauté aux accords d'entreprise sur les accords de branche)/ disposition supplétives en l'absence d'accord.

Si la loi « Travail » a fixé au 8 août 2018 l'échéance des travaux de la commission de refondation , elle était en revanche restée muette sur sa date de mise en place. Or celle-ci n'a toujours pas été désignée, presqu'un an après le vote de la loi.

Sur saisine du Premier ministre en date du 1 er mars dernier, France Stratégie avait pourtant remis un rapport au Gouvernement fin avril présentant différents scénarios sur le calendrier et le séquençage des travaux de la commission de refondation, en proposant notamment de commencer par la santé et la sécurité au travail, l'emploi et la formation professionnelle, avant d'aborder les relations collectives et individuelles du travail et les salaires, pour terminer avec les dispositions particulières à certaines professions et activités et le contrôle de l'application de la législation du travail 16 ( * ) .

L' articulation entre les accords de branche et les accords d'entreprise a considérablement évolué ces dernières années 17 ( * ) . Avant 1982, les accords d'entreprise ne pouvaient déroger aux stipulations d'un accord de branche, sauf pour prévoir des dispositions plus favorables pour les salariés (principe de faveur). La hiérarchie des normes ne connaissait aucune dérogation : un accord de branche, qui ne pouvait déroger à la loi, s'imposait à un accord d'entreprise.

Il y a trente-cinq ans, le code du travail a pour la première fois autorisé un accord de branche à déroger à la loi, dans les limites fixées par le législateur. L'ordonnance du 16 janvier 1982 18 ( * ) a en effet autorisé l'accord de branche à déroger à la loi dans un sens moins favorable aux salariés en matière de contingent annuel d'heures supplémentaires. Mais c'est surtout la loi du 4 mai 2004 19 ( * ) qui a tenté de donner plus de place aux accords d'entreprise, ceux-ci s'imposant directement dans l'entreprise, sauf dans quatre domaines réservés par la loi aux accords de branches (salaires minima, classifications, prévoyance et mutualisation des fonds de la formation professionnelle) et dans ceux sur lesquels les partenaires sociaux de la branche souhaitent conserver la primauté en les « verrouillant ». Enfin, l'an dernier, la loi « Travail » a donné la primauté à l'accord d'entreprise pour fixer la plupart des règles en matière de durée du travail, de congés et de repos, dans le respect des dispositions d'ordre public.

L' articulation entre la loi et la négociation collective est actuellement complexe , y compris pour les spécialistes du droit du travail. Elle peut être résumée en cinq règles.

La première règle est que seule la loi peut définir les règles d' ordre public absolu , ainsi que les règles en droit pénal (infractions aux dispositions en matière d'hygiène et sécurité par exemple), droit administratif (sanction en cas de défaut de déclaration préalable de détachement) ou d' organisation des institutions (organisation des conseils de prud'hommes).

La deuxième règle fixe les thèmes relevant exclusivement d'un accord de branche et sur lesquels un accord d'entreprise ne peut pas intervenir : salaires minima, classifications, garanties collectives en matière de protection complémentaire, mutualisation des fonds de la formation professionnelle depuis la loi du 4 mai 2004 et, depuis la loi « Travail », prévention de la pénibilité et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

La troisième règle autorise les partenaires sociaux de la branche à interdire aux accords d'entreprise d'intervenir sur des sujets « verrouillés » qu'ils estiment devoir relever exclusivement de la négociation au niveau de la branche professionnelle. La liste de ces sujets est aujourd'hui ouverte et non limitée par la loi. L'article 45 de la loi précitée du 4 mai 2004 disposant que « la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l'entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs », il en a résulté que les accords de branche conclus avant le 4 mai 2004 primaient systématiquement sur les accords d'entreprise.

La quatrième règle autorise les signataires d'un accord d'entreprise à modifier une stipulation d'un accord de branche qui ne porte pas sur l'un des thèmes abordés dans les trois premières règles. Un accord d'entreprise ou d'établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels, voire comporter des stipulations nouvelles ou plus favorables aux salariés 20 ( * ) . Toutefois, si un accord de branche est conclu postérieurement à un accord d'entreprise ou d'établissement, ce dernier doit être révisé afin de se conformer à ses stipulations 21 ( * ) .

Enfin, la cinquième règle , issue notamment des articles 8 et 9 de la loi « Travail » sur la durée du travail, les congés et le repos, confère une primauté à l'accord d'entreprise même en présence d'un accord de branche dans ces matières. En l'absence d'accord d'entreprise, ce sont les stipulations de l'accord de branche qui s'appliquent. En l'absence d'accord de branche ou d'entreprise, ce sont les dispositions supplétives fixées par la loi qui s'appliquent.

Le schéma en annexe 1 présente de manière synthétique ces cinq règles.

C'est cette dernière règle, dénoncée par les opposants à la loi « Travail », qui a été qualifiée « d'inversion de la hiérarchie des normes ». Cette qualification apparaît toutefois erronée car il revient toujours au seul législateur de distribuer les compétences et les pouvoirs entre les différents niveaux de la négociation collective. Il lui est loisible d'accorder une plus grande place à l'accord d'entreprise dans certains domaines, dans la mesure où la loi définit par ailleurs l'ordre public absolu auquel nul ne peut déroger, et les dispositions supplétives applicables en cas d'absence d'accord collectif.

2. Les objectifs du Gouvernement

Le projet de loi vise à modifier les relations entre les accords de branche et les accords d'entreprise, en redéfinissant les domaines dans lesquels seuls les accords de branche peuvent intervenir (interdiction absolue posée par la loi), ceux dans lesquels un accord de branche peut interdire aux accords d'entreprise d'empiéter (interdiction posée par l'accord de branche), ceux enfin dans lesquels un accord d'entreprise prime sur un accord de branche.

Le texte ne fournit pas d'indications précises sur les modifications envisagées par le Gouvernement.

Reprenant la formulation retenue à l'article L. 1 du code du travail, le projet de loi ne vise que les relations individuelles et collectives du travail, définies dans les deux premiers livres du code du travail, ainsi que les dispositions relatives à l'emploi et à la formation professionnelle, alors que le Gouvernement semblait initialement vouloir aborder les thèmes de la rémunération et des conditions de travail , reprenant ainsi les préconisations du rapport Combrexelle.

Le bilan et les orientations du ministère du travail à la suite du premier cycle de rencontres bilatérales, rendus publics le 28 juin , permettent d'identifier des pistes d'évolution plus précises.

Les négociations collectives de branche et d'entreprise seraient réparties en trois blocs .

Le premier regrouperait les domaines dans lesquels les accords de branche primeraient de manière impérative sur les accords d'entreprise :

- les minimas conventionnels ;

- les classifications ;

- la mutualisation des financements paritaires (seraient ainsi concernés les fonds de financement du paritarisme, ceux de la formation professionnelle ainsi que les fonds de prévoyance, les complémentaires santé et les compléments d'indemnités journalières) ;

- l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- la gestion et qualité de l'emploi (durée minimale hebdomadaire du travail à temps partiel et compléments d'heure, règles des CDD et des contrats d'intérim, conditions de recours au contrat de chantier). Ce dernier domaine, nouveau, est défendu par la CFDT, comme l'a indiqué Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe, lors de son audition le 12 juillet dernier devant votre commission 22 ( * ) .

Le deuxième bloc rassemblerait les domaines que les signataires d'un accord de branche pourraient décider de faire primer sur les accords d'entreprise :

- la prévention des risques professionnels et la pénibilité (ce domaine quitterait donc le premier bloc pour devenir seulement facultatif au niveau de la branche) ;

- le handicap ;

- les conditions et moyens d'exercice d'un mandat syndical, la reconnaissance des compétences acquises et les évolutions de carrière.

Enfin, le dernier bloc regrouperait tous les autres domaines non visés par les deux premiers blocs. L'accord d'entreprise primerait sur l'accord de branche dans ces domaines, tandis que ce dernier s'appliquerait en l'absence du premier.

B. La prise en compte des spécificités des petites entreprises

Contrairement à l'avant-projet de loi, le présent projet de loi prévoit qu'une ordonnance devra définir les critères et les conditions dans lesquels l' accord de branche peut prévoir que certaines de ses stipulations, dans des domaines limitativement énumérés, sont adaptées ou ne sont pas appliquées dans les petites entreprises couvertes par un accord de branche.

Pour mémoire, l'article 63 de la loi « Travail » précitée a créé des accords types au niveau de la branche à destination des petites entreprises. En effet, un accord de branche étendu peut désormais comporter, le cas échéant sous forme d'accord type indiquant les différents choix laissés à l'employeur, des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés 23 ( * ) . Ces stipulations spécifiques peuvent concerner l'ensemble des négociations prévues par le code du travail. L'employeur peut appliquer cet accord type au moyen d'un document unilatéral indiquant les choix qu'il a retenus après information des délégués du personnel, s'il en existe dans l'entreprise, ainsi que les salariés, par tous moyens.

Ces dispositions s'inspirent des mesures relatives à l'épargne salariale, sur lesquelles les partenaires sociaux au niveau de la branche sont invités par la loi à négocier 24 ( * ) .

Le Gouvernement envisage de conditionner l'extension des accords de branche à la présence de dispositions spécifiques pour les TPE, ou de stipulations les autorisant à ne pas appliquer certaines normes.

C. Harmonisation juridique et simplification du recours aux accords de flexisécurité

Face aux mutations incessantes de leur environnement économique, les entreprises ont besoin d'outils pour adapter leur organisation du travail, sans méconnaître les droits fondamentaux des salariés. C'est pourquoi le code du travail a multiplié ces dernières années les accords de flexisécurité, comme les accords de mobilité interne (AMI) 25 ( * ) et les accords de maintien de l'emploi (AME) 26 ( * ) , tous deux créés par la loi du 14 juin 2013 27 ( * ) , les accords d'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, ainsi que les accords de préservation et de développement de l'emploi 28 ( * ) (APDE) institués par la loi « Travail » 29 ( * ) . Les accords de réduction du temps du travail dits « Aubry » 30 ( * ) peuvent indirectement être rattachés à la catégorie des accords de flexisécurité, dans la mesure où ils s'imposent aux contrats de travail.

Les accords de flexisécurité, qui ont rencontré un succès variable voire, pour certains d'entre eux, un désintérêt manifeste des partenaires sociaux, se sont heurtés à plusieurs difficultés en raison notamment d'un manque d'harmonisation dans leurs motifs de recours , et dans les règles à suivre en cas de refus d'un salarié de les appliquer .

S'agissant des conditions de recours, les règles sont effectivement très hétérogènes. Ainsi, la signature d'un AME est conditionnée à l'établissement d'un diagnostic partagé sur les graves difficultés conjoncturelles auxquelles est confrontée l'entreprise. Un tel diagnostic est également requis pour conclure un APDE, sans nécessité toutefois de prouver l'existence de difficultés conjoncturelles. En revanche, la conclusion d'un AMI ou d'un accord de réduction du temps de travail ne nécessite pas l'établissement préalable d'un diagnostic partagé.

Le Gouvernement exprime également son souhait de clarifier les règles de rupture du contrat de travail pour les salariés qui refusent l'application d'un accord collectif, en particulier s'il s'agit d'un accord de flexisécurité.

Il convient au préalable de rappeler que le code du travail accorde la primauté au contrat de travail par rapport aux accords collectifs , quel que soit le niveau auquel ils ont été conclus. Son article L. 2254-1 pose en effet comme principe que si un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables. Un salarié pourra refuser l'application d'un accord collectif s'il s'appuie sur des clauses spécifiques de son contrat de travail. Les dispositions plus favorables prévues dans l'accord collectif ou une convention se substituent immédiatement aux dispositions du contrat de travail, mais l'accord collectif ne peut modifier les droits des salariés qu'ils tiennent de leur contrat de travail sans leur accord.

C'est pourquoi le législateur a prévu des règles spécifiques pour faire prévaloir certains accords collectifs poursuivant un objectif de flexisécurité sur le contrat de travail, même si celui-ci comprend des clauses expresses contraires à ces accords, en prévoyant qu'un refus du salarié peut entraîner un licenciement pour motif économique ou spécifique selon la nature de l'accord.

Le projet de loi renvoie à l'ordonnance le soin d' harmoniser le régime juridique des ruptures des contrats de travail en cas de refus d'appliquer un accord de flexisécurité, sans préciser toutefois si la nouvelle norme sera le licenciement pour motif personnel, économique ou spécifique. Le bilan du ministère du travail à la suite du premier cycle de rencontres bilatérales indique toutefois que « la rupture du contrat de travail pourrait être un licenciement sui generis, impliquant le versement de l'ensemble des indemnités légales et conventionnelles, et renforcé par l'abondement du compte personnel de formation par l'employeur ».

Pour mémoire, un salarié n'est pas fondé à s'opposer à l'application d'un accord de réduction du temps de travail ou à une modulation de son temps de travail sur une période supérieure à la semaine, car la loi prévoit que ces accords n'entraînent pas une modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur.

En cas de refus du salarié d'appliquer un AMI ou un AME , la loi prévoit que le licenciement repose sur un motif économique et qu'il est prononcé selon la procédure d'un licenciement individuel (cette disposition a pour effet d'éviter la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi si plus de dix salariés sont licenciés, sur une période de trente jours, à la suite du refus de l'application d'un de ces accords dans une entreprise employant plus de cinquante salariés).

En cas de refus d'un salarié d'appliquer un APDE , celui-ci encourt le risque d'un licenciement sui generis , qui ne repose donc pas sur un motif économique ou personnel. La procédure de licenciement est spécifique et précisée directement par le code du travail, en s'inspirant largement de celle applicable au licenciement individuel pour motif économique.

En outre, les mesures d'accompagnement diffèrent selon le type d'accord de flexisécurité : pour les AME, ce sont les règles de droit commun qui s'appliquent en fonction de la taille de l'entreprise : contrat de sécurisation professionnelle (CSP) dans les entreprises de moins de mille salariés, congé de reclassement au-delà de ce seuil. En revanche, un dispositif ad hoc , le parcours d'accompagnement personnalisé (PAP), applicable quelle que soit la taille de l'entreprise, a été créé par le législateur pour les APDE, en s'inspirant très largement du CSP.

Le tableau ci-dessous expose les principales différences entre ces cinq types d'accords en matière de licenciement et d'accompagnement du salarié.

Les accords collectifs de flexisécurité et la rupture du contrat de travail : des dispositions hétérogènes

Types d'accord

Motifs du licenciement en cas de refus du salarié d'appliquer l'accord

Mesures d'accompagnement

Remarques

Accord
de réduction
du temps
de travail
(art. L. 1222-8
du code du travail)

Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail résultant de l'application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement ne repose pas sur un motif économique.

Il est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel.

Il s'agit donc de facto d'un licenciement pour motif spécifique , même si la loi n'utilise pas cette expression.

Aucune mesure d'accom-pagnement spécifique n'est prévue.

L'article L. 1222-7 dispose que la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail ne constitue pas une modification du contrat de travail.

Par conséquent, un salarié ne pouvant refuser une simple modification de ses conditions de travail, il s'expose à un licenciement pour motif spécifique.

Accord
de mobilité interne

(art. L. 2242-19
du code du travail)

Le licenciement repose sur un motif économique , il est prononcé selon les modalités d'un licen-ciement individuel pour motif économique

L'accord doit prévoir des mesures d'accompagnement et de reclassement

En 2016, aucun accord n'avait été conclu trois ans après la création de ce dispositif.

Accord
de préservation
et de développement de l'emploi

(art. L. 2254-2
du code du travail)

Le refus du salarié doit être écrit.

Le licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse et est soumis aux seules modalités et conditions définies par la loi « Travail ».

La lettre de licenciement doit en outre comporter l'énoncé du motif spécifique sur lequel repose le licenciement.

La loi « Travail » a créé un dispositif d'accompagnement spécifique, le parcours d'accompagnement personnalisé, pour les salariés qui refusent l'application d'un APDE, en reprenant la philosophie du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Lors de l'entretien préalable, l'employeur doit proposer au salarié le bénéfice du dispositif d'accompagnement.

Lors de cet entretien, l'employeur informe le salarié par écrit du motif spécifique sur lequel repose la rupture en cas d'acceptation par celui-ci du dispositif d'accompa-gnement.

L'adhésion du salarié au PAP emporte rupture du contrat de travail.

Ce nouvel accord ayant été créé il y a moins d'un an, il est prématuré d'en tirer un premier bilan.

Aménagement
du temps de travail sur
une période supérieure
à la semaine

(art. L. 3121-43
du code du travail)

La mise en place d'un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine par accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet.

Cette disposition relève de l'ordre public en vertu de la loi.

Aucune mesure d'accom-pagnement n'est prévue.

Un salarié qui refuse l'application de ce type d'accord s'expose au risque d'un licenciement pour motif personnel .

Accord
de maintien
de l'emploi

(art. L. 5125-1
du code du travail)

Le licenciement repose sur un motif économique . Il est prononcé selon les modalités d'un licen-ciement individuel pour motif économique et il repose sur une cause réelle et sérieuse.

L'employeur n'est pas tenu aux obligations d'adap-tation et de reclassement.

Le salarié bénéfice toutefois soit du congé de reclassement (obligatoire dans les entreprises employant plus de mille salariés), soit du CSP.

Seule une dizaine d'accords ont été signés depuis 2013.

Source : Commission des affaires sociales

Le projet de loi évoque la possibilité pour le Gouvernement, le cas échéant, d'harmoniser et de simplifier le contenu des accords de flexisécurité précités. Ces accords poursuivant des objectifs parfois distincts, les intentions du Gouvernement apparaissent floues.

D. La sécurisation juridique des accords collectifs

Le Gouvernement souhaite renforcer la sécurité juridique des accords d'entreprise en poursuivant un quadruple objectif.

• Tout d'abord, une ordonnance devra préciser les conditions dans lesquelles il appartient à celui qui conteste un accord de démontrer qu'il n'est pas conforme aux conditions légales qui le régissent.

L'avant-projet de loi prévoyait initialement de faire bénéficier l'accord d'entreprise, sauf dans certaines matières et sous certaines conditions, d'une présomption de conformité à la loi au regard du régime de la preuve applicable devant le juge, en tentant de tirer les conséquences d'une jurisprudence récente de la Cour de cassation.

En effet, dans un arrêt du 27 janvier 2015 31 ( * ) , la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées.

En conséquence, il revient à celui qui les conteste de démontrer que ces différences de traitement sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. La chambre sociale a étendu cette jurisprudence aux différences de traitement entre salariés exerçant des fonctions distinctes au sein d'une même catégorie professionnelle 32 ( * ) , puis aux différences de traitement résultant d'accords d'établissement au sein d'une même entreprise 33 ( * ) .

Dans son avis, le Conseil d'État a néanmoins considéré qu'une « interprétation de cette jurisprudence comme une présomption de conformité à la loi des accords collectifs présenterait des risques, notamment constitutionnels, au regard du droit au recours, et qu'il est plus adapté de raisonner en termes de charge de la preuve 34 ( * ) », ce qui a conduit le Gouvernement à revoir la rédaction de l'habilitation sur ce point.

• Ensuite, le Gouvernement souhaite aménager les délais de contestation d'un accord collectif .

Actuellement, un accord peut être attaqué indirectement (exception d'illégalité) ou directement par les organisations syndicales ou patronales (action en nullité). Dans cette dernière hypothèse, un recours peut être présenté dans un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer 35 ( * ) . L'accord est annulé et est réputé n'avoir jamais existé. Comme l'indique l'étude d'impact, « l'effet de la nullité des clauses s'applique à tous et remplace les parties dans la situation existant avant la conclusion de l'accord 36 ( * ) ».

L'étude d'impact indique que l'ordonnance aurait « pour effet d'atténuer les effets de la rétroactivité des décisions d'annulation des accords collectifs » lorsque ces derniers sont appliqués sur une courte période. Les règles s'appliquant aux accords signés avant la promulgation de l'ordonnance seraient plus accommodantes que celles applicables aux accords conclus postérieurement.

L'habilitation vise indistinctement tous les accords collectifs, sans toutefois indiquer le délai de contestation qui pourrait être retenu.

Compte tenu de l'absence d'indications dans l'étude d'impact, plusieurs options pourraient en théorie être envisagées.

Par exemple, les services de l'Etat, à travers les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), pourraient contrôler, à la demande de l'employeur, la validité de certains accords structurants dans la vie d'une entreprise (par exemple les accords de flexisécurité visés justement par l'ordonnance, comme les accords de préservation ou de développement de l'emploi), dans un délai restreint (un ou deux mois 37 ( * ) ).

Une autre option pourrait être de confier le contentieux des accords collectifs ou d'une partie d'entre eux au tribunal de grande instance territorialement compétent (ou à la cour d'appel), en prévoyant un délai de contestation d'un an après leur signature.

• Le Gouvernement souhaite par ailleurs donner au juge la possibilité de moduler les effets dans le temps de ses décisions lorsqu'il statue sur un litige relatif à un accord collectif.

L'étude d'impact se limite à indiquer que la modulation des effets d'une décision de justice dans le temps est aujourd'hui possible, mais « rarement appliquée » 38 ( * ) et appelle à une « codification de ce principe » « dans un souci d'intelligibilité de la norme ».

Lors de l'examen au Sénat du projet de loi « Travail », votre commission avait adopté un amendement portant article additionnel 39 ( * ) , présenté par notre collègue Annick Billon et plusieurs membres de la délégation sénatoriale aux entreprises, permettant au juge judiciaire de moduler dans le temps les effets de ses décisions en vertu du principe de sécurité juridique, afin de tenir compte de leurs conséquences économiques ou financières sur les entreprises 40 ( * ) .

• Enfin, l'habilitation prévoit que les règles d'entrée en vigueur seront différentes selon les thématiques relevant de l'article 1 er et qui ont été précédemment exposées dans le présent rapport 41 ( * ) , en fonction de la date de conclusion des accords collectifs.

Cette précision, qui ne figurait pas dans l'avant-projet de loi, a été introduite par le Gouvernement à la suite de l'avis du Conseil d'État, qui a souligné que les nouvelles règles d'articulation entre accords de branche et accords d'entreprise nécessiteraient des dispositions spécifiques « sur leurs conditions d'entrée en vigueur dans le temps et leur application aux accords en cours ». Ces dispositions devront en particulier « respecter le cadre défini par le Conseil constitutionnel, notamment par sa décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008 qui a précisé les conditions dans lesquelles il peut être porté atteinte aux contrats et accords en cours 42 ( * ) ». Pour mémoire, le Conseil constitutionnel a jugé dans cette décision que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » 43 ( * ) .

E. Renforcer l'autonomie des partenaires sociaux dans l'organisation du dialogue social

Le Gouvernement souhaite permettre par ordonnance à un accord collectif de déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires , ainsi que d'adapter le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales (BDES) .

• Le code du travail fixe précisément le contenu et la périodicité des négociations, tant au niveau des branches qu'au sein de l' entreprise .

D'une part, au niveau des branches , une négociation doit être engagée chaque année sur les salaires , et elle doit être l'occasion d'aborder des thématiques connexes comme l'évolution de l'emploi 44 ( * ) .

Des négociations triennales doivent être menées sur des sujets aussi divers que l' égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 45 ( * ) , les conditions de travail et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) 46 ( * ) , les travailleurs handicapés 47 ( * ) , ou encore la formation professionnelle et l'apprentissage 48 ( * ) .

D'autres sujets doivent être abordés tous les cinq ans , comme les classifications 49 ( * ) et l' épargne salariale 50 ( * ) .

Depuis la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 51 ( * ) , une négociation au niveau de la branche professionnelle doit en outre être ouverte sur les modalités d'organisation de l'emploi à temps partiel dès lors qu'au moins un tiers de l'effectif des entreprises couvertes occupe un emploi de ce type 52 ( * ) .

S'agissant des négociations obligatoires en entreprise , la loi « Rebsamen » de 2015 53 ( * ) a opéré une rationalisation autour de trois blocs.

De fait, en application de l'article L. 2242-1 du code du travail, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur doit engager chaque année deux négociations :

- l'une sur la rémunération , le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise ;

- l'autre sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail .

Par ailleurs, dans les entreprises d' au moins trois cents salariés , l'employeur doit engager tous les trois ans une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels .

La loi a cependant offert aux partenaires sociaux la possibilité d'adapter, par accord majoritaire, la périodicité des négociations obligatoires.

De fait, en application de l'article L. 2242-20 du même code, un accord d'entreprise majoritaire peut modifier la périodicité de chacune des négociations obligatoires pour tout ou partie des thèmes prévus par la loi, dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles et de cinq ans pour la négociation triennale. Il peut adapter le nombre de négociations au sein de l'entreprise et regrouper différents thèmes de négociations mais il ne peut pas éluder des thèmes rendus obligatoires par la loi. La possibilité de modifier la périodicité de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail n'est toutefois ouverte que si l'entreprise est déjà couverte par un accord sur l'égalité professionnelle ou, à défaut, par un plan d'action. Même si un accord modifie la périodicité de la négociation sur les salaires, l'employeur doit immédiatement ouvrir une négociation sur ce thème dès lors qu'une organisation signataire le demande.

• S'agissant des consultations annuelles du comité d'entreprise , elles ont également été rassemblées en trois grands blocs par la loi Rebsamen » et portent désormais sur les sujets suivants :

- les orientations stratégiques de l'entreprise 54 ( * ) ;

- sa situation économique et financière 55 ( * ) ;

- sa politique sociale, les conditions de travail et l'emploi 56 ( * ) .

En application de l'article L. 2323-7 du code du travail, un accord d'entreprise, qui devra être majoritaire à compter du 1 er septembre 2019, peut adapter les modalités des consultations récurrentes du comité d'entreprise ainsi que la liste et le contenu des informations récurrentes qui doivent lui être transmises. L'accord ne peut toutefois modifier les règles de la consultation portant sur les orientations stratégiques de l'entreprise.

• L'accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi du 11 janvier 2013 avait prévu la création d'une base de données unique dans chaque entreprise 57 ( * ) .

Regroupant et rationalisant exhaustivement les données existantes et sans remettre en cause les attributions des représentants du personnel, elle devait « remplacer l'ensemble des informations données de façon récurrente aux institutions représentatives du personnel ». Les partenaires sociaux avaient prévu une application du dispositif d'abord dans les entreprises employant plus de trois cents salariés, puis une extension et une adaptation dans les entreprises en deçà de ce seuil. Surtout, les signataires de l'ANI avaient souhaité qu'un accord collectif de branche ou d'entreprise puisse « adapter le contenu des informations relevant de ces rubriques, en fonction de l'organisation et/ou du domaine d'activité de l'entreprise ».

Instaurée par l'article 8 de la loi de sécurisation de l'emploi de 2013, et définie à l'article L. 2323-8 du code du travail, la base de données économiques et sociales (BDES) rassemble toutes les informations que l'employeur doit mettre à disposition des institutions représentatives du personnel (comité d'entreprise, à défaut, délégués du personnel, ainsi que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). La base est donc accessible aux représentants du personnel mais aussi aux délégués syndicaux.

Son contenu est défini très précisément par la loi, puisqu'elle doit comporter au moins huit rubriques différentes , qui vont de l'évolution des investissements à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la rémunération des salariés et des dirigeants, en passant par la situation de la sous-traitance et la présentation des aides publiques et des crédits d'impôts dont bénéficie l'entreprise.

La base de données doit traiter ces rubriques pour les deux années précédentes et l'année en cours mais aussi intégrer des perspectives pour les trois années à venir.

Un décret en Conseil d'État adapte le contenu de la BDES pour les entreprises employant moins de trois cents salariés.

Le contenu de la base de données peut uniquement être « enrichi » par un accord de branche ou d'entreprise ou, le cas échéant, un accord de groupe, en fonction de l'organisation et du domaine d'activité de l'entreprise.

C'est cette restriction que souhaite lever le Gouvernement. En effet, l'étude d'impact souligne que les partenaires sociaux ont peu de marges de manoeuvre sur l'architecture de la BDES « qu'ils peuvent au mieux enrichir ». En conséquence, cet outil « est souvent vécu comme un exercice formel et une obligation contraignante, lourde, dont les représentants du personnel eux-mêmes peinent à se saisir pour analyser et interpréter les données très volumineuses dont ils disposent 58 ( * ) ».

F. Le développement des accords d'entreprises dans les entreprises dépourvues de délégué syndical

La majorité des petites entreprises françaises ne sont pas concernés par les règles sur les accords collectifs dans la mesure où elles ne disposent pas d'interlocuteur syndical pour en signer. En effet, seules 4 % des entreprises employant entre onze et cinquante salariés disposent d'un délégué syndical.

La négociation collective en France : les petites entreprises restent à l'écart

Selon les statistiques fournies par la Dares (direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail), 50 000 accords d'entreprise ou textes assimilés ont été signés en 2014 par des élus du personnel, des délégués syndicaux (DS), ou des salariés mandatés, tandis que 32 000 textes ont été validés par référendum ou par décision unilatérale de l'employeur, soit 82 000 accords d'entreprise et textes assimilés au total 59 ( * ) .

Ce chiffre doit être mis en regard du nombre d'entreprises que compte notre pays : plus d'un million d'entreprises. Seulement 15 % des entreprises de dix salariés ou plus du secteur marchand non agricole, employant deux tiers environ des salariés de ce champ, ont engagé une négociation collective en 2014.

Autrement dit, le dialogue social et la négociation collective restent souvent lettre morte dans la majorité des entreprises françaises, en raison notamment de règles adaptées surtout aux spécificités des grandes entités.

La loi « Rebsamen » précitée de 2015 a réformé en profondeur les règles dérogatoires de conclusion des accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, en distinguant trois scénarios , qui accordent la priorité aux représentants du personnel et au mandatement syndical . La loi « Travail » a apporté quelques modifications à ces règles, sans en bouleverser l'équilibre. Malgré cette réforme, le mandatement reste réduit à la portion congrue et peine à convaincre employeurs et salariés en raison de la lourdeur des mécanismes en vigueur.

Le premier scénario , abordé à l'article L. 2232-21 du code du travail, prévoit les conditions dans lesquelles un accord collectif peut être signé dans une entreprise ou un établissement dépourvu de délégué syndical (et de délégué du personnel désigné comme délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés) mais doté d'institutions représentatives du personnel.

L'employeur est autorisé dans cette hypothèse à négocier, conclure et réviser un accord d'entreprise :

- soit avec les représentants élus du personnel au comité d'entreprise ;

- soit avec ceux élus à la délégation unique du personnel ;

- soit avec ceux élus à l'instance unique créée par accord majoritaire en vertu de la loi « Rebsamen » 60 ( * ) ;

- soit, à défaut de ces représentants élus, avec les délégués du personnel.

Quels que soient les interlocuteurs de l'employeur, ceux-ci doivent être expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l'entreprise (ou, à défaut, représentatives au niveau national et interprofessionnel), étant précisé qu'une organisation ne peut mandater plusieurs salariés. Dans la pratique, ce mandatement comprend deux parties : l'une pour négocier, l'autre pour signer l'accord. L'employeur doit informer les syndicats représentatifs au niveau de la branche et, à défaut, ceux représentatifs au niveau national et interprofessionnel, de son souhait d'engager des négociations.

L'accord ainsi signé doit ensuite être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés , dans des conditions déterminées par décret et dans le respect des principes généraux du droit électoral 61 ( * ) .

Le deuxième scénario concerne l'absence de mandatement d'un représentant du personnel, après le délai de réflexion d'un mois 62 ( * ) prévu par la loi à partir du moment où l'employeur a fait connaître son intention de négocier.

Dans cette hypothèse, l'employeur peut signer un accord collectif uniquement avec les représentants élus titulaires , à condition qu'ils aient recueillis la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles 63 ( * ) .

Aucune consultation des salariés n'est requise pour entériner l'accord, qui doit seulement être transmis pour information à la commission paritaire de branche.

Le troisième scénario vise les entreprises dans lesquelles aucun représentant élu du personnel n'a manifesté son souhait de négocier, celles dépourvues de représentants de personnel (cette absence devant être attestée par un procès-verbal de carence) et celles employant moins de onze salariés 64 ( * ) . Dans cette hypothèse, l'employeur peut conclure un accord avec un salarié de l'entreprise, qui n'est pas représentant du personnel , mais qui a obtenu le mandatement d'un syndicat représentatif au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel. Les salariés qui exercent un pouvoir de direction au nom de l'employeur et ceux qui lui sont apparentés ne peuvent être mandatés, tandis que les syndicats représentatifs ne peuvent mandater qu'un salarié par entreprise 65 ( * ) .

L'accord signé par un salarié mandaté n'est valide que s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés , dans des conditions déterminées par décret et dans le respect des principes généraux du droit électoral 66 ( * ) .

Ni le projet de loi ni l'étude d'impact n'indiquent comment le Gouvernement entend faciliter la conclusion d'accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.

Toutefois, le bilan et les orientations du ministère du travail rendus publics le 11 juillet dernier à la suite du deuxième cycle de rencontres bilatérales tracent des pistes d'évolution législative.

En effet, en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise, la négociation pourrait s'engager soit :

- avec le délégué du personnel mandaté, ou, à défaut, avec un salarié mandaté, comme le permet le droit en vigueur ;

- avec un délégué du personnel, le projet d'accord étant réputé valide si le délégué a obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, ou à défaut après un référendum d'entreprise ;

- avec un délégué du personnel « ayant obligatoirement une formation à la négociation et accompagné par une organisation syndicale ».

Ces différentes options semblent être mises sur un pied d'égalité, sans instaurer de priorité au profit des élus du personnel ni du mandatement syndical, ce qui correspond à la position que le Sénat avait adoptée lors de l'examen de la loi « Travail » 67 ( * ) .

Le Gouvernement envisage toutefois une exonération totale ou partielle de la cotisation de l'entreprise au fonds pour le financement du dialogue social lorsque la négociation s'engage avec un délégué syndical ou un délégué du personnel mandaté.

G. L'accélération de la généralisation de l'accord majoritaire

L'article 21 de la loi « Travail », en modifiant L. 2232-12 du code du travail, a prévu qu'à terme, la validité d'un accord d'entreprise soit conditionnée à sa signature par des syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives lors des dernières élections professionnelles (élections des titulaires au comité d'entreprise, à la délégation unique du personnel, voire des délégués du personnel). Autrement dit, les signataires devront avoir obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés lors de ces élections.

Jusqu'alors, un accord d'entreprise était valide si deux conditions cumulatives étaient remplies :

- la première, dite majorité d'engagement , imposait aux syndicats signataires d'obtenir au moins 30 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections, quel que soit le nombre de votants ;

- la seconde, dite absence d'opposition , disposait que l'accord ne devait pas être frappé d'opposition, dans les huit jours suivant sa notification, par un ou plusieurs syndicats ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections.

À travers la promotion de l'accord majoritaire, la loi « Travail » s'inscrit dans la continuité de la position commune des partenaires sociaux de 2008 sur leur représentativité 68 ( * ) , qui avait fixé le développement de ce type d'accord à compter de la fin du premier cycle de mesure de la représentativité des syndicats de salariés.

En outre, l'article L. 2232-12 du code du travail ouvre, sous conditions, le droit pour certains syndicats d'obtenir l'organisation d'une consultation des salariés visant à valider un accord conclu avec l'employeur.

Ce droit ne concerne que les syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des élections professionnelles, quel que soit le nombre de votants, et qui ont signé le projet d'accord.

L'employeur est tenu d'organiser cette consultation si, à l'issue d'un délai de huit jours à compter de la demande du ou des syndicats signataires, le projet d'accord n'a pas obtenu la signature d'autres syndicats permettant de dépasser le seuil des 50 %.

Cette consultation peut être organisée par voie électronique et doit se dérouler dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l'employeur et les organisations signataires.

Tous les salariés autorisés à élire les délégués du personnel peuvent participer à cette consultation.

L' accord est valide s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés , sans seuil de participation minimale.

La nouvelle règle de majorité pour conclure un accord collectif d'entreprise et la possibilité d'organiser un référendum dans l'entreprise se sont appliquées immédiatement aux accords d'entreprise conclus en vue de la préservation ou du développement de l'emploi (APDE) et, depuis le 1 er janvier 2017, aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés conclus après cette date. Ces règles s'appliqueront à compter du 1 er septembre 2019 à tous les autres accords collectifs, à l'exception des accords de maintien de l'emploi (AME) qui sont déjà régis par des dispositions spécifiques.

Le Gouvernement souhaite modifier les modalités d'appréciation du caractère majoritaire des accords ainsi que le calendrier et les modalités de généralisation de ce caractère majoritaire.

L'étude d'impact indique seulement le souhait du ministère « d'accélérer la généralisation de la règle de l'accord majoritaire » afin d'« encourager les acteurs de terrain à définir les normes garantissant la performance sociale et économique » de l'entreprise 69 ( * ) .

S'agissant des modalités d'appréciation du caractère majoritaire des accords, aucune information n'est fournie par le Gouvernement. Il envisage peut-être de définir le seuil de 50 % uniquement en fonction des suffrages exprimés, et non plus en se référant aux suffrages attribués aux organisations ayant franchi le seuil de 10 % et déclarées ainsi représentatives. Il pourrait également être envisagé d'imposer un seuil minimal de participation pour renforcer la légitimité de certains accords emblématiques dans l'entreprise. En tout état de cause, lors de son audition devant votre commission, la représentante de la CFDT a exprimé son refus de modifier les règles de calcul des accords majoritaires.

H. La promotion des consultations des salariés pour valider un accord

Le code du travail prévoit déjà de nombreuses consultations du personnel pour entériner un accord collectif.

Comme il a été dit précédemment, en l'absence de délégué syndical, un employeur peut conclure un accord, sous certaines conditions, avec un représentant élu du personnel mandaté 70 ( * ) voire avec un salarié qui n'est pas représentant du personnel mais qui a obtenu un mandatement 71 ( * ) , à condition que cet accord soit ensuite approuvé par la majorité du personnel.

Par ailleurs, un syndicat signataire d'un accord signé par des organisations ayant recueilli entre 30 et 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives, peut demander une consultation du personnel en vue d'obtenir sa validation 72 ( * ) . Cette faculté n'est ouverte qu'aux syndicats signataires de l'accord, et non à l'employeur, contrairement à la volonté du Sénat exprimée lors de l'examen de la loi « Travail ».

En l'absence d'accord collectif, la dérogation préfectorale au repos dominical est accordée au vu d'une décision unilatérale de l'employeur, prise après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu'ils existent, puis approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation 73 ( * ) .

Les entreprises qui souhaitent adhérer ou sortir d'un plan d'épargne interentreprises doivent recueillir l'accord de leur comité d'entreprise ou de la majorité des deux tiers de leur personnel 74 ( * ) .

Le Gouvernement souhaite faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord, mais l'étude d'impact est muette sur les moyens d'atteindre cet objectif.

I. Accélérer la restructuration du paysage conventionnel

Les accords et conventions de branche jouent un rôle essentiel en matière de régulation de la concurrence entre entreprises, en empêchant les pratiques de concurrence sociale déloyale à travers la fixation de règles communes et négociées.

La réflexion sur l'articulation entre accords de branche et accords d'entreprise ne saurait occulter le fait que le paysage conventionnel français peine à être rationalisé .

Notre pays se distingue en effet par un très grand nombre de branches professionnelles (687 en 2012), dont pratiquement les trois quarts comptent moins de 15 000 salariés 75 ( * ) . En outre, 241 branches, soit un tiers d'entre elles, n'ont pas déposé d'accords depuis plus de dix ans, dont 212 relèvent d'un niveau régional ou local.

C'est pourquoi le législateur a créé une panoplie de dispositifs visant à restructurer le paysage conventionnel, à travers l'article 29 de la loi du 5 mars 2014 76 ( * ) , qui a prévu à l'article L. 2261-32 du code du travail quatre dispositifs de restructuration des branches professionnelles :

- la fusion entre les champs d'application de deux conventions collectives ;

- l' élargissement d'une convention collective à une branche peu active ;

- le refus d'étendre une convention collective aux entreprises non signataires de la convention collective en cas de faible activité conventionnelle ou de faible représentativité des organisations patronales signataires ;

- le refus d'arrêter la liste des partenaires sociaux représentatifs dans une branche.

Ces quatre dispositifs ont été modifiés à la marge par l'article 23 de la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 précitée, ce qui a conduit notre commission à estimer qu'ils demeuraient « lourds », « complexes » et « peu harmonisés » 77 ( * ) .

L'objectif fixé par le Premier ministre en 2014 d'atteindre d'ici 2020 une centaine de branches, comme en Allemagne, s'avérait donc impossible à atteindre, la restructuration n'ayant été amorcée en 2016 que pour 124 branches, dont 18 relevaient du secteur agricole.

C'est pourquoi l'article 25 de la loi « Travail » avait précisément pour objectif d'accélérer la restructuration des branches conventionnelles à travers trois volets :

- la simplification du cadre juridique des quatre dispositifs actuellement mis à disposition du ministre du travail ;

- la sécurisation juridique des employeurs en cas de fusion ou de regroupement entre branches ;

- l'élaboration d'une feuille de route à destination du ministre du travail et des partenaires sociaux.

S'agissant du premier volet , les conditions de recours par le ministre du travail aux dispositifs précités ont effectivement été harmonisées par l'article L. 2261-32 du code du travail tandis que la restructuration des branches professionnelles a été déclarée d'intérêt général.

Le ministre peut désormais engager une procédure de fusion, refuser d'étendre une convention collective ou décider de ne pas déclarer représentatifs les partenaires sociaux présents dans une branche professionnelle pour l'une des cinq raisons suivantes :

- faiblesse des effectifs salariés ;

- faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts ;

- restriction du champ d'application géographique de la branche au niveau régional ou local ;

- faiblesse du nombre d'organisations patronales représentatives adhérentes (moins de 5 %) ;

- absence de mise en place ou de réunion de la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation.

Compte tenu de la nécessité de respecter le principe de liberté contractuelle , auquel sont naturellement attachés les partenaires sociaux, le législateur a prévu de nombreuses garanties .

À titre d'exemple, l'engagement de la procédure de fusion doit donner lieu à un avis publié au Journal officiel, afin d'inviter les organisations et personnes intéressées à faire connaître, dans un délai déterminé par décret, leurs observations. En outre, le ministre du travail ne peut procéder à la fusion qu'après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC). Enfin, si deux organisations professionnelles d'employeurs ou deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission proposent une autre branche de rattachement, le ministre doit consulter à nouveau la commission dans un délai et selon des modalités fixées par décret. Des garanties similaires sont prévues pour la procédure d'élargissement.

S'agissant du deuxième volet , en cas de fusion des champs d'application de plusieurs conventions collectives par exemple, les anciennes stipulations conventionnelles demeurent applicables pendant un délai de cinq ans, afin de permettre aux partenaires sociaux de conclure une convention consolidée 78 ( * ) . Pendant cette période, les recours fondés sur les différences temporaires de traitement entre salariés résultant de la fusion sont déclarés inopérants.

Concernant le dernier volet , l'article 25 de la loi « Travail » a dressé une feuille de route ambitieuse pour accélérer la restructuration conventionnelle.

Tout d'abord, les partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel ont dû engager avant le 8 novembre 2016 une négociation, en y associant les organisations patronales représentatives au niveau national et multiprofessionnel, sur la méthode permettant d'atteindre, au plus tard le 8 août 2019, l'objectif d'environ deux cents branches professionnelles. Parallèlement, le législateur invitait les partenaires sociaux à engager des négociations de branche pour atteindre cet objectif.

Ensuite, le ministre devait engager, avant fin 2016, la fusion des branches dont le champ d'application géographique est uniquement régional ou local, ainsi que celle des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant ces quinze dernières années.

En outre, à compter du 8 août 2019, le ministre du travail aura l'obligation d'engager la fusion des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant entre le 8 août 2009 et cette date.

Enfin, entre le 8 août 2016 et le 8 août 2019, le ministre du travail n'est pas autorisé à procéder à une fusion en cas d'opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la CNNC, sauf s'il s'agit des branches dont le champ d'application géographique est uniquement régional ou local et des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant depuis quinze ans.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique que « les premiers travaux de la sous-commission [de la restructuration des branches professionnelles] se sont concentrés sur les branches sans négociation depuis vingt ans et ayant recueilli moins de onze suffrages lors des dernières élections professionnelles : 179 branches étaient dans ce cas de figure. Parmi elles, 127 ont déjà fait l'objet d'une restructuration » 79 ( * ) . Le Gouvernement souhaite accélérer le processus de restructuration des branches professionnelles, le bilan et les orientations du ministère du travail rendus publics le 11 juillet dernier à la suite du deuxième cycle de rencontres bilatérales fixant au 1 er septembre 2018, et non plus au 8 août 2019, l'objectif d'atteindre 200 branches professionnelles.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté sur cet article en commission à l'Assemblée nationale.

Plusieurs amendements ont en revanche été adoptés en séance publique.

Un amendement du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a rappelé que les conventions et accords de branche ne pourront pas remettre en cause les dispositions d' ordre public fixées par la loi.

A l'initiative de notre collègue député Gérard Cherpion et plusieurs membres du groupe Les Républicains, les partenaires sociaux pourront choisir de réserver aux accords et conventions de branche certains thèmes « limitativement » énumérés par la loi .

Un autre amendement des mêmes auteurs a indiqué que les accords de branche, qui devront écarter l'application de certaines stipulations pour les petites entreprises et en adapter d'autres à leurs spécificités, devront également prévoir, le cas échéant, des contreparties pour les salariés.

Un amendement du Gouvernement a précisé, au sein de la nouvelle articulation entre les accords de branche et les accords d'entreprise, que les accords d'établissement auront la même portée que ces derniers, dans la lignée de l'harmonisation des régimes juridiques des accords initiée par la loi « Travail ».

Un amendement présenté par notre collègue député Boris Vallaud et plusieurs membres du groupe Nouvelle Gauche a précisé que la possibilité pour un accord collectif de déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires, ainsi que d'adapter le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales, ne pourra pas remettre en cause la pénalité de 1 % de la masse salariale appliquée en cas d'absence d'accord sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévue à l'article L. 2242-9 du code du travail.

Afin d'accélérer la restructuration du paysage conventionnel, un amendement présenté par notre collègue député Patrick Mignola et plusieurs de ses collègues du groupe du Mouvement démocrate a réduit de trois ans à dix-huit mois le délai pour atteindre 200 branches professionnelles .

III - La position de votre commission

Si votre rapporteur soutient la philosophie qui sous-tend le présent article 1 er , il a souhaité préciser certaines habilitations dans la continuité des travaux du Sénat depuis 2015.

Sur sa proposition, votre commission a adopté l'amendement COM-13 pour que les partenaires sociaux au niveau de la branche accordent une attention particulière aux petites entreprises dépourvues de représentants du personnel . Il est souhaitable que les accords de branche comprennent des stipulations adaptées aux spécificités des petites entreprises, voire écartent d'emblée des stipulations qui leur sont inadaptées. Encore faut-il que les accords de branche prennent en compte la situation singulière des entreprises dépourvues de toute institution représentative du personnel.

La commission a par ailleurs adopté l'amendement COM-14 pour supprimer la référence aux accords de maintien de l'emploi à l'article 1 er du projet de loi . Lors de l'examen du projet de loi « Travail », le Sénat avait supprimé les accords de maintien de l'emploi (AME), qui figurent à l'article L. 5125-1 du code du travail, compte tenu du faible écho qu'ils ont rencontré (seulement une douzaine ont été conclus depuis leur création en 2013), et de la création par cette loi justement des accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE), qui poursuivent les mêmes objectifs que les premiers sans leurs contraintes juridiques. Conserver une référence aux AME dans la loi d'habilitation pourrait être assimilé à un soutien du Sénat à ces accords dont il souhaite la disparition dans un souci de simplification juridique.

Votre commission a adopté l'amendement COM-15 du rapporteur pour obliger le Gouvernement à retenir un motif spécifique pour les licenciements des salariés qui refusent l'application d'un accord de flexisécurité . Par ailleurs, cet amendement écarte l'application des règles relatives à un plan de sauvegarde de l'emploi pour ce type de licenciement , même si plus de dix salariés sont licenciés après avoir refusé l'application d'un tel accord sur une période de trente jours dans une entreprise employant plus de cinquante salariés. Une telle dérogation est déjà prévue pour les accords de maintien de l'emploi et les APDE. Tout refus d'un salarié entraînera donc un licenciement sui generis , comme le législateur l'a prévu pour les APDE. L'employeur devrait, selon votre rapporteur, suivre une procédure spécifique unique et proposer aux salariés concernés un dispositif d'accompagnement lui aussi unique, présentant les mêmes garanties que le contrat de sécurisation professionnelle, actuellement réservé aux salariés licenciés pour motif économique.

Sur proposition de votre rapporteur, la commission a ensuite adopté l'amendement COM-16 permettant aux employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs directement avec les représentants élus du personnel . De fait, la majorité des petites entreprises françaises ne se sentent pas concernées par les règles sur les accords collectifs dans la mesure où elles ne disposent pas d'interlocuteur syndical pour en signer. En outre, les règles dérogatoires permettant la conclusion d'accords d'entreprise en l'absence de délégué syndical, malgré leur refonte dans la loi « Rebsamen » en 2015, demeurent d'une très grande complexité et expliquent le très faible nombre de salariés mandatés. Elles obligent en effet les élus du personnel à obtenir en priorité le mandatement d'un syndicat représentatif si l'employeur souhaite ouvrir une négociation, l'obligation pour lui d'informer tous les syndicats représentatifs de la branche et au niveau national, et l'organisation systématique d'un référendum d'entreprise pour entériner un accord négocié par un salarié mandaté.

C'est pourquoi votre rapporteur a souhaité autoriser les employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, à conclure des accords collectifs directement avec les représentants élus du personnel, sans obliger ces derniers à obtenir un mandatement. L'employeur qui le souhaite conserverait néanmoins la possibilité de signer un accord avec un salarié mandaté par un syndicat représentatif. Cette mesure vise dans un souci de pragmatisme à développer le dialogue social dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical en valorisant le rôle des délégués du personnel. Cet amendement s'inscrit donc dans la lignée des travaux menés par le Sénat lors du projet de loi « Travail ». Il oblige ainsi le Gouvernement à tenir pleinement compte dans son ordonnance des spécificités des petites entreprises, sans remettre en cause les prérogatives des délégués syndicaux dans les entreprises où ils existent.

Sur proposition de votre rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-17 autorisant l'employeur à organiser un référendum dans l'entreprise. Il s'inspire ainsi d'un amendement adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi « Travail », où notre assemblée avait souhaité, par parallélisme des formes, étendre à l'employeur une possibilité qui est aujourd'hui réservée aux syndicats signataires d'un projet d'accord frappé d'opposition. Pour mémoire, l'employeur peut déjà soumettre à la ratification du personnel un projet d'accord en matière d'intéressement ou de participation 80 ( * ) .

Par ailleurs, la commission a adopté l'amendement COM-18 de votre rapporteur et celui identique COM-59 de notre collègue Dominique Watrin supprimant l'habilitation qui vise à accélérer la généralisation des accords majoritaires . Lors de l'examen de la loi « Travail », le Sénat avait déjà supprimé l'article prévoyant cette généralisation, considérant qu'il était impossible de mesurer les conséquences de cette mesure sans étude d'impact approfondie. Le relèvement du seuil de la majorité d'engagement de 30 % à 50 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs, qui sera généralisée dès 2019, risque en effet, aux yeux de nombre d'observateurs, de bloquer le dialogue social dans de nombreuses entreprises. Il est donc nécessaire de ne pas hâter cette généralisation, faute de disposer des premiers retours d'expérience sur l'application de l'accord majoritaire aux dispositions relatives à la durée du travail, aux congés et aux repos, applicable depuis le 1 er janvier 2017 seulement.

Enfin, à l'initiative de votre rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-19 qui supprime la réduction de trois ans à dix-huit mois de la période pendant laquelle le ministère du travail et les partenaires sociaux doivent restructurer les branches professionnelles . Tout en appelant de ses voeux la nécessaire rationalisation du paysage conventionnel, votre rapporteur souhaite en effet de la stabilité juridique et laisser aux partenaires sociaux le temps nécessaire pour conduire à son terme ce chantier très technique.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 - Nouvelle organisation du dialogue social et rénovation de l'exercice des responsabilités syndicales en entreprise

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à rationaliser, par ordonnances, les modalités de représentation des salariés dans les entreprises et à développer le dialogue social en leur sein en fusionnant les institutions représentatives du personnel et en améliorant la reconnaissance de l'exercice de responsabilités syndicales.

I - Le dispositif proposé

Le présent article confie au Gouvernement la responsabilité de procéder à une profonde réforme du dialogue social en entreprise et de la représentation des salariés , tels qu'ils ont été définis par strates successives depuis 1936.

Parfois perçu comme un amoncellement mal articulé d'institutions représentatives du personnel (IRP) aux compétences respectives insuffisamment délimitées, cet édifice reste marqué par sa complexité . Il se caractérise par la distinction fondamentale entre la négociation collective avec l'employeur, qui relève essentiellement des délégués syndicaux , et l'information et la consultation des salariés sur la gestion de l'entreprise et la protection de leur santé et de leur sécurité, qui relève des IRP.

Le Gouvernement envisage ici de modifier l'architecture de la représentation du personnel dans l'entreprise (1° et 2°), d'améliorer l'association des salariés à la gouvernance des entreprises (3° et 4°), de revaloriser l'engagement syndical (5°), d'offrir de nouvelles ressources aux IRP dans les petites entreprises (6°), de renforcer le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) représentant les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés (7°) et de moderniser le droit d'expression des salariés dans l'entreprise (8°). Il dispose d'un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi pour publier ces ordonnances.

A. La création de l'instance unique de représentation du personnel

1. Une représentation éclatée entre trois institutions superposées

Au sein des entreprises, la représentation des salariés relève de trois institutions distinctes :

• les délégués du personnel , créés par la loi du 24 juin 1936, ont pour mission, dans les entreprises d'au moins onze salariés , de présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives des salariés sur toute matière relative à l'organisation de l'activité 81 ( * ) et aux conditions d'emploi et de saisir, le cas échéant, l'inspection du travail. Ils peuvent également saisir l'employeur, dans le cadre de leur droit d'alerte , en cas d'atteinte aux droits des salariés ou à leur santé physique ou mentale ;

• le comité d'entreprise , institué par l'ordonnance du 22 février 1945, est quant à lui chargé, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés , « d'assurer une expression collective des salariés » pour que leurs intérêts soient pris en compte par l'employeur dans ses décisions relatives à la vie et au développement de l'entreprise. Informé et consulté sur tout projet ponctuel relatif à la marche générale de l'entreprise, il est également consulté chaque année sur ses orientations stratégiques, sur sa situation économique et financière et sur sa politique sociale 82 ( * ) . Il dispose également d'un droit d'alerte en matière économique 83 ( * ) et sociale 84 ( * ) et assure la gestion des activités sociales et culturelles en faveur des salariés ;

• le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), issu de la loi du 23 décembre 1982 85 ( * ) (quatrième loi « Auroux »), doit être mis en place dans les entreprises d'au moins cinquante salariés afin d'améliorer la prévention et la protection de la santé des salariés ainsi que les conditions de travail . Il est obligatoirement consulté par l'employeur lorsque celui-ci envisage de modifier l'organisation du travail, et notamment de transformer des postes de travail, dès lors que ces projets ont des conséquences sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés. Ses membres peuvent quant à eux alerter l'employeur s'ils constatent un danger grave et imminent pour la santé des salariés, ainsi qu'un risque grave pour la santé publique ou l'environnement.

Les délégués du personnel ainsi que les représentants des salariés au comité d'entreprise, qui est présidé par l'employeur, sont élus pour un mandat de quatre ans au scrutin de liste par l'ensemble des salariés de l'entreprise lors d'élections professionnelles. Les organisations syndicales bénéficient, au premier tour, d'un monopole de présentation des listes de candidats. Les membres du CHSCT sont quant à eux désignés par les élus au comité d'entreprise.

Les représentants du personnel disposent chaque mois d' heures de délégation , rémunérées par l'employeur et considérées comme du temps de travail, afin de leur permettre d'exercer leurs fonctions et dont le nombre, fixé par la loi (art. L. 2315-1 [DP] ; L. 2325-6 [CE] ; L. 4614-3 [CHSCT] du code du travail), varie selon l'IRP et la taille de l'entreprise. Ils ont également accès à l'ensemble des locaux de l'entreprise et peuvent y circuler librement et échanger avec l'ensemble des salariés, y compris lorsque ceux-ci sont à leur poste de travail.

Dans le cadre de leurs missions, le comité d'entreprise et le CHSCT peuvent faire appel à des experts - expert-comptable ou expert technique pour le CE, expert agréé par le ministère du travail pour le CHSCT - afin de les assister lors des consultations ponctuelles ou annuelles dont ils sont saisis ou, dans le cas du CHSCT, lorsqu'un risque grave est constaté dans l'établissement. En règle générale, le financement de cette expertise est assuré par l'employeur, à l'exception du recours par le CE à un expert-comptable pour examiner les orientations stratégiques de l'entreprise : sauf accord avec l'employeur, il doit alors prendre en charge 20 % de son coût 86 ( * ) .

Toutes les IRP ne sont pas dotées de la personnalité morale . Seuls le CE 87 ( * ) et le CHSCT 88 ( * ) le sont et ont la capacité d'ester en justice , et notamment de saisir le tribunal de grande instance s'ils estiment ne pas disposer, de la part de l'employeur, des éléments suffisants pour formuler leur avis, ou encore de contracter avec des tiers. Néanmoins, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés dépourvues de CE ou de CHSCT, la loi confie aux DP l'exercice des missions de ces institutions, avec certains des moyens et prérogatives de celles-ci, sans pour autant qu'ils acquièrent à cette occasion la personnalité morale.

2. Une simplification inaboutie

Des mesures jusqu'à présent limitées de simplification de l'organisation institutionnelle de la représentation du personnel ont été mises en place, principalement à destination des entreprises de taille moyenne.

La création de la délégation unique du personnel (DUP) par la loi du 20 décembre 1993 89 ( * ) en constitue la principale. A l'origine, elle permettait aux employeurs, dans les entreprises de moins de deux cents salariés, de décider, après les avoir consultés, que les DP forment la délégation du personnel au CE. La loi « Rebsamen » du 17 août 2015 90 ( * ) a étendu le périmètre de la DUP, en y incluant le CHSCT, et en l'ouvrant aux entreprises comptant jusqu'à trois cents salariés. La DUP conserve l'ensemble des attributions des IRP qui la composent.

Pour les entreprises dépassant trois cents salariés, cette même loi a ouvert la possibilité 91 ( * ) de regrouper , par accord majoritaire 92 ( * ) , tout ou partie des IRP. Il peut donc s'agir soit d'une instance unique fusionnant DP, CE et CHSCT, soit simplement du regroupement de deux d'entre elles, la troisième étant maintenue indépendante. Les modalités de fonctionnement de l'instance ainsi créée, dotée de la personnalité morale, sont déterminées par l'accord qui l'institue, et la loi prévoit, comme pour la DUP, qu'elle exerce l'ensemble des attributions des IRP qui ont été regroupées en son sein.

3. Le cadre fixé par le projet de loi d'habilitation pour la création de l'instance unique de représentation du personnel

L'habilitation prévue au du présent article 2 afin de créer une instance unique de représentation du personnel prévoit que le Gouvernement devra, dans son ordonnance, trancher les quatre points suivants : ses conditions de mise en place, sa composition, ses attributions et ses modalités de fonctionnement. En la matière, le régime des IRP actuelles servira sans doute de modèle mais des arbitrages devront être pris lorsque leurs régimes juridiques divergent.

a) La mise en place des IRP

En l'état actuel du droit, des IRP doivent être mises en place dans toutes les entreprises dépassant un certain effectif (onze salariés pour les DP, cinquante salariés pour le CE et le CHSCT). Toutefois, le législateur a prévu plusieurs modalités de lissage dans le temps du franchissement de ces seuils. S'agissant des DP, du CE et du CHSCT, leur mise en place n'est obligatoire que si leur seuil d'effectif respectif est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes 93 ( * ) .

De plus, depuis les lois du 14 juin 2013 94 ( * ) et du 17 août 2015 95 ( * ) , les employeurs disposent d'un délai d'un an supplémentaire à compter du franchissement du seuil de cinquante salariés, selon ces modalités, pour se conformer aux obligations récurrentes d'information et de consultation du comité d'entreprise 96 ( * ) .

Après la négociation d'un protocole d'accord préélectoral avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou au niveau national et interprofessionnel, qui doit définir les modalités d'organisation du scrutin à venir ainsi que la répartition du personnel dans les collèges électoraux 97 ( * ) et celle des sièges entre ces catégories de personnel, l'employeur organise les élections professionnelles. Il s'agit d'un scrutin de liste à deux tours, pour lequel les organisations syndicales disposent, au premier tour, d'un monopole de présentation 98 ( * ) . Ces listes doivent, depuis la loi « Rebsamen » précitée, refléter la proportion de femmes et d'hommes dans l'entreprise et être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. Les membres du CHSCT, quant à eux, ne sont pas élus par leurs pairs mais désignés par le comité d'entreprise.

L'employeur peut toutefois se trouver dans l'impossibilité de mettre en place des IRP dans son entreprise en raison de l' absence de candidatures aux élections professionnelles. Il doit dans ce cas établir un procès-verbal de carence et le communiquer aux salariés ainsi qu'à l'inspecteur du travail 99 ( * ) . En revanche, le fait pour un employeur de s'opposer à la constitution d'une IRP, qu'il s'agisse de la désignation des DP ou de la mise en place d'un CE ou d'un CHSCT, est constitutif d'un délit d'entrave et sanctionné pénalement d'une peine d'emprisonnement d'un an et de 7 500 euros d'amende 100 ( * ) .

b) La composition des IRP

L'ordonnance devra déterminer la façon dont l'instance unique est composée. Pour chacune des IRP actuelles, les effectifs des représentants du personnel varient en fonction de la taille de l'entreprise . En outre, des personnes extérieures , comme le médecin du travail ou l'inspecteur du travail, sont membres de droit ou peuvent assister aux réunions du CHSCT avec voix consultative.

La composition des institutions représentatives du personnel

Nombre de salariés de l'entreprise

Délégués
du personnel

Comité d'entreprise

CHSCT

Délégation unique du personnel

Regroupement des IRP
par accord
1

11-25

1

26-49

2

50-74

2

3

3

4

75-99

3

4

5

100-124

4

5

6

125-149

5

7

150-174

8

175-199

9

200-249

6

4

11

250-299

7

12

300-399

10 2

400-499

6

500-749

8

6

750-999

9

7

1 000-1 499

Un supplémentaire par tranche de 250 salariés

8

15 3

1 500-1 999

2 000-2 999

9

9

3 000-3 999

10

4 000-4 999

11

5 000-7 499

12

7 500-9 999

13

10 000 et plus

15

Source : Commission des affaires sociales

1 Nombre minimal de représentants du personnel, qu'il revient à l'accord regroupant les IRP de définir.

2 Ou six si le regroupement ne porte que sur deux des trois IRP.

3 Ou huit si le regroupement ne porte que sur deux des trois IRP.

Les possibilités de regroupement existantes conduisent déjà à une forte réduction du nombre des représentants des salariés par rapport à la situation dans laquelle les trois IRP coexistent. Ainsi, la DUP d'une entreprise de deux cents salariés compte onze membres, contre un total de quinze élus du personnel en additionnant les DP ainsi que les élus au CE et les membres du CHSCT. Pour une entreprise de cinq cents salariés dans laquelle les trois IRP auraient été fusionnées par accord majoritaire, le nombre minimal de membres de cette instance (dix) est inférieur de 50 % à celui résultant du maintien des trois IRP indépendantes (vingt).

La réflexion sur la composition de la future instance unique soulève plusieurs autres questions. Il est vraisemblable, sur le modèle du CE ou du CHSCT, qu'elle sera présidée par l'employeur , son secrétaire étant choisi parmi les représentants du personnel et chargé d'établir le procès-verbal de ses délibérations. Il conviendra également de déterminer le nombre et le rôle des suppléants : si à l'heure actuelle les DP, le CE et la DUP comptent un nombre de suppléants égal à celui des élus titulaires, tel n'est pas le cas du CHSCT, dont les représentants du personnel n'ont aujourd'hui pas de suppléants. De plus, les délégués du personnel suppléants peuvent assister aux réunions avec l'employeur 101 ( * ) tandis qu'au comité d'entreprise les suppléants assistent aux séances, où ils ont voix consultative 102 ( * ) .

Enfin, un représentant de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise assiste , également avec voix consultative, aux séances du comité d'entreprise . Il s'agit, dans celles de moins de trois cents salariés, du délégué syndical 103 ( * ) ou, dans les entreprises de plus grande taille, d'un représentant syndical choisi parmi les salariés. Un tel mécanisme n'est pas prévu par la loi pour le CHSCT mais peut être mis en place par voie conventionnelle. Il conviendra de déterminer à quelles réunions ce représentant syndical pourra assister et si, comme à l'heure actuelle dans la DUP, il ne peut être présent que lors des débats traitants de questions relevant de la compétence du comité d'entreprise.

c) Les attributions des IRP

Le code du travail distingue aujourd'hui les IRP selon leurs attributions - dialogue direct avec l'employeur au sujet des réclamations individuelles ou collectives des salariés pour les DP ; information et consultation ponctuelle ou récurrente des salariés sur le fonctionnement de l'entreprise pour le CE ; prévention et protection de la santé et de la sécurité des salariés pour le CHSCT - tout en confiant leurs compétences aux DP dans le cas où la mise en place d'un CE ou d'un CHSCT dans une entreprise d'au moins cinquante salariés n'aurait pas été possible.

Leur fusion peut être l'occasion de rationaliser ce processus et de réduire les difficultés liées à l'articulation parfois complexe de ces attributions, en particulier lorsqu'un même projet rend nécessaire la consultation successive du CHSCT et du CE . A titre d'exemple, pour tout projet de l'employeur modifiant les conditions de travail des salariés, le CE doit disposer de l'avis du CHSCT avant de se prononcer, celui-ci devant donc avoir été consulté au préalable 104 ( * ) .

Synthèse des principales attributions des trois IRP

Délégués du personnel

Comité d'entreprise

CHSCT

Missions :

Présenter aux employeurs les réclamations individuelles ou collectives relatives à l'application du droit du travail, à la santé et à la sécurité dans l'entreprise ;

Saisir l'inspection du travail des plaintes et observations relatives à l'application du droit du travail.

Mission :

Assurer une expression collective des salariés afin que leurs intérêts soient pris en compte dans les décisions de gestion de l'entreprise.

Missions :

Contribuer à la prévention et à la protection de la santé et de la sécurité des salariés ;

Contribuer à l'amélioration des conditions de travail ;

Faciliter l'accès à l'emploi des personnes handicapées ;

Veiller au respect du droit applicable dans ces domaines.

Consultation préalable à toute décision de l'employeur relative à la marche générale de l'entreprise, son organisation et sa gestion.

Consultation obligatoire avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Dans les entreprises de moins de cinquante salariés : exercer les missions du CHSCT, à moyens constants.

Consultation annuelle sur :

- les orientations stratégiques de l'entreprise ;

- sa situation économique et financière ;

- sa politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.

Consultation obligatoire avant l'introduction de nouvelles technologies.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés dépourvues d'autres IRP :

Exercer les attributions économiques du CE (consultations ponctuelles et annuelles) ;

Exercer les missions du CHSCT, avec les moyens de celui-ci.

Consultations ponctuelles :

- sur l'organisation et la marche de l'entreprise (introduction de nouvelles technologies, restructuration, fusion, acquisition, cession, modification des structures de production, offre publique d'acquisition) ;

- sur les conditions de travail ;

- en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Consultation obligatoire sur le plan d'adaptation aux mutations technologiques.

Consultation préalable à tout projet de licenciement collectif d'au moins dix salariés sur 30 jours.

Consultation préalable à tout projet de licenciement collectif d'au moins dix salariés sur 30 jours.

Consultation sur toute question de sa compétence sur saisine de l'employeur, du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Informations et consultations sur le temps de travail dans l'entreprise : mise en place d'horaires individualisés, accomplissement des heures supplémentaires, remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur (avis conforme), recours aux astreintes, etc.

Conclusion des accords d'intéressement et de participation avec l'em-ployeur.

Droit d'alerte de l'employeur en cas d'atteinte aux droits des salariés, à leur santé ou à leur liberté individuelle dans l'entreprise.

Droit d'alerte de l'employeur en cas de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise.

Droit d'alerte de l'employeur en cas de danger grave et imminent pour la vie ou la santé des salariés.

Droit d'alerte de l'employeur en cas d'accroissement important du nombre de CDD et de salariés temporaires dans l'entreprise.

Droit d'alerte de l'employeur en cas de risque grave sur la santé publique ou l'environ-nement.

En l'absence de comité d'entreprise :
consultation sur le règlement intérieur de l'entreprise.

Consultation sur le règlement intérieur de l'entreprise.

Consultation sur le règlement intérieur de l'entreprise pour les matières relevant de sa compétence.

Gestion des activités sociales et culturelles établies en faveur des salariés.

Source : Commission des affaires sociales

La diversité de ces attributions, qui sont plus étendues pour le comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins trois cents salariés (consultation sur le bilan social de l'entreprise, information trimestrielle sur la production, création obligatoire d'une commission d'information et d'aide au logement, etc.), soulève la question de leur mise en cohérence et de la façon dont les compétences de chacune des IRP actuelles seront exercées au sein de l'instance unique.

La présence d'un interlocuteur unique face à l'employeur devrait contribuer à simplifier la mise en oeuvre de certaines de ses décisions , jusqu'à présent soumises à un double avis du CHSCT et du comité d'entreprise. Elle devrait conduire à une spécialisation des représentants du personnel sur les thématiques concernées, les ordonnances, et le cas échéant les partenaires sociaux dans l'entreprise par voie conventionnelle, devant néanmoins déterminer les modalités d'organisation interne de l'instance. Le code du travail prévoit 105 ( * ) en effet actuellement, en cas d'instance regroupée incluant le CHSCT, la constitution au sein de celle-ci d'une commission d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pouvant être dotée des attributions reconnues au CHSCT.

d) Le fonctionnement de l'instance unique

Le dernier volet de l'habilitation relative à la fusion des IRP en une instance unique aborde ses modalités de fonctionnement , champ très large qui concerne aussi bien son statut juridique que l'organisation de ses travaux, les moyens dont elle dispose ainsi que ceux de ses membres, la périodicité et la tenue de ses réunions ou encore sa structuration interne. Le projet de loi mentionne quatre domaines précis que l'ordonnance devra traiter :

• les délais d'information-consultation de l'instance ;

• ses moyens ;

• le nombre maximum de mandats électifs successifs de ses membres ;

• les conditions et modalités de recours à une expertise .

La limitation du nombre de mandats électifs successifs constitue une rupture majeure avec le droit en vigueur, aucune des IRP actuelles n'étant soumise à un encadrement en la matière.

(1) Les délais d'information-consultation des IRP

Depuis la loi du 14 juin 2013 106 ( * ) , qui a transposé l'accord national interprofessionnel (Ani) du 11 janvier 2013 107 ( * ) , les délais de consultation du comité d'entreprise , qu'il s'agisse de ses consultations annuelles ou ponctuelles, ont été encadrés.

Tout en reconnaissant le principe d'un délai d'examen suffisant pour lui permettre d'exercer utilement sa compétence et, si nécessaire, de recueillir l'avis du CHSCT, le code du travail a fixé 108 ( * ) à un mois le délai de droit commun, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert et trois mois en cas de saisine du CHSCT 109 ( * ) . Par un accord d'entreprise ou, en l'absence de délégué syndical, par un accord conclu directement avec la majorité des membres du comité d'entreprise, un délai plus court ou plus long peut être défini, dans le respect d'un plancher de quinze jours .

La loi « Rebsamen » du 17 août 2015 110 ( * ) a étendu ce mécanisme aux consultations du CHSCT . En l'absence d'accord collectif, celui-ci dispose d'un mois pour remettre son avis, ou deux mois s'il a fait appel à un expert 111 ( * ) .

Pour ces deux instances, il s'agit de délais préfix : ainsi, si elles ne rendent pas leur avis dans le délai imparti, elles sont réputées avoir été consultées et avoir rendu un avis négatif. Ils courent à compter de la communication par l'employeur des informations requises pour que l'instance se prononce.

(2) Les moyens des IRP

Parmi les trois IRP, seul le comité d'entreprise bénéficie d'un budget de fonctionnement , d'un montant de 0,2 % de la masse salariale de l'entreprise. Le code du travail ne confère aucun budget propre au CHSCT : il appartient à l'employeur de prendre en charge ses dépenses de fonctionnement, tandis que la loi du 8 août 2016 112 ( * ) reconnaît explicitement au comité d'entreprise la possibilité d'assurer, grâce à son budget de fonctionnement, le financement d'une expertise du CHSCT 113 ( * ) . Les délégués du personnel, quant à eux, ne sont pas dotés de la personnalité civile et n'ont donc pas la capacité juridique de gérer un budget.

Les membres des IRP exercent leurs missions au sein de l'entreprise, en dehors des réunions de l'instance dont ils sont membres, grâce aux heures de délégation, considérées comme du temps de travail par la loi et rémunérées en tant que telles. Leur niveau varie selon l'IRP et la taille de l'entreprise.

Crédit mensuel d'heures de délégation des représentants des salariés dans les IRP

Nombre de salariés

Délégués du personnel

Comité d'entreprise

CHSCT

DUP

Regroupement par accord
de deux IRP

Regroupement par accord
de trois IRP

11-49

10

50-74

15

20

2

18

75-99

19

100-299

5

21

300-499

10

12 1

16 1

500-1 499

15

1 500 et plus

20

1 Plancher fixé par le code du travail en l'absence de fixation d'un niveau plus élevé par l'accord collectif regroupant les IRP.

Source : Commission des affaires sociales

Des règles spécifiques en matière d'utilisation du crédit d'heures de délégation sont applicables à la DUP. Ses membres peuvent cumuler leurs heures non consommées, dans la limite de douze mois et sans pouvoir dépasser, pour un mois donné, plus d'une fois et demie leur dotation initiale. De plus, ils peuvent également répartir entre eux , et avec les membres suppléants, leur crédit d'heures, dans le respect du plafond d'une fois et demie le nombre d'heures d'un titulaire.

Par ailleurs, l'utilisation des heures de délégation a été encadrée par la loi « Travail » du 8 août 2016 précitée. Ainsi, pour les représentants du personnel dont l'organisation du travail est régie par une convention de forfait en jours, elles doivent être regroupées en demi-journées, chacune équivalant à quatre heures de délégation, qui sont déduites du nombre annuel de jours de travail prévu par cette convention.

Les représentants des salariés siégeant dans les IRP disposent également d'un droit à la formation . Il s'agit, pour les délégués du personnel et les membres du comité d'entreprise , d'un stage de formation économique de cinq jours maximum au début de leur mandat et renouvelable tous les quatre ans, pris en charge par le comité d'entreprise. Les membres du CHSCT doivent quant à eux bénéficier d'une formation destinée à développer leur attitude à déceler et mesurer les risques professionnels et à les initier aux méthodes et procédés de prévention de ces risques et d'amélioration des conditions de travail 114 ( * ) . D'une durée de trois jours dans les entreprises de moins de trois cents salariés et de cinq jours dans celles dépassant ce seuil, elle est financée par l'employeur.

Enfin, l'employeur doit communiquer aux IRP toutes les informations nécessaires pour qu'elles rendent un avis motivé. A cette fin, la loi du 14 juin 2013 précitée a prévu la mise en place, dans chaque entreprise d'au moins cinquante salariés, d'une base de données économiques et sociales (BDES) regroupant toutes les informations mises à la disposition du comité d'entreprise et du CHSCT.

Il faut noter que dans tous ces domaines un accord d'entreprise ou de branche ou un usage peut prévoir des dispositions plus favorables aux IRP, qu'il s'agisse de moyens matériels supplémentaires, d'un crédit d'heures de délégation supérieur à celui prévu par la loi ou encore de la prise en charge par l'employeur de divers frais de fonctionnement.

(3) Le nombre maximum de mandats électifs successifs des membres de l'instance unique

La limitation dans le temps que le Gouvernement propose ici de mettre en place pour l'exercice des fonctions de représentants du personnel au sein de la nouvelle instance unique constitue une innovation par rapport au fonctionnement actuel des IRP . En effet, ni les délégués du personnel, ni les membres du comité d'entreprise ou du CHSCT ne sont soumis aujourd'hui à une règle les interdisant de solliciter auprès des salariés un nouveau mandat, quel que soit le nombre de mandats qu'ils aient déjà effectués.

Au contraire, les entreprises tout comme les organisations syndicales sont confrontées à une crise des vocations qui rend le renouvellement des représentants du personnel plus difficile, et ce alors qu'ils sont en moyenne plus âgés et ont plus d'ancienneté que le reste des salariés 115 ( * ) . Alors que, selon la Dares 116 ( * ) , le nombre de candidats serait insuffisant pour occuper l'ensemble des fonctions de représentant du personnel dans 38 % des établissements dotés d'IRP, le cumul des mandats entre IRP, ou entre les fonctions de délégué syndical et celles de membre d'une IRP, est très fréquent.

Si l'éventuelle limitation dans le temps du cumul des mandats de membre de l'instance unique dans le temps présente un caractère novateur et rompt avec le fonctionnement actuel des IRP, les intentions du Gouvernement en la matière restent très floues . L'étude d'impact annexée au projet de loi ne livre aucune de ses éventuelles pistes de travail sur ce point. On peut se demander si la concertation en cours avec les organisations syndicales ne conduira pas à l'abandon pur et simple de cette réforme ou tout du moins à sa neutralisation en raison des difficultés qu'une telle mesure pourrait susciter pour les 643 000 mandats concernés 117 ( * ) .

(4) Les conditions et modalités de recours à une expertise

A l'heure actuelle, deux des trois IRP peuvent faire appel à un expert : le comité d'entreprise pour se faire assister lors de certaines de ses consultations récurrentes ou ponctuelles et le CHSCT, soit lorsqu'un risque grave pour la santé ou la sécurité des salariés est constaté dans l'établissement, soit pour l'aider à évaluer un projet de l'employeur modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail dans l'entreprise.

Les cas de recours à un expert par les IRP

Comité d'entreprise

CHSCT

Expert-comptable :

• consultations annuelles sur :

- la situation économique et financière de l'entreprise ;

- les orientations stratégiques de l'entreprise ;

• consultations et situations ponctuelles portant sur :

- les opérations de concentration ;

- le droit d'alerte économique ;

- un licenciement collectif pour motif économique ;

- une offre publique d'achat reçue par l'entreprise.

• au profit des délégués syndicaux en vue de préparer les négociations relatives à un accord de maintien de l'emploi, à un accord de préservation ou de développement de l'emploi ou à un plan de sauvegarde de l'emploi.

Expert agréé :

• en cas de risque grave dans l'établissement ;

• en cas de consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

• en cas de consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs.

Expert technique dans les entreprises d'au moins trois cents salariés :

- en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de la mise en place d'un plan d'adaptation aux mutations technologiques ;

- pour la préparation de la négociation sur l'égalité professionnelle.

Recours libre à tout autre expert financé par son propre budget.

Possibilité de prise en charge d'une expertise au profit du CHSCT.

Source : Commission des affaires sociales

En fonction de la taille de l'entreprise et des thématiques abordées, le comité d'entreprise peut avoir recours à un expert-comptable ou à un expert technique . Le CHSCT quant à lui ne peut s'adresser qu'à des experts agréés par le ministère du travail et spécialisés dans deux domaines : la santé et la sécurité au travail ou l'organisation du travail et la production . Cet agrément, d'une durée maximale de cinq ans, est délivré en tenant notamment compte de l'expérience professionnelle du demandeur et de ses engagements déontologiques en matière de prévention des conflits d'intérêt. Tous les experts sont tenus au secret professionnel et à une obligation de discrétion au même titre que les membres des IRP. Le financement de ces expertises est pris en charge par l'employeur , sauf pour celle relative à la consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise, dont le comité d'entreprise prend en charge 20 % du coût, ainsi que le recours par ce dernier à ses frais, en dehors des consultations annuelles ou ponctuelles, à un expert pour l'assister dans ses travaux.

Depuis la loi du 14 juin 2013 118 ( * ) , les délais de réalisation des expertises demandées par le comité d'entreprise ont été encadrés . L'employeur et le comité d'entreprise doivent en principe chercher à parvenir à un accord fixant un délai « raisonnable » 119 ( * ) . En cas d'échec, l'expert-comptable missionné par ce dernier, lorsqu'il est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, doit ainsi remettre son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai de deux mois dont dispose le comité d'entreprise pour rendre son avis. L'expert technique doit quant à lui remettre son rapport au plus tard vingt-et-un jours après sa désignation.

La loi « Travail » du 8 août 2016 a quant à elle précisé les conditions dans lesquelles un employeur peut contester la nécessité, le coût ou encore le délai de l'expertise sollicitée par son CHSCT . Il doit saisir le juge judiciaire dans un délai de quinze jours suivant la délibération de cette IRP, celui-ci disposant de dix jours pour statuer en la forme des référés. S'il annule la décision de recourir à un expert, les frais d'expertise doivent être remboursés à l'employeur. Par ailleurs, une expertise demandée dans le cadre d'une consultation sur un projet modifiant les conditions de santé ou de sécurité ou les conditions de travail doit être réalisée dans un délai d'un mois pouvant être porté, si nécessaire, à quarante-cinq jours 120 ( * ) .

La création d'une instance unique appelle donc une harmonisation des conditions et modalités de recours à une expertise , qui restent aujourd'hui très disparates entre le comité d'entreprise et le CHSCT. Un alignement des délais, qui tiendrait toutefois compte de la diversité des travaux demandés aux experts et de leur degré de complexité, devrait ainsi être recherché. Il conviendrait également de réfléchir, dans le cadre de cette réforme, aux moyens de limiter le coût de ces expertises , qui ne cesse de croître ces dernières années pour les entreprises.

B. La négociation d'accords collectifs par l'instance unique

En l'état actuel du droit, les délégués syndicaux disposent, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, d'un monopole 121 ( * ) qui ne connaît que peu d'exceptions pour la négociation des accords d'entreprise avec l'employeur. Contrairement à d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas 122 ( * ) , les IRP ont des compétences très limitées en matière de négociation . Le code du travail ne prévoit leur intervention de plein droit que pour la conclusion d'accords d'intéressement 123 ( * ) ou de participation 124 ( * ) ou encore pour régler des questions de fonctionnement interne à l'instance, comme la fixation de leurs délais de consultation 125 ( * ) .

Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux , soit qu'elles n'aient pas été en mesure d'organiser d'élections professionnelles et ainsi de mesurer la représentativité en leur sein des organisations syndicales, soit qu'elles comptent moins de cinquante salariés et ne sont pas soumises à cette obligation, des procédures dérogatoires de négociation ont été mises en place (cf. art. 1 er ). Ainsi, les membres des IRP peuvent conclure des accords d'entreprise s'ils ont été mandatés à cette fin par une organisation syndicale représentative dans la branche ou au niveau national et interprofessionnel. Dans ce cas, l'accord doit être approuvé par les salariés lors d'un référendum .

En l'absence de mandatement , la négociation avec les représentants élus du personnel n'est possible que si elle vise la conclusion d'un accord relatif à des mesures dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif. Pour qu'il soit valide, cet accord doit être signé par des élus ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Enfin, si aucun membre du comité d'entreprise ou délégué du personnel ne souhaite négocier, les organisations syndicales de branche ou nationales peuvent mandater des salariés , l'accord conclu devant ensuite être validé par l'ensemble des salariés de l'entreprise à la majorité des votants.

Le de l'article 2 du projet de loi d'habilitation fait état de la volonté du Gouvernement de permettre à l'instance unique de négocier directement des accords de groupe, d'entreprise ou d'établissement avec l'employeur, au même titre que les délégués syndicaux, sous certaines « conditions » qui ne sont pas précisées. Ce point n'est absolument pas abordé dans l'étude d'impact annexée au projet de loi.

Cette mesure traduit, à l'instar du a) du 2° de l'article 1 er , les limites du mandatement syndical dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et son incapacité à développer la négociation collective en entreprise.

Le champ de l'habilitation ne se limite toutefois pas à ces seules entreprises, qui représentent selon l'étude d'impact 126 ( * ) 96 % des entreprises de onze à quarante-neuf salariés et 61 % de celles de cinquante à trois cents salariés. Toutes les entreprises dotées à l'avenir de l'instance unique seraient potentiellement concernées . Alors que le Gouvernement n'a pas souhaité intégrer le délégué syndical à cette IRP, il serait donc nécessaire de définir l'articulation entre le rôle de l'instance en tant que négociatrice d'accords collectifs et celui des délégués syndicaux qui, dans ce cas de figure, seraient dépossédés d'une de leurs principales attributions.

C. Mieux associer les représentants du personnel à certaines décisions de l'employeur

Le principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail et à la gestion des entreprises, issu du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, constitue le fondement juridique de la représentation du personnel . En application du code du travail, les IRP sont consultées sur les projets ponctuels de l'employeur relatifs à la marche de l'entreprise ainsi que, chaque année, sur plusieurs thématiques relatives à sa situation économique et sociale (cf. supra ) et lui remettent un avis qu'il est libre de prendre ou non en compte en vertu de son pouvoir de direction et qui découle quant à lui de la liberté d'entreprendre .

Dans un nombre restreint de cas, le comité d'entreprise doit émettre un avis conforme pour que l'employeur puisse poursuivre son projet. Il s'agit par exemple de la mise en place d'horaires individualisés, du remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos équivalent dans les entreprises n'ayant pas conclu d'accord collectif en ce sens ou encore du refus, par l'employeur, d'accorder un congé de formation économique et social à un salarié. Ce sont des situations précises , peu courantes dans la vie de l'entreprise et limitativement énumérées par le code du travail, la règle générale restant bien le caractère consultatif de l'avis rendu par les IRP.

Le de l'article 2 invite le Gouvernement à déterminer par ordonnance les conditions d'une meilleure association des représentants du personnel aux décisions de l'employeur « dans certaines matières ». Le caractère très imprécis de cette habilitation est à peine éclairé par l'étude d'impact, selon laquelle la formation et « l'employabilité » des salariés pourraient être concernées.

Cette disposition traduirait une conception « plus participative » de l'entreprise, passant notamment par l'extension du champ de l'avis conforme, bien que cette même étude d'impact reste prudente sur ce point, évoquant simplement le fait qu'il puisse être « étudié » 127 ( * ) .

Il n'en reste pas moins que la formulation de cette habilitation ouvre la possibilité au Gouvernement d'instituer une forme de codécision , voire de cogestion, au sommet des entreprises. De plus, au vu de la récente jurisprudence constitutionnelle selon laquelle le Gouvernement doit « indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention » 128 ( * ) et de la liberté constitutionnelle - la liberté d'entreprendre - qui serait ici potentiellement restreinte, un fort risque d'inconstitutionnalité pèse sur cette habilitation.

D. L'amélioration de la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des entreprises

Depuis la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi 129 ( * ) , transposant l'article 13 de l'Ani du 11 janvier 2013, les salariés sont représentés , avec voix délibérative, au sein de l'organe de gouvernance des grandes entreprises (conseil d'administration ou de surveillance, selon leur forme juridique). Auparavant, seuls y siégeaient des représentants des salariés actionnaires 130 ( * ) ainsi que deux représentants du comité d'entreprise avec voix consultative. Les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés pouvaient également compter des représentants des salariés sur une base volontaire .

Des modalités spécifiques de représentation des salariés au conseil d'administration ou de surveillance ont été prévues dans le cadre des privatisations réalisées depuis 1986 131 ( * ) et 1993 132 ( * ) . Dans le premier cas, l'organe de gouvernance doit compter au moins un représentant des salariés ou des salariés actionnaires s'il se compose de moins de quinze membres, et deux s'il dépasse ce seuil. Dans le second, il comporte deux représentants des salariés et un représentant des salariés actionnaires s'il compte moins de quinze membres et un représentant des salariés supplémentaire au-dessus de ce seuil.

Sous l'empire de la loi du 14 juin 2013, les sociétés ayant leur siège en France et employant, directement ou à travers leurs filiales, plus de cinq mille salariés en France ou dix mille à l'étranger et soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise devaient compter un administrateur représentant les salariés si leur conseil comptait jusqu'à douze membres et deux au-dessus de ce seuil . Ceux-ci pouvaient être soit directement élus par les salariés, soit désignés par le comité d'entreprise ou l'organisation syndicale la plus représentative dans l'entreprise 133 ( * ) , l'assemblée générale extraordinaire de l'entreprise devant trancher entre ces trois modalités.

Cette même loi avait enjoint aux entreprises concernées par ces dispositions de faire entrer en fonction ces nouveaux administrateurs dans les six mois suivant l'assemblée générale devant définir les conditions de leur élection ou désignation, celle-ci devant se tenir « au plus tard en 2014 » 134 ( * ) , soit au plus tard le 30 juin 2015. Elle avait également prévu que le Gouvernement devait remettre au Parlement, avant cette date, un rapport faisant le bilan de cette disposition et envisageant son extension.

Le bilan de la loi de sécurisation de l'emploi réalisé par le Gouvernement en avril 2015 135 ( * ) soulignait qu' un tiers des sociétés du SBF 120, indice de référence des principales capitalisations boursières françaises, échappaient à l'obligation de représentation des salariés au sein de leur conseil d'administration ou de surveillance en raison de leur structure juridique. La présence d'une holding comptant moins de cinquante salariés à la tête du groupe leur permettait en effet de bénéficier de la dérogation prévue en faveur des entreprises n'étant pas tenues de mettre en place un comité d'entreprise.

En conséquence, la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 136 ( * ) a supprimé cette exemption , ne la maintenant que pour les holdings de moins de cinquante salariés dont l'activité principale est l'acquisition et la gestion de filiales et de participations et qui ne sont donc pas le lieu de la définition des orientations stratégiques du groupe. Elle a surtout abaissé le seuil d'effectif à partir duquel les entreprises doivent compter des représentants des salariés dans leur conseil d'administration ou de surveillance. En l'état actuel du droit, sont soumises à cette obligation les entreprises qui, directement ou à travers leurs filiales, emploient :

• soit au moins mille salariés en France ;

• soit au moins cinq mille salariés en France et à l'étranger .

Ce texte 137 ( * ) avait prévu une entrée en vigueur différée pour ces nouvelles dispositions. Les holdings qui bénéficiaient auparavant de la dérogation disposaient d'un délai de six mois suivant l'assemblée générale définissant les modalités de désignation ou d'élection des représentants des salariés, celle-ci devant avoir lieu dans les six mois suivant la clôture de l'exercice 2016 . Les entreprises nouvellement soumises à cette obligation de représentation en raison de la diminution du seuil d'effectif requis pour son application bénéficiaient quant à elles d'une année supplémentaire , pour une assemblée générale devant avoir lieu dans les six mois suivant la clôture de l'exercice 2017 . Cette période transitoire n'a pas expiré et, en conséquence, ces sociétés peuvent encore pour quelques mois ne pas compter de représentants des salariés dans leur conseil d'administration ou de surveillance.

Néanmoins, le Gouvernement cherche, par le du présent article 2, à « améliorer les conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d'administration et de surveillance des sociétés dont l'effectif dépasse certains seuils ». Il convient de souligner qu' aucune étude ou évaluation des effets de la loi de 2013 n'a été réalisée , le rapport devant être produit par le Gouvernement n'ayant jamais été remis au Parlement. Les effets de la loi « Rebsamen » seraient quant à eux difficiles à mesurer puisque l'extension du champ de l'obligation de représentation des salariés n'est pas encore pleinement applicable .

Dans ce contexte, il est malaisé d'établir les intentions du Gouvernement . L'étude d'impact reste très lacunaire sur ce point : ne précisant pas quel seuil d'effectif pourrait être retenu, elle avance simplement que le but est de « renforcer la présence salariale et donc la transparence et la confiance ainsi que la possibilité de mieux prendre en compte le point de vue du personnel dans les processus de décision stratégiques de l'entreprise, en permettant aux salariés ou leurs représentants de participer à sa gouvernance ». Cette assertion tient peu compte du fait que depuis la loi de 2013, lorsqu'ils sont présents, les représentants des salariés sont des membres à part entière de l'organe de surveillance de l'entreprise , dotés d'une voix délibérative et non consultative. Ils participent donc pleinement à la décision et font déjà valoir le point de vue des salariés.

L'objectif ici n'est pas de mettre en place une cogestion à l'allemande , où dans les entreprises de plus de deux mille salariés le conseil de surveillance est composé à part égale de représentants des salariés et des actionnaires. La transposition de ce modèle en France serait hasardeuse dès lors que la présence obligatoire de membres du personnel au conseil d'administration ou de surveillance des grandes entreprises a été votée il y à peine quatre ans et est effective depuis à peine plus de deux ans, voire ne l'est même pas encore pour certaines d'entre elles.

Selon l'étude d'impact, ce sont cinquante sociétés du SBF 120 qui sont concernées par l'élargissement prévu par la loi « Rebsamen », ce qui porte à cent cinq sur cent vingt, soit une proportion de 87,5 % , le nombre de celles qui entrent dans le champ de l'obligation d'accueillir des représentants des salariés au sein de leur organe de gouvernance. Il est toutefois regrettable que cette question ait été marquée par une très forte instabilité normative , que le Gouvernement semble vouloir perpétuer sans qu'il ait fait état d'orientations particulières, puisqu'il pourrait tout autant souhaiter abaisser le seuil d'effectif déclenchant cette obligation, ce qui pourrait venir fragiliser des entreprises familiales de taille moyenne, qu'augmenter le nombre de représentants des salariés dans les entreprises actuellement concernées, risquant ainsi de bouleverser les équilibres au sein de leurs conseils d'administration ou de surveillance.

E. La revalorisation des fonctions syndicales et de représentation du personnel dans l'entreprise

Le développement du dialogue social dans l'entreprise passe nécessairement par un renforcement de l'attractivité des fonctions représentatives , des compétences des élus et des moyens des organisations syndicales . Depuis plusieurs années, le législateur a cherché à agir sur ces trois aspects, sans pour autant parvenir à corriger les faiblesses du modèle français ou à obtenir des résultats tangibles, notamment avec la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 138 ( * ) . Ce texte avait notamment :

• mis en place un entretien individuel de début de mandat avec l'employeur pour déterminer les modalités d'articulation de celui-ci avec l'emploi occupé, ainsi que, dans le cadre de l'entretien professionnel biennal, un recensement des compétences acquises au cours du mandat 139 ( * ) ;

• prévu l'établissement d'une liste des compétences correspondant à l'exercice d'un mandat de représentation des salariés et prenant la forme d'une certification permettant notamment d'obtenir une validation des acquis de l'expérience 140 ( * ) ;

• établi une garantie de non-discrimination salariale en faveur des représentants du personnel ou syndicaux dont le nombre d'heures de délégation est supérieur à 30 % de leur temps de travail 141 ( * ) .

Le Gouvernement semble souhaiter, au du présent article 2, aller plus loin en la matière en agissant dans cinq domaines qui contribuent à la vitalité et à la qualité du dialogue social en entreprise :

• son financement , par l'instauration d'un chèque syndical ;

• la formation des représentants des salariés ;

• les conditions d'exercice d'un mandat syndical ou de représentation des salariés ;

• la valorisation de l'exercice d'un mandat dans la carrière et la reconnaissance des compétences acquises ;

• le renforcement de la lutte contre les discriminations syndicales .

(5) La mise en place du chèque syndical

Depuis 1990, le groupe Axa attribue chaque année à ses salariés ayant au moins six mois d'ancienneté un bon de financement , d'un montant de 46,1 euros pour les non-cadres et 54,9 euros pour les cadres en 2016 et revalorisé selon l'inflation, que ceux-ci peuvent décider d'allouer anonymement à l'une des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise 142 ( * ) . Son objectif est de « contribuer au bon fonctionnement des organisations syndicales et de la représentation du personnel » 143 ( * ) selon deux principes : « l'implication directe des salariés » dans le financement des organisations syndicales à travers un « acte positif de participation » et la transparence du fonctionnement et de l'utilisation de ce bon 144 ( * ) , dont les organisations bénéficiaires doivent présenter annuellement la synthèse aux salariés.

Environ un salarié de l'entreprise sur deux ferait usage de cet outil , qui doit être utilisé par les organisations syndicales pour prendre en charge leurs frais matériels ou encore renforcer la formation de leurs membres. Jusqu'à 20 % des fonds recueillis peuvent être reversés à une confédération ou à une fédération adhérente de cette dernière.

Sans base légale spécifique, ce dispositif n'entre pas dans le champ de l'article L. 2141-6 du code du travail qui interdit à l'employeur de prélever les cotisations syndicales sur les salaires et de les payer en lieu et place de ses salariés puisqu'il s'agit là d'un choix individuel et facultatif de chaque salarié sur lequel l'employeur n'a aucun droit de regard. A la suite d'Axa, plusieurs autres entreprises comme Casino ou SCOR ont mis en place un système similaire .

Depuis le milieu des années 2000, de nombreux travaux institutionnels ont évoqué l'extension du chèque syndical . Dès 2006, le rapport Hadas-Lebel 145 ( * ) l'envisageait au profit des adhérents des syndicats, à la charge de l'Etat et en lieu et place de la déduction d'impôt sur le revenu à hauteur de 66 % du montant des cotisations versées actuellement en vigueur. La commission « Attali » pour la libération de la croissance française 146 ( * ) faisait du chèque syndical, développé au niveau de l'entreprise, un moyen d'améliorer la transparence du financement des organisations syndicales et de mieux cibler l'utilisation de leurs ressources. Les partenaires sociaux signataires 147 ( * ) de la position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme le mentionnaient quant à eux comme un outil pouvant être mis en place par les entreprises pour développer les adhésions aux organisations syndicales.

Plusieurs groupes de réflexions ont également apporté leur soutien à ce dispositif . En 2011, l'Institut Montaigne 148 ( * ) décrivait le chèque syndical comme un outil pouvant inciter les salariés à rejoindre un syndicat, tout en tirant un bilan globalement positif de l'expérience d'Axa. En 2014, la direction du Trésor 149 ( * ) avait elle aussi mentionné le chèque syndical parmi ses pistes de développement de la syndicalisation en France, rappelant qu'il peut contribuer à la qualité du dialogue social mais qu'il n'est pas exempt de critiques . Terra Nova, plus récemment, dans une note réalisée avec la CFDT et l'Unsa 150 ( * ) , a prôné sa mise en place. D'un point de vue politique, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait dans son discours de clôture de la Conférence sociale du 19 octobre 2015 fait référence au chèque syndical comme un outil permettant de renforcer les moyens des organisations syndicales, sans que cette annonce ait été depuis cette date suivie d'une traduction concrète.

En l'état actuel du droit, le s organisations syndicales sont essentiellement financées , d'une part, par les cotisations de leurs adhérents et , d'autre part , par le fonds paritaire pour le financement du dialogue social , lui-même alimenté par une contribution des employeurs et une subvention de l'État au titre des missions d'intérêt général effectuées par ces organisations (conception et gestion des politiques paritaires ; négociation, consultation et concertation sur les politiques nationales ; formation économique, sociale et syndicale des salariés). La mise en place d'un chèque syndical viendrait renforcer le caractère ascendant des ressources financières des organisations syndicales, au côté des cotisations, ce qui pourrait inciter au développement d'un syndicalisme de services encore insuffisamment développé en France.

Il ne s'agit pour autant à ce stade que de simples conjectures tant les intentions du Gouvernement en la matière sont floues et les partenaires sociaux divisés sur ce point (cf. infra ). L'habilitation prévoit uniquement que le chèque sera financé « en tout ou partie » par l'employeur, laissant ouverte la possibilité que l'Etat ou le salarié lui-même viennent l'abonder.

De plus, l'étude d'impact ne consacre que six lignes à cette réforme , regrettant simplement que la jurisprudence favorable à ce dispositif n'ait pas suffisamment été jusqu'à présent « mis [e] en relief » 151 ( * ) . Aucun montant potentiel ou critère d'éligibilité n'est proposé , ni même une évaluation de l'impact de ce dispositif pour les entreprises, notamment en matière financière, ou des projections sur les conséquences qu'il pourrait avoir sur les ressources ou les effectifs des syndicats. De très nombreux points restent donc encore à éclaircir alors que cette réforme est susceptible d'avoir de profondes conséquences sur le fonctionnement du dialogue social dans les entreprises.

(6) Le renforcement de la formation des représentants des salariés

A l'heure actuelle, plusieurs mécanismes de formation des représentants des salariés coexistent selon le statut de leur bénéficiaire. Certaines formations sont obligatoires , comme la formation économique dont bénéficient les membres du comité d'entreprise au début de leur mandat et qui est financée par cette instance, ou la formation sur les risques professionnels et l'amélioration des conditions de travail au profit des membres du CHSCT, qui doit être prise en charge par l'employeur (cf. supra ).

En revanche, le code du travail ne prévoit aucune obligation de formation pour les délégués du personnel , sauf lorsqu'ils exercent les missions du CHSCT dans les entreprises de moins de cinquante salariés ou dans celles plus grandes où cette IRP n'a pu être mise en place.

De même, aucun mécanisme de formation spécifique n'a été mis en place par le législateur en faveur des délégués syndicaux . Comme tout salarié, ils peuvent bénéficier du congé de formation économique, sociale et syndicale pour suivre des stages organisés par les structures de formation rattachés aux confédérations syndicales nationales ou par des instituts spécialisés 152 ( * ) . Dans ce cas, et en l'absence d'accord collectif plus favorable, la rémunération est maintenue par l'employeur, qui est ensuite remboursé par l'organisation syndicale à laquelle adhère le bénéficiaire du congé. L'employeur ne peut refuser le départ d'un de ses salariés en congé de formation économique, sociale et syndicale que si cette absence pourrait porter préjudice à la bonne marche de l'entreprise et après avis conforme du comité d'entreprise.

Depuis la loi « Travail » du 8 août 2016 153 ( * ) , le comité d'entreprise peut par ailleurs prendre en charge , sur son budget de fonctionnement, le coût de formations destinées aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux . Ce même texte a prévu la mise en place de formations communes aux salariés et aux employeurs , auxquelles peuvent également participer des magistrats et d'autres fonctionnaires, pour améliorer les pratiques du dialogue social dans les entreprises. Elles s'inscrivent soit dans le cadre du congé de formation économique, sociale et syndicale, soit dans celui du plan de formation de l'entreprise.

Avec le de l'article 2 du projet de loi d'habilitation, le Gouvernement prévoit, pour améliorer le dialogue social en entreprise, de renforcer la formation des représentants des salariés . Selon l'étude d'impact, cet objectif se traduirait par l' extension de dispositifs existants . Plusieurs hypothèses sont évoquées : abondement exceptionnel du compte personnel de formation (CPF), accès facilité au congé individuel de formation (CIF) pour les représentants syndicaux ou encore majoration des droits acquis dans le compte personnel d'activité (CPA) au terme d'une activité syndicale. Il faut toutefois noter que le CPA n'est pas le porteur de droits autonomes mais le réceptacle des droits acquis au titre du CPF, du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et du compte d'engagement citoyen (CEC), et que le Gouvernement demeure muet sur le financement de cette mesure . Alors que les ressources financières dédiées au CPF et au CIF, qui pour les salariés relèvent des entreprises, risquent de s'avérer insuffisantes dans les années à venir pour couvrir les demandes de prise en charge, il est probable qu'à moyens constants cet objectif restera sans effets .

A l'inverse, si des moyens supplémentaires doivent être débloqués, le Gouvernement devrait dès aujourd'hui fournir ses pistes de travail : l'abondement exceptionnel du CPF serait-il financé par l'Etat, l'employeur, voire l'organisation syndicale dont le représentant fait partie ? Sachant qu'il y avait en France 116 000 délégués syndicaux 154 ( * ) en 2011, quel serait le montant envisagé de la dépense supplémentaire pour le financeur qui sera retenu ? Il appartient au Gouvernement de lever cette incertitude dès les concertations avec les partenaires sociaux.

(7) L'évolution des conditions d'exercice d'un mandat de représentation des salariés

Le Gouvernement souhaite également, au du présent article 2, encourager l'évolution des conditions d'exercice des responsabilités syndicales ou d'un mandat de représentant du personnel. Il faut sur ce point noter que la loi du 8 août 2016 précitée a revalorisé de 20 % le crédit d'heures de délégation accordé aux délégués syndicaux, aux délégués syndicaux centraux et aux délégués syndicaux ou salariés pour préparer la négociation d'accords d'entreprise et qu'elle a sécurisé juridiquement la mise à disposition de locaux par les collectivités territoriales au profit des organisations syndicales.

Néanmoins, aucune information n'a été fournie par le Gouvernement sur les mesures qu'il compte prendre pour inciter à faire évoluer les conditions d'exercice de la représentation du personnel dans l'entreprise. Dans le cadre de la concertation en cours, il semble peu probable que les représentants des employeurs acceptent par exemple une nouvelle augmentation du nombre d'heures de délégation. La fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT au sein d'une instance unique pourrait toutefois être l'occasion de repenser le fonctionnement du dialogue social afin de le mettre véritablement au service des salariés et du développement de l'entreprise et qu'il ne se limite pas à une opposition manichéenne préjudiciable à tous ses acteurs.

(8) La reconnaissance de l'exercice d'un mandat dans le déroulement de carrière et la valorisation des compétences acquises

En 2015, la loi « Rebsamen » 155 ( * ) avait déjà cherché à déterminer les moyens de mieux valoriser l'expérience et les compétences acquises par un représentant du personnel au cours de son mandat et de les mettre ensuite, au terme de celui-ci, au service de l'entreprise (cf. supra ). Elle avait ainsi prévu un entretien professionnel avec l'employeur en début et en fin de mandat ainsi que l'élaboration d'une certification rassemblant les compétences acquises dans le cadre de fonctions de représentation du personnel et pouvant ensuite, découpée en blocs de compétences, faciliter l'acquisition d'autres certifications (certificat d'aptitude professionnelle (CAP), certificat de qualification professionnelle (CQP), licence professionnelle, etc.) par le biais de la validation des acquis de l'expérience (VAE).

Elle avait également ajouté à la négociation triennale obligatoire sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans les entreprises d'au moins trois cents salariés un volet relatif au déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et à l'exercice de leurs fonctions.

Deux ans plus tard, il est difficile de tirer un bilan de ces mesures . Depuis cette date, il ne s'est en effet pas encore écoulé la durée d'un mandat de représentation du personnel. Tous les élus du personnel ou délégués syndicaux n'ont donc pas encore pu bénéficier d'un entretien professionnel de fin de mandat. S'agissant de la reconnaissance sous la forme d'une certification des compétences acquises dans l'exercice des fonctions de représentants du personnel ou d'élu syndical, force est de constater qu'elle n'a toujours pas été publiée , bien que le Gouvernement affirme dans l'étude d'impact annexée au projet de loi que son déploiement est « actuellement en cours » 156 ( * ) . S'agissant de la négociation sur la GPEC, aucun bilan n'a été réalisé et sa périodicité triennale explique qu'elle n'a pas encore été renouvelée dans toutes les entreprises concernées depuis 2015.

Le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement au de l'article 2 porte donc également sur la reconnaissance des responsabilités syndicales ou d'un mandat de représentant du personnel dans le déroulement de carrière et des compétences acquises dans ce cadre. Il est vrai que l'engagement syndical est souvent perçu comme un frein à l'évolution professionnelle au sein d'une entreprise et que la transformation en cours du profil des élus - féminisation, rajeunissement - signifie que le cumul des mandats dans le temps sera de moins en moins courant, et ce d'autant plus qu'il devrait être strictement encadré au sein de la nouvelle instance unique. Néanmoins, sur ce point comme sur de nombreux autres à cet article, le Gouvernement n'a à ce jour fourni aucun élément permettant d'évaluer la pertinence de ses idées en la matière .

(9) Le renforcement de la lutte contre les discriminations syndicales

Le code du travail pose un principe général de non-discrimination à l'égard des personnes exerçant une activité syndicale. Son article L. 2141-5 interdit ainsi aux employeurs de se fonder une décision sur l'appartenance syndicale d'un salarié, qu'il s'agisse de recrutement, d'évolution de carrière, de sanction ou encore de licenciement.

Pour autant, la discrimination syndicale est avérée dans de nombreuses entreprises . Selon les travaux de l'économiste Thomas Breda 157 ( * ) , les salaires des délégués syndicaux sont en moyenne inférieurs de 10 % à ceux de leurs collègues.

Ces écarts de salaire sont liés à des taux de promotion plus faibles pour les délégués syndicaux que pour le reste des salariés de l'entreprise et sont encore plus marqués lorsque ces derniers ont été impliqués dans un conflit avec l'employeur ou que la négociation d'un accord d'entreprise a échoué 158 ( * ) .

La loi « Rebsamen » 159 ( * ) avait cherché à corriger cette situation en garantissant aux délégués syndicaux et aux représentants du personnel disposant d'un crédit d'heures de délégation équivalant à plus de 30 % de leur durée de travail, sur la durée de leur mandat, une évolution de leur rémunération égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et ayant une ancienneté comparable à eux 160 ( * ) . Cette disposition n'exclut pas la possibilité de négocier, par accord d'entreprise ou de branche, des dispositions plus favorables aux salariés.

Cette préoccupation était aussi présente dans la loi « Travail » du 8 août 2016 161 ( * ) . Son article 30 demande au Gouvernement de remettre au Parlement dans un délai d'un an à compter de sa promulgation un rapport sur l'état des discriminations syndicales en France . A partir des travaux du Défenseur des droits sur le sujet, le Gouvernement doit notamment recenser les bonnes pratiques adoptées par certaines entreprises pour lutter contre ce phénomène. Issue d'un amendement déposé par le Gouvernement devant le Sénat, cette demande traduit l'une des recommandations de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) du 24 mai 2016 sur le développement de la culture du dialogue social en France 162 ( * ) . Cette institution s'est d'ailleurs saisie de la question des discriminations syndicales en mars 2017 et a adopté le 13 juillet 2017 un avis 163 ( * ) en ce sens.

Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite pouvoir, par ordonnance, améliorer les outils de lutte contre les discriminations syndicales . Dernier volet de sa stratégie annoncée de revalorisation des parcours syndicaux en entreprise qui doit être mise en oeuvre dans le périmètre dessiné par l'habilitation défini au du présent article 2, il reste à ce stade très peu précis sur les pistes envisagées. L'étude d'impact est une fois encore silencieuse sur le sujet. Il est fort probable que les recommandations du Cese sur la prévention et la lutte contre ces discriminations alimenteront la réflexion du Gouvernement et seront traduites, si elles relèvent du domaine de la loi, dans une ordonnance prise sur le fondement de cette habilitation.

F. L'élargissement des sources de financement de l'instance unique pour les petites entreprises

Le financement national des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs représentatives aux niveaux national (interprofessionnel ou multi-professionnel) ainsi que celui des organisations syndicales nationales ayant recueilli au moins 3 % des suffrages exprimés lors de la dernière mesure quadriennale de la représentativité est assuré par le fonds pour le financement du dialogue social pour chacune des trois missions mentionnées à l'article L. 2135-11 du code du travail (cf. supra ). Ce fonds est abondé par une subvention de l'Etat ainsi que par une contribution , versée par toutes les entreprises, dont le taux est de 0,016 % de la masse salariale. Cette dernière a représenté en 2015 84,3 millions d'euros .

Le de l'article 2 vise à permettre à certaines petites entreprises d' imputer sur cette contribution les frais de fonctionnement de la nouvelle instance unique de représentation du personnel issue de la fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, notamment les heures de délégation. Le périmètre des entreprises concernées, le cadre précis de mise en oeuvre de cette mesure et son impact sur les ressources du fonds restent inconnus. L'étude d'impact annexée au projet de loi est peu loquace sur ce point puisqu'elle se contente d'évoquer le fait, sans apporter d'éléments à l'appui de son assertion, que cette mesure permettrait « d'encourager au dialogue social les entreprises dotées d'IRP et dont l'effectif n'est pas important ».

G. Le renforcement du rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles

La loi « Rebsamen » du 17 août 2015 164 ( * ) a institué, pour développer le dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés , une instance régionale externe rassemblant des représentants des salariés et des employeurs de ces entreprises : la commission paritaire régionale interprofessionnelle (CPRI).

Elle est composée de vingt membres , dix représentant les salariés, désignés par les organisations syndicales sur la base du résultat du scrutin quadriennal organisé auprès des salariés des TPE 165 ( * ) , et dix représentant les employeurs, désignés par les organisations professionnelles en fonction de leur audience dans la région.

Les CPRI ne couvrent toutefois pas l'ensemble des branches ou secteurs d'activité puisque ceux ayant déjà mis en place un mécanisme de représentation des salariés des TPE n'entrent pas dans leur champ. Il s'agit de l' artisanat , qui a été le précurseur de ce dispositif avec les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l'artisanat (CPRIA), des salariés du particulier employeur , des professions libérales , des services de l'automobile et du secteur des hôtels, cafés et restaurants en Corse. En outre, des commissions paritaires régionales de l'emploi couvrent les activités agricoles 166 ( * ) .

Ce régime dérogatoire n'est applicable que si les attributions de ces structures de branche sont les mêmes que celles des CPRI, auxquelles le législateur a confié quatre missions :

- informer et conseiller les salariés et les employeurs sur les dispositions légales et conventionnelles applicables ;

- débattre et rendre des avis sur les questions spécifiques aux TPE ;

- assurer, avec l'accord des parties, un travail de médiation précontentieuse en cas de conflit individuel ou collectif de travail ;

- faire des propositions en matière d' activités sociales et culturelles .

Il a reconnu aux membres des CPRI le droit d'accéder aux entreprises avec l'autorisation de l'employeur , tandis que les représentants des salariés disposent de cinq heures de délégation par mois. Son fonctionnement est assuré par le fonds pour le financement du dialogue social, à travers les crédits qu'il verse aux organisations syndicales et patronales qui y ont désigné des membres.

La mise en place des CPRI avait été fixée par la loi « Rebsamen » au 1 er juillet 2017 . Un arrêté du 1 er juin 2017 167 ( * ) a déterminé la répartition des sièges au sein des vingt CPRI : treize organisations syndicales de salariés 168 ( * ) et trois organisations professionnelles d'employeurs 169 ( * ) y sont représentées pour la période 2017-2021. La liste de leurs membres a été publiée dans chaque région par les services déconcentrés du ministère du travail, les directions régionales de l'emploi, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

La rédaction de l'habilitation figurant au du présent article 2 permet au Gouvernement, alors que les CPRI n'étaient pas encore installées au moment de la rédaction du projet de loi et n'auront vraisemblablement, d'ici sa promulgation, connu qu'une activité très limitée, de renforcer leur rôle et de modifier l'ensemble de leur régime juridique : conditions de mise en place, composition, attributions et modalités de financement. Cette formulation, qui laisse au Gouvernement une marge de manoeuvre très large, ne serait selon l'étude d'impact justifiée que par le seul souhait de leur faire jouer « un rôle plus important en matière de médiation individuelle et collective » 170 ( * ) . Votre rapporteur ne peut se montrer que très circonspect face à cette affirmation et à la disproportion entre l'étendue de l'habilitation et la volonté affichée par le Gouvernement. Il convient ici de rappeler que la création des CPRI a eu lieu en 2015 malgré l'opposition des deux plus importantes organisations professionnelles d'employeurs et de celle du Sénat.

H. La modernisation du droit d'expression des salariés

Institué à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 1985, par la loi « Auroux » du 4 août 1982 171 ( * ) puis généralisé par la loi du 3 janvier 1986 172 ( * ) , le droit d'expression des salariés avait suscité lors de sa création de violents débats parmi les partenaires sociaux. Au Sénat, notre ancien collègue Jean Chérioux faisait état de profondes craintes de voir ce droit confisqué par les organisations syndicales au détriment des salariés et y voyait un outil de politisation des entreprises 173 ( * ) . Depuis lors, force est de constater que, comme le souligne l'étude d'impact, ce droit « n'a jamais véritablement été mis en oeuvre dans les conditions prévues par la loi » 174 ( * ) et que l'effroi manifesté il y a 35 ans était infondé .

Le code du travail reconnaît aujourd'hui aux salariés un droit à l'expression directe et collective sur le contenu , les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail , dans le but d'améliorer notamment leurs conditions de travail et l'organisation de l'activité 175 ( * ) . Ils ne peuvent être sanctionnés ou licenciés pour les opinions émises dans ce cadre, considéré et rémunéré comme du temps de travail.

Dès 1982, les modalités d'exercice de ce droit devaient être définies par un accord d'entreprise fixant notamment l'organisation des réunions permettant l'expression des salariés, les mesures garantissant leur liberté d'expression ou encore les conditions dans lesquelles les propositions de ses salariés sont transmises à l'employeur. Son refus d'engager la négociation d'un tel accord est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende 176 ( * ) .

Par ailleurs, des consultations régulières des IRP au sujet de ce droit sont prévues . Si aucun accord collectif n'a été conclu, ce thème doit figurer à l'ordre du jour de la consultation annuelle du comité d'entreprise sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi. Il est également obligatoirement abordé lors de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Depuis la loi « Travail » du 8 août 2016 177 ( * ) , l' usage des outils numériques de l'entreprise pour garantir l'effectivité de ce droit doit à cette occasion être étudié.

L'évolution des formes d'organisation du travail depuis le début des années 1980 s'est accompagnée d'une dégradation des rapports hiérarchiques dans de nombreuses entreprises tandis que de nouvelles formes de risques professionnels sont apparues comme les risques psychosociaux . Dans ce contexte, la modernisation du droit d'expression est nécessaire pour faire face à ces transformations.

Le Gouvernement souhaite y procéder par ordonnance. Le du présent article 2 l'y habilite, précisant simplement que l'accent devra être mis sur le développement du recours aux outils numériques. Il s'agit aussi, d'après l'étude d'impact, d' inciter à la formation des cadres dirigeants au dialogue pour qu'ils prennent davantage en compte les difficultés des salariés grâce à des méthodes comme la médiation préventive ou l'écoute active 178 ( * ) .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission des affaires sociales n'a pas modifié cet article. En séance publique, six amendements ont été adoptés .

A l'initiative de notre collègue député Francis Vercamer et de plusieurs de ses collègues membres du groupe Les Constructifs, elle a précisé que l'ordonnance procédant à la fusion des IRP devrait définir les seuils d'effectifs à prendre en compte pour la mise en place de la nouvelle instance, tandis qu'un amendement de notre collègue député Boris Vallaud et des membres du groupe Nouvelle gauche a précisé que celle-ci pourra avoir recours à plusieurs types d'expertises (1° de l'article).

Deux amendements de notre collègue député Pierre Dharréville et plusieurs membres du groupe de la Gauche démocratique et républicaine (GDR) ont prévu que l'instance unique, lorsqu'elle est dotée de compétences en matière de négociation d'accords d'entreprise (2°), dispose des moyens nécessaires à l'exercice de ces prérogatives et que la meilleure association des représentants du personnel aux décisions de l'employeur (3°) permette notamment de renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes .

Sur proposition du Gouvernement, les députés ont également élargi le champ de l'habilitation figurant au 6° de l'article, afin que puisse être mise en place, en faveur des petites entreprises, une exonération totale ou partielle de la contribution au fonds pour le financement du dialogue social lorsqu'elles ont un dialogue social efficace en leur sein.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par notre collègue député Patrick Mignola et plusieurs membres du groupe du Mouvement démocrate et apparentés (Modem) afin que, sur le fondement de l'habilitation prévue au 7° de l'article, le Gouvernement ne procède pas nécessairement au renforcement du rôle des CPRI mais à sa redéfinition , afin de tenir compte des critiques formulées à leur sujet par les TPE.

III - La position de la commission

Le Gouvernement cherche, avec l'article 2 du projet de loi, à apporter une réponse à un constat très largement partagé sur la situation française du dialogue social en entreprise : celui de la grande complexité de son organisation, du caractère très directif de la loi et de la très faible marge de manoeuvre dont disposent ses acteurs pour l'adapter à leurs besoins.

En conséquence, les mécanismes actuels font primer le formalisme sur l'efficacité et constituent des freins au développement d'une culture du dialogue social permettant d'apaiser les tensions au sein de l'entreprise , de soutenir celle-ci lors des fluctuations de son activité économique et d'améliorer les conditions d'emploi des salariés.

Votre rapporteur partage ce point de vue, mais relève que la méthode choisie par le Gouvernement pour conduire sa réforme laisse en suspens beaucoup de questions sur ses modalités de mise en oeuvre et aboutit à regrouper dans cet article huit thématiques distinctes qui auraient donné lieu, dans un projet de loi traditionnel, à au moins autant d'articles et à une étude d'impact détaillée pour chacun.

Certes, le Gouvernement n'a pas voulu, dans ce projet de loi d'habilitation, présager des concertations qu'il mène en parallèle avec les partenaires sociaux. Il faut cependant rappeler , même si le contexte politique a depuis cette date beaucoup évolué, l'échec , en janvier 2015, de la négociation nationale interprofessionnelle sur la modernisation du dialogue social . Celle-ci avait notamment achoppé sur la fusion des IRP et la représentation des salariés des TPE, ce qui illustre l'écart entre les positions des partenaires sociaux sur le sujet.

Dans la situation actuelle, le Gouvernement n'est toutefois pas tenu d'attendre un accord des partenaires sociaux pour procéder à sa réforme, ces derniers n'ayant pas souhaité engager une nouvelle négociation. En revanche, l'un des volets de la concertation bilatérale entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, selon le programme de travail qui leur a été adressé, a pour objectif de « simplifier et renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs ». Ces échanges devaient notamment permettre de trouver des moyens d' améliorer l'efficacité du dialogue social en entreprise pour tenir compte de l'extension du champ de la négociation en son sein, de réfléchir à une meilleure articulation entre consultation et négociation ou encore de rechercher des solutions spécifiques pour les TPE et les PME . Ils devaient également porter sur le renforcement des moyens et de la légitimité des élus du personnel.

Le bilan de la concertation relative à la rénovation sociale

Le Gouvernement a transmis aux partenaires sociaux le 11 juillet 2017 le bilan de la concertation sur la simplification et le renforcement du dialogue social qu'il avait conduite avec eux, au cours de réunions bilatérales, entre le 24 juin et le 4 juillet.

Outre les thématiques de la négociation d'entreprise et de branche, de la validité des accords collectifs et de la restructuration des branches, qui relèvent de l'article 1 er du projet de loi, ce document permet de connaître les orientations retenues par le Gouvernement sur certains des champs d'habilitation de l'article 2.

Ainsi, les IRP devraient être fusionnées au sein d'un « comité social et économique » qui conserverait l'intégralité des compétences des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, serait doté d'un budget de fonctionnement , de la capacité à ester en justice et de faire appel à des experts . La création d'une commission spécialisée en matière d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail serait rendue obligatoire au-delà d'un certain seuil, et un accord d'entreprise pourrait prévoir le maintien, à côté du comité social et économique, d'une des IRP existantes.

Un accord majoritaire d'entreprise ou de branche pourrait transformer le comité social et économique en « conseil d'entreprise » , instance unique compétente pour négocier avec l'employeur . Il reviendrait à l'accord l'instituant de définir les modalités d'exercice de cette compétence ainsi que les domaines dans lesquels les décisions de l'employeur seraient soumises à son avis conforme .
Sur ce dernier point, le Gouvernement cite l'exemple de la formation.

Enfin, plusieurs précisions sont apportées sur la valorisation des parcours syndicaux et la lutte contre la discrimination syndicale (5° de l'article). Une mission a été confiée au directeur général de l'association Dialogues, spécialisée dans la promotion du dialogue social, afin qu'un recensement des pratiques innovantes des branches en la matière soit effectué et que celles-ci puissent être généralisées par les ordonnances. Sur la discrimination syndicale, la définition d'indicateurs de suivi de ce phénomène est évoquée ainsi que la publicité des cas avérés de discrimination.

Le résultat de cette concertation ne couvre toutefois pas l'ensemble du champ de l'article 2 . La question des moyens de l'instance unique et de sa composition n'est ainsi pas abordée, ni celle de la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des entreprises (4° de l'article), du chèque syndical (5°) ou des CPRI (7°). On peut émettre l'hypothèse que, sur ces thèmes, les positions des partenaires sont trop divergentes pour qu'un consensus puisse être obtenu.

Sur deux des principaux points de cet article 2, la fusion des IRP et la création du chèque syndical , votre rapporteur peut toutefois soulever plusieurs interrogations qui mériteraient d'être traitées dans l'ordonnance et plusieurs imprécisions dans les habilitations.

Si votre rapporteur est très favorable à la simplification des IRP et à la fusion en une seule instance des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, sur le modèle du conseil d'entreprise allemand, il est regrettable que la réforme envisagée reste incomplète et ne permette pas de corriger l'ensemble des insuffisances du modèle actuel.

Elle reste tout d'abord silencieuse sur la question des seuils d'effectif à partir desquels l'organisation d'élections professionnelles est obligatoire. Alors qu'ils constituent pour les chefs d'entreprise un frein psychologique et réglementaire au développement de leur société, en les incitant notamment à créer des filiales plutôt que de privilégier la croissance interne, ils n'étaient pas mentionnés dans le projet de loi initial. Sur ce point, il est essentiel de prendre en compte le ressenti des employeurs et de lever cet obstacle au recrutement de nouveaux salariés.

De plus, le texte ne prévoit que la fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, sans mentionner explicitement les délégués syndicaux. C'est seulement sous certaines conditions, qui restent aujourd'hui inconnues, que l'instance unique pourrait exercer leurs compétences en matière de négociation d'accords d'entreprise. La véritable simplification consisterait à les intégrer de droit dans cette nouvelle IRP, ce qui garantirait une plus grande effectivité du dialogue social dans l'entreprise et améliorerait sa lisibilité pour les salariés. En généralisant la négociation directement avec les IRP , le Gouvernement ne ferait qu'adapter le droit à la pratique, puisqu'aujourd'hui de nombreux délégués syndicaux cumulent cette fonction avec celle de délégué du personnel, de membre du comité d'entreprise ou de membre du CHSCT. Une telle mesure renforcerait considérablement le poids de cette nouvelle IRP qui deviendrait l'interlocuteur unique de l'employeur dans un contexte d'élargissement du champ de l'accord d'entreprise.

Il serait par ailleurs opportun que le Gouvernement apporte des précisions sur le fonctionnement de cette instance unique en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail . Alors que la loi « Rebsamen » 179 ( * ) avait prévu, en cas de regroupement des IRP par accord majoritaire, la présence obligatoire d'une commission dédiée à ces problématiques, l'habilitation ne la prévoit pas pour cette nouvelle IRP. Il appartiendra donc à la ministre de fournir des informations supplémentaires sur ce point, comme sur le déroulement des consultations qui impliquaient d'abord l'intervention du CHSCT puis celle du comité d'entreprise. Sachant que les compétences et l'expertise de ces deux IRP diffèrent aujourd'hui grandement, il est important qu'à l'avenir un avis unique soit rendu , gage de diminution des délais de consultation , dans le respect des pleines prérogatives des représentants du personnel (information, recours à l'expertise). Par ailleurs, les dispositions relatives à l'instance de coordination des CHSCT devront être modifiées pour tenir compte de cette nouvelle configuration.

L'application progressive de cette fusion des IRP doit également être soulignée . En effet, les entreprises n'auront pas l'obligation d'y procéder au lendemain de la publication de l'ordonnance et de convoquer immédiatement de nouvelles élections professionnelles. C'est à l'échéance de leur cycle électoral actuel, lors du renouvellement de leurs IRP, qu'elles devront mettre en place l'instance unique et négocier ses modalités de fonctionnement. Alors que la durée des mandats est de quatre ans, la généralisation de cette nouvelle instance devrait s'achever à la fin de l'année 2021 .

S'agissant du chèque syndical , l'étude d'impact ne dresse aucun bilan de l'utilisation de ce dispositif dans plusieurs entreprises , en particulier Axa. Il semblerait ainsi qu'il n'y ait pas permis de faire remonter le taux d'adhésion aux organisations syndicales et que ces dernières n'y aient pas apporté un soutien unanime, FO 180 ( * ) s'y étant par exemple toujours opposé. Ses critiques y voient une remise en cause de l'indépendance syndicale , au détriment des intérêts des salariés. Du côté des organisations représentatives des employeurs, la CPME et l'U2P ont fait part de leur opposition à sa généralisation, considérant que la contribution de chaque entreprise au fonds pour le financement du dialogue social apporte déjà un financement mutualisé aux organisations syndicales. Enfin, un sondage réalisé par l'association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) auprès de ses adhérents en juin 2017 a fait ressortir que 71 % des répondants étaient opposés à sa mise en place, estimant que le chèque syndical constitue une « fausse bonne idée ».

Enfin, deux habilitations semblent inopportunes à votre rapporteur. Le 3° du présent article tout d'abord, relatif à la meilleure association aux décisions de l'employeur des représentants du personnel dans « certaines matières », dont l'imprécision masque les intentions du Gouvernement et le champ bien trop large permettrait à l'ordonnance de porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.
Le 7° ensuite, relatif à la redéfinition du rôle des CPRI , qui s'avère bien trop prématurée alors que ces commissions n'ont été mises en place qu'au 1 er juillet 2017, qu'elles n'ont pas encore démontré leur pertinence et qu'elles minorent le dialogue quotidien qui existe dans les TPE entre l'employeur et ses salariés.

Dans ce contexte, votre commission a adopté dix amendements à cet article, dont huit proposés par son rapporteur.

S'agissant de l'instance unique de représentation du personnel , elle a précisé, sur proposition de votre rapporteur, l'habilitation sur cinq points différents. L'ordonnance devra ainsi :

• le droit des membres de l'instance à une formation , en harmonisant le droit applicable aujourd'hui et qui varie selon les IRP afin que les représentants du personnel puissent acquérir, au début de leur mandat et tout au long de celui-ci, les compétences requises pour exercer leurs fonctions (amendement COM-3 ) ;

• déterminer les modalités de contrôle des comptes de l'instance et de choix de ses prestataires et fournisseurs en prévoyant, comme pour les comités d'entreprise, le recours obligatoire à un commissaire aux comptes et à un expert-comptable au-dessus d'un certain seuil de ressources ainsi que la création d'une commission des marchés (amendement COM-4 ) ;

• limiter à trois le nombre de mandats successifs que pourront effectuer les élus du personnel (amendement COM-5 ) ;

• rendre obligatoire la sollicitation par l'instance de devis auprès de plusieurs prestataires préalablement à la réalisation d'une expertise (amendement COM-6 ).

De plus, votre commission a souhaité, sur proposition de son rapporteur et en s'inscrivant dans la logique de simplification et de rationalisation de la représentation du personnel en entreprise qui préside à la fusion des IRP, doter de plein droit l'instance unique de la compétence en matière de négociation des accords d'entreprise . Les partenaires sociaux dans l'entreprise pourront toutefois décider de refuser le transfert de cette compétence par accord majoritaire (amendement COM-7 ).

Trois domaines d'habilitation ont également été supprimés :

• celui relatif à la meilleure association des représentants du personnel aux décisions de l'employeur « dans certaines matières », au motif que son imprécision pourrait porter atteinte à la liberté d'entreprendre et pourrait se traduire par des mesures préjudiciables à la capacité de l'employeur de diriger son entreprise (amendement COM-8 ) ;

• celui portant sur la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises, la dernière réforme dans ce domaine n'étant pas encore pleinement applicable (amendements identiques COM-9 et COM-78 rect. bis ) ;

• celui visant à redéfinir les missions des CPRI , alors qu'elles n'ont été mises en place que le 1 er juillet 2017 (amendements identiques COM-10 et COM-46 rect . de notre collègue Philippe Mouiller).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 - Aménagement des règles du licenciement et de certaines formes particulières de travail

Objet : Cet article autorise le Gouvernement à prendre, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, plusieurs ordonnances pour renforcer la sécurité juridique des règles relatives à la rupture du contrat de travail ; modifier le régime juridique du licenciement économique ; adapter les règles de certaines formes particulières de travail (télétravail, CDD, contrats de travail intérimaire, contrat de chantier, travail de nuit, prêt de main d'oeuvre à but non lucratif) et encourager le recours à la conciliation devant le juge prud'homal.

I - Le dispositif proposé

A . Faciliter l'accès au droit

Introduit par l'article 16 de la loi « Travail » 181 ( * ) , l'article L. 2231-5-1 du code du travail prévoit que toutes les conventions et les accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement conclus après le 1 er septembre 2017 seront rendus publics et versés dans une base de données nationale, et accessibles en ligne sur un portail public spécifique dans un standard ouvert aisément réutilisable.

Le législateur a recherché un équilibre entre la volonté de rendre accessibles les normes régissant les relations du travail et la nécessité pour les signataires d'un accord de préserver certaines informations confidentielles .

C'est pourquoi ces derniers peuvent décider qu'une partie du texte concerné ne soit pas accessible sur le site dédié. Le document qui acte cette décision, assorti de la version intégrale de la convention ou de l'accord et de la version à mettre en ligne, doit ensuite être transmis au service compétent de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Même en l'absence du document attestant la volonté des signataires d'un accord d'en anonymiser une partie, la convention ou l'accord doit être publié dans une version rendue anonyme dès lors qu'une des organisations signataires en fait la demande.

En outre, l'article 61 de la même loi « Travail » a prévu la création d'un service public territorial de l'accès au droit au sein de chaque Direccte, afin que tout employeur d'une entreprise de moins de trois cents salariés puisse obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu'il sollicite l'administration sur une question juridique portant sur le code du travail ou une stipulation conventionnelle 182 ( * ) . Si la demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l'administration peut ensuite être produit par l'entreprise en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi. Cette opposabilité des prises de position de l'administration était très attendue des employeurs, surtout lorsqu'ils dirigent des petites entreprises qui ne disposent pas d'un service de ressources humaines étoffé.

Le 1 a) du présent article 3 habilite le Gouvernement à faciliter par ordonnance l'accès par voie numérique au droit du travail et aux dispositions légales et conventionnelles. Contrairement à l'avant-projet de loi transmis pour avis au Conseil d'Etat, le projet de loi prévoit en outre que l'ordonnance devra définir les conditions dans lesquelles les personnes peuvent se prévaloir des informations obtenues par cette voie.

Il est difficile de connaître les intentions précises du Gouvernement sur ce sujet car l'étude d'impact se limite à reprendre la formulation du projet de loi 183 ( * ) .

B. Instaurer un référentiel impératif pour l'indemnité prud'homale de licenciement sans cause réelle et sérieuse

1. Les nombreuses contestations portant sur les licenciements sans cause réelle et sérieuse se fondent sur une législation très protectrice pour les salariés

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, lorsqu'un employeur licencie un salarié sans cause réelle et sérieuse (CRS), le juge peut proposer sa réintégration dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge doit alors octroyer une indemnité au salarié, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois . L'indemnité se cumule le cas échéant, avec l'indemnité légale de licenciement, à laquelle a droit tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, comptant au moins une année d'ancienneté au service du même employeur (sauf en cas de faute grave) 184 ( * ) . Le salarié peut le cas échéant bénéficier d'une indemnité conventionnelle si celle-ci est supérieure à celle légale, ainsi que d'une indemnité contractuelle.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 ne s'appliquent pas aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse ayant moins de deux ans d'ancienneté , quel que soit l'effectif de leur entreprise, ni aux licenciements des salariés employés dans les entreprises de moins de onze salariés , peu importe leur ancienneté 185 ( * ) .

L'étude d'impact annexée au projet de loi indique qu'environ 30 % des licenciements pour motif personnel font l'objet d'un recours contentieux, contre 3 % pour les licenciements économiques 186 ( * ) . Au final, en 2013, plus de 80 % des recours prud'homaux visaient à contester le motif du licenciement 187 ( * ) .

2. Le référentiel impératif prévu dans la loi « Croissance et activité » a été censuré par le Conseil constitutionnel en 2015

Les dispositions relatives à l'indemnité versées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse apparaissent aux yeux de nombreux employeurs comme un frein à l'embauche , en raison de son montant élevé , de l'incertitude pesant sur son niveau (la loi fixe un plancher mais non un plafond), et de l' hétérogénéité constatée dans la pratique des juges.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique qu'une étude menée par le ministère de la justice en mai 2015, qui n'a pas été rendue publique, avait montré que, sur 401 arrêts rendus par les chambres sociales des cours d'appel au mois d'octobre 2014, les montants de dommages et intérêts octroyés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse oscillaient entre 500 et 310 000 euros, soit un rapport de 1 à 620 188 ( * ) .

Le Sénat avait adopté le 7 mai 2015 un amendement 189 ( * ) , proposé par notre collègue Jacky Deromédi et plusieurs de ses collègues du groupe UMP, lors de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 190 ( * ) , visant à plafonner l'indemnité à douze mois de salaires, quelle que soit l'ancienneté du salarié.

Notre collègue Catherine Deroche, rapporteure de la commission spéciale, s'en était alors remise à la sagesse du Sénat, soulignant que cet amendement offrirait un « cadre juridique clair et prévisible aux employeurs en cas de contentieux devant les prud'hommes » et « permettrait de lever les freins à l'embauche » 191 ( * ) . Le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, Emmanuel Macron, avait pour sa part demandé le retrait de cet amendement, au motif que « les services juridiques de l'État qui ont travaillé sur cette question ont relevé une incertitude juridique quant à la possibilité même de plafonner l'indemnisation fixée par une décision de justice » 192 ( * ) .

A l'initiative du Gouvernement en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, un amendement, lui-même sous-amendé par les rapporteurs 193 ( * ) , réécrivant l'article 87 D introduit par le Sénat a été adopté en commission afin de prévoir un référentiel obligatoire pour encadrer le montant de l'indemnité versée à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, qui a finalement été censuré par le Conseil constitutionnel (cf. infra ).

Devenu l'article 266 de la loi, avant sa transmission au Conseil constitutionnel, il maintenait la possibilité pour le juge de prononcer la réintégration dans l'entreprise d'un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse.

Il supprimait les deux dérogations concernant les entreprises employant moins de onze salariés et les salariés ayant une ancienneté inférieure à deux ans en cas de licenciement sans CRS 194 ( * ) . En contrepartie, l'article 266 de la loi précitée instaurait une indemnité différenciée en fonction de la taille de l'entreprise (deux seuils étaient retenus, vingt et trois cents salariés) et de l'ancienneté du salarié (en maintenant le seuil de deux ans et en y adjoignant celui de dix ans) comme le montre le tableau suivant.

Référentiel impératif prévu à l'article 266 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Effectif de l'entreprise

Moins de
20 salariés

Entre 20 et
299 salariés

À partir de 300 salariés

Ancienneté
du salarié
dans l'entreprise

Moins de 2 ans

Maximum :
3 mois

Maximum :
4 mois

Maximum :
4 mois

De 2 ans
à moins
de 10 ans

Minimum :
2 mois

Maximum :
6 mois

Minimum :
4 mois

Maximum :
10 mois

Minimum :
6 mois

Maximum :
12 mois

10 ans et plus

Minimum :
2 mois

Maximum :
12 mois

Minimum :
4 mois

Maximum :
20 mois

Minimum :
6 mois

Maximum :
27 mois

Source : Commission des affaires sociales

Ce référentiel devait être applicable devant le juge prud'homal, en appel et en cassation. Les indemnités de licenciement sans CRS étaient cumulables avec les indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.

Ce référentiel devait aussi s'appliquer aux demandes de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié présentées devant le conseil de prud'hommes 195 ( * ). En revanche, le juge était autorisé à fixer une indemnité d'un montant supérieur au plafond du référentiel en cas de faute de l'employeur d'une particulière gravité , ou de non-respect d'une règle relative au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Liste des situations dans lesquelles le référentiel impératif prévu à l'article 266 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, censuré par le Conseil constitutionnel, n'était pas applicable

Nature
de la violation

Définition
de l'infraction

Observations

Article
du code
du travail

Faute
de l'employeur d'une particulière gravité

Harcèlement sexuel ou moral

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle .

L. 1152-3
à L. 1153-4

Licenciement discriminatoire

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur relatif à une situation de discrimination 196 ( * ) , lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue :

- une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

- une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement légale , ou conventionnelle voire contractuelle.

L. 1134-4

Licenciement
à la suite
d'une action
en justice
en matière d'égalité professionnelle entre les femmes
et les hommes

Le salarié peut se prévaloir des mêmes règles qu'en cas de licenciement discriminatoire .

L. 1144-3

Licenciement
à la suite
d'une action
en justice
en matière
de corruption

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, soit, en dernier ressort, à un journaliste, au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.

L. 1161-1

Violation
de l'exercice
du droit de grève

L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.

Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.

Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.

L. 2511-1

Violation
de l'exercice
d'un mandat
par un salarié protégé

Lorsque le ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi de l'un des mandats énumérés ci-après, ou lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent.

L. 2422-1

Atteinte
à une liberté fondamentale

Cette atteinte peut être sanctionnée par le code du travail ou d'autres codes et textes spécifiques.

n.c

Méconnaissance des règles relatives
au plan
de sauvegarde de l'emploi

Nullité
du licenciement économique

Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle (en raison d'une absence de décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, de décision négative, ou d'annulation d'une autorisation par le juge administratif), il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois .

L. 1235-11

Indemnité spécifique
en cas d'irrégularité
dans les procédures
de consultation des IRP

En cas de non-respect par l'employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d'information de l'autorité administrative, le juge accorde au salarié compris dans un licenciement collectif pour motif économique une indemnité à la charge de l'employeur calculée en fonction du préjudice subi.

L. 1235-12

Non-respect
de la priorité
de réembauche

Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

En cas de non-respect de cette priorité de réembauche, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire .

L. 1235-13

Indemnité
en cas de licenciement économique dans une entreprise dépourvue d'IRP qui n'a pas établi de PV de carence

Est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d'entreprise ou les délégués du personnel n'ont pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.

Le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut , sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.

L. 1235-15

Indemnité
en cas d'annulation d'une décision
de validation ou d'homologation d'un PSE pour
des motifs « secondaires »

A l'exception des cas de nullité des licenciements prononcés dans le cadre d'un PSE mentionnés à l'article L. 1235-10 (absence de décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, décision négative, ou annulation d'une autorisation par le juge administratif), l'annulation d'une décision de validation ou d'homologation d'un PSE donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois . Elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale.

En cas d'annulation d'un PSE en raison d'un défaut de motivation, les dispositions relatives à la réintégration et à l'indemnité ne s'appliquent pas si l'administration prend une nouvelle décision motivée dans un délai de quinze jours.

L. 1235-16

Indemnité
au moins égale
à six mois
de salaire en cas de PSE non autorisé par l'administration dans les entreprises
en difficulté

Dans les entreprises faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois .

L. 1233-58, II, septième alinéa

Source : Commission des affaires sociales

Dans sa décision du 5 août 2015 197 ( * ) , le Conseil constitutionnel a tout d'abord considéré que le principe même d'un encadrement de l'indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n'était pas contraire à la Constitution : en cherchant à « assurer une plus grande sécurité juridique » et à « favoriser l'emploi en levant les freins à l'embauche » le législateur a « poursuivi des buts d'intérêt général ».

Il a néanmoins censuré l'article 266 de la loi déférée car il a estimé que le critère de la taille de l'entreprise était sans lien avec le préjudice subi par un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse : « si le législateur pouvait, à ces fins, plafonner l'indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié ; [...] si le critère de l'ancienneté dans l'entreprise est ainsi en adéquation avec l'objet de la loi, tel n'est pas le cas du critère des effectifs de l'entreprise ; [...] par suite, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées méconnaît le principe d'égalité devant la loi » 198 ( * ) .

3. Les référentiels indicatifs en phase de conciliation et de jugement n'ont pas rencontré le succès escompté

Transcrivant une stipulation de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 199 ( * ) , l'article 21 de la loi du 14 juin 2013 200 ( * ) a prévu la création d'un référentiel indicatif en phase de conciliation devant le conseil de prud'hommes.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit en effet qu'en cas de litige entre un employeur et son salarié une phase de conciliation obligatoire doit leur permettre d'y mettre un terme par accord. Le bureau de conciliation et d'orientation peut également faire cette proposition aux deux parties.

L'accord doit prévoir le versement par l'employeur d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence au référentiel précité.

En raison du caractère peu incitatif pour le salarié des montants prévus par le décret du 2 août 2013 201 ( * ) et du faible recours au référentiel qui en découlait, le Gouvernement a pris un nouveau décret le 23 novembre 2016 202 ( * ) pour le rendre plus attractif auprès des salariés.

Par ailleurs, l'article 258 de la loi « Croissance et activité » précitée a instauré un référentiel indicatif en phase de jugement . L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit en effet que le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud'homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d'Etat.

Ce référentiel fixe le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée, en fonction notamment de l'ancienneté, de l'âge et de la situation du demandeur par rapport à l'emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. Si les parties en font conjointement la demande, l'indemnité est fixée uniquement en fonction de ce référentiel.

Contenu du référentiel indicatif en phase de conciliation

Ancienneté du salarié

Montant de l'indemnité
(en mois de salaire)

moins d'un an

deux mois

au moins égale à un an

trois mois + un mois de salaire
par année supplémentaire
jusqu'à huit ans d'ancienneté

entre huit ans et moins de douze ans

dix mois

entre douze ans et moins de quinze ans

douze mois

entre quinze ans et moins de dix-neuf ans

quatorze mois

entre dix-neuf ans et moins de vingt-trois ans

seize mois

entre vingt-trois ans et moins de vingt-six ans

dix-huit mois

entre vingt-six ans et moins de trente ans

vingt mois

Au moins égale à trente ans

vingt-quatre mois

Source : Commission des affaires sociales

Concomitamment à la révision du référentiel indicatif en phase de conciliation, le Gouvernement a fixé par décret le contenu du référentiel indicatif en phase de jugement 203 ( * ) . Il a ainsi veillé à ce que les montants retenus dans ces deux référentiels incitent les salariés à privilégier la conciliation et non le jugement prud'homal. Il convient par ailleurs de noter que les montants prévus dans le référentiel portant sur la phase de jugement sont majorés d'un mois si le demandeur est âgé d'au moins 50 ans à la date de la rupture, ou en cas de difficultés particulières de retour à l'emploi du demandeur tenant à sa situation personnelle et à son niveau de qualification.

Contenu du référentiel indicatif en phase de jugement

Ancienneté
(en années complètes)

Indemnité
(en mois de salaire)

Ancienneté
(en années complètes)

Indemnité
(en mois de salaire)

Ancienneté
(en années complètes)

Indemnité
(en mois de salaire)

Ancienneté
(en années complètes)

Indemnité
(en mois de salaire)

0

1

11

9

22

14,5

33

19

1

2

12

9,5

23

15

34

19,25

2

3

13

10

24

15,5

35

19,5

3

4

14

10,5

25

16

36

19,75

4

5

15

11

26

16,5

37

20

5

6

16

11,5

27

17

38

20,25

6

6,5

17

12

28

17,5

39

20,25

7

7

18

12,5

29

18

40

20,75

8

7,5

19

13

30

18,25

41

21

9

8

20

13,5

31

18,5

42

21,25

10

8,5

21

14

32

18,75

43 et au-delà

21,5

Source : Commission des affaires sociales

Selon les informations fournies à votre rapporteur, les deux référentiels indicatifs n'ont pas rencontré le succès attendu, d'où la volonté du Gouvernement de créer un référentiel prescriptif en phase de jugement.

Le Gouvernement souhaite en effet créer par ordonnance un référentiel obligatoire , établi notamment en fonction de l'ancienneté, pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse , à l'exclusion des licenciements caractérisés par une faute de l'employeur d'une particulière gravité .

Cette formulation autoriserait le Gouvernement à retenir d'autres critères dans le référentiel, comme la qualification ou l'âge du salarié. Ce nouveau référentiel impératif ne remettrait pas en cause les règles sanctionnant les licenciements entachés par une faute de l'employeur d'une particulière gravité. En revanche, rien n'interdirait au nouveau référentiel impératif de modifier les sanctions actuelles relatives à la méconnaissance des règles essentielles du licenciement économique, et qui avaient été exclus du projet de référentiel de l'article 266 de la loi « Croissance et activité ».

Par coordination juridique, l'ordonnance pourrait modifier les critères du référentiel indicatif en phase de conciliation et plus généralement tous les planchers et plafonds prévus dans le code du travail pour sanctionner les autres irrégularités liées à la rupture du contrat de travail (cf. supra ).

C. Sécuriser juridiquement les ruptures des contrats de travail

Plusieurs mesures pourraient, selon le Gouvernement, sécuriser juridiquement les ruptures des contrats de travail, à l'instar de :

- l'adaptation des règles de procédure et de motivation des licenciements ;

- la réduction des délais de recours ;

- la clarification des obligations de l'employeur en cas de reclassement pour inaptitude et des règles de contestation de l'avis d'inaptitude ;

- la modification des règles relatives aux plans de départs volontaires (PDV) ;

- la promotion des dispositifs de gestion des emplois et des parcours professionnels.

1. L'adaptation des règles de procédure et de motivation des licenciements

Le code du travail reconnaît trois motifs de licenciement (personnel, économique et spécifique), qui obéissent à leurs propres règles procédurales.

Ainsi, la procédure de licenciement pour motif personnel doit respecter des délais stricts afin de ne pas méconnaître le principe du contradictoire et les droits de la défense du salarié.

A titre d'exemple, un employeur qui envisage de licencier pour motif personnel un salarié doit le convoquer à un entretien préalable par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge 204 ( * ) . Cette lettre doit indiquer l'objet de la convocation, tandis que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la notification.

Autre illustration : lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception à l'issue d'un délai d'au moins deux jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable 205 ( * ) . Cette lettre doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Le législateur a toutefois prévu que les erreurs de procédure ne devaient pas être aussi sévèrement sanctionnées que les licenciements sans cause réelle et sérieuse (en cas de refus de réintégration, l'indemnité prononcée par le juge est égale à au moins six mois de salaire). En effet, l'article L. 1235-2 du code du travail prévoit que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge doit imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire .

L'étude d'impact indique cependant que de nombreux recours prud'homaux se fondent sur une motivation insuffisante de la lettre de licenciement, qui prive selon les salariés requérants de caractère réel et sérieux leur licenciement. En effet, « les raisons évoquées dans la lettre lient l'employeur : en cas de litige, et notamment de contentieux devant le conseil de prud'hommes, il ne peut plus avancer d'autres motifs » 206 ( * ) . Selon le Gouvernement, « l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement est un motif très souvent mis en avant par les salariés dans les griefs justifiant la procédure contentieuse, même si elle est rarement retenue par la juridiction ».

C'est pourquoi le Gouvernement souhaite adapter par ordonnance les règles de procédure et de motivation des décisions de licenciement, quels que soient leurs motifs, ainsi que les conséquences à tirer des manquements éventuels de l'employeur, en amont d'un recours mais aussi pendant son examen.

L'étude d'impact indique également que le Gouvernement envisage d'établir un « modèle type de lettre de licenciement, au moyen d'un formulaire Cerfa », afin de « clarifier les exigences de forme nécesaires à l'énoncé des motifs de licenciement ».

2. La réduction des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail

L'article L. 1471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, au lieu de cinq ans avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 207 ( * ) . Cette prescription s'applique donc, entre autres, aux recours portant sur la cause réelle et sérieuse d'un licenciement pour motif personnel .

Cette prescription ne s'applique pas si le code du travail a expressément prévu des délais plus courts ou plus longs pour certains recours.

D'une part, elle ne s'applique pas :

- aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail (les victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle disposent d'un délai de deux ans pour engager une action, mais les points de départ de la prescription varient selon les hypothèses, tandis que des règles spécifiques existent en cas de faute intentionnelle ou d'exposition à l'amiante) ;

- aux actions en paiement ou en répétition du salaire (depuis la loi de sécurisation de l'emploi de 2013, la prescription est passée de cinq à trois ans) ;

- et aux actions exercées sur le fondement des articles L. 1132-1 (délai de cinq ans pour introduire l'action en réparation du préjudice et réparation possible de « l'entier préjudice » résultant de la discrimination pendant toute sa durée), L. 1152-1 (le délai de prescription du délit de harcèlement moral est de trois ans) et L. 1153-1 (le délai de prescription du délit de harcèlement sexuel est également de trois ans).

D'autre part, et inversement, cette règle ne fait pas obstacle aux délais de prescription plus courts prévus par le code du travail et mentionnés aux articles :

- L. 1233-67 (toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail est prescrite dans les douze mois suivant l'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle ) ;

- L. 1234-20 (le salarié ne peut dénoncer le reçu pour solde de tout compte que dans les six mois qui suivent sa signature) ;

- L. 1235-7 (toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement économique se prescrit par douze mois) ;

- L. 1237-14 (le recours juridictionnel contre une décision d'homologation de rupture conventionnelle doit être formé dans un délai d'un an) ;

- L. 1134-5, dernier alinéa (en cas d'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination , les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée).

S'agissant de la contestation d'un licenciement économique , deux règles existent selon que le recours porte sur la procédure ou sur le bien-fondé du licenciement.

D'une part, l'article L. 1235-7 précité du code du travail prévoit que toute contestation auprès du juge judiciaire portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise, voire de la notification du licenciement en cas d'exercice par le salarié de son droit individuel à contester sa régularité ou sa validité du licenciement (ce délai n'est toutefois opposable au salarié que s'il a été mentionné dans la lettre de licenciement).

D'autre part, l'article L. 1235-7-1 fixe un délai de deux mois , au salarié comme à l'employeur, pour contester la décision de la Direccte de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi , ainsi que les sujets connexes à cette décision.

3. La clarification des obligations de l'employeur en cas de reclassement pour inaptitude et des règles de contestation de l'avis d'inaptitude

L'article 102 de la loi « Travail » précitée a réformé plusieurs aspects de la médecine du travail, notamment les obligations de l'employeur en matière de reclassement pour inaptitude et la procédure de contestation de l'avis d'inaptitude.

• Les obligations de reclassement de l'employeur en cas d'inaptitude du salarié

L'article L. 1226-10 du code du travail dispose qu'en cas d'inaptitude d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités.

L'employeur doit alors prendre en compte l'avis des délégués du personnel ainsi que les conclusions et indications du médecin du travail, qui peut lui suggérer une formation à l'attention du salarié.

L'emploi proposé par l'employeur doit être « aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé », si besoin en adaptant le nouveau poste de travail ou en aménageant le temps de travail du salarié.

En application de l'article L. 1226-11 du même code, si à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur doit lui verser le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Cette obligation de versement du salaire s'applique également au salarié déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise.

Si l'employeur ne peut proposer un autre emploi au salarié, il doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

Il ne peut prononcer son licenciement pour motif personnel que dans trois cas de figure :

- impossibilité de proposer un nouvel emploi adapté ;

- refus du salarié d'occuper ce nouvel emploi ;

- mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi qui prend en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

Le e) du 1° du présent article 3 prévoit une clarification des obligations de l'employeur en matière de reclassement pour inaptitude, sans que l'étude d'impact n'indique les dispositions qui posent problème aujourd'hui.

• La contestation de l'avis d'aptitude ou d'inaptitude

Avant l'entrée en vigueur de la loi « Travail » précitée, les recours contre les avis d'aptitude ou d'inaptitude prononcés par le médecin du travail relevaient de la compétence de l'inspecteur du travail.

En vertu de l'article L. 4624-7 du code du travail, si le salarié ou l'employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, il doit désormais saisir le conseil de prud'hommes , en formation de référé 208 ( * ) , d'une demande de désignation d'un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel. Le demandeur en informe le médecin du travail.

Le médecin-expert peut demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié, sans que le secret médical puisse lui être opposé.

La formation de référé ou, le cas échéant, le conseil de prud'hommes saisi au fond, peut en outre demander au médecin inspecteur du travail une consultation relative à la contestation.

Afin de ne pas décourager les salariés à saisir le conseil de prud'hommes pour contester un avis du médecin du travail, la formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d'expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l'action en justice n'est pas dilatoire ou abusive.

Le Gouvernement souhaite sécuriser par ordonnance les modalités de contestation de l'avis d'inaptitude, sans indiquer les points problématiques aujourd'hui à ses yeux.

Les travaux de votre commission lors de l'examen de la loi « Travail » donnent néanmoins une idée des difficultés que peut entraîner la nouvelle compétence des conseils de prud'hommes en matière de contestation des avis d'aptitude ou d'inaptitude : « Le faible nombre de médecins experts près les cours d'appel, leur éloignement des lieux de travail et le nombre croissant de contestations ne plaident pas en faveur d'un contentieux porté devant les juridictions prud'homales qui sont déjà engorgées. Il sera par ailleurs difficile pour l'employeur de contester les éléments de nature médicale sur lesquels se fonde l'avis du médecin du travail, comme le prévoit le projet de loi, puisque ces éléments sont couverts par le secret médical » 209 ( * ) .

4. La modification des règles relatives aux plans de départs volontaires

Le plan de départs volontaires (PDV) , qui n'a pas de définition légale , pose de très nombreuses questions juridiques qui ne sont pas encore tranchées et qui nuisent à son développement.

Schématiquement, il convient de distinguer les PDV organisés dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et ceux négociés en dehors d'un plan social.

Dans le premier cas, le PDV peut s'inscrire dans un PSE « multifonctions » (le PSE comporte d'autres mesures de reclassement externe) ou « unifonction » (le PDV se confond avec le volet « reclassement externe » du PSE). Dans tous les cas, les services du ministère du travail ont considéré depuis 1993 210 ( * ) que l'article L. 1233-3 du code du travail, qui définit les règles du licenciement économique, s'applique à tous les dispositifs, négociés ou non avec les organisations syndicales, par lesquels l'employeur envisage de réduire les effectifs, en accordant aux salariés volontaires (y compris aux démissionnaires) une compensation financière.
La Cour de cassation a suivi cette interprétation 211 ( * ) .

Les règles relatives à l'ordre des licenciements, au reclassement interne et au reclassement externe varient selon la nature du plan de départs volontaires : en particulier, aucune de ces règles ne s'applique si le PDV s'inscrit dans un PSE « unifonctionnel » et n'envisage aucun licenciement, comme le montre le tableau suivant.

Tableau récapitulatif des obligations relatives à un plan de départs volontaires négocié dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi

Type de plan

Ordre
des licenciements

Reclassement interne

Reclassement externe

PDV dans un PSE multifonction
Licenciements envisagés

Inapplicable aux départs volontaires mais doit être arrêté pour les salariés licenciables

Préalable
à la mise en oeuvre
du PDV

Interrogation
sur la nature du PDV :
modalité du reclassement externe ou mesure autonome ?

PDV dans un PSE unifonctionnel
Réduction d'effectifs mais licenciements
non envisagés
Choix non contraint
(risque de licenciement temporairement exclu)

Non exigé

Non exigé

Non exigé

PDV dans un PSE unifonctionnel
Licenciements envisageables si la réduction d'effectifs n'est pas réalisée par
le PDV

Inapplicable aux départs volontaires mais doit être arrêté pour les salariés licenciables à terme

Préalable
à la mise en oeuvre
du PDV

À prévoir

Source : Lamy social 2016, p. 1309

Dans le second cas, le PDV est négocié en dehors d'un plan social . Or, le dernier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail dispose que les règles du licenciement économique s'appliquent aussi à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle.

Le débat actuel porte donc sur le régime juridique des ruptures conventionnelles pour motif économique . Certaines décisions de justice donnent à penser que le motif économique d'une rupture conventionnelle remet en cause le libre accord des deux parties et doit s'analyser comme un licenciement économique. D'autres auteurs considèrent en revanche que le caractère économique d'une rupture conventionnelle ne pose pas de difficulté et ne doit pas entraîner l'application des règles du licenciement économique : « les accords qui engendrent la rupture du contrat de travail en l'absence de toute procédure de licenciement peuvent constituer des ruptures conventionnelles alors même qu'elles sont conclues en raison d'un motif économique » 212 ( * ) .

L'étude d'impact souligne pour sa part que « le départ volontaire, qui s'assimile à une rupture d'un commun accord pour motif économique », est soumis à la plupart des dispositions du code du travail applicables au licenciement économique 213 ( * ) . In fine , les PDV se voient appliquer l'essentiel des règles très strictes du licenciement économique, réduisant ainsi leur attractivité auprès des employeurs.

C'est pourquoi le Gouvernement souhaite favoriser et sécuriser les plans de départs volontaires en particulier en matière d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel et d'accompagnement du salarié.

5. La promotion des dispositifs de gestion des emplois et des parcours professionnels

En application de l'article L. 2242-13 du code du travail, l'employeur doit engager tous les trois ans une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers quand l'entreprise emploie au moins trois cents salariés 214 ( * ) .

Cette négociation doit notamment aborder les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise, les principales orientations triennales de la formation professionnelle dans l'entreprise, ou encore le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales.

Or, l'étude d'impact souligne que cette négociation rencontre un faible engouement, avec seulement 600 accords signés environ en 2016 comme en 2015.

En outre, les négociateurs se sont rarement emparés des thèmes facultatifs, comme le contrat de génération et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) « territoriale ».

Par ailleurs, le Gouvernement entend sécuriser le congé de mobilité 215 ( * ) , obligatoire dans les entreprises de plus de mille salariés qui procèdent à des licenciements économiques.

C'est pour cette raison que le Gouvernement souhaite favoriser et sécuriser les dispositifs de gestion des emplois et des parcours professionnels.

D. Sécuriser les règles du licenciement économique

Le licenciement économique se définit en « creux », par opposition au licenciement pour motif personnel. En application de l'article L. 1233-3 du code du travail, un licenciement économique doit reposer sur un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant :

- soit d'une suppression ou transformation d'emploi ;

- soit d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail.

En tout état de cause, le motif doit être la conséquence, entre autres, de difficultés économiques, de mutations technologiques, d'une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou encore d'une cessation de son activité.

Le licenciement pour motif économique peut être individuel ou collectif et entraîner la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Le plan de sauvegarde de l'emploi

Plus communément appelé plan social , le plan de sauvegarde de l'emploi, défini aux articles L. 1233-61 et suivants du code du travail, n'est obligatoire que dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés qui licencient, sur une même période de trente jours , dix salariés ou plus.

Il présente toutes les mesures destinées à éviter les licenciements pour motif économique ou à en limiter le nombre . Une attention particulière doit être accordée à certaines catégories de personnel : les salariés âgés et ceux qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.

Concrètement, un PSE peut comprendre les mesures suivantes :

- des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;

- des créations d' activités nouvelles par l'entreprise ;

- des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;

- des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités par les salariés ;

- des actions de formation , de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;

- la réduction ou l'aménagement du temps de travail ainsi que, sous conditions, des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires.

La loi du 14 juin 2013 216 ( * ) relative à la sécurisation de l'emploi n'a pas modifié le contenu du PSE, mais a apporté les modifications suivantes :

- l'employeur peut désormais conclure un accord d'entreprise « majoritaire » pour définir le contenu du plan (plus des deux tiers des PSE sont actuellement définis par accord, contre un tiers unilatéralement par l'employeur) ;

- les délais de consultation du comité d'entreprise sont simplifiés ;

- les prérogatives de l'administration du travail sont renforcées , car elle doit dorénavant valider les accords sur le PSE ou homologuer les documents unilatéraux de l'employeur, dans des délais légaux respectivement de quinze et vingt et un jours ;

- la législation tient compte des spécificités des redressements et liquidations judiciaires ;

- enfin, le juge administratif est désormais compétent pour contrôler ces nouvelles décisions administratives relatives à l'aspect collectif et formel du licenciement économique, tandis que le juge prud'homal demeure compétent pour les recours individuels des salariés licenciés pour motif économique, notamment pour statuer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.

1. Le périmètre d'appréciation des difficultés économiques

En raison de l' absence de définition légale du périmètre pertinent pour apprécier les difficultés économiques justifiant un licenciement économique, il est revenu à la jurisprudence de pallier cette carence du législateur.

En règle générale, si l'entreprise confrontée à des difficultés économiques appartient à un groupe international, le juge français les apprécie à l'aune de la santé financière des entreprises du groupe situées en Europe, et plus exceptionnellement au niveau mondial. Cette interprétation extensive du périmètre aboutit à une exigence accrue du juge, peu enclin à reconnaître que des difficultés économiques sont suffisamment graves pour justifier un licenciement collectif. Il peut en effet considérer que les difficultés d'une entreprise française sont plus que compensées par les bons résultats du groupe au niveau européen ou mondial. L'étude d'impact du projet de loi « Travail » a ainsi rappelé que le juge français s'était opposé à « la réorganisation des entreprises manifestement confrontées à des difficultés économiques sur le territoire national mais relevant d'un groupe dont les activités dans le monde sont florissantes (Cass. soc., 28 février 2012, 10- 21.050) » 217 ( * ) .

Cette jurisprudence pose deux difficultés majeures , comme l'avait abondamment souligné l'étude d'impact précitée.

La première est qu'elle pourrait impliquer qu'un groupe en bonne santé financière doive soutenir indéfiniment son entreprise française, quel que soit l'ampleur de ses difficultés. Ignorant les principes économiques fondamentaux qui régissent un marché ouvert et globalisé , cette jurisprudence pourrait même aboutir à un effet contre-productif, en retardant l'ajustement du modèle économique des entreprises françaises concernées, et en entraînant in fine un plus grand nombre de licenciements.

La deuxième difficulté est que le juge français applique une jurisprudence plus restrictive que ses homologues de la majorité des autres pays européens . Dans plusieurs pays, le juge judiciaire ne contrôle pas la réalité des difficultés économiques à l'origine d'un licenciement économique. Ainsi, le juge italien n'a pas le pouvoir de contrôler l'opportunité des choix relatifs à l'entreprise, se limitant à vérifier l'existence d'un lien de causalité entre les choix de l'organisation de l'entreprise et les licenciements. De même, en Autriche, l'employeur n'a pas à justifier du motif du licenciement, qu'il soit individuel ou collectif : il doit seulement respecter des règles de procédures. Dans d'autres pays, le pouvoir du juge est encadré par la loi, qui définit précisément les motifs autorisant un employeur à procéder à des licenciements économiques. Ainsi, aux Pays-Bas, le licenciement doit reposer sur « un motif raisonnable » dont la loi donne une liste complète.

Le projet de loi « Travail » prévoyait initialement que l'appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d'assurer la sauvegarde de la compétitivité d'une entreprise devait s'effectuer :

- soit directement au niveau de l'entreprise si celle-ci n'appartient pas à un groupe (et non des établissements qui dépendent le cas échéant de l'entreprise) ;

- soit au niveau du secteur d'activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient.

Toutefois, un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale, retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité en première lecture, avait ôté de la loi « Travail » cette définition du périmètre.

Bien que réintroduite par le Sénat à l'initiative des rapporteurs lors de l'examen du projet de loi « Travail » en commission en première puis en nouvelle lecture, cette notion n'a finalement pas été retenue dans la loi promulguée.

2. La détection des difficultés artificielles ou comptables utilisées pour justifier des licenciements économiques

L'article 67 de la loi « Travail » précitée, en modifiant l'article L. 1233-3 du code du travail, a pour objet de définir des critères pour objectiver et sécuriser juridiquement la notion de difficultés économiques justifiant un licenciement économique en tenant compte de la taille de l'entreprise.

L'article pose comme principe que les difficultés économiques doivent être caractérisées :

- soit par l'évolution significative d' au moins un indicateur économique (tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation) ;

- soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Dans ce cadre, la loi « Travail » a énuméré les situations dans lesquelles une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, appréciée en fonction de la taille de l'entreprise, constituait a priori une évolution significative d'un indicateur économique justifiant un licenciement économique .

Cette baisse doit être au moins d' un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés , d' un semestre pour une entreprise d' au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés , de trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés et d' un an pour une entreprise de trois cents salariés et plus .

Le projet de loi « Travail » initial avait prévu que les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d'emplois ne sauraient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique.

Pour mémoire, dans son avis sur ce texte, le Conseil d'Etat avait considéré que la volonté d'identifier les difficultés artificielles justifiant un licenciement économique se fondait sur « un motif d'intérêt général tenant à la préservation de l'emploi sur le territoire national, sans pour autant porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre dans les conditions reconnues par le Conseil constitutionnel notamment dans sa décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 relative à la loi de modernisation sociale » 218 ( * ) . Le Conseil d'Etat avait profondément remanié la disposition initiale du Gouvernement, afin « de mieux en définir le champ d'application et la portée » 219 ( * ) .

Cette notion de « difficultés artificielles » avait été supprimée de la loi « Travail » par un amendement présenté par le rapporteur en première lecture à l'Assemblée nationale, compte tenu notamment de son caractère peu opérationnel.

Le Gouvernement souhaite toutefois rouvrir la réflexion pour reconnaître et expliciter cette notion de « difficultés artificielles et comptables » par ordonnance.

Certains groupes internationaux peuvent en effet avoir la tentation de réduire volontairement le carnet de commandes d'une entreprise ou d'un établissement français au profit d'autres entités du groupe, afin de justifier par la suite des licenciements économiques. Ce type de comportement semble toutefois extrêmement difficile à détecter et donc à prévenir.

3. Critères d'ordre des licenciements

L'article L. 1233-5 du code du travail oblige l'employeur, lorsqu'il procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de stipulation spécifique d'une convention ou d'un accord collectif de travail, à définir les critères retenus pour fixer l' ordre des licenciements , après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

La loi du 14 juin 2013 220 ( * ) a autorisé l'employeur à privilégier un critère légal à condition toutefois de tenir compte des autres critères légaux .

Ces critères légaux sont la prise en compte des charges des familles des salariés, leur ancienneté, leurs éventuelles difficultés personnelles qui rendraient difficiles leur réinsertion professionnelle (handicap ou âge par exemple), ou encore leurs qualités professionnelles appréciées par catégories.

En cas de licenciement économique pour motif individuel, l'employeur doit prendre en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères légaux applicables en cas de licenciement collectif 221 ( * ) .

En cas de plan de sauvegarde de l'emploi, l'article 288 de la loi « Croissance et activité » de 2015 222 ( * ) a autorisé l'employeur à définir le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements soit par accord avec les partenaires sociaux dans l'entreprise, soit unilatéralement.

Toutefois, dans cette dernière hypothèse, l'employeur ne peut retenir un niveau inférieur à la zone d'emploi 223 ( * ) d'un établissement. Ainsi, si un PSE concerne trois établissements dont deux seulement sont situés dans une même zone d'emploi, l'employeur ne peut fixer unilatéralement les critères d'ordre des licenciements économiques pour ces trois établissements, afin de ne pas porter préjudice aux salariés du troisième établissement en leur imposant des reclassements non souhaités.

Le Gouvernement souhaite préciser les conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d'ordre, en accordant une importance particulière à la définition des catégories professionnelles , qui est une source importante de contentieux.

Par exemple, un PSE peut prévoir cent suppressions de postes, dont vingt concernent la catégorie des cadres. Or, des débats peuvent surgir sur la définition de certaines catégories professionnelles, des salariés considérant ne pas relever d'une catégorie visée par un PSE ou dépendre d'une autre catégorie moins menacée par des licenciements. La loi ne donnant pas de définition de la notion de catégorie professionnelle, la jurisprudence a indiqué qu'elle désigne l'ensemble des salariés qui exercent des fonctions de même nature, supposant une formation professionnelle commune. L'étude d'impact indique que « le moyen de l'irrégularité de la définition des catégories professionnelles est régulièrement soulevé dans le contentieux des décisions d'homologation prises par les Direccte » et aboutit souvent à l'annulation par le juge administratif de PSE sans apporter de réelle protection aux salariés 224 ( * ) .

4. Obligation de reclassement

L'article 290 de la loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 a prévu deux régimes de reclassement des salariés lorsqu'un groupe international envisage de procéder à un licenciement économique, en distinguant les offres d'emploi en France et celles à l'étranger .

Il était en effet apparu que l'obligation générale et absolue pour l'employeur de proposer des postes de reclassement à l'étranger, en cas de projet de licenciement économique concernant une entreprise ou un groupe possédant des sociétés à l'étranger, était une source de lourdeur administrative très importante pour les entreprises, alors que les salariés n'acceptaient que très rarement ces offres de reclassement, considérant souvent que les très faibles rémunérations proposées étaient rédhibitoires.

D'une part, l'article L. 1233-4 du code du travail dispose qu'un licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises. Surtout, le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

D'autre part, l'article L. 1233-4-1 du code du travail prévoit des règles plus souples pour l'employeur si l'entreprise comporte des établissements à l'étranger . En effet, dans cette hypothèse le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements : l'employeur n'est donc pas tenu de prendre l'initiative de proposer systématiquement des postes de reclassement à l'étranger. Dans sa demande, le salarié doit préciser les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. Ces offres d'emploi doivent être également écrites et précises.

Un décret du 10 décembre 2015 225 ( * ) a prévu notamment que :

- l'employeur doit informer individuellement le salarié, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine, de la possibilité de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national ;

- le salarié doit faire connaître son intention de recevoir de telles offres dans un délai de sept jours ouvrables ;

- les offres d'emploi à l'international doivent notamment indiquer la nature du contrat de travail et la langue utilisée dans l'entreprise concernée ;

- la question des offres de reclassement à l'international peut être abordée sous conditions, en cas de plan de sauvegarde de l'emploi , par accord collectif ou par décision unilatérale de l'employeur.

Le Gouvernement ne semble pas satisfait des règles concernant le reclassement des salariés à l'étranger, car l'étude d'impact indique que « le maintien d'une procédure très précise sur le reclassement à l'international, prévue par l'article L. 1233-4-1 du code du travail et déclinée par décret, peut continuer à insécuriser les licenciements économiques sans protéger les salariés », et demeurerait « une obligation formelle non sécurisante pour les salariés concernés, et source de contentieux » 226 ( * ) .

5. Modification du seuil de déclenchement du plan de sauvegarde de l'emploi

La directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs autorise ceux-ci, dans son article 1 er , à adopter deux modes de calcul alternatifs pour définir le seuil de déclenchement d'un licenciement collectif.

Le premier mode de calcul désigne les licenciements effectués, pendant une période de trente jours :

- au moins égal à dix dans les établissements employant habituellement plus de vingt et moins de cent travailleurs,

- au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins cent et moins de trois cents travailleurs,

- au moins égal à trente dans les établissements employant habituellement au moins trois cents travailleurs.

Selon le second mode de calcul , un licenciement collectif est constitué lorsqu'au moins vingt licenciements sont prononcés pendant une période de quatre-vingt-dix jours , quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans l'établissement.

Le code du travail prévoit qu'une entreprise employant plus de cinquante salariés et procédant à plus de dix licenciements économiques sur une période de trente jours doit mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi.

Afin d'éviter des contournements de cette règle protectrice des droits des salariés (technique dite du « saucissonnage » des licenciements), le législateur a prévu que les entreprises employant plus de cinquante salariés qui ont procédé pendant trois mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de dix salariés au total, sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, doivent mettre en place un PSE si elles envisagent de nouveaux licenciements économiques au cours des trois mois suivants 227 ( * ) .

Le Gouvernement semble envisager de retenir le second mode de calcul proposé par la directive du 20 juillet 1998 .

6. La facilitation de la reprise des entités économiques autonomes

L'article L. 1224-1 du code du travail, reprenant des dispositions instaurées en 1928 dans notre droit, prévoit qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur (comme une succession, une vente, une fusion, une transformation du fonds ou encore la mise en société de l'entreprise), tous les contrats de travail en cours lors de la modification sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

L'objectif de ces dispositions est d'assurer la continuité des contrats de travail, la sécurité juridique et la préservation de l'emploi en cas de transfert d'une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre.

Par conséquent, le transfert partiel ou total d'une entreprise ou d'un établissement ne peut justifier par lui-même des procédures de licenciement pour motif économique mises en oeuvre par le cédant ou le cessionnaire, comme le rappelle d'ailleurs une directive européenne du 12 mars 2001 228 ( * ) .

Le juge français a parfois annulé des licenciements économiques prononcés par le cédant peu de temps avant le transfert d'une entité économique autonome qui poursuivait un objectif propre, en considérant que ces licenciements avaient été motivés par le futur transfert.

Suite à cette jurisprudence, certaines entreprises cédantes ont décidé d'interrompre la mise en oeuvre d'un PSE après la manifestation d'intérêt d'un repreneur, en considérant qu'il revenait à ce dernier, après la vente du site, de procéder le cas échéant aux licenciements économiques nécessaires.

Ainsi, paradoxalement , le principe de la continuité des contrats de travail en cas de transfert de l'entreprise, conçu historiquement comme un moyen de protéger les droits des salariés et l'emploi, pouvait aboutir dans certaines situations à bloquer certains transferts d'entreprises en décourageant les repreneurs potentiels , peu désireux de mettre en oeuvre dès l'acquisition d'une entreprise un plan de sauvegarde de l'emploi.

C'est pourquoi l'article 94 de la loi « Travail » a clarifié l'articulation entre l'engagement d'un plan de sauvegarde de l'emploi et un transfert ultérieur des contrats de travail en cas de reprise partielle ou totale d'un site par un repreneur , en ne ciblant toutefois que les entreprises cédantes employant plus de mille salariés , ainsi que les entités appartenant à un groupe dépassant ce seuil.

En effet, l'article L. 1233-61 du code du travail, qui définit le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), prévoit que tous les contrats de travail en cours au jour de la modification de la situation juridique des entreprises cédantes précitées sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise, dans la limite du nombre d'emplois qui n'ont pas été supprimés, par suite des licenciements, à la date d'effet de ce transfert.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique toutefois que cette précision juridique apportée par la loi « Travail » n'est pas satisfaisante, dans la mesure où elle ne concerne que les entreprises employant plus de mille salariés 229 ( * ) .

E. Modernisation des règles de recours à certaines formes particulières de travail

Le Gouvernement souhaite favoriser le développement de certaines formes particulières de travail comme le télétravail, le recours aux CDD, aux contrats de travail intérimaire et au contrat de chantier, le travail de nuit, ou encore le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif.

1. Le développement du télétravail et du travail à distance

La définition et le recours au télétravail ont été fixés par un accord cadre européen du 16 juillet 2002 et transposés par l'ANI du 19 juillet 2005 230 ( * ) .

Introduit dans le code du travail par l'article 46 de la loi du 22 mars 2012 231 ( * ) , l'article L. 1222-9 du code du travail définit le télétravail comme une « forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant ». Un salarié peut effectuer du télétravail soit dès son embauche, soit ultérieurement. Le refus d'accepter un poste de télétravailleur ne peut constituer un motif de rupture du contrat de travail. Le contrat de travail, ou son avenant, doit préciser les conditions de passage et de fin du télétravail. A défaut d'accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant doit préciser les modalités de contrôle du temps de travail.

Par ailleurs, l'article 57 de la loi « Travail » précitée a obligé les partenaires sociaux représentatifs au niveau national et interprofessionnel à engager une concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance avant le 1 er octobre 2016.

Cette concertation devait faire apparaître notamment la liste des métiers potentiellement éligibles au télétravail et la répartition des postes en télétravail entre les femmes et les hommes. Elle devait accorder une attention particulière aux salariés en forfait en jours, à l'articulation de la vie personnelle et de la vie professionnelle et aux règles de fractionnement des repos des télétravailleurs. A l'issue de la concertation, un guide des bonnes pratiques devait être élaboré et servir de document de référence lors de la négociation d'une convention ou d'un accord d'entreprise.

Ce même article 57 de la loi « Travail » prévoyait la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, avant le 1 er décembre 2016, l'adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l'utilisation des outils numériques. Ce rapport n'a toujours pas été transmis au Parlement.

A la suite de la concertation menée entre janvier et mai 2017, les partenaires sociaux ont rendu public le 7 juin 2017 un rapport en tirant les conclusions. Ils ont ensuite envoyé à la ministre du travail une lettre d'intention commune , dans laquelle ils ont identifié sept thèmes de réflexion : la clarification des règles juridiques applicables au télétravail ; l'articulation entre le télétravail régulier, occasionnel et informel ; l'organisation du temps de travail ; le droit à la déconnexion ; la protection des données personnelles ; la mobilité, la multiplication des lieux de travail et l'essor prévisible des tiers-lieux ; l'impact de ces nouvelles formes de travail sur l'encadrement de proximité et la nécessité de relations basées sur la confiance.

Il semblerait que la quasi-totalité des organisations syndicales souhaite que la concertation débouche sur une négociation de niveau interprofessionnel, malgré des divergences dans les échéances proposées. D'autres organisations souhaitent néanmoins que le Gouvernement aborde directement dans l'ordonnance certains des enjeux identifiés dans le rapport du 7 juin dernier.

C'est pourquoi le a) du 3° du présent article autorise le Gouvernement à favoriser par ordonnance le recours au télétravail et au travail à distance.

2. La possibilité d'adapter par accord de branche les règles des contrats à durée déterminée (CDD) et des contrats de travail temporaire (CTT)

a) Motifs de recours

En application de l'article L. 1242-1 du code du travail, un CDD , quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. La même règle s'applique au CTT , en application de l'article L. 1251-5 du même code.

C'est pourquoi il revient à la loi de fixer limitativement les situations autorisant le recours au CDD (art. L. 1242-2 et L. 1242-3 ), qui ont très largement inspiré celles applicables au CTT (art. L. 1251-6 et L. 1251-7 ) 232 ( * ) .

Cas de recours légaux au CDD

Nature du recours

Précisions apportées par la loi

Remplacement d'un salarié

Absence.

Passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant au contrat de travail ou par échange écrit entre le salarié et son employeur.

Suspension du contrat de travail.

Départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent.

Attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer.

Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise

n.c

Emplois à caractère saisonnier

CDD saisonnier : les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.

Emplois d'usage

CDD d'usage : emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale,

d'une personne exerçant
une profession libérale

n.c

Remplacement du chef d'une exploitation agricole

n.c

Recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d'un objet défini

Un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d'entreprise doit l'autoriser et définir :

a) les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ;

b) des garanties pour les bénéficiaires de ces contrats relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauche et à l'accès à la formation professionnelle continue et les moyens d'organiser la suite de leur parcours professionnel ;

c) la priorité d'accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise.

Promotion du recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi

Art. L. 1242-3 du code du travail

Engagement de l'employeur, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié

idem

Source : Commission des affaires sociales

Il est interdit de conclure un CDD 233 ( * ) ou un CTT 234 ( * ) dans les cas suivants :

- lorsque l'entreprise a procédé pendant les six derniers mois à un licenciement pour motif économique et qu'elle est confrontée à un accroissement temporaire de l'activité, sauf exceptions prévues par la loi ;

- pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un conflit collectif de travail ;

- pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux, sauf autorisation administrative exceptionnelle.

b) Durée maximale des CDD et CTT et renouvellement

L'article 55 de la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 235 ( * ) a autorisé deux renouvellements d'un CDD (à l'exception du CDD à objet défini, pour lequel aucune durée n'est prévue lors de sa conclusion) 236 ( * ) ou d'un CTT 237 ( * ) , à condition que la durée totale du contrat, en y intégrant le cas échéant le ou les renouvellements, ne dépasse pas dix-huit mois . Ainsi, depuis le vote de la loi, un salarié peut conclure trois CDD ou CTT de suite, et non plus deux, pour le même poste, pendant un an et demi .

Il convient toutefois de rappeler que deux exceptions existent à cette règle.

Tout d'abord, la durée maximale d'un CDD ou d'un CTT est réduite à neuf mois lorsque le contrat est conclu dans l'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté en CDI ou lorsque son objet consiste en la réalisation des travaux urgents de sécurité.

Inversement, cette durée est portée à vingt-quatre mois si le contrat est exécuté à l'étranger ou s'il est conclu dans le cadre du départ définitif d'un salarié précédant la suppression de son poste de travail, ou encore en cas de commande exceptionnelle à l'exportation.

Le régime du CTT n'est pas complétement aligné sur celui du CDD. Ainsi, en cas de commande exceptionnelle à l'exportation, l'employeur qui souhaite recruter des salariés en CDD doit préalablement consulter le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel, alors que cette obligation n'existe pas s'il envisage de les embaucher en CTT. En outre, un CTT peut durer trente-six mois pour embaucher un apprenti, alors qu'aucun CDD ne peut être conclu pour cette durée.

c) Succession de contrats atypiques avec le même salarié

L'article L. 1244-1 du code du travail autorise un employeur à conclure plusieurs CDD avec un même salarié , sans encourir le risque d'une requalification du contrat en CDI par le juge, si le contrat est conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu , pour occuper un emploi saisonnier ou un emploi pour lequel le CDD est d' usage , ou encore pour remplacer un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale ou un chef d'exploitation agricole .

Ces dispositions n'ont pas été transposées pour les salariés embauchés en CTT.

L'article 86 de la loi « Travail » précitée a traduit la volonté du législateur de mieux protéger les salariés qui multiplient chez un même employeur les CDD saisonniers . Ainsi, l'article L. 1244-2-2 du code du travail, introduit par une ordonnance du 27 avril 2017 238 ( * ) prise sur le fondement d'une habilitation conférée au Gouvernement par cet article, dispose que tout salarié embauché sous contrat de travail à caractère saisonnier dans la même entreprise bénéficie d'un droit à la reconduction de son contrat dès lors qu'il a effectué au moins deux saisons identiques dans cette entreprise pendant deux années consécutives et que l'employeur dispose d'un emploi saisonnier vacant et compatible avec la qualification du salarié.

Ces dispositions n'ont pas été déclinées au profit des salariés embauchés en CTT et qui effectuent des travaux saisonniers.

d) Succession de contrats atypiques sur un même poste

L'article L. 1244-3 du code du travail fixe la durée du délai de carence entre les conclusions des CDD pour un même poste, afin justement que ce type de contrat précaire ne devienne pas la norme sur le marché du travail.

A l'expiration d'un CDD, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements.

Ce délai de carence, exprimé en jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement concerné, est égal :

- soit au tiers de la durée du contrat expiré si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est de quatorze jours ou plus ;

- soit à la moitié de la durée du contrat expiré si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours .

L'article L. 1244-4 énumère sept dérogations au délai de carence comme une nouvelle absence du salarié remplacé ou l' exécution de travaux de sécurité urgents .

Les règles applicables au délai de carence entre deux CTT (art. L. 1251-36 du code du travail) s'inspirent de celles applicables au CDD, tout comme les dérogations à ce délai (art. L. 1251-37 du même code 239 ( * ) ).

3. La promotion du contrat de chantier

Le contrat de chantier, fréquent dans le secteur du BTP, est défini succinctement à l'article L. 1236-8 du code du travail, et indirectement à travers les règles du licenciement qui lui sont applicables.

En effet, lorsque la fin d'un chantier « revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l'exercice régulier de la profession », le licenciement d'un salarié n'est pas soumis aux règles du licenciement pour motif économique mais à celles d'un licenciement pour motif personnel , sauf si une convention ou un accord collectif de travail en dispose autrement.

Par conséquent, la fin du contrat ne donne pas lieu au versement d'une indemnité de précarité , contrairement à la fin d'un CDD.

L'étude d'impact rappelle que ni le législateur, ni le juge n'ont défini un faisceau d'indices permettant de caractériser une « pratique habituelle » 240 ( * ) .

Le Gouvernement pourrait préciser par ordonnance qu'un tel contrat s'applique à « toute opération dont l'objet est précisément défini, le début et la fin clairement identifiés mais dont la durée et le terme sont incertains », tout en réservant le recours à ce contrat de travail aux branches ayant conclu un accord spécifique.

4. La sécurisation des accords autorisant le travail de nuit

Le travail de nuit désigne les activités réalisées par des salariés pendant une période d' au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et cinq heures . La période de travail de nuit commence au plus tôt à vingt-et-une heures et s'achève au plus tard à sept heures 241 ( * ) .

Ces règles connaissent deux exceptions. D'une part, pour les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d'exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque, la période de travail de nuit est d'au moins sept heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et cinq heures 242 ( * ) . D'autre part, dans les établissements de vente au détail de biens et de services situés dans les zones touristiques internationales (ZTI), la période de travail de nuit, quand elle débute après vingt-deux heures, est d'au moins sept heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et sept heures 243 ( * ) .

Un salarié est considéré comme travailleur de nuit 244 ( * ) si l'une des trois hypothèses suivantes est remplie :

- il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ;

- il effectue au moins deux cent soixante-dix heures de travail de nuit sur une période de référence de douze mois consécutifs ;

- il dépasse le contingent d'heures de travail de nuit prévu dans la convention ou l'accord collectif de travail étendu applicable.

L'article L. 3122-1 du code du travail, tel que modifié par l'article 8 de la loi « Travail » précitée, pose comme principe d'ordre public que le travail de nuit est exceptionnel . Son recours doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et il doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale .

La Cour de cassation, face à l'absence de définition légale ou réglementaire de la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, a adopté une interprétation restrictive du recours au travail de nuit. Ainsi, dans un jugement du 2 septembre 2014, qui concernait un supermarché parisien Carrefour City ouvert tous les jours en 2010 de 7h00 à 23h00 et le dimanche à partir de 9h00, la Cour a estimé que « l'exercice de cette activité dans les limites des horaires de jour, compris entre 6 h et 21 h, est de nature à répondre suffisamment aux exigences de la clientèle, sans qu'il ne soit autrement justifié, en dehors du confort de la clientèle ou des impératifs de politique commerciale, qu'il soit nécessaire de recourir au travail de nuit » 245 ( * ) . En outre, dans un jugement du 24 septembre 2014 concernant l'enseigne Sephora, la chambre sociale a posé comme principe que « le travail de nuit ne peut pas être le mode d'organisation normal du travail au sein d'une entreprise et ne doit être mis en oeuvre que lorsqu'il est indispensable à son fonctionnement » 246 ( * ) .

Cette jurisprudence restrictive de la Cour de cassation sur le recours au travail de nuit n'est pas suivie par certaines cours d'appel, ce qui crée une rupture d'égalité entre employeurs et salariés sur le territoire.

Par conséquent, le Gouvernement envisage de créer une forme de présomption de légalité du recours au travail de nuit dès lors que l'entreprise peut s'appuyer sur un accord collectif autorisant cet aménagement du temps de travail.

Il envisage également de permettre une adaptation limitée de la période de travail de nuit de nature à garantir un travail effectif et continu des salariés jusqu'au commencement et dès la fin de cette période. Ainsi, comme l'indique l'étude d'impact, l'ordonnance « pourrait permettre aux entreprises n'ayant pas d'accord sur le travail de nuit ou de soirée » de « faire travailler les salariés jusqu'à 21h00 et à partir de 6h00 » en ajustant les marges de la plage légale de travail de nuit 247 ( * ) .

Pour mémoire, l'article L. 3122-15 du code du travail renvoie déjà à un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, à une convention ou un accord collectif de branche, le soin de justifier le recours au travail de nuit, d'adapter le cas échéant la période de travail de nuit , et d'accorder des contreparties aux salariés concernés.

5. La facilitation du prêt de main d'oeuvre entre une grande entreprise et une start-up

L'article L. 8241-1 du code du travail pose comme principe que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite . L'infraction à ce principe constitue une infraction de travail illégal . Seules les entreprises de travail temporaire sont habilitées, dans les conditions prévues par la loi, à mettre temporairement à disposition d'autres entreprises des salariés.

C'est le caractère lucratif du prêt de main d'oeuvre qui est interdit par le code du travail : les opérations à but non lucratif sont expressément autorisées par l'article L. 8241-1 du même code.

Une opération de prêt de main-d'oeuvre entre deux entreprises ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés au salarié mis à disposition.

Outre l'accord expresse du salarié, le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif nécessite la conclusion d'une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée, la qualification du bénéficiaire, ainsi que le mode de calcul du salaire, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice. Les deux entreprises peuvent également fixer une période probatoire pour le salarié mis à disposition.

Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

L'employeur de l'entreprise prêteuse doit signer avec le salarié concerné un avenant à son contrat de travail, précisant les missions confiées dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en oeuvre d'un prêt de main-d'oeuvre et informés des différentes conventions signées. De même, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l'entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition présente des risques particuliers pour la santé ou la sécurité.

L' entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail du salarié mis à sa disposition. Elle doit respecter à son égard les mêmes règles que s'il s'agissait d'un salarié intérimaire . En particulier, elle doit fournir au salarié mis à disposition les équipements de protection individuelle nécessaires à son poste. Celui-ci a également accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l'entreprise utilisatrice.

Pendant la période de prêt de main-d'oeuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l'entreprise prêteuse n'est ni rompu ni suspendu . Le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse et il conserve en conséquence le bénéfice de l'ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s'il avait exécuté son travail dans l'entreprise prêteuse. La mise à disposition ne remet pas en cause la protection dont jouit un salarié en vertu d'un mandat représentatif.

A l'issue de sa mise à disposition, le salarié doit retrouver son poste de travail ou un poste équivalent dans son entreprise sans que l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

Selon le Gouvernement, ces dispositions constituent un obstacle à la pratique du prêt de main d'oeuvre des entre grands groupes et des start-up . En effet, une jeune entreprise innovante qui accueille un salarié mis à disposition par un grand groupe pour l'accompagner dans son développement n'a pas toujours les ressources nécessaires pour rembourser intégralement son coût au groupe prêteur. En outre, les règles fiscales freineraient également le développement des prêts de main d'oeuvre à but non lucratif, sans que l'étude d'impact ne précise toutefois ce grief 248 ( * ) .

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, au e) du 3° du présent article 3, souhaite favoriser et sécuriser par ordonnance le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise innovante en adaptant les dispositions concernées en droit du travail et en droit fiscal.

F. La promotion de la concilitation devant le juge prud'homal

Comme l'avait souligné le rapport Lacabarats de 2014 249 ( * ) , la justice prud'homale est actuellement confrontée à de graves dysfonctionnements :

- le délai moyen de jugement est extrêmement long (15,6 mois en moyenne en 2013), avec des délais qui peuvent dépasser cinq ans dans certains conseils de prud'hommes ;

- près des deux tiers (64,5 %) des jugements prononcés par les conseils de prud'hommes sont frappés d'appel (contre 5,9 % des jugements des tribunaux d'instance) ;

- plus des deux tiers des jugements prud'homaux frappés d'appel sont invalidés soit partiellement (50,5 %) soit totalement (21,2 %) par les cours d'appel.

Les dernières réformes prud'homales ont visé notamment à renforcer l'efficacité de la phase de la conciliation obligatoire avant la phase de jugement 250 ( * ) .

Le taux de conciliation, c'est-à-dire d'affaires enregistrées au greffe du conseil de prud'hommes qui débouchent sur un accord entre les parties sans passer en jugement, était de 4 % avant l'instauration du barème indicatif prévu par la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 (cf. supra ), et ne semble pas avoir connu une progression significative depuis cette date.

Le bureau de conciliation et d'orientation (BCO), qui se compose d'un conseiller prud'homme employeur et d'un conseiller prud'homme salarié 251 ( * ) , est appelé à jouer un rôle central depuis la réforme de 2015 252 ( * ) .

Il peut entendre chacune des parties séparément et dans la confidentialité 253 ( * ) . Il assure la mise en état des affaires. Si l'affaire n'est pas en état d'être jugée devant le bureau de jugement, il peut assurer sa mise en état ou désigner un ou deux conseillers rapporteurs à cette fin. Le BCO peut fixer la clôture de l'instruction par ordonnance, dont une copie est remise aux parties ou à leur conseil.

Surtout, afin de renforcer la phase de conciliation, quand une partie ne comparaît pas, physiquement ou par l'entremise de son avocat, et qu'elle ne produit pas de justification légitime, le BCO peut juger directement l'affaire , en l'état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués 254 ( * ) .

En cas d'échec de la conciliation, le BCO peut décider, par simple mesure d'administration judiciaire non attaquable par un requérant, de renvoyer l'affaire devant la formation de jugement de droit commun ou, si les parties le demandent ou que la nature du litige le justifie, devant le bureau de jugement présidé par un juge départiteur, qui est un magistrat professionnel désigné par le président du tribunal de grande instance (TGI) 255 ( * ) .

L'étude d'impact indique que le Gouvernement envisage de renforcer l'obligation d'une présence physique pendant l'audience de conciliation, afin d'accroître les chances de trouver une solution conjointe 256 ( * ) . Le Gouvernement cherche également à limiter le recours au juge départiteur, qui entraîne très souvent un allongement substantiel des délais de jugement.

Par ailleurs, un référé de la Cour des comptes 257 ( * ) a récemment mis en exergue un défaut de lisibilité dans le régime fiscal et social applicable aux indemnités de rupture de contrat de travail, ainsi qu'un biais en faveur de la résolution des conflits par la voie contentieuse au détriment du cadre non-contentieux. De fait, les dommages et intérêts sont exonérés d'impôts en cas de jugement, ce qui n'est pas le cas des indemnités versées dans le cadre de la conciliation.

Régime fiscal et social des indemnités du contrat (législation 2015)

Impôt sur le revenu

Cotisations sociales

CSG (7,5 %)
CRDS (0,5 %)

Forfait social (20 %)

INDEMNITÉS DE LICENCIEMENT

Indemnité
de licenciement (légale ou conventionnelle)

PSE (plan de sauvegarde de l'emploi)

Exonération totale

Exonération dans la limite
de 2 PASS*

Exonération dans la limite
de 2 PASS*

Non assujettie

Hors PSE

Exonération dans la limite du montant
le plus élevé entre :

- 50 % de l'indemnité dans la limite de 6 PASS*

- 2 fois la rémunération annuelle brute perçue dans l'année civile précédent le licenciement dans la limite de 6 PASS*

Indemnité transactionnelle
(à ajouter
à l'indemnité
de licenciement pour apprécier
les seuils d'exonération)

PSE

Exonération totale

Assujetissement au-delà
de l'indemnité de licenciement

Hors PSE

Exonération dans la limite du montant le plus élevé entre :

- 50 % de l'indemnité dans la limite de 6 PASS*

- 2 fois la rémunération annuelle brute perçue dans l'année civile précédent le licenciement dans la limite de 6 PASS*

Exonération pour la fraction d'indemnité exonérée d'IRPP dans la limite de 2 PASS*

Assujetissement total lorsque l'indemnité versée dépasse 10 PASS**

INDEMNITÉS DE RUPTURE CONVENTIONNELLE

Salariés pouvant faire valoir leurs droits à la retraite

Assujetissement total

Assujetissement de 1 € à 2 PASS

Salariés ne pouvant pas faire valoir leurs droits à la retraite

Même régime que les indemnités de licenciement

INDEMNITÉS DE DÉPART VOLONTAIRE

PSE

Même régime que les indemnités de licenciement

Hors PSE (et GPEC de 2007 à 2011)

Assujetissement total

* PASS : plafond annuel de la sécurité sociale - 2 PASS = 76 086 € - 10 PASS = 380 400 € (2015)
** Disposition supprimée « par erreur » en LFSS 2016, qui sera ultérieurement rétablie (selon la réponse de la direction du Budget à la Cour)

Source : DG Trésor, Cour des comptes

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite être habilité au du présent article 3, à faciliter et simplifier par ordonnance la procédure de conciliation devant la juridiction prud'homale et modifier le régime fiscal et social des sommes dues par l'employeur et versées au salarié à l'occasion de la rupture de contrat de travail.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté en commission sur cet article.

En revanche, douze amendements ont été adoptés en séance publique, dont un grand nombre n'apportaient que des améliorations rédactionnelles ou des précisions juridiques.

Un amendement du rapporteur a précisé qu'il revenait à l' autorité administrative compétente , et non aux entreprises, d'améliorer l' accès au droit du travail sur des portails internet dédiés.

Présenté par notre collègue député Patrick Mignola et plusieurs membres du groupe Modem, un amendement a prévu que les actes de harcèlement et de discrimination seront exclus du champ d'application du référentiel obligatoire pour fixer le montant des dommages et intérêts versés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, supprimant ainsi la notion de « faute de l'employeur d'une particulière gravité » jugée trop floue.

Un amendement du Gouvernement a également été adopté pour lui permettre de préciser par ordonnance les modalités du suivi médical exercé par l' Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ainsi que les conditions de recrutement et les missions de son personnel médical. L'exposé de l'amendement indique que le Gouvernement souhaite remplacer la notion de « contrôle médical » par celle, plus neutre, de « visite médicale », qui correspondrait mieux à la réalité de l'activité de l'Office. En outre, il envisage de prolonger l'activité de ses médecins qui atteignent l'âge de la retraite, compte tenu de la forte augmentation du nombre de migrants, de la pénurie médicale en France et des nouvelles missions qui leur ont été confiées par la loi du 7 mars 2016 258 ( * ) (avis médical préalable à la délivrance par le préfet d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade).

Un amendement de notre collègue député Gérard Cherpion et plusieurs membres du groupe Les Républicains a précisé que l'ordonnance devait définir le périmètre géographique et le secteur d'activité dans lesquels la cause économique justifiant un licenciement économique devra être appréciée.

A l'initiative de notre collègue député Richard Ferrand et de plusieurs membres du groupe La République en marche, un amendement a été adopté pour préciser que le recours au télétravail et au travail à distance devait assurer une meilleure conciliation des temps de la vie professionnelle, de la vie personnelle et de la vie familiale et mieux prendre en compte le travail nomade.

Sur proposition de notre collègue député Pierre Dharréville et plusieurs membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un amendement a été adopté pour obliger le Gouvernement à fixer par ordonnance un cadre légal dans lequel les accords ou conventions de branche pourront fixer les règles relatives aux CDD et CTT (recours, durée, renouvellement et succession).

Un autre amendement des mêmes auteurs a empêché que les dispositions sur le travail de nuit prévues par ordonnance s'appliquent individuellement aux salariés, en exigeant une organisation collective de travail autorisant une ou plusieurs catégories de salariés à recourir à cette forme de travail.

Un amendement du Gouvernement a précisé que la finalité du recours à la conciliation devant la juridiction prud'homale devait être la conclusion de ruptures conventionnelles , de transactions ou d' accords devant le bureau de conciliation et d'orientation (BCO). L'amendement vise également les autres modes de résolution des différends applicables aux gens de mer. En effet, l'article L. 5542-48 du code des transports prévoit que tout différend qui peut s'élever à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Sauf si le litige concerne un capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat. Lors de la conciliation, si le litige porte sur la rupture du contrat, l'employeur et le marin peuvent convenir, ou l'autorité compétente de l'Etat proposer, d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au marin d'une indemnité forfaitaire, dans les conditions et selon le barème de droit commun applicable en phase de conciliation.

Un autre amendement du Gouvernement vise à prolonger par ordonnance le mandat des conseillers prud'hommes actuels , qui doit cesser le 1 er janvier 2018, jusqu'au 31 mars 2018 , pour leur permettre de rendre les décisions relatives aux affaires débattues devant eux et pour lesquelles ils ont délibéré durant leur mandat. En effet, une décision de justice devant être rendue par une juridiction de jugement composée d'au moins l'un des juges qui a siégé à l'audience et a participé au délibéré et dans le souci d'éviter un allongement des délais de jugement, il est préférable selon le ministère du travail d'instaurer une période transitoire de trois mois pour permettre aux conseillers sortants de rendre les décisions auxquelles ils ont été associés. L'amendement précise que ces conseillers sortant ne pourront pas exercer d'autres missions juridictionnelles pendant cette période transitoire.

Enfin, le dernier amendement proposé par le Gouvernement à cet article vise à supprimer par anticipation l'incompatibilité prévue entre le mandat de conseiller prud'homme et celui d'assesseur du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et d'assesseur du tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) . Ces juridictions sociales devant être intégrées au tribunal de grande instance au plus tard à compter du 1 er janvier 2019, la fonction d'assesseur ne sera plus incompatible avec celle de conseiller prud'homme en application de l'article L. 218-4 du code de l'organisation judiciaire, tel que modifié par l'article 12 de la loi du 18 novembre 2016 259 ( * ) . Mais d'ici là, il existe selon le Gouvernement un risque sérieux de démission des assesseurs des juridictions sociales qui souhaiteraient se voir désigner conseillers prud'hommes à l'automne prochain.

III - La position de la commission

Votre rapporteur soutient la volonté de simplifier et sécuriser juridiquement les dispositions relatives au licenciement, afin de rétablir la confiance des employeurs et des investisseurs internationaux, sans remettre en cause les droits essentiels des salariés.

Sur proposition de votre rapporteur , la commission a adopté l'amendement COM-20 afin de donner la possibilité à un employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation qui sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement . L'article L. 1235-2 du code du travail prévoit déjà que les erreurs de procédure de licenciement sont moins sévèrement sanctionnées que les erreurs de fond. Pour autant, comme l'indiquent l'étude d'impact annexée au projet de loi et plusieurs organisations patronales, de nombreux salariés saisissent les conseils de prud'hommes quand ils estiment que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, même si l'employeur avait un motif réel et sérieux de les licencier. Cet amendement, qui précise les intentions du Gouvernement, contribuerait à diminuer les contentieux, qui pénalisent à la fois les employeurs et les salariés. Pour mémoire, le code du travail a déjà prévu une forme de droit à l'erreur pour l'administration. En effet, en cas d'annulation de la décision administrative de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) liée à un défaut de motivation, les dispositions relatives à la réintégration du salarié et à son indemnisation ne s'appliquent pas si l'administration prend une nouvelle décision correctement motivée dans un délai de quinze jours 260 ( * ) .

A l'initiative de votre rapporteur, elle a également adopté l' amendement COM-21 visant à diminuer au moins de moitié le délai de contestation portant sur la régularité ou la validité d'un licenciement pour motif économique , qui est actuellement fixé à un an par l'article L. 1235-7 du code du travail. Pour mémoire, lors de l'examen de la loi « Travail » précitée, votre commission avait déjà réduit à six mois ce délai. L'amendement ne modifie pas en revanche le délai de recours contentieux de deux mois applicable aux décisions de l'administration qui valide ou homologue un PSE. Par ailleurs, une note de législation comparée du Sénat rappelle que le délai de contestation d'un licenciement est de trois semaines en Allemagne ( annexe 3 ).

La commission a par ailleurs adopté l'amendement COM-22 de votre rapporteur afin d'obliger l'ordonnance à distinguer les obligations de l'employeur en matière de reclassement selon que l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle ou non . Les auditions réalisées par votre rapporteur ont montré que de nombreux employeurs à la tête de petites entreprises doivent parfois octroyer des indemnités très importantes à un salarié déclaré inapte alors même que cette inaptitude n'est pas d'origine professionnelle et n'est pas imputable à l'activité de l'entreprise. Ces indemnités, qui sont parfois un frein important au développement des petites entreprises, devraient être mutualisées en tout ou partie et supportées par la collectivité publique, par exemple la branche AT-MP. L'objectif de cet amendement est donc d'ouvrir ce débat à travers la question du reclassement des salariés inaptes.

Soucieuse d'identifier les cavaliers législatifs dans le texte, la commission a en outre adopté l' amendement COM-23 du rapporteur , qui supprime les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement visant à modifier les règles de fonctionnement de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) . Selon votre rapporteur, cette disposition ne présente pas de lien, même indirect, avec l'objet du présent projet de loi. Une disposition similaire avait déjà été censurée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 par le Conseil constitutionnel 261 ( * ) , qui avait considéré qu'elle ne relevait pas du champ d'une loi de financement. Votre rapporteur veille en effet à ce que les projets de loi ne contiennent que des dispositions présentant un lien avec leurs objets, cette obligation devant s'appliquer aux parlementaires mais aussi au Gouvernement.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-24 obligeant le Gouvernement à retenir par ordonnance un périmètre national pour apprécier la cause d'un licenciement économique . L'ordonnance pourra, le cas échéant, définir les aménagements éventuels à la règle selon laquelle les difficultés économiques et la sauvegarde de la compétitivité d'une entreprise appartenant à un groupe sont appréciées au niveau des entreprises appartenant au même groupe, situées en France et relevant du même secteur d'activité. Cet amendement vise ainsi à combler le vide juridique actuel, à faire évoluer la jurisprudence du juge judiciaire et à mettre un terme à une situation dans laquelle la France se distingue de ses principaux voisins européens. Au final, cet amendement offre une solution équilibrée entre les tenants d'un périmètre uniquement centré sur l'entreprise en difficulté, et les promoteurs d'un périmètre européen voire mondial.

S'agissant de l'habilitation relative au télétravail et au travail à distance, la commission a adopté un l' amendement rédactionnel COM-25 de votre rapporteur. Il reprend en effet la formulation retenue pour les congés d'articulation entre la vie professionnelle et la vie la vie personnelle et familiale mentionnés aux articles L. 3142-1 et suivants du code du travail. Il supprime par ailleurs la notion de « travail nomade », dépourvue de définition légale, et qui est couverte par celle de « travail à distance » déjà présente dans le projet de loi.

A l'invitation de votre rapporteur, un amendement COM-27 a été adopté pour obliger les partenaires sociaux de la branche, qui fixeront les règles d'utilisation du CDI de chantier , à respecter le cadre fixé par la loi . Il doit en effet revenir au législateur de définir l'ordre public et les dispositions supplétives en l'absence d'accord. Cet amendement est donc cohérent avec la philosophie du rapport Combrexelle de 2015, et avec l'encadrement législatif prévu pour les règles relatives aux CDD et aux contrats d'intérim.

Enfin, la commission a adopté deux amendements rédactionnels COM-88 et COM-89 , modifiant respectivement les dispositions sur l'allongement des mandats des conseillers prud'hommes et sur le régime d'incompatibilité de ces mandats avec ceux d'assesseur du TASS et du TCI.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 - Développement de la négociation collective et sécurisation des accords de branche

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à apporter plusieurs modifications d'ordre essentiellement technique aux règles relatives à l'extension et à l'élargissement des accords collectifs et à tirer les conséquences des évolutions récentes de la représentativité syndicale et patronale, notamment sur le fonctionnement du fonds pour le financement du dialogue social.

I - Le dispositif proposé

S'inscrivant dans l'objectif global du projet de loi de développer la négociation collective , le présent article 4 traite tout d'abord de la situation des branches en cherchant à apporter des éléments de sécurisation juridique aux procédures d'extension 262 ( * ) et d'élargissement 263 ( * ) des accords de branche. Il permet ensuite au Gouvernement de redéfinir les secteurs d'activité relevant du champ multi-professionnel et de procéder à l'adaptation des règles de fonctionnement du fonds pour le financement du dialogue social , sans modifier ni ses principes ni ses missions. Les ordonnances prises sur le fondement de cet article doivent être publiées dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

a) La sécurisation juridique de l'extension des accords de branche

Le de l'article vise à « améliorer » et « sécuriser juridiquement » l'extension des accords collectifs sur deux points : en précisant les conditions dans lesquelles les organisations représentatives d'employeurs peuvent s'y opposer et en réaffirmant les pouvoirs du ministre dans cette procédure.

(1) Le droit d'opposition des organisations d'employeurs à l'extension d'un accord collectif

Alors qu'aucune disposition en ce sens n'existait avant la loi du 5 mars 2014 264 ( * ) , qui a fixé les règles relatives à la mesure de l'audience des organisations patronales, ce texte a établi un mécanisme d'opposition à l'extension d'un accord de branche à leur initiative.

Sans remettre en cause la validité d'un tel accord, une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans la branche et dont les adhérents emploient plus de 50 % de l'ensemble des salariés des entreprises membres des organisations représentatives peuvent s'opposer à son extension. Sur ce point, les modifications souhaitées par le Gouvernement restent floues : il s'agirait, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, de « préciser les conditions et modalités » de l'exercice de ce droit d'opposition.

(2) Les pouvoirs du ministre du travail en matière d'extension des accords de branche

Le code du travail confie au ministre du travail la responsabilité de procéder à l'extension des accords collectifs et d'en apprécier l'opportunité. Il peut engager cette procédure soit à la demande des partenaires sociaux de la branche, soit de sa propre initiative, et s'appuyer sur les travaux de la commission nationale de la négociation collective (CNNC), qui doit rendre un avis motivé sur chaque demande.

Le ministre peut étendre la convention de branche, mais aussi accompagner cette extension de réserves . Il peut ainsi exclure :

- les clauses contraires à des dispositions légales ;

- les clauses qui ne répondent pas à la situation de la branche , dès lors que leur retrait ne modifie pas l'économie générale de l'accord 265 ( * ) .

Le juge administratif lui a par ailleurs reconnu la possibilité de refuser l'extension d'un accord pour des motifs d'intérêt général 266 ( * ) , qui peuvent être notamment liés aux objectifs de la politique économique et sociale ou à la protection des tiers. Plus récemment, le législateur 267 ( * ) lui a également permis de s'opposer à une extension dans le cadre du processus de restructuration des branches 268 ( * ) .

A l'inverse, il peut étendre les clauses incomplètes au regard de la loi, sous réserve de l'application de cette dernière, ainsi que les conventions ne comportant pas toutes les clauses obligatoires ou ne couvrant pas l'ensemble des catégories professionnelles de la branche.

Dans une récente décision 269 ( * ) , le Conseil d'État a toutefois estimé que le ministre du travail ne tenait pas de l'ensemble de ces dispositions le pouvoir d' étendre certaines clauses d'un accord de branche sous réserve qu'elles soient complétées ultérieurement par un accord collectif . La haute juridiction administrative a considéré que le ministre ne pourrait pas apprécier la conformité de cet accord subséquent avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, comme il le fait avec l'accord de branche avant son extension.

Selon l'étude d'impact, l'objet du second volet de l'habilitation prévue au 1° du présent article 4 serait d' autoriser le ministre du travail à étendre un accord de branche incomplet , qui aurait vocation à être complété par des accords d'entreprise, s'agissant de dispositions dont la loi confie la définition à la négociation collective. Le Gouvernement chercherait également à mieux définir les motifs d'intérêt général justifiant un refus du ministre d'étendre un accord.

b) Les conditions d'élargissement d'un accord à certaines entreprises en fonction de leur effectif

L'habilitation prévue au de l'article 4 traite quant à elle non de l'extension d'un accord collectif mais de son élargissement , procédure qui permet au ministre du travail de rendre obligatoires , dans un secteur géographique ou professionnel marqué par l'incapacité à conclure un accord de branche ou à modifier une convention signée depuis au moins cinq ans, les stipulations d'une convention de branche déjà étendue dans un secteur analogue .

Il s'agit de répondre à la carence des partenaires sociaux représentatifs au sein de la branche. Toutefois, le ministre du travail ne peut procéder à l'élargissement en cas d'opposition de la majorité des membres de la CNNC 270 ( * ) . Dans le cadre de la restructuration des branches engagée depuis 2014, l'élargissement d'une convention collective peut également être prononcé par le ministre du travail pour intégrer un secteur non couvert par un accord 271 ( * ) .

Le Gouvernement souhaite ici donner au ministre du travail la possibilité d'élargir, dans leur intégralité ou partiellement 272 ( * ) , des accords de branche étendus au profit seulement de certaines entreprises, sous condition d'effectif d'une zone géographique ou d'un secteur d'activité au sein duquel les partenaires sociaux sont dans l'impossibilité de conclure un accord.

L'étude d'impact passe sous silence ce volet de l'article 4 et ne permet pas de connaître les intentions gouvernementales avec cette habilitation. Il semblerait que l'objectif soit de remédier à la carence des organisations patronales et syndicales d'une branche afin de permettre à ses TPE et PME, dans un contexte de restructuration du paysage conventionnel, de bénéficier de certaines stipulations d'accords collectifs étendus , notamment en matière de conventions de forfait , tout en évitant le développement de conventions collectives propres à ces petites entreprises.

c) La redéfinition des secteurs relevant du niveau national et multi-professionnel

La loi du 5 mars 2014 273 ( * ) a institué, en faveur des organisations professionnelles d'employeurs ne relevant pas du champ interprofessionnel 274 ( * ) mais présentes uniquement dans certains secteurs d'activité en dehors de ce périmètre et limitativement énumérés, un nouveau niveau de représentativité : la représentativité au niveau national et multi-professionnel . Si ce statut ne leur confère pas les mêmes droits que ceux des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, il oblige ces dernières à les consulter préalablement à l'ouverture et à la conclusion d'une négociation et à recueillir leurs observations 275 ( * ) .

Trois secteurs étaient initialement concernés : les activités agricoles , les professions libérales et l'économie sociale et solidaire . La loi du 7 juillet 2016 276 ( * ) y a ajouté le spectacle vivant et enregistré . Pour être reconnues représentatives au niveau national et multi-professionnel, les organisations professionnelles d'employeurs 277 ( * ) de ces secteurs doivent remplir quatre conditions cumulatives :

- respecter les critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance, de transparence financière, d'ancienneté minimale de deux ans et d'influence, qui sont communs à toutes les organisations syndicales et patronales ;

- être représentatives dans au moins dix conventions collectives de leur champ d'activité ;

- disposer d' au moins quinze organisations adhérentes relevant de leur champ d'activité ;

- justifier d'une implantation territoriale couvrant au moins un tiers du territoire national .

En novembre 2016, l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), qui représentait les professions libérales au niveau national et multi-professionnel, a adhéré à l'Union professionnelle artisanale (UPA), organisation représentative au niveau national et interprofessionnel, donnant naissance à l'Union des entreprises de proximité (U2P). Cette nouvelle organisation a conservé en 2017, dans le cadre de la première mesure de l'audience des organisations professionnelles d'employeurs, sa représentativité au niveau national et interprofessionnel .

En conséquence, l'UNAPL est sortie du champ national et multi-professionnel. L'habilitation prévue au du présent article 4 vise donc à redéfinir les secteurs qui en relèvent et, comme le précise l'étude d'impact, à en retirer celui des professions libérales .

d) L'adaptation des modalités de fonctionnement du fonds pour le financement du dialogue social

Le fonds pour le financement du dialogue social assure le financement des missions d'intérêt général exercées par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs. Il bénéficie de deux ressources principales 278 ( * ) , une contribution versée par toutes les entreprises à hauteur de 0,016 % de leur masse salariale et une subvention de l'État . En 2015, celles-ci ont représenté 116,8 millions d'euros , soit 84,2 millions d'euros provenant des entreprises et 32,6 millions d'euros issus du budget de l'État.

Ces crédits sont destinés à financer trois missions 279 ( * ) essentielles des partenaires sociaux :

- la conception, la gestion , l'animation et l'évaluation des politiques paritaires ;

- leur participation à la conception, à la mise en oeuvre et au suivi des politiques publiques ;

- la formation économique, sociale et syndicale des salariés.

La première de ces missions est financée par la contribution des entreprises, la seconde par l'État et la troisième par ces deux ressources.

Des missions supplémentaires peuvent, le cas échéant, être financées par d'autres ressources définies par la loi ou par un accord entre les partenaires sociaux.

Les bénéficiaires des crédits du fonds de financement du dialogue social

Mission

Bénéficiaires

Conception et gestion
des politiques paritaires

Les organisations syndicales de salariés et professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ainsi que leurs organisations territoriales ;

Les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel.

Mise en oeuvre et suivi
des politiques publiques

Les organisations syndicales de salariés et professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

Les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel ;

Les organisations syndicales de salariés dont la vocation revêt un caractère national et interprofessionnel et qui ont obtenu plus de 3 % des suffrages exprimés lors de la dernière mesure de l'audience syndicale.

Formation économique, sociale et syndicale des salariés

Les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

Les organisations syndicales de salariés dont la vocation revêt un caractère national et interprofessionnel et qui ont obtenu plus de 3 % des suffrages exprimés lors de la dernière mesure de l'audience syndicale.

Source : Commission des affaires sociales

La répartition de ces fonds répond à des règles spécifiques , propres à chacune de ces trois missions.

S'agissant de la subvention de l'État destinée au financement de la participation des partenaires sociaux à la conception et à la mise en oeuvre des politiques publiques , 80 % sont répartis, à parts égales, entre les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, les 20 % restants étant destinés aux organisations de salariés ayant recueilli entre 3 et 8 % lors de la dernière mesure de l'audience syndicale et aux organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel 280 ( * ) .

Les fonds destinés à la prise en charge de la formation économique, sociale et syndicale font l'objet de la répartition suivante, combinant prise en compte de l'audience et versement forfaitaire : une première part est attribuée proportionnellement à la représentativité tandis qu'une seconde, qui doit être comprise entre 7,9 millions d'euros et le quart de cette première part, est répartie de manière égale entre chacune des organisations bénéficiaires 281 ( * ) .

Les modalités de répartition des sommes finançant les politiques paritaires sont plus complexes puisqu'elles sont pondérées à la fois en fonction de la représentativité au niveau national et interprofessionnel et de celle dans les branches , selon des modalités distinctes entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs 282 ( * ) .

Ainsi, la dotation versée aux syndicats sur la base de leur représentativité nationale est répartie de manière uniforme entre eux, alors que celle destinée aux organisations patronales doit l'être proportionnellement à leur audience . S'agissant de la part destinée aux organisations représentatives dans les branches, qui vise notamment à prendre en compte leur participation à la gestion des organismes collecteurs paritaires agréés (Opca) de la formation professionnelle, elle est distribuée à parts égales aux organisations salariales et en fonction de leur audience aux organisations patronales.

Toutefois, dans l'attente de la première mesure de l'audience patronale, dont les résultats ont été publiés en avril 2017, le décret du 28 janvier 2015 283 ( * ) a mis en place un régime transitoire jusqu'au 31 décembre 2017 pour répartir les sommes dues aux organisations patronales représentatives au titre de la gestion des politiques paritaires. La part nationale est calculée en fonction de leur nombre de sièges au comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (Copanef), tandis que dans chaque branche elle dépend de leur nombre de sièges dans les conseils d'administration des Opca.

Le Gouvernement souhaite, au de cet article 4, être habilité à adapter par ordonnances les modalités de fonctionnement du fonds et de versement des crédits aux organisations syndicales et patronales, pour tirer les conséquences de la récente mesure de l'audience de ces dernières et des opérations de restructuration des branches engagées depuis 2014.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, le conseil d'administration de l'association gestionnaire du fonds paritaire national (AGFPN) a demandé que la prise en compte des conséquences de la mesure de l'audience des organisations professionnelles d'employeurs sur sa gouvernance 284 ( * ) et sur le versement des crédits du fonds soit différée et ne soit effective qu'en 2018. Un mécanisme similaire mais plus pérenne pourrait également être mis en place pour lisser les effets du renouvellement, tous les quatre ans, de la mesure de l'audience des organisations syndicales et patronales, et ceux des restructurations de branches qui peuvent conduire à faire évoluer la liste des organisations représentatives en leur sein.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a adopté à cet article que trois amendements rédactionnels de son rapporteur en séance publique.

III - La position de la commission

Cet article traduit la volonté du Gouvernement de procéder à des modifications techniques de plusieurs règles encadrant la négociation collective de branche afin de permettre au ministre du travail de remédier plus efficacement à la carence potentielle des partenaires sociaux , au profit notamment des petites entreprises (élargissement partiel des conventions) et de renforcer son pouvoir d'appréciation des conventions conclues. Outre ce premier volet (1° et 2° de l'article), un second concerne plus directement le dialogue social national afin de garantir notamment une stabilité de son financement (4°).

Sur ce dernier point, il importe que le Gouvernement s'en tienne bien aux aménagements de portée limitée relatifs à la première mesure de l'audience de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs annoncés par l'étude d'impact et ne cherche pas à remettre en cause l'ensemble des règles de répartition entre elles des crédits du fonds pour le financement du dialogue social. Elles sont en effet issues d'un subtil équilibre auquel ces organisations sont parvenues alors que le Gouvernement s'apprêtait déjà à les redéfinir.

Le débat portait, dans la répartition des sommes versées par le fonds au titre de l'élaboration et de la mise en oeuvre des politiques paritaires, sur la prise en compte dans l'audience du nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes d'une organisation professionnelle représentative et non plus uniquement sur le nombre de ses adhérents, unique facteur retenu par la loi du 5 mars 2014 285 ( * ) . Le 2 mai 2016, le Medef, la CGPME et l'UPA étaient parvenus à un accord afin que l'audience soit pondérée à 50 % par le nombre d'adhérents et à 50 % par le nombre de salariés employés par ceux-ci.

La loi du 8 août 2016 286 ( * ) a en conséquence modifié les règles antérieures pour transposer cet accord, et ce alors que le Gouvernement avait été habilité par le Parlement, à l'article 23 de la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 287 ( * ) , à réformer par ordonnance les règles de répartition des crédits et de gouvernance du fonds en l'absence d'un consensus patronal. Il est maintenant essentiel de préserver la stabilité de ces règles pour les années à venir afin que la transparence du financement de ces organisations soit assurée.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 - Assouplissement des obligations des employeurs en matière de prévention de la pénibilité et d'emploi de travailleurs détachés transfrontaliers

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à simplifier par ordonnance le compte personnel de prévention de la pénibilité et son régime juridique ainsi que les règles applicables en matière d'emploi des travailleurs détachés transfrontaliers.

I - Le dispositif proposé

a) La simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité

Institué par la loi du 20 janvier 2014 288 ( * ) , le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est un outil individuel permettant à des salariés exposés, à leur poste de travail, à des facteurs de risques professionnels , de bénéficier d'un droit à la formation renforcé, et, en fin de carrière, de réduire leur temps de travail sans perte de salaire et d'obtenir jusqu'à huit trimestres de majoration de durée d'assurance pour anticiper leur départ à la retraite, dès lors que cette exposition, mesurée annuellement, a été supérieure à des seuils déterminés par le pouvoir réglementaire.

Chaque année d'exposition à un facteur de pénibilité permet à un salarié d'obtenir quatre points et huit points en cas de pluri-exposition. Ces points sont crédités sur son C3P par la caisse nationale d'assurance vieillesse, gestionnaire du compte, à la suite de la déclaration des expositions par l'employeur via la déclaration sociale nominative (DSN).
Depuis le 1 er janvier 2017, le C3P est intégré au compte personnel d'activité (CPA).

Les dix facteurs de pénibilité sont répartis en trois catégories 289 ( * ) :

- ceux concernant des contraintes physiques marquées (les manutentions manuelles de charges ; les postures pénibles, définies comme positions forcées des articulations ; les vibrations mécaniques) ;

- ceux propres à un environnement physique agressif (les agents chimiques dangereux ; les activités exercées en milieu hyperbare ; les températures extrêmes ; le bruit) ;

- ceux qui caractérisent certains rythmes de travail (le travail de nuit ; le travail en équipes successives alternantes ; le travail répétitif).

Enfin, le financement des droits associés au C3P est assuré par un fonds, qui est alimenté par une cotisation versée par les employeurs , elle-même déclinée en deux volets. Le premier, dont le taux est de 0,01 % de la masse salariale, est dû par toutes les entreprises. Le second, qui représente 0,2 % de la masse salariale, ne doit quant à lui être acquitté que par les entreprises ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité.

Initialement fixée, pour l'ensemble des facteurs de pénibilité, au 1 er janvier 2015, la mise en oeuvre du compte a été partiellement décalée et repoussée en raison des difficultés rencontrées dans la définition des seuils d'exposition et des modalités de mesure des expositions. A cette date, seuls quatre 290 ( * ) des dix facteurs furent appliqués. Pour les six autres, ce n'est que depuis le 1 er juillet 2016 291 ( * ) que les expositions de leurs salariés doivent être déclarées par les employeurs.

Durant cette période transitoire et à la suite des recommandations de plusieurs rapports commandés par le Gouvernement 292 ( * ) , un premier train de mesures de simplification ont été adoptées, avec notamment comme objectif de réduire les contraintes pesant sur les petites entreprises. La loi « Rebsamen » 293 ( * ) avait ainsi substitué à la fiche individuelle de prévention des expositions, que l'employeur devait tenir pour chacun de ses salariés exposés à la pénibilité, la déclaration dématérialisée des expositions par la DSN .

Elle avait également autorisé les branches à établir des référentiels professionnels qui définissent les postes de travail ou métiers exposés à la pénibilité et permettent aux entreprises qui en relèvent, une fois homologués par les ministres du travail et des affaires sociales, de déterminer l'exposition de leurs travailleurs sur cette base.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, 793 760 salariés ont à ce jour acquis des droits au titre du C3P. Toutefois de nombreuses entreprises, en particulier les plus petites dans des secteurs particulièrement exposés à la pénibilité comme le bâtiment, rencontrent encore d'importantes difficultés de mise en oeuvre et de mesure des expositions de leurs salariés, notamment pour quatre facteurs : les manutentions manuelles de charge, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux. Aucune réponse satisfaisante n'avait été jusqu'à présent apportée aux problèmes qu'elles rencontrent

En conséquence, le du présent article 5 habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à une profonde réforme de la prise en compte de la pénibilité au travail . Il lui permet en effet d'adapter :

- les facteurs de risques professionnels mesurés dans le cadre du compte ;

- les obligations de déclaration liées à ceux-ci ;

- les conditions d'appréciation de l'exposition à certains des facteurs ;

- les modes de prévention ;

- les modalités de compensation de la pénibilité ;

- les modalités de financement du compte.

b) L'allègement des obligations incombant aux employeurs de travailleurs détachés transfrontaliers

La construction européenne, fondée sur la constitution d'un marché unique, promeut la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux 294 ( * ) .

C'est dans ce cadre juridique que les États membres de l'Union européenne et le Parlement européen ont adopté, le 16 décembre 1996, la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d'une prestation de services.

Cette directive confirme en son article 2 la possibilité pour toute personne d'exécuter son travail pendant une période limitée sur le territoire d'un État membre autre que son État d'origine, en vue de réaliser une prestation de services , d'effectuer une mobilité au sein du groupe qui l'emploie ou encore de réaliser une mission de travail temporaire.

L'article 3 de la directive oblige les entreprises qui détachent des salariés à leur appliquer le « noyau dur » du droit du travail en vigueur dans le pays d'accueil, sur des sujets aussi importants que les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés annuels payés, ou encore les règles de sécurité, de santé et d'hygiène au travail.

Si les règles du pays d'accueil s'appliquent aux travailleurs détachés en matière de droit du travail, ce sont en revanche les règles du pays d'origine qui priment en matière de protection sociale , comme le prévoit l'article 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Face à la très forte augmentation des fraudes au détachement de travailleurs, l'article 1 er de la loi du 10 juillet 2014 295 ( * ) a prévu une amende administrative , et non plus une simple contravention peu dissuasive, pour sanctionner le défaut de déclaration auprès de l'inspection du travail préalablement à un détachement, ou l'absence de désignation d'un représentant en France servant d'interlocuteur entre le prestataire étranger et les services de contrôle.

Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage doivent également veiller à vérifier si le prestataire étranger s'est bien acquitté de ces obligations, sous peine d'une sanction administrative.

Le montant initial de l'amende administrative infligé à un prestataire étranger était peu élevé : plafonné à 2 000 euros par salarié détaché et à 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d'un an, le montant total de l'amende ne pouvait dépasser 10 000 euros .

L'article 279 de la loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 296 ( * ) a toutefois porté ce dernier plafond à 500 000 euros . Pour fixer le montant de l'amende, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) doit prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.

Par ailleurs, l'article 107 de la loi « Travail » du 8 août 2016 297 ( * ) a introduit l'article L. 1263-4-1 au sein du code du travail, afin de permettre à l'autorité administrative d'ordonner, en cas de défaut de déclaration préalable de détachement, la suspension de la réalisation d'une activité de prestation de services . Cette suspension, qui est cumulable avec la sanction administrative pour défaut de déclaration préalable, est également prononcée par le Direccte, sur saisine d'un agent de contrôle de l'inspection du travail, si ce dernier n'a pas reçu la déclaration préalable dans un délai de 48 heures suivant le début du détachement. Le directeur régional peut ordonner, en motivant sa décision au regard de la gravité du manquement, la suspension de la réalisation de la prestation de services, pour une durée ne pouvant excéder un mois . Cette suspension cesse dès la réception de la déclaration de détachement transmise par le prestataire étranger, le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage.

En outre, en application de l'article L. 1264-4-6 du code du travail introduit par l'article 106 de cette même loi « Travail », tout employeur détachant des salariés sur le territoire français est désormais assujetti à une contribution plafonnée à 50 euros par salarié détaché, destinée à couvrir les coûts de mise en place et de fonctionnement du système dématérialisé de déclaration et de contrôle, appelé SIPSI 298 ( * ) .

L'étude d'impact se contente d'évoquer le souhait du Gouvernement « d'assouplir les modalités d'accomplissement des formalités préalables au détachement pour les cas particuliers de l'activité de prestataires frontaliers » 299 ( * ) , sans apporter davantage de précisions sur les dispositions qui pourraient évoluer.

La durée des habilitations prévues par le présent article est fixée à six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à préciser les finalités de la réforme du compte personnel de prévention de la pénibilité . Elle doit conduire à une simplification et à une sécurisation juridique du dispositif, dans le but d'améliorer la prévention .

Cet article n'a pas été modifié en séance publique.

III - La position de la commission

Dans un courrier adressé aux organisations professionnelles d'employeurs et aux organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel le 8 juillet 2017, le Premier ministre a dévoilé la réforme du C3P que le Gouvernement compte mettre en oeuvre sur la base de l'habilitation conférée par le présent article. Elle devrait porter sur trois aspects , l'un symbolique et les deux autres relatifs à la mesure de certains facteurs de pénibilité et au financement du dispositif.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité devrait devenir le « compte professionnel de prévention », ce qui renvoie aux déclarations du Président de la République qui avait annoncé, durant sa campagne, vouloir supprimer le terme de pénibilité qui selon lui induit que « le travail est une douleur » 300 ( * ) .

Les quatre facteurs de risques professionnels suscitant le plus de difficultés de mesure des expositions des salariés devraient par ailleurs faire l'objet, au sein du compte, d'un mécanisme spécifique de compensation de la pénibilité.

Pour la manutention manuelle de charges , les postures pénibles , les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux , les employeurs n'auront plus à mesurer l'exposition de leurs salariés et à la déclarer annuellement. Les personnes qui sont exposées à ces facteurs pourraient bénéficier d'un départ anticipé à la retraite dès lors qu'une visite médicale , en fin de carrière, aura permis de démontrer qu'ils ont contracté une maladie professionnelle conduisant à un taux d'incapacité permanente d'au moins 10 % , sans durée d'exposition minimale requise.

Ce dispositif se rapproche de celui qui avait été mis en place par la loi du 9 novembre 2010 301 ( * ) . Celui-ci ouvrait la possibilité aux personnes justifiant d'un taux d'incapacité permanente supérieur à 20 % résultant d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail de partir à la retraite à 60 ans avec une pension à taux plein. La même faculté était reconnue aux personnes dont le taux d'incapacité permanente était supérieur à 10 % et qui avaient été exposées pendant au moins dix-sept ans à l'un des dix facteurs de pénibilité si elles justifiaient du lien direct entre cette exposition et leur invalidité, après examen de leur dossier et validation de leur demande par une commission pluridisciplinaire composée notamment du directeur de la caisse de retraites, du médecin-conseil régional de l'assurance maladie et d'un praticien hospitalier particulièrement qualifié en pathologies professionnelles.

Enfin, le financement du C3P ne serait plus assuré par les cotisations spécifiques versées par les entreprises mais serait transféré à la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale, qui devrait être en excédent de 700 millions d'euros en 2017 et qui est également financée par les employeurs à travers une cotisation qui varie notamment en fonction de la taille des entreprises, de leur sinistralité et de leur secteur d'activité.

Votre rapporteur salue ce projet de réforme pragmatique , qui tire les conséquences des difficultés insurmontables apparues dans la mise en oeuvre du C3P pour les petites entreprises et tranche avec la surdité du précédent gouvernement . Sans remettre en cause les principes qui ont conduit à la création du compte, en particulier l'indispensable prévention de la pénibilité en entreprise et des conséquences que peuvent avoir les conditions de travail sur l'espérance de vie à la retraite, il garantit désormais une plus grande égalité de traitement entre les salariés de toutes les entreprises et permettra aux employeurs de se concentrer sur le développement de leur activité et non sur des procédures administratives chronophages. Il conviendra toutefois d'examiner, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui devrait traduire le volet financier de cette réforme, les conditions dans lesquelles sa soutenabilité financière peut être assurée et les moyens de garantir qu'elle ne fragilisera pas la branche AT-MP .

S'agissant des aménagements aux règles du détachement des travailleurs , le Gouvernement envisage leur assouplissement pour les personnes étrangères qui habitent des pays limitrophes de la France et qui franchissent régulièrement la frontière française dans le cadre de leur travail. Cette aménagement pourrait, par exemple, prendre la forme d'une déclaration valable pendant une durée définie, afin d'éviter la multiplication des démarches administratives. Si votre rapporteur ne s'oppose pas à ces aménagements, il convient néanmoins d'anticiper les risques de contournement de ces nouvelles règles et de ne pas méconnaître le principe d'égalité de traitement entre travailleurs, quel que soit leur pays de résidence. Il est surtout urgent de faire pression sur les autres Etats membres pour opérer une refonte de la directive du 16 décembre 1996 , comme s'y est engagé le Président de la République, car les fraudes croissantes aux règles de détachement entravent le développement de beaucoup d'entreprises françaises et fragilisent notre modèle social ainsi que l'image de l'Europe auprès de nos concitoyens.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 - Harmonisation et mise en cohérence du code du travail

Objet : Cet article vise à habiliter le Gouvernement à procéder, par ordonnances, à la mise en cohérence du code du travail et à l'actualisation du droit pour tenir compte des différentes réformes prévues par le projet de loi et de celles intervenues en la matière depuis 2015.

I - Le dispositif proposé

Depuis 2015, le Parlement a adopté quatre lois qui ont procédé à de profondes réformes du code du travail. Il s'agit des lois :

- n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (loi « Croissance et activité ») ;

- n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi (loi « Rebsamen ») ;

- n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (loi « Travail ») ;

- n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté (loi « Égalité et citoyenneté »).

De plus, les nombreuses ordonnances qui vont être adoptées en application du présent projet de loi auront pour conséquence de modifier encore davantage notre droit du travail, dans des domaines aussi divers que la négociation collective, la représentation du personnel en entreprise
ou le licenciement.

Cette accumulation de réformes dans une durée si limitée a eu pour conséquence de fragiliser la cohérence de l'ensemble de la structure juridique du droit du travail et de son articulation avec le reste de notre droit. Elle s'est inévitablement accompagnée d'erreurs et a rendu sans objet de nombreuses dispositions.

En conséquence, cet article 6 habilite le Gouvernement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, à procéder par ordonnances à l'harmonisation de l'état du droit , à l'abrogation des dispositions devenues sans objet, à la correction d'éventuelles erreurs et à la mise en cohérence des textes selon trois axes. Il s'agit :

- d' assurer la coordination avec les ordonnances qui seront prises sur le fondement de la présente loi d'habilitation ;

- de corriger les erreurs matérielles et les incohérences issues des réformes législatives mentionnées ci-dessus ;

- d' actualiser les références au code du travail contenues dans les textes actuellement en vigueur.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement prolongeant jusqu'au 31 octobre 2017 l'habilitation dont ce dernier dispose, en vertu de l'article 120 de la loi « Travail » du 8 août 2016 302 ( * ) , pour rendre applicable le code du travail à Mayotte à compter du 1 er janvier 2018 et abroger le code du travail applicable à Mayotte . La durée de l'habilitation prévue à cet article était de quatorze mois à compter de la promulgation de cette loi, soit jusqu'au 8 octobre 2017. Elle serait donc allongée de vingt-trois jours .

III - La position de la commission

Cet article, d'ordre technique , illustre néanmoins les difficultés mal anticipées que suscite la succession , à un rythme soutenu , de réformes en droit du travail . Ces lois ne sont pas examinées dans des conditions permettant de garantir une parfaite qualité du droit : recours systématique à la procédure accélérée , délais d'examen parlementaire très réduits , nombreux ajouts du Gouvernement par amendement au cours de la procédure. En conséquence, le travail de coordination qui devrait être réalisé durant l'élaboration des projets de loi est négligé voire absent.

Il devient donc nécessaire, périodiquement, de procéder à une remise en cohérence de l'ensemble de notre droit du travail, qui devrait pourtant être assurée par le processus législatif. Votre rapporteur ne peut que déplorer cette situation et souhaite qu'à l'avenir une plus grande attention soit portée à la bonne articulation des réformes votées avec le droit existant et qu'un salutaire ralentissement de la cadence des réformes en droit du travail permette de limiter le nombre d'erreurs matérielles contenues dans les codes.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (art. 257 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques) - Prolongation de la période transitoire relative à la mise en place du nouveau zonage dérogatoire au repos dominical

Objet : Cet article autorise le Gouvernement à proroger, par ordonnance, le délai d'adaptation prévu par la loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 des commerces situés dans des zones qui, antérieurement à cette loi, étaient autorisés à ouvrir le dimanche.

I - Le dispositif proposé

La loi « Croissance et activité » du 6 août 2015 303 ( * ) a réformé le régime des dérogations géographiques au repos dominical . Si, selon l'article L. 3132-3 du code du travail, « dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche », des dérogations à ce principe existent depuis son institution par la loi du 13 juillet 1906 304 ( * ) . Cohabitent ainsi des dérogations :

- de droit , en faveur de secteurs d'activité dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par « les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public » 305 ( * ) ;

- conventionnelles , lorsque des raisons économiques contraignent une entreprise à organiser le travail de façon continue ;

- accordées par le préfet , lorsque le repos des salariés le dimanche serait préjudiciable au public ;

- géographiques .

C'est ce dernier volet que la loi « Croissance et activité » a modifié, en unifiant notamment le régime juridique de mise en place du travail dominical et les obligations des employeurs à l'égard de leurs salariés, qui variaient auparavant en fonction du zonage. Elle a ainsi posé l'obligation pour les employeurs d'avoir conclu un accord d'entreprise fixant notamment des contreparties salariales , ou d'être couverts par un accord de branche ou territorial, pour pouvoir ouvrir le dimanche, sauf dans les établissements de moins de onze salariés , où l'employeur a la possibilité de faire approuver directement par ses salariés l'ouverture dominicale 306 ( * ) . Dans tous les cas, travailler le dimanche ne peut être que le résultat du volontariat du salarié 307 ( * ) .

Cette loi a tout d'abord institué les zones touristiques internationales (ZTI), délimitées par le Gouvernement en raison de leur rayonnement international, de l'affluence exceptionnelle de touristes étrangers et de l'importance de leurs achats. A ce jour , vingt et une ZTI ont été créées , douze à Paris et neuf en province.

Elle a ensuite transformé les deux types de zones dérogatoires antérieures qui étaient désignées par le préfet à la demande des maires. Dans les communes d'intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente , l'ouverture dominicale des commerces était de droit , sans qu'une contrepartie particulière doive être offerte aux salariés et sans qu'ils puissent refuser de travailler le dimanche. Dans les périmètres urbains de consommation exceptionnelle (Puce), créés par la loi « Maillé » du 10 août 2009 308 ( * ) et qui devaient être situés dans des unités urbaines de plus d'un million d'habitants et caractérisés notamment par des habitudes de consommation dominicale ainsi que l'éloignement particulier de leur clientèle, les commerces pouvaient ouvrir le dimanche sur la base d'un accord collectif ou d'une décision unilatérale de l'employeur validée par référendum dès lors que le volontariat des salariés était respecté et que des contreparties financières leur étaient offertes.

La loi « Croissance et activité » a transformé les communes d'intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente en zones touristiques , caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes 309 ( * ) . Les Puce sont devenus des zones commerciales , caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes 310 ( * ) . Les commerces situés dans ces zones, tout comme ceux présents dans les ZTI, sont soumis à un cadre juridique unique relatif à leurs obligations envers leurs salariés .

L'article 257 de cette loi avait précisé les conséquences de cette évolution pour les zones existantes. Elles sont devenues de droit des zones touristiques ou des zones commerciales . Surtout, une période de transition d'environ deux ans , dont le terme est le premier jour du vingt-quatrième mois suivant la publication du texte, c'est-à-dire le 1 er août 2017, leur a été offerte pour conclure un accord collectif les mettant en conformité avec les nouvelles obligations qu'elle fixe.

Dans ce contexte, l'article 7 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à proroger par ordonnance ce délai , aussi bien pour les zones touristiques que pour les zones commerciales.

L'étude d'impact souligne en effet que la modification des règles de validité des accords collectifs relatifs à la durée du travail depuis le 1 er janvier 2017 311 ( * ) a rendu la conclusion d'accords sur les contreparties au travail dominical plus difficile et que de nombreuses entreprises ignorent la date d'expiration de cette période transitoire. Des zones commerciales comme celle de Plan-de-Campagne dans les Bouches-du-Rhône tout autant que des zones touristiques balnéaires ou hivernales seraient concernées.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

Votre rapporteur tient à souligner que cet article , deux ans après l'examen de la loi « Croissance et activité », donne raison au Sénat en revenant à la position qu'il avait alors adoptée.

Le projet de loi initial pour la croissance et l'activité, adopté par le Conseil des ministres le 10 décembre 2014, prévoyait une période transitoire de trente-six mois pour permettre aux commerces situés dans les anciennes communes d'intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente et Puce de s'adapter à la réforme de leur cadre juridique. Toutefois, en première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement présenté en séance publique par le rapporteur général de la commission spéciale chargé de l'examen de ce texte, notre collègue député Richard Ferrand, et le rapporteur thématique sur les dispositions relatives au travail dominical, notre ancien collègue député Stéphane Travert, avait été adopté abaissant à deux ans ce délai de mise en conformité, recevant un avis favorable du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique d'alors, Emmanuel Macron 312 ( * ) .

Lorsque ce projet de loi a été soumis au Sénat, notre collègue Catherine Deroche, rapporteure de la commission spéciale, avait souligné que cette réforme constituait un changement lourd pour les entreprises concernées , en particulier celles dépourvues de délégués syndicaux, qui se trouvent donc dans l'impossibilité de négocier un accord, et celles qui ne sont pas couvertes par un accord de branche. Le délai de trente-six mois était donc à ses yeux approprié pour leur permettre de procéder à cette adaptation. Elle avait donc proposé un amendement le rétablissant , adopté par la commission spéciale et confirmé par le Sénat. Toutefois, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, les députés, à l'initiative des rapporteurs ainsi que des membres du groupe écologiste, l'avaient à nouveau fixé à vingt-quatre mois.

Votre rapporteur ne peut donc que saluer la volonté du Gouvernement de le proroger définitivement à trente-six mois et regrette les incertitudes juridiques que ces hésitations ont suscitées pour les entreprises concernées. Toutefois, la solution proposée ici est inadaptée . En effet, la période transitoire que le Gouvernement propose de prolonger par ordonnance, sur la base de l'habilitation conférée par le présent article, arrive à expiration le 1 er août 2017 . Or il est très peu probable que ce projet de loi ait été promulgué à cette date. Quand bien même il le serait, les quelques jours de délai seraient insuffisants pour publier une ordonnance , qui doit être soumise préalablement au Conseil d'Etat puis prise en Conseil des ministres.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement
COM-11 de son rapporteur visant à réécrire cet article 7 pour modifier directement l'article 257 de la loi « Croissance et activité » et prévoir également une entrée en vigueur rétroactive de cette disposition.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 8 - Délai de dépôt des projets de loi de ratification des ordonnances

Objet : Cet article fixe un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues par ce projet de loi, à l'exception de celle prévue à l'article 9, pour le dépôt des projets de loi de ratification.

En application de l'article 38 de la Constitution, les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si leur projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.

Le présent article 8 définit ce délai pour les ordonnances qui seront prises en application des articles 1 à 7 : trois mois à compter de leur publication. L'ordonnance prise sur le fondement de l'article 9 n'est pas couverte par cette disposition, mais un délai similaire est fixé par cet article.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 bis - Demande de rapport sur l'effet des ordonnances

Objet : Cet article demande au Gouvernement de remettre au Parlement, au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l'effet des ordonnances prises sur son fondement en matière de droit du travail.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Inséré dans le projet de loi en séance publique à l'initiative de notre collègue député Francis Vercamer et de plusieurs membres du groupe Les Constructifs, le présent article 8 bis demande au Gouvernement de réaliser un rapport à destination du Parlement sur l'effet des ordonnances prises en application des articles 1 er à 8 , excluant ainsi celle reportant d'un an l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu prévue par l'article 9.

Ce rapport devrait se concentrer notamment sur la mesure de l'impact des ordonnances sur la compétitivité des TPE et des PME ainsi que sur la protection des salariés . Devant être remis dans délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, soit sans doute au premier trimestre 2019, ses conclusions pourraient alors faire l'objet d'un débat au Parlement . L'objectif des auteurs de cet amendement était également, selon son exposé sommaire, d'obtenir que les groupes parlementaires soient associés à l'élaboration des ordonnances.

II - La position de la commission

Votre commission des affaires sociales a une jurisprudence stricte et établie sur les demandes de rapports au Parlement, que votre rapporteur partage : elle juge qu'elles sont dans leur très grande majorité superflues , empiétant souvent sur les compétences du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et n'étant que très rarement suivies d'effets .

A titre d'exemple, le Parlement attend toujours les rapports dressant un bilan des accords de mobilité interne et examinant l'articulation entre le code du travail et les statuts des personnels des chambres consulaires, qui en application respectivement des articles 15 et 26 de la loi du 14 juin 2013 313 ( * ) auraient dû lui être remis, pour le premier, avant le 31 décembre 2015 et, pour le second, avant le 31 décembre 2013. Pour la loi du 5 mars 2014 314 ( * ) , ce sont cinq demandes de rapports qui n'ont pas été satisfaites.

Néanmoins, en raison de l'ampleur de la réforme du code du travail par ordonnances envisagée par le présent projet de loi, votre rapporteur estime qu'il est essentiel que son évaluation soit présentée au Parlement dans les meilleurs délais. Il est d'ailleurs important que le Gouvernement s'engage devant le Sénat à la réaliser.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 - Report d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances par votre commission des affaires sociales.

Lors de sa réunion, la commission des finances a adopté les amendements COM-90, COM-91 et COM-92 de son rapporteur, notre collègue Albéric de Montgolfier.

En conséquence, votre commission a adopté ces amendements et l'article 9 ainsi modifié .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

___________

I. AUDITION DE MME MURIEL PÉNICAUD, MINISTRE DU TRAVAIL

M. Alain Milon , président . - Je remercie Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, de venir répondre à nos questions sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, dont l'Assemblée nationale a terminé l'examen jeudi dernier.

Madame la Ministre, ce texte concerne notre législation du travail dans un grand nombre de domaines.

Nous avons bien compris que le Gouvernement entend renforcer le rôle de la négociation collective en entreprise, simplifier les institutions représentatives du personnel et réduire un certain nombre d'aléas juridiques pesant sur les procédures de licenciement.

Le projet de loi embrasse également d'autres sujets, comme le compte pénibilité ou le travail détaché, mais sur ces seuls trois thèmes centraux, il ouvre la perspective de multiples évolutions de la législation, sans qu'il nous soit possible, pour le moment, de véritablement mesurer la portée des changements que le Gouvernement retiendra dans les futures ordonnances.

En effet, parallèlement à l'examen parlementaire des habilitations demandées, vous menez une concertation avec les partenaires sociaux sur le contenu de ces ordonnances, les arbitrages devant être rendus avant la fin de l'été.

Cette méthode a suscité beaucoup d'interrogations lors de nos échanges, la semaine dernière, avec les organisations syndicales et patronales.

Il nous paraît donc important que vous puissiez aujourd'hui préciser les intentions du Gouvernement, au vu des concertations engagées depuis le mois de juin. Avez-vous d'ores et déjà privilégié, ou au contraire écarté, certaines options ? Quelles sont, sur les principaux sujets en débat, les différentes alternatives en discussion ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Je suis heureuse de vous présenter la méthode et le contenu de la réforme que nous entreprenons. Conformément à l'engagement de campagne du Président de la République, le Gouvernement a choisi d'aller vite, tant est forte l'attente de nos concitoyens pour une transformation de nos règles. Le code du travail vise des sujets structurants, la réforme aura des effets de long terme, en profondeur, ce qui n'enlève rien à son urgence.

Notre objectif, c'est de libérer la dynamique de création d'emplois, tout en confortant les protections des salariés, réformées pour correspondre au monde d'aujourd'hui et de demain. Nous recourons aux ordonnances parce qu'elles articulent la démocratie politique, avec le débat au Parlement sur les projets de loi d'habilitation puis de ratification - et la démocratie sociale, ce qui est bien le moins pour une loi dont l'objet est de renforcer la démocratie sociale : c'est le sens de la concertation que nous menons avec les partenaires sociaux. Les ordonnances sont ainsi co-construites avec les partenaires sociaux et le Parlement.

Le Président de la République a reçu les trois organisations patronales et les cinq organisations syndicales, puis le Premier ministre et moi-même les avons reçues à notre tour, puis je les ai reçues chacune à deux reprises sur les trois grands sujets que nous avons identifiés - soit 48 réunions depuis le 9 juin et jusqu'au 21 juillet ; cette méthode nous fait aller au fond, examiner les idées nouvelles, les convergences possibles ; à la fin de ce cycle, je rendrai compte de l'ensemble à chaque responsable des huit organisations concernées. Il y a, également, le temps du débat au Parlement, à l'Assemblée nationale et au Sénat, sur la loi d'habilitation. Puis notre objectif sera de rédiger les ordonnances pour fin août, de les transmettre et de les publier avant la fin de l'été, soit le 21 septembre prochain - ce pourrait être lors du conseil des ministres du 20 septembre. Les ordonnances sont d'application immédiate mais nous reviendrons au Parlement pour leur donner force de loi, grâce à la ratification.

Le débat parlementaire est partie prenante. Le projet de loi d'habilitation s'est enrichi de 45 amendements à l'Assemblée nationale, sur 424 proposés, ils sont venus de nombreux bancs ; nous savons combien vous avez travaillé en profondeur sur la réforme du code du travail ces dernières années : vos éclairages sont précieux, notre état d'esprit est d'en tenir tout à fait compte.

Pourquoi rénover le dialogue social dans notre pays ? Nous n'entendons pas toucher à notre modèle social, à ses valeurs profondes qui fondent la société française, mais prendre en compte le fait que la loi a surchargé de détails le dialogue social, au point de le freiner ; la réponse consiste à définir les principes qui fondent le socle à quoi nous tenons, et à ouvrir davantage le dialogue social. De fait, notre code du travail et nos pratiques de dialogue social prennent insuffisamment en compte l'internationalisation de l'économie et les mutations du travail qui sont devant nous - l'OCDE estime par exemple que, dans les dix ans à venir, la robotisation et la numérisation auront détruit un emploi d'aujourd'hui sur dix et transformé profondément un sur deux, tout en ne créant qu'un dixième des emplois d'aujourd'hui. Dès lors, soit on subit cette transformation, avec d'énormes problèmes d'adaptation, soit on l'anticipe en définissant un cadre, pour que notre pays appréhende le futur avec confiance - et la France a tous les atouts pour le faire, technologiques en particulier.

Ensuite, les aspirations des salariés ont évolué, c'est un fait générationnel mais qui touche l'ensemble des salariés : ils demandent à être davantage partie prenante sur leur formation, sur leur évolution professionnelle, sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, nous voulons en tenir compte.

Sur le fond, notre objectif c'est plus de liberté pour les entreprises afin de libérer leur potentiel de création d'emploi quand la croissance reprend, en particulier les TPE et PME, plus de liberté également pour les salariés, mais aussi une protection et une sécurité juridique mieux établies pour les salariés comme pour les entreprises, en particulier parce que nous aurons mis fin à l'insécurité juridique qui est un frein à l'embauche et qui fragilise les perspectives des salariés.

La réforme est un ensemble qui comprend six volets, sur lesquels nous voulons aboutir dans les prochains dix-huit mois.

Premier volet, la refonte du code du travail, c'est l'objet des ordonnances dont je vous présente la loi d'habilitation.

Deuxième volet, l'élargissement de l'assurance chômage, pour que le filet de sécurité qu'il représente bénéficie également aux indépendants et, sous certaines conditions, aux démissionnaires. Aujourd'hui, les protections sont liées aux statuts, ce qui était pertinent quand on avait un emploi à vie ; dès lors que cette forme d'emploi devient marginale, le système de protection par statut laisse de côté de plus en plus de nos concitoyens, dans les trous du filet. Mieux vaut, alors, une protection à la personne et des droits transportables, comme vous l'avez fait avec le compte personnalisé de formation.

Troisième volet, la formation professionnelle. Des réformes ont été prises dans la bonne direction, il faut aller plus loin.

Quatrième sujet, l'apprentissage : nous peinons à atteindre quatre cent mille jeunes apprentis, alors que c'est une voie primordiale pour la professionnalisation, il faut la développer.

Cinquième sujet, la réforme des retraites, que je ne vous présente pas ici.

Sixième sujet, le pouvoir d'achat, c'est en particulier le sens de la suppression des cotisations salariales pour le chômage et la maladie.

Ces six domaines d'action visent, ensemble, à libérer l'initiative économique, donc la création d'emplois, à sécuriser les parcours professionnels adaptés au monde d'aujourd'hui et de demain plutôt qu'attachés à celui d'hier.

Ce projet de loi comprend lui-même trois volets.

Premièrement, il clarifie le rôle de la loi, de la branche professionnelle et de l'entreprise dans le dialogue social, en y renforçant la branche et l'entreprise. L'agilité économique et le progrès social exigent d'être au plus près de l'échelon pertinent, les textes généraux ne peuvent régler les choses dans leur détail, il faut donner plus d'espace au dialogue social et économique : c'est le fil rouge de ce texte. Nous voulons clarifier et étendre le champ des responsabilités des branches professionnelles et des entreprises ; nous sommes parvenus à un accord sur ce point, la répartition est claire, elle va dans le sens de la confiance aux acteurs et de la dynamisation de l'entreprise.

Deuxième bloc, nous voulons réformer le dialogue social dans l'entreprise, avec la fusion des instances d'information-consultation et la recherche d'une solution pour le dialogue social dans les petites entreprises. Actuellement, notre pays compte, et c'est une exception, quatre modes de représentation des salariés, dont trois sont d'information et de consultation, et un de négociation; ce système est complexe, il occasionne des doublons et il sépare artificiellement le dialogue entre la stratégie d'un côté, les questions de santé et de travail d'un autre, et les problèmes du quotidien d'un autre côté encore. La fusion des trois instances d'information et de consultation permettra de débattre de l'articulation entre les questions économiques et sociales, d'avoir une vue d'ensemble - à condition, et nous voulons le garantir, de ne perdre aucune compétence dans la fusion, en particulier celles du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). En revanche, nous considérons qu'il n'est pas pertinent de fusionner ces trois instances avec celle de négociation proprement dite - ce qui n'interdira pas à certaines entreprises volontaires, avec accord majoritaire, d'expérimenter une telle fusion qui a cours dans les pays d'Europe du Nord, je suis convaincue que des entreprises s'y attèleront.

Dans le même bloc, se trouve le sujet de la représentation des salariés dans les petites entreprises, en particulier celles de moins de 50 salariés. Nous savons que sous ce seuil, où travaillent 55 % des salariés, seulement 4 % des entreprises disposent de délégués syndicaux ou de représentants du personnels mandatés par une organisation syndicale - ce qui revient à dire, et l'on ne peut s'en satisfaire que, pour la moitié des salariés, le dialogue social ne peut aboutir à des accords d'entreprise, alors qu'on a particulièrement besoin de souplesse dans ces entreprises. Sur ce sujet, diverses propositions sont formulées, vous y avez travaillé depuis plusieurs années, un débat public est nécessaire. Le dialogue social avec les organisations syndicales est une priorité, la France leur reconnaît un monopole en la matière, c'est notre loi, notre culture - et c'est aussi notre vision. Cependant, on ne peut se satisfaire de ce que 96 % des entreprises de moins de 50 salariés n'aient pas accès au dialogue social formalisé ; nous recherchons des solutions.

Troisième volet, la sécurisation juridique, où plusieurs sujets concernent les PME et TPE. Sur les dommages et intérêt prud'homaux, d'abord, il ne s'agit pas de modifier les indemnités légales et conventionnelles de licenciement mais d'établir un barème, assorti d'un plafond, qui serve de référence. Aujourd'hui, le montant des dommages et intérêts prud'homaux varie du simple au quadruple, c'est une source de préoccupation pour les entreprises mais aussi pour les salariés, qui y voient de l'injustice - c'est aussi une question d'équité. Le sujet tient aussi aux délais de recours et à l'importance prise par la procédure, par la forme, qui en est venue à prévaloir sur le fond : nous connaissons tous des exemples d'entreprises condamnées à des dommages et intérêts au seul motif qu'une lettre de licenciement était mal rédigée, avec des conséquences pécuniaires importantes et, plus durablement, une réticence à toute embauche... Notre but, comme cela s'est passé avec le renforcement de la médiation, c'est de renforcer l'amont de la négociation - nous le faisons aussi en augmentant les indemnités légales de licenciement, qui sont parmi les plus basses dans les pays d'Europe.

Quatrième volet, le télétravail : 18 % des salariés y recourent en général un jour par semaine, la demande de la société est très forte puisque 59 % des salariés - et 71 % des cadres - souhaiteraient y recourir pour mieux s'occuper d'un proche, pour s'épargner des temps de transport mais le défaut de cadre juridique sécurisé les freine, il faut avancer sur ce dossier.

Qu'il s'agisse donc de renforcer la place de la branche professionnelle et de l'entreprise dans les négociations sociales, de fusionner les instances représentatives du personnel, de réformer les indemnités prud'homales et d'instaurer un cadre sûr pour le télétravail, notre objectif est le même : envoyer un signal fort aux entreprises pour qu'elles osent davantage l'embauche et aux salariés pour qu'ils voient leur parcours professionnel sécurisé, dans les conditions actuelles du travail.

M. Alain Milon , président . - Merci pour cette présentation. Vous soulignez notre travail sur le sujet : effectivement, nous avons eu à examiner pas moins de cinq lois en quelques années touchant au code du travail - et nous n'avons pas, nous, à subir le 49.3...

Vous envisagez de donner par ordonnance plus de place à l'accord d'entreprise par rapport à l'accord de branche. Quel sera le champ exact de cette ordonnance ? L'ensemble du code du travail sera-t-il concerné ou seulement certaines de ses thématiques ?

Comment comptez-vous faciliter la conclusion d'accords collectifs dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical ? Quel regard portez-vous sur le mandatement ?

Dans le cadre de la simplification des IRP, quelle pourrait être la place du délégué syndical dans la nouvelle instance unique ? Cette dernière reprendra-t-elle l'intégralité des missions actuelles du CHSCT et disposera-t-elle des mêmes prérogatives, notamment en matière de recours à l'expertise ?

Où en est le travail gouvernemental sur la définition du référentiel obligatoire pour fixer l'indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Quel pourrait être son plafond : 18 ou 24 mois de salaire ?

Ne pensez-vous pas qu'il est aujourd'hui temps de mettre en oeuvre une profonde réforme de la juridiction prud'homale compte tenu des résultats mitigés des mesures prises depuis 2013 pour développer la conciliation ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - La réforme ne diminue pas le rôle de la branche professionnelle par rapport à l'entreprise, ni l'inverse, elle renforce les deux échelons - la concertation a bien mis en lumière la nécessité, en particulier, de renforcer la branche et la réforme ne consiste certainement pas à affaiblir un échelon vis-à-vis de l'autre.

En l'état actuel de la concertation, les branches professionnelles se verront confirmer trois domaines : d'abord les thèmes qui lui reviennent naturellement, comme les minimas conventionnels, les classifications, la mutualisation des financements paritaires, ou encore les complémentaires santé et les compléments d'indemnité journalière ; nous y ajoutons l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que ce que nous appelons la gestion de la qualité de l'emploi - en particulier la durée minimum de travail à temps partiel et des compléments d'heure, la nouvelle régulation des contrats courts CDD et intérim, ou encore les conditions de recours au CDI de chantier. Ce premier bloc est « verrouillé » : à défaut d'un accord de branche, la loi s'applique dans son texte même.

Un deuxième bloc regroupe des thèmes où la branche peut négocier mais aussi décider si sa décision prime, ou non, sur l'accord d'entreprise : y figureront par exemple le handicap, la prévention des risques professionnels, la pénibilité, les conditions et les moyens d'exercice d'un mandat syndical, la reconnaissance des compétences acquises et les évolutions de carrière ; la contrepartie d'un dialogue social renforcé, c'est que les partenaires sociaux soient en mesure de l'exercer.

Enfin, troisième bloc, les autres domaines où la priorité est donnée à l'accord d'entreprise.

Dans cette architecture, l'entreprise négocie sur plusieurs sujets simultanément, ce qui respecte mieux les réalités car les sujets sont liés - la négociation en voit ses marges de manoeuvre améliorées, cela permet d'aller bien plus loin, l'exemple des entreprises innovantes socialement le montre bien.

Les ordonnances énonceront ces principes, cette architecture, les branches s'en saisiront. Leur structuration même est en train de changer, nous sommes passés de 750 à 650 branches et notre objectif est de parvenir à 200 - nous envisageons d'en accélérer le calendrier.

Comment organiser le dialogue social dans les entreprises de moins de 50 salariés ? La concertation n'est pas encore parvenue à un accord, plusieurs hypothèses sont autour de la table, nous y travaillons.

La fusion des IRP d'information et de consultation, c'est-à-dire du comité d'entreprise, des délégués du personnel et du CHSCT, en un comité économique et social, s'effectuera avec transfert intégral des compétences, y compris la possibilité d'ester en justice et de recourir à l'expertise. Cependant, le fait de discuter ensemble sur l'économie, le social et les conditions de travail va changer la nature des discussions. Il y aura moins de personnes mandatées et il faudra d'autant plus renforcer leur accès aux ressources de formation, aux compétences dont elles auront besoin.

Sur le plafonnement des dommages et intérêts, nous écoutons les points de vue, nous n'avons pas fixé le plafond. Les dommages et intérêts ne seront pas plafonnés en cas de discrimination et de harcèlement car il s'agit là non pas du droit du licenciement mais d'atteinte à l'intégrité de la personne.

La Chancellerie nous a communiqué son étude sur les dommages et intérêts prud'homaux, elle établit les disparités fortes entre jugements, la nécessité de renforcer la sécurité juridique : nous la tenons à votre disposition.

M. Philippe Mouiller . - La concertation s'étend jusqu'au 21 juillet, vous prévoyez d'en communiquer une synthèse le 25 mais nous examinons le projet de loi dès le 24 en séance publique : pourrait-on disposer d'une synthèse avant nos travaux pléniers ?

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, ensuite, comment se servir d'outils comme le référendum d'entreprise, s'il n'y a ni délégué syndical, ni représentant du personnel ? Comment donner plus de souplesse à ces petites entreprises pour adapter l'accord de branche ?

Comment assurer que, devant les prud'hommes, le fond prime sur la forme ?

Vous prévoyez, ensuite, de remettre à plat les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), alors qu'elles viennent tout juste d'être installées : pourquoi ne pas attendre au moins qu'elles produisent leurs effets ?

Des contrats de chantier seront possibles, c'est utile, mais ne faut-il pas également prévoir un type de contrat en cas de croissance de l'activité forte et soudaine, qui demande à l'entreprise de mobiliser des bras mais où le recours au CDI peut faire peur ?

M. Yves Daudigny . - Les enquêtes montrent que les chefs d'entreprises placent l'incertitude économique, parmi les freins à l'emploi, loin devant la règlementation du travail : dans ces conditions, qu'est-ce qui vous assure que la réforme du droit du travail améliorera la situation de l'emploi ?

Quelles modifications allez-vous apporter au régime juridique du licenciement lié au refus par le salarié de l'application d'un accord d'entreprise sur son contrat de travail ? La question est complexe, mais ce que vous semblez envisager est source d'inquiétude.

Quelle est votre position sur le référendum à l'initiative de l'employeur pour l'obtention d'un accord, demandé par certaines organisations patronales ?

Mme Catherine Génisson . - Avez-vous des études qualitatives qui démontrent qu'une lourdeur du code du travail empêcherait réellement l'embauche quand les entreprises ont de l'activité ? On parle beaucoup d'un poids excessif des règles mais on ne nous démontre jamais qu'elles dissuadent effectivement l'embauche...

Vous avez lancé une concertation sociale pour « co-construire » les ordonnances, vous parlez de convergences ponctuelles mais vous n'êtes pas dans une configuration de négociation sociale - et nous allons devoir voter une loi d'habilitation sans bien savoir où l'on va : pourquoi ne pas avoir commencé par une étude d'impact de la loi « Travail » ?

Le CHSCT, ensuite, n'a-t-il pas une vocation particulière, lui qui évoque les questions de santé, d'organisation du travail ? Quid, ensuite, de la médecine du travail ?

Ne craignez-vous pas, enfin, une sorte de professionnalisation des élus dans la nouvelle instance représentative, ce qui les éloignerait des conditions réelles de travail ?

M. Jean-Marie Morisset . - On ne peut que partager les objectifs de lisibilité, de souplesse, de négociation au plus près du terrain. Cependant, comment faire dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Pourquoi, ensuite, remettre à plat les CPRI, qui se sont à peine installées ? Quel lien avec la relance du dialogue social dans les petites entreprises ?

Le comité d'orientation sur les conditions de travail a été consulté sur le compte pénibilité : quel a été le résultat de cette consultation ?

L'article 2 évoque des seuils d'effectifs pour la fusion des IRP : quels seront-ils ?

Dans quel ordre, ensuite, le Gouvernement compte-t-il présenter la série de textes que vous nous annoncez pour les dix-huit prochains mois ? Disposera-t-on au moins d'une synthèse de la concertation en cours avant la publication des ordonnances ?

Mme Michelle Meunier . - Comme membre de la délégation aux droits des femmes, je me félicite que l'égalité entre les hommes et les femmes relève du bloc où l'accord de branche s'impose aux accords d'entreprise. Cependant, ne craignez-vous pas que la fusion des IRP ne fasse perdre des compétences sur l'égalité professionnelle entre les sexes ? L'application concrète des règles exige la plus grande vigilance mais les négociateurs sont en grande majorité des hommes, c'est un sujet d'inquiétude.

Mme Laurence Cohen . - Vous vantez la flexibilité, rien de nouveau puisque, dans les années 1980 déjà, le travail à temps partiel était présenté comme une chance : en réalité, ce sont surtout des femmes peu qualifiées qui travaillent à temps partiel et 70 % des salariés se déclarent en sous-emploi - n'est-ce pas la preuve que la flexibilité ne réduit pas les inégalités ?

Comment, ensuite, allez-vous financer l'ouverture de l'assurance chômage aux démissionnaires, qui est une bonne idée ?

Vous affirmez vouloir renforcer le dialogue social et vous constatez que la plupart des petites entreprises sont dépourvues de délégué syndical ; vous savez que ce défaut tient pour beaucoup au lien de subordination salariale, au fait que les salariés craignent pour leur place s'ils se syndiquent. Dès lors, pourquoi ne renforcez-vous pas le pouvoir des salariés dans l'entreprise, en les associant aux décisions stratégiques de l'entreprise ?

Enfin, vous dites qu'il faut un débat public pour renforcer le dialogue social, mais alors, pourquoi recourir aux ordonnances ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - La concertation est en cours sur le dialogue social dans les petites entreprises. Nous privilégions la négociation avec les délégués syndicaux, bien entendu, ou les salariés mandatés mais quand il n'y en a pas, ce qui est le cas de 96 % des petites entreprises, il faut trouver une solution, via le délégué du personnel et un référendum par exemple, avec l'idée que les délégués iront de plus en plus vers les syndicats, surtout si on les aide à se former davantage. Nous n'ignorons pas l'existence du lien de subordination, l'appartenance syndicale est un moyen de le contourner, c'est bien pourquoi nous voulons renforcer l'accompagnement des syndicats - c'est la raison d'être du fonds pour le financement du dialogue social.

La question des seuils, à l'article 2, n'a pas été soulevée par les partenaires sociaux, nous ne l'avons pas encore mise dans la discussion.

Les CPRI viennent tout juste d'être initiées... il y a 18 jours à peine, c'est dire qu'il est urgent d'attendre. Nous prévoyons simplement, par précaution, de les faire entrer dans le champ des ordonnances, pour le cas où ce soit utile.

Faire primer le fond sur la forme devant les prud'hommes ? C'est très important, en particulier pour les plus petites entreprises, nous y travaillons. Il faut trouver des moyens pour évacuer le vice de forme en droit et dans la procédure même, nous y travaillons.

Les CDI de chantier existent dans le BTP, nous voulons les développer, sous contrôle. Ils seront très utiles aux salariés - il s'agit bien de CDI, c'est déterminant pour accéder au logement, aux emprunts bancaires, et ce CDI fera sortir de séries de CDD multiples - mais aussi aux entreprises, en particulier pour saisir les opportunités de marché ; je pense à la construction navale, où un gros chantier n'a pas pu être pris faute de souplesse sur l'emploi. Cependant, il faut prendre garde à ce que ce type de contrat ne devienne pas la norme : c'est le sens de l'encadrement que nous proposons, via la branche, comme vient de le faire la branche Syntec.

Vous avez évoqué une récente étude de l'Insee qui montre que le premier frein à l'embauche est l'absence de marché, le deuxième l'insuffisance des compétences, le troisième les coûts salariaux et le quatrième le code du travail et les incertitudes juridiques. Il faut donc travailler sur ces quatre leviers en passant du CICE à la baisse des charges et en améliorant les compétences : à l'automne, nous lancerons un grand plan d'investissement en faveur des compétences pour les jeunes et les demandeurs d'emploi, notamment sur le numérique et la transition énergétique. Nous inciterons les branches et les entreprises à travailler sur les bons niveaux de qualification. Enfin, le droit du travail est évoqué par un tiers des sondés.

Ces dernières années, j'ai travaillé sur la façon d'aider les PME à se positionner à l'international et sur la façon de faire venir les investisseurs étrangers. Nous disposons d'une étude menée année après année auprès de 1 000 investisseurs dans le monde : pour eux, le premier frein à l'investissement en France tient à la rigidité et à l'insécurité perçues et réelles du code du travail. Nous devons donc faire un travail sur la perception mais aussi sur le réel car certaines dispositions n'existent qu'en France, d'où un désavantage compétitif. Or, l'insécurité ne profite ni aux salariés, ni aux employeurs. Une clarification s'impose donc.

Que se passera-t-il si un salarié refuse l'application d'un accord d'entreprise ? Aujourd'hui, il existe cinq cas de figure selon qu'il s'agit de tel ou tel dispositif. La loi d'habilitation dit que l'accord prime sur le contrat mais la rupture individuelle devra être sécurisée en cas de refus du salarié d'accepter l'accord. L'abondement du compte personnel de formation pourrait sécuriser ces situations. Le collectif doit l'emporter sans pour autant oublier l'accompagnement individuel.

Un référendum d'entreprise du seul fait de l'employeur ne serait pas compatible avec les conventions de l'OIT et la France n'a pas vocation à s'en affranchir. Une interrogation demeure néanmoins pour les petites entreprises.

Le CHSCT aurait plus de poids s'il était fusionné au sein d'une instance unique. Il y a quelques années, j'ai commis un rapport avec Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric et Christian Larose de la CGT sur les risques psycho-sociaux, le bien-être et l'efficacité au travail. Nous avons beaucoup auditionné et nous sommes parvenus à la conclusion que 20 % des cas de risques psycho-sociaux étaient liés à des comportements individuels inappropriés et 80 % à des décisions structurelles liées au management de l'entreprise. Ainsi en va-t-il du management matriciel qui augmente les risques, comme de l'éloignement des centres de décisions... Or, le management ne relève que du comité d'entreprise alors que le CHSCT ne se préoccupe que des conséquences. Avec une vue d'ensemble, la prévention sera plus aisée, sous réserve de disposer de suffisamment de temps pour examiner les conditions de travail, de santé et de sécurité.

Vous avez voté une réforme en 2016 pour une meilleure complémentarité entre médecine du travail et autres professionnels de santé. Nous manquons de recul pour évaluer cette loi. La visite de reprise doit être organisée le jour même de la reprise, mais encore faut-il disposer de suffisamment de médecins du travail. L'Assemblée nationale a voté un amendement sur la question. Nous sommes tous d'accord sur cette question, mais il reste à la mettre en oeuvre. Une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a été diligentée sur le renforcement de l'attractivité de la médecine du travail. J'en discuterai avec ma collègue ministre de la santé.

Mme Catherine Génisson . - Et avec la ministre de l'enseignement supérieur !

Mme Muriel Penicaud, ministre . - Tout à fait.

La professionnalisation des représentants siégeant dans ces instances leur ferait perdre le contact avec le terrain. En revanche, ces représentants devront bénéficier de plus de formation et de plus de moyens.

L'égalité salariale entre les hommes et les femmes nous concerne tous. Quinze ans après le vote de la loi, cette égalité est toujours virtuelle : à travail égal, la différence de salaire est de 9 %. Je me penche sur cette question avec ma collègue secrétaire d'État aux droits des femmes. Les branches doivent toutes se mobiliser. En outre, les femmes sont plus sujettes à l'emploi précaire et au temps partiel. Les branches devront se préoccuper de la gestion et de la qualité de l'emploi. En outre, les entreprises ont leur rôle à jouer à l'occasion des négociations annuelles et triennales. Les bonnes pratiques doivent être mieux connues. C'est un sujet sur lequel il ne faudra rien lâcher.

Les lois, textes et accords sur la pénibilité ont abouti à la reconnaissance de dix facteurs, dont les quatre les plus importants devraient entrer en application en octobre. Autant il est de justice sociale que les salariés qui ont eu un emploi physique pénible partent deux ans plus tôt avec une retraite à taux plein, autant les modalités d'application de cette mesure nous ont paru ubuesques. Les TPE et les PME étaient extrêmement inquiètes de l'échéance d'octobre, se demandant comment chronométrer quotidiennement le nombre d'heures de port de charges lourdes de leurs salariés. Vu l'urgence à régler cette situation, nous avons donc choisi les ordonnances : les dix facteurs seront ainsi confirmés et les quatre critères d'ergonomie seront du ressort d'un examen médical ; les entreprises n'auront pas à les mesurer elles-mêmes, ce qui aurait été absurde. Enfin, grâce à l'examen médical, 10 000 salariés pourront partir à la retraite dès l'année prochaine alors que le dispositif prévu ne serait entré en application que dans 15 ou 20 ans.

Enfin, vous m'avez interrogé sur le calendrier de la réforme : les ordonnances seront publiées en septembre. Ensuite, nous ouvrirons les discussions sur la formation professionnelle, l'apprentissage et l'assurance chômage cet automne. Nous proposerons une loi sur la sécurisation des parcours professionnels au printemps 2018. La concertation sur les retraites durera plus longtemps avec, pour objectif, de voter un projet de loi à l'automne 2018. La suppression de la cotisation d'assurance chômage salariée interviendra au 1 er janvier 2018. Ce calendrier est donc très dense mais nous pensons que tous ces sujets sont liés et qu'il faut travailler à la fois sur l'agilité des entreprises mais aussi sur la sécurisation des parcours. Nous devons mener ces réformes structurelles rapidement pour pouvoir les mettre en oeuvre.

M. Dominique Watrin . - Sur le compte pénibilité, il suffit de lire les réactions de ceux qui s'opposaient à cette réforme : les organisations patronales ont eu gain de cause sur tous les points.

Votre réponse sur les ordonnances m'inquiète : ouvrir le champ des possibles, c'est bien pour un ministre mais les parlementaires souhaiteraient savoir ce qu'ils votent. Or, les ordonnances, c'est un chèque en blanc que vous nous demandez de signer.

J'ai du mal à comprendre la logique de ce projet de loi. Un député de la République en marche le justifiait en disant que le monde change. C'est un peu court. Pourquoi ne pas dire que la terre tourne ? Les Français veulent un emploi qui leur permette de vivre. Vous parlez de rigidité du code de travail. Mais 85 % des embauches se font en CDD ; et le nombre des CDD de moins d'un mois est passé de 1,5 million en 2010 à 4 millions en 2016. Quelle rigidité !

Dans les usines automobiles, plus de 50 % des salariés sont en intérim. Pour autant, il y 5 millions de chômeurs et 2 millions de précaires en France. Si le code du travail doit évoluer, il ne doit pas le faire dans le sens que vous préconisez.

Notre collègue Daudigny a rappelé la note de conjoncture de l'Insee. Pour les employeurs, le code du travail arrive en quatrième position comme frein à l'embauche. Occupons-nous des trois premiers freins !

L'OCDE, qui n'est pas un organisme particulièrement complaisant à l'égard du modèle social français, estime que la France est dans les moyennes européennes et mondiales pour les licenciements individuels et collectifs, les procédures, les préavis, les indemnités. En outre, l'Allemagne apparaît beaucoup plus rigide que notre pays et, pour autant, il y a moins de chômage qu'en France.

Vous aviez présenté dix propositions dans votre rapport sur le bien-être et l'efficacité au travail et vous y souhaitiez le renforcement des CHSCT. Aujourd'hui, vous demandez de les dissoudre dans une instance unique. Je ne comprends pas.

Mme Nicole Bricq . - M. Milon a rappelé que nous avions beaucoup labouré le champ de cette loi d'habilitation, avec les lois Rebsamen, Macron et El Khomri. Ce texte arrive au bon moment : il permettra d'accélérer la croissance qui repose en grande partie sur la confiance. Les organisations salariales et patronales, que nous avons auditionnées, estiment que l'article L. 1 du code du travail, issu de la loi Larcher, est respecté. C'est un bon point.

Un point ne manquait pas d'inquiéter : l'articulation entre les branches et le champ conventionnel laissé aux entreprises. Finalement, les choses se passent mieux que certains le pensaient, et c'est tant mieux.

Avez-vous eu, monsieur le président, communication de la lettre que le Premier ministre a envoyé aux partenaires sociaux sur le compte pénibilité ? Ce serait bien que nous puissions en disposer.

La concertation sur le C3P aura-t-elle bien lieu au niveau de la branche ?

Avec la barèmisation, la faculté d'appréciation du juge est amoindrie d'après certains juristes. Est-ce vraiment le cas ? Vous avez annoncé la semaine dernière aux partenaires sociaux que vous alliez augmenter les indemnités légales. C'est une bonne chose car nous étions en-dessous de la moyenne européenne et cela permettra de réduire les recours aux prud'hommes. Mais ces indemnités continueront-elles à être exonérées de cotisations sociales et fiscales ? Un article dans les Échos d'hier évoque la remise en cause de ces exonérations.

Dans la loi El Khomri, nous avions dit que le télétravail devrait être négocié au niveau des branches. Où en est-on, d'autant que le télétravail se développe de plus en plus en milieu rural ?

M. Jean-Marc Gabouty . - La position du Sénat sur la médecine du travail lors de la loi El Khomri était plus proche de celle des partenaires sociaux que du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.

Il existe quatre méthodes possibles pour conclure des accords d'entreprise dans les TPE PME dépourvues de délégués syndicaux : les accords-types d'entreprise négociés au niveau de la branche, disposition née de la dernière loi travail ; les accords avec un mandatement, eux aussi prévus par la loi ; les accords qui pourraient être conclus avec les délégués du personnel et une consultation directe des salariés lorsqu'il n'y a ni délégués ni représentants du personnel. Lorsqu'il y a une consultation directe, le chef d'entreprise discute généralement avec un ou deux chefs de file. Je précise que les délégués du personnel ont souvent été élus au premier tour, donc syndiqués, mais ne veulent pas toujours devenir des délégués syndicaux. Ces accords directs existent déjà en matière d'intéressement et de participation dans les PME où il n'y a pas de délégués syndicaux. Ces accords sont ensuite soumis à la direction du travail. Ces quatre méthodes doivent pouvoir être utilisées.

Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) ont été élues mais les taux de participation, extrêmement faibles, mettent en cause leur représentativité.

Ces ordonnances auraient pu être l'occasion de toiletter le code du travail d'un certain nombre de dispositifs bavards, inopérants, inutiles. Je pense au dialogue social dans les réseaux de franchise qui a été voulu par l'Assemblée nationale et dont la portée juridique est plus que limitée.

Les conventions collectives traitent du travail en équipe et du travail de nuit, avec des majorations à la clé. Nous avons parlé d'égalité salariale entre hommes et femmes : le taux de majoration des heures supplémentaires aurait pu être du ressort de la branche sauf si celle-ci souhaitait le déléguer aux entreprises. Vous auriez fait plaisir à plusieurs partenaires sociaux, tant du côté patronal que salarial.

Ne serait-il pas opportun de profiter de ces ordonnances pour mieux intéresser les salariés aux résultats des entreprises ? Si l'on leur demande plus de souplesse et de réactivité, il faut leur donner une compensation en renforçant les dispositifs de participation dans les TPE et les PME. Cela dépasse peut-être l'objet du projet de loi. Il constitue sans doute un véhicule plus approprié pour ce type de mesure que le report de mise en oeuvre du prélèvement à la source.

M. Jean-Louis Tourenne . - Tandis que nous avons cette aimable discussion, les auditions et la concertation continuent et apportent des éléments de réponse dont nous ne disposerons pas au moment de voter la loi. C'est ce qui est arrivé de façon encore plus brutale à l'Assemblée nationale. Vous avez parlé de situation ubuesque pour une autre disposition. Aujourd'hui, nous vivons un moment surréaliste.

Les grandes orientations de ce projet de loi d'habilitation sont pleines de bons sentiments mais les informations qui nous arrivent de façon partielle font naître certaines inquiétudes. En outre, vos propos sont parfois contradictoires : vous dites ainsi que la loi d'habilitation ne remplira pas tous ses objectifs. Ainsi, le CPRI figure dans le projet de loi par précaution : quelle incertitude ! Ainsi encore, il n'y aura plus qu'une instance unique afin que chaque délégué syndical ait plus de compétences mais, en même temps, alors qu'il pourrait l'acquérir par expérience, sur le tas, vous voulez limiter le nombre de mandats syndicaux.

La loi d'habilitation prévoit de réduire les délais de recours des salariés licenciés. Jusqu'à quel point ?

Le travail de nuit a toujours été considéré comme une circonstance exceptionnelle. Or, il figurera désormais dans l'accord d'entreprise : le travail de nuit ne va-t-il pas s'en trouver banalisé ?

Sous quelle forme sera pratiqué le télétravail ? Le travail a aussi une fonction sociale. Qui prendra en charge les équipements, les sujétions particulières ? Comment seront organisées les réunions pour éviter l'isolement et la désocialisation ?

Les CDI de chantier n'ont d'indéterminé que le nom, puisqu'ils se limiteront à la durée du chantier ou de la mission. Les CDD ont l'avantage de comporter une prime de précarité. Les contrats de chantiers n'en bénéficieront pas et ne donneront pas lieu à un licenciement de nature économique. Je ne crois absolument pas que les CDI de chantier permettront à leur détenteur de louer ou d'emprunter plus facilement : les propriétaires et les banques sont lucides.

Qu'appelez-vous présomption de légalité de l'accord collectif ? Saisi par un salarié, un juge ne pourrait pas se prononcer sur un tel accord considérant que ce dernier a été voté ? Le salarié serait alors immanquablement débouté.

M. Olivier Cadic . - Ces ordonnances sont bienvenues : il faut avancer vite. Je regrette que vous n'annonciez pas la disparition des CPRI, demandée par beaucoup d'acteurs. À l'évidence, un problème de représentativité se pose. Alors qu'il n'y a que 4 % de délégués syndicaux dans les entreprises de moins de 50 personnes, vous semblez vouloir leur donner plus de pouvoirs.

Pour le chômage, il faut passer de la protection par statut à la protection par personne. Quand bénéficiera-t-on des mêmes droits pour la même fonction ?

L'appartenance aux conventions collectives pourrait-elle devenir facultative, comme cela existe dans d'autres pays européens ?

Nous avons évoqué la médecine du travail avec la délégation sénatoriale aux entreprises : cette médecine protège-t-elle mieux les salariés que dans les pays où elle n'existe pas ? Comment mesurer son impact, comment justifier son existence alors que l'Éducation nationale n'est pas soumise à cette médecine ? Nous ne pourrons pas faire l'économie de ce débat.

Vous voulez aller vite et nous nous en réjouissons. Nous pensons même, comme beaucoup d'entreprises, qu'il faudrait aller encore plus vite. Alors, oui, je suis prêt à vous signer un chèque en blanc pour libéraliser le droit du travail.

Mme Agnès Canayer . - Les ordonnances répondent à l'urgence de la situation. Il faut libérer les entreprises tout en préservant le dialogue social.

Allez-vous modifier les seuils, frein à la croissance des TPE et des PME ?

Le recours accru à la conciliation devant les prud'hommes ne va-t-il pas engorger ces juridictions sans rien apporter de plus ?

Mme Évelyne Yonnet . - Nous devrons avoir le débat sur la médecine du travail car de nouvelles pathologies apparaissent. Ainsi, rien n'a été fait sur les burnout. Une réflexion de fond doit être menée : comment accepter une visite tous les cinq ans ? Il faudrait rehausser la filière de la médecine du travail pour susciter des vocations.

Comme M. Tourenne, je suis des plus réservée sur les CDI de chantier. Nous devons protéger les entreprises mais aussi les salariés. Or, un quart des salariés risque d'être laissé au bord de la route faute de formation dans les prochaines années. La France est l'un des pays où le niveau scolaire est le plus bas : les emplois précaires risquent de se multiplier. L'intérim et les CDD ne cessent d'augmenter. Un CDI de chantier de trois mois ne donnera rien de plus qu'un CDD de même durée.

Je ne comprends vraiment pas la précipitation du Gouvernement alors que cette loi traite de sujets des plus sensibles. Rappelez-vous la loi El Khomri ! Pourquoi ne pas commencer par l'évaluer avant de vouloir tout changer ? Les ordonnances vont-elles permettre de créer des emplois pérennes ? J'en doute.

Quel statut et quels liens sociaux pour les salariés en télétravail ? Ces personnes seront-elles considérées comme de vrais salariés ?

Mme Corinne Féret . - L'article 5 modifie les règles de la pénibilité au travail. De quelles données et études disposez-vous pour proposer cette réforme ? J'ai entendu vos arguments mais j'ai le sentiment que nous sommes plus sur de la réparation que sur de la prévention. Le financement de cette mesure sera-t-il pérenne ?

Mme Françoise Gatel . - Merci d'avoir rappelé que les salariés exercent différents métiers sous différents statuts tout au long de leur vie professionnelle, d'où la nécessaire réforme du droit du travail.

Le renouvellement de la vie politique est en marche et je serais favorable à une limitation du nombre de mandats syndicaux, comme cela est désormais le cas pour les parlementaires. Il faut en finir avec les discriminations.

Les salariés et les entreprises doivent connaître le montant des indemnités prud'homales. Je suis favorable à l'instauration d'un barème mais il faut aussi réduire les délais d'instruction. Allez-vous instaurer des limites en ce domaine ?

M. Jérôme Durain . - Lorsqu'une entreprise licenciera pour motif économique, quel sera le champ géographique retenu pour l'appréciation de ses difficultés ? Jusqu'à présent, c'est le groupe qui est pris en compte mais vous semblez vouloir restreindre le périmètre. Or, l'exemple de Molex nous rappelle l'importance de prendre en considération l'ensemble du groupe.

M. Georges Labazée . - La gestion de l'Unédic est paritaire car elle est financée par les cotisations salariales et patronales. Quelle sera la légitimité des syndicats si les cotisations salariales sont remplacées par la hausse de la CSG ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Merci à ceux qui nous font confiance. Vous disposerez de tous les éléments en ma possession pour éclairer votre jugement. La concertation sociale alimente le débat politique et je suis dans une logique de la plus totale transparence.

L'urgence de ce projet tient à l'attente de nos concitoyens.

Il existe plusieurs leviers pour créer des emplois et tous les sujets doivent être traités, dont le code du travail. L'accélération de la croissance passe par la confiance des acteurs. La libération des énergies et le renforcement du dialogue social sont des impératifs. L'OCDE considère que notre système rigide réduit l'effet de la croissance sur les créations d'emplois, contrairement à d'autres pays européens. Or, nous voulons tous une croissance riche en emploi.

Les partenaires sociaux estiment que l'article L. 1, issu de la loi Larcher, est respecté et je m'en réjouis. La concertation est réelle, ce qui ne signifie pas que tout le monde sera d'accord in fine.

Le C3P est maintenu et nous conservons les dix critères mais le mode de déclaration de quatre d'entre eux sera différent. La branche AT/MP, excédentaire, financera le C3P. Compte tenu de l'évolution des conditions de travail, les travaux pénibles devraient diminuer dans le temps. En outre, les branches seront chargées de la prévention. Aujourd'hui, il y a des branches et des entreprises très dynamiques sur le sujet et d'autres qui le sont moins.

Le Conseil constitutionnel a validé le principe du barème. En revanche, il a refusé la distinction entre petites et grandes entreprises car cela aurait modifié les droits des salariés.

Les indemnités légales sont calculées sur la base d'un cinquième de mois de salaire par an. Elles sont parmi les plus basses d'Europe et cela explique le recours quasi-systématique aux prud'hommes. Un licenciement sur cinq se retrouve aux prud'hommes et 60 % des jugements vont en appel. En outre, certaines branches ont négocié des indemnités conventionnelles assez élevées tandis que d'autres ont prévu des indemnités très faibles.

Non, le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur les exonérations fiscales et sociales des indemnités mais il souhaite encourager la médiation en amont ; or, il existe beaucoup moins d'exonérations à ce stade. La réflexion est en cours.

Les délais prud'homaux posent effectivement problème, encore qu'il faille prévoir des délais assez longs pour tout ce qui relève du harcèlement. Aujourd'hui, il existe quatre délais différents : il faudra sans doute simplifier, surtout au regard de la situation dans les autres pays européens.

Le télétravail est un sujet de société intéressant : 60 % des salariés y aspirent. Il n'existe quasiment pas de télétravail à temps plein mais 21 % des cas se déroulent en co-working notamment dans les zones rurales ou les zones fortement urbanisées affectées par les temps élevés de transport. Il ne s'agit pas de travail à domicile mais de travail connecté, d'où un lien social effectif. Les salariés souhaitent travailler en télétravail une ou deux journées par semaine. En revanche, divers sujets ne sont pas bien traités aujourd'hui : si le statut du salarié n'a pas à changer, rien n'est en revanche prévu sur la prise en charge des équipements, sur le droit à la réversibilité et sur les accidents du travail lorsqu'on est chez soi.

Pour les TPE et PME, il faut poursuivre la réflexion et surtout ne pas imposer une solution unique.

Nous avons effectivement décidé de ne pas nous livrer à un toilettage général du code du travail. Les services pourraient présenter une centaine de sujets mais nous avons voulu concentrer le débat sur des questions prioritaires : c'est un choix politique plutôt que technique.

La loi du 8 août 2016 permet de déroger aux taux de majoration des heures supplémentaires. Nous n'y reviendrons pas pour l'instant.

Nous n'avons pas non plus abordé la question de l'intéressement ni de la participation lors des concertations. Les partenaires sociaux se sont concentrés sur leurs priorités. Aujourd'hui, toute entreprise, quel que soit sa taille, peut instaurer ce type de mécanisme. Enfin, dès que des négociations s'engagent dans les entreprises, ce sujet est sur la table.

La limitation du nombre de mandats dans le temps pourra concerner les élus du personnel mais pas les délégués syndicaux, du fait des conventions de l'OIT.

Les délais de recours sont d'un an en cas de licenciement économique et de deux ans pour le licenciement individuel. Nous regardons si une harmonisation est possible.

Les CDI de chantier dureront de 3 à 4 ans : il ne s'agit donc pas de durées comparables à celles des CDD. Ces CDI bénéficieront bien sûr du compte personnel de formation. En outre, les loueurs et les banques ne sauront pas qu'il s'agit d'un CDI de chantier. Enfin, l'intérêt des entreprises étant de cumuler les grands chantiers, elles voudront conserver leurs salariés. Ces derniers ne s'y tromperont pas et préfèreront bien sûr un CDI de chantier à un CDD.

La présomption de légalité est un simple rappel du régime général de la preuve : celui qui contestera le caractère illégal d'un accord devra en apporter la preuve.

Plusieurs d'entre vous m'ont encouragée à passer de la logique de statut à celle de personne : c'est fondamental pour l'évolution de notre droit dans les années à venir ; nous y reviendrons lorsque nous examinerons l'assurance chômage et la formation professionnelle. Pour le futur, il faudra insister sur la formation, la compétence et nous instaurerons des filets de sécurité liés à la personne plus qu'au statut.

L'adhésion à une convention collective est facultative mais vous posez implicitement le sujet des extensions automatiques. Nous allons demander aux branches de regarder comment leurs accords s'appliquent dans les TPE et les PME. Aujourd'hui, tel n'est pas le cas et c'est regrettable.

J'attends le rapport de l'Igas sur la médecine du travail, notamment sur les questions de recrutement.

Il existe deux types de seuils : les seuils sociaux et fiscaux, qui ont des effets de coûts et sont d'ores et déjà lissés, et les seuils pris en compte pour la représentation du personnel, sur lesquels nous sommes en train de discuter.

De grandes mutations technologiques sont encore à venir et un grand nombre de salariés, de demandeurs d'emplois et de jeunes risquent de rester sur le bord du chemin si nous n'investissons pas massivement dans les compétences et la formation. Il nous fallait un plan Marshall des compétences, d'où notre plan d'investissement compétences sur lequel nous reviendrons prochainement.

Alors que nous réduisons les dépenses de l'État, cet investissement sera réalisé afin de préparer les mutations à venir : grâce à ces nouvelles compétences, nos emplois seront préservés et les entreprises gagneront des marchés.

Nous reparlerons bientôt de l'assurance chômage.

Nous sommes le seul pays européen à avoir créé un motif national d'appréciation des licenciements économiques. Aujourd'hui, 60 % des investissements étrangers en France sont européens, soit 2 millions d'emplois directs. Mais les investisseurs ont le sentiment que s'ils peuvent investir dans notre pays, ils ne peuvent pas se retirer. De nombreuses entreprises investissent donc un peu chez nous car elles trouvent des compétences, de la main d'oeuvre qualifiée, de la productivité et des infrastructures mais elles réalisent le gros de leurs investissements dans d'autres pays où elles savent pouvoir désinvestir en cas de problème. La plupart des entreprises ont un comportement responsable mais nous devrons prendre quelques dispositions pour les entreprises qui pourraient susciter des difficultés artificielles. Avoir une harmonisation européenne sur l'appréciation géographique des difficultés économiques ne serait pas absurde.

Nous souhaitons aller vers un code du travail numérique pour aider les entreprises et les salariés à obtenir des réponses rapides et compréhensibles. Il faudra qu'ils sachent ce que la loi et la branche disent. Le dialogue social sera ainsi bien nourri.

M. Alain Milon , président . - Merci, madame la ministre, pour cette audition.

II. AUDITION DES ORGANISATIONS SYNDICALES REPRÉSENTATIVES DES SALARIÉS

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M. Alain Milon , président . - Nous entamons ce matin nos travaux sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, en recevant les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Je remercie de leur présence pour la CFDT, Mme Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe, qui est accompagnée de Caroline Le Loup-Werkoff, secrétaire confédérale ; pour la CGT, M. Fabrice Angei, membre de la direction confédérale, accompagné de Mme Anaïs Ferrer, conseillère confédérale ; pour Force ouvrière, M. Didier Porte, secrétaire confédéral ; pour la CFE-CGC, M. Gilles Lecuelle, secrétaire national ; pour la CFTC, M. Bernard Sagez, secrétaire général, accompagné de M. Michel Charbonnier.

Le projet de loi d'habilitation, en cours de discussion à l'Assemblée nationale, touche à un grand nombre de domaines, d'importance inégale.

Nous connaissons l'orientation générale du Gouvernement qui veut imprimer à la législation du travail le renforcement du rôle de la négociation collective en entreprise, la simplification des institutions représentatives du personnel et la sécurisation juridique des règles du licenciement.

Mais si le champ des habilitations est défini de manière relativement précise, leur rédaction laisse encore une grande latitude au Gouvernement pour définir l'ampleur des modifications qu'il apportera avec les futures ordonnances.

Cette situation singulière tient en partie à la concertation qui s'est engagée avec les partenaires sociaux depuis le début du mois de juin et qui se poursuit jusqu'au 21 juillet, alors que le projet de loi est examiné par l'Assemblée nationale, avant d'ultimes concertations prévues à la fin de l'été.

Nos auditions d'aujourd'hui sont donc d'autant plus importantes que les organisations syndicales vont nous éclairer sur la teneur de leurs échanges avec le Gouvernement sur la préparation de ces ordonnances. Pour sa part, la ministre du travail viendra devant la commission le mardi 18 juillet.

Sur les principaux sujets en débat, je vous propose dans un premier temps d'exposer en une dizaine de minutes chacun les positions de vos organisations. Les questions des membres de la commission permettront ensuite de revenir plus en détail sur les différents aspects du texte.

Mme Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT . - Le marché du travail et les institutions représentatives du personnel ont connu de nombreuses réformes ces dernières années. Il nous aurait semblé de meilleure politique de laisser du temps à la mise en oeuvre effective de ces réformes. Certaines ne sont d'ailleurs pas encore en oeuvre, comme celle sur les prud'hommes. Il aurait fallu également évaluer celles déjà en application.

Pour autant, la CFDT prend acte de la volonté politique d'une nouvelle réforme.

La situation du marché du travail mais aussi l'attitude très attentiste du patronat dans le domaine du fonctionnement des instances représentatives du personnel (IRP) et de la transparence des informations données par la base de données unique nous indiquent que le statu quo n'est peut-être l'option la plus souhaitable.

La concertation existe bel et bien. Pour autant, tous les sujets n'ont pas été traités à ce jour et beaucoup d'arbitrages n'ont pas été rendus. Il nous est donc difficile de préciser nos positions sur un certain nombre de sujets. La CFDT restera donc vigilante jusqu'au terme du processus législatif, notamment sur la place de la branche qui doit rester un régulateur de la concurrence économique et sociale et sur la décentralisation de la négociation vers l'entreprise dont la CFDT a soutenu le principe dès 2016. Cette décentralisation est souhaitable quand elle permet de cumuler les droits concrets et effectifs des salariés et l'agilité des entreprises. La médiation sociale s'impose au travers du fait syndical majoritaire, qui est le garant de cet équilibre entre les droits des salariés et l'agilité des entreprises.

Nous avons déjà traité de l'article premier avec le cabinet de la ministre : nous disposons d'un compte rendu précis sur l'articulation entre la branche et l'entreprise. La CFDT est d'accord sur la primauté de l'accord d'entreprise avec le renforcement des domaines d'intervention exclusive de la branche et sur la primauté de l'accord collectif qui représente l'intérêt général de la communauté de travail sur le contrat de travail ; enfin, le contrôle du juge demeure mais ne dénature pas l'intention des parties et l'équilibre de l'accord.

A ce stade, nous restons vigilants sur la déclinaison de ces principes. Dans son compte rendu, la ministre retient à notre demande un septième domaine réservé, celui de la gestion et de la qualité de l'emploi. Les négociateurs de branche pourront réguler le recours à l'ensemble des contrats atypiques (contrats courts, CDD, CDI de chantier) et encourager l'allongement de la durée des contrats pour lutter contre l'abus des contrats courts qui ont tendance à se raccourcir de plus en plus.

S'agissant du 2° de l'article premier, il n'est pas envisageable de désintermédier la négociation d'entreprise. La présence syndicale doit rester le principe afin de préserver l'autonomie des négociateurs vis-à-vis de l'employeur. A propos du b) de ce 2°, la CFDT n'est pas par principe hostile au principe du référendum tel qu'il a été mis en place par la loi travail de 2016, afin de débloquer les situations dans lesquelles il est difficile d'aboutir à un accord majoritaire à 50 %. Nous voulons que ce référendum reste dans le cadre actuel : un accord signé par au moins 30 % des organisations syndicales et n'ouvrir cette faculté qu'aux organisations syndicales signataires, mais pas à l'initiative de l'employeur, sans accord préalable, même minoritaire.

Sur le point c), nous sommes d'accord pour anticiper le passage des accords majoritaires prévus par la loi de 2016 en 2019, dans la mesure où la décentralisation de la négociation s'accélère. En revanche, le projet de loi d'habilitation ouvre la possibilité de changer les règles de calcul de la majorité, ce qui reviendrait à compter les signataires mais aussi ceux qui ne disent mot. Nous y sommes hostiles car il s'agirait d'un recul majeur par rapport à l'évolution de la représentativité et du dialogue social depuis 2008 et aux principes posés par la loi Larcher. Ce serait un contresens total avec l'objectif du projet de loi qui est de transformer en profondeur la démocratie sociale en entreprise.

On accorderait en effet une représentativité à ceux qui ne se prononcent pas : la majorité silencieuse permettrait à l'employeur d'imposer ses choix.

En ce qui concerne la fusion des IRP, la concertation n'est pas terminée mais le compte rendu publié hier par la ministre laisse beaucoup de points en suspens. Elle indique en effet que plusieurs arbitrages ne sont toujours pas rendus. Nous aurions voulu que le principe de négociation soit retenu, ce qui n'est pas le cas. Il aurait en effet fallu que les acteurs de l'entreprise puissent choisir la forme de leurs IRP. La ministre a décidé que la fusion systématique des instances s'imposerait. Nous avons réussi néanmoins à préserver les délégués du personnel de cette fusion automatique : il pourrait y avoir une négociation pour les rétablir. Autant la CFDT comprend que les discussions sur la stratégie de l'entreprise puissent ne se tenir que dans une seule instance, autant les délégués du personnel ont un rôle de proximité indispensable pour représenter les salariés. Certes, il faut que les IRP aient plus de pouvoirs, à l'instar de ce qui se passe en Allemagne, mais il faut alors privilégier les accords majoritaires dans les entreprises où le fait syndical existe et avec une extension des prérogatives de cette nouvelle instance : comme en Allemagne, elle aurait un pouvoir de codécision sur des sujets comme la formation professionnelle, que nous préférons appeler stratégie de transformation des compétences des salariés. Nous pourrions aussi inclure la rémunération des dirigeants ou l'utilisation des fonds publics. Avec le CICE, les informations que donnent les entreprises aux représentants du personnel sont dans un grand nombre de cas assez opaques. Si l'on fait le pari de transformer en profondeur le modèle de représentation des salariés en entreprise, il faut instaurer des codécisions, ce qui implique une grande transparence dans la transmission des informations et un recours accru aux expertises sous toutes leurs formes.

Il faut aussi aller plus loin dans la représentation des salariés dans les conseils d'administration en empêchant toute les stratégies de contournement mises en oeuvre dans des entreprises ou des groupes d'entreprises. Je pense en particulier aux groupes mutualistes, mais aussi aux entreprises qui transforment leurs statuts de SA en SAS pour échapper à cette obligation. Si l'on fait confiance au dialogue social au plus proche du terrain, on ne peut permettre à certains employeurs d'échapper à leurs obligations : le dialogue social n'est pas une contrainte mais un atout pour la vie des entreprises.

L'article 3 traite notamment du barème des indemnités prud'homales. Une réforme a été votée en 2015 mais commence juste à entrer en vigueur. Faute d'évaluation, il est regrettable d'aller vers un barème impératif qui contrevient à des principes généraux du droit comme celui à la réparation intégrale du préjudice. Si toutefois on s'engageait dans cette direction, il nous paraîtrait nécessaire de réévaluer nos indemnités légales de licenciement qui sont parmi les plus basses d'Europe. Il serait cohérent de le faire pour éviter le recours au judiciaire. Nous voudrions que les indemnités de licenciement puissent être versées dès après la période d'essai aux salariés comptant moins d'un an d'ancienneté, qui n'y ont actuellement pas droit. Pour cela, il faudrait que le projet de loi d'habilitation l'indique.

En 2016, nous étions hostiles à la référence au périmètre national pour apprécier les difficultés de l'entreprise en cas de licenciement économique, car nous craignions des arbitrages défavorables pour les salariés français. En tout état de cause, si l'on se place dans la logique du projet de loi, l'entreprise qui aurait recours au périmètre national devrait démontrer qu'elle n'a pas utilisé d'artifices pour prétendre qu'elle est en difficulté. A ce moment-là, n'autorisons les entreprises à utiliser un périmètre restreint que dans la mesure où elles auraient donné toutes leurs informations à la base de données unique et mis en oeuvre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ce serait un moindre mal permettant de rétablir par le dialogue social un équilibre entre les représentants et une transparence dans l'information.

M. Fabrice Angei, membre de la direction confédérale de la CGT . - Nous sommes sur un projet de loi d'habilitation : c'est un contenant et les ordonnances présenteront le contenu, d'où la difficulté de la discussion malgré la concertation en cours. De plus, les comptes rendus des discussions ne sont pas exactement conformes à ce qui a été dit. En outre, nous ne disposons pas de texte de départ lors de ces discussions : le ministère du travail ne s'engage pas véritablement sur des mesures précises. Il ne s'agit donc pas de concertations, telles que définies à l'article L. 1 du code du travail introduit par la loi Larcher. Nous demandons donc une rencontre multilatérale plénière sur ce texte, ce qui permettrait à chacun d'avoir une vision collective et de présenter ses arguments et non pas de le faire de façon fractionnée comme aujourd'hui, ce qui permet au Gouvernement d'entretenir un certain flou. Je ne suis pas sûr que la parole avec les uns soit exactement la même avec les autres. Il va être difficile dans le temps très court accordé aux députés et aux sénateurs d'avoir un débat de fond sur le projet de loi d'habilitation. Cette réforme qui déstructure le droit du travail aurait nécessité bien plus que six réunions bilatérales sur les trois blocs et une discussion parlementaire accélérée en plein été.

Ce projet de loi fait la part belle aux exigences du Medef, bien plus qu'à celles des organisations syndicales : il prévoit la précarité pour ceux qui ont un emploi ainsi que pour ceux qui sont en recherche d'emploi et la liberté pour les entreprises : la flexibilité l'emporte sur la sécurité.

Cette réforme part d'un mauvais postulat : ce n'est pas le droit du travail qui explique les 6 millions de demandeurs d'emplois. Les études de l'Insee, de l'OIT, de l'OCDE démontrent qu'il n'y a pas de corrélation entre le niveau de garanties et celui de l'emploi. Une récente enquête de l'Insee menée auprès de 10 000 employeurs montre que leurs préoccupations majeures ont trait à la conjoncture économique et à leurs carnets de commande. Là réside le frein au recrutement. Nous sortons tout juste de la réforme du droit du travail avec la loi El Khomri. Pourquoi voter une nouvelle loi alors que la précédente n'a pas été évaluée ?

Les exemples internationaux démontrent que les accords d'entreprise n'ont pas d'impact sur le développement le dialogue social. En Espagne, une réforme identique s'est traduite par la réduction du nombre d'accords d'entreprise. Il en ira de même avec ce projet de loi.

Nous souhaitons la primauté des accords de branche sur les accords d'entreprise. Ces derniers doivent apporter un plus aux salariés et non pas du dérogatoire régressif. Ce projet de loi d'habilitation affaiblit les accords de branche avec, à terme, la fin des conventions collectives. Sur les six domaines qui relèvent exclusivement de la branche, cinq seraient confirmés. En revanche, quid de la pénibilité ? En ce qui concerne la durée et le renouvellement des CDD, le niveau de protection est en baisse.

Nous sommes préoccupés par la primauté des accords d'entreprise sur le contrat de travail : en cas de refus d'application par un salarié d'un accord d'entreprise, son licenciement sera bien plus aisé qu'aujourd'hui. Le ministère du travail nous a fait part de sa volonté de mettre fin, au bénéfice, dans ce cadre, du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) pour définir des modalités uniques mais amoindries. L'indemnisation et l'accompagnement en souffriraient. Ces mesures pousseront les salariés à accepter l'accord, même s'il leur est défavorable.

Contrairement à ce que prétend la ministre du travail, le but de cette réforme est d'instaurer un code du travail par entreprise.

Le regroupement des trois instances du personnel ne se ferait pas au détriment de leur mission, d'après le ministère. Nous estimons que ce sera une véritable usine à gaz. Les membres de cette instance unique ne pourront pas examiner tous les sujets, et cela se fera notamment au détriment des compétences du CHSCT. Or, on déplore un mort par jour sur les chantiers. Quid de la disparition des délégués du personnel, représentants de proximité ? Ces élus risquent de se professionnaliser et de passer leur temps en réunions, au lieu d'être auprès des salariés. Comment être consulté à la fois sur des sujets économiques, les conditions de travail, les comptes de l'entreprise, assister les salariés lors de leurs entretiens, mener des enquêtes de sécurité et de santé, organiser des activités sociales et culturelles ? Nous aurons au final des super élus, plus proches du patron que des salariés.

Nous déplorons l'impact qu'une telle réforme aurait sur le nombre d'élus et sur les moyens et le temps qui diminueraient de façon drastique, de même que le nombre de salariés qui pourraient s'exprimer librement au sein de l'entreprise parce que protégés.

En devenant une instance unique, cette instance fusionnée serait investie des missions de négociation. Cela porterait une atteinte fondamentale aux organisations syndicales car elles ne pourraient plus choisir librement leurs représentants ni les révoquer, ni décider de signer ou non un accord d'entreprise. Cette réforme fera disparaître à terme la représentation syndicale dans l'entreprise. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la négociation s'effectuerait directement avec un délégué du personnel sans mandatement syndical. Ce n'est pas acceptable.

Avec ce projet de loi d'habilitation, c'est la précarité pour tous et des droits pour personne. Les entreprises pourront fixer leurs propres règles pour les CDD. Les licenciements seront facilités par l'augmentation des seuils des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), qui passeraient à 30 salariés, obérant la possibilité de bénéficier d'indemnisations majorées et d'actions de formation.

Les CDI de chantier ou de mission vont se généraliser, alors qu'il n'en avait jamais été question lors de nos discussions avec le ministère. Nous n'acceptons pas non plus la barèmisation des indemnités prud'homales ni la réduction des délais de recours pour les salariés licenciés abusivement.

Le contrat de chantier n'a de CDI que le nom car la case chômage est inscrite dès le départ sans même une prime de précarité.

La CGT est favorable à une refonte du droit du travail à condition qu'il soit plus accessible et adapté aux difficultés de notre temps en renforçant les garanties accordées aux salariés et aux travailleurs indépendants. L'évolution du travail impose de penser à de nouveaux périmètres et à de nouvelles protections.

Je vous renvoie aux travaux menés dans ce domaine : le GR Pact et un groupe de chercheurs universitaires ont fait des propositions intéressantes. Pourquoi ne les auditionneriez-vous pas ?

M. Didier Porte, secrétaire confédéral de FO . - L'exercice auquel nous nous livrons est assez compliqué, car il s'effectue dans des délais contraints. En outre, la concertation n'est pas terminée et des arbitrages sont encore en cours, tandis que le projet de loi d'habilitation reste vague. Mes propos porteront donc sur les orientations plus que sur des mesures fermes et définitives. Nous espérons que les derniers arbitrages prendront en compte nos propositions.

FO n'est pas demandeur d'une nouvelle réforme du code du travail qui vise à dérèglementer, sous prétexte d'emploi et de compétitivité. D'ailleurs, aucune étude ne démontre l'efficacité de la dérèglementation en termes d'emplois et d'embauches.

Le droit du travail a vocation à rétablir l'équilibre entre la partie faible - les salariés - et les employeurs. Ces derniers mettent en quatrième position le code du travail pour expliquer leurs réticences à embaucher.

Même si nous considérons que la concertation se déroule dans de bonnes conditions, elle ne préjuge en rien des décisions qui seront prises en dernier ressort. Nous prendrons toutes nos responsabilités si nous considérons que nous avons abouti à un échec. Ce texte intervient après une nouvelle réforme du code du travail sur laquelle aucune évaluation n'a été menée.

Notre organisation a toujours voulu renforcer le rôle des branches : il s'agit du niveau le plus judicieux des négociations pour renforcer la régulation économique et sociale. Les salariés d'un même secteur d'activité sont traités sur la même base et de la même façon, qu'ils soient salariés d'une multinationale ou d'une TPE. Cette égalité de traitement nous est chère. Il s'agit aussi du niveau le plus judicieux pour lutter contre le dumping social. A l'heure actuelle, la branche nous semble préservée et peut-être renforcée. Six thèmes sont verrouillés au niveau de la branche. La question de la pénibilité sera certainement traitée d'une autre façon, mais elle ne doit pas être remise en cause. Mais on ne renforce par la branche en vidant le code du travail. Parmi les six thèmes figurent les minima de salaires qui sont inscrits dans des grilles conventionnelles. À côté de ces minima, on trouve les rémunérations annexes. Aujourd'hui, ces dernières seraient transférées au niveau des entreprises. Il s'agit d'une rupture d'égalité entre salariés alors que les rémunérations annexes constituent un part importante de la rémunération.

En outre, les TPE pourraient contourner les six thèmes verrouillés au niveau des branches. Nous verrons ce qu'il en sera lorsque le contenu des ordonnances nous sera transmis. Tous les autres thèmes seraient réservés aux accords d'entreprise.

Autre problème : la primauté de l'accord collectif sur le contrat de travail. Nous estimons que les accords collectifs ne doivent pas justifier le licenciement d'un salarié qui refuserait de voir son contrat de travail modifié. Le Gouvernement veut harmoniser les motifs de licenciements. Aujourd'hui cinq types d'accords collectifs bénéficient de cette primauté sur les contrats de travail : les accords de maintien dans l'emploi, les accords de préservation et de développement de l'emploi, les accords de mobilité, les accords loi Aubry... Je ne vois pas comment un syndicat pourrait signer un accord qui aboutirait à des licenciements. Le motif de licenciement doit être motivé. Or, l'harmonisation consisterait à appliquer un licenciement pré-qualifié et sui generis, motif tout à fait contestable au niveau de la convention 158 de l'OIT. Nous avons évoqué ce sujet avec le Gouvernement et nous espérons que nous serons entendus.

Nous ne savons toujours pas quelle est la position du Gouvernement sur la présomption de légalité des accords d'entreprise : même un accord d'entreprise doit pouvoir être contesté devant le juge qui doit conserver sa marge d'appréciation. Or, on nous dit que le juge devrait a priori accepter ces accords collectifs. La négociation collective n'est pas la loi : attention à l'inconstitutionnalité d'une telle mesure. Laissons la possibilité de contestation individuelle aux salariés.

Les critères d'utilisation des CDD et la généralisation du contrat de chantier ne sont pas acceptables. Nous notons une certaine incohérence entre le fait d'utiliser le CDD au niveau de la branche et la généralisation du CDI de chantier : les salariés seraient transformés en intermittents du travail à perpétuité.

L'article 2 prévoit la fusion des IRP. À l'origine, le ministère nous avait dit que la possibilité de conserver, par accord majoritaire, des instances séparées serait prévue. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas et le Conseil d'État s'en est ému. Nous espérons que les ordonnances rétabliront ce dispositif.

La fusion des IRP nous poserait des problèmes de formation de nos militants. Aujourd'hui, ils se sont spécialisés en fonction des instances auxquelles ils appartiennent. Demain, on leur demanderait de tout connaître sur tout. Cette globalisation du dialogue social rayerait toutes les spécificités actuelles. Je crains que cela ne décourage les vocations des salariés qui veulent s'investir. Pour nous, il est indispensable que chaque instance garde ses propres prérogatives et que les questions d'économie et de compétitivité ne prennent pas le pas sur les questions de sécurité et de santé des travailleurs. Le CHSCT doit conserver sa personnalité morale pour ester en justice. Et puis, qui payera les expertises en justice, une fois la réforme adoptée ? Il ne faudrait pas que cela soit un frein à la prévention des risques.

Après la loi Rebsamen, les entreprises de 100 à 149 salariés ont perdu six titulaires, trois suppléants et près de 40 heures de délégation.

En Allemagne, les conseils d'entreprise sont des instances de négociation qui bénéficient d'un droit de véto sur les suppressions d'emplois et d'un pouvoir de codécision. Mais tous ces droits ne seraient pas appliqués en France.

Nous ne pouvons non plus accepter la remise en cause du monopole de négociation des organisations syndicales. Le Gouvernement serait sur le point de mettre en place une instance unique de négociation, qui priverait les organisations syndicales de ce monopole et qui accorderait ce pouvoir aux délégués du personnel non mandatés et non syndiqués. Ce serait une grave atteinte au droit des organisations syndicales : nous sommes dans une logique du tout accord sans organisations syndicales. Or, les interlocuteurs les mieux formés à la négociation sont les négociateurs syndicaux. La mise en place du conseil d'entreprise serait un changement fondamental du dialogue social, puisque trois des quatre instances de représentation sont aujourd'hui élues, la quatrième émanant des organisations syndicales. Cette réforme institutionnaliserait la représentation syndicale dans les rouages de l'entreprise et remettrait en cause l'indépendance syndicale, ADN de FO. En outre, comment intégrer les délégués syndicaux dans ces conseils d'entreprise ? La loi de 2008 impose déjà de désigner les délégués syndicaux parmi les candidats ayant obtenu plus de 10 % aux élections professionnelles. C'est une contrainte que l'OIT souhaite voir levée. Si les délégués syndicaux étaient intégrés à l'instance unique, ils devraient être élus et cela remettrait en cause la liberté de désignation des organisations syndicales.

Il nous a été dit hier que le plafonnement des indemnités visait à la fois les licenciements sans cause réelle et sérieuse et les dommages attribués pour les autres litiges. Nous demandons que les indemnités légales de licenciement - les plus basses d'Europe - soient réévaluées. S'agissant des dommages et intérêts, c'est la hauteur du plafond qui donnera au juge un pouvoir d'appréciation. Il n'est pas choquant qu'un salarié perçoive pour un même motif de licenciement abusif une indemnité trois fois plus élevée qu'un autre : tout dépend de son âge et du lieu de licenciement. Ce n'est pas la même chose de perdre son emploi quand on a 20 ans et qu'on vit à Paris que lorsqu'on a 50 ans et qu'on demeure en Haute-Marne. Le juge doit donc disposer d'une grande liberté d'appréciation. Nous avons fait hier des propositions en partant des exemples belges et allemands. Aujourd'hui, un salarié licencié de façon abusive touche six mois d'indemnités pour deux ans d'ancienneté. Nous souhaiterions que le plancher soit fixé à un mois de salaire par année d'ancienneté. Le plancher pourrait être doublé selon les situations. Nous avons aussi proposé que le juge puisse s'exonérer de ce plafonnement.

Depuis 2013, les délais qui permettent à un salarié de contester son licenciement ont été revus à la baisse. On ne peut aller plus loin : ne tombons pas dans une stratégie d'évitement du juge.

M. Gilles Lecuelle, secrétaire national en charge du dialogue social à la CFE-CGC . - Merci pour votre invitation pour notre rendez-vous annuel pour la réforme du code du travail : comme cela a déjà été dit, nous avons en effet connu des réformes en 2014, 2015, 2016 et maintenant en 2017. Les lois précédentes ont eu un tel impact sur l'emploi qu'il était nécessaire d'y revenir cette année.

Pour la CFE-CGC, nul besoin d'entrer dans le détail de ce projet de loi d'habilitation. Au fur et à mesure des concertations, les lignes bougent de façon sensible et pas toujours dans le bon sens. Voyez ce qu'il en a été pour la fusion des IRP qui sera obligatoire. On veut imposer un nouveau dialogue social à l'entreprise : est-ce ainsi qu'on souhaite la libérer ?

Au départ, nous avions beaucoup d'espoir car nous prônons le dialogue social au sein de l'entreprise, afin de travailler mieux en son sein, ce qui signifie travailler tous ensemble. L'entreprise est un bien commun qui appartient à ses salariés autant qu'à ses dirigeants et à ses actionnaires. Il est donc nécessaire de revoir la gestion de l'entreprise entre ces différents acteurs de façon plus égalitaire. Hélas, dans les grands groupes, l'actionnaire a pris un poids très important et il pèse sur les décisions : tous les grands groupes ont supprimé des emplois en partie compensés par les TPE, les PME et les ETI. Cette loi semble taillée pour les grands groupes et va pénaliser les petites entreprises qui créent des emplois. Mme la ministre prône la primauté des accords d'entreprise, ce qui ressemble fort à une inversion de la hiérarchie des normes. Ce projet de loi est bien plus dangereux que celui de Mme El Khomri qui ne donnait aux entreprises que la possibilité de peser sur le temps de travail, les durées de pause, les heures supplémentaires et leur taux de majoration... Tout le reste restait du domaine de la branche qui continuait à négocier l'ordre public conventionnel. Demain, les branches ne disposeront plus que de six thèmes leur étant réservés tandis que les autres thèmes seront du ressort de l'accord d'entreprise.

Nous risquons de voir se créer une zone de dumping économique et social, contraire à l'objectif du texte initial, qui prévoyait que la branche renforcerait la cohérence d'ensemble. Renvoyer la rémunération à l'entreprise, c'est accroître le dumping. Rappelez-vous ce qui s'est passé dans l'industrie automobile il y a quelques années avec des donneurs d'ordre qui ont imposé des baisses de prix de 20 % à leurs sous-traitants, sous peine de voir les commandes passer à la Hongrie ou à la Roumanie. Demain, les donneurs d'ordre diront à leurs sous-traitants qu'ils peuvent baisser leurs coûts puisqu'ils disposeront de divers moyens pour réduire les salaires. Les petites structures risquent de pâtir de cette situation.

La multiplication de codes du travail au niveau des entreprises freinera la mobilité : si toutes les entreprises ont leur vision du droit social, le personnel d'encadrement aura du mal à s'y retrouver. D'ailleurs, les grands groupes qui disposent de plusieurs établissements dans notre pays ont tous concentré la négociation au niveau le plus haut de l'entreprise afin de favoriser la mobilité de leurs salariés d'un établissement à l'autre.

Nous partageons l'inquiétude de la précarisation de certains contrats. En outre, comment un demandeur d'emploi parviendra-t-il à s'y retrouver face à des contrats de travail différents en fonction des entreprises auxquelles il s'adressera ? C'est sans doute ce qu'on appelle simplifier le code du travail.

L'état des lieux établi par le Gouvernement n'est pas toujours partagé. Ainsi, on nous dit que la France serait un mauvais élève au niveau du contentieux du droit du travail. Or une étude de 2014 démontre que sur 23 pays européens, la France a un taux de recours à une juridiction du travail de 7,8 % alors que la moyenne européenne est de 10,6 %. J'entends dire aussi que les entreprises sont victimes du système prud'homal. Mais qui est la véritable victime ? C'est quand même le salarié qui a perdu son emploi de façon abusive. Aurait-on le droit de licencier de façon abusive et donc de violer la loi en sachant qu'un barème s'appliquera ? Pourquoi ne pas en faire de même pour le code de la route ou le code du commerce ? Sur Légifrance, 73 codes sont recensés. Or, seul le code du travail semble poser problème.

La CFE-CGC croit beaucoup à l'entreprise et au dialogue social comme facteur de compétitivité. Pour nous, il est important qu'une autre vision de l'entreprise soit défendue pour mieux prendre en compte le moyen et le long terme. L'économie et le social sont les deux faces d'une même pièce. Le renforcement du rôle de l'administrateur salarié ne compensera pas les divers reculs que nous constatons que ce projet de loi d'habilitation. Nous n'avons pas le sentiment que nous ayons une quelconque influence sur les quelques personnes qui tiennent le stylo et qui nous présenteront le projet durant la deuxième quinzaine d'août.

M. Bernard Sagez, secrétaire général de la CFTC . - Nous prenons acte de la volonté du Gouvernement de modifier le code du travail. Des constats et des motivations similaires avaient déjà guidé nos orientations : je vous renvoie à notre publication : « Dans un monde en bouleversement, construisons un nouveau contrat social ».

La mondialisation, les transition démographiques, numériques et écologiques bousculent nos certitudes et nous poussent à repenser notre rapport au travail et à adapter son organisation. Ainsi, nous militons depuis longtemps pour que les droits des travailleurs soient attachés à la personne, en cherchant des solutions adaptées à des parcours devenus souvent protéiformes, en oeuvrant pour une formation continue tout au long de la vie professionnelle. La CFTC place toujours l'humain au coeur de son action tout en s'adaptant aux évolutions du monde.

Nous ne sommes que concertés sur les trois articles du projet de loi d'habilitation : il n'y a pas de négociation en cours. Nous n'étions d'ailleurs pas demandeurs d'une nouvelle loi travail.

L'article 1 er touche à l'articulation des normes entre accords de branche, accords d'entreprise et contrat de travail. Pour mener à bien ces évolutions, nous militons en faveur du rôle régulateur de la branche, comme nous l'avons fait l'année dernière. Six domaines semblent réservés : la branche pourra continuer à jouer son rôle de protecteur pour les droits des salariés et de régulateur de la concurrence. La branche pourrait conserver, à nos yeux, d'autres thématiques comme la responsabilité sociale des entreprises (RSE), afin d'adapter une approche globale de la protection des travailleurs et d'affirmer le rôle central des entreprises vis-à-vis de la société. Les dimensions environnementales et de gouvernance doivent être prises en compte, tant elles ont des conséquences sur la sphère sociale. Outre les avancées réelles pour les travailleurs, la création d'un septième domaine réservé serait bénéfique pour les entreprises, notamment les TPE et les PME ; la signature d'un accord RSE négocié au niveau de la branche permettrait d'aller plus loin et de limiter le dumping social et sociétal.

Les branches doivent aujourd'hui définir leur ordre public conventionnel. La CFTC a soutenu ce rôle moteur de la branche dans la détermination de ces normes qui deviendraient impératives. Nous défendons le maintien effectif de la notion d'ordre conventionnel de branche qui n'apparait pas vraiment dans la loi d'habilitation.

Nous ne sommes pas opposés à des accords d'entreprise, à condition qu'ils soient renvoyés à des accords de branche ou, à défaut, à la loi. Le supplétif ne doit pas permettre à l'employeur de déroger à la branche ni au code du travail de façon unilatérale, sinon le dialogue social n'aura plus aucun sens dans l'entreprise.

Toutes les nouvelles latitudes apportées aux entreprises devront se faire dans le cadre d'un accord majoritaire conclu au niveau de l'entreprise. Si cette dernière ne signe pas d'accord, la branche doit rester la norme.

D'après le Gouvernement, les différentes instances ne favoriseraient ni le dialogue social, ni la capacité d'influence des représentants des salariés, d'où la fusion des IRP prévue à l'article 2. Il prévoit même d'intégrer la négociation aux compétences de cette nouvelle instance. Or, les institutions représentatives du personnel ont chacune leur histoire, leur spécificité et elles ont fait preuve de leur utilité, du moins dans les entreprises d'une certaine taille. Les supprimer au profit d'une seule instance n'est pas une question facile à traiter. De même, il faudrait s'interroger sur le fonctionnement de la délégation unique du personnel (DUP) : aujourd'hui, aucune étude ne montre qu'elle fonctionnerait mieux que le triptyque délégué du personnel, comité d'entreprise et CHSCT. Si la multiplication des structures est susceptible de constituer un frein à un dialogue social de qualité, nous alertons sur la confusion que pourrait entraîner cette fusion pour des représentants du personnel qui seraient devenus multi-casquette non spécialistes des conditions de travail.

La CFTC n'est pas opposée par principe au regroupement des IRP mais elle ne pourrait accepter que ce regroupement conduise à un appauvrissement des prérogatives et des moyens, ce qui serait contradictoire avec l'objectif de la réforme, à savoir un dialogue social efficace parce que renforcé, et une représentation adéquate de la collectivité du travail.

Le document de synthèse qui nous a été remis hier soir sur le deuxième bloc ne répond pas entièrement à cette condition, notamment sur les expertises et leur co-financement.

Nous demandons que soit préservée la possibilité de garder les instances actuelles grâce à un accord collectif avec les attributions et les moyens accordés par la législation actuelle. À ce titre, nous regrettons le caractère irréversible de la fusion des IRP prôné par le ministère du travail. Le Conseil d'État a récemment fait la même observation au Gouvernement et la note d'hier ouvrirait une légère brèche. Encore faut-il qu'elle se retrouve dans le projet de loi, ce qui n'est pas le cas pour l'instant.

Nous demandons que dans tous les cas de figure, seules les organisations syndicales représentatives puissent se présenter au premier tour des élections, surtout dans l'hypothèse où l'instance unique de représentation du personnel intégrerait la négociation des conventions. Nous ne pourrions accepter que cette réforme conduise à exclure de la négociation le délégué syndical, acteur historique de la négociation. Le texte d'hier lance des hypothèses selon les tailles des établissements et des entreprises. Nous estimons utile de maintenir le mandatement, sous une forme ou sous une autre, même si le Gouvernement n'y est pas favorable. Si l'on se dirige vers une codécision dans ce conseil d'entreprise ou d'établissement, il est nécessaire d'augmenter le champ de l'avis conforme par rapport à l'avis simple. La fusion des IRP devrait alors s'accompagner d'un élargissement des domaines de consultation nécessitant l'avis conforme du conseil d'entreprise.

Nous serons reçus demain pour parler du troisième bloc : nous ne pouvons donc arrêter une position tranchée. Concernant les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, nous ne sommes pas opposés au principe d'un référentiel obligatoire établi en fonction de l'ancienneté, mais nous arrêterons notre position lorsque nous connaîtrons les planchers et les plafonds. Nous veillerons aussi à ce qu'une part réelle d'appréciation soit laissée aux juges pour les cas de particulière gravité. Comment imaginer que l'on indemnise les salariés injustement licenciés en-deçà de la réalité du préjudice subi ?

Sur l'appréciation des difficultés économiques, la CFTC estime que le groupe multinational doit rester solidaire de ses entreprises françaises qui traversent des difficultés économiques. Le périmètre d'appréciation doit aller au-delà du territoire national.

L'article 5 touche à la lutte contre la pénibilité : le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) constitue l'une des innovations sociales majeures de ces dernières années. Nous ne pourrons pas accepter que les modifications des règles de prise en compte des pénibilités au travail conduisent à un affaiblissement de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. La santé au travail est un enjeu crucial pour lequel nous ne devons pas ménager nos efforts. La CFTC a toujours affirmé la primauté absolue de la prévention sur la réparation. Un système de reconnaissance de la pénibilité doit trouver à s'appliquer. Le mécanisme du C3P, bien que complexe, organise cette reconnaissance et permet l'acquisition par le salarié de points qui lui permettront de financer tout ou partie d'une action de formation, la réduction de son temps de travail ou la majoration de trimestres. Un courrier du Premier ministre confirme que le Gouvernement a choisi de modifier le C3P tout en reconnaissant la nécessité de maintenir la première partie du dispositif. Il propose de créer le compte professionnel de prévention, qui remplacerait le C3P. Reste à voir si ce nouveau compte répondrait aux pénibilités subies pour certaines catégories de travailleurs.

J'en viens à l'alinéa 4 de l'article 4 qui traite des fonds paritaires. La transparence des comptes, des financements publics et paritaires a été mise en place il y a peu : la GFPN fonctionne depuis trois ans. Elle donne satisfaction en matière de transparence d'utilisation des fonds paritaires, de répartition équitable entre les organisations bénéficiaires et de contrôle puisqu'un rapport annuel est remis aux parlementaires. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause ce dispositif même s'il est possible de l'améliorer encore. Sans doute faut-il lui ajouter d'autres financements du paritarisme qui sont épars. Ce n'est pas avec une nouvelle réforme que l'on règlera la situation.

M. Alain Milon , président . - Je ne sais plus très bien dans quelle République nous sommes. Celle dans laquelle j'ai été élevé prévoyait un temps pour la démocratie sociale pendant lequel le Gouvernement discutait avec les organisations syndicales et patronales et un temps pour la démocratie politique durant lequel le Parlement débattait. Je me demande si la loi Larcher est toujours respectée et je poserai la question à Mme la ministre.

Quelle sont vos positions par rapport à la limitation du cumul des mandats, par rapport au chèque syndical qui n'a pas remporté un franc succès et par rapport au périmètre d'appréciation des difficultés économiques dans le cadre d'un licenciement économique ?

Mme Nicole Bricq . - Le Sénat n'ayant pas le 49-3, un travail de fond a déjà pu être mené en commission et en séance publique l'année dernière, lors de la loi El Khomri, sur les différents sujets abordés par ce projet de loi. Il faut apprécier cette réforme du droit du travail dans sa globalité, alors qu'est annoncée la réforme de la formation professionnelle et de l'assurance chômage.

Avez-vous un avis sur la durée de l'habilitation ?

La loi El Khomri prévoyait la réduction du nombre de branches : où en sommes-nous ?

Par rapport à la loi Macron de 2015 qui réformait les prud'hommes, le nombre des recours contentieux a baissé. Est-ce le fait de cette réforme ?

M. Michel Forissier . - Rapporteur de la loi travail, je connais bien les représentants des organisations syndicales. Les ordonnances sont des procédures tout à fait démocratiques, mais le projet de loi n'ouvre-t-il pas un champ trop large ? Comme le veut la loi Larcher, des négociations doivent précéder toute modification du code du travail. La précipitation du Gouvernement ne risque-t-il pas de détériorer le climat social ? D'après vous, quels sont les sujets qui devraient relever de la loi et non des ordonnances ?

M. Philippe Mouiller . - Comment estimer la situation économique des entreprises en cas de licenciements économiques ?

La fusion des IRP ne doit-elle pas tenir compte de la taille des entreprises ? Cette fusion serait sans doute efficace dans les petites entreprises afin d'éviter des réunions redondantes.

Le projet de loi prévoit-il vraiment de supprimer le contrat de sécurisation professionnelle ?

M. Dominique Watrin . - Les ordonnances s'apparentent à un blanc-seing au Gouvernement : notre groupe y a toujours été défavorable, surtout sur des sujets d'une telle complexité et qui ont de telles conséquences sur le quotidien des salariés. On nous demande de légiférer alors que nous en connaissons encore moins que les syndicats : vous avez évoqué des comptes rendus partiels du Gouvernement. Pourquoi les parlementaires n'en sont-ils pas destinataires ?

Les représentants de CFE-CGC et de FO ont été assez critiques sur le projet de loi : ils ont regretté l'absence de véritables discussions et le risque de dumping social et salarial. Ma question est simple. Si vous n'êtes pas entendus en septembre, descendrez-vous dans la rue ?

M. Jean-Marie Morisset . - L'exercice est difficile dans un temps contraint et sur le fondement d'un texte flou qui varie en fonction des réunions.

Avant la discussion de ce texte, avez-vous disposé d'éléments pour apprécier la mise en oeuvre de la loi El Khomri ?

Les TPE représentent 99 % des entreprises et 55 % de l'emploi : est-il toujours d'actualité d'exiger un mandatement au sein des TPE lorsqu'il s'agit des conditions de travail ?

Vous nous avez parlé de la fusion des IRP, mais pas des seuils. Quelle est votre position ?

Mme Françoise Gatel . - Les partenaires sociaux jouent un rôle majeur dans la vie économique et je regrette qu'en France, leur poids soit aussi faible. Pour quelles raisons les salariés français ont-ils si peu d'engouement pour leurs syndicats ?

Les mutations de notre société touchent la vie économique : les parcours professionnels sont pour le moins variés et une même personne peut être salariée, puis au chômage, puis indépendante. Beaucoup de jeunes refusent les CDI classiques car ils ont un autre rapport au travail et une autre culture. Il faut à la fois sécuriser les salariés mais aussi leur permettre de s'adapter.

En quoi la fusion des IRP dans des entreprises de petite ou de moyenne taille serait contreproductive ?

Pourquoi craignez-vous les accords d'entreprise ? Croyez-vous que des entreprises vont signer des accords pour contrer les branches ? Enfin, les entreprises sont en concurrence pour les recrutements : elles ne vont donc pas se lancer dans du dumping social.

M. Jean-Marc Gabouty . - La loi d'habilitation définit le contenant alors qu'on se projette dans le contenu, parfois supposé. Nous sommes dans l'habilitation alors que vous négociez le contenu des ordonnances qui seront arrêtées par le Gouvernement en septembre. Nous y reviendrons lorsqu'il nous faudra les ratifier. Cette loi est d'ailleurs une prolongation de la loi El Khomri.

Le champ de cette loi d'habilitation est-il pertinent ? Souhaiteriez-vous le réduire ou l'élargir ? Vos positions semblent défensives : pourquoi ne pas parler de la répartition entre la rémunération du travail et du capital ?

M. Alain Milon , président . - Je précise qu'une fois publiées, les ordonnances seront applicables même si elles ne sont pas ratifiées.

M. Daniel Chasseing . - La précarité, c'est le chômage : six millions de chômeurs dans notre pays ! Certains secteurs comptent jusqu'à 80 % de CDD. Le droit du travail ne semble pas la préoccupation prioritaire des employeurs mais il demeure très important pour le recours des PME au CDI. Or, il a surtout été rédigé pour les grandes entreprises. Ne faut-il pas l'adapter ?

En quoi la fusion des IRP serait-elle problématique ?

Avec les ordonnances, les accords de branche seront renforcés, d'après la ministre. Ne faut-il pas pouvoir les adapter aux entreprises, tout en sécurisant la situation des salariés ? S'il n'y a pas de syndicats dans l'entreprise, pourquoi ne pas avoir recours au référendum dans les TPE et les PME qui regroupent 60 % des salariés ?

Enfin, les difficultés juridiques pour licencier ne sont-elles pas un frein à l'embauche dans les TPE ?

Mme Catherine Deroche . - L'article 1 er permet le recours au référendum d'entreprise. À quelles conditions y seriez-vous favorables, notamment si c'est l'employeur qui décide d'y recourir ?

Mme Laurence Cohen . - Pour nous, les ordonnances sont de même nature que le 49-3 ; ce n'est donc pas une procédure démocratique.

Sensible aux arguments du Medef, le Gouvernement veut remplacer le compte pénibilité par un pseudo-compte prévention. N'est-ce pas inquiétant ?

Les CDI de chantier qui vont se multiplier inscrivent le licenciement dans le contrat. N'est-ce pas très grave ?

Mme Isabelle Debré . - Je suis étonnée que vous ne parliez ni de la participation, ni de l'intéressement alors que beaucoup de salariés les réclament, qu'ils appartiennent à des grandes ou à des petites entreprises.

Mme Véronique Descacq . - Le temps de la concertation a été allongé à notre demande : nous avons obtenu quelques semaines supplémentaires en septembre pour la terminer. Comment faire vite, du fait du mandat politique, tout en laissant du temps à la concertation ? C'est complexe, mais la profondeur et la loyauté de la concertation nous importent plus que sa durée.

Sur l'article 1 er , nous estimons avoir été entendus, d'autant qu'un septième domaine a été ajouté. Sur le deuxième bloc, le Gouvernement laisse toutes les portes ouvertes : nous ne savons encore guère où nous allons. Sur le troisième bloc, nous verrons.

L'article L. 1 du code du travail, issu de la loi Larcher, a en tout état de cause été respecté.

La question de l'épargne salariale n'est pas abordée dans cette réforme, ce qui ne veut pas dire que nous n'en parlons jamais, bien au contraire. Nous souhaitons étendre le champ de l'intéressement et de la participation aux PME. Nous voulons aussi généraliser l'accès à l'épargne temps et inscrire ce droit nouveau dans le compte personnel d'activité (CPA). Le découpage entre la flexibilité avec les ordonnances et la sécurité avec les futurs textes sur la formation et l'assurance chômage ne nous semble pas des plus pertinents. La question des nouveaux droits attachés à la personne pour sécuriser les parcours professionnels nous semble très importante.

Quelques mots sur les syndicats en France et le peu d'adhérents. Dans certains pays, il faut adhérer pour avoir droit à l'assurance chômage. En Allemagne, les organisations syndicales ont très tôt géré les caisses d'allocations familiales et l'assurance maladie et ils ont pris l'habitude du dialogue social pour obtenir des droits nouveaux. Notre syndicalisme s'est beaucoup structuré autour de la contestation. La CFDT estime que c'est par la négociation que l'on obtient de nouveaux droits. N'oublions pas que nous sommes désormais la première organisation syndicale en France. Une évolution est donc en cours.

En fonction de la taille, de l'activité, de l'organisation, de l'histoire des entreprises, les avis divergent sur la fusion des IRP. Laissons donc les acteurs sur le terrain s'organiser. N'imposons pas une règle uniforme pour tous : ce serait un contresens. Préservons les attributions, les moyens, les recours à l'expertise. Enfin, une commission spécifique à l'intérieur de cette nouvelle instance permettra aux salariés de se spécialiser.

En cas de licenciement, les instances représentatives du personnel doivent s'assurer qu'il n'y a pas de manoeuvre de l'entreprise : exigeons donc une base de données économique et sociale qui comprenne des éléments prospectifs et un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les trois précédentes années.

Il a été proposé, au cours des concertations, d'harmoniser les effets des différents types d'accords lorsqu'ils prévalent sur le contrat individuel. Dans l'un de ces types d'accord, était prévu non pas le contrat de sécurisation professionnelle, mais une forme d'accompagnement semblable au CSP. C'est cette forme d'accompagnement spécifique qui viendrait à disparaître dans le cadre de l'harmonisation. Mais les salariés qui refuseraient une modification de leur contrat de travail bénéficieraient d'une indemnisation et, bien sûr, de l'assurance chômage.

M. Fabrice Angei . - Nous maintenons que la procédure de concertation prévue par le code du travail n'est pas respectée, puisque la discussion se poursuit alors que le projet de loi d'habilitation est en cours d'examen au Parlement. Nous assistons à un bouleversement profond de notre modèle social, sans compter les réformes à venir sur la formation professionnelle, les retraites, le financement de la protection sociale.

Le chèque syndical est une mauvaise réponse à la faiblesse syndicale en France. N'oublions pas la discrimination et la répression syndicale : la peur de se syndiquer est une réalité. En outre, il faudrait réintégrer les expériences syndicales dans la carrière professionnelle. La question du cumul des mandats dans la vie syndicale ne se pose pas car 90 % des représentants syndicaux travaillent dans des PME. Limiter le cumul des mandats reviendrait à limiter la représentation syndicale dans les TPE et les PME.

Une sous-commission restructuration des branches travaille, au sein de la commission nationale de la négociation collective (CNNC), à la fusion des branches. L'éclatement actuel n'est pas du fait syndical mais bien de la volonté patronale : voyez le cas les conventions territoriales de la métallurgie. Laissons la sous-commission travailler à ces restructurations des branches.

La CGT a proposé une réforme du droit du travail pour lutter contre la précarité : ainsi, il conviendrait de proposer au salarié en fin de CDD un emploi en CDI.

Les entreprises disposent d'ores et déjà de multiples dispositifs pour s'exonérer de la peur du licenciement. Nul besoin donc de renforcer les dispositifs en la matière.

Enfin, près de 36 000 accords sont signés annuellement dans les entreprises et la CGT en signe plus de 80 %. Pourquoi rajouter à ce dialogue social de proximité la primauté de l'accord d'entreprise sur les conventions collectives et l'accord de branches ? Pour nous, cette loi ne renforce pas les branches.

M. Didier Porte . - Demander à nos élus encore plus de connaissances et de polyvalences se ferait au détriment de leurs spécialisations respectives, d'autant que les moyens vont diminuer. La délégation unique du personnel remet en cause le nombre d'élus et les heures de délégation.

L'objectif du chèque syndical est de promouvoir la syndicalisation. Pour des raisons d'indépendance syndicale, nous estimons quant à nous que ce n'est pas au patron de payer la cotisation syndicale.

Un grand groupe peut vouloir condamner une entreprise française : il faut donc privilégier un examen global de la situation économique du groupe. Nous sommes donc favorables au maintien de la jurisprudence actuelle qui devrait devenir force de loi.

La durée d'habilitation n'est me semble-t-il pas encore fixée. D'autre part, même si la loi de ratification n'est pas votée, les dispositifs des ordonnances auront valeur de décrets et seront donc applicables. Si le contenu des ordonnances ne nous satisfait pas, nous préfèrerions qu'il n'y ait pas de ratification.

Le chantier de la fusion des branches va s'accélérer : il est prévu que fin 2018 il ne reste plus que 200 branches. Il ne faudrait pas que cette fusion se traduise par un moins-disant social.

La baisse des recours aux prud'hommes est constatée depuis plusieurs années : la réforme Dati a supprimé 62 conseils des prud'hommes. Nous avions demandé d'en rouvrir quelques-uns. Des instances foraines avaient été mises en place, notamment pour les conciliations. Certains salariés ne saisissent pas la juridiction prud'homale, sachant que les temps de déplacements sont longs et les reports fréquents. Enfin, la saisine reste compliquée, d'où la baisse des recours.

Le Premier ministre nous a envoyé une lettre faisant part de sa volonté de réformer le code du travail. Les organisations syndicales lui ont répondu qu'elles n'étaient pas favorables à une négociation. Une concertation a débuté : pour nous, la procédure L. 1 est respectée, même si le recours aux ordonnances n'est pas une méthode des plus démocratiques.

L'État français devrait se mettre en conformité avec le droit européen sur la question des seuils, la prise en compte des apprentis et des contrats aidés. S'il n'y a pas de présence syndicale dans les entreprises de moins de 50 salariés, c'est parce qu'il n'est pas possible de désigner des délégués syndicaux. En Allemagne, le seuil est fixé à cinq salariés pour les conseils d'entreprise et une négociation a lieu pour l'abaisser à trois salariés.

M. Gilles Lecuelle . - Demandons-nous dans quelle mesure les propositions de ce projet de loi d'habilitation sont de nature à créer de l'emploi et à renforcer le dialogue social dans l'entreprise.

La CFE-CGC n'est pas opposée à une mutation du dialogue social mais elle considère que l'entreprise n'est pas mature pour aborder le choc de ce projet de loi. Depuis les lois Auroux, le dialogue social a connu des mutations substantielles, mais il faut laisser le temps aux dernières lois de faire leur preuve. Or, le temps donné pour absorber ces nouvelles modifications est bien trop court : le code du travail fait plus de 3 000 pages ; serait-on capable en quelques semaines de tout remettre à plat ? C'est irréaliste. Vous m'auditionnez alors que j'ai deux concertations à venir sur le troisième bloc : c'est surréaliste.

Les acteurs doivent être légitimes, formés. Au niveau de la branche, c'est chose faite. Il faut donc renforcer les branches et les inciter à être actives.

La loi Rebsamen a réglé la question de la fusion des IRP dans les TPE et les PME, mais très peu d'entreprises s'y sont livrées. Ce projet de loi ne fait que rendre cette fusion obligatoire pour toutes les entreprises. Les DRH des grands groupes sont pourtant opposés à la fusion des instances : ils ne veulent pas de représentants des salariés hors-sol. Avec des élus de terrain, il est plus facile de capter les signaux faibles et de régler les problèmes avant qu'ils ne soient trop importants.

M. Bernard Sagez . - Notre organisation n'est pas sur une position défensive. Nous discutons avec le ministère du travail, même si nous ne sommes pas entendus sur tous les sujets. Nous estimons que les droits doivent être attachés à la personne. Au cours de sa vie professionnelle, une personne va connaître différentes activités. La fusion des IRP dans les petites entreprises ne nous pose pas de problème, dès lors que la négociation se déroule sur le terrain. Pour nous, les branches ont un rôle de régulateur et de garde-fou indispensable.

M. Alain Milon , président . - Merci à vous toutes et tous pour vos interventions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

III. AUDITION DES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES REPRÉSENTATIVES DES EMPLOYEURS

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M. Alain Milon , président . - Nous recevons maintenant les représentants des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Je remercie de leur présence :

- pour le Medef : M. Alexandre Saubot, vice-président en charge du pôle social, accompagné de M. Adrien Teurkia, directeur des relations sociales et Mme Ophélie Dujarric, directrice des affaires publiques ;

- pour la CPME : M. Jean-Michel Pottier, vice-président en charge des affaires sociales et de la formation, accompagné de M. Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général, Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe et Mme Sabrina Benmouhoub, chargée de mission ;

- pour l'Union professionnelle artisanale : M. Alain Griset, président, accompagné de M. Pierre Burban, secrétaire général et Mme Thérèse Note.

Comme nous venons de le faire avec les organisations syndicales, il nous paraît important de recueillir votre avis sur les objectifs de ce projet de loi d'habilitation et les principaux domaines dans lesquels il ouvre la voie à une évolution de la législation du travail. Mais nous attendons également un éclairage sur les propositions plus précises formulées par le Gouvernement dans le cadre de la concertation en cours.

M. Alexandre Saubot, vice-président du Medef, en charge du pôle social . - Le monde patronal est très attaché au dialogue social et nous formulons deux souhaits principaux sur ces ordonnances : qu'elles traitent d'un maximum de sujets dans leur diversité, au plus proche du terrain, pour répondre aux objectifs de développement des entreprises, ainsi qu'aux inquiétudes des salariés et de nos concitoyens; qu'elles rendent effectivement le dialogue social accessible à toutes les entreprises, quelle que soient leur taille et leur situation. C'est pourquoi nous sommes attachés à ce que la loi d'habilitation soit précise, mais également suffisamment ouverte dans son champ, pour ne pas empêcher des réformes sur lesquelles nous serions d'accord. Il faut aussi que tous les sujets puissent être traités ensemble, car l'entreprise forme une collectivité non divisible - elle doit pouvoir négocier sur tous les curseurs, l'emploi, l'investissement, l'organisation du travail, la formation, à partir de sa situation particulière.

Le dialogue social doit être reconnu dans toutes les entreprises. Aujourd'hui, 95 % des entreprises représentant 55 % des salariés n'ont pas de présence syndicale, notre idée n'est pas du tout de contourner les organisations syndicales, mais de s'assurer que toutes les entreprises puissent se saisir de cette liberté de négocier - nous sommes ouverts à toutes les propositions sur le droit à la négociation, toutes les idées sont sur la table.

Enfin, s'agissant de la troisième thématique, à savoir la sécurisation des ruptures, il faut rappeler que la préoccupation constante du chef d'entreprise, c'est la pérennité de l'entreprise et son développement. Le chef d'entreprise considère l'éventuelle rupture du contrat de travail, les outils de flexibilité, le contrat de chantier, les conditions de recours au CDD comme des outils de pérennité de l'entreprise. Et une entreprise qui se développe est d'abord une entreprise qui prend des risques : plus le coût du risque est élevé, moins il est encouragé, moins la croissance et l'emploi sont au rendez-vous. N'ayons donc pas une lecture exagérément critique des intentions de l'entreprise, le chef d'entreprise vise d'abord la pérennité de l'activité : la rénovation des outils mis à sa disposition servira le pays tout entier.

M. Jean-Michel Pottier, vice-président de la CPME, en charge des affaires sociales et de la formation . - Le chef de PME que je suis dit qu'il y a urgence à agir, dans un monde complexe et insécure - et que cette urgence justifie les ordonnances. Voyez le délai de recours : il est de trois semaines en Allemagne et de deux ans en France, des procédures font courir un risque qui peut être mortel pour les TPE-PME lorsque leurs responsables ne maîtrisent pas des questions de droit ou parfois simplement formelles. Et ce que l'on constate, c'est que des chefs d'entreprises tétanisés regardent à trois fois avant d'embaucher, alors qu'il ont de l'activité devant eux - et qu'ils recherchent des alternatives à l'embauche, parce qu'elle leur paraît trop risquée. Nous avons donc besoin de stabilité du code du travail et d'une plus grande visibilité des règles, c'est un gage pour le retour de la confiance et donc le développement des entreprises.

Il faut que la rupture du contrat ne soit pas un drame, pour chacun des deux côtés, ce qui nous demande de trouver un nouveau mode opératoire.

Nous avons aujourd'hui l'occasion unique de réécrire le code du travail en considérant la situation des TPE-PME; ce constat a été maintes fois établi : le code du travail a été composé avec les grandes entreprises en ligne de mire, alors que notre pays n'en compte que 5400 aujourd'hui. Il faut donc prendre en compte le dialogue social qui se déroule dans les PME. Il est effectif mais qui passe sous les radars. C'est du reste ce que vous aviez courageusement proposé dans votre rédaction de la « loi travail », que le 49-3 a ensuite malheureusement défigurée.

Sur le contenu de cette habilitation, ensuite. L'article premier vise à accorder un droit effectif à la négociation d'entreprise quelle que soit sa taille, c'est-à-dire la possibilité de négocier dans l'entreprise dépourvue d'IRP : nous approuvons cette nouvelle façon de penser et d'être au service du dialogue social. Deuxième objectif de cet article : conforter la branche professionnelle dans son rôle de régulateur économique, contre les distorsions de concurrence. Un amendement nous inquiète, qui raccourcirait à 18 mois, au lieu de 36, le délai pour la restructuration des branches : le processus est en cours, nous progressons, attention à ne pas casser cette dynamique au motif que la Direction générale du travail fait arbitrairement coïncider branche professionnelle et convention collective !

L'article 2 accompagne la fusion des IRP, c'est utile et nous sommes favorables à ce que les compétences des représentants du personnel soient pleinement reconnues.

Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), enfin, seraient départementalisées : est-ce judicieux, alors qu'elles sont tout juste installées ? Ne vaudrait-il pas mieux leur donner les moyens de fonctionner ?

M. Alain Griset, président de l'Union des entreprises de proximité . - Le chiffre est connu : 95 % des entreprises françaises ont moins de vingt salariés, il faut les prendre en compte - ou bien leurs responsables continueront à être certains de ne pas bien appliquer les textes en vigueur. Une loi inapplicable crée de l'insécurité et bloque le développement des entreprises et, si les grandes entreprises ont évidemment toute leur place, il ne faut pas confondre leur situation avec celle des PME, des artisans et des professions libérales. Ensuite, il nous semble évident que l'accord de branche reste prioritaire : un accord d'entreprise n'aurait aucun sens s'il devait être négocié par quatre ou cinq salariés qui n'en n'auraient pas les compétences, c'est bien pourquoi l'accord de branche sécurise un cadre; cependant, il faut aussi rendre des dérogations possibles pour les entreprises, en fonction de leur situation et à condition de compensations pour les salariés.

Nous savons que seules 15 à 20 % des entreprises respectent l'obligation du délégué du personnel entre 11 et 20 salariés ; cette obligation étant inapplicable, est-il sain de la conserver ? Nous proposons de relever le seuil à 20 salariés.

Troisième élément important : le plafonnement des indemnités devant les prudhommes. Nous connaissons tous des exemples d'entreprises condamnées à verser des indemnités importantes pour de simples raisons de forme plutôt que de fond, ce qui met en danger l'avenir même de l'entreprise, des autres emplois; en plafonnant, vous rendrez service à l'emploi, aux territoires tout entiers.

Quant aux IRP, il n'y en a guère chez les artisans et les professions libérales, ce qui ne nous empêche pas de pratiquer le dialogue social dans nos entreprises, en particulier entre compagnons.

Il faut donc que cette réforme débouche sur l'adoption de règles spécifiques aux petites entreprises, ou bien elle n'aura servi à rien.

M. Alain Milon , président . - Vous vous concertez avec le Gouvernement sur des sujets bien précis et, d'un autre côté mais simultanément, nous allons adopter une loi d'habilitation : trouvez-vous que c'est de bonne méthode ?

M. Jean-Michel Pottier. - La concertation lancée par le Gouvernement est nouvelle et intéressante dans sa méthode, les positions des uns et des autres ont évolué au cours des rendez-vous successifs. Nous travaillons certes sur des hypothèses, ce qui complique un peu les choses - et le résultat ne sera connu qu'en fin de parcours, car « c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses ». La concertation thématique est approfondie, nous y parlons librement et, en douze années d'expérience, je peux dire que nous parlons avec les experts plutôt qu'avec des technocrates, nous allons au fond des sujets, autant que possible.

M. Alexandre Saubot. - Il y a urgence, l'expérience montre que le processus parlementaire rend difficile d'aller vite, l'idée d'un nouvel ensemble de règles pour septembre nous parait intéressante.

M. Alain Milon , président . - Reste que les ordonnances sont un processus républicain plutôt que démocratique. Nous allons habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances, en lui fixant des orientations, mais vous nous dites que certaines des mesures vous donnent satisfaction : est-ce à dire que vous connaissez déjà le contenu des ordonnances ?

M. Alain Griset . - Chacune de nos organisations est reçue séparément, pour six réunions thématiques, cela nous permet d'aller très loin dans l'analyse et les propositions, sans limites fixées a priori : c'est de bonne méthode. Nous n'avons pas connaissance précise des ordonnances elles-mêmes, mais nous souhaitons que l'habilitation ne ferme pas les possibilités ouvertes par la concertation.

M. Yves Daudigny . - Quel lien faites-vous entre la réforme du code du travail et l'amélioration de l'emploi dans notre pays ? Sur quels éléments vous fondez-vous pour établir ce lien ? Pensez-vous, ensuite, que la flexibilité telle qu'on la connaît en Europe du nord, soit transposable dans notre pays ? Quid, ensuite, de l'incidence des changements des règles du licenciement économique sur le transfert d'activité vers d'autres pays ?

M. Philippe Mouiller . - L'enjeu de la fusion des IRP vous paraît-il le même selon la taille des entreprises ? N'y a-t-il pas une fenêtre, ensuite, pour réformer le reclassement en cas de licenciement économique ? La notion de droit à l'erreur peut-elle être intégrée à la réflexion sur les prudhommes ?

M. Jean-Louis Tourenne . - Vous dites que la position du Sénat a été courageuse sur la loi travail, est-ce à dire que ceux qui n'étaient pas d'accord avec cette position majoritaire, ont manqué de courage ? Le plafonnement des indemnités prud'homales devait aider à la prévisibilité pour les entreprises, mais on nous dit que le juge pourrait déroger : n'est-ce pas ouvrir la brèche à ce que la dérogation ne devienne la règle et que l'imprévisibilité ne perdure ? N'est-il pas contradictoire, ensuite, de dire qu'il faut renforcer les syndicats mais organiser le dialogue social pour les cas où les syndicats sont absents ? Vous nous dites, enfin, préférer une loi d'habilitation assez large, pour laisser la négociation ouverte ; mais cela reviendrait à donner une sorte de blanc-seing au Gouvernement - ce que je me refuse à faire, comme parlementaire.

M. Dominique Watrin . - La dernière note de conjoncture de l'INSEE nous apprend que les chefs d'entreprises placent l'incertitude économique au premier rang des freins à l'embauche, loin devant la rigidité du code du travail, qui ne vient qu'en quatrième position. Vos perspectives d'activité ne sont-elles pas contrariées par les évolutions salariales et les coupes sombres dans les investissements publics ?

M. Georges Labazée . - Quels sont les secteurs les plus concernés par la réduction du nombre de branches ? Y a-t-il consensus sur les révisions en cours ? Le compte pénibilité est en passe d'être transféré à la branche accident du travail et maladies professionnelles : comment les cotisations seront-elles transférées ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Le champ de la loi d'habilitation vous paraît-il suffisamment étendu ? Souhaitez-vous le voir étendu à d'autres domaines - et lesquels ? Estimez-vous que la simplification est assez affirmée ? Je pense en particulier à certaines commissions et instances du dialogue social : quand les taux de participation tombent à 5 %, on est en droit de se demander quelle est la représentativité de certaines d'entre elles... Enfin, pensez-vous que ces ordonnances gagneraient à être ratifiées, ou bien qu'elles devraient rester de valeur réglementaire ?

Mme Catherine Procaccia . - Avez-vous un bilan de la DUP élargie et regroupée ? Pensez-vous, ensuite, que la ratification des ordonnances puisse aller dans le sens que vous souhaitez, de simplification du code du travail pour les TPE-PME et pour que la forme ne puisse plus l'emporter sur le fond devant les prudhommes ?

M. Michel Forissier . - Quelle est la place de la loi dans le processus en cours ? Vous dites discuter avec le Gouvernement, mais dans les faits, vous n'êtes pas dans une négociation, vous êtes seulement auditionné par le Gouvernement, qui prépare des ordonnances. C'est pourquoi je crois que la loi doit définir précisément l'habilitation, et non l'élargir comme vous le souhaitez, car les ordonnances vont changer le code du travail sans qu'il y ait eu négociation sociale : cela me pose un problème, d'autant que, même sans ratification, les changements seront applicables. La démocratie n'a pas véritablement sa place ici, vous êtes tributaire d'un couperet qui va tomber. Quant à l'urgence qui nécessiterait de ne pas passer par le Parlement, je n'en suis pas convaincu - pour la simple raison que cela fait déjà maintes années que nous travaillons sur le sujet.

M. Jean-Marie Morisset . - Le CDI de projet créera-t-il de l'emploi ? Quelles garanties offrira-t-il ? Quel seuil pour la fusion des IRP ? Enfin, sur la simplification du compte pénibilité, quelles assurances avez-vous obtenu ?

M. Alexandre Saubot. - Il ne faut pas se tromper de diagnostic : l'emploi résulte de la confiance des acteurs économiques, la réforme du code du travail y participe quand elle rend l'application des règles plus prévisible et moins chronophage - chaque fois qu'on allonge le code du travail, on le rend plus complexe, on oblige les entreprises à mettre plus de moyens juridiques en place, ce qui fait mécaniquement moins de moyens pour la production ou le commercial. La création d'emploi ne se décrète pas, la réforme du droit du travail améliore l'environnement des entreprises, parmi d'autres éléments - en particulier pour les petites entreprises.

S'agissant du périmètre d'appréciation des difficultés, l'objectif est d'être au plus proche du territoire : l'échelon national n'est peut-être pas toujours le plus pertinent, mais c'est déjà un pas dans la bonne direction, pour éviter des effets négatifs sur les implantations. Le critère des difficultés économiques a été reconnu chez nos voisins, sans provoquer d'exode - et nous ne demandons rien d'autre que l'application des mêmes règles que nos voisins.

La fusion des IRP n'est pas liée à la taille des entreprises, la réforme vise à limiter la dispersion : mieux vaut un lieu unique du débat, quitte à ce qu'on organise des réunions thématiques en tant que de besoin - alors qu'actuellement, l'entreprise est découpée par thèmes, avec des redondances dans le travail, voire des divergences entre instances différentes.

Les difficultés de reclassement sont évidentes, tant nos règles sont absurdes. Tous les licenciés économiques devraient être accompagnés dans leur reclassement, à l'échelle du bassin d'emplois, quelle que soit la taille de leur entreprise : c'est une question d'équité.

Le CDI de chantier est une faculté ouverte par la branche, pas un chèque en blanc - et c'est un progrès par comparaison à la situation actuelle où les entreprises signent des CDD bien plus courts que la durée d'un chantier.

Le compte pénibilité est transféré avec son financement, les entreprises continueront à s'en charger ; la réforme ne vise qu'à rapprocher la prévention et la réparation.

La DUP élargie a été réservée aux entreprises de moins de deux cents salariés ou celles qui augmentent leurs moyens consacrés au dialogue social : on comprend que les entreprises ne se soient pas précipitées. Quant aux négociations à partir de trois cents salariés, je crois qu'il n'y a pas eu plus d'une vingtaine d'accords.

Sur l'habilitation, nous sommes avertis de la jurisprudence constitutionnelle sur la compétence législative : nous ne souhaitons pas un champ vague, mais large, qui ouvre le plus grand nombre de domaines.

M. Jean-Michel Pottier. - Le ministère a publié deux bilans sur la concertation en cours, ils sont assez détaillés. En parlant de courage du Sénat lors de la loi « Travail », mon propos n'est pas politique, je veux seulement à souligner qu'il faut du courage pour adopter cette réforme attendue depuis longtemps par les PME.

Faut-il reconnaître un droit à l'erreur devant les prudhommes ? C'est très important de faire prévaloir le fond sur la forme, parce que les licenciements sans cause réelle et sérieuse du fait d'erreurs de forme sont traités comme des licenciements abusifs, avec des conséquences parfois très décalées de la situation constatée, c'est anxiogène pour les entreprises. Quant au plafonnement des indemnités, il avait été introduit par la loi « Macron », sans provoquer alors de grandes réactions...

La restructuration des branches professionnelles est en cours, la commission paritaire s'est réunie hier. On compte aujourd'hui 246 identifiants des conventions collectives (IDCC), notion utilisée par la direction du travail, 43 concernent des territoires particuliers, donc la restructuration porte sur 200 IDCC : le délai de trois ans est raisonnable, ne le changez pas - attention aux effets néfastes sur les conditions de concurrence.

Sur la pénibilité, l'évolution qui nous a été annoncée par le Premier ministre rejoint notre objectif. Il s'agit de sortir du champ de l'entreprise l'appréciation de l'exposition aux risques, car il était impossible de traiter certains critères- un rapport de l'inspection générale du travail avait d'ailleurs conclu à l'inapplicabilité pour les entreprises publiques. Le financement, mutualisé, restera à la seule charge de l'employeur. Je me félicite que le Premier ministre ait retenu notre appellation de « compte professionnel de prévention ».

La question de la représentation dans les réseaux de franchises doit effectivement être simplifiée : la situation actuelle est parfois ubuesque.

Le CDI de projet ne va pas assez loin de notre point de vue ; nous proposions un CDI de croissance, qui inclurait les facteurs économiques de réussite du projet. Les branches se saisiront de ce nouvel outil.

M. Alain Griset. - Quels liens entre la réforme du code du travail et l'emploi ? Des chefs d'entreprise qui ont de l'activité renoncent à embaucher parce qu'ils y voient un risque trop grand pour leur entreprise : c'est cela, notre réalité. Ce qui n'enlève rien aux difficultés de faire coïncider l'offre et la demande d'emploi, chacun sait les difficultés que l'on rencontre pour recruter sur certaines compétences.

Le contrat de chantier existe dans le bâtiment, il ne pose pas de problème particulier : son extension est positive.

Le droit à l'erreur, devant les prudhommes, représente un premier pas intéressant, mais nous comptons sur vous pour aller plus loin. Aujourd'hui, l'entreprise est coupable par principe : un simple retard de paiement d'une cotisation vaut sanction immédiate, alors qu'on gagnerait à davantage accompagner les entreprises, en premier lieu les PME. Le droit doit être le même pour tous, mais la méthode peut varier, il faut passer d'une gestion par la sanction, à une régulation par l'accompagnement, passer de l'entreprise coupable à l'entreprise utile.

S'agissant de la pénibilité, nous ne contestons pas l'objectif mais une mise en oeuvre impossible ; en outre, pourquoi la pénibilité n'est-elle pas reconnue pour le chef d'entreprise ?

Mme Catherine Procaccia . - Absolument !

M. Alain Griset. - Nous sommes donc favorables à tout ce qui réduit « l'impôt papier », c'est-à-dire le temps passé à des démarches et au détriment du travail de production lui-même.

Quant au dépassement du formalisme, c'est une ligne d'espoir, une révolution à conduire. Autant il faut sanctionner l'entrepreneur voyou, autant il est injuste de sanctionner l'employeur de bonne foi.

Il faudrait pouvoir examiner, également, des éléments de la vie quotidienne qui sont très pénalisants. Par exemple, quand un salarié se blesse lors d'une activité sportive qu'il suit en dehors de son travail et qu'il en résulte une inaptitude, c'est à l'employeur de payer le licenciement, alors qu'il n'y est pour rien ; la négociation a certes pointé ce type de problème, mais sans y apporter de solution.

Quant aux instances de dialogue social, je crois qu'il nous faut adapter les méthodes et les outils aux réalités de l'entreprise.

Mme Catherine Génisson . - Ne craignez-vous pas que la fusion des IRP se traduise par une professionnalisation de ceux qui participent à la nouvelle instance - donc par leur déconnexion au travail de l'entreprise en lui-même ? On le voit dans certaines situations syndicales, où les permanents sont moins opérationnels que les salariés...

M. Alexandre Saubot. - On a besoin d'interlocuteurs légitimes, représentatifs, formés, compétents, disponibles - autant de facteurs positifs pour un dialogue social pertinent. Cela demande un point d'équilibre et l'avantage, avec l'accord en cours, c'est qu'il ne sera plus possible de cumuler la présence dans plusieurs instances : la participation à une seule instance contribuera à l'ancrage dans l'entreprise.

M. Alain Milon , président . - Merci pour ces précisions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

IV. EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 19 juillet 2017, sous la présidence de M. Gérard Dériot, vice-président, la commission examine le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Gérard Dériot , président . - Notre rapporteur sur ce projet de loi n'est autre que le président de notre commission !

M. Alain Milon , rapporteur . - Notre commission effectue aujourd'hui sa rentrée législative avec un texte qui habilite le Gouvernement à modifier par ordonnances plusieurs aspects structurants du code du travail. Qu'il s'agisse de l'articulation entre la loi, la négociation collective et le contrat de travail, des institutions représentatives du personnel (IRP), des règles de licenciement ou encore du compte personnel de prévention de la pénibilité, le champ de ce projet de loi est extrêmement vaste et touche à des domaines qui sont parmi les plus techniques de notre droit social.

Compte tenu des contraintes de calendrier inhérentes à cette session extraordinaire, il aurait été préférable de limiter ce texte aux sujets les plus importants et urgents. Dans les délais extrêmement resserrés qui nous sont imposés, nous devons nous prononcer sur des habilitations touchant à près d'une quarantaine d'aspects de la législation du travail, dont certains auraient pu être traités ultérieurement.

Je souhaite qu'à l'avenir, comme l'a très justement demandé le Président de la République devant le Congrès le 3 juillet dernier, le Parlement dispose du temps nécessaire pour concevoir, discuter et voter la loi.

Pour autant, nous ne pouvons qu'approuver la philosophie de ce texte. Je soutiens résolument la volonté du Gouvernement de libérer les entreprises des contraintes juridiques qui entravent leur développement au détriment de l'emploi et de restaurer la compétitivité et l'attractivité de notre économie.

J'observe avec satisfaction que le projet de loi s'inscrit dans la continuité des travaux du Sénat réalisés depuis 2015 et reprend un très grand nombre de nos propositions. Rationalisation des IRP, harmonisation juridique des accords de flexisécurité, simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité ou encore création du barème obligatoire prud'homal : autant de thématiques sur lesquelles le précédent gouvernement nous avait opposé une fin de non-recevoir. Que de temps perdu depuis deux ans ! Sur certains points - par exemple, l'article 7 - le Gouvernement nous donne même raison face à la précédente majorité.

Je m'interroge sur la méthode : le Gouvernement nous demande de l'habiliter à prendre des ordonnances, qui ne sont que des contenants, alors même que la définition de leur contenu est loin d'être arrêtée. La concertation avec les partenaires sociaux devrait en effet se poursuivre jusqu'à la veille de la publication des ordonnances, annoncée pour la fin du mois de septembre. Les dispositions qu'entend arrêter le Gouvernement restent dans l'ensemble très floues, en dépit des deux bilans d'étape sur l'évolution de la concertation publiés récemment par le ministère. Après avoir traité de thèmes relativement consensuels, la concertation sociale a abordé des sujets sur lesquels les positions des partenaires sociaux apparaissent difficilement conciliables, comme la réforme des IRP ou celle du licenciement économique. Le Gouvernement a jusqu'à présent refusé d'abattre ses cartes : ce peut être un choix stratégique... ou un signe d'hésitation.

Notre assemblée est convaincue que la réussite d'une réforme en droit du travail dépend de la qualité du dialogue social qui l'a précédée. Depuis 2007 et la création par Gérard Larcher de la concertation préalable des partenaires sociaux, procédure inscrite à l'article L. 1 du code du travail, aucune réforme d'envergure n'a été conduite sans qu'ils soient saisis, même s'ils ont parfois refusé d'ouvrir une négociation.

Le Gouvernement n'a pas rompu avec cette tradition, comme l'a reconnu le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi. Je déplore néanmoins les délais très courts imposés aux partenaires sociaux, le choix du Gouvernement de ne pas formuler des propositions concrètes qui leur auraient permis de réagir ainsi que l'absence de réunions multilatérales pour confronter tous leurs points de vue.

Comme souvent, le temps de la démocratie sociale ne correspond pas à celui de la démocratie parlementaire, et leur articulation reste perfectible. Il est, pour nous parlementaires, malaisé de nous dessaisir de l'élaboration d'une réforme dont le contenu précis sera défini après notre vote par le Gouvernement et les partenaires sociaux.

Ce projet de loi d'habilitation compte dix articles. L'article 1 er donne une place centrale à l'accord d'entreprise dans l'organisation des relations individuelles et collectives de travail, approfondissant ainsi la dynamique de la loi « Travail », tout en sanctuarisant le rôle régulateur de la branche. L'accord d'entreprise primerait sur toute autre norme conventionnelle, sauf dans les matières réservées par la loi à l'accord de branche ou dans celles, limitativement énumérées par la loi, que les partenaires sociaux de la branche décideraient de ne pas déléguer en les verrouillant.

Cet article prévoit également la suppression de la commission de refondation du code du travail, créée par la loi « El Khomri » et qui n'a jamais vu le jour. Le Gouvernement envisage donc de se dispenser d'une expertise extérieure pour appliquer cette nouvelle architecture à l'ensemble du code du travail et plus seulement aux rémunérations et aux conditions de travail, comme initialement envisagé.

Le texte harmonise et simplifie les conditions de recours aux accords de flexisécurité, à l'instar des accords de maintien de l'emploi (AME) de 2013 et des accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE) de 2016. De manière plus large, il pourrait autoriser la création d'un régime juridique unique de la rupture du contrat de travail d'un salarié refusant l'application d'un accord collectif.

Dans le même sens, il donne une plus grande stabilité aux accords d'entreprise en cas de contentieux, en autorisant le juge à moduler dans le temps les effets d'une éventuelle annulation et à encourager le recours à la consultation des salariés pour valider un accord d'entreprise, sans toutefois à ce stade autoriser l'employeur à prendre l'initiative d'y recourir.

Enfin, l'article 1 er modifie en profondeur les règles du mandatement syndical afin de faciliter la conclusion d'accords dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.

L'article 2 pose les jalons de la plus profonde réforme de la représentation des salariés dans l'entreprise depuis trente ans. Il prévoit en effet une indispensable rationalisation. Je vous rappelle qu'aujourd'hui peuvent cohabiter dans les entreprises d'au moins cinquante salariés les délégués du personnel (DP), chargés de faire part à l'employeur des réclamations individuelles et collectives des salariés ; le comité d'entreprise (CE), qui doit être régulièrement informé et consulté sur la marche de l'entreprise ; et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dont la mission est notamment de prévenir les atteintes à la santé et à la sécurité des salariés.

L'article 2 habilite le Gouvernement à procéder à leur fusion en une instance unique. Cette mesure de simplification est souhaitée par nombre d'employeurs et même par de nombreux salariés, conscients du caractère illisible du système actuel. De nombreux points restent toutefois à préciser, notamment sur les moyens de cette nouvelle instance. Il conviendra de garantir sa capacité à ester en justice ainsi que la reprise intégrale des missions du CHSCT. En même temps, cette réforme n'aura du sens que si elle s'accompagne d'une plus grande efficience dans le fonctionnement de la représentation du personnel en entreprise.

Une incertitude existe sur l'intégration du délégué syndical (DS) dans cette instance unique. Contrairement aux IRP, le DS est chargé de défendre face à l'employeur des revendications, et non des réclamations, au nom des salariés. Surtout, il dispose du monopole de négociation des accords d'entreprise. Le transfert de cette compétence à l'instance unique, qui reste facultatif selon le projet de loi, marquerait une évolution majeure dans l'organisation du dialogue social dans l'entreprise. Elle est souhaitable mais ses conséquences juridiques n'ont sans doute pas toutes été clairement identifiées à ce jour.

L'article 2 promeut également le développement du chèque syndical qui donne la liberté aux salariés de financer le syndicat de leur choix grâce à des bons fournis par leur employeur. Les expériences menées jusqu'à présent, notamment chez Axa, ont produit des résultats mitigés. L'objectif affiché d'augmenter le taux d'adhésion syndicale n'aurait pas été atteint et un salarié sur deux seulement utiliserait cet outil.

Le Gouvernement veut renforcer le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) qui représentent les salariés et les employeurs des TPE. Les députés ont préféré « redéfinir leurs missions ». Ces commissions, instituées par la loi « Rebsamen » contre l'avis du Sénat, ont été mises en place au 1 er juillet dernier. N'est-il pas prématuré de les faire évoluer ?

L'article 3 instaure tout d'abord un référentiel obligatoire pour définir les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce référentiel avait été adopté dans le cadre de la loi « Croissance et activité » de 2015 sans susciter de polémique, avant que le Conseil constitutionnel ne le censure - tout en validant son principe. Il ne remet pas en cause les règles spécifiques applicables aux licenciements entachés par des actes de harcèlement ou de discrimination. Il est très attendu par les TPE et PME pour lesquelles la très grande hétérogénéité et l'imprévisibilité des jugements prononcés par les conseils de prud'hommes sont incompréhensibles et parfois préjudiciables à leur développement.

Ces mêmes employeurs sont parfois condamnés pour des irrégularités de pure forme dans la procédure de licenciement. L'article résout ce problème en faisant primer le fond sur la forme et en ouvrant la voie à une régularisation en cours de procédure contentieuse.

L'article 3 autorise également le Gouvernement à définir le périmètre géographique et le secteur d'activité dans lesquels doit être appréciée la cause économique d'un licenciement prononcé par une entreprise appartenant à un groupe international. En l'absence de définition légale, il est revenu au seul juge judiciaire de déterminer le niveau pertinent. Il s'agit le plus souvent, d'après une jurisprudence constante de la Cour de cassation, du niveau européen - voire mondial dans certaines affaires. Cette approche n'est pas partagée par la majorité de nos voisins et méconnaît la réalité économique.

Cet article encourage aussi le développement de certaines formes particulières d'emploi. Les accords de branche pourront ainsi adapter les règles de recours au CDD, à l'intérim et au « CDI de chantier ». Le développement du télétravail est encouragé, tout comme le prêt de main d'oeuvre entre de grands groupes et des start up.

Le Gouvernement entend également renforcer la conciliation prud'homale. Je crains que ce souhait n'ait pas plus d'effets que les mesures prises depuis 2013. Seule une réforme globale et ambitieuse des conseils de prud'hommes pourrait corriger les graves dysfonctionnements, liés notamment à un manque criant de moyens et de formation, qui pénalisent employeurs comme salariés.

Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement prolongeant de trois mois le mandat des conseillers prud'hommes sortants, qui arrive à expiration le 1 er janvier prochain, afin qu'ils puissent juger les dernières affaires dont ils auront eu à connaître.

L'article 4, très technique, adapte les règles d'extension et d'élargissement des accords de branche.

L'article 5 constitue le socle de la réforme à venir du compte personnel de prévention de la pénibilité que le Sénat n'a eu de cesse d'appeler de ses voeux. Le Premier ministre en a récemment présenté les grandes lignes et vous avez sous les yeux la lettre qu'il a adressée sur ce point aux partenaires sociaux. Les quatre critères de pénibilité les plus difficiles à mesurer - manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux - ouvriront droit à un départ anticipé à la retraite, après examen médical, en cas de maladie professionnelle ayant conduit à un taux d'incapacité d'au moins 10 %. Leur suivi annuel n'aura plus à être réalisé par l'employeur. Par ailleurs, le financement de ce dispositif sera désormais assuré par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) : nous en débattrons sans doute lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement pourra procéder à la mise en cohérence du code du travail pour tenir compte des différentes lois adoptées depuis 2015 en application de l'article 6. L'article 7 proroge d'un an la période transitoire dont disposent certains commerces pour s'adapter à la réforme du zonage dérogatoire en matière de repos dominical. L'article 8 fixe à trois mois à compter de la publication des ordonnances le délai de dépôt de leurs projets de loi de ratification. L'article 8 bis, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale, est une demande de rapport, dans un délai de dix-huit mois, sur les effets des ordonnances - on sait ce qu'il en sera... Enfin, l'article 9 autorise le report d'un an de la mise en place du prélèvement à la source. Notre commission en a délégué l'examen au fond à la commission des finances.

Le périmètre et les implications de ces réformes sont comparables à ceux de la loi « Travail » qui nous avait mobilisés l'an dernier pendant deux semaines entières dans l'hémicycle. Nous n'en sommes certes qu'au stade de l'habilitation mais les délais et les conditions d'examen de ce texte ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Ce texte place sur un pied d'égalité des réformes structurelles ou techniques urgentes, d'autres tout aussi importantes mais moins urgentes ainsi que différentes mesures plus secondaires qui auraient eu davantage leur place dans un projet de loi ordinaire ultérieur. Le Gouvernement fait le pari qu'il pourra publier toutes les ordonnances dans un délai de six mois à compter de la promulgation de cette loi, à l'exception de celles de coordination prévues à l'article 6 pour lesquelles le délai est de douze mois.

Sans remettre en cause son équilibre général, je souhaite renforcer l'ambition de ce texte en poursuivant trois objectifs : développer la compétitivité et l'attractivité de l'économie ; tenir compte des spécificités des petites entreprises ; rationaliser notre droit du travail au profit des salariés et des employeurs. C'est l'objet des amendements que je vous présenterai.

Même si je n'appartiens pas à la majorité présidentielle, je souhaite sincèrement le succès de cette réforme qui peut moderniser le modèle social français en levant les trop nombreux freins qui pèsent sur l'emploi. Nous habiliterons la semaine prochaine le Gouvernement à transformer notre droit social. J'espère qu'il sera à la hauteur des attentes du Sénat : nous en jugerons lors de l'examen des projets de loi de ratification.

La commission mixte paritaire devrait se tenir lundi 31 juillet prochain à l'Assemblée nationale. Celle-ci prévoit dans sa délégation quatre députés En Marche, un député du Modem et deux de l'opposition, alors que jusqu'alors trois sièges étaient laissés à l'opposition dans chaque chambre. Si nous continuons à respecter nous-mêmes cette tradition, le Sénat n'aura pas son mot à dire sur ce texte.

M. Gérard Dériot , président . - La démocratie est en danger ! En République, c'est elle qu'il faut protéger avant tout.

M. Georges Labazée . - L'article 2 fusionne les CHSCT à un ensemble plus vaste. J'y suis très réticent. La santé des employés est un domaine bien spécifique, indépendant des négociations salariales ou des accords, qu'ils soient de branche ou d'entreprise. Quant aux conseils de prud'hommes, ils ont fait l'objet de nombreuses propositions de réforme par notre commission, notamment lors de l'examen de la loi « Rebsamen ». Il est désormais question de les faire quasiment disparaître, faute de moyens. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est exactement ?

Mme Catherine Deroche . - On ne peut que se réjouir de ce projet de loi, qui libèrera les entreprises comme nous le souhaitons depuis des années. Il profitera aussi aux plus petites, ce qui n'a pas été le cas pour les textes précédents, inspirés par le Medef et contre lesquels elles s'étaient insurgées. Je pense par exemple aux décrets ubuesques sur la pénibilité, imposant de mesurer l'angle exact de certaines postures au travail... Il a fallu plusieurs années au Gouvernement pour prendre conscience de l'absurdité de la chose. Il l'a fait, tant mieux ! Il faudrait néanmoins prévoir une clarification du contenu des ordonnances à venir. Sur ce point, j'attends avec impatience la présentation des amendements du rapporteur.

Nous avons reçu la semaine dernière les organisations syndicales. Alors que le Gouvernement parle d'un dialogue social formidable, l'une d'entre elles, réputée réformiste, a exprimé d'importantes réserves ; une autre, dont on nous disait qu'elle resterait silencieuse parce qu'elle représente surtout le secteur public qui n'est guère concerné, s'est montrée très critique... La CPME, coeur de cible en quelque sorte, parle certes d'avancées. La situation n'est en tout cas pas si idyllique ! Il est vrai qu'il est étrange de travailler en concertation sur un texte aussi mouvant. Mon groupe sera favorable à ce projet de loi d'habilitation, sous réserve des conclusions de la CMP. Je suis étonnée que cinq sièges soient attribués à des députés de la majorité... Sauf à considérer que le Modem est dans l'opposition ?

Mme Catherine Génisson . - Libérer l'énergie des entreprises, très bien. Je partage cependant les interrogations du rapporteur sur la méthode. Le CHSCT est un organe à part. La ministre nous dit qu'il ne doit pas s'exonérer des exigences liées à la productivité. Certes, mais de bonnes conditions de travail en sont un ingrédient essentiel ! Il faut préserver intégralement ses fonctions. Quant à la pénibilité, je veux bien qu'on fasse appel à des experts pour évaluer les quatre critères les plus délicats. Mais on en revient à la démarche antérieure qui consistait à l'associer à une réparation, quand nous souhaitions que sa reconnaissance débouche sur la possibilité de partir à la retraite en bonne santé. Le texte parle d'un taux d'incapacité de 10 %, comme le faisait la loi Fillon que nous avions combattue. L'objectif est de reconnaître un droit, pas de réparer une invalidité qu'on aura laissé survenir.

M. Dominique Watrin . - Nous voterons contre ce rapport qui s'inscrit dans la logique des ordonnances annoncées. Nous rejoignons toutefois le rapporteur dans sa dénonciation de la précipitation du Gouvernement qui cherche ainsi à déjouer toute contestation sociale. D'ailleurs, le rapporteur a dit la semaine dernière tout le mal qu'il pensait des ordonnances et ses critiques, aujourd'hui atténuées, étaient justes car le Parlement se trouve dessaisi d'une large part de son pouvoir. Vous dites également que le Gouvernement reprend nombre d'éléments du programme de la majorité sénatoriale. Voilà qui est clair et l'est encore plus dans la bouche de Christian Jacob qui a déclaré à l'Assemblée nationale que la ministre a repris 80 % d'une proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains !

Notre critique de ce texte est globale et nous l'expliciterons en séance publique, en dénonçant un par un les reculs qu'il comporte dans les protections des salariés. Ainsi, l'article 1 er donne une place centrale aux accords d'entreprises, ce qui est une rupture historique qui facilitera le dumping social. Le recours unilatéral au référendum par l'employeur est très dangereux et dénature le sens même du droit du travail, élaboré au fil du temps pour compenser le lien de subordination.

La fusion des IRP est un recul grave et la disparition du CHSCT comme entité autonome aura des conséquences considérables. C'est la fin du contrôle spécialisé des conditions de travail, alors même qu'une agence de santé a révélé récemment qu'un salarié sur huit est exposé à un facteur cancérigène.

L'appellation de CDI de chantier n'est rien d'autre qu'un détournement de langage, puisque ces contrats sont pires que des CDD ! Ils n'ouvriront pas droit à la prime de précarité. Nous contestons également la barèmisation des indemnités prud'homales qui avait été retirée sous la pression sociale et en raison de la position du Conseil constitutionnel. Il n'y a pas à voir d'injustice dans la différence des jugements rendus car le but est d'indemniser un préjudice qui par définition varie selon les situations individuelles. C'est faire peu de cas de cette institution paritaire qui a démontré son utilité.

Nous contestons tout autant la modification du périmètre d'appréciation des difficultés économiques décidée à l'Assemblée nationale, censée favoriser l'investissement étranger en France. Quand on connaît l'agilité dont font preuve les grands groupes internationaux pour mettre en difficulté telle de leur filiale afin d'accroître leur rentabilité boursière, on peut imaginer que cette disposition sera détournée de son but.

Cette énième réforme du travail ne répond nullement aux graves problèmes du chômage et de la précarité. Comment accepter que des salariés ne parviennent pas à vivre de leur travail ? La ministre ne nous a pas expliqué en quoi ce texte va créer de l'emploi. Il s'agit surtout de reprendre de vieilles lunes patronales. Sous couvert de modernisation, ce projet de loi est largement inspiré par le Medef. Pierre Gattaz a promis la création d'un million d'emplois : nous verrons ce qu'il en sera. Venant d'un gouvernement si sensible aux évolutions technologiques, ce texte ne règle aucun des problèmes liés au numérique. Or les travailleurs qu'on appelle indépendants sont souvent subordonnés à une plateforme numérique, sans bénéficier des protections offertes par le code du travail. Et aucun bilan n'a été fait des apports des lois précédentes. Nous voterons contre ce texte.

M. Philippe Mouiller . - Bravo au rapporteur pour cet exercice difficile, contraint par des délais très courts et avec des informations délivrées au compte-goutte. Il faut faire encore davantage pour les plus petites entreprises. Nous attendons vos amendements avec impatience. Pourquoi le Sénat, qui a déjà beaucoup travaillé sur ces sujets, ne se ferait-il pas force de proposition au lieu d'attendre que les ordonnances soient rédigées par le Gouvernement ?

M. Jean-Louis Tourenne . - Je partage les observations formulées sur la méthode : il n'y a pas urgence ! Le Président de la République a toujours prétendu qu'il fallait avant tout évaluer l'existant. Or la loi « El Khomri » a été votée tout récemment et n'a nullement été évaluée. La précipitation du Gouvernement est regrettable. Je note que vous n'avez pas boudé votre plaisir à rappeler sur quels points vous avez eu raison avant tout le monde ou sur quels sujets le Gouvernement nous a donné raison : à la bonne heure !

Des deux ambitions de ce texte - accroître la compétitivité des entreprises et assurer davantage de sécurité aux salariés - seule la première est réellement servie. Pour les salariés, il n'y a que des régressions. Le plafonnement des indemnités prud'homales est inacceptable et contraire au droit français, dans lequel tout jugement doit être individualisé. La réduction des délais de recours sur les accords collectifs n'a d'autre but que de compliquer le dépôt d'un recours. Avec la lettre standardisée, le licenciement se transforme en une formalité administrative, ce qui est choquant quand on pense à ce qu'il recouvre de détresse humaine. Le travail de nuit doit rester exceptionnel et justifié par des circonstances particulières, c'est un principe fondamental. Ce texte le banalise.

Les CDI de chantiers durent... la durée du chantier. CDI n'est pas le meilleur nom à leur donner. Aucune prime de précarité n'y est associée et ils déboucheront sur des licenciements non économiques, donc avec une indemnisation réduite.

Je partage entièrement le point de vue de Catherine Génisson sur la pénibilité : ce texte renverse l'optique qu'avait adoptée le législateur. C'est sur la prévention qu'il faut travailler, pas sur la réparation.

La fonction syndicale subit des régressions par rapport à la loi « El Khomri ». Le mandatement disparaît. La négociation dans l'entreprise pourra se faire directement, en l'absence de syndicat, avec le délégué du personnel. S'il n'y en a pas, comment pourrait-il y avoir négociation ? Les deux parties doivent être au même niveau de maîtrise du droit. Et le référendum d'initiative patronale est toujours envisagé. Il faut absolument conserver le CHSCT, qui doit conserver la possibilité d'ester en justice. Je ne participerai pas au vote.

M. Yves Daudigny . - J'avais suivi attentivement les discussions sur la loi « El Khomri », que j'ai votée avec conviction. Je partage la philosophie de ce projet de loi - mais n'engage pas, sur ce point, mon groupe. Je m'appuie sur la position des syndicats réformistes, qui a évolué depuis les débats sur la loi « El Khomri ». J'ai bien sûr des réserves sur la procédure mais, en 1982, les parlementaires ont-ils eu plus d'informations sur les ordonnances que préparait le gouvernement Mauroy ? Il est vrai qu'il s'agissait de donner une cinquième semaine de congés payés...

Le diable est dans les détails, or nous ne connaissons pas le contenu des ordonnances. La ministre a évoqué à plusieurs reprises le monopole de négociation des accords d'entreprise, mais il n'y a pas de solution satisfaisante. Le Gouvernement veut rénover le dialogue social, ce qui suppose deux partenaires, et le deuxième ne peut être constitué que par les syndicats. Nous devons y veiller, tout en imaginant des adaptations pour les plus petites entreprises. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'article 4 ?

M. Jean-Pierre Godefroy . - Fusionner les IRP ? Il n'est pas interdit d'y réfléchir mais cela portera un coup grave aux missions du CHSCT. Celui-ci est là pour vérifier les conditions de travail et préserver la santé des travailleurs. Quid s'il est fusionné au sein d'une instance ayant pour vocation d'accroître la productivité ? Il doit au moins garder la possibilité d'ester en justice. Rappelons-nous la création des comités permanents amiante, censés vérifier les conditions d'utilisation de l'amiante et qui n'ont fait que l'autoriser sous conditions, ce qui a été déplorable pour les travailleurs. Ce texte m'inquiète pour la santé des travailleurs : remise en cause du compte pénibilité, suppression du CHSCT, transfert de la prévention à la branche AT-MP... Nous quittons la logique de prévention pour une logique de réparation. Or le rapport que j'avais rédigé avec Catherine Deroche montrait bien que la prévention devait être prioritaire, et la Cour des comptes a souligné que la branche AT-MP ne faisait pas suffisamment de prévention.

L'application d'un barème aux indemnités pour licenciement abusif est une erreur. En droit français, la peine est individualisée, la réparation aussi ! Le préjudice pour un licenciement abusif varie selon les cas, et confier au juge son évaluation est un frein aux licenciements abusifs.

Les contrats de chantier étaient une dérogation réservée à la sphère du bâtiment. Pourquoi cette généralisation ? Allons-nous passer des intermittents du spectacle aux intermittents de l'emploi ?

Enfin, on nous demande d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Soit. Mais si nous ne votons pas la loi de ratification de ces ordonnances, que se passera-t-il ? Eh bien, ces ordonnances resteront en vigueur. Simplement, elles auront valeur règlementaire, et pourront être contestées devant le tribunal administratif. En somme, c'est un 49-3 déguisé ! Voter une loi d'habilitation revient dès lors à se passer la corde au cou...

Mme Laurence Cohen . - Bravo, c'est clair !

M. Jean-Marc Gabouty . - J'approuve le rapport, tout en m'interrogeant sur la méthode. Plusieurs candidats à la présidentielle avaient annoncé des ordonnances. L'exercice est frustrant, car nous débattons sur le contenu mais ne votons que sur le contenant. Nous avons là l'un des six textes annoncés pour rénover en profondeur notre modèle social. Les cinq autres concerneront le pouvoir d'achat, la formation professionnelle, l'assurance-chômage, l'apprentissage et le système de retraite. Du coup, ce qui ne relève pas des cinq autres doit selon moi trouver sa place dans celui-ci. Ainsi, de la simplification du code du travail, qui est indispensable.

Le Gouvernement a bien fait figurer un article 9 ayant tout d'un cavalier. Philippe Mouiller a raison : essayons de faire passer nos propositions dans ce texte. Ce qu'attendent les acteurs économiques et sociaux, c'est une simplification.

Pour l'instant, nous ne connaissons ni les planchers ni les plafonds des référentiels des indemnités prud'homales. S'ils sont trop élevés, la réforme sera inutile. S'ils sont trop bas, le risque sera un nivellement. Et quid des procédures d'appel ?

Je suis contre les usines à gaz comme le compte pénibilité. Mais la prise en compte a posteriori de la pénibilité par le biais d'un taux d'incapacité m'interpelle, même si cela avait été prévu dans la loi Fillon. Il aurait fallu rechercher d'autres critères.

J'ai entendu les arguments avancés par certains sur le travail de nuit. N'oublions pas que celui-ci n'est pas uniforme ! Il ne s'agit pas forcément de travailler de 22 heures à 6 heures du matin. Parfois, c'est jusqu'à 23 heures, ou à partir de 5 heures. Le travail de nuit ne doit pas être considéré comme absolument exceptionnel.

Je suis favorable au texte du Gouvernement dans son ensemble, sous réserve que nous puissions l'améliorer, et je suis favorable au rapport.

M. Daniel Chasseing . - Je suis tout à fait favorable au rapport. La compétitivité et la baisse des charges sont primordiales pour l'emploi. Or les petites entreprises sont bloquées, dans leur développement, par le code du travail. Lorsqu'elles manquent de vision quant aux charges du travail, elles préfèrent ne pas embaucher plutôt que de risquer de licencier. Ce projet de loi n'est ni une régression ni une précarisation. La précarisation, c'est le chômage ! Ce texte aide les entreprises à embaucher et parfois malheureusement à débaucher plus facilement. Le code du travail a été conçu pour les grandes entreprises ; les petites dénoncent des plafonds d'indemnités prud'homales qui vont de un à cinq selon les juridictions. Il faut un seul plafond. Dans la même veine, le délai de deux ans pour faire un recours contentieux est bien trop long. Enfin, le compte pénibilité actuel est impossible à mettre en oeuvre par les chefs d'entreprise. Il faut qu'il soit gérable !

Mme Nicole Bricq . - Je voudrais faire un rappel historique, en matière de méthode. Au début du quinquennat précédent, les accords nationaux interprofessionnels, une fois conclus, avaient été transposés dans des projets de loi puis transmis au Parlement pour qu'il légifère. Nous n'avions pas pu en modifier une virgule. Là, les parlementaires jouissent d'une liberté d'action bien plus grande.

Agir vite n'est pas se précipiter. Ce n'est pas parce que le débat à l'Assemblée nationale a été indigent qu'il le sera au Sénat, qui a un avantage compétitif : il est allé au bout de l'examen des lois « Rebsamen », « Macron » et « El Khomri », y passant des jours et des nuits, contrairement à l'Assemblée nationale dont les débats ont été interrompus par le 49.3. Nous ne découvrons pas ces sujets.

La méthode est inédite mais il ne faut pas s'étonner que le chemin se fasse en marchant, camino caminando. Ce projet de loi supprime la querelle sur l'application de l'article L. 1 issu de la loi Larcher. Les organisations syndicales et patronales ont toutes dit que les conditions étaient remplies.

Logiquement, l'article 1 er de la loi « El Khomri », qui crée la commission de refondation du code du travail, doit être abrogé.

Nous avons eu une discussion infernale sur l'inversion de la hiérarchie des normes que l'article 2 de la loi « El Khomri » aurait créée. En droit pur, c'est faux. On nous demande plutôt d'élargir le champ conventionnel en consacrant le principe de la primauté de l'accord d'entreprise. La loi et le code du travail demeurent !

À la commission des affaires sociales, nous sommes six membres du groupe La République en marche. Nous nous opposerons à tout amendement accroissant la flexibilité ainsi que tout ce qui rejette la logique du texte. Quant aux amendements du rapporteur, nous les étudierons avec beaucoup d'attention.

Mme Isabelle Debré . - Félicitations au rapporteur. Dans son rapport, il précise que ce texte place sur un pied d'égalité des réformes structurelles ou techniques urgentes et d'autres tout aussi importantes mais moins urgentes. Les acteurs attendent avant tout de la stabilité et de la sécurité juridique. Nous légiférons beaucoup trop, beaucoup trop souvent.

Hier, la ministre a déclaré travailler sur les seuils. Monsieur le rapporteur, avez-vous de nouvelles informations à ce sujet, depuis hier soir ? Selon le seuil, les obligations des entreprises changent considérablement.

Avec Nicole Bricq, nous faisons partie du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (Copiesas). Nous nous sommes réunis il y a quelques mois sous la présidence de Christophe Castaner. On nous avait promis des avancées. Les entreprises de dix à cinquante salariés qui ne disposent pas de délégué syndical mais d'un représentant du personnel ou d'une personne mandatée par un syndicat - on sait que le mandatement ne fonctionne pas - pâtissent d'une iniquité évidente.

Je compte sur Nicole Bricq, qui est proche du pouvoir, pour l'influencer sur le sujet de la participation.

Mme Annie David . - Je partage le sens de l'intervention de Dominique Watrin. J'entends l'expression « libérer les entreprises ». Oui, mais pour quoi ? Pour faire plus de profits ou pour créer des emplois ? À l'issue de ce texte, je doute qu'il y ait beaucoup de créations d'emplois... On parle des entrepreneurs : n'oublions pas les salariés. On dit que ce texte serait gagnant-gagnant. Les grands gagnants, ce sont les employeurs. L'impact sur la création d'emploi est minime.

Dans sa dernière note de conjoncture, l'Insee place la crainte de ne pouvoir licencier en quatrième position seulement des freins à l'embauche ; le premier est le carnet de commande et le deuxième, le paiement dans les temps par les donneurs d'ordre.

Hier, la ministre a dit qu'elle venait pour la première fois à la commission des affaires sociales. C'est la deuxième. Elle était déjà venue, invitée par le groupe de travail sur le mal-être au travail. Avec Jean-Pierre Godefroy, nous avons rédigé un rapport très intéressant. En 2010, dans le rapport Bien-être et santé au travail, Muriel Pénicaud écrivait : « La santé au travail réconcilie le social et l'économique. Investir dans la santé au travail est d'abord une obligation sur le plan humain : de plus, ce n'est pas une charge, c'est un atout pour la performance. »

Son discours a un peu changé... Parmi les facteurs de stress, elle citait la peur du chômage, l'utilisation à mauvais escient des nouvelles technologies, la financiarisation accrue de l'économie, les difficultés dans les relations avec la hiérarchie, surtout lorsque l'isolement réduit les temps d'échange et de passage des consignes. Elle préconisait en conclusion une place accrue pour le CHSCT, que ce texte élimine, ou plutôt fusionne. Si une entreprise est répartie sur plusieurs sites, chaque site dispose bien d'un CHSCT, mais pas de l'ensemble des IRP. Cette fusion d'instances est une mauvaise chose.

Pas moins de 92 % des contentieux prud'homaux concernent des licenciements abusifs. En plafonnant les indemnités, on donne un blanc-seing aux employeurs malhonnêtes.

Mme Nicole Bricq . - Ce ne sont pas les indemnités que l'on plafonne !

Mme Annie David . - Le rapporteur explique que les employeurs sont parfois condamnés pour des irrégularités de pure forme dans la procédure de licenciement et que l'article 3 vise à répondre à cette préoccupation en faisant primer le fond sur la forme. Pourtant, souvent, la forme est utilisée pour cacher le fond et favoriser les licenciements abusifs. On connaît les astuces de certains grands groupes pour isoler des unités et les mettre en faillite ou les vendre. Là encore, les patrons sont gagnants.

L'article 4 n'est pas seulement technique. Il donne la possibilité aux patrons des petites entreprises de faire ce qu'ils veulent, même s'opposer au ministre du travail !

Le compte pénibilité, évoqué à l'article 5, est compliqué à mettre en oeuvre. Mais le projet de loi n'autorise le départ en préretraite que des salariés déjà malades, avec 10 % d'invalidité. Or, l'espérance de vie en bonne santé des salariés effectuant des travaux pénibles est plus faible que celle des cadres. Ils ne pourraient pas partir plus tôt s'ils sont en bonne santé. C'est inacceptable, et ce, d'autant plus que la partie financière est transférée à la branche AT-MP, ce qui déresponsabilise les employeurs.

Nous devrons être vigilants sur la recodification du code du travail inscrite à l'article 6. Cela ne se fait jamais à droit constant... L'article 7 porte sur le repos dominical. Là encore, l'employeur est gagnant. Nous sommes face à un 49.3 déguisé, puisque nous devons voter pour un texte dont on ne connaît rien. C'est inacceptable.

M. Gilbert Barbier . - Le 1° de l'article 5 pose problème. Je m'interroge sur le devenir du compte pénibilité. La lettre du Premier ministre aux partenaires sociaux atteste de ce manque de prise en compte de la prévention des risques. Se contenter d'une visite médicale en fin de carrière pour évaluer les droits du salarié est un peu rapide. Le Premier ministre annonce dans sa lettre une révision de la liste des maladies professionnelles, au nombre de 99 dans le régime général et de 59 dans le régime agricole. Cet article ne nous satisfait pas.

M. Olivier Cadic . - Je partage les analyses du rapporteur et la volonté du Gouvernement de simplifier et d'assouplir le droit du travail. C'est la quatrième fois en trois ans que nous y revenons. Il faut aller plus vite, si c'est possible. Je regrette la suppression de la commission de refondation du code du travail. Le maintien des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) constitue un autre sujet. On pouvait se donner le temps de reporter leur mise en place. Je suis surpris que le Gouvernement se soit attaché ce boulet au pied.

Je tiens à dire à Jean-Louis Tourenne qu'on ne licencie pas comme on remplit un imprimé, on en est même très loin ! Il y a aussi des démissions abusives d'employés qui profitent de formations payées par leur entreprise et vont ensuite se vendre ailleurs au plus offrant.

Compte tenu de la situation, les entreprises ont une vraie attente. Le Président de la République a su créer de l'espoir. Montrons au Gouvernement que nous souhaitons qu'il aille le plus loin possible, faute de quoi la déception sera à la mesure de l'attente.

M. Gérard Roche . - Voici un exercice particulier. Rappelons-nous des débats sur la loi « El Khomri ». J'avais été choqué de voir que des élus de droite faisaient la fine bouche alors que le gouvernement accomplissait ce que la droite n'avait pas osé faire.

La gauche de la gauche a refusé de faire barrage à l'extrême-droite en raison de l'annonce des ordonnances. Cela pose problème. Le contexte sénatorial est différent de celui de l'Assemblée nationale. Le débat, insuffisant au sein de cette dernière, sera peut-être plus riche mais il ne sera pas clair pour autant, en raison de la composition de l'hémicycle.

Je soutiens le Gouvernement et le président Macron car je suis séduit par le concept de « ni droite ni gauche », dans mon tempérament depuis longtemps. Les Français ont voté en sachant qu'il proposerait des ordonnances. Peut-être ont-ils compris, selon le bon sens populaire, que les intérêts des salariés ne concordaient pas avec ceux de certains syndicats.

L'article 2 ne m'inquiète pas. Dans la fonction publique, j'ai suivi les comités techniques paritaires et les commissions d'hygiène et j'ai constaté que les questions abordées étaient les mêmes dans les deux instances. Qu'on fusionne les délégués du personnel, le comité d'entreprise et le CHSCT ne me gêne pas.

On peut comprendre la réserve de certains collègues sur l'article 3.

Il est essentiel, comme l'a souligné Catherine Génisson, de ne pas confondre pénibilité et compensation. J'avais été outré par Nicolas Sarkozy lorsqu'il avait présenté comme pénibilité ce qui était une adaptation du handicap au travail. Dans ce projet de loi, on retombe dans la compensation, ce qui me gêne. Au Sénat, lorsque nous avions travaillé sur la pénibilité, nous avions proposé que celle-ci, dans les petites entreprises, ne soit pas définie par la tâche mais le métier. C'est important.

Mme Patricia Schillinger . - Seule Alsacienne présente dans cette commission, je voterai le projet de loi d'habilitation mais serai vigilante quant à l'atteinte éventuelle à notre droit local, que je défendrai, comme d'habitude. Le repos dominical, les jours fériés, le maintien du salaire en cas d'absence, la durée de préavis et la clause de non-concurrence sont déjà bien définis.

M. Alain Milon , rapporteur . - Je suis d'accord avec Nicole Bricq pour dire que les débats, à l'Assemblée nationale, ont été décevants, alors que l'an passé, elle n'avait pas pu discuter de la loi « El Khomri ».

Georges Labazée a parlé des prud'hommes. La réforme de la désignation des conseillers n'a pas d'impact sur leur fonctionnement. En revanche, on constate que les jugements, sur des cas identiques, sont totalement différents d'un conseil des prud'hommes à un autre. Les conseillers manquent de formation et de moyens. En tant que président de la commission des affaires sociales - et non rapporteur - je propose de rencontrer le président de la commission des lois, notre collègue Philippe Bas, pour que nous engagions en commun un travail sur les prud'hommes et puissions émettre des propositions de transformation et d'amélioration.

Pour répondre à Catherine Génisson, je présenterai un amendement de formation globale des salariés membres de l'instance unique. Le projet de loi prévoit la possibilité de créer des commissions d'hygiène et de santé au travail à l'intérieur de l'instance unique. Les CHSCT avaient une mission spécifique qui doit être conservée.

Dominique Watrin a dénoncé de la précipitation et regretté que nous votions une loi d'habilitation sur des ordonnances que l'on ne connaît pas. Nous avons toutefois la possibilité de bien cadrer la loi d'habilitation. C'est important. Nous pourrons suivre l'élaboration des ordonnances et aurons la possibilité de les ratifier ou non. Le projet de loi de ratification devrait être discuté en 2018.

Il a aussi évoqué le risque de dumping social. Je ne le crois pas. Ce prétendu dumping sera évité grâce aux accords de branche qui auront le monopole sur plusieurs sujets, dont la gestion de la qualité de l'emploi.

Enfin, il a parlé de la barémisation. Il ne s'agit pas de supprimer la liberté du juge de prononcer une indemnisation individuelle, mais de fixer un plafond selon l'ancienneté. Le Conseil constitutionnel a accepté le principe du barème en 2015.

Le volet numérique du projet de loi ne porte que sur le télétravail et le prêt de personnel entre grands groupes et start up. La numérisation est un sujet important. Si vous êtes intéressés, nous pourrions y consacrer une mission d'information et formuler des propositions.

Cher Jean-Louis Tourenne, on a le droit d'avoir des petits plaisirs : 80 % du projet de loi d'habilitation reprend la rédaction de la loi « El Khomri » adoptée par le Sénat mais non reprise par l'Assemblée nationale. C'est une reconnaissance importante de notre travail.

Lors de la ratification des ordonnances, il faudra être extrêmement vigilant sur le travail de nuit. Les négociations entre le ministère et les partenaires sociaux sont toujours en cours.

Yves Daudigny a parlé des ordonnances de 1982 : le Sénat les avait rejetées ; l'article L. 1 du code du travail n'existait pas ; les concertations n'étaient pas obligatoires. Dans le cas présent, la démocratie sociale a été respectée, mais la démocratie parlementaire ne l'a pas été complètement. Tel est le sens de ma critique.

Jean-Pierre Godefroy et d'autres ont parlé du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). En effet, la lettre du Premier ministre débloque une situation ancienne. Il était impossible d'avancer sur la manutention, les postures pénibles, les vibrations et les agents chimiques dangereux. Le rattachement à la branche AT-MP rend possible l'indemnisation d'une inaptitude évaluée à 10 %. En revanche, cela ne permet pas la prévention. Il est évident que nous devrons en discuter en séance publique et émettre des propositions par la suite.

Personne n'a trouvé le moyen de mettre en place le compte de pénibilité. Sinon tout le monde serait d'accord pour l'appliquer !

Il est vrai, comme l'a souligné Nicole Bricq, que les parlementaires peuvent définir un cadre dans la loi d'habilitation et ne sont pas bridés par un accord national interprofessionnel. Pour une fois, nous sommes d'accord.

En réponse à Isabelle Debré, effectivement, il faut de la stabilité et de la sérénité. Je présenterai des amendements pour lutter contre l'inflation législative. Je n'ai reçu aucune nouvelle information portant sur les seuils. Je rappelle en tout cas que lorsque Jean-Pierre Raffarin a augmenté le seuil de 10 à 11 salariés, des milliers d'emplois ont été créés sur le territoire.

Je présenterai un amendement relatif au mandatement.

Je ne suis pas d'accord avec Annie David. Le projet de loi ne dit pas que le petit patron pourra s'opposer au ministre du travail ! Aucune entreprise ne pourra s'affranchir d'un accord étendu. En revanche, depuis 2014, lorsqu'un accord de branche est conclu, les organisations patronales majoritaires de la branche peuvent s'opposer à son extension. Dans ce cas, celui-ci reste applicable seulement aux entreprises adhérentes des organisations signataires.

On pourrait réfléchir au rôle de la médecine du travail dans la prévention. Mais on sait que le vrai problème, actuellement, est la pénurie de médecins du travail.

Je rappelle à Gérard Roche que la rédaction de la loi « El Khomri », telle qu'adoptée par le Sénat, est reprise en grande partie dans ce projet de loi : nous pouvons le voter.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-51 .

L'amendement COM-51 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-31 . La notion de relations collectives intègre celle d'accords collectifs, qui comprend les accords sur l'épargne salariale.

L'amendement COM-31 est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - Si je souscris à la philosophie des amendements identiques COM-32 et COM-49 , je me pose des questions sur le caractère opérationnel d'une telle précision. Il revient à la loi de fixer l'ordre public et le cadre juridique dans lequel les partenaires sociaux de la branche pourront négocier. À quel moment une stipulation d'un accord d'entreprise se transforme-t-elle en distorsion de concurrence ? Qui sera chargé de vérifier que le principe de concurrence est respecté ? Une telle précision juridique serait un nid à contentieux et pourrait bloquer le processus de promotion des accords d'entreprise. Demande de retrait.

Les amendements COM-32 et COM-49 sont retirés.

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-52 de suppression de l'alinéa 3.

L'amendement COM-52 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-53 de suppression de l'alinéa 4.

L'amendement COM-53 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'alinéa 4 prévoit qu'une ordonnance fixera les critères, les conditions et les contreparties accordées aux salariés autorisant une entreprise de petite taille à ne pas appliquer certaines stipulations d'un accord de branche ou à appliquer celles qui lui sont adaptées. Avec mon amendement COM-13 , je souhaite que le Gouvernement oblige les accords de branche à accorder une attention particulière aux petites entreprises dépourvues d'institutions représentatives du personnel comme les délégués du personnel.

Mme Catherine Procaccia . - Je m'étonne de la présence de l'adverbe « notamment ». Nous avons longtemps entendu le doyen Gélard en dénoncer l'usage.

M. Gérard Dériot , président . - Dans une loi d'habilitation, ce n'est pas pareil !

M. Alain Milon , rapporteur . - Même observation.

L'amendement COM-13 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Je demande le retrait de l'amendement COM-35 rectifié bis tout simplement parce que je vous proposerai moi-même à l'alinéa 12 un amendement plus adapté.

L'amendement COM-35 rectifié bis est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - Je suggère aux auteurs de l'amendement COM-79 rectifié de le retirer et de le déposer à nouveau pour la séance publique dans une version mieux rédigée. Ainsi nous pourrons en discuter avec la ministre.

L'amendement COM-79 rectifié est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-54 de suppression de l'alinéa 5. Je vous présenterai trois amendements sur cet alinéa.

L'amendement COM-54 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Mon amendement COM-14 supprime la référence aux accords de maintien de l'emploi (AME), créés par l'article L. 5125-1 du code du travail que le Sénat avait supprimés lors de l'examen du projet de loi « Travail », compte tenu de leur faible écho - seulement une douzaine conclus depuis leur création en 2013 - et de la création des accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE) qui poursuivent les mêmes objectifs que les premiers, sans leurs contraintes juridiques. Conserver une référence aux AME dans la loi d'habilitation pourrait être assimilé à un soutien du Sénat à ces accords dont l'échec est désormais consommé.

Mme Nicole Bricq . - C'est une erreur de supprimer ces accords, qui existent. Les ordonnances prévoient d'unifier le régime quel que soit le statut des accords, défensifs, offensifs, etc.

L'amendement COM-14 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Mon amendement COM-15 précise que le motif de licenciement d'un salarié qui refuse l'application d'un accord collectif sera spécifique ; il écarte l'application des règles du licenciement collectif pour les salariés concernés.

Le licenciement d'un salarié qui refuse l'application d'un accord de flexisécurité repose actuellement sur un motif variable selon la nature de l'accord : tantôt un motif économique, tantôt un motif spécifique, voire un motif personnel.

Je souhaite qu'à l'avenir, tout refus d'un salarié entraîne un licenciement sui generis, comme le législateur l'a prévu pour les accords de préservation et de développement de l'emploi créés par la loi « Travail », avec une procédure spécifique unique, un dispositif d'accompagnement lui aussi unique, présentant les mêmes garanties que le contrat de sécurisation professionnelle, actuellement réservé aux salariés licenciés pour motif économique. En conséquence, même si plus de dix salariés sont licenciés, dans une entreprise de plus de cinquante salariés, sur une période de trente jours pour avoir refusé l'application d'un accord de flexisécurité, l'employeur ne serait pas tenu de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi. Cette dérogation existe déjà pour les accords de maintien de l'emploi et les accords de préservation et de développement de l'emploi.

Mme Nicole Bricq . - Nous ne sommes pas d'accord.

M. Jean-Louis Tourenne . - Il n'y a pas de raison de revenir sur l'existant, d'autant que le licenciement pour motif spécifique serait préjudiciable pour les licenciés actuellement licenciés pour un motif économique.

Mme Laurence Cohen . - Même si l'objectif était l'adoucissement, cet amendement durcit les choses. C'est encore plus défavorable au salarié. Nous ne pouvons voter cela.

L'amendement COM-15 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Puisque mon amendement COM-15 vient d'être adopté, l'amendement COM-28 rectifié bis est satisfait.

L'amendement COM-28 rectifié bis est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-55 .

L'amendement COM-55 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Je partage une partie du constat des auteurs de l'amendement COM-56 : il faut éviter de contribuer à l'inflation législative. Mais je ne souhaite pas empêcher le Gouvernement de modifier les règles de la négociation en entreprise si les partenaires sociaux le souhaitent. Avis défavorable.

L'amendement COM-56 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-57 .

L'amendement COM-57 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-44 rectifié rédige l'alinéa 12 pour favoriser le recours à la consultation des salariés en vue de valider un accord. Mon amendement COM-16 le satisfera largement. Retrait ?

L'amendement COM-44 rectifié est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - Mon amendement COM-16 est très important pour développer le dialogue social car il facilite la signature d'accords dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical. La ministre du travail a dit hier qu'elle partageait notre volonté, tout en s'interrogeant sur les moyens d'y parvenir. Tout le monde reconnaît que le statu quo n'est pas acceptable et que le mandatement a montré ses limites en raison, notamment, de sa complexité. Le Sénat, lors de l'examen de la loi « Travail », a déjà formulé des propositions concrètes que je souhaite reprendre dans cet amendement. L'objectif est de donner la possibilité aux employeurs de conclure directement des accords avec les délégués du personnel, ou en leur absence, par référendum. L'employeur aura toujours la possibilité de conclure un accord avec un salarié mandaté mais la recherche d'un mandatement n'est plus une obligation préalable. Le monopole du délégué syndical - lorsque délégué il y a - n'est pas remis en cause.

M. Jean-Louis Tourenne . - Le texte du projet de loi d'habilitation nous laisse encore l'espoir que l'exécutif renonce à ces dispositions et rétablisse le mandatement ou l'exigence d'un interlocuteur qui soit un responsable syndical. Monsieur le rapporteur, vous nous retirez cet espoir. On ne peut pas l'accepter.

Mme Nicole Bricq . - Le rapporteur nous a dit que cet amendement était très important : nous y sommes donc très défavorables.

M. Jean-Marc Gabouty . - J'y suis très favorable, il répond aux questions que j'ai posées hier à la ministre. Vous pouvez rester accrochés à votre ligne Maginot et empêcher les accords d'entreprise. C'est désobligeant pour les délégués du personnel que de les penser incapables de négocier. Il faut davantage de souplesse pour multiplier les accords d'entreprise qui sont autant au bénéfice des salariés que des employeurs. Nous sommes au XXIè siècle.

Mme Laurence Cohen . - Il n'y a pas de mépris de notre part pour les délégués du personnel, ce n'est pas le sujet. La réalité du monde de l'entreprise, c'est le lien de subordination que vous contestez et mésestimez. On peut donner l'exemple de nombre d'entreprises où, face à la menace d'une fermeture, le personnel est prêt à d'énormes sacrifices. Vous dites que les accords d'entreprise seront formidables. Non. Ils seront extrêmement défavorables aux salariés. Quel est leur pouvoir face au chantage d'un employeur ? Le code du travail est là pour donner des droits aux salariés.

M. René-Paul Savary . - Cet amendement est un marqueur du siècle nouveau pour assouplir le droit du travail en redonnant liberté, confiance et respect, mots qu'a régulièrement employés le Président de la République pour engager la discussion avec les collectivités locales lundi dernier. C'est au pied du mur qu'on voit le maçon. Les employeurs et les employés qui veulent travailler réclament de la souplesse dans l'entreprise.

M. Olivier Cadic . - Il s'agit effectivement d'un marqueur mais je pensais qu'un travail en ce sens allait de toute façon s'engager. Jusqu'où ces règles s'appliqueront-elles ? Seront-elles facultatives pour les PME dont les accords de branche entravent le développement ? Nous attendons la réponse de Mme la ministre qui sera un véritable indicateur sur la portée de la loi. Si elle ne répond pas aux attentes, la déception sera terrible.

M. Philippe Mouiller . - Je soutiens cet amendement puisque la difficulté portait essentiellement sur les très petites entreprises, dont seulement 4 % comprennent en leur sein des délégués syndicaux. Nous nous trouvons dans une situation de blocage complet que cette opportunité permettrait de lever. Je suggère juste une petite rectification dans l'objet de l'amendement afin de remplacer le terme « oblige » le Gouvernement par « permet » et ainsi répondre à l'interrogation de Mme la ministre.

Mme Évelyne Yonnet . - Cet amendement est assez subtil mais il enlève la possibilité du dialogue social sur laquelle Mme la ministre a beaucoup insisté hier. Les représentants syndicaux connaissent suffisamment la loi pour défendre les salariés. Il faudrait maintenir leur présence, y compris dans les petites entreprises, au risque de rompre le dialogue social entre l'employeur et les salariés. Par conséquent, je voterai contre cet amendement.

M. Daniel Chasseing . - Cet amendement est capital car il contribuera à favoriser le dialogue au sein des petites entreprises. Dans celles que j'ai fréquentées, je n'ai pas vu de conflit ni de chantage à la subordination. Dans la vraie vie, cela ne se passe pas ainsi.

Mme Laurence Cohen . - Pitié...

M. Daniel Chasseing . - Le plus souvent, le chef d'entreprise et les salariés ont la volonté de mettre en place un projet pour conserver l'entreprise ou la développer.

M. Yves Daudigny . - Je suis très opposé à cet amendement car le renforcement et la valorisation du dialogue social, qui sont au coeur de ce projet de loi, ne peuvent passer par une détérioration de la présence syndicale. Il faut au contraire assurer la présence des syndicats, leur octroyer des moyens et de la formation pour exercer leurs missions. Il faut laisser le temps à la démocratie sociale pour trouver les dispositifs adaptés aux spécificités des petites entreprises.

Mme Annie David . - Je partage les propos de mon collègue. Je m'insurge quand on affirme que « les salariés qui ont envie de travailler » veulent signer des accords. Pensez-vous aux 2 millions de chômeurs qui aimeraient travailler ? L'accord de branche existe déjà et règle le travail au sein des entreprises, dont la majorité compte moins de 50 salariés. J'ai même entendu parler de blocage complet en raison de l'absence d'accord d'entreprise. Ce n'est pas du tout le cas. Allez dans la vraie vie ! Quelle sera la formation des élus du personnel qui ne seront pas syndiqués ? L'accord qu'ils signeront ne respectera pas le droit du travail et sera défavorable aux salariés. L'employeur pourra alors faire tout ce qu'il veut...

Je me souviens d'un texte qu'avait porté le ministre du travail de l'époque, Eric Woerth. J'étais curieusement assez d'accord avec sa proposition. Il s'agissait d'une sorte de plateforme syndicale qui devait affecter des représentants syndicaux aux négociations dans les petites entreprises afin de signer des accords. Ce texte a été rejeté par l'ensemble de la droite. Je le regrette encore aujourd'hui car cela aurait permis un vrai dialogue social.

Mme Catherine Génisson . - Les propos de Daniel Chasseing sur « la vraie vie » me font également réagir, comme s'il y avait, d'un côté, ceux qui connaissaient la vraie vie du monde de l'entreprise, et de l'autre, ceux qui défendaient de façon inconditionnelle les salariés sans rien y comprendre. Pour le reste, je fais mienne l'argumentation d'Yves Daudigny.

Mme Françoise Gatel . - On ne peut distinguer entre ceux qui connaîtraient la vraie vie et les autres. La vie est diverse, de même que l'entreprise. Au moment où l'on ne cesse de vouloir rétablir la confiance notamment grâce à la démocratie participative, au moment où l'on recueille l'avis de nos concitoyens sur un projet d'intérêt général comme Notre-Dame-des-Landes - sans pour autant en tenir compte - on interdirait aux salariés le droit de discuter avec leur employeur de ce qui les intéresse ? Aujourd'hui, défendre le monopole des syndicats, ce n'est pas faciliter l'accès au travail. Je ne connais pas une seule petite entreprise en France qui ait pour objectif de martyriser ses salariés et de négocier des accords qui aboutiraient à sa fermeture. Au nom de tous ceux qui meurent d'envie de travailler, de grâce, acceptons un peu de souplesse !

Enfin, je suis fort étonnée de l'attitude de certains membres du Gouvernement : ils disent vouloir faire sauter tous les verrous mais se cramponnent aujourd'hui à un verrouillage dramatique.

M. Jean-Marc Gabouty . - Aujourd'hui, certaines entreprises fonctionnent grâce à des accords non formalisés qui satisfont tant les dirigeants que les salariés mais les plongent dans une insécurité juridique complète. Des accords formalisés me sembleraient préférables - et s'ils devaient méconnaître le droit du travail, ils seraient rejetés par l'inspection du travail. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, des accords d'intéressement existent, ils ne sont pas au détriment des intérêts des salariés !

L'amendement COM-16 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-58 supprime l'alinéa 13 de l'article 1 er . Avis défavorable.

L'amendement COM-58 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-17 autorise l'employeur à organiser un référendum pour valider un projet d'accord. Il s'inspire d'un amendement adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi « Travail », à l'occasion duquel notre assemblée avait souhaité, par parallélisme des formes, autoriser l'employeur à organiser un référendum d'entreprise pour surmonter l'opposition des syndicats majoritaires à un accord.

Mme Nicole Bricq . - Cet amendement est le pendant de l'amendement COM-16, qui mérite le même vote. Mme la ministre tente difficilement de trouver une solution. Là, vous ne l'aidez pas dans sa tâche. Certes, cet amendement est un marqueur idéologique mais vous arrivez à un résultat auquel la discussion avec les organisations syndicales et patronales n'aurait pas forcément abouti. Les choses ne se passent pas ainsi... dans la vraie vie !

M. Jean-Louis Tourenne . - Cet amendement prolonge en quelque sorte l'amendement COM-16. Il existe certes des entreprises où tout fonctionne au mieux, où les relations sont excellentes. Néanmoins, au moment de signer des accords défavorables à certains individus, le signataire aura peur des représailles puisqu'il travaille dans l'entreprise. Les délégués du personnel ne sont pas protégés, ni les employés dans le cas d'un référendum décidé par l'employeur. En l'espèce, l'intervention d'une personnalité extérieure à l'entreprise est préférable.

Mme Laurence Cohen . - Je note un certain nombre de contradictions. En effet, les accords de branche figurent dans le code du travail. Vous finissez le travail de destruction entamé par la loi « El Khomri ». En outre, vous affirmez qu'il faut faire confiance aux salariés tout en autorisant l'employeur à organiser un référendum d'entreprise pour surmonter l'opposition des syndicats majoritaires à un accord. Ce n'est plus un parapluie, c'est un parachute !

Mme Évelyne Yonnet . - Avec cet amendement, on donne des illusions aux salariés car on laisse démarrer les négociations, avant d'avoir recours à un référendum d'entreprise. Cela casse complètement le dialogue social et reporte la faute sur les salariés.

M. René-Paul Savary . - Cet amendement est la conséquence du précédent. Il est opportun car il faut laisser de la liberté au chef d'entreprise. Les employés ont la liberté de participer ou non au vote, d'émettre un vote positif ou négatif.

Mme Pascale Gruny . - Cette possibilité lève un frein quand aucun accord ne peut être signé, faute de délégués désireux de participer aux réunions. Les accords sont toujours envoyés à l'inspection du travail et aux prud'hommes qui vérifient leur conformité avec le droit du travail.

M. Olivier Cadic . - Le recours à cette démocratie participative par l'employeur doit déjà être possible. Je soutiens néanmoins cet amendement car son examen sera pour nous l'occasion d'entamer un débat sur ce sujet et d'être fixés sur la position du Gouvernement.

M. Alain Milon , rapporteur . - Le texte tend à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour favoriser la négociation collective en facilitant le recours à la consultation des salariés pour valider un accord. L'autorisation donnée à l'employeur par cet amendement n'est pas exclusive. De plus, le code du travail autorise déjà l'employeur à consulter ses employés, en particulier en matière d'épargne salariale.

M. Yves Daudigny . - Je suis opposé à cet amendement comme au précédent, je partage les arguments invoqués par Mme Yonnet.

L'amendement COM-17 est adopté.

L'amendement COM-33 devient sans objet tandis que l'amendement COM-83 est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - Cet amendement COM-18 , identique à l'amendement COM-59 supprime l'alinéa 14. Mon amendement s'inscrit dans la continuité des travaux du Sénat lors de l'examen du projet de loi « Travail » car notre assemblée avait supprimé l'article prévoyant la généralisation des accords majoritaires, en raison du risque de blocage du dialogue social dans les entreprises.

Les amendements identiques COM-18 et COM-59 sont adoptés.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-45 rectifié vise à supprimer l'alinéa 15. Je suis favorable à la restructuration des branches mais en respectant si possible le cadre posé par la loi « Travail ». Je ne m'oppose pas à quelques aménagements, par exemple pour assouplir les règles d'opposition des partenaires sociaux à un projet de fusion entre branches. Je ne souhaite donc pas la suppression pure et simple de l'alinéa. Retrait ou défavorable.

L'amendement COM-45 rectifié est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-19 supprime la réduction de trois ans à dix-huit mois de la période pendant laquelle le ministère du travail et les partenaires sociaux doivent restructurer les branches professionnelles. Cette modification, introduite à l'Assemblée nationale, paraît peu réaliste et modifie une disposition adoptée voilà moins d'un an dans le cadre de la loi « Travail ». Oui, il faut rationaliser le paysage conventionnel, mais en assurant la stabilité juridique et en laissant aux partenaires sociaux le temps nécessaire pour conduire à son terme ce chantier très technique.

M. Georges Labazée . - Nous en avons parlé avec les représentants des syndicats. Les services de la commission pourraient-ils nous fournir la liste des branches qui sont stables et de celles qui évoluent ?

M. Gérard Dériot , président . - Je m'associe à cette demande.

Mme Nicole Bricq . - Il existait 750 branches, il en reste 650 aujourd'hui. Il faut plutôt pousser les partenaires à aller plus vite. Ce n'est pas avec des manoeuvres dilatoires que nous résoudrons le problème car de nombreuses branches ne sont pas opérationnelles, tandis que d'autres ne fonctionnent pas.

M. Georges Labazée . - Nous ne portons pas de jugement de valeur.

Mme Nicole Bricq . - Moi si.

M. Dominique Watrin . - Nous approuvons cet amendement qui rétablit le délai de trois ans pour la restructuration. Ce qui importe pour les partenaires sociaux, ce n'est pas le nombre de branches, même si une simplification s'impose en la matière ; c'est surtout l'activité réelle de la branche. Le seuil des salariés n'est pas déterminant à cet égard.

M. Philippe Mouiller . - Quand la négociation des partenaires sociaux évolue rapidement, c'est parce qu'elle porte sur les sujets les plus simples. Pour les autres, le temps du dialogue sera nécessaire, avec une limite légale de trois ans. J'ai retiré mon amendement au profit de celui-ci car il représente à mes yeux un bon compromis.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'étude d'impact indique que les premiers travaux sur la restructuration des branches professionnelles se sont concentrés sur les branches sans négociation depuis vingt ans et ayant recueilli moins de onze suffrages lors des dernières élections professionnelles. Parmi les 179 branches concernées, 127 ont déjà fait l'objet d'une restructuration.

M. Jean-Marc Gabouty . - Il faut gagner du temps et favoriser la réactivité. Pourquoi laisser traîner la restructuration ? Dix-huit mois me paraissent largement suffisants. Je suis favorable au texte de l'Assemblée nationale sur ce sujet car on ne peut, d'un côté, arguer de ce besoin de rapidité pour les entreprises, et, de l'autre, ne pas l'appliquer dans la loi. Soyons logiques.

L'amendement COM-19 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable sur l'amendement de suppression COM-60 .

L'amendement COM-60 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Avis défavorable sur l'amendement COM-61 .

L'amendement COM-61 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-86 rectifié bis prévoit de supprimer le monopole syndical de présentation des listes au premier tour des élections professionnelles dans le cadre de la fusion des IRP. La réforme déjà prévue par le projet de loi va bouleverser profondément le fonctionnement de la représentation du personnel en entreprise. Y ajouter ce volet susciterait une forte opposition et pourrait ensuite rendre moins acceptable la fusion des IRP aux yeux des représentants des salariés. L'objectif aujourd'hui est de réussir dans les entreprises concernées, dont les TPE ne font pas partie. Une fois que la fusion aura été appliquée et que son évaluation aura été réalisée, il sera temps de réfléchir de nouveau à cette question.

M. Yves Daudigny . - Sage décision.

Mme Pascale Gruny . - J'entends les arguments invoqués, et je vais retirer cet amendement, mais il ne traite pas d'un cas d'école, il est inspiré par des cas concrets !

Mme Nicole Bricq . - L'habilitation n'emporte aucune systématisation de la suppression du monopole syndical. Des accords seront nécessaires, mais tout cela aura des incidences importantes pour le CHSCT, car la création du fameux conseil d'entreprise obligera les participants à être polyvalents. Ils devront être formés pour pouvoir s'occuper à la fois de sécurité et de stratégie économique...

L'amendement COM-86 rectifié bis est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-3 concerne, précisément, la formation des membres de l'instance unique afin qu'elle soit adaptée pour tenir compte de l'étendue des missions confiées à cette dernière.

Mme Évelyne Yonnet . - Nous sommes opposés à la fusion des instances qui aura des conséquences sur la formation ou le nombre d'heures de travail. Il faut approfondir la réflexion sur la médecine du travail car le rôle du CHSCT est essentiel au regard des nouvelles pathologies liées au travail. Le faire disparaître pour de simples raisons économiques n'est pas une bonne chose.

M. René-Paul Savary . - Cette instance unique apporterait une vraie souplesse, à condition que des efforts portent sur la formation et l'organisation. Des thématiques différentes pourraient être traitées. Cette fluidité serait favorable aux relations entre collaborateurs et employeurs.

M. Dominique Watrin . - Ce n'est pas seulement une question de formation des délégués du personnel. En les regroupant dans une instance unique et en diminuant leurs moyens, on remet en cause le lien de proximité qui les unit aux salariés. Qui se chargera de faire remonter les problèmes de ces derniers à l'employeur ? Les missions du CHSCT et des délégués du personnel seront dénaturées.

M. Jean-Louis Tourenne . - Je suis totalement opposé à la fusion des instances représentatives du personnel. La loi veut limiter le nombre de mandats des délégués syndicaux. Mais de quoi se mêle-t-on ? Ne peut-on laisser la démocratie s'exprimer au sein de l'entreprise ?

Mme Catherine Procaccia . - On le fait bien pour les maires, pour les parlementaires !

M. Jean-Louis Tourenne . - Toutefois, si cet article était adopté, cet amendement me semblerait bienvenu.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Rassembler l'ensemble des IRP est pour moi une erreur qui risquerait d'avoir des conséquences sur la santé de nos concitoyens. Le CHSCT doit rester totalement indépendant, car il traite des problèmes de santé, et non de production ou d'organisation. Les délégués qui le composent sont bien formés et ils ont l'expérience du terrain, qui est la meilleure des formations !

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Le Sénat a été à l'origine, grâce à l'adoption en 2013 d'une proposition de loi de Catherine Procaccia dont les dispositions ont été reprises par la loi du 5 mars 2014, de l'instauration d'obligations d'établissement et de contrôle des comptes des comités d'entreprise.

Si les comités d'entreprise dont les ressources sont limitées doivent présenter leurs comptes de manière simplifiée, les plus importants d'entre eux doivent désigner un commissaire aux comptes et faire appel à un expert-comptable. Ils doivent également mettre en place une commission des marchés, qui doit s'assurer de la mise en concurrence de leurs prestataires et fournisseurs à chaque commande.

L'amendement COM-4 vise donc à préciser l'habilitation afin que l'instance unique issue de la fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT soit bien soumise à ces mêmes obligations.

Mme Catherine Procaccia . - Je remercie le rapporteur de ces précisions qui s'appliqueront, je l'espère, à tous les comités d'entreprise, y compris à ceux d'EDF et GDF : ils sont à l'origine de tous les scandales, mais n'appliquent toujours pas la loi !

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - La création de l'instance unique de représentation du personnel dans l'entreprise doit s'accompagner, comme le prévoit l'habilitation, de la limitation dans le temps du cumul des mandats de ses membres.

L'amendement COM-5 tend à fixer, dans un souci d'harmonie avec les règles applicables aux parlementaires, à trois le nombre maximal de mandats qu'un même représentant du personnel pourra effectuer au sein de l'instance.

Mme Évelyne Yonnet . - Je ne vois pas de quel droit il serait possible de limiter un mandat syndical au sein d'une entreprise. À l'heure où nous manquons de syndiqués volontaires pour s'impliquer dans la vie d'une entreprise, je ne comprends pas cette façon de s'ingérer dans le monde du travail.

Mme Françoise Gatel . - C'est cela, le renouveau !

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je ne vois pas pourquoi la représentation nationale s'occuperait de la limitation du cumul des mandats mais peut-être s'agit-il de faire à d'autres ce que l'on nous a fait... Personnellement, je pense que la limitation du cumul des mandats est une erreur. En l'espèce, Evelyne Yonnet a raison car on se plaint souvent en France du taux trop bas de syndicalisation. Ce phénomène ne s'arrangera pas en limitant le nombre de mandats. En outre, il faut favoriser la présence d'élus détenant une expertise.

Mme Nicole Bricq . - Je soupçonne une petite vengeance du rapporteur. Plus sérieusement, on a toujours intérêt à avoir un interlocuteur dans l'entreprise. Sinon, les conflits sont résolus ailleurs, dans la rue ou autre.

Mme Françoise Gatel . - Je soutiens cet amendement. D'abord, il répond à un souci de cohérence : nous souscrivons tous à cette volonté de renouvellement ; mais je ne vois pas pourquoi les élus seraient les seuls à subir une véritable discrimination à cet égard. C'est de la démagogie ! Ensuite, alors que les mandats de délégués syndicaux ne sont pas limités dans le temps, notre taux de syndicalisation est extrêmement faible. Au-delà de cette limitation, il faudrait peut-être aussi que les syndicats s'adaptent aux évolutions économiques et sociales, ainsi qu'à la diversité des entreprises.

M. René-Paul Savary . - Le taux d'abstention aux élections est très élevé en France, pour un renouvellement jugé insuffisant. C'est pourquoi l'idée d'une limitation des mandats dans le temps a fait son chemin. La situation est la même pour le taux de syndicalisation. Rester les bras croisés ne changera rien. Cette proposition permettra peut-être d'améliorer la syndicalisation au sein des entreprises. Les mêmes principes doivent s'appliquer au monde syndical comme au monde politique.

Mme Catherine Génisson . - Je vois aussi une certaine malice du rapporteur à présenter cet amendement. On marche sur la tête ! Le Président de la République estime qu'il faut diminuer le nombre des élus locaux alors que les candidats aux dernières élections municipales étaient très difficiles à trouver !

Cela dit, la démocratie politique et la démocratie sociale sont deux choses différentes. Nous avons besoin d'activer la seconde, mais je ne suis pas certaine que votre proposition y réponde. Je ne voterai pas cet amendement.

M. Jérôme Durain . - Je soupçonne dans cet amendement un esprit revanchard et corporatiste émanant d'élus politiques. Je souscris aux propos de Catherine Génisson sur la différence entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Des arguments peuvent être invoqués à l'appui de l'interdiction du cumul des mandats syndicaux, comme le fait qu'il éloigne trop les élus de l'activité quotidienne de l'entreprise. Ils n'ont pas été soulevés par le rapporteur. Je suis donc réservé sur cette proposition.

Mme Catherine Procaccia . - Je voterai d'autant plus volontiers cet amendement qu'il est le fruit d'idées déjà anciennes sur le non-cumul des mandats, émises également par des syndicalistes qui déploraient eux-mêmes le manque de renouvellement. Je ne vois là aucune idée de vengeance.

M. Dominique Watrin . - Je ne voterai pas cet amendement polémique. Je vous renverrai à un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental sur l'engagement syndical, parfois considéré comme une marque de défiance à l'égard de l'entreprise, et la discrimination qui peut en découler C'est un vrai problème que l'on ne peut pas traiter aussi brièvement car le syndicalisme souffre d'une image négative. Les syndicats ont leur rôle à jouer, mais nous avons aussi notre part.

M. Alain Milon , rapporteur . - Il n'y a en moi ni malice ni désir de vengeance. Nous apportons notre contribution au Gouvernement qui mentionne dans le texte qu'il souhaite limiter le nombre maximal de mandats électifs successifs pouvant être occupés au sein de l'instance.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-6 s'inscrit dans la continuité de la position adoptée par la commission des affaires sociales lors de l'examen de la loi « Travail » en 2016 : il est temps d'enrayer la croissance injustifiée du coût des expertises commandées par les institutions représentatives du personnel et payées par l'employeur.

L'an dernier, la commission avait prévu qu'au moins trois devis devaient être obtenus auprès de différents prestataires avant que l'IRP, comité d'entreprise ou CHSCT, puisse désigner son expert. Prévoyons donc que les ordonnances rendent la sollicitation de plusieurs devis obligatoires.

L'amendement COM-6 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - Défavorable à l'amendement COM-62 .

L'amendement COM-62 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-7 poursuit la simplification et la rationalisation de la représentation du personnel : je propose que l'exercice par l'instance unique de la compétence de négociation d'accords d'entreprise soit la règle de droit commun. Les partenaires sociaux dans l'entreprise pourront toujours décider, par accord majoritaire, de refuser le transfert de cette compétence.

L'amendement COM-7 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-8 prévoit de supprimer l'alinéa 4 de l'article 2, dont la rédaction est marquée par une trop grande imprécision.

Mme Nicole Bricq . - Qui traite notamment de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes...

L'amendement COM-8 est adopté.

L'amendement COM-30 devient sans objet.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-9 , identique à l'amendement COM-78 rectifié bis, vise à supprimer l'alinéa 5, qui concerne la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises et ne tient pas compte des réformes récentes en la matière.

Les amendements COM-9 et COM-78 rectifié bis sont adoptés.

M. Alain Milon , rapporteur . - Les amendements identiques COM-10 et COM-46 rectifié visent à supprimer l'alinéa 8, qui porte sur la redéfinition des missions des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI).

Les amendements COM-10 et COM-46 rectifié sont adoptés.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La réunion est close à 12 h 50.

Article 3

L'amendement de suppression de l'article COM-63 n'est pas adopté.

L'amendement COM-64 de suppression de l'alinéa 4 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-36 rectifié bis fixe un plafond de 18 mois de salaire brut pour le référentiel impératif dans le cas d'un licenciement. Il existe actuellement un référentiel indicatif en phase de jugement : son plafond est fixé à 21 mois et demi pour un salarié ayant plus de 43 ans d'ancienneté. Le référentiel indicatif en phase de conciliation fixe quant à lui un plafond de 24 mois pour les salariés ayant plus de 30 ans d'ancienneté. Le référentiel impératif en phase de jugement, qui était prévu à l'article 266 de la loi « Macron » avant sa censure par le Conseil constitutionnel, prévoyait même un plafond de 27 mois pour les salariés qui avaient plus de 10 ans d'ancienneté dans une entreprise employant plus de 300 salariés. Je souhaite que cet amendement soit retiré et redéposé en séance, en lui apportant des modifications rédactionnelles.

L'amendement COM-36 rectifié bis est retiré.

L'amendement COM-65 de suppression des alinéas 5 et 6 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-20 reconnaît un droit à l'erreur à l'employeur, qui serait autorisé à rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités mineures de procédure et de motivation, qui sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement. L'article L. 1235-2 du code du travail prévoit déjà que les erreurs de procédure de licenciement sont moins sévèrement sanctionnées que les erreurs de fond.

En effet, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. Cette sanction doit être mise en regard de celles prévues à l'article L. 1235-3. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés, l'employeur doit en effet réintégrer le salarié ou lui octroyer une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Pour autant, comme l'indique l'étude d'impact annexée au projet de loi, et comme plusieurs organisations patronales nous l'ont dit, de nombreux salariés saisissent les conseils de prud'hommes quand ils estiment que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, même si l'employeur avait un motif réel et sérieux de les licencier.

Mme Nicole Bricq . - La reconnaissance d'un droit à l'erreur était un engagement du candidat Macron. Justement, le Conseil des ministres examinait ce matin un projet de loi sur la question. J'ignore ce qu'il comporte, mais nous devrions peut-être attendre d'en savoir plus ?

M. Alain Milon , rapporteur . - On ne le sait pas mais je crois qu'il porte plutôt sur les relations des citoyens avec l'administration, et non sur celles entre les employeurs et les salariés.

M. Jean-Louis Tourenne . - Je ne vois pas d'inconvénient à adopter cet amendement. Les modalités qu'il décrit favoriseront les petites entreprises, celles qui n'ont pas de service juridique.

Mme Évelyne Yonnet . - Oui, mais sur quels critères jugera-t-on de la bonne foi de l'employeur ?

M. Daniel Chasseing . - Cet amendement est justifié. Souvent, les petites entreprises ne disposent pas de l'encadrement juridique nécessaire, ce qui les expose à de graves problèmes.

Mme Anne Émery-Dumas . - La ministre avait mentionné une procédure de licenciement simplifié par formulaire-type. Cela limiterait les erreurs.

M. Alain Milon , rapporteur . - Oui, un formulaire Cerfa est effectivement prévu. Mais nous discutons d'un projet de loi d'habilitation, qui encadre ce que fera le Gouvernement. L'habilitation prévoit une possibilité pour l'employeur de corriger des irrégularités en amont ou pendant un contentieux. Et c'est le juge qui décidera de la bonne foi, ou non, de l'employeur.

M. Dominique Watrin . - Je crois qu'il est souvent difficile de distinguer la faute de procédure du non-respect des droits des salariés. Je suis donc défavorable à cet amendement, d'autant plus inopportun que l'on a enregistré une baisse de 40 % des recours aux prud'hommes depuis le durcissement de la procédure dans la loi « Macron » de 2015.

L'amendement COM-20 est adopté. L'amendement COM-80 rectifié devient sans objet.

M. Alain Milon , rapporteur . - Afin de préciser l'objectif de réduction des délais de recours en cas de rupture du contrat de travail, l'amendement COM-21 fixe comme objectif au Gouvernement de diviser au moins par deux le délai de recours portant sur le bien-fondé d'un licenciement économique.

Mme Nicole Bricq . - Je ne sais pas si c'est un feu rouge que vous grillez ou un chiffon rouge que vous agitez, mais dans les deux cas c'est non ! Il faut tout de même laisser un délai d'appréciation...

M. Jean-Louis Tourenne . - Je suis du même avis. Cet amendement est manifestement inspiré par la volonté de satisfaire les entreprises. Pourquoi pas ? Mais pas au détriment des salariés ! Je ne vois pas de raison de raccourcir ce délai. Il faut au moins laisser le temps de préparer le dossier...

M. Jean-Marc Gabouty . - Ces délais sont trop longs. La préparation effective des dossiers se fait après le dépôt d'un recours. Six mois suffisent largement.

M. Daniel Chasseing . - Même avis.

M. Alain Milon , rapporteur . - En Allemagne, le délai est de trois semaines.

L'amendement COM-21 est adopté.

L'amendement COM-66 de suppression de l'alinéa 7 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-38 rectifié bis vise à « simplifier » les mesures de reclassement pour inaptitude. Le terme « simplification » n'apporte rien par rapport à celui de « clarification » déjà retenu dans le texte. Avis défavorable.

L'amendement COM-38 est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-22 vise à clarifier les obligations de l'employeur en matière de reclassement pour inaptitude, selon que cette dernière est d'origine professionnelle ou non professionnelle. De nombreux employeurs à la tête de petites entreprises doivent parfois octroyer des indemnités très importantes à un salarié licencié pour inaptitude alors même que celle-ci n'est pas d'origine professionnelle et n'est pas imputable à l'activité de l'entreprise. Les indemnités pour inaptitude d'origine non professionnelle, qui sont parfois un frein important au développement des petites entreprises, devraient être supportées par les organismes d'assurance complémentaire, notamment lorsqu'il s'agit d'accidents dus au sport - tous les sportifs sont assurés !

Mme Évelyne Yonnet . - L'inaptitude est constatée par le médecin du travail, ainsi que par une commission spécifique. Son origine est généralement professionnelle. Sinon, elle ne serait pas reconnue. Je veux bien qu'on fasse payer les sportifs, vu l'argent qu'ils gagnent. Mais pour les petits ouvriers... Je vote contre.

M. Daniel Chasseing . - Cet amendement est justifié. Il m'est arrivé, alors que je dirigeais bénévolement une structure, d'avoir à licencier une personne faute de trouver à la reclasser. J'ai même dû cautionner personnellement un emprunt pour payer ses indemnités.

Mme Françoise Gatel . - Nul ne conteste l'inaptitude elle-même. La discussion porte sur sa cause. S'agit-il d'un accident imputable au travail ou au match de foot du dimanche après-midi ? On ne peut pas demander à l'employeur de payer les conséquences d'un risque dont il n'est pas responsable.

Mme Évelyne Yonnet . - Quid d'un accident survenu sur le trajet entre domicile et travail ?

M. Gérard Dériot , président . - C'est évidemment un accident du travail.

M. Jean-Louis Tourenne . - Ce sujet mérite mieux qu'un amendement au détour d'un projet de loi car le sujet est vaste. Que se passe-t-il en cas de maladie, par exemple ?

Mme Catherine Génisson . - L'inaptitude peut se déclarer du fait d'une maladie intercurrente, maladie cardiaque, diabète,... On peut devenir inapte à occuper un poste pour d'autres raisons qu'un accident. Or, dans les très petites entreprises, quand le médecin du travail demande un reclassement, le plus souvent, il n'y a pas de poste adapté.

M. Gérard Dériot , président . - C'est vrai aussi dans les petites communes.

M. Dominique Watrin . - Je suis moi aussi d'avis de temporiser. Si l'alinéa parle de reclassement, l'objet de l'amendement insiste sur les indemnités. Dans le doute, je ne voterai pas cet amendement.

Mme Pascale Gruny . - Merci de l'avoir déposé, car c'est un vrai problème pour les entreprises. L'indemnité de licenciement dépendant de l'ancienneté du salarié, son versement peut mettre en difficulté une petite entreprise, alors même que la cause du licenciement lui est totalement extérieure. Comme il existe une branche AT-MP, on a tout mis au compte de l'entreprise. Mais une indemnité de 70 000 euros peut contraindre un petit établissement à mettre la clef sous la porte.

Mme Patricia Schillinger . - Prenons le temps de la réflexion et de la comparaison. En Suisse, accidents du travail et accidents domestiques sont à la même enseigne : la distinction passe entre Nichtbetriebsunfall et Betriebsunfall. Il est vrai aussi que chaque sportif est assuré.

M. René-Paul Savary . - Il est bienvenu de clarifier les obligations des employeurs en matière de reclassement pour inaptitude d'origine professionnelle ou non-professionnelle. Mais l'objet de l'amendement indique que le coût serait pris en charge par les organismes d'assurance complémentaire. C'est au Gouvernement d'en décider dans les ordonnances.

Mme Chantal Deseyne . - La question est de savoir qui doit payer les indemnités.

M. Alain Milon , rapporteur . - Mon intention, à travers cet amendement, est justement de provoquer la discussion sur les inaptitudes d'origine non professionnelle afin que le Gouvernement soit incité à en tenir compte dans l'élaboration des ordonnances.

Mme Catherine Génisson . - Notre groupe s'abstiendra, car il s'agit d'un vaste sujet. Souvent, le salarié a un lien fort avec l'entreprise. S'il développe une maladie chronique, celle-ci peut-elle se dédouaner complètement de son avenir ? Cela mérite, à tout le moins, réflexion.

L'amendement COM-22 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-23 supprime une disposition issue d'un amendement du Gouvernement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale et qui vise à modifier les règles de fonctionnement de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Il s'agit de reculer l'âge de départ en retraite des médecins qui y officient. Cette disposition ne présente pas de lien, même indirect, avec l'objet du présent projet de loi.

Mme Nicole Bricq . - Dans ce cas, rejetons l'article 9 tout entier ! Pourquoi la commission des finances s'en est-elle saisie ? Non, à mon sens, c'est le fond qui compte. En l'occurrence, l'afflux de réfugiés et la lenteur de nos procédures, due au manque de personnel, nous placent dans une situation d'urgence. C'est pourquoi il faut modifier les règles de fonctionnement de l'office.

Mme Évelyne Yonnet . - Sans doute l'inscription dans ce texte s'explique-t-elle par le souci de protéger et soigner ces migrants qui sont employés comme ouvriers du bâtiment, et sont suivis au sein des centrales du bâtiment pour des pathologies spéciales.

M. Alain Milon , rapporteur . - À vous de voir si vous souhaitez autoriser des amendements, dès le début de la législature, qui ne respectent pas l'objet du texte. De mon point de vue, l'article 9 est un cavalier, et si un recours est formé devant le Conseil constitutionnel, je le signerai.

L'amendement COM-23 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-67 supprime l'alinéa 10 relatif aux plans de départs volontaires. Avis défavorable car ces règles sont aujourd'hui très complexes et nuisent à leur développement.

L'amendement COM-67 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-68 supprime l'alinéa 11 relatif au licenciement économique. Avis défavorable.

L'amendement ' COM-68 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-24 vise tout d'abord à simplifier la rédaction de l'alinéa 11. Il prévoit ensuite que le périmètre pertinent pour apprécier la cause économique d'un licenciement sera désormais national, reprenant une proposition présente initialement dans le projet de loi « Travail ».

Faute de définition légale de ce périmètre, le juge a été amené à retenir un périmètre européen, voire mondial. Cette jurisprudence fait figure d'exception en Europe et nuit à l'attractivité de notre économie.

Cet amendement se contente de fixer un cap et laisse la possibilité au Gouvernement de définir par ordonnance les aménagements du périmètre national.

Je souhaite également vous proposer de rectifier cet amendement, en ajoutant, au a) du 2°, l'adjectif « éventuels » avant le mot « aménagements », afin de laisser plus de souplesse au Gouvernement.

Mme Nicole Bricq . - Ce sujet a été amplement débattu dans la loi « Macron », puis dans la loi « El Khomri », avec pas moins de quatre versions différentes au cours de la navette.

Le périmètre national est le plus restrictif. En le retenant dans la loi, vous répondez à la demande du patronat, mais vous prenez un gros risque alors que les discussions se poursuivent sur ce point avec les partenaires sociaux.

En la matière, c'est la jurisprudence - les arrêts de la Cour de cassation se sont succédé depuis 1993 - qui a fait le droit. Le juge a pris en compte les éléments permettant de vérifier si un groupe n'a pas organisé délibérément la défaillance d'une de ses filiales.

Le législateur doit-il vraiment reprendre la main ? Je comprends et respecte le point de vue d'une partie de la droite mais, pour notre part, nous sommes très défavorables à cet amendement.

M. Jean-Louis Tourenne . - L'alinéa 11 de l'article 3 du texte qui a été transmis au Sénat autorise à définir par ordonnance le périmètre, sans autre précision, alors que vous faites expressément référence, dans votre amendement, au périmètre national, ce qui restreint la possibilité de réflexion du Gouvernement. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jean-Marc Gabouty . - Le projet de loi autorise le Gouvernement à prendre « toute disposition de nature à prévenir ou tirer les conséquences de la création artificielle ou comptable de difficultés économiques à l'intérieur d'un groupe ». Je préférerais que le terme « comptable » soit retiré. En effet, les règles comptables sont strictes et précises et, si elles sont détournées, ce sera bien considéré comme une création artificielle.

Je suggère en outre, au f) du 2° de l'amendement COM-68, d'ajouter les termes « totales ou partielles » après le mot « reprises ». Une reprise partielle d'une entreprise vaut mieux que rien.

Mme Catherine Génisson . - Je suis en désaccord avec Jean-Marc Gabouty . Je prendrai l'exemple de la mise en difficulté artificielle de la filiale française du papetier Stora Enso : le groupe propriétaire a sciemment acheté les matières premières au prix fort et s'est assuré de faire fuir les clients. La comptabilité a suivi, en toute légalité...

M. Jean-Marc Gabouty . - Ce n'est pas en contradiction avec mon propos. Il s'agit bien dans ce cas d'un artifice.

Mme Évelyne Yonnet . - À propos de la notion de « périmètre national », quelle législation s'applique à nos travailleurs détachés : le droit national, le droit européen ?

Mme Nicole Bricq . - Cela n'a pas de rapport avec le sujet. Ils sont soumis à la législation du travail applicable dans les pays où ils travaillent.

M. Olivier Cadic . - La rédaction initiale me convient. J'en profite pour dire un mot du fonctionnement de notre commission. Je regrette en effet l'absence de la ministre à nos travaux. Nous devrions modifier notre façon de préparer nos textes.

M. Alain Milon , rapporteur . - Je me concentrerai sur la question du périmètre géographique. Dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, celui-ci reste indéterminé, ce qui laisse la liberté au juge de retenir le périmètre français, européen ou mondial.

Nous vous proposons de retenir le périmètre national pour procéder à des comparaisons entre entreprises ayant la même activité et qui appartiennent au même groupe, afin précisément que les fraudes dont parlait Catherine Génisson à l'instant puissent être évitées.

Quant à la réflexion de M. Cadic sur l'organisation de nos travaux, il me semble que le Parlement doit pouvoir, dans un premier temps, travailler de façon autonome.

L'amendement COM-24 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-41 rectifié bis devient sans objet.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-25 vise à simplifier la rédaction de l'alinéa 13. Il tend aussi à supprimer la notion de « travail nomade », dépourvue de définition légale, et qui nous semble d'ores et déjà couverte par celle de « travail à distance ».

L'amendement COM-25 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-40 rectifié bis prévoit d'étendre le champ de l'habilitation à la simplification des règles du temps partiel. Il est contraire selon moi à l'article 38 de la Constitution.

L'amendement COM-40 rectifié bis est retiré.

L'amendement COM-69 de suppression de l'alinéa 14 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-84 rectifié bis prévoit la possibilité pour les accords de branche de fixer les hypothèses de rupture des CDD et des contrats d'intérim avant leur terme. Je pense que la notion de « rupture avant terme » peut être englobée dans celle de durée. Le code du travail, quand il définit les durées des CDD, évoque justement les exceptions aux durées légales comme le CDD à objet défini, qui, par définition n'a pas de terme calendaire fixé a priori. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-84 rectifié bis est retiré, de même que l'amendement COM-82 rectifié bis.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-70 supprime l'alinéa 15. Avis défavorable.

L'amendement COM-70 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-47 rectifié s'oppose directement à la philosophie de l'amendement COM-27, que je vais vous présenter dans un instant, et qui subordonne le développement du contrat de chantier à la conclusion d'un accord de branche fixant ses règles d'utilisation.

Je suis favorable au renforcement de la branche, donc à des règles communes et à une concurrence équitable entre entreprises appartenant à un même secteur. Retrait ou avis défavorable.

M. Philippe Mouiller . - Je retire l'amendement COM-47 rectifié. Je fais de même pour l'amendement COM-48 rectifié, mais je le présenterai de nouveau en séance pour avoir un débat avec la ministre du travail sur le contrat de croissance.

L'amendement COM-47 rectifié est retiré, de même que l'amendement COM-48 rectifié.

M. Jean-Louis Tourenne . - Nous sommes par principe défavorables aux contrats de chantier ou de mission et ne pouvons donc souscrire à des amendements portant sur ces dispositions.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-27 prévoit que la possibilité pour un accord de branche de fixer les règles de recours à un CDI de chantier devra respecter le cadre fixé par la loi, à laquelle il reviendra de définir l'ordre public et les dispositions supplétives en l'absence d'accord.

Mme Nicole Bricq . - Cet amendement permet d'améliorer la rédaction du texte.

La loi de simplification adoptée en 2014 prévoit déjà le recours à ce type de contrats de mission pour employer, pendant une durée de trois à cinq ans, des chercheurs opérationnels en recherche et développement.

Je me permets de rappeler la tendance : une explosion des CDD, de l'intérim et des ruptures conventionnelles - plus de 400 000 en 2015. Dans ces conditions, ces contrats de chantier ou de mission me semblent ouvrir plus de perspectives qu'un CDD plusieurs fois renouvelé. J'y suis donc favorable.

Mme Évelyne Yonnet . - Ces contrats sont des CDD déguisés. Pour moi, un CDI ne peut pas porter sur une mission spécifique.

M. Alain Milon , rapporteur . - Nicole Bricq fait référence aux CDD à objet défini, ou CDD-OD, destinés aux ingénieurs et aux chercheurs. Catherine Procaccia avait suivi le dossier pour le Sénat. Ces contrats instaurés à titre expérimental n'ont pas connu un grand succès pour le moment, mais ils font désormais partie du droit commun et sont peut-être appelés à se développer.

M. Jean-Louis Tourenne . - Il ne suffit pas de qualifier un contrat de CDI pour qu'il en ait les caractéristiques. Le contrat de chantier n'en a ni la nature ni la durée. C'est une erreur sémantique, voire une tromperie sur les termes.

On fait croire que ces contrats permettront d'améliorer la situation des salariés, alors que les primes de précarité vont disparaître et que la rupture par consentement mutuel remplacera le licenciement économique !

M. Alain Milon , rapporteur . - Par définition, la durée de ces contrats est indéterminée, monsieur Tourenne ! Et ce sera aux ordonnances d'autoriser les accords de branche à définir les systèmes de licenciement applicables.

Mme Nicole Bricq . - Ne jouons pas à nous faire peur ! Actuellement, près de 90 % des contrats de travail sont encore des CDI.

L'amendement COM-27 est adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-71 vise à supprimer l'alinéa 16 relatif au travail de nuit. Avis défavorable.

L'amendement COM-71 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-72 vise à supprimer l'alinéa 17 relatif au prêt de main-d'oeuvre.

L'amendement COM-72 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-42 rectifié bis étend l'habilitation au prêt de main-d'oeuvre intra-groupe. Selon moi, il est contraire à l'article 38 de la Constitution.

L'amendement COM-42 rectifié bis est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-37 rectifié bis tend à imposer l'obligation de recourir à un avocat pour signer une transaction entre l'employeur et le salarié. Je préférerais réfléchir à une réforme profonde et structurelle des prud'hommes. La ministre partage cet avis. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-37 rectifié bis est retiré.

L'amendement rédactionnel COM-88 est adopté.

L'amendement de clarification COM-89 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Alain Milon , rapporteur . - Défavorable à l'amendement COM-73 de suppression.

L'amendement COM-73 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-74 vise à supprimer la réforme du compte pénibilité. Défavorable.

L'amendement COM-74 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-29 vise à réduire le nombre de facteurs de pénibilité. Défavorable.

L'amendement COM-29 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-43 rectifié bis vise à modifier les règles de contentieux relatives à la pénibilité.

Les organisations patronales ne m'ont jamais fait part de demandes visant à modifier ce régime. La loi « Rebsamen » de 2015 a bien précisé dans le code du travail que le seul fait d'avoir déclaré une exposition d'un salarié à la pénibilité ne constitue pas pour l'employeur une présomption de manquement à son obligation de sécurité envers les employés. Retrait ou défavorable.

L'amendement COM-43 rectifié bis est retiré.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-75 vise à supprimer l'habilitation relative au détachement transfrontalier de travailleurs. Défavorable.

L'amendement COM-75 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-39 rectifié bis vise à simplifier l'épargne salariale.

Cet amendement est contraire à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel. Par deux décisions de 2005 et 2014, il interdit à un amendement parlementaire d'élargir le champ d'une habilitation, estimant qu'une telle faculté n'était pas prévue par l'article 38 de la Constitution.

Dans le cas d'espèce, la problématique de l'épargne salariale n'est pas abordée dans l'habilitation prévue à cet article, pas plus qu'elle ne l'est dans le reste du projet de loi. Retrait ou défavorable.

L'amendement COM-39 rectifié bis est retiré.

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-76 est un amendement de suppression de l'article. Défavorable.

L'amendement COM-76 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - L'amendement COM-34 tend à habiliter le Gouvernement à simplifier le droit du travail.

L'article 6 porte simplement sur la mise en cohérence à droit constant du droit du travail. Faire référence à la simplification nous fait sortir de ce champ. Le Parlement, du reste, ne devrait pas laisser le Gouvernement mener seul ce chantier. Retrait ou défavorable

M. Jean-Marc Gabouty . - Quand le champ du dispositif de l'amendement est trop général, cela ne va pas ; mais quand il est trop précis, cela ne va pas non plus ! Je le retire, nous trouverons un autre moyen d'introduire notre volonté de voir simplifié le droit du travail.

Mme Nicole Bricq . - Il y aura une loi de simplification !

L'amendement COM-34 est retiré.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

M. Alain Milon , rapporteur . - Défavorable à l'amendement COM-77 de suppression.

Mme Laurence Cohen . - L'examen de nos amendements peut paraître un peu fastidieux : nous demandons d'abord la suppression de l'article, puis la suppression de ses alinéas. C'est que, vous l'aurez compris, nous ne partageons ni le fond ni la forme de ce projet de loi. Cela dit, quand je vois que nos collègues qui essaient de moduler la rédaction n'ont pas plus de succès que nous, je me dis que nous n'avons pas tort de défendre des amendements plus radicaux !

L'amendement COM-77 n'est pas adopté.

M. Alain Milon , rapporteur . - À l'article 7, le Gouvernement souhaite proroger d'un an une période transitoire relative à la mise en place du nouveau zonage dérogatoire au repos dominical mis en place par la loi « Croissance et activité » de 2015. Sur le fond, le Sénat ne peut qu'approuver cette démarche puisqu'elle rejoint la position qu'il avait adoptée il y a deux ans. Sur la forme toutefois, le choix du Gouvernement de recourir à une ordonnance se heurte à des contraintes de calendrier.

En effet, la période transitoire prévue en 2015 expire le 1 er août 2017. Il est très peu probable que la présente loi soit promulguée à cette date, puisque la lecture des conclusions de la CMP aura lieu le jeudi 3 août ; et l'ordonnance doit être soumise au Conseil d'État et adoptée en Conseil des ministres...

C'est pourquoi l'amendement COM-11 vise à modifier directement l'article 257 de la loi « Croissance et activité » pour porter à trente-six mois la période transitoire et prévoit, comme elle expirera avant la promulgation du présent texte, une entrée en vigueur rétroactive de ces dispositions.

Mme Évelyne Yonnet . - Pourquoi une durée aussi longue ?

M. Alain Milon , rapporteur. - Elle s'applique à compter de l'entrée en vigueur de la loi, en 2015.

M. Dominique Watrin . - Nous réitérons notre opposition au travail du dimanche, qui se banalise pourtant à toute vitesse. La loi est déjà suffisamment souple. Aujourd'hui, des salariés travaillent le dimanche pour gagner seulement 10 euros de plus. Où est le gagnant-gagnant ?

L'amendement COM-11 est adopté ; l'amendement COM-50 devient sans objet.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

L'article 8 est adopté sans modification.

Article 8 bis

M. Alain Milon , rapporteur. - Nous devions entrer dans une nouvelle ère, et voilà que l'Assemblée nationale récemment élue reprend les défauts de la précédente, et demande au Gouvernement un rapport.

Quand j'aurai un peu de temps, je m'amuserai à faire la liste des rapports prévus dans la loi « Travail » et que nous ne recevrons jamais. Quoi d'étonnant ? Les ministres et leurs administrations ont autre chose à faire, sauf si le Président de la République décide de nommer un ministre des rapports !

Mme Nicole Bricq . - Nous voterons cet article car nous sommes toujours favorables aux rapports destinés à faire utilement le point sur une question. Vous vous plaignez de l'absence d'évaluation des lois précédentes, puis vous la refusez.

M. Jean-Louis Tourenne . - Il faudrait calculer le coût de tous les rapports effectués depuis quelques années. Les fonctionnaires de l'État ne sont en effet pas les seuls à être mobilisés pour leur rédaction : ils vont chercher leurs informations au sein des collectivités territoriales et des entreprises. C'est toute une nation qui se mobilise pour écrire des rapports, dont il serait intéressant de savoir combien de personnes les lisent !

Mme Catherine Génisson . - Je ne suis pas une fanatique des rapports, mais il est parfois important d'avoir des évaluations des dispositions que l'on vote.

M. Alain Milon , rapporteur. - Personnellement, je m'abstiendrai sur cet article, car je veux voter la loi et ne pas créer de difficulté avec l'Assemblée nationale.

Une petite anecdote : il y a quelques années, j'assistais au pot de départ d'un préfet qui, avec drôlerie, disait que, dans sa prochaine vie, s'il en avait une, il voudrait travailler dans un bureau d'études ou faire des rapports, car c'est plus lucratif que les fonctions de préfet !

L'article 8 bis est adopté sans modification.

Article 9

M. Gérard Dériot , président. - Notre commission a délégué au fond l'article 9 à la commission des finances. L'usage veut que la commission saisie au fond adopte tous les amendements des commissions délégataires. Je donne la parole au rapporteur pour avis.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur pour avis . - Autant le dire tout de suite, l'article 9 n'a aucun lien avec l'objet du texte : il prévoit le report d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Le Gouvernement a trouvé dans ce texte le vecteur dont il a besoin pour ce report, auquel nous sommes d'ailleurs favorables.

Nous vous proposons donc d'adopter trois amendements. Les amendements COM-90 et COM-92 sont rédactionnels. L'amendement COM-91 vise quant à lui, je vais vous décevoir, à enrichir le rapport prévu par cet article, dont l'objet est de présenter les résultats des expérimentations menées auprès de contribuables volontaires, d'ailleurs peu nombreux, et de l'audit commandé à l'Inspection générale des finances et à un cabinet indépendant. Nous souhaitons que des tests et des simulations soient effectués sur une proposition alternative au prélèvement à la source. Notre commission des finances a en effet proposé d'instituer un prélèvement mensualisé et contemporain, système dans lequel les entreprises ne seraient pas tiers collecteurs.

M. René-Paul Savary . - Les élus locaux pouvaient dans le passé choisir d'être prélevés à la source. On a supprimé cette faculté cette année, à cause de la mise en place du prélèvement à la source pour tous à compter du 1 er janvier 2018. Si la réforme est reportée, il serait juste de rétablir le prélèvement à la source pour les élus locaux cette année.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur pour avis. - Malheureusement, l'article 10 de la loi de finances pour 2017 est déjà entré en vigueur. J'ajoute qu'introduire un tel amendement dans ce texte serait un cavalier. La question de l'imposition des élus locaux n'est en réalité pas directement liée au prélèvement à la source. L'article 10 n'a fait que supprimer une option.

Mme Pascale Gruny . - L'entreprise n'a pas à être le collecteur des impôts. Elle n'a pas besoin de pâtir des décisions de l'État : un mauvais climat s'installera inévitablement si une augmentation d'impôt réduit le salaire net versé.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur pour avis. - C'est bien pour cela que la commission des finances propose la mise en place d'un impôt mensualisé et contemporain, au lieu d'un prélèvement à la source. Une solution serait de passer par la déclaration sociale nominative (DSN) et la mensualisation, sans faire des entreprises des tiers collecteurs. Nous aurons ce débat lors du projet de loi de finances.

Mme Nicole Bricq . - Le report de la mise en place de cette réforme était une demande très forte de la CPME. Nous sommes le seul pays d'Europe à ne pas avoir mis en place la retenue à la source. Cela dit, tous les autres l'ont fait avant l'apparition de la numérisation. Grâce à elle, on peut sûrement trouver des solutions alternatives.

Mme Isabelle Debré . - Ce report est tout à fait nécessaire. Il faut quand même se poser une question : la confidentialité des données sera-t-elle garantie ?

Mme Nicole Bricq . - J'imagine que je ne suis pas la seule à avoir reçu de ma banque des demandes de renseignements très détaillés... J'ai écrit au président Larcher pour m'en plaindre, qui en a référé au gouverneur de la Banque de France. Ce simple exemple pour vous dire : la confidentialité, c'est fini depuis longtemps !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur pour avis. - Certaines banques font un usage inconsidéré de la directive anti-blanchiment et de la notion de personne politiquement exposée, en nous demandant des informations sur nous-mêmes, mais aussi sur notre famille.

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) devrait donner des instructions pour faire la part entre les bonnes pratiques et la suradministration.

M. Jean-Marc Gabouty . - Les entreprises alimentent déjà le budget social et celui de l'État, avec les cotisations sociales et la TVA.

Le report du prélèvement à la source est sage dans l'état actuel des choses. Je regrette seulement que cet article 9 figure dans ce projet de loi. On nous demande d'être rigoureux dans nos amendements, le Gouvernement ne l'est pas. Il me semble que l'engagement du Gouvernement d'introduire cette disposition en projet de loi de finances aurait pu suffire.

Les amendements COM-90, COM-91 et COM-92 sont adoptés.

Les amendements COM-85 et COM-81 rectifié bis sont retirés.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Habilitation du Gouvernement à prendre diverses ordonnances
pour renforcer la place de l'accord d'entreprise

M. WATRIN

51

Suppression de l'article

Rejeté

M. GABOUTY

31

Place centrale à l'accord d'entreprise en matière d'intéressement et de participation

Retiré

M. GABOUTY

32

Respect des règles de concurrence loyale entre entreprises

Retiré

M. MOUILLER

49

Respect des règles de concurrence loyale entre entreprises

Retiré

M. WATRIN

52

Suppression de l'alinéa 3

Rejeté

M. WATRIN

53

Suppression de l'alinéa 4

Rejeté

M. MILON, rapporteur

13

Obligation pour les accords de branche de tenir compte des spécificités des petites entreprises dépourvues de représentants du personnel

Adopté

Mme GRUNY

35 rect bis

Assouplissement des règles de conclusion d'un accord collectif dans les entreprises dépourvues de délégué syndical

Retiré

M. MOUILLER

79 rect

Possibilité pour un employeur, dans une entreprise de moins de onze salariés ou sans délégué du personnel, d'appliquer directement une disposition visant à adopter l'accord de branche

Retiré

M. WATRIN

54

Suppression de l'alinéa 5

Rejeté

M. MILON, rapporteur

14

Suppression de la référence aux accords de maintien de l'emploi

Adopté

M. MILON, rapporteur

15

Motif spécifique pour le licenciement d'un salarié qui refuse d'appliquer un accord collectif, et non application des règles relatives au licenciement collectif

Adopté

Mme GRUNY

28

Précision sur le motif de licenciement d'un salarié qui refuse l'application d'un accord collectif

Retiré

M. WATRIN

55

Suppression des alinéas 6 à 8

Rejeté

M. WATRIN

56

Suppression de l'alinéa 9

Rejeté

M. WATRIN

57

Suppression de l'alinéa 12

Rejeté

M. MOUILLER

44

Développement du recours à la consultation des salariés pour valider un accord

Retiré

M. MILON, rapporteur

16

Aménagement des règles de conclusion des accords collectifs dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical

Adopté

M. WATRIN

58

Suppression de l'alinéa 13

Rejeté

M. MILON, rapporteur

17

Faculté pour l'employeur d'organiser une consultation des salariés pour valider un accord

Adopté

M. GABOUTY

33

Précision sur le périmètre des consultations du personnel

Satisfait ou sans objet

M. MOUILLER

83

Développement de la consultation des salariés afin de valider des projets d'accords signés par de syndicats minoritaires

Retiré

M. MILON, rapporteur

18

Suppression de l'accélération de la généralisation des accords majoritaires

Adopté

M. WATRIN

59

Suppression de l'accélération de la généralisation des accords majoritaires

Adopté

M. MOUILLER

45

Suppression des dispositions sur l'accélération de la restructuration des branches professionnelles

Retiré

M. MILON, rapporteur

19

Suppression de la réduction du délai prévu pour la restructuration des branches professionnelles

Adopté

Article 2
Nouvelle organisation du dialogue social
et rénovation de l'exercice des responsabilités syndicales en entreprise

M. WATRIN

60

Suppression de l'article

Rejeté

M. WATRIN

61

Suppression de la fusion des institutions représentatives du personnel

Rejeté

Mme GRUNY

86 rect bis

Suppression du monopole syndical

Retiré

M. MILON, rapporteur

3

Formation des membres de l'instance unique

Adopté

M. MILON, rapporteur

4

Contrôle des comptes de l'instance unique

Adopté

M. MILON, rapporteur

5

Limitation à trois du nombre de mandats successifs des membres de l'instance unique

Adopté

M. MILON, rapporteur

6

Mise en concurrence obligatoire des experts

Adopté

M. WATRIN

62

Suppression de la possibilité pour l'instance unique de négocier des accords d'entreprise

Rejeté

M. MILON, rapporteur

7

Généralisation, sauf accord majoritaire contraire, de la compétence de l'instance unique pour négocier des accords d'entreprise

Adopté

M. MILON, rapporteur

8

Suppression d'une habilitation relative à l'association des salariés aux décisions de l'employeur

Adopté

M. GABOUTY

30

Meilleure association des salariés mandatés aux décisions de l'employeur

Satisfait ou sans objet

M. MILON, rapporteur

9

Suppression de la réforme du régime de représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises

Adopté

Mme GRUNY

78 rect bis

Suppression de la réforme du régime de représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises

Adopté

M. MILON, rapporteur

10

Suppression de la redéfinition du rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles

Adopté

M. MOUILLER

46

Suppression de la redéfinition du rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles

Adopté

Article 3
Aménagement des règles du licenciement et de certaines formes particulières de travail

M. WATRIN

63

Suppression de l'article

Rejeté

M. WATRIN

64

Suppression de l'alinéa 4

Rejeté

Mme GRUNY

36

Fixation d'un plafond de 18 mois de salaire brut pour le référentiel obligatoire

Retiré

M. WATRIN

65

Suppression des alinéas 5 et 6

Rejeté

M. MILON, rapporteur

20

Possibilité pour l'employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation qui sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Adopté

M. MOUILLER

80

Reconnaissance de la primauté des règles de fond sur celles de forme dans les procédures de licenciement

Satisfait ou sans objet

M. MILON, rapporteur

21

Diminution au moins de moitié du délai de contestation portant sur la régularité ou la validité d'un licenciement pour motif économique

Adopté

M. WATRIN

66

Suppression de l'alinéa 7

Rejeté

Mme GRUNY

38

Simplification du reclassement pour inaptitude

Retiré

M. MILON, rapporteur

22

Distinction des obligations de l'employeur en matière de reclassement selon l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude du salarié

Adopté

M. MILON, rapporteur

23

Suppression de l'alinéa 8

Adopté

M. WATRIN

67

Suppression de l'alinéa 10

Rejeté

M. WATRIN

68

Suppression de l'alinéa 11

Rejeté

M. MILON, rapporteur

24

Périmètre national pour apprécier la cause économique d'un licenciement

Adopté

Mme GRUNY

41

Clarification des règles d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP)

Satisfait ou sans objet

M. MILON, rapporteur

25

Rédactionnel

Adopté

Mme GRUNY

40

Extension du champ de l'habilitation à la simplification des règles du temps partiel

Retiré

M. WATRIN

69

Suppression de l'alinéa 14

Rejeté

Mme GRUNY

84

Possibilité pour les accords de branche de fixer les hypothèses de rupture des CDD et des contrats d'intérim avant leur terme

Retiré

Mme GRUNY

82

Simplification et sécurisation du recours aux CDD et aux contrats d'intérim

Retiré

M. WATRIN

70

Suppression de l'alinéa 15

Rejeté

M. MOUILLER

47

Possibilité pour un employeur de conclure un contrat de chantier, sans accord de branche préalable

Retiré

M. MOUILLER

48

Recours au CDI de chantier pour réaliser un projet de croissance

Retiré

M. MILON, rapporteur

27

Obligation pour un accord de branche fixant les règles d'utilisation du CDI de chantier de respecter un cadre fixé par la loi

Adopté

M. WATRIN

71

Suppression de l'alinéa 16

Rejeté

M. WATRIN

72

Suppression de l'alinéa 17

Rejeté

Mme GRUNY

42

Extension de l'habilitation au prêt de main d'oeuvre intra-groupe

Retiré

Mme GRUNY

37

Obligation de recourir à un avocat pour signer une transaction

Retiré

M. MILON, rapporteur

88

Rédactionnel

Adopté

M. MILON, rapporteur

89

Rédactionnel

Adopté

Article 4
Développement de la négociation collective et sécurisation des accords de branche

M. WATRIN

73

Suppression de l'article

Rejeté

Article 5
Assouplissement des obligations des employeurs en matière de prévention de la pénibilité
et d'emploi de travailleurs détachés transfrontaliers

M. WATRIN

74

Suppression de la réforme du compte pénibilité

Rejeté

M. GRAND

29

Réduction du nombre de facteurs de pénibilité

Rejeté

Mme GRUNY

43

Modification des règles de contentieux relatives à la pénibilité

Retiré

M. WATRIN

75

Suppression de l'habilitation relative au détachement transfrontalier de travailleurs

Rejeté

Mme GRUNY

39

Simplification de l'épargne salariale

Retiré

Article 6
Harmonisation et mise en cohérence du code du travail

M. WATRIN

76

Suppression de l'article

Rejeté

M. GABOUTY

34

Simplification du droit du travail par le Gouvernement

Retiré

Article 7
Prolongation de la période transitoire relative à la mise en place
du nouveau zonage dérogatoire au repos dominical

M. WATRIN

77

Suppression de l'article

Rejeté

M. MILON, rapporteur

11

Sécurisation juridique de la prolongation de la période transitoire

Adopté

M. MOUILLER

50

Clarification du régime juridique des arrêtés préfectoraux de fermeture dominicale

Satisfait ou sans objet

Article 9
Report d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu

M. de MONTGOLFIER

90

Rédactionnel

Adopté

M. de MONTGOLFIER

91

Enrichissement du contenu du rapport

Adopté

M. de MONTGOLFIER

92

Rédactionnel

Adopté

M. MOUILLER

85

Suppression du prélèvement à la source

Retiré

Mme GRUNY

81

Suppression du prélèvement à la source et mensualisation obligatoire de l'impôt sur le revenu

Retiré

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

___________

• Jean-Emmanuel Ray , professeur de droit à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

• Paul-Henri Antonmattei , professeur de droit à l'université de Montpellier

• Syndicat d'avocats AvoSial

Nicolas de Sevin , président

Marie-Hélène Bensadoun , vice-présidente

Pierre Brégou , membre du bureau

Stéphanie Guedes da Costa , membre du bureau

ANNEXES

ANNEXE 1 - Présentation des règles actuelles relatives à l'articulation entre les accords de branche et les accords d'entreprise

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

DIRECTION

DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE
ET DES DÉLÉGATIONS

DIVISION
DE LA LÉGISLATION COMPARÉE

Paris, le 21 juin 2017

ANNEXE 2 - NOTE DE LÉGISLATION COMPARÉE SUR LES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL

NOTE DE SYNTHÈSE

Les instances représentatives du personnel

La recherche menée par la division de la législation comparée sur un échantillon couvrant neuf pays tendait à répondre à deux questions :

I. Quels types d'articulation entre les fonctions de représentation du personnel et de négociation d'accords collectifs au niveau des entreprises rencontre-t-on en Europe ?

II. À quel degré la représentation du personnel est-elle unifiée au sein de l'entreprise ?

I/ Le premier enjeu est de savoir s'il existe des instances spécifiques de représentation élues par le personnel dans les entreprises 315 ( * ) et distinctes des délégués syndicaux. La constitution d'instances représentatives du personnel (IRP) en ce sens peut procéder de la loi ou d'un accord entre les partenaires sociaux ; elle peut être obligatoire ou facultative ; elle peut répondre à la seule initiative des salariés ou impliquer l'employeur. En outre, la composition des IRP diverge selon les pays en fonction de la prégnance des syndicats parmi ses membres et de la présence ou de l'absence de représentants de la direction de l'entreprise.

Enfin, selon les pays, les prérogatives et les compétences des IRP varient assez largement, du socle commun du droit à l'information et à la consultation, consacré par la directive européenne 2002/14/CE, jusqu'à des droits d'approbation obligatoire et de véto de certaines mesures ou la capacité des signer des accords contraignants sur des sujets essentiels comme la rémunération et le temps de travail. Lorsque la capacité de négocier des accords avec l'employeur leur est reconnue formellement, elle peut être contrainte par un pouvoir concurrent de négociation reconnu parallèlement aux syndicats et par un encadrement par des accords nationaux ou des conventions de branche des matières ouvertes à la négociation.

On peut distinguer sommairement trois groupes de pays :

- ceux comme le Royaume-Uni et la Suède dans lesquels l es syndicats exercent un monopole de représentation et de négociation des accords 316 ( * ) . La présente note ne revient pas davantage sur ces pays, marginaux pour traiter la question des IRP élues ;

- ceux qui, avec de fortes nuances, organisent la coexistence de la représentation syndicale et d'IRP , mais où de droit ou de fait, les IRP sont faibles et les syndicats prédominent, soit qu'ils contrôlent largement la composition des IRP, soit qu'ils prennent en charge la négociation des accords collectifs d'entreprise ou que les conventions de branche négociées par les représentants syndicaux à ce niveau restreignent la latitude des IRP. On présentera quatre exemples aux traits nettement distincts : la Suisse et le Danemark où la négociation d'accords relèvent des syndicats tandis que les IRP ont un rôle uniquement consultatif, l'Italie et l'Espagne où les IRP et les représentants syndicaux peuvent concurremment négocier dans l'entreprise (A) ;

- ceux qui ont développé des IRP puissantes aux compétences et aux facultés étendues . Le modèle le plus achevé est celui de l'Allemagne. L'Autriche et les Pays-Bas en sont assez proches tout en préservant en pratique un rôle plus important aux organisations syndicales dans la conclusion d'accords (B).

A/ Parmi les pays à IRP faibles, la Suisse présente sans doute le modèle le plus minimaliste 317 ( * ) . La loi fédérale sur l'information et la consultation des travailleurs du 17 décembre 1993 (dite loi sur la participation) consacre uniquement les droits des travailleurs d'être informés et consultés dans différentes matières (sécurité et santé au travail, transfert de l'entreprise et changement de propriétaire, licenciements collectifs, affiliation à une institution de prévoyance) (art. 10).

Le personnel peut élire des représentants dans les entreprises employant au moins 50 travailleurs en permanence (art. 3). L'initiative en revient aux travailleurs 318 ( * ) . Le nombre de représentants est fixé « équitablement » par l'employeur et les travailleurs, sans pouvoir être inférieur à trois (art. 7). Les élections sont libres et indépendantes des syndicats, dont les membres candidatent toutefois fréquemment.

Les négociations d'accords relèvent des organisations syndicales, tant qu'une convention collective de branche -dont la conclusion dépend des fédérations syndicales- n'octroie pas cette compétence aux représentants du personnel dans l'entreprise, au-delà des dispositions législatives.

Au Danemark , la représentation du personnel est exercée par les représentants syndicaux dans l'entreprise, qui assurent la négociation à cet échelon, notamment des salaires et du temps de travail. Un accord national conclu entre la principale confédération (LO) et le patronat (DA) a toutefois créé une IRP, le comité de coopération ( samarbejdsudvalg ). Sa composition et ses compétences en font essentiellement un forum organisé de discussion entre les employés et la direction.

Les comités de coopération peuvent être créés dans les entreprises de plus de 35 salariés à la demande de l'employeur ou d'une majorité des salariés. Ils sont composés à parité de représentants des salariés et de la direction 319 ( * ) et la présidence revient à un représentant de la direction. C'est le modèle opposé aux pays à IRP forts (Allemagne, Autriche, Pays-Bas) mais aussi au régime mixte de l'Espagne, où il n'y a ni parité, ni même représentation de la direction au sein de l'instance élue.

Ses membres jouissent de droits d'information et de consultation et débattent d'une série de thèmes comme la politique d'égalité entre les femmes et les hommes, la formation aux NTIC, l'utilisation des données personnelles, les méthodes de production et les changements structurels de l'entreprise. Le comité ne peut pas empiéter sur les compétences de négociation des représentants syndicaux et n'a comme finalité que de promouvoir la coopération au sein de l'entreprise.

À la différence de la Suisse et du Danemark, l'Italie et l'Espagne ont choisi un système mixte entre représentation syndicale et IRP, auxquelles est reconnu un pouvoir de négociation d'accords d'entreprise. Néanmoins, cela ne conduit pas véritablement à constituer deux canaux parallèles de négociation, en raison du poids social des syndicats dans les deux pays et de leur maîtrise en droit et en fait de l'élection des membres de l'IRP . Le but de l'IRP est plutôt d'essayer de simplifier et de discipliner la négociation dans l'entreprise par les syndicats au sein d'un organe unique et représentatif.

En Italie , coexistent des représentations syndicales d'entreprise ( rappresentanze sindacali aziendali - RSA), qui sont des émanations des syndicats de salariés, et des représentations syndicales unitaires ( rappresentanze sindacali unitarie - RSU), qui sont des IRP élues. Il peut y avoir plusieurs RSA dans une entreprise mais seulement une RSU. La proximité terminologique ne laisse pas de doute, néanmoins, sur la place que les syndicats italiens continuent d'occuper dans les RSU.

Juridiquement, la situation est marquée par une complexité certaine. Les RSA sont prévues par l'article 19 de la loi 300/1970 portant statut des travailleurs, même si les critères de constitution sont restés partiellement incertains, en l'absence d'un texte définissant la représentativité, jusqu'à ce qu'un référendum en 1995 puis une décision de la Cour constitutionnelle (231/2013) ne viennent progressivement les clarifier.

L'invention de la RSU résulte d'une initiative propre des partenaires sociaux. La RSU n'a comme base juridique que le protocole d'accord dit de la Saint Thomas de 1993 320 ( * ) , complété par l'accord national interconfédéral du 10 janvier 2014 portant texte unique de la représentation, validé par les trois confédérations syndicales historiques (CGIL, CISL, UIL).

Par ces accords, les partenaires sociaux se sont engagés à ce qu'il n'y ait par établissement qu'un seul type de représentation, soit des RSA désignées par les syndicats présents dans l'entreprise, soit une RSU élue. Un certain nombre de règles ont été actées : les syndicats s'engagent à renoncer à la formation de RSA là où une RSU existe ou est prévue ; ce n'est que dans les établissements précédemment existants où il n'y avait aucune structure de représentation que la constitution de RSA demeure une option ; le principe du passage des RSA à la RSU est acté au niveau national mais la décision est laissée aux syndicats de branche.

Aux termes de l'accord interconfédéral de 2014, les RSU peuvent être constituées dans les établissements de plus de 15 salariés à l'initiative des organisations syndicales adhérentes aux confédérations signataires 321 ( * ) . Les listes de candidats sont présentées par les syndicats. La prime majoritaire d'un tiers des sièges réservée à la liste arrivée en tête prévue dans l'accord de 1993 a été supprimée par l'accord de 2014 au profit d'une répartition à la proportionnelle entre les listes 322 ( * ) .

Les fonctions reconnues par la loi aux RSA, notamment pour la négociation d'accords collectifs avec la direction de l'entreprise, sont transférées à la RSU, qui décide à la majorité de ses membres, aux termes des accords nationaux interconfédéraux. Depuis des initiatives des gouvernements Berlusconi en 2011 323 ( * ) et Monti en 2012, le champ de la négociation d'entreprise s'est élargi en prévoyant un moindre encadrement par les conventions collectives ( contratti collectivi nazionali di lavoro - CCNL). L'équilibre du système est toutefois instable puisque tout repose sur des séries d'accords interconfédéraux et que tant les syndicats que le patronat sont souvent divisés en interne 324 ( * ) .

En Espagne , la base légale est constituée par le décret législatif royal 2/2015, équivalent fonctionnel d'une ordonnance, qui refond la loi sur le statut des travailleurs. Depuis ladite loi de 1980 complétée par la loi sur la liberté syndicale de 1985, la représentation des travailleurs peut être assurée par des instances élues dans les entreprises de plus de 10 salariés 325 ( * ) . C'est par ces instances que sont exercés les droits de participation des travailleurs dans l'entreprise, sans préjudice néanmoins de la représentation syndicale qui peut parallèlement exister (art. 61). Des délégués du personnel ( delegados de personal ) sont élus dans les entreprises de moins de 50 salariés et des comités d'entreprise ( comités de empresa ) dans celles de plus de 50 (art. 62 et 63).

Peuvent déclencher des élections les organisations syndicales représentatives ou les travailleurs eux-mêmes par voie d'accord majoritaire. Peuvent désigner des candidats les syndicats de travailleurs ou leurs coalitions et les salariés qui parviennent à faire valider leur candidature par au moins trois fois plus de signatures de salariés électeurs travaillant dans le même établissement qu'il n'y a de postes ouverts à l'élection (art. 69). En pratique, on estime que les trois quarts des candidats appartiennent à l'une des deux grandes confédérations CCOO et UGT.

Les compétences et prérogatives des délégués du personnel et des comités d'entreprise sont les mêmes. Elles sont étendues : information sur la plupart des sujets économiques, consultation sur les questions d'emploi, d'organisation du travail et de rémunération, participation à la gestion des oeuvres sociales, exercice d'une vigilance en matière de santé et de sécurité. Les IRP espagnoles sont reconnues compétentes pour négocier des accords d'entreprise ( convenio de empresa ). Les sections syndicales le peuvent également, si elles rassemblent la majorité des membres du comité d'entreprise (art. 87). La capacité de négocier des accords d'entreprise est devenue particulièrement importante depuis la loi 3/2012 qui leur a donné la possibilité de déroger aux conventions de branche notamment sur les salaires, les primes, les horaires de travail, l'organisation annuelle et les classements professionnels.

B/ Le modèle allemand est organisé selon le principe inverse : les IRP y épuisent les compétences conférées ailleurs aux syndicats dans l'entreprise, pour la protection des salariés comme pour la participation à la négociation . Les représentations syndicales au niveau de l'entreprise sont tolérées sans être directement partie prenante de la vie de l'entreprise et de la prise de décision 326 ( * ) .

Le texte fondamental en la matière est la loi sur la constitution de l'entreprise du 18 janvier 1972 ( Betriebsverfassungsgesetz - BeVG ), qui accorde un rôle pivot à l'instance centrale qu'est le conseil d'entreprise (Betriebsrat ).

Les entreprises de plus de 5 salariés , dont au moins 3 doivent être éligibles, c'est-à-dire âgés de plus de 18 ans et en poste depuis plus de six mois, peuvent élire un conseil d'entreprise (§1). L'initiative revient aux salariés, la direction n'étant pas tenue d'organiser des élections et n'en ayant pas non plus d'elle-même la faculté si elle le souhaitait. Un comité électoral est chargé d'organiser les élections : il est soit désigné par le précédent conseil d'entreprise, soit élu par une assemblée des salariés. Les cadres dirigeants 327 ( * ) sont exclus des élections et ne peuvent donc faire partie du conseil, qui n'est pas un organe paritaire et ne comprend aucun membre représentant la direction de l'entreprise. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, le conseil ne comprend qu'un seul membre.

Le conseil d'entreprise bénéficie de droits étendus à l'information et à la consultation. Il exerce un droit de remontrance en cas de licenciement, dont l'employeur doit nécessairement lui faire connaître la cause, à peine de nullité de la procédure (§102). Dans les entreprises de plus de 20 salariés, son approbation est nécessaire pour mettre en oeuvre des décisions individuelles de recrutement, d'avancement ou rétrogradation, de classement professionnel et de mutation (§99) 328 ( * ) . Un véto du conseil d'entreprise peut être levé par le tribunal du travail sur requête de l'employeur.

En outre, le pouvoir législatif a accordé des droits de cogestion au conseil d'entreprise. Un certain nombre de domaines doivent être réglés par un accord d'entreprise ( Betriebsvereinbarung ) négocié et approuvé par le conseil et la direction : règlement intérieur et comportement des travailleurs, temps de travail (journée, semaine, pauses, réduction ou diminution en fonction de l'activité), organisation des congés, santé au travail (accidents et maladies professionnelles), oeuvres sociales, salaires (méthodes de rémunération, primes) (§87).

Lorsque la négociation des accords d'entreprise dans les champs prévus par la loi achoppe, une instance de conciliation ( Einigungsstelle ) 329 ( * ) est mise en place. Elle est composée à parité de membres désignés par le conseil d'entreprise et par l'employeur. Elle est présidée par un tiers indépendant sur le nom duquel les deux parties doivent s'accorder ; à défaut d'accord, le président est désigné par le tribunal du travail compétent. Elle prend des résolutions à la majorité des voix. Ses arbitrages sont juridiquement contraignants et prennent la valeur d'un accord d'entreprise dans les domaines de cogestion définis par la loi.

En pratique, un grand nombre d'entreprises ne disposent pas de conseils d'entreprise, notamment les PME. De plus, si juridiquement les IRP et les syndicats sont nettement distincts, cela n'empêche que 75 % environ des élus soient affiliés.

L'Autriche prévoit une architecture très similaire . En vertu de la loi de constitution du travail du 14 décembre 1973 ( Arbeitsverfassungsgesetz - ArbVG ) peuvent être élus des conseils d'entreprise ( Betriebsrat ) dans les entreprises de plus de 5 salariés. Comme son homologue allemand, le conseil autrichien ne comprend pas de représentant de la direction et dispose de larges pouvoirs diversifiés.

Il convient de noter toutefois que les droits de cogestion sont moins étendus en Autriche. Le domaine des accords d'entreprise obligatoirement conclu entre l'employeur et le conseil d'entreprise est plus restreint qu'en Allemagne (règles disciplinaires, dispositifs techniques de surveillance des salariés, données personnelles, primes aux résultats et rémunération à la pièce) (§96). Les négociations collectives demeurent plus fortes au niveau des branches que des entreprises.

Le régime hollandais partage de nombreux traits avec le modèle austro-allemand. La loi sur les conseils d'entreprises
du 18 janvier 1971 ( Wet op de ondernemingsraden ) rend obligatoire l'élection de conseils d'entreprise dans les entreprises de plus de 50 salariés. Dans les entreprises de 10 à 50 salariés, l'employeur est tenu de constituer une représentation du personnel ( personeelsvertegenwoordiging ), si la majorité des salariés le demande. S'il n'y a ni conseil d'entreprise, ni représentation du personnel, l'employeur doit organiser des assemblées du personnel régulières pour permettre aux salariés d'exercer leurs droits d'être informés et consultés.

Les conseils d'entreprise disposent de larges prérogatives d'initiative et d'approbation des règles organisant l'activité dans l'entreprise (santé et sécurité, systèmes de contrôle, formation, politique de recrutement et de licenciement, classement professionnelle, horaires de travail, congés). Le droit de véto sur des mesures individuelles peut, comme en Allemagne, être levé par le juge du travail sur recours de l'employeur. En revanche, les négociations d'accords d'entreprise par les conseils, quoique légalement possibles, sont moins courantes et plus contraintes par les conventions collectives qu'en Allemagne. Les négociations sur les rémunérations demeurent l'apanage des organisations syndicales.

II/ Le panorama tracé précédemment tend à laisser penser que, dans les pays européens, la représentation du personnel est unifiée au sein d'une seule instance, sans reproduire la division fonctionnelle à la française entre délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Par exemple, en Espagne, malgré la proximité sémantique, les délégués du personnel et le comité d'entreprise ne constitue pas deux instances distinctes qui se cumulent, mais une même instance dotée des mêmes pouvoirs et simplement organisée différemment dans les entreprises de moins de 50 ou de plus de 50 salariés. Le même constat vaut pour les Pays-Bas à propos de la représentation du personnel et du conseil d'entreprise, à cela près que la représentation du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés jouit de pouvoirs un peu plus restreints que les conseils d'entreprise dans les plus grandes entreprises.

Il convient aussi de remarquer que les comités ou conseils d'entreprise en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas exercent de larges compétences en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. C'est aussi une tâche essentielle de la représentation du personnel en Suisse.

Toutefois , dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail , les législations nationales prévoient fréquemment la constitution d' instances techniques spécifiques pour assurer la coopération du personnel et de la direction en la matière :

- en Allemagne 330 ( * ) , au-dessus de 20 salariés, et en Autriche 331 ( * ) , au-dessus de 100 salariés, doivent être constitués par l'employeur des comités pour la sécurité au travail comprenant l'employeur ou son représentant, le médecin d'entreprise, les chargés de la sécurité désignés au sein du personnel et des représentants du comité d'entreprise. Dans ces deux pays, comme aux Pays-Bas, où le conseil d'entreprise peut déléguer sa compétence en la matière, l'existence de comités spécialisés ne remet pas en cause la primauté du conseil d'entreprise ;

- en Espagne, un comité mixte paritaire de sécurité et de santé doit être mis en place au-delà du seuil de 50 salariés. Il comprend les délégués à la prévention désignés parmi le personnel et un nombre égal de représentants de l'employeur. Assistent aux réunions sans droit de vote les professionnels de santé et de sécurité de l'entreprise et les délégués syndicaux.

Un examen plus attentif du cas allemand conduit également à nuancer l'impression d'unité de la représentation du personnel. En effet, le Betriebsrat , l'instance représentative centrale du personnel, exerce certes en un sens le monopole de la représentation générale du personnel, mais il est flanqué d'autres comités satellites qui gravitent autour de lui.

Outre le comité de sécurité au travail et l'instance arbitrale de conciliation déjà évoqués, il faut indiquer l'existence d'une commission économique ( Wirtschaftsausschuss ) qui doit être instituée dans les entreprises de plus de 100 salariés pour discuter avec l'employeur des affaires économiques de l'entreprise et pour assurer la parfaite information du conseil d'entreprise en la matière 332 ( * ) . Ses membres sont choisis par le conseil d'entreprise parmi les salariés, y compris les cadres dirigeants, à raison de leur expertise. Au moins un membre du conseil d'entreprise doit en faire partie.

En outre, au moins deux instances sont prévues pour représenter certaines catégories particulières de personnel dans les entreprises allemandes :

- le comité porte-parole ( Sprecherausschuss ) des cadres dirigeants , dont on rappelle qu'ils ne peuvent appartenir au conseil d'entreprise. Une loi spéciale 333 ( * ) prévoit son élection dans les établissements comptant au moins 10 cadres dirigeants. Ses membres doivent eux-mêmes être cadres dirigeants. Le comité porte-parole défend leurs intérêts propres et peut conclure des accords écrits définissant des lignes directrices à propos du contenu, du commencement ou de la fin de leurs relations de travail. Il doit être consulté sur chaque mesure individuelle affectant un cadre dirigeant ;

- et la délégation des jeunes et des apprentis ( Jugend- und Auszubildendenvertretung ) 334 ( * ) , qui ne peut être élue que dans les entreprises qui comptent déjà un conseil d'entreprise. C'est le conseil d'entreprise qui est chargé de l'élection parmi les jeunes salariés et apprentis de moins de 25 ans. La délégation défend les intérêts des apprentis en passant par le conseil d'entreprise auquel elle fait part de leurs préoccupations et de leurs suggestions, charge ensuite au conseil d'entreprise de les reprendre à son compte pour négocier avec l'employeur, s'il les estime fondées.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

DIRECTION

DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE
ET DES DÉLÉGATIONS

DIVISION
DE LA LÉGISLATION COMPARÉE

Paris, le 20 juillet 2017 ( V3 )

ANNEXE 3 - NOTE DE LÉGISLATION COMPARÉE SUR L'INDEMNISATION DU LICENCIEMENT

NOTE DE SYNTHÈSE

L'indemnisation du licenciement

La recherche menée par la Division de Législation comparée sur l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et la Suisse a dégagé une tendance partagée à encadrer les pouvoirs du juge de la relation de travail lorsqu'il accorde des indemnités au salarié victime d'un licenciement abusif.

Un plafonnement, voire une barémisation stricte, sont prévus. Les montants sont définis en fonction du salaire et peuvent différer, au sein d'un même pays, en fonction de l'âge, de l'ancienneté dans l'entreprise, du type de contrat de travail, de la taille de l'entreprise et de la gravité de la faute de l'employeur.

Pour sanctionner des abus graves de l'employeur, liés à des licenciements manifestement illicites, discriminatoires ou violant des droits fondamentaux, la réparation exigée est plus lourde, à la hauteur du préjudice. Les préjudices connexes subis par le salarié peuvent , le cas échéant, donner lieu à une action civile en dommages et intérêts.

La réintégration du salarié n'est pas non plus systématiquement exclue ; elle demeure même souvent le principe mais elle peut être, à l'initiative d'une des parties remplacée, par une indemnité, en partant du constat que la relation de travail ne peut plus se poursuivre sereinement.

1 - La caractérisation du licenciement abusif

On peut constater que la notion de licenciement abusif ou illégitime n'est pas parfaitement homogène entre les pays européens, au-delà de certaines constantes comme l'interdiction des discriminations, la protection spéciale des représentants syndicaux et du personnel et les mesures en faveur de la maternité.

En Suisse , en l'absence de code du travail, les dispositions relatives au licenciement sont prévues aux articles 335 et suivants du code des obligations.  Plus encore qu'en Allemagne, où il n'existe pas davantage de code du travail mais où existent des lois spécifiques pour régler la fin de la relation de travail, le droit suisse est de matrice purement civiliste. La rupture d'une relation de travail y est d'abord la rupture d'un contrat, certes particulier mais reposant sur le libre consentement des parties.

Le droit suisse permet la résiliation avec effet immédiat du contrat de travail en tout temps et pour de justes motifs, autant par l'employeur que par le travailleur. La décision doit être motivée si l'autre partie le demande. Le code des obligations précise que comptent comme justes motifs « toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail » (art. 337). Le juge apprécie leur existence librement.

Le licenciement n'a pas besoin pour être justifié de disposer d'un motif grave ou d'une cause sérieuse, c'est l'abus de droit par l'employeur ou la violation majeure d'un droit du salarié qui peut être sanctionné.

L'article 336 du code énumère strictement les motifs pour lesquels un congé sera considéré comme « abusif » :

- une raison inhérente à la personnalité du travailleur ou l'exercice par celui-ci d'un droit constitutionnel, à moins qu'il n'y ait violation du contrat de travail par le salarié ou que ne soit porté un préjudice grave au travail dans l'entreprise de ce fait ;

- la volonté d'empêcher le salarié de faire valoir de bonne foi ses prétentions issues du contrat de travail ou de l'empêcher de bénéficier de nouvelles prétentions qui naîtraient de la poursuite de la relation de travail ;

- l'accomplissement par le salarié d'une obligation légale qu'il n'a pas demandé d'assumer (service militaire notamment) ;

- l'appartenance ou la non-appartenance d'un travailleur à une organisation syndicale, ainsi que le statut de représentant élu du personnel, sans autre motif justifié de résiliation. 335 ( * )

Le licenciement est nul et privé d'effet s'il intervient pendant certaines périodes précisément fixées : avant et après l'accomplissement d'un service obligatoire civil ou militaire, pendant la grossesse et après l'accouchement, pendant une incapacité de travail non due à une faute du salarié, pendant la participation à un service fédéral d'aide à l'étranger (art. 336c).

Partageant la même philosophie civiliste que le régime suisse, le modèle allemand a évolué sous l'effet des lois sociales de l'ère Brandt et de la jurisprudence des tribunaux qui, sous l'impulsion de la Cour constitutionnelle, mobilisent des clauses générales du code civil comme instruments de défense des droits individuels.

Ainsi, en Allemagne , les principales dispositions relatives au licenciement relèvent de la loi fédérale relative à la protection contre les licenciements du 25 août 1969 (Kündigungsschutzgesetz - KschG) . Celle-ci déclare inopérants ( unwirksam ) les licenciements socialement injustifiés (sozial ungerechtfertigt), c'est-à-dire ceux qui ne sont fondés ni sur un motif lié à la personne 336 ( * ) ou au comportement 337 ( * ) du salarié, ni sur des nécessités urgentes qui s'opposent au maintien du travailleur dans l'entreprise (§1). Cependant, la portée de cette règle est limitée depuis le 1 er janvier 2004 aux entreprises de plus de 10 salariés. 338 ( * ) D'autres textes de loi spécifiques protègent contre le licenciement les femmes pendant la grossesse, après l'accouchement et pendant le congé parental, les personnes lourdement handicapées et les élus du personnel dans l'entreprise.

Par ailleurs, dans la mesure où en droit allemand, le contrat de travail est une espèce particulière de contrat de prestation de service, certaines règles générales du code civil en matière de rupture de contrat s'appliquent. Comme actes juridiques, les licenciements sont nuls et privés d'effet dès lors qu'ils méconnaissent un droit fondamental constitutionnellement garanti, comme la liberté d'expression politique et la liberté syndicale. Ils ne sauraient contrevenir ni aux prohibitions légales explicites (§ 134 Bürgerliches Gesetzbuch - BGB), ni aux bonnes moeurs (§138 BGB) , ni au principe de bonne foi qui régit les relations contractuelles (§242 BGB).

Par le biais de ces clauses générales, le juge allemand peut aller au-delà des protections offertes par le Kündigungsschutzgesetz de 1969. Il dispose ainsi d'un pouvoir d'appréciation sur les licenciements dans les entreprises de moins de 10 salariés. Il peut mobiliser les dispositions de la loi générale d'égalité de traitement du 14 août 2006 pour empêcher les licenciements discriminatoires. Le principe de bonne foi peut aussi servir à protéger les salariés qui, employés depuis de longues années, ont mérité la confiance de l'employeur.

Enfin, le législateur ayant confié aux conventions collectives ( Tarifvertrag ) la possibilité de prévoir des clauses limitant les licenciements de certaines catégories du personnel - en fonction de leur âge ou de leur ancienneté par exemple -, une entreprise signataire de la convention ne peut procéder à un licenciement contraire. 339 ( * )

En Belgique , les dispositions relatives au licenciement sont régies par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Chaque partie peut résilier le contrat pour un motif grave laissé à l'appréciation du juge . Le motif grave couvre « toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l'employeur et le travailleur » (art. 35). Ouvrent droit à indemnisation des ruptures du contrat de travail sans motif grave , sans respect du délai de préavis ou moyennant un préavis insuffisant.

En outre, la notion de licenciement abusif est reconnue en droit belge. La loi distinguait initialement entre les ouvriers et les employés. N'était considéré comme abusif que le licenciement « effectué pour des motifs qui n'ont aucun lien avec l'aptitude ou la conduite de l'ouvrier ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service » (art. 63). Aucune disposition spécifique équivalente à celle des ouvriers n'était prévue pour les employés. Un employé licencié abusivement devait donc faire valoir un abus de droit au sens du droit civil belge, défini dans un arrêt de principe comme le fait d'exercer un droit « d'une manière qui dépasse manifestement les limites de l'exercice normal de celui-ci par une personne prudente et diligente » 340 ( * ) . L'indemnisation était laissée à l'appréciation du juge, alors que l'ouvrier dans la même situation avait droit à une indemnité correspondant à six mois de salaire .

Cette différence de statuts a fait l'objet d'une refonte. La Cour constitutionnelle a jugé, dans un arrêt du 7 juillet 2011, que les différences entre ouvriers et salariés 341 ( * ) n'étaient pas conformes à l'exigence constitutionnelle d'égalité de traitement et a demandé au gouvernement d'adopter de nouvelles dispositions.

La loi du 26 décembre 2013 relative à l'introduction d'un statut unique a répondu à cette demande en précisant que les dispositions relatives au licenciement abusif des ouvriers cesserait de s'appliquer dès lors qu'une convention collective du travail (CCT) 342 ( * ) , conclue au sein d'une convention nationale entrerait en vigueur. La CCT n°109 du 12 février 2014 concernant la motivation du licenciement établit que, si un employeur licencie « un travailleur engagé pour une durée indéterminée après six mois d'occupation pour des motifs qui n'ont aucun lien avec l'aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, et que ce licenciement n'aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable , il s'agit d'un licenciement manifestement déraisonnable . Une sanction séparée y est liée » .

En Italie , l' illégitimité du licenciement peut procéder de l'absence de fondement matériel, qui inclut l'absence de juste cause ( giusta causa ) et de l'absence de motif justifié ( giustificato motivo ).

D'après l'article 2119 du code civil italien, la juste cause est un fait objectif grave qui ne permet pas la poursuite de la relation contractuelle. L'exemple donné par la doctrine est celui de l'employé de banque licencié parce qu'il est affilié à la criminalité organisée. Le licenciement pour juste cause est à effet immédiat sans obligation de préavis. Le motif justifié est défini par la loi n° 604/1966 comme l'inaccomplissement notable par le salarié de ses obligations (critère subjectif), ce qui vise en particulier des comportements fautifs, ou comme résultant de faits inhérents à l'activité productive et à l'organisation du travail dans l'entreprise (critère objectif). Les licenciements illégitimes pour manque de fondement substantiel sont annulables.

Sont considérés également comme illégitimes d'un point de vue formel les licenciements par oral, ceux qui ne sont pas accompagnés des motifs de la décision de l'employeur, ceux qui violent la procédure de licenciement disciplinaire. Ces licenciements sont sans effet.

À côté des licenciements illégitimes, le droit italien admet la catégorie des licenciements illicites et discriminatoires, qui sont frappés de nullité. Le législateur italien interdit le licenciement d'une salariée venant de se marier, enceinte ou mère d'un nourrisson. De même, la jouissance d'un congé parental ne peut servir de motif à un licenciement. Une maladie ou un accident du travail ne peut être cause d'un licenciement, non plus qu'un appel à servir sous les drapeaux. Sont enfin considérés comme discriminatoires les licenciements sur le fondement d'une opinion politique, d'une foi religieuse, de l'appartenance à un syndicat ou pour un motif raciste.

Le droit du licenciement en Espagne a été modifié dans les années 2000, puis à nouveau après l'entrée en vigueur de la loi n° 36/2011 de régulation des juridictions sociales, du décret-loi royal n° 20/2012 et du décret législatif royal n° 2/2015 modifiant le statut des travailleurs. Le juge du travail peut déclarer un licenciement qui lui est soumis nul ( nulo ), sans fondement ( improcedente ) ou fondé ( procedente ).

Le licenciement est nul s'il provient d'une discrimination illégale ou s'il viole les droits fondamentaux du salarié. Il l'est également s'il sanctionne une grossesse, une naissance, une adoption, l'exercice de congés de maternité ou destinés à assurer des soins à des enfants ou des parents.

Le licenciement est sans fondement et irrecevable :

- lorsque ne sont pas établis les manquements du salarié invoqués par l'employeur ;

- ou lorsque les formalités procédurales n'ont pas été correctement accomplies ;

- ou, en cas de licenciement pour cause objective 343 ( * ) , lorsque l'existence de la cause n'est pas établie.

2 - Le pouvoir d'appréciation du juge en matière d'indemnisation du licenciement

En Suisse , un principe fondamental du code des obligations veut que  « la partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l'autre une indemnité » . Cette indemnité, fixée par le juge « compte tenu de toutes les circonstances » ne peut excéder le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur (art. 336a). Parmi les critères d'appréciation sont notamment prises en compte les éventuelles fautes commises par les parties, la capacité financière de l'employeur, la durée de la relation de travail, ainsi que l'âge du travailleur , la capacité de réinsertion dans la vie économique et la gravité de l'atteinte aux droits personnels du salarié . Le même article précise que « sont réservés les dommages-intérêts qui pourraient être dus à un autre titre » , ce qui laisse ouvert la possibilité d'un recours civil supplémentaire.

Pour faire valoir son droit à indemnité, la partie doit faire opposition au congé par écrit avant la fin du délai de congé . Si cette contestation est valable mais ne permet toutefois pas le maintien du lien de travail, alors la personne licenciée peut faire valoir sa demande d'indemnité devant le juge dans les 180 jours à compter de la fin du contrat.

Dans le cas particulier de la rupture de la relation de travail à effet immédiat , si la résiliation par l'employeur est injustifiée , « le travailleur a droit à ce qu'il aurait gagné , si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du délai de congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée déterminée » . Sont toutefois déduits de ce montant « ce que le travailleur a épargné par suite de la cessation du contrat de travail, [...] le revenu qu'il a tiré d'un autre travail ou le revenu auquel il a intentionnellement renoncé » . Le juge peut également condamner l'employeur à verser au travailleur une indemnité dont le montant, fixé librement compte tenu de toutes les circonstances, ne peut excéder le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur (article 337c).

En revanche, lorsque la rupture immédiate par l'une des parties est justifiée par le non-respect du contrat de travail par l'autre partie, celle-ci doit « réparer intégralement le dommage causé , compte tenu de toutes les prétentions découlant des rapports de travail ». Lorsque la justification de la rupture provient d'une autre cause, « le juge apprécie librement les conséquences pécuniaires de la résiliation immédiate en tenant compte de toutes les circonstances » (article 337b).

En Allemagne , si un employé estime que son licenciement n'est pas socialement justifié ou qu'il est invalide pour d'autres raisons, il doit dans les trois semaines suivant la réception de la notification écrite de licenciement déposer une plainte auprès du tribunal du travail afin de faire constater que la relation de travail n'est pas résiliée.

Le principe est la réintégration dans l'entreprise lorsque le licenciement est injustifié car le juge allemand le considère alors comme sans effet.

Toutefois, tout en jugeant que la relation de travail n'est pas résiliée par le licenciement, le tribunal est libre d'estimer que sa poursuite n'est pas possible pour le salarié . Sur demande du travailleur, il peut mettre fin à la relation de travail et condamner l'employeur à verser une indemnité . Le tribunal doit prendre la même décision, sur demande de l'employeur , lorsqu'il existe des motifs montrant qu'une collaboration professionnelle servant les intérêts de l'entreprise ne peut plus être attendue. Le tribunal détermine, dans ces deux cas, le moment correspondant à la fin de la relation de travail (§ 9 - KSchG).

L'indemnité prend la forme d'une compensation pouvant atteindre jusqu'à 12 mois de salaire mensuel .

Si le travailleur a achevé sa cinquantième année et que la relation de travail a duré au moins 15 ans, son indemnité peut atteindre jusqu'à 15 mois de salaire mensuel .

S'il a achevé sa cinquante-cinquième année et que la relation de travail a duré au moins 20 ans, le tribunal peut fixer une indemnité pouvant atteindre jusqu'à 18 mois de salaire mensuel .

En cas de résiliation à effet immédiat de la relation de service 344 ( * ) après qu'elle a commencé, le prestataire, ici le salarié, est en droit de demander le paiement des prestations déjà effectuées (§ 626 BGB). En revanche, lorsque la résiliation est la conséquence d'une faute, la partie fautive est tenue de réparer le dommage en découlant (§ 628 BGB).

En Belgique , en cas de licenciement sans motif grave ou sans respect du délai de préavis, l'employeur doit au salarié « une indemnité égale à la rémunération en cours correspondant soit à la durée du délai de  préavis qui aurait dû être notifié, soit à la partie de ce délai restant à courir » (art. 39 de la loi de 1978 sur les contrats de travail).  L'indemnité de rupture inclut non seulement la rémunération, mais aussi les avantages acquis par le salarié en vertu du contrat.

Par ailleurs, aux termes de la convention collective nationale n° 109 du 12 février 2014 précitée :

- si le travailleur demande la communication des motifs ayant conduit à son licenciement et que l'employeur n'y répond pas, ou le fait dans de mauvaises formes, il est redevable au travailleur d'une amende civile forfaitaire correspondant à deux semaines de rémunération compatible avec une autre indemnité (art.7) ;

- si le licenciement est manifestement déraisonnable , l'employeur est redevable d'une indemnisation au travailleur, dont le montant est compris entre 3 et 17 semaines de rémunération . Cette indemnisation est uniquement cumulable avec une indemnité de préavis, une indemnité de non-concurrence, une indemnité d'éviction ou une indemnité complémentaire payée en plus des allocations sociales.

Le commentaire de la CCT précise que « le montant de l'indemnisation dépend de la gradation du caractère manifestement déraisonnable du licenciement » et qu' « en lieu et place de la sanction visée par le présent article , il reste loisible au travailleur de demander la réparation de son dommage réel , conformément aux dispositions du Code civil ».

En Italie , le régime d'indemnisation des licenciements illégitimes a été profondément remanié par la loi n° 183/2014 dit Jobs Act et surtout par le décret législatif n° 23/2015, équivalent d'une ordonnance, qui met en oeuvre un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à protections croissantes ( tutele crescente ).

Les nouvelles dispositions d'indemnisation sous le contrôle du juge 345 ( * ) ne s'appliquent qu'aux salariés embauchés sous ce nouveau contrat à compter du 7 mars 2015 et à ceux qui travaillaient à cette date sous l'ancien régime de CDI mais dont l'entreprise a depuis dépassé les 15 salariés, ainsi qu'à ceux dont le CDD ou le contrat d'apprentissage a été transformé en CDI après le 7 mars 2015.

Pour les autres salariés s'applique toujours l'ancien régime de sanction du licenciement illégitime fondé sur les lois n° 604/1966 pour les petites entreprises et n° 300/700 portant statut des travailleurs pour les autres entreprises. Comme c'est très souvent le cas en droit italien, ces deux lois n'ont pas été abrogées par la réforme de 2014-2015 mais sont progressivement privées d'effet. 346 ( * ) Par souci de simplicité, et dans la mesure où l'ancien dispositif a vocation à tomber en désuétude, on ne présentera que le nouveau régime.

En cas de licenciements sans effet ou frappés de nullité, notamment les licenciements discriminatoires ou annoncés verbalement, le juge enjoint l'employeur de réintégrer le salarié, la relation de travail étant réputée n'avoir jamais cessé. L'employeur doit verser toutes les cotisations sociales rétroactivement. Au lieu de sa réintégration, le salarié peut demander comme alternative une indemnité. Cette indemnité est distincte de l'indemnisation de son préjudice à laquelle le salarié a droit.

L'indemnité pouvant être demandée s'élève à 15 mensualités de la dernière rémunération de référence . La demande d'indemnité, au lieu de la réintégration, est formulée dans les 30 jours suivant la communication de la décision ou suivant l'invitation de l'employeur à réintégrer le poste, si celle-ci est antérieure.

L'indemnisation , quant à elle, est prononcée par le juge, quel que soit le choix entre réintégration et indemnité pour lequel opte le travailleur. Cette indemnisation correspond au paiement des rémunérations non perçues entre le dernier jour travaillé et le jour de la réintégration, déduction faite des revenus perçus pendant cette période du fait d'une autre activité. Le montant total ne peut être inférieur à l'équivalent de 5 mensualités .

Tous les cas de licenciements illégitimes n'ouvrent pas le même droit à indemnisation, même si un plafond est systématiquement fixé :

- si est prouvée l'inexistence du fait matériel reproché au travailleur allégué par l'employeur comme juste cause ou comme motif justifié subjectif, le régime ressemble à celui du licenciement discriminatoire ou nul. Le licenciement est annulé par le juge et le salarié doit être réintégré . En revanche, il ne dispose plus d'un droit d'option. Les cotisations sociales sont dues par l'employeur, qui est, de plus, tenu de verser au travailleur une indemnité compensatrice égale aux rémunérations non perçues entre le dernier jour travaillé et le jour de la réintégration. Le montant ne peut excéder l'équivalent de 12 mois de salaire et est amputé des rémunérations autres perçues par le salarié durant cette période ;

- si le juge estime que ne sont pas réunies les conditions d'une juste cause ou d'un motif justifié objectif ou subjectif , il déclare la relation de travail terminée à la date du licenciement. L'employeur est alors condamné à verser une indemnité s'élevant à deux mensualités par année d'ancienneté dans l'entreprise , le total ne pouvant être inférieur à 4 mensualités de revenus, ni supérieur à 24 mensualités ;

- si le licenciement souffre d'un vice de forme ou de procédure , le juge déclare la relation de travail terminée à la date du licenciement. L'employeur est alors condamné à verser une indemnité d'un mois de rémunération par année de service , le total ne pouvant être inférieur à 2 mois de salaires, ni supérieur à 12 mois .

Ces dispositions s'appliquent aux entreprises de plus de 15 salariés. Dans les petites entreprises de 15 salariés ou moins, la sanction du licenciement illégitime est toujours uniquement l'indemnisation, sans annulation de l'acte, ni droit à réintégration. L'indemnité est fixée à un mois de rémunération par année de service pour absence de fondement matériel et à un-demi mois par année pour vice de forme ou de procédure, dans la limite de 6 mois de rémunération (art. 9 D.L. 23/2005).

En Espagne , selon une solution classique comme le montrent les exemples précédents, le licenciement nul en raison d'une illicéité, d'une discrimination ou d'une violation d'un droit fondamental ou d'une liberté publique est sanctionné par la réintégration du salarié et le versement des rémunérations qui auraient dû être perçues . Les revenus du travailleur qui pourraient être liés à un autre emploi occupé pendant la durée de la procédure peuvent être décomptés par l'employeur. Les cotisations sociales sont dues par l'employeur rétroactivement.

De plus, le droit espagnol admet à titre spécifique l'accumulation d'actions devant le juge social pour réclamer devant lui, dans la continuité du jugement de la rupture de la relation de travail, une indemnisation complémentaire au titre d'une discrimination ou de la violation d'un droit fondamental ou d'une liberté publique. L'accumulation d'actions devant le juge social est fermée si le travailleur a déjà joint une demande de réparation à une action pénale contre l'employeur. 347 ( * ) Aucun plafond de dommages et intérêts n'est prévu à ce titre.

Lorsque le licenciement est jugé sans fondement, la sentence comprend systématiquement deux options : la réintégration du salarié avec le versement rétroactif des salaires ou l'indemnisation.

Le choix revient à l' employeur , qui dispose d'un délai de cinq jours. Son absence de réponse conduit à la réintégration du salarié. S'il opte pour l'indemnisation, il versera à la personne licenciée 33 jours de salaires par année de service dans la limite de 24 mois de salaire . 348 ( * ) L'indemnisation a fortement baissé lors de la réforme de 2012 puisqu'elle s'élevait auparavant à 45 jours de salaire par année d'ancienneté avec un plafond de 42 mois de salaire.

Annexe

Comparaison avec les indemnités pour licenciement économique 349 ( * )

Licenciement abusif

Licenciement économique

Suisse

. Au maximum 6 mois de salaire

. Au maximum 2 mois de salaire, s'il est requalifié en licenciement abusif

Allemagne

. Principe en cas de licenciement illicite ou socialement injustifié : réintégration

À la demande de l'employeur ou du salarié, appréciation du juge sur la capacité de poursuivre la relation de travail et passage en régime indemnitaire

Indemnité = 12 mois de salaire

Si le travailleur a plus de 50 ans et plus de 15 ans d'ancienneté, indemnité
= 15 mois de salaire

Si le travailleur a plus de 55 ans et plus de 20 ans d'ancienneté, indemnité
= 18 mois de salaire

. Un demi-mois de salaire par année dans l'entreprise

Belgique

. Si absence de motif grave ou non-respect du préavis, indemnité de congé égale aux rémunérations dues pendant la totalité de la durée du préavis

. Si licenciement manifestement déraisonnable, indemnité comprise entre 3 et 17 semaines de salaire

+ Si non-transmission ou mauvaise communication des motifs, amende de 2 semaines de salaire

. Indemnité égale à ½ de la différence entre rémunération nette de référence et allocations chômage pendant 4 mois

Italie

(nouveau régime réforme 2014-2015)

. Si licenciement discriminatoire, nul ou verbal, 15 mensualités en cas de refus du salarié d'être réintégré + indemnisation d'au moins 5 mois de salaire

. Si licenciement sans fondement, réintégration + paiement des salaires qui auraient dû être perçus dans la limite de 12 mois de salaire

. Si licenciement sans motif légitime, indemnité de 2 mois de salaire par année de service, total compris entre 4 et 24 mois de salaire.

.  Traitement de fin de relation de travail (TFR) dû à tous les salariés démissionnaires, licenciés ou partant en retraite et équivalent à la rémunération annuelle globale divisée par 13,5

Espagne

(nouveau régime réforme 2012)

. Si licenciement discriminatoire ou violant un droit fondamental, réintégration du salarié et versement rétroactif des rémunérations dues + possibilité d'accumulation d'actions devant le juge social pour dommages et intérêts sans plafond

. Si licenciement non fondé, au choix de l'employeur : réintégration ou indemnité de 33 jours de salaire par année de service dans la limite de 24 mois.

. 20 jours de salaire par année de service dans la limite de 12 mois de salaire


* 1 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 2 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 3 Lors de l'examen du projet de loi « Travail », le Sénat avait supprimé les accords de maintien de l'emploi (AME) au profit des accords de préservation et de développement de l'emploi (APDE).

* 4 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-745 DC, Loi relative à l'égalité et la citoyenneté, 26 janvier 2017.

* 5 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2016745DC2016745dc_ccc.pdf

* 6 Rien n'interdit cependant l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée d'une proposition de loi visant à ratifier une ordonnance sans modification, à la modifier voire à l'abroger, ni le dépôt d'un amendement parlementaire poursuivant l'un de ces objectifs pendant l'examen d'un texte.

* 7 Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour la rénovation sociale, 22 juin 2017, n° 393.357.

* 8 L'article L. 1 du code du travail dispose que tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle doit faire l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. A cet effet, le Gouvernement doit leur communiquer un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.

* 9 Loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social.

* 10 « La négociation collective, le travail et l'emploi », Jean-Denis Combrexelle, France Stratégie, septembre 2015, p. 79.

* 11 Source : compte-rendu de la réunion du Congrès du 3 juillet 2017, disponible sur : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/congres/20174001.asp#P980776.

* 12 Avis du Conseil d'Etat précité, point 3.

* 13 Devenu la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 14 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 15 « La négociation collective, le travail et l'emploi », Jean-Denis Combrexelle, France Stratégie, septembre 2015, p. 79.

* 16 Mission de préfiguration de la commission de refondation du code du travail, rapport au Premier ministre, Michel Yahiel, Emmanuelle Prouet, Antoine Naboulet, Hélène Garner, 29 avril 2017, p. 17.

* 17 Dans l'ensemble du présent rapport, sauf précision contraire, l'utilisation du terme « accord » désigne indifféremment les accords collectifs et les conventions collectives. Pour mémoire, les premiers ne portent que sur un ou plusieurs thèmes du code du travail, tandis que les seconds, qui sont conclus surtout au niveau de la branche, abordent toutes les thématiques du code du travail.

* 18 Ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés.

* 19 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, art. 42.

* 20 Art. L. 2253-1 du code du travail.

* 21 Art. L. 2253-2 du même code.

* 22 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20170710/soc.html

* 23 Art. L. 2232-10-1 du code du travail.

* 24 L'article L. 3322-9 du code du travail oblige les branches professionnelles à négocier un accord de participation avant le 30 décembre 2017, cet accord pouvant être appliqué directement au sein des entreprises. De même, l'article L. 3312-9 du code du travail prévoit qu'un régime d'intéressement, adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés, devra être négocié dans chaque branche avant cette même date.

* 25 Art. L. 2242-18 et L. 2242-19 du code du travail.

* 26 Art. L. 5125-1 à L. 5125-7 du code du travail.

* 27 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 28 Art. L. 2254-2 du code du travail.

* 29 Art. 22 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 30 Art. L. 1222-8 du code du travail.

* 31 Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.179.

* 32 Cass. soc., 8 juin 2016, n os 15-11.324 ; 15-11.478 à 15-12.021). La chambre sociale ne s'oppose pas à ce qu'un accord instaure une indemnité de logement ayant pour objectif de prendre en compte les spécificités de la fonction de chef d'agence et de cadre de direction.

* 33 Cass. soc., 3 novembre 2016, n°15-18.444. La chambre sociale juge que « les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ».

* 34 Avis du Conseil d'État sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour la rénovation sociale, 22 juin 2017, n° 393.357.

* 35 Art. 2224 du code civil.

* 36 p. 12.

* 37 Pour mémoire, l'administration du travail doit valider le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi fixé par accord collectif dans un délai de quinze jours (art. L. 1233-57-4 du code du travail), et homologuer une rupture conventionnelle dans un délai de quinze jours ouvrables (art. L. 1237-14 du même code).

* 38 p. 19.

* 39 Article 30 bis B du texte de la commission.

* 40 Ces dispositions étaient alors codifiées à l'article L. 1462-2 du code du travail.

* 41 La nécessité de prévoir des dates d'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance, mentionnée au 1°, h) de l'article 1 er de l'habilitation, ne s'applique pas au g) (modification de la périodicité et du contenu des consultations et des négociations obligatoires, et contenu de la base de données économiques et sociales), ni aux thèmes visés au 2° (voir infra).

* 42 Avis du Conseil d'État précité, point 7.

* 43 Conseil constitutionnel, décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, paragraphe n° 18.

* 44 Art. L. 2241-1 et L. 2241-2 du code du travail.

* 45 Art. L. 2241-3 du même code.

* 46 Art. L. 2241-4 du même code.

* 47 Art. L. 2241-5 du même code.

* 48 Art. L. 2241-6 du même code.

* 49 Art. L. 2241-7 du même code. En vertu de l'article L. 2241-9, cette négociation sur les classifications, tout comme celle sur les salaires, doit également porter sur les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

* 50 Art. L. 2241-8 du même code.

* 51 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, art. 12.

* 52 Art. L. 2241-13 du même code.

* 53 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, art. 19.

* 54 Art. L. 2323-10 à L. 2323-11 du code du travail.

* 55 Art. L. 2323-12 à L. 2323-14 du même code.

* 56 Art. L. 2323-15 à L 2323-27 du même code.

* 57 Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour une nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés, art. 12.

* 58 p. 14.

* 59 « La négociation collective d'entreprise en 2014 », Dares Résultats, n° 86, décembre 2016.

* 60 Art. L. 2391-1 du code du travail.

* 61 Art. L. 2232-21-1 du code du travail.

* 62 Art. L. 2232-23-1 du code du travail.

* 63 Art. L. 2232-22 du même code.

* 64 Art. L. 2232-24 du même code.

* 65 Art. L. 2232-26 du même code.

* 66 Art. L. 2232-27 du même code.

* 67 Lors de l'examen de la loi « Travail » au Sénat, un article additionnel (art. 10 A) avait été adopté en commission à l'initiative des rapporteurs, pour permettre aux employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés, pourvues d'institutions représentatives du personnel (DP ou CE) mais dépourvues de délégué syndical, de signer des accords collectifs directement avec ces institutions, quel que soit le thème abordé. L'article permettait également aux employeurs des entreprises de cette taille, dépourvues à la fois de délégué syndical et d'institutions représentatives du personnel, de faire approuver directement par les salariés, à la majorité des deux tiers du personnel, des projets d'accords portant sur l'intégralité des thèmes abordés dans le code du travail.

* 68 Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.

* 69 p. 20.

* 70 Art. L. 2232-21-1 du code du travail.

* 71 Art. L. 2232-24-1 du même code.

* 72 Art. L. 2232-12 du même code.

* 73 Art. L. 3132-25-3 du même code.

* 74 Art. L. 3333-2 du code du travail.

* 75 Selon l'étude d'impact de la loi « Travail », 374 branches comptaient moins de 5 000 salariés en 2012, 82 branches entre 5 000 et 10 000 salariés et 39 branches entre 10 000 et 15 000 (p. 172).

* 76 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 77 Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, commission des affaires sociales, 1 er juin 2016, p. 218.

* 78 Art. L. 2261-32 du code du travail.

* 79 p. 17.

* 80 L'article L. 3312-5 du code du travail prévoit que les accords d'intéressement peuvent être conclus à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet d'accord proposé par le seul employeur, sauf s'il existe dans l'entreprise des organisations syndicales représentatives ou un comité d'entreprise, auquel cas la demande doit être conjointe. Des dispositions similaires sont prévues pour les accords de participation à l'article L. 3322-6 du code du travail.

* 81 Salaires, santé, sécurité, application des conventions collectives, etc. (art. L. 2113-1 du code du travail).

* 82 Dont le champ s'étend aux conditions de travail et à l'emploi et qui comprend notamment l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

* 83 Lorsqu'il a connaissance de faits susceptibles d'affecter « de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise » (art. L. 2323-50).

* 84 Lorsqu'il constate une forte croissance du nombre de CDD et de contrats de travail temporaire dans l'entreprise (art. L. 2323-58 et L. 2323-59).

* 85 Loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 relative aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

* 86 Dans la limite d'un tiers de son budget annuel (art. L. 2323-10).

* 87 Art. L. 2325-1.

* 88 Cass. soc., 17 avril 1991, n os 89-17.993, 89-437.67, 89-43.770.

* 89 Loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.

* 90 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 91 Art. L. 2391-1 du code du travail.

* 92 C'est-à-dire signé par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

* 93 Art. L. 2312-2, L. 2322-2 et L. 4611-1.

* 94 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, art. 23.

* 95 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée, art. 3.

* 96 Art. L. 2322-2.

* 97 Ouvriers et employés ; cadres, ingénieurs et agents de maîtrise.

* 98 Art. L. 2314-24 et L. 2324-22.

* 99 Art. L. 2314-5 et L. 2324-8.

* 100 Art. L. 2316-1, L. 2328-1 et L. 4742-1.

* 101 Art. L. 2315-10.

* 102 Art. L. 2324-1.

* 103 Art. L. 2143-22.

* 104 Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-19.678.

* 105 Art. L. 2393-1.

* 106 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 107 Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés.

* 108 Art. R. 2323-1-1.

* 109 Ou quatre mois si une instance de coordination des CHSCT est mise en place.

* 110 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 111 Art. R. 4614-5-3.

* 112 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 113 Art. L. 2325-41-1.

* 114 Art. R. 4614-21.

* 115 Source : « Les représentants du personnel : quelles ressources pour quelles actions ? », Dares Analyses n° 84, novembre 2014.

* 116 Idem.

* 117 Idem, en 2011.

* 118 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 119 Art. L. 2325-42-1.

* 120 Art. R. 4614-18.

* 121 Art. L. 2232-16.

* 122 Cf. annexe 2 : note de synthèse sur les instances représentatives du personnel en Europe réalisée par la division de la législation comparée du Sénat.

* 123 Art. L. 3312-5.

* 124 Art. L. 3322-6.

* 125 Art. L. 2323-3 pour le comité d'entreprise et L. 4612-8 pour le CHSCT.

* 126 p. 14.

* 127 p. 34.

* 128 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, loi relative à l'égalité et à la citoyenneté, § 12.

* 129 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 130 Lorsque ceux-ci détiennent au moins 3 % du capital de l'entreprise.

* 131 Loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social.

* 132 Loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation.

* 133 Ou les deux organisations syndicales ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections professionnelles lorsque deux administrateurs doivent être désignés.

* 134 Art. 9.

* 135 « Bilan de la loi de sécurisation de l'emploi au 3 avril 2015 », disponible sur : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/CONFERENCE_THEMATIQUE_DU_3_AVRIL_2015_-_Bilan_de_la_loi_de_securisation_de_l_emploi.pdf

* 136 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 137 Art. 11, II.

* 138 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 139 Art. L. 2141-5.

* 140 Art. L. 6112-4.

* 141 Art. L. 2141-5-1.

* 142 Soit la CFDT, la CFE-CGC, la CGT et l'UDPA-Unsa.

* 143 Art. 7 de l'accord-cadre sur le droit syndical au sein du groupe Axa en France du 16 juin 2016.

* 144 Art. 8 de ce même accord.

* 145 Raphaël Hadas-Lebel, « Pour un dialogue social efficace et légitime : représentativité et financement des organisations professionnelles et syndicales », rapport au Premier ministre, mai 2006, p. 119.

* 146 Rapport de la commission pour la libération de la croissance française, sous la présidence de Jacques Attali, janvier 2008, décision 117, p. 108.

* 147 Medef, CPME (ex-CGPME), GCT, CFDT.

* 148 « Reconstruire le dialogue social », Institut Montaigne, juin 2011.

* 149 « La syndicalisation en France : paradoxes, enjeux et perspectives », Lettre Trésor-éco n° 129, mai 2014.

* 150 « Le fait syndical en entreprise : une feuille de route réformiste pour les années qui viennent », Terra Nova, CFDT, Unsa, avril 2017.

* 151 p. 28.

* 152 Dont la liste est définie par l'arrêté du 19 janvier 2017 fixant la liste des organismes dont les stages ou sessions sont consacrés à la formation économique, sociale et syndicale ; NOR : ETST1701898A.

* 153 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée, art. 33.

* 154 Source : « Les représentants du personnel : quelles ressources pour quelles actions ? », Dares Analyses n° 84, novembre 2014.

* 155 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 156 p. 29.

* 157 Thomas Breda, « Les délégués syndicaux sont-ils discriminés ? », Revue économique 2014/6 (Vol. 65), pp. 841-880.

* 158 Jérôme Bourdieu et Thomas Breda, « Des délégués syndicaux sous-payés : une situation de discrimination stratégique ? », Travail et Emploi, 145, janvier-mars 2016.

* 159 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 160 Art. L. 2141-5-1.

* 161 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 162 Luc Bérille, Jean-François Pillard, « Le développement de la culture du dialogue social en France », avis n° 2016-04, Conseil économique, social et environnemental, 24 mai 2016.

* 163 Lionel Marie, Jean-François Pillard, « Repérer, prévenir et lutter contre les discriminations syndicales », avis n° 2017-18, Conseil économique, social et environnemental, 13 juillet 2017.

* 164 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée, art. 1.

* 165 Dont la dernière édition s'est déroulée entre le 30 décembre 2016 et le 13 janvier 2017.

* 166 Source : Circulaire N° DGT/RT2/2017/191 du 1 er juin 2017 relative aux modalités de mise en place et de fonctionnement des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les salariés et les employeurs des entreprises de moins de 11 salariés.

* 167 Arrêté du 1 er juin 2017 portant attribution des sièges de membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour le mandat 2017-2021 ; NOR : MTRT1716360A.

* 168 CGT, FO, CFE-CGC, CFDT, CFTC, Unsa, Confédération générale du travail de la Guadeloupe, Union générale des travailleurs de Guadeloupe, Centrale démocratique martiniquaise des travailleurs, Centrale syndicale des travailleurs martiniquais, Union des travailleurs guyanais, Union régionale 974, Syndicat des travailleurs corses.

* 169 Medef, CPME, U2P.

* 170 p. 34.

* 171 Loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise.

* 172 Loi n° 86-1 du 3 janvier 1986 relative au droit d'expression des salariés et portant modification du code du travail.

* 173 Jean Chérioux, rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux libertés des travailleurs dans l'entreprise, n° 470 (1981-1982), 13 juillet 1982, p. 49.

* 174 p. 31.

* 175 Art. L. 2281-1 et L. 2282-2.

* 176 Art. L. 2283-1.

* 177 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 178 p. 34.

* 179 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 180 Cette organisation n'est aujourd'hui plus représentative au sein de l'entreprise et ne peut donc plus en bénéficier.

* 181 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 182 Art. L. 5143-1 du code du travail.

* 183 p 55.

* 184 Art. L. 1234-9 du code du travail.

* 185 Art. L. 1235-5, 2°, du code du travail.

* 186 p. 36.

* 187 Idem.

* 188 p. 37.

* 189 Amendement n° 743 rectifié.

* 190 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 191 https://www.senat.fr/seances/s201505/s20150507/s20150507014.html .

* 192 Idem.

* 193 L'amendement du Gouvernement SPE701 a été modifié par huit sous-amendements (SPE708, SPE703, SPE702, SPE704, SPE705, SPE706, SPE709 et SPE710).

* 194 L'article supprimait en effet le 2° de l'article L. 1235-5 du code du travail.

* 195 Art. L. 1451-1 du code du travail.

* 196 L'article L. 1132-1 du code du travail définit un grand nombre de cas de discriminations illégales, comme les sanctions subies par un salarié en raison de son origine, de de son sexe, de ses moeurs, ou de ses activités syndicales.

* 197 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, considérant n° 151.

* 198 Décision précitée, considérant n° 152.

* 199 Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés.

* 200 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 201 Décret n° 2013-721 du 2 août 2013 portant fixation du montant du barème de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 1235-1 du code du travail.

* 202 Décret n° 2016-1582 du 23 novembre 2016 modifiant le barème de l'indemnité forfaitaire de conciliation fixé à l'article D. 1235-21 du code du travail.

* 203 Décret n° 2016-1581 du 23 novembre 2016 portant fixation du référentiel indicatif d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-1 du code du travail.

* 204 Art. L. 1232-2 du code du travail.

* 205 Art. L. 1232-6 du même code.

* 206 p. 39.

* 207 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée, art. 21.

* 208 Prévu à l'article R. 1455-1 du code du travail, le référé est une procédure d'urgence faisant intervenir une formation restreinte composée d'un conseiller prud'homme salarié et un conseiller prud'homme employeur.

* 209 Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, rapport n° 661 (2015-2016) de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 1 er juin 2016, p. 472.

* 210 Circulaire d'application DE/DRT, n° 92/26 du 29 décembre 1992, BO travail, 5 juin 1993, p. 15.

* 211 Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-46.540, Bull. civ. V, n° 309.

* 212 Précis Dalloz de droit du travail 2008, Pélissier, Supiot et Jeammaud, n° 428.

* 213 p. 41.

* 214 Cette obligation concerne également les entreprises qui emploient au moins mille salariés dans les États membres de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen et qui comporte au moins un établissement employant au moins cent cinquante salariés en France.

* 215 Prévu aux articles L. 1233-77 à L. 1233-83 du code du travail, ce congé a pour objet de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d'accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail, au sein de l'entreprise ou dans d'autres sociétés. Pendant le congé de mobilité, le salarié perçoit son salaire habituel. Si le congé de mobilité dure plus longtemps que le préavis, la rémunération versée est fixée par accord collectif et s'élève au minimum à 65% de la rémunération brute moyenne des 12 derniers mois, sans être inférieure à 85% du Smic.

* 216 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 217 Etude d'impact au projet de loi «Travail», p. 264 : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/pl3600-ei.pdf.

* 218 Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, séance du jeudi 17 mars 2016, NOR : ETSX1604461L, point 26.

* 219 Idem.

* 220 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi précitée, art. 20, I.

* 221 Art. L. 1233-7 du code du travail.

* 222 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

* 223 Selon l'Insee, une zone d'emploi est un « espace géographique à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l'essentiel de la main d'oeuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ». Leur élaboration découle des données de flux de déplacements domicile-travail collectées lors des recensements de la population.

* 224 p. 44.

* 225 Décret n° 2015-1638 du 10 décembre 2015 relatif à la procédure de reclassement interne hors du territoire national en cas de licenciements pour motif économique.

* 226 Etude d'impact, p. 43.

* 227 Art. L. 1233-26 du code du travail. Un autre exemple de prévention des contournements de la législation des PSE est mentionné à l'article L. 1233-27 du code du travail.

* 228 Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, article 4, paragraphe 1.

* 229 p. 45.

* 230 Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail.

* 231 Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives.

* 232 Seules quelques différences mineures existent dans les conditions de recours à ces deux contrats. Contrairement au CDD à objet défini, un CTT ne peut pas être conclu sans terme fixe avec des ingénieurs et des cadres pour réaliser une mission dont la date de fin est inconnue. En outre, le recrutement d'un salarié intérimaire rencontrant des difficultés sociales et professionnelels peut être autorisé par un accord de branche étendu, alors que cette possibilité n'existe pas pour les CDD. De même, un accord de branche étendu peut autoriser un employeur à conclure un CTT avec une personne qui souhaite bénéficier d'un complément de formation professionnelle. Enfin, en cas d'accord entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise d'accueil, un CTT peut être conclu pour que le salarié suive une formation en apprentissage.

* 233 Art. L. 1242-5 et L. 1242-6 du code du travail.

* 234 Art. L. 1251-9 et L. 1251-10 du code du travail. Ce dernier article autorise un employeur à embaucher un médecin du travail en CTT, alors que l'article L. 1242-6 n'autorise pas son embauche en CDD.

* 235 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 précitée.

* 236 Art. L. 1242-8 du code du travail.

* 237 Art. L. 1251-12 du code du travail.

* 238 Ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017 relative à la prise en compte de l'ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction.

* 239 Les régimes juridiques diffèrent seulement sur un point. En effet, le délai de carence s'applique aux CTT conclus avec des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles ou souhaitant bénéficier d'un complément de formation professionnelle, alors qu'il ne s'applique pas si ces mêmes personnes concluent un CDD.

* 240 p. 58.

* 241 Art. L. 3122-2 du code du travail.

* 242 Art. L. 3122-3 du même code.

* 243 Art. L. 3122-4 du même code.

* 244 Art. L. 3122-5 du même code.

* 245 Cass, crim., 2 septembre 2014, n° 18-83.304.

* 246 Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-24.851.

* 247 p. 58.

* 248 p. 50.

* 249 « L'avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud'homal du XXI e siècle », Alain Lacabarats, rapport à la garde des sceaux, ministre de la justice, juillet 2014, pp. 59-60.

* 250 En application de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

* 251 Art. L. 1423-13 du même code.

* 252 Par l'article 258 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

* 253 Art. L. 1454-1 du même code.

* 254 Art. L. 1454-2 du même code.

* 255 Art. L. 1454-1-1 du même code.

* 256 p. 50.

* 257 Référé de la Cour des comptes sur le régime fiscal et social des indemnités de licenciement et de rupture conventionnelle du contrat de travail, adressé à Madame Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, 11 octobre 2016, Ref : S2016-2876.

* 258 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 259 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 260 L. 1235-16 du code du travail.

* 261 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-742 DC du 22 décembre 2016, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, considérant n° 74.

* 262 Soit le fait de rendre obligatoire les stipulations d'un accord de branche pour tous les salariés et employeurs relevant de ce champ professionnel.

* 263 Soit le fait de rendre obligatoire, dans un secteur d'activité où la carence du dialogue social rend impossible la conclusion d'un accord de branche, les stipulations d'un accord déjà étendu dans une branche présentant des conditions d'emploi analogues.

* 264 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 265 Art. L. 2261-25.

* 266 Conseil d'État, 21 novembre 2008, n° 300135.

* 267 Lois n° 2014-288 du 5 mars 2014 et n° 2016-1088 du 6 août 2016 précitée.

* 268 Art. L. 2261-32, III.

* 269 Conseil d'État, 12 mai 2017, n° 381870.

* 270 Art. L. 2261-17.

* 271 Art. L. 2261-32, II.

* 272 Alors qu'en l'état actuel du droit seul l'élargissement de l'ensemble d'un accord de branche est possible.

* 273 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 précitée.

* 274 C'est-à-dire qui sont présentes et représentatives dans les quatre champs que sont l'industrie, la construction, le commerce et les services.

* 275 Art. L. 2152-3.

* 276 Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, art. 42.

* 277 FNSEA dans l'agriculture, UNAPL pour les professions libérales, Udes pour l'économie sociale et solidaire, Fesac pour le spectacle vivant et enregistré.

* 278 Art. L. 2135-10.

* 279 Art. L. 2135-11.

* 280 Art. D. 2135-30.

* 281 Art. D. 2135-31.

* 282 Art. L. 2135-13 et R. 2135-28.

* 283 Décret n° 2015-87 du 28 janvier 2015 relatif au financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs.

* 284 Notamment sur la répartition des sièges au sein de son conseil d'administration.

* 285 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 précitée.

* 286 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 287 Loi n° 2015-996 du 17 août 2015 précitée.

* 288 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant la justice et l'avenir de notre système de retraites.

* 289 Art. D. 4161-2.

* 290 Travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, travail en milieu hyperbare.

* 291 Et non le 1 er janvier 2016 comme prévu à l'origine, à la suite de la prolongation de ce délai initial par le décret n° 2015-1888 du 30 décembre 2015 relatif à la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité et à la modification de certains facteurs et seuils de pénibilité.

* 292 Rapport Sirugue-Huot-De Virville de mai 2015 sur la simplification et la sécurisation du compte ; rapport Lanouzière sur la définition du travail répétitif comme facteur de pénibilité de septembre 2015.

* 293 Loi n° 2015-996 du 17 août 2015 précitée.

* 294 L'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît par conséquent la libre prestation des services : « les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation ».

* 295 Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.

* 296 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

* 297 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 298 https://www.sipsi.travail.gouv.fr

* 299 p. 68.

* 300 Déclaration d'Emmanuel Macron le 28 mars 2017 lors de la présentation de son programme devant le Medef.

* 301 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 302 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

* 303 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

* 304 Loi du 13 juillet 1906 établissant le repos hebdomadaire en faveur des employés et des ouvriers.

* 305 Et dont la liste est fixée à l'article R. 3132-5 du code du travail.

* 306 Art. L. 3132-25-3.

* 307 Art. L. 3132-25-4.

* 308 Loi n° 2009-974 du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.

* 309 Art. L. 3132-25.

* 310 Art. L. 3132-25-1.

* 311 En application du IX de l'article 21 de la loi « Travail » n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée, ces accords doivent désormais être conclus par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles et non plus 30 %.

* 312 Amendement n° 2048 ; Assemblée nationale, deuxième séance du samedi 14 février 2015.

* 313 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée.

* 314 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 précitée.

* 315 Dans la présente note par souci de simplicité, on emploie le terme d'entreprise de façon large, pour couvrir les établissements. On négligera par souci de simplicité de distinguer les représentations emboîtées au niveau de l'établissement, de l'entreprise et du groupe.

* 316 Modèle du shop steward.

* 317 On rappelle qu'il n'existe pas en Suisse de code du travail et que le contrat de travail relève du droit civil et est régi par le code des obligations. Néanmoins, certaines lois spécifiques règlent diverses questions comme la participation ou la santé et la sécurité au travail.

* 318 Doit d'abord intervenir une demande d'élection de représentants par 1/5 e des travailleurs ou 100 salariés dans les entreprises qui en comptent plus de 500, puis cette demande est soumise à un vote. Si la majorité des votants y est favorable, l'élection est organisée par l'employeur et les travailleurs.

* 319 Deux précisions sont nécessaires : 1°- les délégués syndicaux ont la priorité pour siéger comme représentants des salariés. Ce n'est qu'en vertu d'un nouvel accord national entre LO et DA, en février 2004, que des salariés n'appartenant pas à LO ont pu dans certaines conditions être élus pour compléter la représentation des employés au sein du comité de coopération ; 2°- le personnel d'encadrement est compté du côté des représentants de la direction.

* 320 Sanctionné le 20 décembre 1993 par un accord collectif interconfédéral.

* 321 Les syndicats non signataires, typiquement non reliés à une confédération nationale, ne le peuvent que sous des conditions très strictes et difficiles à remplir.

* 322 Des votes de préférence sont exprimés en faveur des candidats individualisés au sein des listes ; c'est le nombre de votes de préférence obtenus qui définit l'ordre d'élection à la RSU des candidats inscrits sur les listes.

* 323 Decretto-legge n°138/2011.

* 324 Fiat a quitté en 2012 l'organisation patronale Cofindustria, pour ne plus être partie à l'accord national de la métallurgie et pour négocier ces propres accords d'établissement.

* 325 Dans les entreprises de 6 à 10 salariés, la représentation est possible si la majorité des travailleurs en décide ainsi.

* 326 C'est moins vrai dans de très grandes entreprises, notamment de l'automobile, qui négocient pour l'ensemble de leurs établissements des accords collectifs avec les organisations syndicales de la branche.

* 327 Les leitende Angestellte sont définis comme les salariés ayant le pouvoir d'employer ou de licencier, ou exerçant un pouvoir de représentation (Prokura ou Generalvollmacht) ou effectuant des tâches importantes nécessitant une expertise particulière et libres de prendre certaines décisions.

* 328 Le conseil d'entreprise ne peut refuser son approbation que pour l'un des motifs limitativement énumérés par la loi : illégalité, contradiction avec les lignes directrices en matière d'emploi sur lesquelles se sont entendus le conseil et la direction, préjudice injustifié que subiraient les salariés actuels, mesure individuelle défavorable et injustifiée, omission de publication d'annonce en interne, menace sérieuse sur la paix de l'entreprise du fait du comportement individuel du salarié en cause.

* 329 Le conseil d'entreprise peut prévoir d'instaurer une instance de conciliation permanente.

* 330 §11 Arbeitssicherheitsgesetz - AsiG.

* 331 §88 Arbeitnehmerinnenschutzgesetz - AschG. Le seuil peut être relevé à 250 employés dans certains secteurs industriels.

* 332 §106 BeVG.

* 333 Sprecherausschussgesetz -SprAuG du 20 décembre 1988.

* 334 §60 BeVG.

* 335 À ces motifs abusifs s'ajoute, pour les licenciements collectifs, le non-respect de la procédure de consultation.

* 336 Maladie de longue durée ou fréquente, retrait du permis pour les chauffeurs-livreurs, retrait du permis de travail pour les étrangers sont autant de motifs personnels validés par le Tribunal fédéral du travail.

* 337 Absences répétées, usage massif de l'Internet au travail à des fins privées, harcèlement d'un collègue par exemple.

* 338 Elle s'applique aussi aux salariés embauchés avant le 1 er janvier 2004 dès lors que l'entreprise compte plus de 5 salariés.

* 339 À moins d'être, sous conditions, étendus par arrêté du ministre du travail, les Tarifverträge n'ont pas d'efficacité erga omnes mais seulement pour les parties et les personnes qui en dépendent (affiliés au syndicat, salariés de l'entreprise).

* 340 Cour de cassation de Belgique (1 ère ch.), arrêt du 10 septembre 1971

* 341 Sont visés dans cet arrêt les articles 52, § 1er, alinéas 2 à 4, et 59 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, qui ne sont pas conformes aux articles 10 et 11 de la Constitution belge.

* 342 « Une convention collective de travail (CCT) est un accord conclu entre une ou plusieurs organisations syndicales et une ou plusieurs organisations patronales ou un ou plusieurs employeurs, fixant les relations individuelles et collectives de travail entre employeurs et travailleurs d'entreprises ou d'une branche d'activité et réglant les droits et devoirs des parties contractantes. Elle constitue une source de droit extrêmement importante dans le droit du travail et a obtenu un statut juridique plein et entier grâce à la loi du 5 décembre 1968 relative aux conventions collectives de travail et aux commissions paritaires (dite « loi sur les CCT »). Une CCT intersectorielle conclue au sein du Conseil National du Travail (CNT) par les organisations représentatives représentées par au moins 90% des membres représentant les employeurs et au moins 90 % des membres représentant les travailleurs a un champ d'application qui s'étend aux différentes branches d'activité et à tout le pays ». cf. http://www.emploi.belgique.be/cctinfo/

* 343 Inaptitude du salarié, inadaptation aux évolutions techniques nécessaires pour son poste de travail, absences répétées, autres causes économiques et organisationnelles ne donnant toutefois pas lieu à un licenciement collectif économique, insuffisantes garanties budgétaires consignées pour l'exécution de plans et programmes publics.

* 344 La relation de service (Dienstverhältnis) intègre la relation de travail (Arbeitsverhältnis).

* 345 NB - L'employeur et l'employé peuvent trouver un accord afin d'éviter de recourir au juge. Dans ce cas, l'employeur peut octroyer une somme correspondant à un mois de la dernière rémunération par année d'ancienneté dans l'entreprise, le total devant être compris entre 2 et 18 mensualités. L'acceptation de cette offre vaut renonciation à contestation du licenciement. Des sommes supplémentaires peuvent être accordées afin d'« éteindre toute obligation encore en suspens dérivant de la relation de travail » (art. 6 D. L. 23/2005).

* 346 En revanche, si une contre-réforme venait à abroger le Jobs Act et le décret législatif 23/2015, alors le dispositif des lois de 1966 et 1970 retrouverait sa pleine efficacité.

* 347 Ley 36/2011 art. 26 ap. 2., 183 & 184.

* 348 Stricto sensu, cette règle ne s'applique qu'aux contrats signés avant l'entrée en vigueur de la Ley 3/2012 , le 12 février 2012. Pour les contrats antérieurs, l'indemnisation est mixte : 45 jours de salaires pour les années d'emploi avant 2012 et 33 jours de salaires par année après 2012.

* 349 Pour plus de détails on renvoie à l'étude de législation comparée n°273 de 2016 sur les licenciements économiques http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/lc273-notice.html

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